V

Tout de suite, ils avaient commencé à vivre leur vie de là-haut, qui allait être pendant trois mois la même vie.

Ils se mettaient à traire avant cinq heures du matin, besogne qu’ils faisaient en commun ; ensuite le maître et son neveu allumaient le feu sous la grande chaudière en cuivre suspendue à un bras mobile.

Ils étaient trois alors qui partaient avec le troupeau, levant leurs bâtons derrière le troupeau ; c’étaient d’ordinaire Joseph, Romain et le boûbe.

Le maître et son neveu restaient dans le chalet pour les travaux de l’intérieur ; eux trois, partaient avec les bêtes, parce qu’on ne les laisse pas brouter à leur fantaisie, ni où elles veulent, et on a soin de les changer de place chaque jour, de manière que toute l’herbe soit utilisée ; — deux hommes donc dans le chalet et puis trois avec le troupeau ; restaient Barthélemy et Clou qui étaient occupés, eux, dans le voisinage du chalet.

Barthélemy, ce matin-là, allait et venait avec sa brouette ; Clou, lui, était un peu en dessous du chalet, avec son outil. C’était une place où l’eau qui descendait de la paroi avait une tendance à séjourner, gâtant les racines de l’herbe ; alors il fallait lui percer une issue qui lui permît d’aller plus bas où on en manquait. Il y a ainsi un grand nombre de ces petits travaux de toute sorte dans les montagnes ; il y en a plus que de quoi vous occuper tout le long du jour, si on veut se donner la peine de les bien faire : mais Clou pour le moment ne faisait rien. Comme un mouvement de terrain empêchait qu’on pût le voir, il s’était assis, fumant sa pipe, et était en train d’examiner minutieusement les rochers en face de lui, les parcourant des yeux d’un bout à l’autre, à cause des cachettes qu’il y avait là sûrement, mais il faut d’abord connaître où on aurait le plus de chances d’en trouver ; — pendant que Barthélemy donc allait et venait devant le chalet, et que le maître et son neveu étaient en train de faire la cuite.

Un moment se passa encore. Ce fut pendant que le maître et son neveu étaient toujours devant le foyer, mais un moment plus tard : tout à coup, il leur a semblé qu’il se faisait une diminution de jour dans la pièce, comme si on se tenait debout dans l’ouverture de la porte, et en effet on se tenait debout dans l’ouverture de la porte, pourtant ni l’un ni l’autre ne s’était retourné.

La voix, quand elle est venue, leur est venue depuis derrière ; ils n’ont reconnu que c’était Barthélemy qu’à sa voix.

On disait :

— Vous n’avez rien entendu, cette nuit ?

Le maître continua un instant à faire tourner avec une pelle de bois la masse du lait dans la chaudière ; puis le maître, sans qu’on pût deviner si c’était à lui plus particulièrement que Barthélemy s’était adressé, mais il était le maître :

— Non.

Ne s’étant toujours pas retourné, et Barthélemy : « Alors bon… Si vous n’avez rien entendu… »

Il était éclairé sur l’épaule et autour de sa barbe par le jour ; il était éclairé sur le devant de sa personne par le feu ; il se tenait debout dans l’ouverture de la porte ; il a dit :

— Parce que, l’autre fois, ça avait commencé comme ça… Alors je me suis demandé si vous avez entendu marcher cette nuit, parce que l’autre fois on avait entendu marcher, et moi, cette nuit, il m’a bien semblé entendre marcher, mais si vous n’avez rien entendu, peut-être que je me suis trompé…

Bredouillant ces choses dans sa barbe ; mais le maître s’impatientait.

Il s’était tourné, cette fois, vers Barthélemy :

— Enfin, vous, vous avez votre papier, ou quoi ?

— Oui.

— Et, à ce que vous dites vous-même, avec votre papier, vous ne risquez rien.

— Non, pas moi.

— Eh bien, laissez-nous tranquilles…

Disait le maître impatienté, puis qui avait à surveiller sa cuite, ce qui est une opération délicate :

— Nous autres, on s’arrangera toujours.

