La génération des animaux

Traduction par Jules Barthélemy Saint-Hilaire.
Ladrange, etc. (1p. i-vi).

PRÉFACE

Caractère général du Traité de la Génération des Animaux ; méthode de recherches et d’exposition pratiquée par Aristote ; système d’embryologie aristotélique ; prédécesseurs et successeurs principaux d’Aristote, Hippocrate, Platon, Hérophile, Galien, Averroès, Albert le Grand, Rédi, Van Horne, de Graaf, Swammerdam, Malpighi, Leuwenhoeck, Vallisneri, Buffon, Spallanzani, Cuvier, Prévost et Dumas, Ernest de Baër, Coste, Longet, Velpeau, Pouchet, Grimaud de Caux et Martin-Saint Ange, H. Milne Edwards, etc., etc.; considérations sur les rapports de la science moderne et de la science dans l’Antiquité ; nécessité constante de la méthode d’observation ; loi du progrès des sciences tirée de leur histoire, depuis la Grèce jusqu’à nous ; l’homme en présence de l’infini ; questions supérieures ; métaphysique de la génération, fondée sur la constatation des phénomènes ; admiration d’Aristote pour la Nature ; conclusion.


Le Traité de la Génération des Animaux passe pour le chef-d’œuvre zoologique d’Aristote ; tout le monde en convient, et les adversaires du péripatétisme sont forcés de l’avouer, comme s’ils étaient ses partisans. M. Lewes, si sévère pour l’Histoire des Animaux, et même pour le Traité des Parties, n’a pas assez d’éloges pour le Traité de la Génération ; il n’hésite pas à déclarer qu’il est bien souvent au niveau de la science la plus avancée de notre siècle. Cette appréciation, quelque favorable qu’elle soit, n’a rien d’excessif, pour qui rapproche plusieurs théories du philosophe grec des théories modernes. Parmi les admirateurs d’Aristote, MM. Aubert et Wimmer, qui se sont rendus célèbres par leur édition et leur traduction du Traité de la Génération et de l’Histoire des Animaux, il y a vingt-cinq ans, s’exprimaient ainsi : « En donnant une édition et une traduction nouvelles du Traité de la Génération, nous avons cru rendre service à ceux des naturalistes qui ne dédaignent pas de remonter aux sources de la science qu’ils cultivent. Voici, concernant le développement des animaux, le premier travail scientifique, qui soit fondé sur les vrais principes de la physiologie, c’est-à-dire, sur l’observation des phénomènes. Quelque jugement qu’on prononce sur la valeur de cette zoologie, afin d’exalter le mérite des physiologistes contemporains, on devra toutefois reconnaître qu’Aristote a soulevé et discuté bien des questions qui, aujourd’hui même, ne sont pas résolues ; et que, grâce à l’étonnante pénétration de son coup d’œil, il a deviné une foule de vérités que les siècles postérieurs n’ont fait que confirmer, après une longue série d’observations. On devra aussi toujours reconnaître qu’on trouve dans ses œuvres bien des faits incontestables, dont l’abondance n’est en aucune proportion avec les ressources insuffisantes dont il disposait. En un mot, personne ne pourra refuser son admiration à ce génie fécond, qui, après avoir approfondi tous les secrets de l’esprit humain et ses rapports avec le monde extérieur, a montré la même sagacité et la même puissance pour décrire la constitution, le développement et la coordination systématique du règne animal. »

N’ajoutons rien à une louange aussi juste, rendue en excellents termes, quoique nous puissions l’appuyer par bien d’autres autorités ; mais nous espérons que tous ceux qui s’occuperont de cette étude avec quelque impartialité, seront du même avis. Nous nous bornons à recommander aux esprits attentifs la lecture de l’original, si ce n’est dans le texte grec, au moins dans la traduction.

Ce qui doit nous frapper, tout d’abord, c’est la conception même d’un tel ouvrage, à l’époque où il a été entrepris et réalisé. Aujourd’hui, rien ne nous paraît plus simple. Pour nous, la théorie de la génération fait essentiellement partie de l’histoire des êtres organisés. S’il est intéressant de savoir ce qu’ils sont, le mystère de leur reproduction l’est encore bien davantage. L’esprit humain, pour satisfaire autant qu’il le peut sa légitime curiosité, en est arrivé, après vingt siècles, à créer une science exclusivement consacrée à cette grande question ; et les peuples les plus éclairés ont établi des chaires publiques pour l’enseigner. Mais, si le mot d’embryologie est nouveau, la science même ne l’est pas ; et on la peut voir tout au long dans l’œuvre aristotélique, trois cents ans et plus avant l’ère chrétienne. Pas un des philosophes précédents n’y avait songé. Pourtant, ils étaient, comme Aristote, les témoins intelligents des faits que présentent sans cesse à nos regards les animaux domestiques ; mais, de ces faits particuliers, personne ne s’était élevé à l’idée d’un système qui embrassât l’ensemble du phénomène, dans toutes les espèces d’animaux, et qui en généralisât l’explication. C’est Aristote qui a créé cette science, comme il en a créé tant d’autres. Quelques progrès que l’embryologie ait accomplis depuis lui, il est toujours fort utile de le consulter, pour peu qu’on veuille s’enquérir de la tradition et savoir d’où l’on vient, ne fût-ce que par reconnaissance.

Non seulement Aristote a eu la gloire de cette difficile initiative ; mais, en outre, il a, du premier coup, compris la science qu’il inaugurait, avec toute l’étendue qu’elle doit avoir. Hippocrate, ou plutôt son école, ne s’était occupé de la génération que pour l’espèce humaine, et encore dans des limites étroites ; la médecine, chargée avant tout du soin de guérir, n’avait pensé qu’à la pathologie. Le recueil plus ou moins authentique des œuvres attribuées à l’école hippocratique, contient des recherches sur les maladies des femmes et des jeunes filles, sur la nature de la femme et de l’enfant, sur le fœtus de sept mois, sur la superfétation, etc. ; ce sont là certainement des études curieuses et pratiques, dont quelques-unes font beaucoup d’honneur aux disciples d’Hippocrate. Mais la génération de l’homme, considérée même physiologiquement, est bien loin d’être toute la génération. C’est une partie fort importante du problème, puisque l’homme est, à cet égard comme à tant d’autres, l’animal le plus parfait ; mais, à côté de l’homme, il reste l’animalité tout entière, depuis les insectes les plus ténus, jusqu’aux quadrupèdes et aux cétacés les plus colossaux. Tous ces êtres se reproduisent par les moyens les plus divers ; mais quelques différences que présentent leurs organes, la fonction reste identique ; tous sans exception transmettent la vie qu’ils ont reçue. La Nature a donc une unité de but, malgré l’infinie variété des procédés qu’elle emploie. Quels sont ces procédés toujours efficaces, et toujours admirables ? C’est ce qu’Aristote a essayé de nous apprendre scientifiquement ; on verra avec quel succès, par l’exposé que nous ferons tout à l’heure de son embryologie. Pour le moment, nous n’avons qu’à rappeler que c’est

lui qui a déterminé le cadre réel de la science, et qu’il l’a parcouru aussi complètement qu’on pouvait le parcourir à son époque. Au-dessous des insectes que nous pouvons apercevoir à l’œil nu, le microscope nous a révélé et nous révèle chaque jour, dans le monde des imperceptibles, une multitude d’êtres nouveaux et d’organismes inconnus. Mais, si la science a multiplié ses observations, si elle a poursuivi le domaine de la vie jusque dans les profondeurs les moins accessibles de la mer, elle n’a rien innové pour les bases qu’Aristote lui avait assignées et qui sont immuables. Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, la science se meut dans le cercle qu’il lui a tracé, et d’où elle ne peut sortir. L’unique progrès que nous puissions faire encore, c’est d’accroître de plus en plus le nombre des faits observés et de les analyser plus exactement ; mais le nombre ne fait rien aux principes, qui restent à jamais ceux dont nous sommes redevables au philosophe.

Aristote est même allé plus loin : il ne s’est pas arrêté aux animaux proprement dits ; il a pressenti cette autre science, qui est à peine née d’hier parmi nous, et que nous nommons la biologie, dont l’objet est d’étudier la vie dans tous les êtres organisés, depuis les plantes jusqu’aux animaux supérieurs, l’homme compris. Aristote compare très fréquemment les deux règnes, pour en montrer les ressemblances, beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit généralement. Il insiste, comme pourrait le faire un biologiste de notre temps, sur l’impossibilité presque absolue de fixer le point où l’un des deux règnes commence et où l’autre finit. Il décrit, aussi bien que personne, les degrés insensibles par lesquels la Nature passe d’une organisation à une autre, et il signale, entre autres preuves, ces êtres singuliers qu’on appelle zoophytes, et qui ne sont tout à fait ni des animaux ni des plantes.

Ne nous attardons pas à ces considérations, puisque les ouvrages d’Aristote sur la Botanique ne nous sont pas parvenus ; nous aurons l’occasion de revenir sur cette extension de l’embryologie et de la physiologie comparées, d’où naîtra certainement une science encore plus vaste que l’une et l’autre.

Mais avant d’exposer l’embryologie aristotélique, nous avons à traiter une question préliminaire ; c’est celle de la méthode, que le philosophe a conseillée et imposée à la science. Parmi nous, on s’est trop habitué à admettre que les Anciens n’ont pas observé du tout, ou, du moins, qu’ils ont observé très mal. C’est là une erreur qui exigerait, dans l’intérêt de la vérité historique, une réfutation en forme ; nous nous contenterons ici, et sans sortir de l’histoire naturelle, de montrer combien on se trompe dans ce préjugé, qui ne s’appuie sur aucun fondement. Tout ce qu’il atteste, c’est la vanité passablement aveugle de quelques Modernes, qui ne s’aperçoivent pas que, en tenant si peu de compte des monuments scientifiques de l’Antiquité, ils manquent évidemment à la méthode d’observation tant prônée par eux. Ne parlons pas, si l’on veut, des œuvres d’Hippocrate, d’Hérodote, de Thucydide, résultat d’observations certaines ; mais demandons-nous si l’on peut lire, même très superficiellement, l’histoire naturelle d’Aristote, sans être émerveillé de la multitude d’observations qui y sont recueillies à profusion. Est-il une seule page de ces prodigieux écrits où n’éclate, de la manière la plus évidente, l’emploi perpétuel de l’observation la plus exacte et la plus réfléchie ? Est-il un seul des faits consignés par l’auteur qui ne suppose une attention aussi sagace qu’infatigable, donnée à tous les détails des phénomènes.

Mais Aristote ne se borne pas à bien observer les choses, telles que la Nature les présente aux yeux de l’homme. Il s’applique en outre à les scruter dans ce qu’elles ont de plus intime ; il dissèque les animaux avec une persévérance que rien ne lasse, malgré tout ce que ces investigations peuvent avoir de répugnant, comme il l’avoue lui-même en termes éloquents. Mais les préparations anatomiques ne lui suffisent pas encore, parce qu’en effet elles ne peuvent pas subsister bien longtemps, dans l’état où le scalpel nous les procure. Pour les fixer, il y substitue des dessins copiés sur elles ; il fait de ces dessins des collections, qui malheureusement ont péri avec les ouvrages qu’elles élucidaient, et, comme nous dirions, qu’elles illustraient ; il cite vingt fois ces collections précieuses.

C’est déjà beaucoup, ce semble. Mais, dira-t-on peut-être, si Aristote a tant observé et observé si bien, c’est par le pur instinct du génie, obéissant spontanément à une sorte d’inspiration, dont il n’est pas plus maître que le poète ne l’est de son enthousiasme. Cette seconde critique ne serait pas plus juste que l’autre. Observer même très exactement, sans savoir pourquoi l’on doit observer, serait peu philosophique et peu digne d’un logicien. Aristote ne commet pas cette inadvertance. D’un bout à l’autre de son histoire naturelle, il ne cesse pas de préconiser, avant tout, l’observation des faits, et d’en faire la condition primordiale de la science ; il revient à chaque instant sur cette règle fondamentale. Il ne s’en dissimule pas d’ailleurs les difficultés ; mais il affirme que c’est le seul chemin pour atteindre la vérité, le seul moyen de comprendre la Nature, qui ne fait jamais rien en vain. Comme il admire passionnément la Nature, et qu’il y voit, ainsi qu’il l’a redit à plusieurs reprises, l’empreinte du divin, il est bien sûr, en l’étudiant, de ne pas perdre le fruit de ses peines ; il ne les épargne donc pas, et il engage les amis de la science et de la sagesse, à ne pas épargner davantage les leurs.

Aussi, quand il réfute les théories de ses devanciers ou les préjugés populaires, c’est uniquement aux faits qu’il veut avoir recours. C’est à l’autorité des faits qu’il en appelle pour corriger les erreurs qu’il combat ; c’est eux seuls qu’il oppose aux opinions fausses, que Démocrite, Empédocle et bien d’autres ont soutenues, pour n’avoir pas examiné les choses de plus près que le vulgaire. Guidé par la grande parole d’Anaxagore, qu’il a glorifié si magnifiquement, il croit a l’intelligence, qui régit le monde après l’avoir formé ; il se fie à cette intelligence infinie, dont les moindres productions lui semblent tout aussi merveilleuses que les plus sublimes.

Mais, à côté des faits, à leur suite et même au-dessus d’eux, du moins à un certain point de vue, Aristote place l’esprit de l’homme, qui produit la vraie science, en interprétant les faits préalablement observés. A eux seuls, les faits n’ont rien de scientifique ; il faut que le raisonnement les féconde, sans d’ailleurs se passer jamais de cet appui. Sans la lumière apportée par l’entendement, les faits restent obscurs, ou plutôt ils restent incompris, comme ils le sont pour les brutes, qui les voient ainsi que nous, mais qui n’y attachent aucun sens. Pour se conduire dans cette voie, où il est si facile et si ordinaire de s’égarer, notre esprit a deux principes souverains : ou les faits sont nécessaires, ou ils sont soumis à la loi universelle du mieux. La nécessité telle qu’Aristote l’admet ne tient rien du hasard, qu’il a toujours nié énergiquement, mais auquel des philosophes trop peu observateurs livrent l’univers. Selon lui, la nécessité ne peut être qu’hypothétique, c’est-à-dire, qu’un but étant donné, il y a des moyens qui sont absolument nécessaires pour atteindre ce but. Par exemple, l’oiseau devant voler, il est nécessaire qu’il ait des ailes ; mais l’oiseau lui-même n’est pas nécessaire ; il pouvait fort bien ne pas exister ; s’il existe, c’est qu’il était mieux qu’il existât. La Nature fait toujours ce qu’elle fait le mieux possible ; quand nous cherchons à savoir ce qu’elle veut, nous n’avons qu’à nous demander, dans chaque cas, comment les choses doivent être pour être aussi parfaites que nous pouvons les imaginer. Aristote est donc un défenseur inébranlable des causes finales ; et, pour notre part, nous croyons avec lui que la Nature n’est intelligible qu’à cette condition. Mais nous réservant de discuter plus tard ce problème, qui posera devant nos successeurs comme il a posé devant les Anciens, nous passons, et nous achevons ce que nous avons à dire de la méthode.

Si, après la puissance décisive des faits, Aristote reconnaît celle du raisonnement, il est trop prudent pour ne pas se défier des écarts de l’esprit. En cas de conflit, c’est le raisonnement qui doit céder devant le fait avéré ; il n’a de valeur que s’il est absolument conforme aux phénomènes. C’est que les phénomènes sont immuables ; ils restent ce qu’ils sont, toujours les mêmes. Rien, au contraire, n’est plus mobile que le raisonnement de l’homme, puisqu’il lui est permis de faire des hypothèses. Néanmoins, Aristote ne repousse pas absolument l’hypothèse, quelque périlleuse qu’elle soit ; mais il la redoute, il en craint l’abus. S’il s’en sert quelquefois, c’est presque malgré lui, et il l’entoure de toutes les garanties qui peuvent en prévenir les dangers, comme il le fait dans sa discussion sur la génération des abeilles, question qui n’est guère moins obscure pour nous qu’elle ne l’était pour l’Antiquité. Il trouve que le plus souvent les hypothèses qu’on risque sont beaucoup trop générales, trop logiques, et qu’elles dégénèrent bien vite en pures rêveries. Il ne traite pas mieux les siennes que celles des autres. Les hypothèses sont à éviter surtout en histoire naturelle, où il ne faut juger des choses que d’après leurs principes propres, et non d’après les idées qu’on s’en fait. La plupart du temps, le tort de l’hypothèse vient de ce qu’on généralise beaucoup trop vite, et sans un examen assez prolongé. Le cas particulier a été peut-être bien observé ; mais il ne fallait pas en tirer hâtivement des conséquences qui le dépassent. Il suffit bien souvent d’un seul fait nouveau pour détruire de fond en comble la théorie la mieux construite, et pour renverser tout un système. Il ne faut pas non plus s’en fier aux apparences, qui sont parfois bien trompeuses. Si dans l’impossibilité d’observer soi-même, on se décide sur de simples témoignages, on doit en peser scrupuleusement la valeur, et voir avant tout s’ils sont dignes de foi.

Voilà de bien sages conseils, qu’Aristote n’a pas cessé de mettre en pratique. Aujourd’hui même, nous serions fort embarrassés, ou d’y ajouter quoi que ce soit, ou de les critiquer. Mais, à d’autres égards encore, Aristote est un modèle également autorisé.

Le mode d’exposition qu’il a suivi pour rendre ses pensées n’est pas moins remarquable, ni moins digne d’imitation, que sa méthode. Il énumère toujours, en débutant, les questions qu’il compte étudier tour à tour, et qui forment l’ensemble du sujet qu’il traite ; par là, il affermit ses pas, quelque sûr qu’il puisse être de son incomparable génie. Dans le cours de ses exposés, il jette souvent un coup d’œil en arrière, pour résumer ce qu’il a dit. Il annonce non moins souvent ce qu’il va dire. Ces souvenirs et ces précautions sont toujours utiles à prendre ; ce sont des moyens de clarté pour l’auteur et pour ceux qui le lisent ; de part et d’autre, on ne peut que s’en bien trouver. C’est là, nous en convenons, de la rhétorique ; mais la rhétorique est de mise partout ; elle est bien placée, elle est même indispensable, quand elle ne sert qu’à se mieux entendre soi-même, et à se faire mieux entendre d’autrui. C’est ainsi que la discussion engagée par Aristote, contre la théorie qui fait venir la liqueur séminale de toutes les parties du corps, est un morceau achevé, où la force de la conclusion ne perd rien aux procédés habiles qui l’ont préparée.

Un autre soin non moins louable d’Aristote, c’est de préciser le sens des mots dont il se sert. Dans notre XVIIIe siècle, on attachait une importance extrême au langage, et l’on allait jusqu’à déclarer que la science n’était, après tout, qu’une langue bien faite. C’était dépasser la mesure ; et le philosophe de l’Antiquité avait été plus réservé que les nôtres. Mais on voit que cette préoccupation n’était pas neuve ; Aristote l’avait dès longtemps éprouvée. Aussi, soit en métaphysique, soit en histoire naturelle, il s’était appliqué à bien définir les mots, comme du reste Socrate et Platon s’y étaient appliqués avant lui. C’est qu’il n’est pas besoin de discuter longuement pour sentir que souvent le dissentiment tient plutôt aux expressions dont on use qu’au fond même des choses qu’on discute.

Telle est l’infaillible méthode avec laquelle Aristote veut aborder l’histoire naturelle, et spécialement ce grand fait de la génération ; tel est son amour de la vérité, et sa circonspection contre toute chance d’erreur.

Dans sa pensée, le traité qu’il consacre à la reproduction des animaux vient, parmi ses œuvres, après le Traité des Parties, comme le Traité des Parties vient après l’Histoire des Animaux. C’est l’auteur lui-même qui a fixé cet ordre, lequel, du reste, ressort clairement de la nature des choses. L’acte de la génération est le terme dernier auquel aboutissent tous les autres actes de la vie animale. Les animaux naissent chétifs pour la plupart, souvent même ils naissent informes ; ils ne se développent et ne se perfectionnent que pour arriver, après un temps plus ou moins long, à pouvoir se reproduire, dans des êtres qui leur ressemblent. L’animal n’est achevé que quand il possède enfin cette suprême énergie. La fonction génératrice est donc régulièrement la dernière que la physiologie doive approfondir. Aristote ne s’y est pas trompé ; et sur ses pas, tous les physiologistes ont laissé la question de la génération à la place qu’il lui avait assignée. C’est par cette question définitive que Cuvier termine son Anatomie comparée, un des plus beaux titres de la science moderne. Aristote a exposé son embryologie à deux reprises : une première fois dans l’Histoire des Animaux, où elle tient près de trois livres sur neuf ; et une seconde fois, dans le traité spécial qui nous occupe. Nous pouvons donc, pour connaître sa pensée complète, puiser indifféremment à ces deux ouvrages. Il les a lui-même confondus, en renvoyant plus d’une fois de l’un à l’autre. D’ailleurs, en analysant ses théories, nous nous garderons bien de lui en prêter qui ne seraient plus les siennes, et qui appartiendraient à des temps plus instruits. Nous nous efforcerons même de reproduire fidèlement ses propres expressions, toutes les fois que nous pourrons les lui emprunter ; et nous ne tenterons, du moins pour le moment, ni de combler ses lacunes, ni de pallier ses erreurs, d’ailleurs bien rares et bien excusables. Nous nous contenterons de mettre ses idées dans un ordre un peu plus régulier et plus systématique.

La plus haute question, et une des premières, qui s’impose à la raison du philosophe, c’est de rechercher pourquoi il y a des animaux. Nous voyons bien que c’est l’union de deux sexes qui généralement produit l’animal ; mais comment a-t-il pu se faire jamais qu’il y eût des femelles et des mules ? A cette question deux seules réponses sont possibles : ou il faut supposer que le premier moteur, entendez le créateur, n’a fait qu’obéir à une nécessité invincible, en formant les êtres d’une certaine façon ; ou bien, il faut penser que, si cette création n’était pas nécessaire, il valait mieux cependant qu’elle eût lieu, pour réaliser une pensée supérieure. Entre les choses, les unes sont éternelles et divines ; les autres sont purement contingentes, et elles peuvent également être ou n’être point. Même pour celles-là, tout inférieures qu’elles sont, le bien et le divin produisent toujours, conformément à leur nature, ce qu’il y a de mieux ; car ces choses peuvent, quoique périssables, être plus ou moins bien durant leur existence passagère. Comme l’âme vaut mieux que le corps, comme l’être animé vaut mieux, à cause de son âme, que l’être inanimé, comme être vaut mieux que ne pas être, et que vivre vaut mieux que ne pas vivre, voilà l’unique cause qui a créé des animaux. La perpétuité a été refusée aux individus ; car, autrement, ils seraient éternels. Mais si l’éternité ne peut leur appartenir, elle est, en une certaine mesure, accordée à l’espèce dont ils font partie. Les hommes, les animaux, les plantes se perpétuent sans cesse, et cette éternité relative leur est assurée par la génération. L’individu meurt ; l’espèce ne meurt pas. La nature attache une telle importance à cette fonction essentielle qu’elle pousse, par une violence irrésistible, tous les êtres animés à l’accomplir. L’accouplement des sexes provoque en eux les désirs les plus ardents, et un plaisir non moins vif quand ils s’y livrent. Les femelles des animaux sont surtout terribles à leur première portée ; les mâles le sont toujours vers l’époque de l’accouplement. Les chevaux, les taureaux, les sangliers, les béliers, les boucs et tant d’autres animaux domestiques sont agités alors de fureurs implacables ; ils se battent entre eux, avec tant de rage que souvent les deux rivaux succombent à la fois sous des coups acharnés. Les bêtes sauvages subissent les mêmes influences ; les ours, les loups, les lions, ne sont jamais plus redoutables. Le paisible chameau devient intraitable, et il ne souffre plus l’approche de l’homme. L’éléphant, dans l’Inde, cesse d’être doux et sociable ; il devient extrêmement dangereux. Les animaux qui vivent avec l’homme sont moins sujets à ces transports, parce qu’ils peuvent s’accoupler plus fréquemment et presque en toute saison. Cependant, les juments, les vaches, les truies sont atteintes d’une vraie folie quand elles sont en rut. Le printemps est la saison où presque tous les animaux ressentent ces émotions naturelles et inévitables. Mais il y a des exceptions à cette règle, et la gestation, suite de l’accouplement, est calculée par la Nature, de manière que les petits naissent dans la saison qui leur est le plus favorable. Selon les espèces, tantôt un seul accouplement suffit, tantôt il en faut plusieurs. L’homme n’a de temps marqué précisément, ni pour l’union des sexes, ni pour la durée de la gestation, ni pour le moment de la naissance ; mais l’homme est un être à part, qui exige une étude pour lui seul.

