La guerre de 1870, simple récit/Avant la guerre

Librairie Ch. Delagrave (p. 7-12).


LA GUERRE DE 1870

SIMPLE RÉCIT



AVANT LA GUERRE


Relations de la France et de la Prusse. — Au siècle dernier, la Prusse n’était qu’un très petit royaume, gouverné par des princes ambitieux, d’humeur guerrière. Une succession de guerres heureuses agrandirent leurs États, et la Prusse est devenue l’une des principales puissances de l’Europe.

Entre elle et la France, il n’y a jamais eu d’amitié. La guerre de 1870, à la suite de laquelle la France a été mutilée et amoindrie, n’a pas mis fin à la rivalité des deux peuples. Tous deux restent sous les armes, car nous ne sommes pas résignés à la perte de nos deux provinces d’Alsace et de Lorraine, si fermement unies de cœur avec nous.

En 1806[1], l’armée prussienne avait été vaincue et détruite à Iéna, par Napoléon.

Jusqu’en 1813, des garnisons françaises avaient occupé le royaume de Prusse ; mais les revers succédèrent à nos victoires et, lorsqu’en 1814 et en 1815 les armées coalisées de l’Europe envahirent la France, les Prussiens se montrèrent les plus acharnés de nos ennemis. Il fallut l’intervention généreuse de l’empereur de Russie, Alexandre, pour empêcher le démembrement de notre pays.

La France se releva promptement de ces épreuves et une série de guerres glorieuses en Afrique, en Crimée, en Italie, au Mexique lui permirent de reprendre le premier rang comme puissance militaire.

Ces souvenirs doivent être rappelés, parce qu’ils peuvent nous consoler des malheurs récents et nous donner espoir dans l’avenir.




RÉSUMÉ DES GUERRES MODERNES


Conquête de l’Algérie (1830-1856). — Depuis plusieurs siècles, les pirates algériens infestaient la Méditerranée, et les efforts faits, à diverses reprises, par des escadres françaises et espagnoles pour réprimer cette piraterie, n’avaient amené aucun résultat.

En 1827, le dey d’Alger insulta le consul de France ; comme il ne fut pas possible d’obtenir réparation de cet outrage, une armée française débarqua en Algérie. Elle s’empara d’Alger (1830). La conquête s’étendit successivement sur l’Algérie entière. Mais les populations arabes étaient vaillantes et guerrières ; la lutte fut longue et la prise de possession ne fut assurée qu’après la soumission de la Kabylie, en 1856.

C’est à cette grande école des guerres d’Afrique que se formèrent les généraux et les soldats dont la bravoure allait illustrer le nom français en Crimée et en Italie.


Guerre de Crimée (1854-1855). — En 1854, l’Empereur Napoléon III s’allia avec l’Angleterre et la Turquie contre la Russie. Une armée franco-anglaise fut transportée en Crimée dans le but de détruire le grand port de Sébastopol, principal arsenal maritime de la Russie dans la mer Noire. Les Russes y amenèrent des forces considérables et résistèrent pendant une année entière. L’hiver extrêmement rigoureux, le choléra, les travaux et la garde des tranchées, les combats fréquents firent éprouver de grandes pertes. Environ 100 000 Français périrent en Crimée.

Enfin, le 5 septembre 1855, un dernier assaut nous rendit maîtres des hauteurs de Malakoff[2] qui dominaient la ville. La paix fut conclue peu après.

Pendant ce long siège, il n’y eut jamais d’animosité entre les Français et les Russes, qui profitaient, au contraire, de toutes les suspensions d’armes pour fraterniser. L’amitié qui unit aujourd’hui les deux armées et les deux nations, commença sur les champs de bataille de Crimée.


Guerre d’Italie. — En 1859, une armée française soutint le Piémont[3] contre l’Autriche.

Cette campagne dura deux mois seulement. Les victoires de Montebello, de Palestro, de Turbigo, de Magenta[4], de Solferino assurèrent l’indépendance italienne.

Le roi de Piémont acquit une partie des provinces qui appartenaient à l’Autriche ou qui formaient des duchés indépendants ; il prit le titre de roi d’Italie et transféra sa capitale de Turin à Florence[5]. D’accord avec les vœux des populations, consultées par un vote, le Piémont céda à la France la Savoie et une partie du comté de Nice, pays de langue française, situés sur le versant occidental des Alpes et dont les intérêts ne pouvaient se confondre, à l’avenir, avec ceux du nouveau royaume d’Italie.