Il avait haussé les épaules ; Barthélemy n’avait pas insisté, s’étant remis à pousser sa brouette ; et déjà la journée s’avançait, faisant aller le soleil vers le milieu de la bande de ciel qui était tout ce qui pouvait s’en apercevoir au-dessus de cet étroit corridor, où on va être pendant trois mois, nous autres, sans voir personne, sans rien voir justement que le soleil qui est promené toujours dans le même sens, au-dessus de nous, en ligne droite, comme s’il pendait à un câble.

Il y a eu cette première journée plutôt courte quant au soleil qui est vite caché pour nous. Vers les cinq heures déjà, on l’a vu qui commençait à être attaqué et à être mordu dans sa partie d’en bas. Ce jour-là, c’était une sorte de corne surmontant une des arêtes ; elle est entrée en coin dans le bas du soleil, comme quand on veut fendre une souche.

Le soleil fut fendu, en effet, d’un bord à l’autre. On voyait là-haut ses deux parties s’écarter toujours plus ; puis elles tombèrent chacune de son côté, comme si elles allaient vous rouler dessus. Deux gros tisons d’un rouge sombre, qui cependant restaient suspendus, mais ont vite diminué de grosseur. Et, ensuite, ce fut comme si la corne, puis la paroi la supportant se mettaient à pencher, penchaient de plus en plus ; et elles ont laissé se détacher d’elles leur ombre, comme un vêtement qu’elles quitteraient. Il n’y avait plus de soleil. Il n’y avait plus que cette grande ombre qui a été sur nous, puis on l’a vue courir en arrière de nous grimpant aux pentes avec une grande vitesse, les pentes d’herbe d’abord, puis les premiers rochers, et un peu moins vite à ces premiers rochers ; tandis que les choses changeaient d’aspect, et la couleur de tout et même le climat changeaient.

On passait tout d’un coup d’une des saisons de l’année à l’autre, et du cœur de l’été à une fin d’automne, sans aucune préparation, en même temps qu’on tombait de plusieurs heures dans la journée et vers la nuit. Le soleil caché, c’est déjà ici comme si la journée était finie : c’est pourquoi elles sont si courtes.

Déjà Joseph et Romain se préparaient à aller chercher le troupeau.

On ne savait pas bien où était Clou, on ne savait jamais très bien où il était. Le vieux Barthélemy allait et venait toujours avec sa brouette.

Le maître et son neveu étaient venus s’asseoir au pied du mur en pierres sèches du chalet, où on continuait à avoir la bonne chaleur du soleil dans le dos, le mur étant resté chaud de lui comme un poêle de son feu.

Ils attendirent là que le troupeau fût revenu, ensuite ils se sont levés, en même temps que tout le monde revenait, parce qu’il y avait de nouveau les bêtes à traire, à quoi ils se sont mis tous les sept, pendant qu’à présent il semblait que la nuit ne viendrait jamais plus, à cause de la continuation autour de vous de cette demi-obscurité sans changement, et avec l’éclairage aussi des lampes roses, sur les neiges, sur les plus hautes pointes, au sommet du glacier.

Ils ont trait, ils ont eu fini de traire ; les lampes, là-haut, n’étaient toujours pas éteintes.

Romain s’était mis à faire la soupe, elles éclairaient toujours.

Et encore un peu de temps se passe avant que la première commence à pâlir, comme elle a fait pourtant enfin ; les charbons ont rougi tout en s’enveloppant d’une fine cendre grise, à travers laquelle ils ont essayé de briller encore, mais déjà ils ne pouvaient plus ; — à ce moment, les hommes sont rentrés l’un après l’autre dans le chalet en traînant les pieds, puis ont poussé la porte.