Un autre sentiment que la Nature a inculqué aux animaux et qui est presque aussi vif que l’instinct de la génération, c’est la tendresse des parents pour leurs petits. La femelle soigne et nourrit les jeunes, avec une sollicitude destinée à compléter l’œuvre de la parturition, en assurant la vie au fœtus qui a vu le jour. Il semble que la Nature a voulu que ce sentiment s’accrût dans les animaux à mesure que leur organisme est plus parfait. Les animaux inférieurs ne font d’ordinaire que produire simplement des petits, sans les nourrir ; ceux qui parmi eux sont un peu plus intelligents les élèvent et les nourrissent quelque temps. Mais les animaux supérieurs, qui sont doués de plus de raison, contractent avec leurs petits des liens d’affection et d’habitude qui finissent par former une famille plus ou moins durable, comme on le voit chez quelques espèces de quadrupèdes et d’insectes, et éminemment chez le genre humain.

Sous le rapport de la génération, on peut diviser les animaux en trois classes principales : les vivipares, les ovipares, et, en dernier lieu, ceux qui naissent spontanément de matières en putréfaction, ou plutôt de la chaleur que la putridité développe toujours. Dans chacune de ces classes, on peut remarquer des variétés. Ainsi, parmi les vivipares, les uns produisent des petits tout vivants, comme l’homme, le cheval, le phoque, le dauphin ; mais il y a des vivipares qui produisent d’abord des œufs dans leur intérieur, et dont les petits sont vivants quand ils sortent du sein de la mère ; tels sont les sélaciens, parmi les animaux marins. Mêmes nuances dans les ovipares. Les uns produisent des œufs complets, c’est-à-dire, contenant deux parties : l’une qui est le germe du futur animal ; l’autre, qui doit servir à le nourrir, jusqu’à ce qu’il brise sa coquille. Chez d’autres ovipares, comme les poissons, les œufs pondus sont incomplets ; il faut que le mâle les féconde par une action qui lui est particulière, et sans laquelle les œufs demeurent stériles. D’autres ovipares encore produisent des larves, d’où sort le jeune animal complètement fait, sans que rien ait concouru à le nourrir et à le développer. Cette dernière nuance d’ovipares ne comprend que des animaux qui n’ont pas de sang. Quant aux animaux qui naissent spontanément, comme on le voit pour une foule d’insectes, ils offrent également des nuances. Si les uns viennent de la terre putréfiée ou de plantes pourries, d’autres se produisent dans le corps même des animaux, et ils y proviennent d’excrétions restées dans les organes. Tous les êtres inférieurs méritent moins d’attention, et ils sont moins bien connus, quoique, parmi les poissons, animaux d’un ordre plus relevé, il y en ait aussi quelques-uns qui naissent spontanément du sable et du limon.

On peut donc, d’une manière générale, dire que les animaux viennent d’accouplement, de l’union des deux sexes. Là où il y a des sexes, ce sont des organes différents qui les constituent et qui les distinguent. Pour les mâles, ces organes sont les testicules ; pour les femelles, ce sont les matrices. Les testicules, avec les autres parties de l’appareil générateur, peuvent être à l’intérieur ou au dehors ; au contraire, les matrices sont toujours intérieures, sans aucune exception, afin que le fœtus soit mieux protégé. Parmi les animaux qui ont du sang, il en est chez lesquels il n’y a pas de testicules proprement dits, mais seulement deux conduits, qui sont placés au-dessous du diaphragme, le long du rachis, et qui se réunissent en un seul, un peu au-dessus du point de sortie des excréments. La disposition est à peu près la même chez certains ovipares qui ont des testicules dans le bassin. Dans les vivipares qui ont des pieds, l’organisation des testicules est plus compliquée ; ils sont formés de circonvolutions nombreuses, destinées à amortir la violence des désirs sensuels, et à rendre l’élaboration de la semence plus parfaite. Ils tiennent à plusieurs autres organes du bassin, par des veines et des canaux, qui vont de ces organes aux testicules, et des testicules à ces organes. L’anatomie nous apprend tous ces détails, et les naturalistes qui ne se livrent pas directement à des travaux de dissection, peuvent s’instruire par les dessins joints aux descriptions anatomiques. Quant aux matrices, elles n’offrent pas moins de diversités. Chez les ovipares, elles sont tout autres que chez les vivipares. Dans ces derniers, bipèdes ou quadrupèdes, la matrice est placée au-dessous du diaphragme. Le plus souvent, à l’extrémité qu’on appelle ses petites cornes, elle a un conduit qui s’enroule en spirale. Chez les ovipares, elle est située différemment pour les oiseaux et pour les poissons. Les oiseaux l’ont près du diaphragme ; les poissons l’ont bien au-dessous, et elle est membraneuse et large. Celle des oiseaux a une tige charnue et ferme ; mais la partie qui touche au diaphragme est revêtue d’une membrane si mince que les œufs semblent être libres et dehors. Chez les sélaciens, qui produisent d’abord un œuf à l’intérieur, avant de produire leurs petits vivants, la matrice est divisée en deux parties, qui répondent sans doute à cette double opération. Parmi les reptiles, la vipère produit d’abord un œuf en elle-même, et ensuite elle est vivipare ; son organisation est à peu près celle des sélaciens. Les autres serpents ont une matrice allongée, comme leur corps ; les œufs y sont rangés d’une manière régulière ; et, quand la bête pond, au lieu de sortir un à un, ils sortent tous ensemble et d’un seul coup. Enfin, il y a des animaux, notamment les ruminants à cornes, qui ont dans la matrice des cotylédons, ou tubercules charnus, auxquels tient l’embryon. D’autres animaux n’ont pas ces cotylédons ; mais ils ont des parties qui en tiennent lieu (des placentas).

Après ces généralités sur la reproduction sexuelle des animaux, il faut suivre Aristote dans l’étude de chacune des classes qu’il a fixées le premier, et qui sont encore, en grande partie, celles qu’adopte notre science contemporaine. Il indique avec soin l’ordre dans lequel il compte les décrire successivement ; et nous n’avons rien à changer dans cette classification, qui est très acceptable, quoiqu’elle soit incomplète. Il étudiera donc d’abord les testacés ; il continuera par les crustacés, les mollusques, les insectes, les poissons, les oiseaux, les quadrupèdes, et il finira par l’homme, en montrant les moyens diversifiés que la Nature emploie pour que les animaux se reproduisent tels qu’ils sont, dans les êtres qui leur succèdent. « Pour cette nouvelle exposition, dit Aristote, nous resterons fidèle à notre méthode habituelle, et nous adopterons la même marche. Nous y mettrons cependant une différence : antérieurement, nous partions de l’homme pour connaître et décrire l’organisme des autres animaux ; maintenant, au contraire, nous ne parlerons de l’homme qu’en dernier lieu, parce qu’il demande infiniment plus de détails. »

Quant à nous, commençons notre analyse comme l’auteur le veut si judicieusement ; et en étant aussi brefs que nous le pourrons, accompagnons-le dans son embryologie comparée. Sans doute, il ne sait pas tout ce que nous savons à cette heure ; mais, nous aussi, nous procédons absolument comme il a procédé. Nous descendons à des degrés beaucoup plus bas de l’échelle, restés invisibles pour ses regards ; mais ce n’en est pas moins la même carrière que nous parcourons sur ses pas.

Les testacés n’ont pas de sexes ; on n’y distingue pas les mâles et les femelles, pas plus qu’on ne les distingue, soit dans les êtres exsangues et immobiles comme eux, soit dans les plantes, avec lesquelles on pourrait comparer les testacés, sous bien des rapports ; ou ils naissent spontanément, ou ils s’engendrent eux-mêmes (hermaphrodites), ainsi qu’elles. Quelquefois, on peut voir chez eux un être qui produit ; mais on n’en voit pas qui couvre et qui féconde. Le seul testacé dont on ait pu constater l’accouplement est le colimaçon. Dans tout le reste du genre, qui est fort nombreux, on n’a jamais observé rien de pareil. Les pourpres, les buccins, les moules, les huîtres, les conques, les peignes, les solénes ou manches de couteau, les thétyes, les glands, les écuelles, les nérites, les étoiles, les poumons de mer (pulmonés), naissent de la vase et du sable, sous l’action de la chaleur vitale, qui remplit le monde, et qui agit dans l’air et dans l’eau, avec une fécondité incessante. La plupart des testacés sont aquatiques et marins, et c’est un obstacle de plus à les bien observer ; il en est très peu qui vivent sur terre. Dans presque tous ceux qui font ce qu’on appelle de la cire, c’est une liqueur muqueuse qu’ils émettent, à certaine époque de l’année, et qui pourrait bien être de nature spermatique. Les testacés bourgeonnent souvent comme les plantes ; il suffit qu’un seul individu ait été formé pour que d’au très, se greffant sur lui, s’y amoncellent en masses de plus en plus considérables. Lorsque le limon qui s’attache aux flancs des navires vient à se dessécher, il naît de ce limon des coquillages de toute espèce. Quand les eaux se retirent, en laissant le sol à sec, on voit apparaître des moules là où jusqu’alors on n’en avait pas vu ; c’est de la vase qu’elles sortent. A Rhodes, les matelots d’un navire amarré dans le port avaient jeté à l’eau quelques tessons d’argile ; assez peu de temps après, on trouva des huîtres attachées sur ces poteries, où le limon les avait déposées. Des habitants de Chios ont même essayé de propager les huîtres ; mais ils n’y ont pas réussi. Ils en avaient apporté de Lesbos, et ils avaient eu le soin de les mettre dans des anfractuosités de rochers, et dans des conditions tout à fait pareilles à celles où ils les avaient prises. Ces huîtres, ainsi transportées, grossirent et engraissèrent ; mais elles ne se multiplièrent pas.

Tous ces faits démontrent que les testacés ne se reproduisent pas par accouplement.

On a pu croire que les testacés ont des œufs ; mais on s’est trompé ; ces œufs prétendus ne sont que de la graisse, signe de la santé de l’animal. C’est au printemps et à l’automne que ces excroissances sont les plus apparentes, quoiqu’elles subsistent en toutes saisons. Durant les journées chaudes et dans les pleines lunes, les œufs sont plus abondants ; on les prendrait pour une sorte de gestation, quoique aucun fait ne confirme cette conjecture. C’est à ce moment que les testacés comestibles ont le goût le plus délicat, et qu’on les prise le plus.

Les crustacés sont exsangues comme les testacés ; mais ils ont des sexes, et l’on peut citer, dans cette classe d’animaux, les crabes, les langoustes, les homards, les écrevisses, les squilles, etc., etc., qui présentent de nombreuses espèces. Comme leur accouplement dure longtemps, on peut l’observer sans trop de peine ; et, si quelques naturalistes ont pu en douter, c’est qu’ils n’ont pas su y mettre une attention suffisante. Tous les animaux de ce genre s’accouplent à la façon des quadrupèdes qui urinent par derrière. L’un présente le dessous de la queue ; l’autre met la sienne dessus ; et les queues s’unissent en sens contraire. Il n’y a pas d’intromission. Quand, après l’accouplement, les langoustes sont pleines, elles conçoivent leurs œufs, et elles les gardent à peu près trois mois, qui sont les mois les plus chauds de l’année. Après ce temps, elles font une ponte préliminaire, en amenant leurs œufs sous le ventre, dans des poches où ils se développent. A chacun des opercules de la queue, qui sont attachés sur le côté, il y a un cartilage auquel les œufs adhèrent ; et la masse totale produit l’effet d’une grappe. Au premier coup d’œil, on ne voit qu’une masse confuse ; mais chacun des cartilages est divisé lui-même en plusieurs portions, qu’on distingue nettement en les séparant. Les œufs ne sont pas plus gros qu’un grain de figue ; et si quelques-uns sont un peu plus forts, ce sont ceux du milieu. Comme les parties latérales de la queue ne pourraient les couvrir tous, la langouste ramène l’extrémité de sa queue pour les placer sous un vrai couvercle. Aussi, cette queue est-elle beaucoup plus longue chez la femelle que chez le mâle. Après avoir mûri ses œufs dans cet organe pendant une vingtaine de jours, elle les jette en masse ; et quinze jours après, il en sort de petites langoustes, qui sont grosses tout au plus comme le doigt. C’est surtout dans les endroits inégaux et pierreux qu’on les trouve ; les homards préfèrent des lieux bien unis, et ils évitent la vase, comme la langouste l’évite aussi. Les pécheurs le savent bien. Dans les crustacés, les canaux spermatiques des mâles sont très minces ; et les matrices des femelles sont membraneuses et placées près de l’intestin. Elles sont divisées en deux parts ; et c’est là que tout d’abord les œufs se forment et se logent. Il n’y a d’ailleurs qu’un seul canal pour l’émission de la semence et pour la sortie des excréments, dans le mule et dans la femelle.

Pour les mollusques, tels que les polypes, les seiches, les calmars, etc., il y a encore moins de doute que pour les crustacés ; ils ont certainement des sexes séparés. Ils s’accouplent tous de la même manière, en se joignant bouche à bouche, et en entrelaçant régulièrement tentacules à tentacules. Ainsi, le polype appuie contre terre la partie de son corps qu’on prend pour sa tête, et il étend ses bras ; l’autre polype se déploie symétriquement sur l’envergure des bras du premier ; et de cette façon, les parties concaves de leurs corps correspondent les unes aux autres. Quelques naturalistes prétendent que le mâle a une espèce de verge logée dans un de ses bras. Cette verge, qui est assez forte, est attachée vers le milieu du membre ; et le mâle l’introduit dans la trompe de la femelle, ou, du moins, dans l’organe qu’on appelle de ce nom. On voit souvent des seiches et des calmars arrangeant leurs bouches et leurs bras à l’opposé les uns des autres, et nageant réciproquement en sens inverse, de telle sorte que l’un nage en arrière, tandis que l’autre nage dans le sens de la bouche. Les femelles produisent leurs œufs par l’organe qu’on nomme leur évent, et qui, selon quelques personnes, leur sert aussi à être fécondées par le mâle. Un autre mode d’accouplement des mollusques est surtout connu par les récits de quelques pêcheurs ; mais on conteste leur explication, et l’on nie que ce soit par les tentacules, comme ils le prétendent, que ces animaux s’accouplent. Ils se touchent bien ainsi ; mais ce peut être pour une fonction tout autre que celle de la génération. Ce qui est de toute nécessité, c’est que le mâle puisse s’approcher de l’organe de la matrice pour que la femelle soit fécondée ; et ce n’est pas un tentacule qui peut remplir cet office. Ce qui a pu donner naissance à ces dissentiments sur l’accouplement des mollusques, c’est leur singulière conformation. Chez eux, la bouche et l’orifice excrémentitiel se confondent, et il n’y a qu’une issue pour l’entrée et pour la sortie des aliments. D’une manière générale, on peut dans toutes les espèces d’animaux assimiler l’être, quel qu’il soit, à un tube ouvert par les deux extrémités ; ce tube est tout droit ; mais, chez les mollusques, on dirait que la Nature l’a recourbé de manière qu’un des bouts touche l’autre. Dès lors, on conçoit que la verge ait dû être placée ailleurs que là où elle l’est chez les animaux qui sont constitués tout autrement.

Quoi qu’il en soit, le polype répand sur sa femelle une liqueur visqueuse qui féconde l’œuf qu’elle porte. D’abord, cet œuf semble unique, et il est de couleur blanche ; mais bientôt, il devient granuleux, comme celui des crustacés. La femelle le dépose dans les trous qui lui servent de retraite, dans des tessons, si elle en trouve, et dans les endroits creux. Le paquet de ces œufs ressemble alors à des touffes de vigne vierge, ou à l’efflorescence du peuplier blanc. Après une cinquantaine de jours environ, il sort de chacun de ces grains de petits polypes, qui ressemblent à des araignées ; ils sont très faibles, et beaucoup d’entre eux meurent presque sur-le-champ.

Quant à la seiche, ses œufs sont noirs et gros, comme des baies de myrte. Ils sont reliés et collés les uns aux autres par une matière qui les unit en une masse ; c’est l’effet de la viscosité gluante que le mâle a jetée dessus. L’œuf est composé de deux parties ; celle qui est blanche nourrit la petite seiche, comme le jaune nourrit le poussin des oiseaux. Au bout de quinze jours, les œufs ont la grosseur d’un grain de raisin. La petite seiche doit briser l’enveloppe pour en sortir. C’est presque toujours au printemps que les mollusques frayent, comme la plupart des autres poissons. La seiche est la première à frayer, et elle fraye non seulement au printemps, mais en toute saison ; elle y met une quinzaine de jours, à peu près. Les polypes doivent s’accoupler en hiver, pour produire au printemps. La seiche et le polype couvent leurs œufs à l’endroit même où ils les ont déposés ; ou bien, ils se mettent à l’entrée du trou dans lequel ils les cachent, et ils étendent un de leurs bras devant l’ouverture, pour la fermer. On voit fréquemment la seiche, le corps à demi sorti de l’eau, posée sur ses œufs. Comme elle recherche à ce moment les algues, les roseaux, les brins de paille, et autres débris de la laisse de mer, les pêcheurs ont le soin de placer en lieu convenable, des baguettes sur lesquelles la seiche pelotonne et enroule son frai. On a moins de renseignements sur les calmars, parce qu’ils pondent en haute mer ; leur frai ressemble à celui de la seiche, et forme aussi une masse continue. La femelle a dans son intérieur deux corps rouges en forme de mamelons ; ces organes se rapportent sans doute à la génération, puisque le mâle ne les a pas.

La génération des insectes est beaucoup mieux connue, parce que beaucoup d’insectes vivent sous nos yeux et qu’il est facile de les observer, quoique nous en ignorions toujours bien des choses. Voici leur mode d’accouplement le plus commun. Le mâle, qui est plus petit, monte sur la femelle, qui est plus grosse que lui, et ils se joignent par derrière. Contrairement à ce qui se passe dans les autres animaux, la femelle, qui est dessous, introduit son canal dans le mâle, qui est dessus. Cet organe de la femelle paraît plus grand qu’il ne devrait l’être proportionnellement à son corps. On peut voir ceci très nettement en séparant des mouches accouplées ; on ne les détache qu’avec un petit effort, et elles se tiennent si étroitement unies parce que leur accouplement doit durer longtemps. Les araignées s’accouplent de cette même façon, après que le mâle et la femelle ont tiré, à tour de rôle et en sens opposé, sur un des fils qui forment le tissu de la toile.

En général, les insectes naissent au printemps, comme presque tous les animaux ; ils peuvent naître aussi en hiver, lorsque, pendant un temps plus long qu’à l’ordinaire, il fait de beaux jours et que le vent est au sud. Cependant, c’est une exception, et on ne la remarque que chez ceux des insectes qui ne se cachent pas, comme le font les mouches et les fourmis, durant la saison froide. Les insectes pondent presque aussitôt après l’accouplement. De la ponte, vers ou larves, il sort des êtres congénères à ceux qui les ont produits. Mais il est des insectes qui naissent spontanément, dans des matières putrides, et encore dans d’autres conditions, par exemple, soit à la suite d’une pluie ou d’une rosée, soit dans les eaux, dans les bois verts ou secs, et même dans les lainages de nos vêtements. Quant aux larves pondues par les insectes, il se passe en elles un travail dont il est difficile de se rendre compte ; et à un moment donné, il en sort tout à coup un animal entièrement formé, dont on n’a pu voir la croissance successive, comme on le voit pour les vers et pour la plupart des animaux. Il est des larves qui, avant de produire l’être complet, subissent plusieurs métamorphoses, ainsi qu’on peut l’observer sur les papillons.

On a étudié la génération de beaucoup d’insectes, et on la comprend assez bien ; par exemple, les frelons, les guêpes, les araignées, les sauterelles, les cigales, les poux, et bon nombre d’animalcules. Mais, bien qu’on se soit occupé plus particulièrement encore des abeilles, on ne sait rien de précis sur la manière dont elles se reproduisent. Leur travail de miel et de cire, la construction géométrique de leurs alvéoles, leurs mœurs et l’organisation de leur vie en commun, tout cela a quelque chose de divin, que nul insecte n’offre au même degré. Mais, en dépit de tant de motifs de sérieux examen, on ignore complètement comment les abeilles s’engendrent. On voit bien la reine des abeilles pondre des larves en abondance ; mais on ne sait pas comment elle est fécondée. On suppose que ce doit être par les bourdons ; mais rien ne le prouve. Du reste, les systèmes n’ont pas manqué pour expliquer ce fait toujours mystérieux ; mais aucune de ces théories fort ingénieuses ne s’appuie sur des faits constants ; on ne saurait les admettre. Ce qui est certain, c’est qu’on n’a jamais vu l’accouplement des abeilles, ni entre elles, ni avec les rois, ni avec les bourdons. On peut réfuter victorieusement toutes les explications proposées ; mais on ne saurait en fournir une meilleure. Il faut donc se résigner au doute, quoique, selon toute apparence, ce soient les bourdons qui doivent être les mâles, bien que dépourvus du dard qu’ont les abeilles. En résumé, de même que les abeilles sont des insectes à part et uniques en leur genre, de même leur génération paraît n’être pas moins singulière, ni moins remarquable.

Des insectes nous passons à la classe des poissons.

On peut affirmer que toute cette classe sans exception est ovipare, attendu que ceux même des poissons, en petit nombre, qui sont vivipares, font d’abord un œuf en eux-mêmes, d’où sort ensuite leur petit tout vivant, comme on le voit chez les cétacés et les sélaciens. Les poissons vivipares ont du lait et des mamelles, ainsi que les quadrupèdes. Le dauphin, par exemple, qui est vivipare, a des mamelons, qui, sans être aussi apparents que chez d’autres animaux, sont des espèces d’orifices, un de chaque côté sur les flancs. De ces orifices suinte le lait, tété par les petits, qui suivent la mère. Le fait a été attesté par quelques personnes qui l’ont parfaitement vu. Sauf cette exception, qui ne s’étend pas très loin, la plupart des poissons naissent d’œufs pondus extérieurement par les femelles. On distingue donc des sexes parmi les poissons. Mais il en est quelques-uns, comme l’anguille, où l’on n’a pu découvrir de sexes distincts, du moins jusqu’à présent. L’anguille n’est ni mâle ni femelle ; elle ne produit, ni n’engendre, absolument rien d’elle-même. L’anatomie n’a jamais fait découvrir en elle, ni canaux spermatiques, ni matrice. On prétend bien que l’on a trouvé dans certaines anguilles des appendices en forme de filaments et de vers, qu’on prend pour des organes génitaux ; mais on n’a pas pu préciser dans quelle partie du corps ces appendices se manifestent ; et la science ne peut recevoir pour vraie une assertion aussi vague. Jamais personne n’a vu des œufs d’anguille. Quant à la distinction du mâle et de la femelle, qu’on veut établir, parce que le mâle aurait, dit-on, la tête forte et plus longue, et que la femelle l’aurait plus petite et plus aplatie, ce n’est pas là du tout une différence de sexe ; c’est une simple différence d’espèce.