La Savoie forma les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Le comté de Nice forma le département des Alpes-Maritimes.

Cette guerre ne laissa pas d’aigreur entre la France et l’Autriche, qui s’étaient loyalement combattues. Des rapports amicaux se rétablirent bientôt entre elles.


Expédition de Syrie (1860). — À peine la guerre d’Italie était-elle terminée qu’un petit corps expéditionnaire dut être envoyé en Syrie pour protéger les populations chrétiennes contre les violences des musulmans fanatiques.

La protection des chrétiens d’Orient est une des nobles traditions du passé auxquelles la France a toujours tenu à honneur de rester fidèle.


Expédition du Mexique (1862-1867). — En 1862, l’empereur Napoléon iii se laissa entraîner dans une expédition lointaine au Mexique. Il voulait obtenir du gouvernement mexicain le règlement de certains intérêts financiers et, en intervenant dans les affaires politiques de ce pays, alors déchiré par la guerre civile, il espérait, en outre, accroître le prestige et l’influence extérieure de la France.

Cette guerre présenta des difficultés imprévues. La résistance de la ville de Puebla nécessita un siège long et meurtrier (1863).

L’armée française, sous les ordres du maréchal Forey, occupa Mexico et fit proclamer empereur l’archiduc Maximilien d’Autriche[6]. Le nouveau gouvernement ne put se consolider, et lorsque l’armée rentra en France, en 1867, l’empereur Maximilien fut fait prisonnier par le parti républicain et fusillé.


Tandis que pendant ces vingt années de guerre, de 1855 à 1867, la France prodiguait son sang et ses trésors pour soutenir des intérêts qui lui étaient étrangers, la Prusse continuait l’œuvre patiente de son organisation militaire et se préparait à dominer l’Allemagne.

Guerre entre la Prusse et l’Autriche. — L’Allemagne était alors divisée en un certain nombre d’États, qui formaient la Confédération germanique. La Prusse et l’Autriche s’y disputaient la suprématie.

En 1866, la guerre éclata entre ces deux puissances. La plupart des États allemands, c’est-à-dire le royaume de Bavière, le royaume de Hanovre, le royaume de Wurtemberg, le royaume de Saxe, le grand-duché de Hesse, etc., prirent parti pour l’Autriche. La Prusse avait pour alliée l’Italie.

La grande victoire de Sadowa[7] décida de la paix.

La Prusse s’empara des États du roi de Hanovre et du grand-duc de Hesse ; elle imposa ses volontés au reste de l’Allemagne.

L’Autriche dut céder la Vénétie à l’Italie, l’alliée de la Prusse.

L’empereur Napoléon iii, qui était engagé dans l’expédition du Mexique, n’intervint pas dans cette guerre. M. de Bismarck, alors ambassadeur en France, s’était assuré de sa neutralité bienveillante, en lui laissant faussement espérer que, par compensation des agrandissements que la Prusse réaliserait, la France pourrait acquérir quelques pays de la rive gauche du Rhin, comme elle avait acquis Nice et la Savoie en compensation de l’agrandissement du royaume de Piémont, en 1860.

Mais, après la victoire de Sadowa, Bismarck changea de ton ; les relations entre la France et la Prusse devinrent dès lors très tendues. Il était à prévoir que, tôt ou tard, la guerre éclaterait entre elles. La France attendait une occasion et la Prusse la cherchait.

  1. Voir l’Appendice.
  2. Le maréchal Pélissier, qui commandait l’armée française, reçut le titre de duc de Malakoff.
  3. Le Piémont était un petit royaume qui comprenait une partie de l’Italie du nord et la Savoie. Sa capitale était Turin.
  4. Le maréchal de Mac-Mahon, à la valeur duquel était due la victoire de Magenta, reçut le titre de duc de Magenta.
  5. Toute l’Italie ne fut pas encore réunie en un seul royaume. L’Autriche conservait la Vénétie ; le Pape possédait Rome et les États de l’Église ; l’Italie méridionale et la Sicile formaient le royaume des Deux-Siciles, capitale Naples.

    En 1870, lorsque la garnison française qui protégeait l’indépendance du Pape, fut rappelée, les Italiens occupèrent Rome et en firent leur capitale.

  6. Après l’occupation de Mexico, le maréchal Forey fut remplacé dans son commandement par le maréchal Bazaine.
  7. Sadowa, localité de Bohême.