Et ce fut un peu plus tard autour du feu, parce qu’ils étaient venus s’asseoir autour du feu. Ils étaient assis en cercle. À côté du maître, il y avait le neveu, puis on passait à Joseph, puis à Barthélemy. Barthélemy faisait face à la paroi du fond, et cette paroi n’était pas comme dans les maisons ordinaires faite de main d’ouvrier avec des pierres mises l’une sur l’autre : c’était la paroi même de la montagne, c’est-à-dire un ouvrage de la nature, et non de l’homme, mais de Dieu. C’était l’assise de la grande arête et la base du mur naturel avec la roche naturelle ; il y avait dessus de larges plaques d’humidité qui brillaient à la lueur du feu. Il y avait cette paroi ; il y avait en face de la paroi la figure de Barthélemy, également éclairée plus ou moins, à cause de la lueur augmentant, puis diminuant par larges cercles, qui faisaient bouger et changer de place les objets dans la pièce. Une figure toute plissée, couleur de peau de jambon, de couenne de lard, la barbe plus large que longue et semblable à de l’herbe sèche, des petits yeux, un tout petit nez, une bouche qu’on ne voyait pas (et on n’en devinait la place qu’à la direction que prenait le tuyau de la pipe en s’enfonçant sous la moustache). Barthélemy faisait face à la paroi, les bras sur les genoux, la tête en avant, entre Joseph et Romain, puis venaient à sa droite Clou et le boûbe, et le maître et le neveu du maître étaient à sa gauche. Barthélemy était assis face à la paroi, et, quand on regardait Barthélemy, on voyait que sa grosse barbe bougeait toujours, mais il ne disait rien. Les autres se taisaient aussi, étant dans le moment qui suit le temps où on a mangé, alors on laisse l’estomac faire sa besogne, après qu’on a bourré sa pipe. Dehors, il devait faire complètement nuit, et peut-être qu’il y avait des étoiles, peut-être qu’il n’y en avait pas : on ne pouvait pas savoir. On n’entendait rien. On avait beau écouter, on n’entendait rien du tout : c’était comme au commencement du monde avant les hommes ou bien comme à la fin du monde, après que les hommes auront été retirés de dessus la terre, — plus rien ne bouge nulle part, il n’y a plus personne, rien que l’air, la pierre et l’eau, les choses qui ne sentent pas, les choses qui ne pensent pas, les choses qui ne parlent pas. On écoutait, il ne venait rien ; c’était une nuit sans vent ; on écoutait encore, il ne venait toujours rien. De sorte que, par contraste, à l’intérieur du chalet le craquement du feu commençait à être un grand bruit, ou bien quand on déplace le pied ou bien on tousse ou bien on crache. De sorte qu’également le petit bruit qu’a fait ensuite Barthélemy a été un grand bruit ; quand il a dit : « Oui, oui, » puis de nouveau il hoche la tête, et : « Oui, oui, » dans sa barbe, à cause sans doute de ce discours qu’il se tenait toujours en dedans. Les hommes se tournèrent vers lui. Il hocha alors la tête ; puis on le vit qui avançait un peu ses mains, avançant dans le même moment sa barbe. Et le maître :

— Alors quoi ? ça vous tient toujours ?

Tout à coup, il y a eu la voix du maître qui était venue, et elle vous a fait peur, mais elle vous rassurait en même temps. Elle avait ramené la vie. Ils se déplacèrent tous, bougeant leurs genoux, leurs coudes, leurs bras, leurs pieds, rompant ainsi la trop grande immobilité de leur corps ; alors aussi le feu a jeté une flamme plus vive qui les éclaire de nouveau, pendant que les ombres couraient à côté des objets sur la terre battue, et il a semblé que la figure de Barthélemy venait en avant.

Il a dit :

— C’est que j’y étais.

Sa figure parut grandir, toute sa personne grandissait : — elle fut retirée en arrière.

Le rond de la lumière a été diminué jusqu’à n’être plus du tout, tandis que les ombres sont rentrées dans les objets qui les avaient portées dehors : — il n’y a plus eu que l’ombre, et c’est dans l’ombre :

— Oui… J’y étais.

Le maître s’était mis à rire :

— Allez-y seulement, Barthélemy ; ça vous soulagera. Depuis le temps que vous remâchez votre histoire.