Il y a aussi des poissons qui naissent spontanément, comme certains insectes, dans la vase et le sable. Ce qu’il y a de singulier, c’est que les poissons nés de cette manière sont de mêmes espèces que ceux qui viennent d’œufs et d’accouplements. Ainsi, l’on rapporte que, dans des marais qui avoisinent Cnide, et où le limon avait été complètement desséché par la chaleur de la canicule, on a vu de petits poissons se montrer dès que l’eau revenait dans les bas fonds. On ajoute que ces poissons étaient du genre des muges, chez lesquels certaines espèces ne se reproduisent pas par accouplement.

D’autres poissons naissent de même spontanément dans l’écume de mer qu’on appelle l’aphye ; c’est une sorte de pourriture provenant des rivages sablonneux. L’aphye se forme en toute saison, mais plus abondamment dans les beaux jours, lorsque la terre s’échauffe ; elle s’amasse alors dans les endroits ombragés et marécageux. On en trouve beaucoup sur les côtes de Salamine, dans le voisinage d’Athènes et de Marathon. Quand le temps est calme, elle est ballottée à la surface de la mer ; et l’on y voit flotter de petites larves, comme celles qu’on découvre dans le fumier. Elle est surtout abondante quand la chaleur est humide. L’aphye de Phalère et du Pirée donne nais-sauce à de petits poissons excellents, qui se rapprochent des sardines. Les pêcheurs savent tirer parti de cette aphye, qu’ils salent, pour la conserver plus longtemps, et la transporter commodément.

Les poissons n’ont pas de testicules, ni en dehors, ni en dedans. C’est sans doute à cause de la conformation allongée de leur corps ; on verra que les serpents sont dans le même cas, ainsi que les animaux à branchies. Mais pour remplir la fonction des testicules, il y a deux conduits suspendus des deux côtés du rachis ; ils se réunissent en un seul pour l’émission. Dans la saison de l’accouplement, ces canaux se remplissent de liqueur séminale ; et ils en sont tellement gonflés que la plus légère pression en fait sortir de la semence de couleur blanche, qui ressemble à du lait. C’est ce qu’on appelle la laite des poissons. L’organisation de ces conduits spermatiques diffère selon les espèces ; et c’est l’anatomie, qui, pour chacune, nous apprend ce qu’ils sont. Peut-être, on expliquerait cette absence de testicules chez les poissons, en disant que, pour eux, l’accouplement doit être très rapide, et que la semence n’a pas besoin de cette longue élaboration qu’elle présente chez les quadrupèdes. Les conduits sont simples et tout droits ; ils n’ont pas ces circonvolutions multipliées et ces redoublements qu’ont les testicules humains. Ces vaisseaux se distinguent aisément dans les mâles, de la matrice des femelles, à l’époque de l’accouplement ; passé cette époque, les vaisseaux ne sont plus aussi distincts, si ce n’est pour les gens qui ont l’habitude de les observer. Il y a même des poissons chez qui les conduits spermatiques s’effacent entièrement, ainsi qu’il arrive aussi chez les oiseaux, en dehors du temps de l’accouplement.

Comme, en général, les sexes sont nettement séparés chez les poissons, la fécondation y est aussi de toute évidence. La femelle pond ses œufs, qu’elle abandonne ; le mâle, qui la suit, vient verser sa laite sur les œufs. Il n’y a de féconds que ceux qui en ont été arrosés. Les autres sont perdus, et ils deviennent ce que veut le hasard. Mais la Nature a prévu cette chance défavorable ; les œufs que produit la femelle sont en nombre prodigieux, et la perte se trouve compensée. Ces œufs sont ordinairement très petits et pareils à des graines de la plus mince dimension ; s’ils étaient plus gros, la matrice ne pourrait les contenir, et la gestation deviendrait impossible. Le poisson qu’on nomme l’aiguille a des œufs qui sont très gros, relativement aux autres ; il en a peu ; et cependant, il crève souvent par la distension excessive qu’ils lui causent.

La fécondation des poissons a donné lieu à bien des erreurs. C’est ainsi que l’on croit que les femelles sont fécondées en avalant la semence des mâles ; bien des gens soutiennent avoir vu le fait. Cependant, il est faux. Ce qui a pu causer cette illusion, c’est qu’à l’époque de l’accouplement, les femelles, dans plusieurs espèces de poissons, viennent, avec leur bouche, frapper le mâle sous le ventre ; et alors, les mâles émettent leur semence plus vite et en plus grande quantité. Au contraire, après la ponte, ce sont les mâles qui poursuivent les femelles, et ils dévorent en partie les œufs qu’elles produisent. En observant les choses un peu mieux, et en y réfléchissant davantage, on aurait pu aisément s’apercevoir de l’erreur où l’on tombait. D’abord, c’est à la même époque de l’année que les mules ont leur laite et que les femelles ont leurs œufs. Plus la femelle est près de pondre, plus aussi la laite s’accumule dans le mâle et se liquéfie ; et de même que l’accumulation de plus en plus grande de la laite dans le mâle coïncide avec l’ovulation dans la femelle, de même l’émission a lieu également à la même époque. Les femelles ne pondent pas d’un seul coup, mais petit à petit ; et les mâles ne répandent pas davantage leur-laite en une seule fois. Les deux fonctions sont donc faites pour se correspondre.

En second lieu, on aurait bien dû se dire que, si ces femelles avalaient la semence, elles la digéreraient. L’estomac est fait pour digérer les aliments qu’il reçoit. Et, comment supposer que la liqueur séminale puisse le traverser pour aller jusqu’à la matrice, sans être altérée et sans perdre sa faculté génératrice ? Mais ces erreurs sur les poissons ne doivent pas plus nous étonner que tant d’autres erreurs populaires sur la fécondation de certains oiseaux, et même de certains quadrupèdes. C’est toujours par défaut d’observation, et par des généralisations irréfléchies, qu’on commet ces méprises. Des naturalistes s’y sont laissé prendre, tout aussi bien que des historiens.

Presque tous les poissons ne produisent qu’une seule fois l’an ; néanmoins, il en est quelques-uns qui frayent deux fois, et même jusqu’à trois fois, comme le surmulet, qui fraye dans la vase. Parmi les sélaciens, la raie est la seule à pondre deux fois. L’époque la plus ordinaire pour le frai est le printemps, jusqu’au solstice d’été. Les espèces qui frayent deux fois pondent au printemps et à l’automne. Il en est qui frayent en toutes saisons, comme la murène, dont les œufs sont très abondants et se développent très vite. Quelques poissons ne frayent qu’en certains lieux à l’exclusion de tous les autres. Ainsi, les thons frayent dans le Pont-Euxin et ne frayent pas ailleurs. D’autres poissons préfèrent l’embouchure des fleuves, et d’autres encore frayent en haute mer. Une chose qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que, si, pour les plantes et même pour les animaux, les contrées diverses amènent de la différence, non seulement pour la santé générale des individus, mais aussi pour le nombre de leurs accouplements et pour leur fécondation, de même les lieux ont une grande influence sur les poissons, non seulement pour leur grosseur et leur engraissement, mais aussi pour leurs portées et leurs accouplements, de telle sorte que les mêmes animaux produisent davantage dans tel lieu et produisent moins dans tel autre.

La durée de la gestation chez les poissons varie tout autant. Les uns portent trente jours, d’autres portent encore moins. Tous les poissons souffrent de la gestation ; et c’est surtout à ce moment qu’ils sortent hors de l’eau ; on les voit se précipiter furieusement vers la terre ; et durant tout ce temps, ils sont dans une agitation continuelle ; ils ne se calment que quand ils ont jeté leur frai. On a bien souvent essayé de faire des rapprochements entre l’œuf des oiseaux et l’œuf des poissons ; mais entre ces œufs, il n’y a guère que des dissemblances. L’œuf des oiseaux est de deux couleurs : le blanc, qui constitue le poussin, et le jaune, qui le nourrit. L’œuf des poissons est d’une seule couleur, et l’on n’y distingue pas deux parties. Il n’a pas de coquille, tandis que l’œuf des oiseaux en a une, qui est assez dure. D’autres analogies encore plus lointaines ont été indiquées ; et c’est ainsi qu’on a pu dire que l’écaillé, chez les poissons, remplissait la fonction des plumes chez les oiseaux.

Enfin, on n’a jamais vu chez les poissons des espèces différentes s’accoupler et produire des hybrides ; ce qu’on observe souvent entre plusieurs espèces de quadrupèdes et même d’oiseaux, où les croisements réussissent, bien que leur effet ne se prolonge pas dans des générations successives.

Tous les oiseaux, sans aucune exception, ont des sexes séparés ; il n’est pas une de leurs espèces qui ne vienne d’accouplement. Tous aussi sont ovipares. Le mode de l’accouplement est unique : le mâle monte toujours sur la femelle. La seule différence, d’ailleurs bien légère, c’est que tantôt la femelle s’accroupit, et c’est le cas le plus ordinaire, et que tantôt elle reste debout, comme chez les grues, où le mâle grimpe sur la femelle, qui demeure toute droite. Il y a des oiseaux, comme les pigeons et les tourterelles, qui se baisent bec à bec avant l’accouplement. Chez tous les oiseaux, la copulation est extrêmement rapide. Le plus habituellement, la fécondation se fait en une fois. Les oiseaux ont des testicules, qui sont placés à l’intérieur près des lombes, disposition qui se retrouve chez les quadrupèdes ovipares, tels que la tortue, le lézard, le crocodile, et même chez quelques vivipares, tels que le hérisson. De l’un et de l’autre testicule, sortent des conduits qui, pour l’émission, se réunissent en un seul, comme dans les animaux qui n’ont pas de testicules. Ceux des oiseaux et des quadrupèdes ovipares sont, tantôt de couleur plus blanche, tantôt de couleur plus jaunâtre. La liqueur séminale se montre dans ces conduits, qu’elle remplit au temps de l’accouplement ; mais la saison une fois passée, les canaux deviennent presque imperceptibles ; au contraire, quand l’animal s’accouple, ils sont énormes. On en peut dire autant de la verge, qu’on distingue à peine dans les petits oiseaux, mais qui se voit bien mieux chez de plus grands, l’oie, par exemple, et les animaux de cette grosseur, quand l’accouplement va se faire.

La matrice des oiseaux a, comme on l’a déjà dit, une tige ferme et charnue. Elle est revêtue d’une membrane très mince, qui renferme les œufs. Sur les petits oiseaux, cette membrane n’est presque pas apparente ; elle l’est davantage sur les gros oiseaux ; et l’on n’a qu’à l’insuffler, par la tige de la matrice, pour qu’elle s’élève et se gonfle. Les oiseaux ont de la semence, qui est blanche et pareille à celle des autres animaux. La semence ne varie jamais de couleur, malgré ce qu’en ont cru quelques naturalistes, s’imaginant que la liqueur séminale des nègres doit être noire ainsi que leur peau. Après l’accouplement, la femelle des oiseaux attire la semence dans la partie supérieure du diaphragme, où les œufs se rencontrent.

La particularité essentielle qui distingue les oiseaux, c’est leur œuf, qui se forme à l’intérieur, et qui sort ensuite, recouvert d’une coquille contenant le poussin. Tout d’abord, l’œuf se montre très petit et de couleur blanche ; puis, il devient rouge et couleur de sang ; en grossissant, il passe au jaunâtre et au roux. A mesure qu’il se développe de plus en plus, il se divise à l’intérieur en deux parties, séparées par une membrane ; le jaune se place au centre, et le blanc l’entoure. Quand enfin l’œuf est complet, il se détache, et il sort. De mou qu’il était, il devient assez dur ; mais au moment même de la sortie, la coquille n’a pas encore toute sa consistance, de peur que l’animal ne soit blessé ; elle l’acquiert presque sur-le-champ ; et elle a dès lors toute la fermeté qu’on lui connaît, afin de protéger le poussin contre tous les accidents extérieurs. Quelquefois, la coquille reste molle ; mais c’est une preuve que la bête était malade. Dans les œufs des oiseaux aquatiques, la proportion du jaune est beaucoup plus forte.

La couleur extérieure des œufs varie selon les espèces. Beaucoup d’œufs sont blancs, comme ceux des poules ; tantôt, ils sont jaunes comme ceux des oiseaux de marais ; tantôt ils sont mouchetés de points, comme ceux des pintades et des faisans. Les œufs de la cresserelle sont d’un rouge de vermillon. L’œuf est toujours plus pointu par un de ses bouts, plus gros et plus arrondi par l’autre. On prétend que les œufs longs et pointus donnent des mâles, et que ceux qui sont arrondis et qui ont un cercle vers la pointe, donnent des femelles ; mais c’est un fait à vérifier.

L’époque et le nombre des pontes ne varient pas moins que la couleur des œufs. Les oiseaux sauvages ne s’accouplent et ne pondent qu’une seule fois par an. L’hirondelle et le merle pondent deux fois. Le merle est peut-être de tous les oiseaux celui qui pond le plus tôt ; mais bien souvent, sa première couvée périt par le froid de l’hiver ; et il n’amène à bien que la seconde. Les oiseaux domestiques et ceux qui peuvent devenir domestiques, font plusieurs pontes, parce que, vivant avec l’homme et ayant une nourriture abondante, ils peuvent s’accoupler aussi en toute saison. Témoins les pigeons, qui élèvent des petits pendant toute l’année, quand ils sont dans un lieu chaud et qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin. Les poules, si on les soigne bien, pondent pendant dix mois à peu près sur douze, ne cessant de produire que pendant les mois qui précèdent, ou qui suivent, le solstice d’hiver. Mais le plus généralement, les oiseaux s’accouplent et font leurs couvées aux environs du printemps et au début de l’été. Il faut en excepter l’halcyon, qui pond vers le solstice d’hiver, donnant son nom aux beaux jours qu’on a quelquefois à cette époque de l’année.

On a cherché à savoir combien de temps l’œuf mettait à se former après l’accouplement ; et l’on a trouvé que cet intervalle varie avec la grosseur des parents. L’œuf de poule met approximativement dix jours à se former et à être parfaitement fait ; il faut un peu moins de temps pour l’œuf de pigeon. Une singularité dans cette dernière espèce, c’est que la femelle, au moment même du travail, peut retenir son œuf, si quelque chose vient à la troubler ; et alors elle bouleverse son nid.

Le nombre des œufs est très variable suivant les espèces. Certains oiseaux ne font qu’un seul œuf ; d’autres en font une masse. Les oiseaux de proie sont très peu féconds, parce qu’ils ont trop de peine à se nourrir et à nourrir leurs petits. L’aigle ne fait jamais que trois œufs ; et selon la remarque de Musée, elle n’en fait éclore que deux. Dès qu’un des deux aiglons est assez grand, elle le chasse, parce qu’elle aurait trop de peine à l’élever, et aussi, dit-on, parce qu’elle en est jalouse. Le milan a deux ou trois œufs ; rarement, il en a quatre. Le vautour en a un ou deux ; la grue en a deux aussi. Le verdier en pond quatre ou cinq ; l’halcyon de même. Une espèce de mésange, appelée la mérope, en a six, qu’elle dépose à l’automne dans les lieux les plus escarpés, et dans des trous profonds. Les œufs de la pie sont au nombre de neuf ; ceux de la perdrix, au nombre de dix et jusqu’à seize. La mésange ordinaire passe pour être l’oiseau qui a le plus d’œufs ; elle en a jusqu’à dix-sept, quelquefois même plus de vingt ; et chose bizarre, ses œufs sont toujours en nombre impair. Parmi les oiseaux domestiques, le pigeon ne fait d’ordinaire que deux œufs ; mais il pond très fréquemment. Si par hasard il a trois œufs, il n’élève pourtant que deux petits ; souvent même il n’en élève qu’un seul, détruisant le troisième œuf, qui presque toujours est clair. Il y a des poules de belle race qui accumulent leurs œufs jusqu’au nombre de soixante, avant de les couver. D’autres poules pondent jusqu’à deux fois par jour ; mais cet excès de fécondité les épuise, et elles peuvent en mourir. Les petites poules dites d’Adria pondent tous les jours, sans se fatiguer.

En général, les oiseaux pondent dans des nids. Mais ceux dont le vol est pesant ne font pas de nids, par exemple, les perdrix et les cailles, qui pondent sur la terre, recouvrant leurs œufs avec des branchages. Il en est qui cachent les leurs dans des trous. Les grives font leurs nids avec de la boue, comme les hirondelles, mais sur le haut des arbres ; elles les placent à la suite les uns des autres, dans un ordre assez régulier. La huppe se donne moins de peine ; elle se fourre dans les vieux troncs d’arbre, où elle dépose ses œufs sans y rien apporter. L’épervier et le vautour nichent dans des lieux inaccessibles, au sommet des roches les plus abruptes. L’aigle, dont le nid est énorme, fait de même ; il garde son aire fort longtemps, sans y rien changer ; une fois qu’il l’a construite de bois mort, il la défend avec fureur, si on l’attaque. Le nid le plus curieux et le mieux fait est celui de l’hirondelle ; elle le construit de paille et de boue, en y entrelaçant des brindilles de bois. Si la boue lui manque, elle se baigne dans l’eau et va rouler ses ailes dans la poussière. Elle édifie ce nid absolument d’après les règles que nous suivrions nous-mêmes, mettant d’abord en dessous les matériaux les plus durs. Elle proportionne parfaitement la grandeur de son logement à la sienne. Le mâle et la femelle prennent le même soin des petits ; la mère distribue à chacun d’eux leur pâture, distinguant, comme si elle en avait l’habitude, celui qui en a reçu le premier, afin de ne pas lui en donner deux fois. Dans les premiers temps, elle prend le soin de rejeter leur fiente hors du nid, qu’elle tient très propre ; et quand ils sont plus grands, elle leur apprend à se tourner dehors pour se satisfaire. Il y a, tout au contraire des oiseaux qui ne font pas de nid, et qui ne s’occupent point de leur progéniture. Le coucou va le plus souvent pondre dans les nids d’autres oiseaux, et il y abandonne ses œufs, sans la moindre sollicitude pour ce qui doit en sortir.

Une fois les œufs pondus et abrités dans le nid, les oiseaux les couvent, pour les amener à maturité et à éclosion. L’incubation dure plus ou moins longtemps, selon les espèces, qui y sont plus ou moins aptes, et selon la grosseur de l’animal. Elle est destinée à maintenir sur les œufs une chaleur constante ; et c’est si bien la chaleur qui est nécessaire qu’on peut même se passer de l’oiseau pour l’obtenir. Ainsi, en Egypte, on met les œufs dans le fumier, et ils y éclosent très bien sous les ardeurs du soleil. On a placé aussi des œufs dans des vases qu’on chauffait ; ils y étaient couvés, et les petits en sortaient spontanément. Quand c’est la femelle qui couve, les poussins sortent dans les temps chauds plus vite que dans les temps froids ; ainsi, les poussins de la poule éclosent en dix-huit jours dans l’été ; et il faut quelquefois vingt-cinq jours en hiver. L’aigle couve trente jours, comme le font aussi les gros oiseaux, l’oie et l’outarde. En général, les oiseaux n’ont aucune attention pour les petits quand ils sont élevés. On excepte pourtant la corneille, qui reste encore quelque temps avec eux pour les nourrir, même quand ils volent déjà tout seuls, et qui vole à côté d’eux. Les femelles des corneilles restent seules à couver sans interruption, et c’est le mâle qui leur apporte soigneusement à manger. Dans d’autres espèces, celles des pigeons et beaucoup d’autres, les mâles couvent alternativement et relayent la femelle, pendant tout le temps qu’elle met à se procurer sa nourriture. L’incubation alors ne cesse pas un seul instant ; et c’est ainsi qu’elle arrive sûrement à terme, comme le veut la Nature.

Les œufs des oiseaux sont sujets à des accidents de diverses sortes. Bien que provenant d’un accouplement régulier, il se peut qu’ils ne produisent rien et qu’ils restent clairs. D’autres fois, ils ont deux jaunes, et il en sort deux jumeaux. En ce cas, les deux jaunes sont séparés par une couche de blanc, qui s’interpose. Souvent aussi, cette couche intermédiaire vient à manquer, et les deux jaunes se mêlent et se confondent. On a vu des poules ne pondre que des œufs doubles ; on en a même observé une qui avait pondu jusqu’à dix-huit œufs, tous doubles et féconds. Seulement, des doubles jaunes, l’un était plus grand, et l’autre plus petit. L’accident le plus fréquent est celui des œufs clairs pondus par la femelle, sans accouplement, c’est-à-dire, d’œufs qui ne produisent pas de poussins, bien qu’en apparence ils soient aussi bien conformés que les autres. Ils sont plus nombreux et plus petits que les œufs féconds. Quelques naturalistes ont prétendu que les œufs clairs sont des restes et des débris d’œufs, venus d’un accouplement antérieur, et avortés dans le sein de la bête. Ce n’est pas exact, puisqu’on trouve de ces œufs clairs dans de jeunes femelles qui n’ont pas été cochées. Ceci prouve bien que la femelle a des œufs sans l’intervention du mille, et que c’est le mâle seul qui peut les féconder et leur donner la vie. Quand on met des œufs clairs à couver sous l’oiseau, il ne se passe dans ces œufs aucun changement sous l’action de la chaleur ; le blanc et le jaune restent identiquement ce qu’ils étaient.

Au contraire, dans les œufs féconds, d’où le poussin doit sortir, il se produit, presque dès le premier jour après l’accouplement, des modifications, qui ne font que s’accroître à mesure que l’incubation s’avance dans sa durée régulière. Les phénomènes qui s’accomplissent alors dans l’œuf sont excessivement curieux, et font très bien comprendre comment se forment les fœtus, depuis la conception jusqu’à la naissance. Cette étude importante sera abordée un peu plus loin, quand nous aurons à traiter de la génération de l’homme.

