Bibliothèque de l’Action française (p. 59-63).



POÈMES HÉROÏQUES


« On a devant ceux que la tourmente a

crucifiés le respect qu’impose le silence

des temples ».
Pierre Aquétant


DOLLARD DES ORMEAUX

"Ils sont les vivants et nous sommes les morts”
Pierre Aguétant


I


Nom charmant, nom sublime, à Dollard des Ormeaux !
Qu’il est de force, qu’il est de grâce en ces mots !
Ce nom chante comme un printemps dans les broussailles
Éclate comme un feu dans l’ardeur des batailles,
S’élève et vibre ainsi que l’onde aux flots rythmés,
Est doux comme le nom des êtres bien-aimés !
Il était noble et jeune, il venait de la France ;
Son grand cœur était plein de force et d’espérance
Son cerveau ne formait que de nobles desseins,
Son rêve était celui des héros et des saints…
Avec joie il est mort pour sauver la patrie !
Chantons partout son nom avec idolâtrie,
Car son corps est tombé tout couvert de son sang,
Et son nom glorieux brille, resplendissant…


II


Mais qu’à nos yeux ta gloire est futile, ô jeune homme,
Et que nous sommes loin de tout ce que l’on nomme
Héroïsme, vertu, bravoure, dignité !
Que notre ombre, ô Dollard, est loin de ta clarté !
Le monde, vil troupeau qu’une eau stagnante abreuve,
Ne voyant rien de grand qui l’attire ou l’émeuve,
Sceptique, et dévoré du feu de son désir,
S’élance éperdument vers l’ignoble plaisir !
Ce port majestueux, cette superbe ville
Que tu sauvas jadis de l’embuscade vile,
Où ton ombre sans doute a plané bien souvent,
Montréal n’est plus qu’un repaire où tout se vend,
Où le vice croupit dans des greniers immondes,
Où l’on voit — groupe sombre et troupes vagabondes —
Serrant leurs vils écus entre leurs poings maudits,
Dans les bouges joyeux ricaner les bandits !…


III


Du coteau verdoyant où ta blanche statue
Évoque ta grandeur, et ta voix qui s’est tue,
O mort, — Toi qu’on devrait ne nommer qu’à genoux —
Que ta grande âme plane encore autour de nous !
Que ton geste pétri de vaillance et d’adresse
Renaisse foudroyant ! Que ton grand corps se dresse,
Et que ton œil hautain veille sur la cité
Où de lâches vendeurs trahissent la Beauté !
Que ton front rayonnant de gloire et de souffrance
Éclaire l’avenir de notre jeune France,
Et pour nous enflammer aux ardeurs d’autrefois
Que ta muette bouche ait encore une voix !…