Il avait pris en même temps, sur le fagot, une branche, qu’il jeta dans le feu, et la suite du discours est venue pendant qu’une grosse branche de sapin avec toutes ses aiguilles s’enflammait, de sorte que Barthélemy a été porté de nouveau en avant, et on a vu sa bouche bouger davantage et plus vite :

— Oh ! vous n’y croyez pas, je vois bien… Ça ne fait rien, parce que c’est vrai… Et puis j’y étais, continua-t-il. Et on était comme à présent, on était sept comme à présent, dont le grand Chamoson, vous vous souvenez de lui ? non, vous ne pouvez pas vous souvenir de lui, vous êtes trop jeunes. Un homme robuste pourtant, un homme de six pieds, un homme comme on n’en fait plus…

Il a tiré sur sa pipe qui avait un couvercle percé de trous, et une petite fumée bleue sortant par chacun de ces trous faisait comme des fils qui se réunissaient en se tordant plus haut dans l’air :

— Et ça a commencé par rien du tout, une écharde qu’il s’était plantée dans le pouce…

Il a dit :

— Il en est mort.

Il vous a regardés les uns après les autres, puis :

— Il en est mort…

Et, encore une fois :

— Mort…

À présent, il se retirait dans l’ombre ; il a été ramené en arrière comme s’il voulait cacher un secret ; pourtant ce n’était pas son intention, car il a recommencé :

— On n’a même pas eu le temps de le descendre, parce qu’il était déjà tout enflé, tout noir et enflé… Il était pourri avant d’être mort.

On n’a rien répondu, il n’y avait rien à répondre. Barthélemy a continué :

— C’est comme ça.

Barthélemy a dit :

— Et ça en fait un. L’autre, c’était le maître. Il était justement à la place où vous êtes, maître ; on était comme ce soir, seulement on n’était plus que six ; alors, moi, je leur avais dit : « Je vous dis que j’ai entendu marcher de nouveau sur le toit, ça va mal aller… » Ils se sont mis à rire comme vous. J’ai dit : « Vers deux heures du matin, ça m’a réveillé… » Ils disaient : « Pas nous… » J’ai dit : « Tant pis pour vous ! » Mais il y avait aussi que le maître devait aller chasser le lendemain ; et j’aurais voulu au moins qu’il n’y aille pas, comme je lui ai dit : il n’a rien voulu entendre. Eh bien, le lendemain, on l’a trouvé mort dans les rochers. On a dû lui envelopper la tête dans des linges, parce que la cervelle avait coulé dehors…

Maintenant, Barthélemy ne s’arrêtait plus, venant avec ses petites phrases de dedans sa grosse barbe :

— Et on a dû le descendre au village sur une civière, et, nous, on n’était plus que trois. On n’était au chalet que les trois ; alors je dis : « Il faut fermer la porte ; » elle était sans serrure. Elle n’avait pas plus qu’à présent de serrure, ni de clé, ni même de verrou. Je dis : « Il faut l’attacher avec une corde. » Je vais chercher la corde, mais les deux autres se lèvent, parce qu’ils étaient fâchés, — ils étaient fâchés je ne sais pas de quoi, mais ils étaient fâchés. Ils m’ont dit : « Pas de ça ! » Je dis : « Comme vous voudrez. » N’empêche que c’est le dernier soir qu’on a passé ici, et un peu plus tard ils ont pu voir qui avait raison d’eux ou de moi. Il leur a bien fallu entendre. Ils s’étaient mis assis, puis les voilà qui se tournent du côté du mur, ils se cachent la figure sous leur couverture ; ils se font tout petits, ils se roulent en boule dans la paille et sous les couvertures ; moi j’écoute. On marchait sur le toit. Je dis : « Hein ? eh bien, la corde ? » mais voilà qu’à ce moment on saute en bas du toit. J’arrive comme on allait entrer. J’ai eu juste le temps de donner dans la porte un coup d’épaule au moment où elle s’ouvrait, et puis je l’ai calée dans le bas avec le pied, seulement il m’a fallu la tenir jusqu’au matin, et j’ai été seul à la tenir jusqu’au matin ; et tout était tranquille de nouveau quand le matin a été là ; mais, pour tout l’or du monde, on n’aurait pas pu nous faire rester une heure de plus ici. On est redescendus avec le troupeau le jour même.