A la suite des oiseaux, il faut dire quelques mots des reptiles ; et comme, parmi eux, il y a des quadrupèdes, ce sera une transition facile pour arriver à la génération des animaux de cette dernière classe. Les serpents n’ont pas de testicules, non plus que les poissons ; mais à la place de cet organe, qui leur manque, ils ont aussi deux conduits suspendus au-dessous du diaphragme, des deux côtés du rachis. Ces conduits s’emplissent de liqueur séminale, à l’époque de l’accouplement. Ils se réunissent en un seul, un peu au-dessus du point de sortie des excréments, ainsi que chez les poissons. La matrice des reptiles diffère beaucoup de celle des autres animaux, et elle diffère, même dans la classe des serpents, d’une espèce à une autre. Elle est allongée suivant la conformation du corps de l’animal, et elle s’étend jusqu’au diaphragme. Les œufs y sont rangés en ordre très régulier ; on dirait les joyaux d’un collier de femme. Ils sont pondus tous à la fois. La vipère pond ainsi plus de vingt petits en un seul jour ; mais la vipère est d’abord ovipare en elle-même, et sa matrice se rapproche de celle des sélaciens ; ses petits restent trois jours dans la membrane qui les enveloppe, et ils doivent la rompre pour paraître au jour tout vivants. L’œuf intérieur de la vipère est mou, et il n’est que d’une seule couleur. Souvent, les petites vipères se dévorent entre elles. Les serpents ont un accouplement étrange, qui n’est qu’à eux. Le mâle ne pouvant monter sur la femelle, ils s’entrelacent l’un à l’autre ventre contre ventre ; et ils se serrent si fort, dans cet enroulement, qu’ils semblent ne former qu’un seul serpent à deux têtes. L’accouplement se fait de la même manière chez les lézards. Mais il est très rapide pour tous ces animaux. En Libye, il y a des serpents d’une grosseur monstrueuse ; ils nagent aussi bien qu’ils rampent ; et à en croire les récits des navigateurs, ils seraient de force à faire chavirer une barque, quand ils la poursuivent sur les eaux.

Quelques espèces de quadrupèdes sont ovipares ; mais presque tous sont vivipares. Les quadrupèdes ovipares ont des testicules intérieurs, au-dessous du diaphragme dans le bassin, disposés à peu près comme ceux des oiseaux et des poissons. Leurs matrices aussi sont semblables à celles de ces derniers animaux. Ils s’accouplent comme les quadrupèdes vivipares, le mâle montant sur la femelle ; mais les saisons de l’accouplement sont variables. Pour les uns, c’est au printemps ; pour les autres, c’est en été ; pour quelques-uns même, c’est à l’automne ; mais toujours, à l’époque la plus favorable pour les petits qui doivent en naître. La tortue de terre pond des œufs à tégument dur et de deux couleurs, comme ceux de l’oiseau. Une fois qu’elle les a pondus, elle les enfouit en terre dans un trou qu’elle creuse, et elle égalise le sol par dessus. Cela fait, elle les couve, et les œufs n’éclosent que l’année suivante. La tortue d’eau douce sort de l’eau pour pondre ; elle fait également un trou rond, en terre, où elle dépose ses œufs ; elle les y laisse une trentaine de jours. Alors, elle les déterre, et elle en fait sortir les petits, qu’elle mène immédiatement à l’eau. La tortue de mer vient de même à terre pondre des œufs qui ressemblent beaucoup à ceux des oiseaux domestiques ; elle les enterre, et les couve pendant les nuits. Elle en fait un nombre considérable, qui se monte parfois jusqu’à cent. Le crocodile en pond un peu moins, une soixantaine environ. Il les couve deux mois à peu près. Ces œufs sont blancs, et très petits, comparativement à l’animal énorme qui en sortira. L’œuf n’est pas plus gros que celui d’une oie ; et l’on a vu des crocodiles avoir dix-sept coudées de long.

Quant aux quadrupèdes vivipares, ils ont tous des organes sexuels fort apparents, testicules, verge et matrices. Tantôt, les testicules sont suspendus et détachés, comme chez l’homme et bien d’autres animaux ; tantôt, ils sont contigus à la partie postérieure du ventre et n’en sont pas détachés ; c’est la conformation des porcs. De même pour la verge, elle est, ou suspendue sous le ventre et adhérente, ou elle est libre. Cette diversité d’attache vient de ce que tels animaux urinent en avant, et tels autres urinent en arrière. Les matrices ne diffèrent pas moins, bien que leur position générale soit toujours en bas du diaphragme. On y distingue deux parties : la matrice proprement dite, et l’utérus, où le fœtus doit être nourri. Tous les animaux à cornes ont, pour leur matrice, une organisation pareille à celle de la femme. Dans les animaux à cornes qui n’ont pas les deux rangées de dents, et qui en manquent à la mâchoire supérieure, la matrice a des cotylédons, ou protubérances charnues, auxquels se rend le cordon ombilical destiné à nourrir le fœtus, et auxquels il s’attache. Les cotylédons ont une partie convexe qui touche la matrice, et une partie concave, qui touche l’embryon. Ils deviennent de plus en plus petits à mesure que le fœtus prend de la croissance, et ils disparaissent complètement quand il est tout à fait formé. Les animaux à double rangée de dents aux deux mâchoires n’ont pas de cotylédons dans la matrice. Du reste, tous ces détails doivent être étudiés sur les dessins anatomiques joints aux descriptions.

Les mamelles sont un organe spécial des quadrupèdes. Ils sont, avec l’homme, les seuls à en posséder. Les mamelles varient de position et de nombre, selon les espèces. Aussi, l’homme a deux mamelles placées sur le devant de la poitrine. Nul autre animal n’a cette conformation. L’éléphant, qui n’a aussi que deux mamelles, les a au-dessous de la poitrine, et presque sous les aisselles ; elles sont très petites, proportionnellement au volume de son corps, et on les voit à peine quand on les regarde de côté. Les mâles en ont comme les femelles, bien qu’elles leur soient inutiles. La brebis n’en a que deux, comme l’éléphant ; et elles sont placées entre les cuisses. L’ourse a quatre mamelles, ainsi que la vache. La chienne, la truie, ont des mamelles inégales et en grand nombre, non plus sur la poitrine ni près des cuisses, mais sous le ventre. La panthère et la lionne les ont sous le ventre également ; mais la panthère en a quatre, et la lionne en a deux. La chamelle non plus n’a que deux mamelles ; mais elle a quatre mamelons ou tétins, ainsi que la vache. Dans les solipèdes, les mâles n’ont pas trace de mamelles ; cependant, quelques chevaux font parfois exception. Les mamelles élaborent et contiennent le lait, qui doit alimenter le jeune aussitôt après sa naissance. Voilà pourquoi les vivipares sont les seuls à en avoir, soit qu’ils vivent sur terre, soit qu’ils vivent dans l’eau, comme les cétacés.

La gestation et la parturition varient beaucoup chez les quadrupèdes ; la gestation dure plus ou moins longtemps, et les petits sont en plus ou moins grand nombre. Ces différences se remarquent pour les animaux sauvages, aussi bien que pour les animaux domestiques.

Les truies portent quatre mois ; elles font jusqu’à vingt petits ; mais ce nombre est trop fort, et elles ne peuvent les nourrir tous. La vieillesse n’ôte rien à cette fécondité ; seulement, la bête fait plus de difficulté pour se laisser couvrir. Bien qu’elles conçoivent par un seul accouplement, on doit pourtant les faire monter plus d’une fois, parce qu’après l’accouplement elles rejettent un liquide, qu’on appelle la caprée, et que ce liquide peut entraîner la liqueur séminale. Lorsque la truie a mis bas, elle donne la première mamelle au petit qui est venu le premier, et ainsi de suite. Quand elle est en chaleur, on ne lui donne pas le mâle immédiatement ; on attend qu’elle ait les oreilles pendantes. Si les oreilles ne pendent point, c’est que la bête doit être en chaleur de nouveau. Il faut avoir soin de la bien nourrir quand elle a mis bas. Le porc, mâle et femelle, peut s’accoupler à huit mois et même plus tôt ; mais il vaut mieux attendre que la première année soit révolue, parce qu’autrement les produits sont plus faibles. La femelle portant quatre mois, elle peut mettre bas à un an.

La brebis n’est fécondée qu’après trois ou quatre accouplements. Elle avorte très facilement ; il suffit d’une pluie ou d’un coup de tonnerre pour que l’avortement ait lieu. La portée ordinaire est de deux petits ; rarement il y en a trois, et encore plus rarement, quatre. La gestation est de cinq mois ; et dans les climats chauds, où la nourriture est abondante, les brebis peuvent avoir deux portées par an. Elles vivent jusqu’à dix ans, et, dans l’Ethiopie, jusqu’à douze ou treize. Dans cette espèce, l’animal couvre et est couvert tant qu’il vit. A en croire les bergers, la nature des eaux qui servent de boisson aux brebis et qui sont plus ou moins froides, déterminerait le sexe des petits ; il y a des béliers qui ne font que des mâles ; d’autres qui ne font que des femelles. Le vent, selon qu’il est du nord ou du sud, n’aurait pas moins d’action que les eaux, à ce qu’on prétend. Les petits sont blancs ou noirs, suivant que les veines que le bélier a sous la langue, sont blanches ou noires. Quand on fait boire de l’eau salée aux brebis, elles sont en état d’être fécondées plus tôt. Si les vieilles brebis se montrent les plus ardentes à l’accouplement, dans la saison régulière, les bergers y trouvent le signe d’une bonne année pour le croît ; si ce sont les jeunes, ils augurent que l’année sera mauvaise.

Tout ce que l’on vient de dire pour les brebis s’applique presque aussi bien aux chèvres, qui avortent aussi facilement, qui portent le même temps à peu près, qui vivent autant, et qui produisent toute leur vie. Cependant, le caractère des chèvres est aussi pétulant que celui des brebis est tranquille.

Les chiens peuvent couvrir, et les femelles peuvent être couvertes, à huit mois, époque à laquelle les mâles lèvent déjà la patte pour uriner. La chienne est fécondée par un seul accouplement. La gestation est de deux mois environ, à quelques jours près ; la femelle, après qu’elle a mis bas, reste six mois sans recevoir le mâle. Il y a des chiennes qui portent trois mois entiers. Les flux menstruels durent une semaine, et pendant tout ce temps les parties génitales sont gonflées. Les femelles n’acceptent l’accouplement que dans les sept jours suivants. Leur accès de chaleur dure quatorze ou seize jours. Elles ont du lait quatre, cinq ou six jours, avant de mettre bas ; ce lait est d’abord épais, bien qu’il le soit moins que celui des porcs et des lièvres, et il s’éclaircit ensuite peu à peu. Lorsque la puberté des femelles se forme et se complète, leurs mamelles prennent, comme dans l’espèce humaine, un certain gonflement et une certaine élasticité ; mais cette modification étant très légère, il faut l’observer avec soin pour la découvrir. La portée est ordinairement de cinq ou six petits ; elle va quelquefois jusqu’à douze. Les chiennes de Laconie en ont habituellement huit. Les petits chiens ont en naissant les yeux fermés, comme les petits chats.

Le taureau est, dans la monte, d’une violence inouïe ; sous son assaut, la femelle fléchit de tout son corps. Si le premier assaut ne réussit pas, la vache reste vingt jours sans s’offrir à un second accouplement. A un an, les mâles peuvent couvrir, et les femelles être couvertes ; on a même vu des saillies plus précoces ; mais il est préférable d’attendre dix-huit mois et même deux ans ; les produits n’en sont que plus beaux. La vache porte dix mois ; si le petit vient par hasard quelques jours plus tôt, il ne vit pas, parce que les cornes de ses pieds sont trop molles et trop peu formées. La portée est d’un seul petit ; il est très rare qu’il y en ait deux. La fécondité du mâle et de la femelle dure toute leur vie, qui est de quinze à vingt ans. Le temps de l’accouplement est un peu avant le solstice d’été, et un peu après. Il n’a pas lieu dans le reste de l’année.

Ce n’est guère qu’à l’âge de deux ans que le cheval commence à saillir, et c’est à cet âge aussi que la femelle peut commencer à être couverte. Mais c’est plutôt encore à trois ans qu’il faut permettre la saillie. Auparavant, les produits sont plus faibles ; ils sont de plus en plus forts jusqu’à vingt ans. La jument n’a d’ordinaire qu’un seul petit ; quelquefois, elle en a deux ; mais c’est le plus. Elle porte onze mois, et elle met bas dans le douzième. Tous les quadrupèdes se couchent pour mettre bas ; et voilà pourquoi les petits sortent toujours sur le côté ; mais la femelle du cheval fait exception ; et, quand le moment de la délivrance approche, elle se met tout droit sur ses jambes, pour produire son poulain. Les fœtus milles se forment plus vite que les fœtus femelles, dans le ventre de la mère ; mais une fois nés, ce sont les femelles qui se développent le plus rapidement. On pourrait faire la même remarque pour l’espèce humaine. L’étalon peut saillir en toute saison et durant sa vie entière ; il en est à peu près de même pour la jument, bien qu’elle résiste quelquefois, selon les saisons. Elle commence à être saillie avec le printemps ; si elle l’est plus tard, il y a danger qu’elle ne puisse pas élever son poulain. Quand elle l’a produit, elle ne se laisse pas couvrir immédiatement ; et il faut qu’il se passe un assez long intervalle, une année tout au moins, et même plusieurs années, si on le peut ; c’est une sorte de jachère. Quand la jument a mis bas, elle dévore le chorion qui enveloppe le poulain. Elle mange aussi l’excroissance qu’il a sur le front et qu’on appelle l’hippomane, fort recherché par les femmes qui préparent des médicaments et des philtres. Si un âne vient à saillir une jument déjà montée par un cheval, ce second accouplement détruit l’embryon antérieurement conçu.

Après l’homme, c’est le cheval, mâle et femelle, qui passe pour le plus lascif des animaux ; et chose assez remarquable, ce sont les chevaux les plus vieux qui sont les plus féconds, Ceci n’est pas moins vrai des femelles. Les chevaux montent indifféremment leurs mères et leurs filles ; et le haras est regardé comme plus complet, quand ils saillissent leurs propres produits.

Les hybrides issus du croisement d’un cheval et d’une ânesse, ou d’un âne et d’une jument, sont stériles ; généralement, ils ne peuvent pas se reproduire. Dans les autres espèces, ce sont des individus qui sont atteints de cette infirmité ; mais pour les mulets, c’est l’espèce tout entière qui en est frappée. Cependant, on cite quelques cas de fécondité, soit du mulet, soit surtout de la mule. Démocrite et Empédocle ont essayé d’expliquer la stérilité du mulet ; mais leurs théories sont inacceptables, et l’on ne saurait après eux risquer des hypothèses, qui ne seraient pas mieux fondées que les leurs. Il y a dans la Syrie des animaux qu’on appelle des mulets, et qui se reproduisent très bien entre eux. C’est un satrape qui les avait fait venir de Perse ; mais, quoique ces animaux ressemblent à des mulets, c’est une espèce différente, et ce sont plutôt des ânes.

Quant à l’âne proprement dit et a l’ânesse, ils peuvent s’accoupler à trente mois, après la chute des premières dents. On cite toutefois une ânesse qui a été pleine à un an et dont le petit a pu vivre ; mais c’était un cas fort extraordinaire. L’ânesse rejette la semence aussitôt qu’elle a été saillie ; aussi prend-on des précautions pour l’en empêcher. Immédiatement après l’accouplement, on la force de courir, en la fustigeant à coups redoublés. L’ânesse porte douze mois, autant que la jument. Elle a du lait dès le dixième mois de la gestation. Le plus souvent, elle n’a qu’un ânon ; quelquefois elle en fait deux. Après qu’elle a mis bas, elle peut être couverte de nouveau dès le septième jour ; et l’on croit avoir remarqué que c’est ce jour-là qu’elle conçoit le plus sûrement, quoiqu’elle conçoive aussi plus tard. Si elle n’a pas eu de poulain avant de perdre les quatrièmes dents, qu’on appelle les marques, il n’y a plus de chance qu’elle devienne pleine, ni qu’elle porte durant le reste de sa vie. Quand elle est sur le point de mettre bas, elle aime à se cacher ; et l’on a soin de l’isoler dans l’obscurité, pour qu’elle s’y délivre loin des regards. Elle peut produire durant sa vie entière, qui est de trente ans et plus ; le mâle vit à peu près aussi longtemps. Il y a plus d’avortements dans les croisements de cheval et d’âne que dans les accouplements réguliers d’individus de même espèce. Quand l’âne et le cheval se croisent, le temps de la gestation se règle sur le mâle ; et elle dure tout ce qu’elle aurait duré si le jeune venait de parents congénères. Pour la grandeur, l’aspect et la force, le produit ressemble davantage à la mère. Les gens qui s’occupent de faire ces croisements affirment que la jument ne reçoit l’âne que s’il a tété une jument ; on fait donc téter les juments par des ânons qu’on appelle nourrissons de juments ; et ces ânes-là, au pâturage, couvrent les juments et les forcent à les recevoir, tout comme le font les étalons.

La chamelle porte dix mois, ou, selon d’autres, douze mois ; elle n’a jamais qu’un seul petit ; elle le nourrit pendant un an. Elle met bas au printemps, et elle a du lait jusqu’à une nouvelle gestation. Son lait est d’un goût excellent et passe pour le plus léger de tous.

Le chameau est un des rares animaux qui urinent par derrière ; mais sa verge, qui est très nerveuse, n’en est pas moins en avant, comme celle des autres quadrupèdes. On en fait des cordes pour les arcs. Dans l’accouplement, la femelle fléchit les jambes ; le mule monte sur elle et la couvre. Ils restent accouplés un jour entier, dit-on ; mais ils se retirent dans un lieu désert, où ils ne se laissent approcher que par leur gardien. En Arabie, l’accouplement a lieu à trois ans pour le nulle et la femelle. Après que la femelle a mis bas, elle reste un an sans recevoir le mâle de nouveau. Il y a peu de quadrupèdes dont le rut soit aussi violent que celui du chameau, si doux à toute autre époque.

L’éléphant peut couvrir, et la femelle être couverte, à vingt ans pour la première fois. La verge ressemble à celle du cheval ; mais elle est plus petite ; et elle ne semble pas en proportion avec la masse du corps. Les testicules de l’éléphant ne paraissent pas au dehors ; ils sont renfermés à l’intérieur, près des reins ; et c’est peut-être pour cela que son accouplement est si rapide. La femelle a le vagin placé sur le ventre, de même que la brebis y a ses mamelles ; et quand elle désire l’accouplement, elle relève cet organe en haut et le tourne vers le dehors, afin que l’accouplement soit plus facile pour le mâle qui monte sur elle. On ne sait pas au juste quelle est la durée de la gestation ; les uns la font de dix-huit mois ; d’autres la prolongent jusqu’à trois ans. Ce qui cause ce désaccord, c’est qu’il est très difficile de voir l’accouplement. Il a toujours lieu dans des endroits écartés, sur le bord des rivières, et dans des localités qui sont familières aux deux bêtes. Quand la femelle est pleine, le mâle ne la touche plus. Pour mettre bas, la femelle s’accroupit sur ses jambes de derrière ; et il est évident qu’elle souffre alors très vivement ; elle n’a jamais qu’un petit. Dès que le petit est né, il tette avec sa bouche, et non point avec sa trompe, comme on le suppose quelquefois.

La verge du cerf est dans le genre de celle du chameau, et tout aussi nerveuse. L’assaut du mâle au moment du rut effraie les biches, qui essayent de s’y soustraire, et qui ne peuvent le supporter que quelques instants. Les biches en chaleur s’évitent les unes les autres. Le mâle aime à changer ; il ne reste pas avec une seule femelle ; et, à très peu d’intervalle, il couvre de nouvelles compagnes. L’accouplement a lieu vers l’équinoxe d’automne, ou dans les deux mois suivants. La biche porte huit mois ; ordinairement, elle n’a qu’un seul faon ; il est très rare qu’elle en produise deux. Elle dépose ses petits non loin des sentiers tracés dans les bois, parce qu’elle craint les bêtes fauves. Elle sait choisir ces asiles de façon qu’elle puisse y fuir et s’y réfugier, pour dépister les chasseurs ; c’est le plus souvent un roc à pic, qui n’est abordable que d’un seul côté. Les biches ont quatre tettes, ainsi que les vaches. Dès qu’elles sont pleines, les mâles s’en vont à part et restent entre eux. L’ardeur qui les pousse à s’accoupler fait que chacun d’eux, lorsqu’il est solitaire, creuse des trous dans le sol, et leurs fronts sont souillés de terre. La cause de ces transports, c’est que cet animal est très lascif. Au moment de la saillie, leur chair devient mauvaise ; elle a une odeur repoussante, dans le genre de celle des boucs. Dans l’été, temps où ils ne saillissent pas, ils deviennent très gras, et tellement lourds que des chasseurs à pied peuvent les prendre, s’ils les poursuivent avec un peu de persévérance.

Le renard couvre sa femelle à la façon de tous les quadrupèdes ; mais ses petits, qui sont aveugles en naissant, sont encore plus difformes que ceux de l’ourse ; la mère les lèche pour les réchauffer, et pour les former petit à petit. Quand elle est près de mettre bas, elle change si fréquemment de place qu’il est très difficile d’en prendre une qui soit pleine. Elle a tout au plus quatre petits. La louve porte et produit dans les mêmes conditions que la chienne, pour le temps de sa gestation et pour le nombre de ses petits, qui ne voient pas clair non plus en naissant. Le mâle et la femelle n’ont qu’une saison pour s’accoupler, et la parturition a lieu au début de l’été. On débite sur la génération du loup bien des contes, qui se rapportent au voyage de Latone à Délos, et qu’il faut laisser à la mythologie populaire. Il est faux que toutes les louves mettent bas chaque année, et que la gestation ne soit que de douze jours, de même qu’il est faux que la louve ne porte qu’une seule fois dans sa vie.

Il faut noter, en passant, l’espèce des rats, dont la fécondité est vraiment prodigieuse, entre tous les quadrupèdes. Une femelle pleine avait été laissée par hasard dans un tonneau de millet. Peu de temps après, quand on rouvrit le tonneau, il s’y trouvait cent vingt rats. On se ferait difficilement une idée de la reproduction des rats qui parcourent les champs et qui les ravagent. Ils y détruisent des récoltes entières, souvent en une seule nuit. S’ils arrivent si soudainement et en si grand nombre, leur disparition ne se comprend pas mieux. En quelques jours, il n’en reste plus un seul, tandis que peu de jours auparavant on ne savait comment s’en défaire, en enfumant leurs trous, en les bouleversant, en lâchant des porcs qui fouillent leurs nids. Les renards et les belettes en détruisent aussi beaucoup ; mais rien ne peut triompher de leur fécondité, et de la rapidité avec laquelle ils se reproduisent.

Parmi les animaux féroces, l’ours a une façon de s’accoupler toute particulière. Le mâle ne monte pas sur la femelle, qui le reçoit en restant couchée à terre ; mais le ventre du mâle n’en est pas moins sur le dos de la femelle. La gestation est assez courte. Les petits sont au nombre de cinq au plus ; parfois, il n’y en a qu’un ou deux. L’ourson naît très petit en comparaison du corps de sa mère ; il est plus petit qu’une belette et gros comme un rat ; il ne voit pas clair ; ses membres sont à peine formés. L’accouplement des ours a lieu dans le mois d’Elaphébolion, c’est-à-dire, vers l’équinoxe du printemps ; la femelle met bas à l’époque où les animaux se cachent et s’enfouissent pour hiberner. Les petits élevés par la mère ne se montrent guère qu’au début de l’été. Il est très difficile de prendre une ourse qui soit pleine.

Le lion urine par derrière ; mais il s’accouple comme les autres quadrupèdes, en montant sur sa femelle. C’est au printemps, et chaque année, que la lionne met bas. Le plus souvent elle n’a que deux lionceaux ; parfois, elle n’en a qu’un seul ; parfois aussi, elle en a jusqu’à six. Les petits naissent si faibles que c’est à peine si, à deux mois, ils peuvent marcher. On prétend qu’en Syrie les lionnes ne portent que cinq fois. La première portée est de cinq, et les autres portées diminuent d’un successivement ; de telle sorte que les lionnes finissent par devenir stériles. De là vient sans doute qu’on croit vulgairement que la lionne perd sa matrice. C’est un conte puéril, quoique fréquemment répété. Les lions sont fort rares en Europe, où il n’y en a que dans les contrées arrosées par l’Achélous et le Nessus, et cette rareté empêche des observations bien exactes.

