Bibliothèque de l’Action française (p. 173-176).


LA PAUVRE MAISON GRISE




C’est une pauvre maison grise
Au seuil difforme, au sombre toit,
Si petite hélas ! sous la brise
Qu’avec peine en route on la voit.

Près d’une colline lointaine
Où le blé croît avec orgueil,
L’herbe recouvre sa fontaine,
La mousse dévore son seuil.


Et sa rustique cheminée,
Comme ses auvents mal bâtis,
Sert à cacher la destinée
De l’hirondelle et ses petits…

Mais par la plaine, en la rosée,
Chantant leur amour, leur espoir,
Le pied très sûr, la peau bronzée,
Les siens reviennent chaque soir…

Qu’elle soit basse et décrépite,
Qu’elle soit laide et sans couleur,
Pour tous les êtres qui l’habitent
Cette humble maison, c’est la leur…


Cette demeure désuète
Au toit noir, aux tristes volets,
Cette rigide maisonnette
Pour eux vaut autant qu’un palais.

Car en cette retraite obscure
Au temps des lilas embaumés,
Avec leur âme ardente et pure
Des amoureux s’y sont aimés…

Avec la tendresse suprême
Qui fait tous les cœurs oppressés,
Ils se sont murmuré : je t’aime,
Et leurs doigts se sont enlacés…


Ah ! quelle que soit l’existence
L’homme s’attache pour toujours
À la maison de son enfance,
À la maison de ses amours.

Et plusieurs ont cette hantise
Et le souvenir bien touchant
De cette pauvre maison grise
Qui leur sourit au bout du champ !…