Il vient de nouveau en avant ; il dit :

— Et l’année suivante on n’est pas remonté, ni l’année d’après la suivante, ni celle d’après celle-là, ni aucune année, vingt ans de suite, comme vous savez bien et jusqu’à celle-ci. Et c’est qu’on a fini avec le temps par n’y plus croire, mais j’y étais, moi, et ce que je dis est la vérité… Oui… Oui…

Ayant recommencé à parler alors en arrière de sa barbe, de sorte qu’on n’entendait plus ce qu’il disait, bien qu’il hochât toujours la tête : et le silence était revenu.

De temps en temps, un tout petit bruit se faisait entendre ; c’était une pierre qui roulait sur le toit, ou bien une goutte d’eau qui tombait.

Le maître a demandé à Barthélemy :

— Alors pourquoi est-ce que vous êtes remonté, cette année ?

— Oh ! à présent, j’ai le papier.

On l’a vu qui allait avec la main sous sa chemise ; alors cette histoire du papier a fait du bien, parce qu’elle a fait rire, en même temps qu’elle vous aidait à oublier le reste de l’histoire, — parce qu’à présent le maître disait :

— Et qui est-ce qui vous l’a donné ?

— C’est Sauget…

Le maître disait :

— Et qui est-ce ça, Sauget ?

— Oh | vous ne l’avez pas connu non plus, parce qu’il était déjà très vieux en ce temps-là, mais c’était quelqu’un qui se connaissait à ces choses comme personne, c’était un sage et un savant, il avait beaucoup lu dans les livres ; il m’a dit : « Avec ce papier tu ne risques rien ; trempe-le seulement trois fois avant de monter… »

Il se leva, et, tout en se levant :

— Trois fois dans le bénitier à Saint-Maurice-du-Lac. Le dimanche après le jour de la fête de Saint-Maurice. Et c’est ce que j’ai fait.

Étant debout, à présent ; et le maître :

— Est-ce que le papier ne peut pas servir pour nous aussi ?

Mais Barthélemy n’écoutait déjà plus, vous ayant tourné le dos ; une dernière fois il fut éclairé de dos, puis il est entré dans l’ombre ; on l’a vu encore tout juste passer

À sous la porte basse menant à la chambre où on couche, après quoi on a entendu le bruit de la paille, puis plus rien.

Eux, restèrent un moment encore autour du feu. On les a entendus rire. On ne se rappelle pas si Clou a parlé ou non.

On se rappelle seulement qu’ils restèrent autour du feu plus longtemps qu’à l’ordinaire.

Il y avait dans la chambre où ils couchaient un falot-tempête, qui était pendu à un clou.

Ils dormaient dans trois grands cadres de sapin occupant trois des côtés de la pièce, et dans le quatrième une fenêtre était percée ; trois grands cadres supportés par des pieds sur un de leurs bords, scellés de l’autre dans le mur. Ils se sont couchés. Le dernier qui se coucha avait soufflé la lanterne.

Il avait dû se passer beaucoup de temps. Tout à coup, Joseph a entendu qu’on lui parlait. C’était le boûbe.

La lune s’était levée et éclairait par la petite fenêtre le cadre se trouvant sur le côté gauche de la pièce ; là, Joseph vit que le vieux Barthélemy était assis, faisant de nouveau bouger sa barbe ; probablement qu’il priait.

À côté de lui, vous tournant le dos et faisant face au mur, Clou semblait dormir.

Joseph était dans l’ombre, c’est pourquoi il ne pouvait pas voir le boûbe, mais il le sentait tout proche de lui qui tremblait : « Oh ! laissez-moi venir vers vous, disait le boûbe, j’ai peur. »

— Peur de quoi ?

Mais le boûbe :

— J’ai peur, j’ai peur.

Il tremblait, sans que Barthélemy toujours assis eût paru s’apercevoir de rien ; alors Joseph au boûbe :

— Viens seulement ; il y a de la place.

Il l’a fait se coucher à côté de lui. Il avait dû se rendormir. Maintenant, il n’y avait plus de lune ; mais Joseph, s’étant réveillé, sentait toujours le corps du boûbe qui tremblait contre le sien.