On commet également sur le sexe des hyènes une erreur non moins forte. On prétend qu’elles ont les organes des deux sexes à la fois ; mais c’est observer très mal. Ce qu’on prend pour une vulve de femelle n’est qu’une tache placée sous la queue, et sans aucune ouverture. Audessous de cet organe prétendu, il y a l’issue pour les excréments, et plus bas encore les parties génitales, fort bien conformées dans le mâle et dans la femelle. Ce qui prouve qu’on se trompe, c’est que la femelle a tout aussi bien que le mille cette tache, qui de loin peut faire illusion. D’ailleurs, il est presque impossible de prendre une hyène femelle ; et, sur onze hyènes qu’un chasseur avait tuées, il n’y avait qu’une seule femelle. La verge du mâle ressemble à celle du loup et du chien.

Il y a quelques animaux qui changent de forme et de naturel, non pas seulement par l’effet de l’âge et des saisons, mais aussi parce qu’on les coupe. On ne peut couper que ceux qui ont des testicules. Pour les oiseaux qui ont les leurs en dedans, on les châtre en les touchant fortement à la partie qui est sous la queue, ou en brûlant, avec un fer chaud, la partie du croupion par laquelle les bêtes se joignent. L’oiseau, dès lors, ne chante plus ; il ne cherche plus à cocher ; s’il a une crête, elle devient toute pâle ; et si l’animal est jeune, il peut croître sans qu’aucune de ces facultés reparaisse. Dans les quadrupèdes châtrés, la voix se modifie et se rapproche de la voix de la femelle. Coupés en bas âge, les animaux engraissent plus que ceux qu’on ne coupe pas. S’ils sont complètement constitués, ils ne grossissent plus après cette opération, qui est toujours douloureuse, et quelquefois mortelle, si ce n’est sur les porcs. Quand on coupe des cerfs qui, à cause de leur âge, n’ont pas de bois, il ne peut plus leur en pousser. S’ils en ont déjà, la dimension des bois reste la même sans croissance, et la bête ne les perd plus. On coupe les veaux à un an ; autrement, ils sont moins beaux et plus petits. Voici comment on procède. On met le jeune taureau sur le dos ; on lui ouvre les bourses par le bas, et l’on froisse fortement le testicule ; on en relève les racines le plus possible, et l’on met dans la plaie une poignée de poils, pour que la suppuration se fasse extérieurement. Si la plaie s’enflamme, on cautérise la bourse ; et on la saupoudre de terre. On châtre aussi les femelles des porcs et des chameaux. On fait jeûner la truie pendant deux jours avant de l’opérer ; on la suspend par les pieds de derrière, pour lui ouvrir le ventre ; et l’on coupe la caprée, qui correspond aux testicules du mâle ; on recoud ensuite la plaie ; la truie ne sent plus le besoin de l’accouplement, et elle engraisse très vite. Quant aux chamelles, on châtre celles qu’on veut employer à la guerre, afin qu’elles ne puissent pas devenir pleines.

Tous les changements que la castration amène dans les animaux, ne sont pas moins manifestes chez les hommes qu’on inutile de cette affreuse manière. Leur caractère, leur voix et la forme de leur corps sont modifiés profondément.

Après avoir étudié la génération chez tous les animaux, nous arrivons enfin à celle de l’homme ; elle mérite une étude toute spéciale. Bien que l’homme, au début de sa vie, soit un animal, il a des facultés qui lui sont propres, et que les autres animaux ne reproduisent qu’à un degré très inférieur. Avec sa station droite, qui n’appartient pleinement qu’à lui, et qui correspond à la direction même de l’univers ; avec le privilège de penser et de réfléchir ; avec la constitution si harmonieuse de son corps, depuis ses pieds et ses mains jusqu’à sa poitrine et à sa tête ; avec l’heureux équilibre de ses facultés, l’homme est le seul être qui participe du divin, ou, pour mieux dire, il participe du divin plus que tous les autres ; car il est le plus intelligent de tous.

Dans l’homme, les signes de la puberté sont de toute évidence. Il commence à avoir de la liqueur séminale vers l’Age de deux fois sept ans. C’est à ce moment aussi que fleurit le poil de la jeunesse, de même que les plantes fleurissent avant de porter leur graine, comme l’a dit Alcméon de Crotone. Vers cette époque, la voix commence également à muer ; elle devient plus rauque et plus inégale ; elle cesse d’être aiguë, et elle n’est pas encore vraiment grave. Elle n’est pas non plus uniforme, et l’on dirait qu’elle est alors ce que sont des cordes d’instruments détendues et durcies ; c’est ce qu’on appelle chevroter. Cette altération est plus marquée chez les jeunes gens qui essayent des plaisirs de l’amour. Ceux qui s’y livrent par anticipation prennent la voix d’hommes faits. C’est le contraire pour ceux qui savent s’abstenir ; et si l’on facilite leur résistance, par certains soins que prennent quelques musiciens fort occupés de leur art, la voix reste assez tard telle qu’elle est, et le changement est à peu près nul. D’ailleurs, ce n’est pas la voix seule qui change ; les mamelles se gonflent, ainsi que les parties génitales, qui non seulement se développent, mais qui ont une autre forme.

Voilà pour les garçons. Chez les filles, c’est vers le même temps que les mamelles se gonflent encore davantage, et que les menstrues font éruption. Le sang qui sort à ce moment, ressemble à celui d’un animal qui vient d’être tué. Parfois, des menstrues de couleur blanche se produisent chez des filles encore tout enfants. Ces pertes les maigrissent beaucoup et les empêchent de grandir. Pour la plupart des filles, les menstrues se montrent quand déjà les mamelles se sont élevées de plusieurs doigts. À cette même époque, la voix prend un peu plus de gravité, quoique, en général, elle soit plus aiguë chez la femme que chez l’homme. C’est surtout à ce moment qu’il convient de veiller sur les jeunes filles avec sollicitude ; car c’est au moment où elles se forment que les désirs sexuels sont les plus vifs. Si l’on ne prend pas bien soin d’empêcher qu’il ne se passe alors rien d’autre que le développement régulier du corps, le reste de l’existence s’en ressent. C’est là l’origine de l’incontinence chez les femmes et chez les hommes, qui ont cédé trop tôt à l’attrait de l’amour et du plaisir.

Les organes de la génération sont chez le mâle les testicules et la verge ; c’est la matrice et ses diverses parties chez la femme. Les testicules et la verge sont détachés dans l’espèce humaine plus que dans toute autre espèce. Ces organes sont placés sur la partie antérieure du corps et à la partie inférieure de l’abdomen ; la matrice est située de même. Ce n’est pas tout d’abord que la faculté d’engendrer coïncide avec la sécrétion de la semence ; la faculté génératrice est plus tardive. Pour l’homme comme pour le reste des animaux, la première semence des jeunes sujets est stérile ; quand, par hasard, ils engendrent, leurs rejetons sont plus faibles et plus petits. Les hommes ne sont définitivement féconds qu’à l’âge de trois fois sept ans. C’est à cet âge aussi qu’il convient que les filles se marient. Plus jeunes, elles conçoivent plus aisément ; mais leurs couches sont plus laborieuses ; au contraire, à trois fois sept ans, elles ont toute la force nécessaire pour avoir des enfants vigoureux. A ce même âge, les hommes ont encore à gagner, et ils doivent retarder le mariage de quelques années.

L’homme peut engendrer jusqu’à soixante-cinq ans, soixante et dix, au plus tard ; la femme peut concevoir jusqu’à quarante-cinq ou cinquante. Hors de ces limites extrêmes, les cas de fécondité sont très rares. C’est en se réglant sur ces données naturelles que les législateurs doivent fixer les âges où peut commencer l’union conjugale.

La liqueur séminale a été l’objet de bien des observations et de bien des théories. Dans son état sain, elle est épaisse et de couleur blanche, au moment où elle sort ; une fois émise, elle devient claire et change de couleur. Les grands froids ne la font pas geler ; ils la rendent fluide, comme de l’eau ; la chaleur la coagule et l’épaissit. Quand la semence a toutes ses qualités prolifiques, elle est plus lourde que l’eau et va au fond ; celle qui ne les a pas se mêle au liquide. L’homme est de tous les animaux celui qui, proportionnellement à son corps, a le plus de sperme, de même que les menstrues de la femme sont aussi les plus abondantes.

On s’est demandé si la liqueur séminale vient de toutes les parties du corps ; et plusieurs naturalistes ont soutenu l’affirmative, en s’appuyant surtout sur la ressemblance très fréquente des enfants à leurs parents. Ces ressemblances sans doute sont réelles, et parfois même elles reproduisent des accidents qui, chez les pères, n’avaient rien de congénial, par exemple, la marque d’une cicatrice, ou telle autre incision, qu’on se serait faite volontairement. Mais les ressemblances sont très loin d’être constantes ; et elles devraient l’être toujours, si la théorie était vraie. Ce qui est plus exact, c’est qu’en effet l’émission de la liqueur séminale, même en très petite quantité, est toujours accompagnée d’un affaiblissement et d’une sorte de relâchement dans le corps entier. Mais c’est exclusivement dans les testicules que se fait l’élaboration du sperme, et que de là il se répand dans le corps entier ; il est la sécrétion dernière de la partie utile de la nourriture, qui s’est d’abord convertie en sang. C’est du sang que vient en définitive la liqueur séminale ; elle est indispensable à la génération, ainsi que les menstrues, qui le sont au même degré, quoique dans des conditions différentes.
Entre la liqueur séminale de l’homme et les menstrues de la femme, on a voulu trouver d’assez nombreux rapports ; on les a exagérés. Les menstrues sont bien aussi une sécrétion du sang ; mais cette sécrétion est plus abondante que celle de la liqueur séminale et moins mûrie, parce que la femme a naturellement moins de chaleur et qu’elle est plus faible. Ainsi qu’on l’a vu, c’est bien au même âge que le sperme se montre chez les hommes, et les menstrues, chez les femmes ; au même âge que la voix mue, au même âge que se produisent les mouvements qui ont lieu dans les mamelles ; et c’est vers la fin des mêmes périodes que chez les uns cesse la puissance d’engendrer, et que chez les autres cesse le flux menstruel. Mais il ne faudrait pas pousser ces analogies trop loin. Les menstrues ne sont pas la liqueur séminale de la femme, comme l’ont cru quelques naturalistes. Il est vrai qu’en général la femme ne conçoit pas si elle n’a pas de mois ; mais même lorsqu’elle en a, la conception n’a pas lieu tant que l’écoulement continue ; et, dans la plupart des cas, elle n’est possible que quand l’évacuation purifiante a cessé. Ce qui a pu donner naissance à l’erreur des naturalistes, c’est que quelques femmes sécrètent, outre leurs mois, un fluide particulier ; mais ce fluide n’est pas spermatique. Les femmes qui y sont sujettes sont les moins fortes ; il n’y a rien de ce désordre chez les femmes vigoureuses et bien portantes, surtout chez les femmes très actives. Il n’y a donc que la liqueur séminale de l’homme qui féconde ; les menstrues nourrissent ; et la preuve, c’est qu’elles cessent au dehors dès qu’elles doivent servir intérieurement à l’alimentation du fœtus, qui a été conçu.

On essaiera plus loin d’expliquer la part respective qu’ont le mâle et la femelle dans l’acte commun de la génération, soit pour l’espèce humaine, soit pour toutes les autres espèces.

On croit reconnaître que la conception a eu lieu à la disposition que prennent les organes sexuels ; mais ce sont là des symptômes fort douteux. Ce qui ne l’est pas, c’est la cessation des menstrues, dans le mois qui suit le rapprochement, ou même quelquefois au bout de six semaines, à partir de la copulation. La nature ne se soulage plus régulièrement, et tout ce sang remonte et s’accumule dans les mamelles, pour s’y convertir en lait, lorsque le moment sera venu. Quand la grossesse est certaine, le premier indice que la femme en ait se manifeste dans les flancs, qui se gonflent et paraissent s’emplir. L’enflure chez les femmes maigres se fait sentir surtout dans les aines. Le premier mouvement du fœtus a lieu du quarantième jour au quatre-vingt-dixième ; on ne peut pas, dans des indications de ce genre, exiger d’exactitude. C’est aussi vers la même époque que le fœtus commence à se diviser ; ses parties deviennent de plus en plus distinctes, tandis que jusque-là il n’a été qu’une masse de chair, où aucun membre n’est marqué. Après la conception, les femmes sentent des lourdeurs dans tout le corps ; leur vue s’obscurcit, et elles éprouvent des maux de tête. La plupart sont prises de nausées et de vomissements. Certaines femmes souffrent davantage au début ; d’autres ne souffrent que plus tard, quand déjà le fœtus a pu prendre plus de développement. On prétend que la grossesse est moins pénible quand c’est un garçon ; alors les femmes gardent mieux leurs couleurs de santé ; elles sont au contraire plus pâles quand c’est une fille. Les femmes grosses ont toutes sortes d’envies singulières, et elles en changent à tout instant ; elles ont souvent des tumeurs aux jambes et dans les chairs. Il y a peu de femmes pour qui la grossesse amène une santé meilleure.

En général, le garçon a plus de mouvement dans le sein de la mère que n’en a la fille ; il en sort plus vite. Les filles en sortent plus lentement. Le travail pour la naissance des filles est continu et plus sourd ; pour la naissance des garçons, il est plus vif et plus rapide, mais beaucoup plus douloureux. Quelquefois, la mère croit ressentir les douleurs de l’accouchement, sans que ce soit précisément les douleurs véritables ; c’est le fœtus qui, en retournant sa tête, donne à croire que le moment décisif est arrivé.

Tous les autres animaux n’ont qu’une seule et unique manière de commencer et d’accomplir la génération de leur fruit ; il y a des temps fixes, à la fois, pour l’accouplement et surtout pour la durée de la gestation. L’homme fait exception à ces règles générales et immuables. Il n’a pas de saison pour le rapprochement. Il n’a pas davantage de temps parfaitement déterminés pour la parturition. Les enfants naissent à sept mois, à huit mois, à neuf mois, et, comme terme extrême, à dix mois. Avant sept mois révolus, ils ne peuvent jamais vivre, quoi qu’on fasse. Ceux de sept mois peuvent vivre ; mais il faut les entourer de précautions minutieuses, et ils restent longtemps très languissants. En Egypte et dans quelques pays où les femmes accouchent plus aisément et font fréquemment des jumeaux, les enfants venus à huit mois sont viables, et on les sauve presque tous. Sous le climat de la Grèce, le plus grand nombre des enfants de huit mois périt. Comme on a cette opinion préconçue, on suppose toujours, quand on sauve par hasard un de ces enfants, qu’il n’est pas réellement venu à huit mois, et que la mère s’est trompée sur le moment de la conception. Il est bien probable que c’est aussi une erreur de ce genre qui donne à croire quelquefois que l’enfant est venu à dix mois. La durée régulière de la gestation est de neuf mois. Les mois où les femmes souffrent le plus dans leur grossesse, c’est le quatrième et le huitième. Si le fœtus vient à périr dans l’un de ces deux mois, la mère risque bien de mourir aussi ; de telle sorte, que non seulement les enfants ne vivent pas à huit mois, mais que les mères courent les plus grands dangers.

Dans la plupart des pays et le plus ordinairement, les femmes n’ont qu’un enfant ; mais assez souvent aussi et dans plus d’une contrée, on voit naître des jumeaux, par exemple en Egypte. Parfois, il y a jusqu’à trois enfants et même quatre, dans certains pays où ces faits sont plus fréquents que dans d’autres. Le plus qu’on ait jamais vu, c’est cinq enfants à la fois ; et ces accouchements extraordinaires se sont répétés à plusieurs reprises. On cite une femme qui en quatre couches eut vingt enfants, cinq à chaque fois, et qui les éleva presque tous. Chez les autres animaux, les jumeaux, mâle et femelle, n’en viennent pas moins régulièrement, et ils vivent aussi bien que quand tous les deux sont mâles, ou tous les deux femelles. Chez l’homme il n’en est pas ainsi, et les jumeaux vivent bien rarement si l’un est une fille, et l’autre un garçon.

Les superfétations, qui sont rares chez presque tous les animaux, le sont également dans l’espèce humaine. Cependant, elles s’y produisent quelquefois, quand des embryons sont conçus longtemps après d’autres ; alors ils ne viennent jamais à terme ; et, en même temps qu’ils causent de grandes douleurs, ils font périr avec eux le fœtus antérieur. On a pu observer, dans une fausse couche, douze fœtus sortir les uns sur les autres. Si la seconde conception est venue peu de temps après, c’est alors comme si les enfants étaient jumeaux, et les mères accouchent du second après le premier. La mythologie raconte une naissance de ce genre pour Iphiclès et Hercule. Parfois, le phénomène est d’une parfaite clarté. Telle femme mariée, qui avait un amant, mit au monde deux enfants, dont l’un ressemblait au mari, et l’autre à l’amant adultère. On a vu encore une femme, qui portait déjà deux jumeaux, avoir un troisième enfant outre ceux-là. Le troisième vint à cinq mois et mourut sur-le-champ ; les deux autres vinrent au temps voulu. Une autre femme accoucha d’abord d’un enfant de sept mois, et de deux autres venus à terme ; le premier mourut, et les jumeaux vécurent. Quelques femmes qui ont deux enfants avortent du premier, et accouchent du second sans souffrir.

Un autre accident beaucoup plus rare encore que la superfétation, c’est la môle, qui atteint quelquefois des femmes enceintes. D’abord, les choses paraissent se passer en effet de la façon la plus régulière ; après la conception, la grossesse suit son cours ordinaire ; mais à terme, la femme n’accouche pas, et la dimension de son ventre ne diminue point. Cet état fort gênant peut subsister pendant trois ou quatre ans de suite, ou même davantage, et la malade, quand elle accouche, met au monde une masse de chair qui a reçu le nom de môle. On a observé des cas où la môle persistait jusque dans la vieillesse de la femme et jusqu’à sa mort. Cette chair, gardée si longtemps dans le corps, finit par devenir extrêmement dure, et l’on a peine à la couper. Les naturalistes ne sont pas d’accord sur les causes de la môle. Quelques-uns croient qu’elle se forme par un excès de chaleur ; nous y verrions un défaut de chaleur plutôt qu’un excès. On dirait que la Nature a manqué de force et n’a pu mener à bout la génération complète. Le produit met si longtemps à sortir, parce qu’il n’a pas reçu une coction suffisante. Il reste cru en quelque sorte et inachevé, sans être cependant tout à fait un corps étranger. Il paraît certain que la môle ne se forme que dans notre espèce, et que les autres animaux n’y sont jamais sujets ; du moins, on n’a rien observé jusqu’ici qui pût le faire supposer. Il est assez probable que, si la femme seule peut avoir la môle, c’est à cause de l’abondance du flux menstruel.

Ce serait ici le moment de dire quelques mots des monstruosités, qui ont fourni matière à bien des exagérations. Il a suffi parfois d’une simple laideur dans le visage, pour qu’on assimilât des êtres humains à des animaux, avec lesquels ils n’avaient que des rapports de physionomie fort éloignés. On a prêté à des enfants des têtes de veau et à des moutons des têtes de bœuf. Tout cela est faux, bien qu’à force de le répéter, on ait pu persuader des gens crédules. Mais il y a des monstres plus réels, en ce qu’ils ont des membres en surnombre, ou des membres de moins. Des enfants naissent avec six doigts aux mains ou aux pieds ; d’autres n’en ont qu’un seul. Il y en a encore qui sont hermaphrodites, ou qui, du moins, le paraissent. Ce dernier phénomène se présente aussi chez les chèvres. Il y a des difformités intérieures comme il y en a d’extérieures. Certains viscères sont déplacés ou difformes ; ou même ils manquent absolument. Mais, si l’on a vu des animaux n’avoir pas de rate, ou en avoir deux, ou avoir un seul rognon, jamais le cœur ne manque, non plus que le foie, qui d’ailleurs peut être incomplet. On a observé le foie à gauche, et la rate à droite. Ces anomalies peuvent se rencontrer chez des animaux bien constitués du reste. Mais elles sont plus fréquentes chez ceux qui font plusieurs petits à la fois, que chez ceux qui naturellement n’en font qu’un seul. Elles sont fréquentes aussi chez les oiseaux, quand il y a deux jaunes qui se confondent au lieu d’un, par exemple, chez les gallinacés. On a essayé de faire la théorie de ces phénomènes ; mais on a grand-peine à les expliquer, et Démocrite lui même n’y a point réussi. Tous les vivipares ont du lait, soit qu’ils vivent sur terre, soit qu’ils habitent les eaux. Le lait est destiné par la Nature à nourrir le jeune, dès qu’il a quitté le sein de sa mère, et qu’il n’a plus à recourir à la nutrition utérine. L’apparition du lait coïncide toujours avec la naissance du petit, et l’époque où le lait se montre est absolument fixe pour toutes les espèces. Mais, dans la nôtre, comme il y a plusieurs époques possibles pour l’accouchement, il faut que le lait soit formé dès la première époque où la parturition peut se produire, c’est-à-dire, dès le septième mois. Le lait est toujours contenu dans un organe spécial, les mamelles, qui sont généralement terminées par un mamelon. Bien que les mâles aient aussi des mamelles plus ou moins marquées, ils n’ont pas de lait. On cite cependant des exemples en sens contraire. On a vu, dit-on, à Lemnos, un bouc avoir du lait, comme s’il eût été une chèvre. On a vu même quelques hommes avoir du lait, mais en très petite quantité, après le moment où ils devenaient pubères.

Le lait est plus ou moins abondant, selon la grosseur de l’animal et selon la nature de ses aliments. Les espèces qui ont plus de deux mamelles ont en général peu de lait, et seulement ce qu’il leur en faut pour nourrir les petits. On a fait des comparaisons sur le lait des animaux domestiques, chèvres, chiennes, vaches, ânesses, chamelles, etc., en vue de la fabrication des fromages. Le lait le plus léger et un des plus agréables est celui du chameau. Le lait est toujours composé de deux parties, le sérum et le caséum : le premier plus liquide, le second plus solide et plus apte à se coaguler. Ces deux éléments se combinent en proportions diverses ; mais pour les enfants, c’est le lait qui a le moins de caséum qui leur est le plus salutaire. Dans notre espèce, le lait qui paraît avant sept mois est peu nutritif ; à ce premier moment, il est peu salé, et l’on dirait qu’il n’est pas assez fait, ni assez cuit. Il s’améliore après les sept mois, et il devient plus nourrissant à mesure que l’embryon a de plus en plus chance de vivre. Il ne faut pas néanmoins qu’il le soit trop, parce qu’alors il pourrait causer des convulsions à l’enfant. Au moment où la femme accouche, d’une façon naturelle après une gestation de neuf mois, le lait a toutes les qualités requises. Il s’accroît en quantité après l’accouchement ; et parfois il est si abondant qu’il sort spontanément par le mamelon, et même qu’il suinte par toutes les parties du sein, et jusque sous les aisselles. Le lait qui a une couleur un peu bleuâtre passe pour le meilleur, de même que celui des femmes brunes vaut mieux, dit-on, que celui des blondes.

Comme les menstrues disparaissent après la conception, on doit croire que, restant à l’intérieur, elles servent à y nourrir l’embryon. Mais, lorsque l’embryon, vers sept mois, est en très grande partie formé, il n’a plus autant besoin de l’élément sanguin qui le développait ; et une partie de cette sécrétion se transforme en lait, qui arrive à point pour être utile après la parturition. Le lait vient donc du sang, comme toutes les autres excrétions. Ce rapport du lait et des menstrues est si vrai que les nourrices n’ont pas leurs mois, tout le temps qu’elles ont à donner le sein. Si elles viennent à concevoir pendant ce temps, le lait cesse, de même que cessent les menstrues après la conception. Les cas exceptionnels sont fort rares. On doit donc en conclure que la Nature ne peut suffire aux deux sécrétions à la fois, celle des menstrues et celle du lait. Si les évacuations mensuelles continuent pendant la grossesse, l’embryon que porte la femme en souffre beaucoup, et l’enfant qui naît dans ces conditions contre nature est faible et maladif. Quand la liqueur séminale a été introduite dans la matrice, elle y est revêtue en très peu de temps d’une membrane qui l’entoure ; et l’on a pu constater ce fait sur des fœtus sortis avant d’avoir pris encore aucune forme. On dirait d’un œuf dépouillé de sa coquille. Cette membrane est remplie de veines. Ce n’est pas l’homme seul qui présente ce phénomène. Tous les animaux sans exception, aquatiques, terrestres, volatiles, se forment absolument de même, malgré toutes les autres différences qui les distinguent. A la suite de cette première membrane, qui s’appelle chorion, il s’en produit une autre, qui contient de l’eau. C’est vers la sixième semaine que le fœtus commence à avoir des divisions distinctes ; jusque-là, il n’a guère été qu’une masse de chair presque informe. Si, après une fausse couche, on observe un fœtus mâle, sorti à quarante jours, et qu’on le mette dans de l’eau froide, il y subsiste comme dans une membrane ; en ouvrant cette membrane, on y voit le fœtus, qui a la grosseur des plus grandes fourmis. On discerne déjà ses membres, tous ses autres organes, et même les parties génitales. Les yeux sont proportionnellement énormes, comme sur tous les autres animaux. Le fœtus femelle est beaucoup moins vite formé ; et il faut trois ou quatre mois pour qu’il ait l’aspect qu’a le fœtus mâle à six semaines. Mais si le fœtus mâle se développe plus rapidement dans la vie utérine, c’est au contraire la femelle qui croît le plus rapidement une fois qu’elle a vu le jour.

Quelle est précisément la vie du fœtus dans ces premiers moments ; car il a certainement une vie ? Il serait bien difficile de le dire ; mais on doit croire que, dès l’instant où il paraît, il a en lui la faculté de se nourrir. Il a donc l’âme nutritive, s’il doit n’avoir que plus tard l’âme sensitive, et plus tard encore, l’entendement, qui est en nous une parcelle divine, et qui nous vient du dehors. Le fœtus se nourrit par le cordon ombilical rattaché à la matrice, de même que la racine rattache la plante à la terre. Cela est si vrai qu’il ne cesse de se développer du centre a la périphérie, et non pas de la périphérie au centre, ainsi que le soutient Démocrite, qui suppose aussi que les membres de l’enfant se moulent sur les membres de sa mère. Les viscères intérieurs se développent avant les organes extérieurs ; et les parties supérieures, avant les parties inférieures. Le cœur est le premier à paraître, de même qu’il est aussi le dernier à agir, à la fin de la vie, en résistant aux approches de la mort. Et cela se conçoit sans peine, puisque c’est le sang issu du cœur qui doit pourvoir à la nutrition générale. Le viscère qui se montre et s’organise après le cœur, c’est le cerveau ; le cœur est le foyer de la chaleur dans l’animal, tandis que le cerveau est destiné à produire le refroidissement, si nécessaire pour l’action de la pensée. L’intermittence du chaud et du froid produit, dans le corps, les parties plus ou moins liquides, ou les parties solides qu’il contient. Les os, les tendons, les cartilages, etc., sont solidifiés par le froid. On dirait que la Nature, dans cette évolution du fœtus, procède à la façon des artistes, qui d’abord tracent des esquisses, avant d’arrêter définitivement les traits de leur dessin, et d’y ajouter la couleur des objets. D’ailleurs, la Nature met des bornes infranchissables à cet accroissement, soit dans la vie utérine, soit dans l’existence ultérieure. Les os ne croissent pas toujours, et ils s’arrêtent à un certain point que la Nature a fixé pour eux, et pour toutes les autres parties du corps. Si quelques-unes des parties du fœtus sont d’abord trop fortes, elles diminuent ensuite ; et la Nature répartit peu à peu les développements divers, comme un sage économe sait, dans la maison qu’il gouverne, distribuer les aliments selon les personnes qui la composent, sans oublier même les animaux domestiques. Il y a des naturalistes qui ont supposé que les enfants tètent déjà dans la matrice, les cotylédons jouant, selon eux, le rôle de mamelles. C’est une erreur qui mérite à peine qu’on s’y arrête.

Chez tous les quadrupèdes, le fœtus dans la matrice est étendu tout de son long ; dans les poissons, il est placé de côte ; dans les oiseaux, il est replié sur lui-même. Dans l’homme, il est replié aussi, le nez touchant les genoux. Ainsi que les yeux, les oreilles saillissent beaucoup. D’abord, il a la tête en haut comme le fœtus de toutes les autres espèces ; mais quand il s’est développé, et qu’il tend à sortir, il se retourne la tête en bas. Dans l’ordre naturel des choses, c’est la tête qui doit sortir la première ; il est contre nature que l’enfant sorte par les pieds ; ceci s’applique à tous les animaux. Cela tient à ce que la partie du corps supérieure au nombril, est plus grande que la partie inférieure ; et alors, il se passe quelque chose d’analogue à ce qu’on voit dans les balances ; c’est le poids le plus lourd qui l’emporte et qui baisse. Une fois arrivé à toute sa croissance, le fœtus descend dans le bas du ventre, où son mouvement devient très sensible. Quand les douleurs se font sentir vers le ventre, l’accouchement est plus rapide ; quand elles se portent vers les reins, il est plus laborieux. Si c’est un garçon, les humeurs qui sortent en même temps que lui sont aqueuses et pâles ; si c’est une fille, elles sont plutôt sanguinolentes. C’est d’abord de l’eau qui s’écoule, quand le fœtus se remue, et que les membranes qui l’enveloppent se déchirent.

L’enfant sort en entraînant après lui toutes les membranes qui l’entouraient dans le sein maternel. Savoir lier le cordon ombilical et le couper est une partie de l’art de l’habile accoucheuse. A l’endroit où la ligature est faite, la cicatrice a lieu ; et le reste, ou l’arrière-faix, resté à l’intérieur, n’a plus qu’à tomber. Si la ligature vient à se défaire, l’enfant meurt par la perte de son sang. Si l’arrière-faix ne sort pas immédiatement avec l’enfant, on se contente de lier le cordon, et on ne le coupe qu’un peu plus tard. Il faut d’ailleurs bien prendre garde à cette opération ; car il arrive souvent que le nouveau-né semble être mort, tandis qu’il n’est qu’affaibli par le sang qu’il perd, avant que la ligature ne soit pratiquée. L’accoucheuse refoule alors le sang qui coule par l’ombilic, et l’enfant revient à la vie sur-le-champ.

Il a les bras étendus sur les côtés ; et, à peine sorti, il se met à vagir. Tant qu’il n’est pas sorti du sein de sa mère, il ne crie pas, même lorsque, dans un accouchement difficile, la tête est déjà dehors, et que le reste du corps est toujours en dedans. Aussitôt nés, les enfants portent les mains à leur bouche ; ils rejettent des excréments, ou immédiatement, ou peu de temps après la naissance, et toujours dans la journée. Cette excrétion, qui est plus abondante que ne le ferait supposer la dimension de l’enfant, est ce que les femmes appellent le méconium. Cette matière est noire et aussi épaisse que de la poix, bien qu’elle ait la couleur du sang. Plus tard, quand l’enfant a pris la mamelle, ses excréments se rapprochent du lait. Les nouveau-nés ne rient et ne pleurent qu’après le quarantième jour, du moins pendant la veille ; car ces deux phénomènes sont plus précoces durant la nuit. La plupart des enfants ne sentent rien quand on les chatouille, sans doute parce qu’ils dorment presque constamment. Ils ont manifestement des rêves ; mais il s’écoule bien des années avant qu’ils n’acquièrent la faculté de se les rappeler. Enfin, contrairement à ce qui se voit chez les animaux, les os de l’enfant ne sont pas tous bien formés, à sa naissance ; la fontanelle, au sommet de la tête, est d’abord molle et ne se solidifie que plus tard.

Nous avons vu que les oiseaux, les poissons, les reptiles, les insectes ont des œufs d’où sortent les jeunes ; le fœtus humain lui-même est, au début, enveloppé d’une sorte de coquille. L’œuf qu’on peut observer le plus sûrement est celui des gallinacés ; les développements successifs qui s’y passent sont plus évidents que partout ailleurs. En y regardant de près, on verra que, dans les poules, il suffît de deux ou trois jours pour que le fœtus du poulet commence à s’annoncer. Durant cet intervalle, le jaune est déjà monté peu à peu dans le haut, c’est-à-dire, vers la pointe, là où est le principe de l’œuf, et où l’œuf doit se briser. Dans le blanc, il y a une espèce de point sanguinolent, qui est le cœur. Ce point s’agite et bat, parce qu’il est animé. Il en part deux vaisseaux dans le genre des veines, pleins de sang et contournés en spirale ; à mesure que l’animal se développe, ces vaisseaux s’étendent à chacune des deux tuniques environnantes. Une membrane à fibres sanguines entoure le blanc, vers la même époque, et l’isole des vaisseaux veineux. Peu de temps après, le corps commence à se distinguer, extrêmement petit d’abord et tout blanc. La tête se montre, avec des yeux très saillants et gonflés ; plus tard, les yeux se rapetissent et s’affaissent. La partie inférieure du corps se reconnaît à peine, comparée a la partie supérieure. Des deux vaisseaux qui partent du cœur, l’un se dirige vers l’enveloppe circulaire ; l’autre, vers le jaune, où il sert de cordon ombilical. Le poussin est dans le blanc, et sa nourriture vient du jaune, à travers l’ombilic. Des naturalistes ont commis une grave erreur en croyant tout le contraire. À dix jours, le petit animal est parfaitement distinct, dans toutes les parties qui le constituent. La tête est toujours plus grosse que le corps ; et les yeux, qui ne voient pas encore, sont plus gros que la tête. Ils ne sont d’ailleurs que de la dimension de gros pois et de couleur noire. La peau qui les recouvre étant enlevée, il n’y reste qu’un liquide blanc et froid, qui brille vivement quand on l’expose au jour.

A ce même temps, les viscères intérieurs sont déjà très visibles, et l’on discerne l’estomac et les intestins. Les veines partant du cœur pour se rendre à l’ombilic, sont également très marquées. De l’ombilic, sortent deux veines, allant l’une à la membrane dont le jaune est entouré, l’autre à la membrane commune qui entoure le poussin. A mesure qu’il grossit, une partie du jaune va en haut ; l’autre partie va en bas. Entre elles deux, se trouve le liquide blanc, qui est aussi au-dessous du jaune. Au dixième jour, le blanc est au plus bas de l’œuf, en petite quantité, gluant et épais. L’embryon est enveloppé d’une membrane, qui l’empêche d’être noyé dans le liquide du blanc, ou dans le liquide du jaune. Il continue à croître chaque jour ; au vingtième, on peut entendre le poussin piauler au dedans de l’œuf, et il se meut pour sortir. Si l’on enlève une partie de la coquille, on le voit déjà tout couvert de duvet. Il a la tête posée sur la cuisse droite, vers son flanc ; et sa tête est placée sous son aile. Un peu auparavant, il s’est débarrassé des membranes, dont l’une l’enveloppait et dont l’autre servait à le nourrir. Cependant, le jaune a diminué de plus en plus jusqu’à complet épuisement ; et ce qui prouve bien qu’il a servi à la nourriture du poussin, c’est que, si l’on ouvre un poulet, dix jours après sa naissance, on trouve encore quelque reste de jaune dans son intestin.

Malgré toutes les différences, qui sont évidentes, on peut cependant remarquer qu’il y a plus d’un rapport entre le développement du fœtus des ovipares et de celui des vivipares. Les embryons des ovipares ne sont pas nourris dans la mère, sans doute ; mais ils lui prennent aussi une partie de sa substance ; et, grâce au cordon extérieur et sanguinolent, ils sont avec la mère à peu près dans la même relation que les embryons des vivipares sont avec la matrice.

Après tout ce qui précède, sur les moyens qu’emploie la Nature pour la reproduction des individus et pour la perpétuité des espèces, il reste une dernière question, la plus importante de toutes, et peut-être aussi la plus obscure, parce qu’on ne peut plus y appliquer la méthode d’observation, et qu’il faut s’y contenter de l’hypothèse. Quelle est, dans l’acte de la génération, la part du mâle et quelle est la part de la femelle ? Leur concours est indispensable ; mais quelle est précisément la nature de ce concours pour l’un et pour l’autre ? Entre les deux, la distinction la plus frappante, c’est que le mâle est l’être qui engendre dans un autre être, et que la femelle est l’être qui engendre en lui-même. A cette première différence, qui est essentielle, on pourrait en joindre plusieurs autres tirées de la force musculaire, de la conformation du corps et des parties génitales, de la voix, du caractère, des armes servant à la défense ; sous tous ces rapports la femelle paraît être inférieure. Il est vrai que, des deux côtés, il y a une émission : ici les menstrues ; là le sperme ou liqueur séminale. Mais d’abord, ces émissions ne sont point simultanées ; et, en outre, leur composition n’est pas la même. Nous avons déjà dit qu’il ne faut pas confondre les évacuations féminines avec la semence venue de l’homme. Si l’on veut les assimiler, comme l’ont fait quelques naturalistes, il faut du moins convenir que le sperme est la dernière et la plus parfaite élaboration du sang, tandis que l’élaboration sanguine des menstrues est tout à fait incomplète. D’ailleurs, en se rappelant que jamais la sagesse de la Nature ne fait rien en vain, on ne comprendrait pas qu’il y eût deux émissions pareilles au lieu d’une ; la seconde ne servirait à rien, et elle détruirait plutôt l’effet de la première ; elle compromettrait le résultat commun.

La raison nous dit non moins clairement que, quand un être doit résulter de l’association de deux autres, patient et agent, il n’est pas du tout nécessaire que quelque chose de matériel sorte de l’agent, pour passer dans l’être qui doit résulter de l’action. Ainsi, quand l’artiste travaille le bois ou la cire, il ne met aucune matière venant de lui dans la matière qu’il façonne, et qui lui est préalablement donnée ; il n’y met que son art, c’est-à-dire, la forme, qui, sans lui, ne se produirait jamais, dans les éléments matériels que transforme son habileté. Le mâle peut être regardé comme l’agent ; la femelle est passive en tant que femelle ; le mâle représente la forme spécifique ; et la femelle, dans son rôle subordonné, ne représente que la matière où la forme s’incarne.

On peut découvrir un phénomène d’un genre fort analogue dans la fécondation des poissons, qu’on a déjà citée plus haut. Nous avons dit que la femelle pond ses œufs en un nombre énorme ; mais ce sont des œufs imparfaits ; et il n’en sortirait rien de vivant si le mâle ne venait, après la femelle, répandre sa laite sur les œufs qu’elle a pondus. Il n’y a de sauvés et de productifs que ceux que la laite a touchés et aspergés. C’est là un fait de toute évidence et mille fois constaté. Il prouve de la manière la plus manifeste que le mâle n’apporte rien en quantité à l’être nouveau ; il n’apporte que la qualité, c’est-à-dire, la vie, le mouvement, l’espèce ou la forme.

Un autre fait non moins décisif, c’est que l’intromission, qui semble déposer quelque chose du mâle dans la femelle, n’est pas nécessaire non plus pour que la reproduction ait lieu. On peut l’observer sur bien des insectes : loin que ce soit le mâle qui introduise son organe dans celui de la femelle, c’est au contraire la femelle qui introduit le sien dans le mâle. En ce cas, l’accouplement dure assez longtemps ; mais la fécondation a lieu de même par ce moyen, qui est l’inverse du procédé le plus ordinaire. C’est si peu le mâle qui apporte ici quelque matière, qu’on peut dire, tout au contraire, que la matière lui est apportée, afin qu’il y détermine la modification qui ne peut venir que de lui seul.

Dans les animaux supérieurs, où le rapprochement se fait de la manière que l’on sait, on dirait que la liqueur mâle produit, dans le sang menstruel, l’effet que la présure produit sur le lait ; elle le coagule et lui donne une consistance qu’il n’aurait pas sans elle. Dans les êtres animés il doit se passer quelque chose d’assez semblable entre les deux liqueurs dont le contact amène et détermine la conception.

On peut donc affirmer, au nom de la raison et des faits, que, si le mâle et la femelle sont, au même titre, causes et auteurs de la génération, en tant qu’indispensables l’un et l’autre, il y a cependant entre eux cette différence essentielle que l’être engendré par les deux n’emprunte de la liqueur séminale du mâle que l’action puissante de cette liqueur et le mouvement qu’elle provoque ; mais que le nouvel être qui reçoit la forme spécifique, est uniquement le résidu matériel de l’excrétion qui est dans la femelle. Le sperme est le moteur et le vrai générateur. L’être engendré tient de lui la forme et le mouvement, en d’autres termes, la vie. Il en est absolument en ceci comme pour les poissons ; ici aussi, le mâle ne fournit que la qualité, la quantité ne devant se développer que plus tard ; et la femelle fournit la matière. D’ailleurs, elle ne fournit pas seulement la place à l’embryon, ainsi que l’ont cru quelques naturalistes ; car, sans elle, l’embryon manquerait des éléments nécessaires à son corps. Mais c’est le mâle qui apporte la sensibilité ; c’est la sensibilité qui constitue vraiment l’animal et le distingue de la plante. Le mâle apporte l’âme, sans laquelle il n’y a de corps que par une vaine homonymie. Les matériaux qui sont dans la femelle n’ont l’âme nutritive et l’âme sensitive qu’en puissance ; c’est le mâle qui leur donne les deux âmes en acte et en pleine réalité. Les œufs clairs que pondent quelquefois les oiseaux, sont une nouvelle preuve de ce qui se passe dans le phénomène de la génération, chez d’autres animaux ; les œufs clairs renferment bien le blanc et le jaune, qui doivent servir de corps et d’aliment au futur poussin ; néanmoins, il n’en sort rien, parce qu’ils n’ont pas subi l’influence vivifiante du mâle ; ils ne sont, ni tout à fait vivants, ni tout à fait inertes. La femelle les produit à elle seule ; mais, au fond, elle ne produit rien, puisque ses œufs restent sans vie.

On a pu comparer, non sans vraisemblance, l’action du mâle au mécanisme des automates ; il suffit, dans les automates, qu’un premier ressort imprime le mouvement initial ; l’impulsion donnée se communique d’une pièce à une autre, sans que la première de ces pièces touche directement aux pièces suivantes. De même, l’action de la liqueur séminale se fait sentir bien longtemps après le rapprochement des deux parents. La force nutritive qu’a reçue l’embryon, se manifeste sur-le-champ en lui ; il commence aussitôt à se développer, en puisant dans sa mère la nourriture dont il a besoin, et qu’il lui emprunte par des moyens divers selon les espèces. Ensuite, il se donne par lui-même, et par son énergie intrinsèque, ses organes et ses membres ; il ne les reçoit pas du dehors et par juxtaposition, comme l’a cru Démocrite. Voilà comment l’organe qui s’annonce le premier, et qui se détache de cette masse confuse, est le cœur, principe de la chaleur et de la sensibilité, destiné, ainsi qu’on l’a dit, à nourrir tout le reste, au fur et à mesure de la croissance, et durant la vie entière. L’embryon, muni de son ombilic, se sert de l’utérus comme la plante se sert de la terre ; et son existence, dans cette époque de transition, est toute végétative, en attendant qu’elle devienne intelligente et raisonnable. L’embryon se divise alors, attaché à la matrice, comme le germe de la plante pousse sa racine et sa tige. Mais l’embryon humain s’entoure de membranes et de chorions, pour s’isoler de tout ce qui l’environne, tandis que le germe végétal n’a pas besoin de tant de protection. C’est que le fœtus doit se suffire à lui-même, comme un enfant que le père de famille aurait mis hors de la maison, et qui se séparerait de ses parents.

Voilà donc, autant qu’on peut le conjecturer, le rôle du mâle et de la femelle dans la génération. Evidemment, le mâle est supérieur, puisque le principe qu’il apporte est l’Ame, et que le principe fourni par la femelle n’est que la matière. Ceci doit nous aider à comprendre pourquoi les sexes sont séparés dans les animaux les plus parfaits, et notamment dans l’espèce humaine. L’esprit vaut mieux que la matière, et le meilleur doit être séparé du moins bon. On pourrait dire aussi que le mâle, qui est le dépositaire de l’espèce et de l’essence, a quelque chose de plus divin et de moins matériel que la femelle. Néanmoins, pour accomplir l’œuvre génératrice, le mâle ne peut pas plus se passer du concours de la femelle que la femelle ne peut se passer du sien. Si l’un des deux vient à manquer, la transmission de la vie est impossible. De là, leur union inévitable, puisqu’ils sont nécessaires l’un à l’autre, pour leur œuvre commune. Mais d’où viennent les sexes ? Et à quel moment apparaissent-ils dans le fœtus ? Ce sont là des questions fort complexes, dans lesquelles Anaxagore, Démocrite, Empédocle se sont égarés, en attribuant l’origine de cette diversité, soit à la position du fœtus dans la matrice, soit à l’action de la chaleur et du froid. Il serait bien hasardeux de se prononcer dans de telles obscurités ; mais on peut observer que la complexion et l’âge des parents influe beaucoup sur la production des différents sexes. On peut même croire que la saison, l’air ambiant, et le climat n’y sont pas non plus tout à fait étrangers.

Nous venons d’exposer les traits principaux de la théorie d’Aristote sur le grand fait de la génération, dans toute la série animale. Nous avons dû laisser de côté une foule de détails, par lesquels il la complète et la fortifie. Mais nous sommes resté fidèle à sa pensée, que nous avons reproduite dans son ensemble, en lui donnant seulement un peu plus de régularité et d’ordre systématique. Avant de poursuivre et de rechercher historiquement ce qu’est devenue cette belle doctrine, récapitulons les résultats qui ressortent de tout ce que nous avons vu jusqu’ici.

Un point absolument incontestable, c’est que voilà l’embryologie créée de toutes pièces, par la méthode d’observation, c’est-à-dire, par le seul procédé que la raison approuve, et le seul qui puisse produire la véritable science ; la voilà, avec son objet propre, dans ses limites déjà fort étendues et infranchissables ; la voilà, dans toute sa profondeur et sa portée ; scrutant, par l’anatomie assidûment pratiquée, un des phénomènes les plus mystérieux de la Nature ; éclairant les problèmes d’une lumière qui, après plus de vingt siècles, n’a rien perdu de son éclat ; la voilà, presque aussi avancée à bien des égards que notre science contemporaine ; se servant nécessairement de moyens beaucoup moins perfectionnés, mais employant les ressources dont elle dispose, avec une sagacité, une précision, une exactitude, qui ne peuvent jamais être dépassées ; avec une attention constante que rien ne lasse, ni ne rebute ; avec une passion ardente et réfléchie ; contemplant, dans un sentiment d’austère admiration, le spectacle sublime que la réalité offre aux méditations de l’homme, et rendant à la création une justice que, même, de nos jours, on ne sait pas toujours lui rendre. En un mot, Aristote est le père de l’embryologie, bien qu’il ne l’ait pas appelée de son nom ; il est le premier en date ; et l’on ne peut faire désormais que suivre ses traces et ses exemples, quelque long que soit l’avenir, de même qu’on les a suivis dans le passé, d’où la science actuelle est sortie, sans connaître, le plus souvent, son origine, et sans savoir à qui elle doit les principes qu’elle ne cesse d’admettre et de développer.

Nous essaierons bientôt d’esquisser l’histoire de l’embryologie ; mais, avant de voir ce qu’elle est devenue après Aristote, il est bon de jeter un rapide coup d’œil sur ce qu’elle pouvait être avant lui. Il est démontré, par son propre témoignage, qu’Anaxagore, Démocrite, Empédocle et quelques autres avaient discuté plusieurs points de détail relatifs à la génération ; mais aucun d’eux n’avait visé à une théorie complète, et c’est à Aristote lui-même qu’il faut demander ce qu’il pense de ses trois devanciers. Il n’a rien dit d’Hippocrate ni de Platon, bien que les doctrines de l’un et les leçons de l’autre aient pu avoir de l’influence sur ses études. Mais cette influence n’a pas dû aller fort loin, si l’on en juge par les œuvres qui nous restent de ces nobles personnages.

Pour savoir ce qu’Hippocrate a pensé de la génération, l’embarras ne laisse pas que d’être assez grand, parce qu’il est très difficile de discerner ce qui lui appartient dans la vaste collection à laquelle son nom est attaché, et ce qui appartient à son école de diverses époques. On trouve bien dans cette collection des traités, sur la nature de la femme, sur le fœtus de sept mois, sur la génération et la nature de l’enfant, sur les maladies des femmes, sur les femmes stériles, sur les maladies des jeunes filles, sur la superfétation, etc. (Edition et traduction E. Littré, t. VII et VIII.) Mais, ou ces morceaux ne sont que des fragments et de simples notes ; ou ils sont presque entièrement pathologiques, comme il convient à la médecine. Il n’y a pas là d’embryologie au sens où Aristote l’entendait, et où nous l’entendons avec lui. Il serait même très hasardeux d’y recueillir quelques données qui pourraient être prises pour une théorie de la génération. Récemment, des physiologistes ont tenté cette espèce de restitution, qui ne pouvait pas être fort heureuse, risquant ainsi de prêter à Hippocrate un système qui n’est pas le sien, et de lui imposer des erreurs qu’Aristote a réfutées.

Dans les Aphorismes, dont l’authenticité ne peut être révoquée en doute, on en peut trouver plusieurs qui se rapportent à la génération. Ils sont, dans la cinquième section, au nombre de 35, paragraphes 28 à 63. (Édition et traduction É. Littré, in-18, pp. 171-185.) Ceux-là sont encore presque uniquement médicaux, et très peu physiologiques. Ils recommandent certains remèdes pour faciliter le flux menstruel ; ils ne permettent les purgatifs pendant la grossesse que du quatrième au septième mois. Ils interdissent les saignées, qui causeraient l’avortement, comme le causent les dérangements prolongés des intestins. Il y a bien aussi quelques remarques qui tiennent de plus près à l’embryologie : par exemple, sur la maigreur excessive des femmes, qui provoque leur avortement, sur l’embonpoint extraordinaire, qui empêche la conception, sur les évacuations menstruelles, qui épuisent le fœtus, si elles continuent durant la grossesse, sur la suppression de ces évacuations, quand la grossesse se prononce et quand le lait se forme, sur la position des fœtus, les milles à droite, les femelles à gauche, sur le teint des femmes enceintes, selon qu’elles portent un garçon ou une fille, etc.

Toutes ces sentences concises et brèves sont fort intéressantes ; mais on y chercherait vainement un système sur la génération, dans l’homme ou dans les animaux.

On en peut dire autant de Platon, et même à plus forte raison. Il n’aborde cette question que dans le Timée. Mais, si, dans cette œuvre solennelle, il s’élève jusqu’à l’idée d’un Dieu créateur, père du monde et auteur de l’ordre merveilleux qui règne dans l’univers, il ne s’occupe de la génération que pour signaler les emportements et les dangers que causent les désirs sexuels, et pour exposer les métamorphoses dégradantes que subissent les mortels livrés à leurs passions brutales. Les hommes lâches sont changés en femmes dans une seconde naissance ; les hommes d’esprit léger et bavards sont changés en oiseaux ; ceux qui ne se sont jamais occupés de philosophie deviennent des quadrupèdes et des bêtes sauvages. Les moins intelligents deviennent des reptiles et rampent sur la terre. Enfin, ceux qui sont le plus dépourvus de raison deviennent des poissons, indignes de respirer un air pur, et condamnés à ne respirer qu’une eau trouble et pesante. Ainsi, tous les animaux se changent les uns dans les autres, selon qu’ils perdent de l’intelligence ou qu’ils en acquièrent.

On peut donc affirmer que, ni dans Hippocrate, ni dans Platon, Aristote n’a trouvé de matériaux pour la science nouvelle qu’il allait créer. Après lui, la stérilité reste la même, et il se produit alors pour l’embryologie le phénomène que nous avons dû reconnaître, non sans étonnement et regret, pour l’Histoire des Animaux et pour le Traité des Parties. Après Aristote, l’esprit humain semble s’être désintéressé de ces questions, qui nous touchent cependant de bien près ; le silence est universel, et il n’est rompu qu’à la fin du XVIIe siècle de notre ère. Que le Moyen-âge, après la ruine de l’Empire, n’ait rien produit, absorbé par des problèmes bien autrement urgents et bien autrement pratiques, nous n’avons pas à en être surpris. Toutes choses alors sont plongées dans le chaos ; les plus lourdes ténèbres pèsent sur les esprits, en toutes choses, si ce n’est peut-être en théologie ; l’histoire naturelle ne peut pas renaître, plus que les autres sciences, au milieu de ces débris et de ces agitations. Mais, comment s’est-il fait que la Grèce, dans les cinq siècles qui s’écoulent d’Aristote à Galien, ait été inféconde et muette presque autant que le Moyen-âge ? Comment cette question de la génération a-t-elle été oubliée ? Comment l’embryologie, si solidement inaugurée, a-t-elle disparu ? Comment une telle science a-t-elle été négligée, soit à Alexandrie, soit à Rome, comme elle l’était par Athènes elle-même ? C’est là ce que nous avons peine à concevoir. Mais le fait est indéniable. Il ne s’explique que d’une seule façon : Aristote, grâce à son incomparable génie, a été tellement en avant de ses successeurs, même d’Erasistrate et d’Hérophile, que personne n’a pu suivre ce pas gigantesque, et que la carrière, si largement et si glorieusement ouverte, est restée fermée. L’esprit humain n’a repris sa marche, et n’a pu l’assurer, que deux cents ans environ après la Renaissance du XVIe siècle. Chez les Anciens, ni l’École péripatéticienne, dans les divers pays où elle a régné, ni les autres écoles philosophiques, ni Varron, Cicéron, Celse, Sénèque, Pline lui-même, compilateur laborieux d’Aristote et de tant de naturalistes, n’ont rien dit. Il faut arriver jusqu’à Galien, à la fin du second siècle de notre ère, pour retrouver quelques traces d’une science déjà perdue. Encore, le traité du médecin de Pergame sur la semence (De Semine, édition de Kûhn, tome IV, pp. 512 et suiv.) n’est-il qu’une petite partie de la question ; elle semble échapper à Galien comme à bien d’autres, quoiqu’il fût capable de l’embrasser tout entière mieux que personne.

Le traité de Semine est en deux livres ; il a tous les mérites et tous les défauts habituels de Galien. Son but est de concilier Hippocrate et Aristote, qui ont soutenu sur l’action de la semence des opinions opposées. Hippocrate croit que le sperme est tout à la fois matière et cause de la génération ; Aristote croit que la semence est simplement cause, et qu’elle n’apporte rien de matériel dans la conception. Admirateur sincère d’Hippocrate et d’Aristote, Galien voudrait résoudre le dissentiment qui les sépare, et c’est dans cette intention qu’il écrit. Pour atteindre ce but fort louable, il emploie les procédés qui sont toujours à l’usage de nos physiologistes les plus sagaces et les plus adroits. Dans ses investigations, il interroge d’abord les femmes, et il leur demande les observations qu’elles ont pu faire personnellement sur leur conception. Il observe lui-même minutieusement ce qui se passe dans l’accouplement des animaux domestiques, juments, finesses, chien nés, vaches ; il dissèque des femelles qui sont pleines ou qui viennent d’être couvertes, pour surprendre les changements immédiats que la liqueur séminale peut causer dans l’organe qui l’a reçue. Il croit que la semence femelle se mêle à la semence mâle dans les cornes de la matrice ; il parle même de bulles qui se rompent dans la semence de la femme ; car il admet que la femme a de la semence, malgré la réfutation qu’Aristote avait faite de cette théorie. Il insiste sur les fonctions des testicules, qui élaborent le sperme ; mais, plus avancé qu’Aristote en anatomie, il parle des testicules de la femme, qui sont placés des deux côtés de l’utérus. Evidemment, c’est des ovaires qu’il s’agit dans ce passage de Galien ; mais, d’après son propre témoignage, le mérite de cette découverte anatomique revient à Hérophile, dans le troisième livre de son Anatomie, dont Galien reproduit un long et très curieux extrait.

Il parle encore avec grands éloges d’un médecin qu’il appelle Athénée, et qui avait composé aussi un ouvrage spécial sur le sperme, en sept livres. Ce médecin, qu’on connaît fort peu et qui vivait peut-être en Cilicie, vers le début de notre ère, était de l’avis d’Aristote ; et, comme lui, il n’attribuait à l’action du mâle que la transmission du mouvement et de la vie, laissant à la femelle la fonction de fournir la matière de l’embryon. Sur ce point, Galien n’hésite pas à blâmer Athénée, en compagnie d’Aristote ; il soutient, contre les deux, que les femelles ont de la liqueur séminale tout aussi bien que les mâles, et que le concours d’une de ces liqueurs n’est pas moins indispensable que le concours de l’autre pour réaliser la génération. Il croit toujours avec Hippocrate, dit-il, que dans l’utérus les fœtus mâles sont à droite, et les fœtus femelles à gauche. D’ailleurs, s’il s’éloigne en cela d’Aristote, il suit ses opinions sur d’autres points : la formation successive du fœtus, la ressemblance des enfants aux parents, les effets de la castration, les œufs clairs des oiseaux, etc. ; bien qu’il ne veuille pas que le cœur soit le premier organe à se montrer dans le fœtus, comme le dit Aristote, et qu’il suppose que le cerveau est formé avant tout autre viscère.

A côté des citations d’Hippocrate, d’Hérophile, d’Athénée, et d’autres médecins, comme Eudème et Marinus, connus uniquement parce qu’il les nomme, Galien est amené à faire encore des citations plus fréquentes d’Aristote. Il a le Traité de la Génération sous les yeux, et il lui emprunte de nombreux passages, soit pour y contredire, soit pour l’approuver. Il parle du cinquième livre de ce traité, qu’il regarde comme aussi authentique que les autres, et il semble le trouver à sa vraie place, après les quatre précédents. Tout en étant fort savant, il adopte parfois un style de rhéteur, qui n’est pas très scientifique. A tout instant, il apostrophe Aristote pour le combattre, et plus rarement pour le louer : « Mais, mon cher Aristote,… mais, très cher Aristote, tu dis ceci… tu dis cela !… que dirais-tu ?…. que répondrais-tu, si…. etc. » Ces formules sont bizarres ; mais elles n’ont rien d’irrespectueux ; tout au contraire, Galien admire Aristote presque autant qu’Hippocrate, son maître et le père de la médecine : Aristotelem virum naturœ doctum. » Mais il n’est pas toujours fort juste avec lui : par exemple, quand il lui reproche de n’avoir pas assez vu quels sont les rapports de l’animal et de la plante, tandis qu’Aristote est revenu à satiété sur ces rapports, qu’il avait observés et signalés le premier, pour montrer combien les frontières des deux règnes sont incertaines.

Du reste, Galien s’est borné à la question particulière qu’il voulait éclaircir, de la semence ; il n’est pas entré dans le vaste domaine de l’embryologie comparée, bien que l’exemple d’Aristote, et peut-être aussi celui d’Hérophile, l’y conviassent. Mais il n’est point à blâmer d’être demeuré sur le terrain de la médecine, qui était le sien, et où ses travaux pouvaient être plus utiles que sur tout autre. Un sentiment qu’il a de commun avec Aristote et qu’il exprime très vivement en toute occasion, c’est une admiration sans bornes pour la Nature. Plus profond que les médecins de son temps, et que bien des médecins des temps postérieurs, il célèbre, avec un enthousiasme réfléchi, « la sagesse et la puissance de Celui qui a fabriqué le corps humain. » Il repousse dédaigneusement Je système du hasard préconisé par Epicure, et il proclame l’évidence d’un art consommé et infini qui éclate dans la prodigieuse organisation de l’animal.

Après Galien, tout se tait dans l’Antiquité. C’est quatre cents ans plus tard que Philopon commente le Traité de la Génération ; mais ses explications n’ajoutent quoi que ce soit au texte, qu’il veut élucider, pour les rares élèves qui suivent ses leçons. C’est la dernière lueur, et la nuit la plus obscure va se faire, pour six ou sept siècles de suite. La lumière ne reparaît, bien faible encore, qu’avec Averroès (1120-1198) chez les Arabes, et avec Albertle-Grand, à Cologne et à Paris (1193-1280). Averroès, qui habite tantôt Cordoue, tantôt Séville, semble peu satisfait du texte original sur lequel il travaille, et qui fourmille de fautes ; mais il doit réviser sa traduction, « si Dieu le lui permet ». Les Arabes ne sont pas allés plus loin qu’Aristote ; mais, si, entre leurs mains, la science n’a pas fait le moindre progrès, ils ont conservé la tradition ; c’est déjà un immense service. Ils ont préparé et facilité les labeurs de notre Moyen-âge ; et notamment ceux d’Albert-le-Grand et de saint Thomas, qui, sans eux, n’auraient pu faire rien de tout ce qu’ils ont fait. Grâce aux Arabes, Albert-le-Grand non seulement reproduit tout Aristote, mais il a pu consacrer quatre livres de son ouvrage, De Animalibus, à la question de la génération, du XVe au XVIIIe livre. Il a même joint des observations personnelles à toutes celles qu’il empruntait au philosophe grec, à travers deux translations, du grec en arabe et de l’arabe en latin. Les commentaires d’Averroès et d’Albert-le-Grand, quelque peu novateurs qu’ils soient, prouvent que l’intérêt se réveillait dans les esprits pour les études physiologiques ; et cette heureuse influence a été pour quelque chose dans la résurrection définitive au XVe et au XVIe siècles. L’ouvrage d’Albert-le-Grand était imprimé à Mantoue dès 1479. Mais, deux siècles vont s’écouler encore avant que la chaîne ne soit vraiment renouée, et qu’enfin la science, après cette longue interruption, se remette régulièrement en marche, sous la conduite et sur les pas de la Grèce.

Parmi les théories d’Aristote, il en était une qui avait été généralement admise, bien qu’il y eut insisté fort peu : c’était celle de la génération spontanée. Outre les vivipares et les ovipares, dont la reproduction était évidente, on supposait que d’autres animaux, et surtout les insectes, dont on ne pouvait observer la reproduction, naissaient de la pourriture de certaines matières, soit dans la terre, soit dans les eaux ; quelques poissons aussi étaient rangés dans cette classe. Cependant, Aristote avait lui-même élevé quelques doutes, et il avait dit que c’était la chaleur, plutôt que la putréfaction, qui était cause de la production de ces êtres. Mais on ne s’était pas arrêté à cette réserve ; on s’en tenait à une division commode du règne animal, et l’on croyait aussi fermement à la génération spontanée qu’aux deux autres.

Ce fut Redi d’Arezzo(1626-1694.) qui attaqua le premier cette erreur, et qui la combattit, à la satisfaction de tous les esprits sensés. Redi est médecin ; mais il est en outre naturaliste et poète. En même temps qu’il est accrédité à la cour des Grands-Ducs de Toscane, il est un des écrivains qui travaillent au dictionnaire de la Crusca ; il a rang parmi les modèles du style italien. Ce qui doit le distinguer principalement à nos yeux, c’est l’excellence de sa méthode ; il la suit en s’en rendant parfaitement compte. Elle n’est pas autre que la méthode d’observation, telle qu’Aristote l’avait appliquée et recommandée. Sous ce rapport, Redi n’ignore rien ; mais ces principes essentiels avaient été si souvent méconnus et le sont encore si souvent, qu’il faut savoir gré à ceux qui y restent fidèles, soit qu’ils les découvrent par leur bon sens personnel, soit qu’il les reçoivent de sages prédécesseurs.

L’ouvrage de Redi est sous forme de lettre adressée à un de ses amis, capable sans doute de juger de ces questions. L’auteur s’excuse de la longueur de son épître ; mais il est trop modeste ; sa lettre n’a rien de prolixe pour le résultat important qu’elle contient, et qu’elle annonce au monde savant, en 228 pages. Comme il est érudit, il connaît tout ce que l’Antiquité a légué aux Modernes ; il critique Empédocle, et parfois même Aristote, tout en le vénérant. L’indépendance de son esprit ne lui permet pas de s’en rapporter uniquement à l’autorité, quelque respectable qu’elle soit ; il ne s’en fie qu’aux sens, accordés à l’homme « par le suprême architecte », pour instruire sa raison. Il doute que la putréfaction puisse donner naissance à des êtres vivants ; et pour vérifier le phénomène, il observe des cadavres d’animaux qu’il dépose dans des vases clos, ou dans des vases ouverts. En examinant les choses avec attention, et en portant ses expériences à un degré d’exactitude dont il est un des premiers à fournir le modèle, il constate bien vite que, dans les vases hermétiquement fermés et soustraits au milieu ambiant, il ne se produit jamais d’êtres vivants, tandis qu’il s’en produit toujours dans les vases ouverts. Il en conclut nécessairement que les vers ne s’engendrent de putréfaction que si la semence en a été apportée du dehors, par d’autres êtres doués dévie. Il retrouve des insectes venus de la même manière dans les galles des plantes, où l’on voyait aussi une génération spontanée. Il étend sa théorie jusqu’aux vers que les cerfs ont quelquefois dans la tête. « Je suis « porté à croire, dit-il en résumant sa pensée, « que tous les vers nés dans des putréfactions s’engendrent de semence paternelle, et que les chairs, les herbes, et les ordures de toute espèce ne font que préparer la génération des insectes, et leur apprêter un lieu et un nid, où tous ces animaux sont portés à déposer leurs œufs, ou autre semence de vers, qui, une fois nés, trouvent dans ce nid un élément suffisant pour se nourrir. Mais, si la mère n’y porte rien, rien n’y peut naître. »

Ainsi, Redi, par la justesse de ses conclusions, et par la précision de ses expériences, devançait notre siècle, qui a vu se renouveler le débat sur la génération spontanée, et qui semble l’avoir définitivement tranché. Déjà, la question avait été reprise avec assez d’éclat dans le XVIIe siècle par le jésuite Needham, dont Voltaire s’est un peu trop moqué. Mais les théories de Needham, bien que réfutées d’avance par les travaux de Redi, avaient été accueillies par deux grandes académies, celle de Paris et celle de Londres, et surtout par Buffon. Spallanzani avait contredit Needham, avec une vigueur égale à la politesse qu’il apportait dans la discussion. Entre ces jugements contraires, qui étaient tous fort considérables, la solution paraissait indécise, et bien des savants inclinaient au système de l’hétérogénie. De notre temps, ce système était encore soutenu avec ardeur par M. F. Pouchet, professeur d’histoire naturelle au Muséum de Rouen ; et ses opinions, qu’il défendait avec autant de conviction que de talent, comptaient des partisans jusque dans les rangs les plus élevés du monde scientifique. L’Académie des Sciences de l’Institut de France s’en émut, et comme M. Pouchet était un de ses lauréats, elle crut, en 1858, devoir mettre au concours le sujet suivant : « Essayer par des expériences bien faites de jeter un jour nouveau sur la question des générations spontanées. » Ces expériences furent entreprises, en dehors du concours, par M. Pouchet, représentant de l’hétérogénie, et par M. Pasteur, chimiste et directeur des études scientifiques a l’École normale, adversaire déclaré de cette théorie fausse. M. Pasteur parvint à réduire pour jamais l’erreur à néant. Il préludait alors à l’illustration qui devait bientôt entourer son nom.

M. F. Pouchet avait présenté à l’Académie des sciences (20 décembre 1858) une note où il affirmait que « les protoorganismes végétaux et animaux » naissent spontanément dans de l’air artificiel et dans le gaz oxygène. Se fiant à des expériences prolongées, il soutenait que des animalcules peuvent se développer dans un milieu absolument privé d’air atmosphérique. Les membres principaux de l’Académie s’étaient prononcés contre M. F. Pouchet. Payen, Claude Bernard, H. Milne Edwards et J.-B. Dumas ne croyaient pas à la génération spontanée. Mais la réfutation publique et victorieuse fut celle de M. Pasteur. Dans un grand mémoire, soumis à l’Institut et inséré dans les Annales des sciences naturelles (1861, tome XVI, pp. 5 et suiv.), il reprit la question, en remontant à l’Antiquité, et en rappelant les aberrations de Van Helmont, qui enseignait la manière de faire naître des souris, et de Leewenhoeck lui-même, qui se flattait, non moins sûrement, de produire des grenouilles. Il démontra, par des analyses irréfutables, que l’air atmosphérique contient une énorme quantité de particules solides et de germes de toute espèce ; que ce sont des germes et des corpuscules disséminés, et en suspension dans l’air, qui produisent tous les organismes des infusoires ; et qu’excités par l’oxygène, ils composent les ferments qui ne sont au fond que des êtres organisés. Les expériences de M. Pasteur étaient si bien faites et si décisives, la méthode employée par lui était si puissante et si claire, qu’il n’y avait pas d’objection possible, et qu’il ne pouvait plus être question d’hétérogénie. Il était irrévocablement prouvé que tous les êtres vivants viennent de parents, animés eux-mêmes de la vie qu’ils ne font que transmettre. La génération spontanée était enfin reléguée parmi les chimères ; et rien ne pourrait réveiller encore cette controverse éteinte que des passions antireligieuses, qui viendraient s’y mêler, tout en se cachant sous le manteau de la science.

Nous nous excusons de cette digression à laquelle nous nous sommes laissés aller, afin d’en finir avec une question qui n’en est plus une, mais qui était née à propos d’une théorie d’Aristote. Nous revenons à l’histoire de l’embryologie comparée.

En même temps que Redi portait la lumière sur un point particulier, un jeune médecin hollandais, Régnier de Graaf (1644-1673) faisait faire à la science un très grand pas ; il la mettait sur une voie où depuis deux siècles elle n’a pas cessé de le suivre, tout en poussant plus loin que lui les ingénieuses découvertes qu’il a commencées. Élève de Van Horne, son professeur d’anatomie à l’Université de Leyde, docteur en médecine d’Angers et de Paris, de Graaf s’était signalé, dès l’âge de 21 ans, par un traité remarquable sur le suc pancréatique. Quelques années après, il avait publié une étude sur les organes génitaux de l’homme, et il annonçait une étude semblable sur les organes de la femme, Ce dernier livre parut en 1672, un an tout au plus avant la mort du jeune savant, qui eut à peine le temps de laisser ce monument à la postérité. L’ouvrage est intitulé : « De mulierum organis generationi inservientibus, tractatus novus demonstrans tum homines et animalia caetera omnia quae vivipara dicuntur, haud minas qumt ovipara ab ovo originem ducere. » Ce traité a été réimprimé cinq ans après la mort de l’auteur, dans ses œuvres complètes, à Leyde.

De Graaf dédie son ouvrage, écrit en très bon latin, à Cosme III Grand-Duc de Toscane, par reconnaissance pour la faveur que les Médicis ont toujours assurée à la médecine ; il espère que cette œuvre d’un jeune homme sera digne de Cosme, aussi bien que les hommages si souvent rendus à sa famille par les astronomes. Dans une Epitre au lecteur, il rappelle ses recherches antérieures, et il expose le dessein qu’il poursuit dans celle-ci. Il veut prouver que les animaux, y compris l’homme, ne viennent pas d’un œuf formé dans l’utérus par la liqueur séminale du mâle, ou par son action, comme le grand Harwey l’avait cru, mais que l’œuf existe dans les organes de la femme avant tout rapprochement sexuel. De Graaf avoue que c’est là un paradoxe ; mais il demande qu’on veuille bien le lire avant de le condamner. Il soutient que l’espèce humaine n’est pas la seule à présenter cette organisation, et que tous les vivipares sans exception ont des ovaires, comme les oiseaux. Si l’oviducte chez les oiseaux a une extension membraneuse, les trompes de Fallope chez les quadrupèdes remplissent le même office. Elles reçoivent les œufs expulsés des follicules ; sans elles, les œufs tomberaient dans l’abdomen, où ils causeraient les désordres des grossesses extra-utérines. Le jeune anatomiste avait fait surtout ses dissections sur les animaux ; mais il ne doute pas que les résultats qu’il a obtenus ne soient également applicables à l’organisation féminine.

En décrivant cette organisation merveilleuse, avec beaucoup plus de soin qu’on ne l’avait fait jusqu’à lui, il prie ses lecteurs d’écarter toute pensée qui serait étrangère à la science. Pour s’excuser de traiter ce sujet délicat, il s’appuie sur l’autorité médicale de Celse et sur l’autorité théologique de saint Augustin. Depuis de Graaf, plus d’un anatomiste a formulé de semblables réserves, qui sont toujours sous-entendues pour une science sérieuse, même quand on ne les exprime pas formellement. Comme le dit laconiquement Tertullien, que d’autres anatomistes ont invoqué : « Natura veneranda est, non erubescenda. »

Sur seize chapitres formant l’ouvrage de de Graaf, qui n’est guère plus long que celui de Redi, onze sont consacrés à la description de tout l’appareil génital, depuis les parties les plus extérieures jusqu’aux plus profondes. Les planches qui accompagnent la description sont assez médiocres. Le chapitre XII traite spécialement des ovaires, que Vésale, le plus grand des anatomistes, selon de Graaf, et après Vésale, Laurent, Fallope, Coïter, Spigel, Van Horne, avaient observés, sans en bien comprendre le rôle. De Graaf reprend donc minutieusement cette analyse, et il constate que la substance membraneuse des ovaires renferme toujours des vésicules pleines de liqueur, et aussi des globules, des nerfs et des vaisseaux. C’est pour les vésicules que tout le reste est fait. Van Home, qui s’en était beaucoup occupé, les appelle des œufs, et de Graaf adopte ce nom. La femme contribue à la génération par ces vésicules. La liqueur séminale du mâle arrive par l’oviducte, c’est-à-dire, par les trompes de Fallope, à ces œufs contenus dans l’ovaire, et elle les féconde, en les irriguant. Fallope avait eu le tort de croire que les trompes, découvertes par lui, étaient fermées ; mais il avait reconnu son erreur, qui est manifeste en effet. Les œufs fécondés dans les ovaires sont reçus par l’extrémité des trompes, et ils descendent dans l’utérus, où l’embryon doit se nourrir et se développer, en plus ou moins de temps, selon les espèces et selon la durée de la gestation. Les trompes sont dans les femelles de vrais canaux déférents et des oviductes. De Graaf termine son ouvrage en décrivant minutieusement tous les développements successifs que l’œuf prend dans l’utérus, où il séjourne. C’est surtout sur des lapins qu’il faisait ses observations.

On verra, par ce qui va suivre, combien le jeune médecin hollandais, mort à 32 ans, était près d’avoir vu la vérité tout entière ; il en a conquis du moins la partie essentielle. Il n’y a qu’un seul point, à ce qu’il semble, où il ait commis une faute d’observation, sur les traces de Van Horne. La vésicule n’est pas l’œuf ; mais elle contient l’œuf, qu’elle enveloppe et qu’elle doit laisser sortir, au prix d’une cicatrice qui demeure empreinte sur l’intérieur de l’ovaire. A part cette restriction, le nom de de Graaf demeure attaché à la découverte de la vésicule, et selon toute justice, malgré les réclamations de l’envie.

L’ouvrage de de Graaf avait paru en février 1672 à Delft. Swammerdam, médecin aussi, et, comme de Graaf, élève de Van Horne, se hâta de revendiquer la gloire de la découverte, pour leur maître commun et surtout pour lui-même. Il s’adresse au mois de mai 1672 à l’Académie royale de Londres, et il cherche à établir que ses travaux personnels remontent à quatre ou cinq ans plus haut. Il a été, dit-il, le collaborateur de Van Horne, en ce sens que Van Horne faisait tous les frais des expériences, mais que c’était lui seul, Swammerdam, qui exécutait les travaux imaginés par lui personnellement. Pour prouver ses assertions, il reprend le programme du cours que faisait Van Horne, en 1668, sur les organes génitaux des deux sexes ; il commente chacun des articles de ce programme ; et, se défendant lui-même d’avoir été le plagiaire de Van Horne, il en accuse violemment de Graaf (de Graeff). De Graaf répondit non moins énergiquement, et il adressa sa défense à la Société royale de Londres, très peu de temps avant sa mort. (Partium genitalium defensio, societati regiœ dicata. La Haye, 1673).

Ces revendications opposées auraient pu être décidées par l’intervention et le témoignage de Van Horne ; mais il était mort en 1670. Dans cette polémique, le dernier mot a été pour de Graaf, et l’histoire de la science ne connaît que lui. Swammerdam, mort lui-même assez jeune, s’est rendu célèbre à d’autres titres, et Boerhaave lui a fait l’honneur d’éditer sa « Biblia naturœ seu historia insectorum ». Son ouvrage sur la génération intitulé : « Miraculum naturæ, sive uteri muliebris fabrica », a eu de nombreuses éditions. On peut dire encore, à la louange de Swammerdam, qu’il a inventé le procédé des injections, si utile dans les investigations anatomiques.

Malpighi, médecin et naturaliste (1628-1694), professeur illustre aux Universités de Bologne, de Pise, de Messine et de Rome, a fait faire des progrès à la théorie de la génération, en étudiant, a l’aide du microscope, mieux qu’on ne l’avait fait avant lui, les évolutions du poussin dans l’œuf. Ses « Dissertationes de ovo incubato et de formatione pulli in ovo » sont de 1666 et de 1672. Il y avait plus de trente ans qu’Harvey s’était appliqué au même sujet et dans la même intention, parce que les observations sur les œufs des oiseaux sont plus faciles que sur les ovaires humains. Malpighi note soigneusement, de six heures en six heures, tout ce qui se passe dans l’œuf, depuis qu’il est produit au dehors jusqu’à la naissance du poussin. Ce genre d’observations a été repris par la plupart des naturalistes, jusque de nos jours. Le procédé est excellent ; mais il faut toujours se rappeler que c’est Aristote, et peut-être Hippocrate, qui y a songé le premier. Nous ne voudrions pas exagérer le mérite de cette invention, qui se présentait tout naturellement à l’esprit des observateurs ; mais nous tenons à en laisser la gloire à qui elle appartient, c’est-à-dire, à l’Antiquité grecque, et au génie scientifique qu’elle a montré en ceci comme dans tout le reste. Malpighi s’est occupé de l’anatomie des plantes plus encore que de celle des animaux, et il a contribué à la découverte du sexe des végétaux.

Descartes a composé un traité De la formation du fœtus (tome IV de ses Œuvres, édition Victor Cousin) ; mais, soit que, pressé par le temps, il n’ait pas pu y mettre la dernière main, soit que ces études ne fussent pas de celles qui l’intéressaient le plus, il n’a pas laissé de traces profondes en embryologie. Il accorde de la semence aux deux sexes ; et « les semences se mêlant l’une à l’autre se servent réciproquement de levain. » Il est persuadé que, « si l’on connaissait bien quelles sont toutes les parties de la semence de quelque espèce d’animal en particulier, par exemple, de l’homme, on pourrait déduire de cela seul, par des raisons entièrement mathématiques et certaines, toute la figure et conformation de chacun de ses membres ; comme aussi réciproquement, en connaissant plusieurs particularités de cette conformation, on en peut déduire quelle est la semence. » Sur cette pente de la logique des mathématiciens, Descartes glisse aisément, sans paraître se douter qu’il manque à toutes les règles de sa propre méthode ; il donne au pur raisonnement beaucoup plus de place qu’il ne faut, dans une question qui doit surtout se résoudre par l’observation des faits. Il est bien probable que, si Descartes avait pu appliquer sa puissante intelligence à ce problème et y donner toute l’attention nécessaire, il aurait dépassé ses contemporains ; mais sa gloire impérissable est ailleurs.

L’année 1677 est marquée par une découverte considérable et inattendue, celle des spermatozoïdes, dans la semence de tous les animaux mâles, et particulièrement dans la semence humaine. Qui a découvert les spermatozoïdes ? Est-ce Hartsoeker, le physicien hollandais ? Est-ce Ham, élève de Leewenhoeck ? Est-ce Leewenhoeck lui-même ? C’est à ce dernier que la découverte reste attribuée. Sauf les prétentions des amours-propres individuels, il importe assez peu de savoir à qui elle est due réellement. Quel qu’en soit l’auteur, c’est une des plus belles conquêtes de la science. Lee-wenhoeck (1632-1723), naturaliste et anatomiste, avait su se fabriquer personnellement des microscopes que sa dextérité avait rendus les meilleurs du monde. Un hasard, plutôt encore qu’une intention réfléchie, lui fit voir, un jour, dans la liqueur séminale, des êtres qui étaient doués, durant quelque temps du moins, d’un mouvement extraordinaire ; il les prit pour des animalcules, et il crut qu’ils étaient l’élément indispensable et essentiel de la génération. C’étaient, selon lui, les embryons apportés par le mâle, qui se développaient plus tard dans l’utérus. Ses lettres à la Société royale de Londres, dont il était membre, en font foi. Malgré les indications formelles que fournissaient déjà les travaux de de Graaf, il soutint que l’homme ne vient pas d’un œuf, ainsi que tant d’autres animaux, mais qu’il vient d’un animalcule. Par suite de cette première méprise, il fut entraîné à d’autres erreurs qui n’étaient pas moins graves. A l’en croire, les ovaires n’étaient pas nécessaires à la génération ; ils ne contenaient pas les œufs que l’imagination de quelques anatomistes prétendait y trouver ; et dans sa trentième lettre, qui est sa conclusion définitive, il résumait sa pensée en quelques mots : « Conceptio non fit per ovum. » Ainsi, la découverte ne servait aucunement à celui qui l’avait faite ; il ne la comprenait pas. Le phénomène était vrai, le fait était exact ; mais le raisonnement était faux.

On conçoit du reste d’où l’erreur était venue ; elle était à peu près inévitable. Dès qu’on reconnaissait de véritables animalcules dans la semence, il était tout simple d’en conclure que l’être animé était introduit par le mille dans la femelle, et que la femelle n’avait plus qu’à nourrir le germe qu’elle recevait. (Opéra onmia, seu arcana naturœ détecta, édition de Leyde, 1721, quatre volumes in 4°, t. II et t. IV.)

Un élève de Malpighi, Vallisneri, combattit les idées de Leewenhoeck et revint a celles de de Graaf, pour essayer de les porter encore plus loin. Professeur de médecine théorique a l’Université de Padoue, il avait débuté dans la science en reprenant les observations de Redi sur les insectes, et il s’était prononcé, non moins résolument que lui, contre la génération spontanée, bien qu’il fût aussi un grand partisan d’Aristote. Son principal ouvrage est l’Histoire de la génération de l’homme et des animaux, en italien. (Venise, 1721 et 1723, f° pp. 97 à 245.) Vallisneri examine les deux solutions données au problème : les animalcules de Leewenhoeck, dont il attribue la découverte à Hartsoeker, et même à Sténon, le médecin danois (1638-1687), et les œufs ou vésicules de de Graaf. Comme on doutait encore à cette époque de la réalité des spermatozoïdes, il recommence toutes les observations antérieures, et il les confirme par son témoignage personnel. Les insectes spermatiques, ainsi qu’il les appelle, existent sans aucun doute ; mais quelle est leur véritable fonction ? Après de très longues discussions, qui ne sont pas toujours très régulières, Vallisneri conclut que le ver spermatique entre dans l’œuf de la femme et qu’il le féconde. Par l’œuf, il comprend toujours la vésicule de de Graaf, et malgré les plus habiles dissections, il n’a jamais trouvé l’œuf proprement dit. Il en supposait l’existence, sans pouvoir la démontrer d’une manière irréfutable. Ce sont ces incertitudes qui ont donné à Buffon, l’occasion de railler Vallisneri, sur ces œufs prétendus, qu’il cherchait toujours et qu’il ne rencontrait jamais. La critique était assez juste ; mais les hypothèses de Buffon, égaré par l’esprit de système, ne valaient pas les conjectures de Vallisneri, qu’il n’estimait pas assez haut.

Buffon, (1707-1788) s’est beaucoup occupé de la génération des animaux, et surtout de la génération de l’homme. Deux volumes de son histoire naturelle en sont remplis (tomes X et XI de l’édition de 1830). Il y combat tous les systèmes antérieurs, pour y substituer le sien. Jusqu’à quel point a-t-il réussi ? Ou plutôt, jusqu’à quel point a-t-il échoué ? Nous le demanderons à un juge que personne ne récusera, à Cuvier, qui est le plus grand des naturalistes modernes, et qui a le droit de prononcer sur Buffon. Après avoir parlé avec éloge de la Théorie de la terre, Cuvier ajoute : « Le système de Buffon, sur les molécules organiques et sur le moule intérieur pour expliquer la génération, outre l’obscurité et l’espèce de contradiction dans les termes qu’il présente, paraît directement réfuté par les observations modernes, et surtout par celles de Haller et de Spallanzani. Mais, son éloquent tableau du développement physique et moral de l’homme n’en est pas moins un très beau morceau de philosophie, digne d’être mis à côté de ce qu’on estime le plus dans le livre de Locke. » (Biographie universelle, article Buffon.) Pour apprécier Buffon, nous nous mettrons sous l’abri d’un jugement aussi compétent et aussi impartial. Avant d’en arriver à la génération des animaux, Buffon compare d’abord les végétaux et les animaux, comme Aristote l’avait fait souvent ; puis, il traite de la reproduction en général, de la nutrition et du développement. Pour lui, les végétaux et les animaux sont des êtres de même ordre ; et la Nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, descendant d’un animal qui nous paraît le plus parfait à celui qui l’est le moins ; et de celui-ci, au végétal. Les végétaux et les animaux ont une ressemblance qui est très essentielle, c’est la faculté de se reproduire. « Quelque admirable que soit l’organisation de l’animal et de la plante, ce n’est pas dans l’individu qu’est la plus grande merveille ; c’est dans la succession, dans le renouvellement et dans la durée des espèces, où la Nature paraît tout à fait inconcevable. » Comme il y a des plantes et des animaux qui peuvent se reproduire par une simple division, et que chacune de leurs parties contient un tout qui, par le seul développement, peut devenir un animal ou une plante, Buffon en conclut que l’individu n’est qu’un assemblage de germes et d’individus de même espèce, lesquels peuvent tous se développer de la même façon et former de nouveaux touts constitués comme le premier. Les corps organisés sont composés d’autres corps organiques semblables, « Les parties primitives de ces corps sont organiques et semblables aussi. Nous discernons bien à l’œil leur quantité accumulée ; mais nous ne pouvons apercevoir les parties primitives isolées que par le raisonnement et par l’analogie. » Il existe dans la Nature une infinité de petits êtres organisés, semblables en tout aux grands êtres organisés qui figurent dans le monde ; et ces petits êtres sont « des particules organiques vivantes, qui sont communes aux végétaux et aux animaux ». La génération n’est donc qu’un changement de forme, qui se fait et s’opère par la seule réunion de ces molécules, de même que la destruction se fait par leur division.

A ce premier principe des molécules organiques vivantes, Buffon enjoint un second. Ces molécules, indépendantes les unes des autres, se groupent cependant pour donner au corps des animaux des formes différentes, selon leurs espèces. La force qui les contraint à se grouper, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, c’est ce que Buffon appelle le moule intérieur, « dans lequel la matière qui sert à l’accroissement de l’animal se modèle et s’assimile au total. » Mais, ce n’est pas seulement le corps entier de l’animal qui est un moule ; c’est chacune de ses parties intérieures, qui reçoivent la matière de leur développement particulier, dans l’ordre de leur position respective. La matière organique pénètre chacun de ces moules intérieurs et s’incorpore intimement avec eux.

C’est à l’aide de ces deux principes, molécules organiques et moule intérieur, que Buffon prétend dévoiler le mystère de la génération. D’ailleurs, il convient que ces deux forces, qu’il suppose il l’intérieur des corps, ne peuvent pas être accessibles à nos sens, et qu’elles échappent à toute observation. Mais, il se rassure en pensant à la force de la pesanteur, qui pénètre aussi l’intérieur de toute matière, et que nous n’apercevons pas davantage par l’observation sensible, bien que nous y croyions sans la moindre hésitation. C’est la nourriture qui apporte dans le corps les molécules organiques ; et ces molécules se séparent de celles qui, n’étant pas organiques comme elles, sont rejetées par toutes les voies excrétoires. Au nom de ses deux principes, Buffon, n’hésite pas à blâmer Descartes, qui a voulu réduire l’explication de tous les phénomènes de la Nature à des principes purement mécaniques, et Aristote, « dont le défaut, dit-il, a été d’employer comme causes tous les effets particuliers ». Buffon, se flatte d’avoir, pour sa part, évité les écueils où ces deux grands hommes avaient échoué ; et sans le dire précisément, il semble bien croire que sa propre philosophie est « sans défaut », parce qu’aux principes reçus de la mécanique, il a joint d’autres forces pénétrantes qui s’exercent dans les corps organisés. Il va même jusqu’à affirmer que c’est l’expérience qui nous assure qu’il existe un nombre infini de particules organiques, et il s’imagine l’avoir démontré par des faits, bien plus encore que par le raisonnement.

Cependant, Buffon, parti de la génération scissipare, se heurte à une difficulté. Il sent bien que sa théorie ne suffit plus, même avec ses deux principes, à expliquer la génération sexuelle, celle qui, cependant, nous intéresse le plus. Grâce à l’hypothèse des molécules organiques, chaque individu peut produire son semblable par une sorte de bouture ; cela se conçoit assez bien. Mais, comment deux individus, l’un mâle et l’autre femelle, en pro-duisent-ils un troisième, qui a constamment l’un ou l’autre de ces sexes, dont un au moins est opposé à celui des parents ? Au lieu de répondre à cette question embarrassante, Buffon blâme les naturalistes, ses devanciers, de s’être occupés uniquement de la génération de l’homme et des animaux, sans faire attention aux autres modes de génération ; et par une contradiction flagrante, quoiqu’il ne semble pas s’en apercevoir, il s’attache lui-même exclusivement à la génération humaine, pour prouver que les molécules organiques, renvoyées de toutes les parties du corps, forment dans les deux sexes des liqueurs séminales, et que ces liqueurs ont besoin l’une de l’autre pour que les molécules organiques qu’elles contiennent puissent se réunir et former un animal. Les petits corps mouvants, dit-il, auxquels on a donné le nom d’animaux spermatiques, sont des corps organisés, provenant de l’individu qui les contient ; mais d’eux-mêmes ils ne peuvent, ni se développer, ni rien produire.

Quoique ceci soit vrai, Buffon, poussé par les exigences de son système, avance qu’il y a des animaux pareils, c’est-à-dire des animaux spermatiques, dans les femelles ; ce qui est absolument contraire à l’observation. Par une autre nécessité non moins logique et non moins impérieuse, il ne voit dans les animaux spermatiques que les molécules organiques vivantes dont il a parlé, et qui, selon lui, sont communes aux animaux et aux végétaux. Ce qu’il concéderait tout au plus, c’est que les animaux spermatiques sont « la première réunion des parties organiques vivantes ». Entre ces molécules, celles qui se conviennent le mieux dans l’un et l’autre sexe se confondent, et elles forment un nouveau petit corps organisé semblable à l’un et à l’autre des individus. Il ne manque plus à ce petit corps, ainsi formé, que le développement qui se fait ensuite dans la matrice de la femelle.

Par une autre conséquence inévitable, Buffon est amené à soutenir que la femelle a de la liqueur séminale, tout aussi bien que le mâle ; et, s’appuyant sur un passage d’Aristote, qu’il n’interprète pas exactement, il critique les « physiciens » modernes qui, voulant expliquer la génération par les œufs ou par les animaux spermatiques, ont, avec les Anciens, refusé la liqueur séminale à la femelle.

Il termine cette première partie de son exposition en s’efforçant de trouver, à l’appui de son système, de nombreuses raisons, tirées des analogies du développement et de la nutrition avec la reproduction, de l’engraissement des animaux coupés, de la ressemblance des enfants avec les parents, de la nature de la liqueur séminale selon les âges et selon les tempéraments, de l’époque du rut ou du frai dans les animaux, du nombre des mâles plus grand que celui des femelles dans l’espèce humaine, etc.

Trop satisfait de son système personnel, Buffon juge ensuite les autres systèmes ; et il passe successivement en revue les opinions de Platon, qu’il réprouve, celles d’Aristote, auxquelles il accorde un long examen, tout en les traitant d’absurdes, celles d’Hippocrate, qu’il place fort au-dessus, celles de Fabrice d’Aquapendente, auquel il attribue à tort d’avoir, le premier, fait des observations suivies sur les œufs de poule. Il passe légèrement sur Aldrovande, Coïter, Parisanus, médecin de Venise, et il s’arrête à Harvey, partisan de l’ovarisme et imitateur d’Aristote, à Malpiglii, qu’il appelle un excellent observateur et qu’il exalte aux dépens d’Harvey, à de Graaf, dont il semble faire beaucoup de cas, tout en rapportant à Sténon la découverte des œufs dans les ovaires, à Vallisneri, qu’il étudie en détail, mais qui, tout habile qu’il était, a vainement cherché l’œuf auquel il croyait et qu’il n’a jamais pu voir.

Bufîon, qui traite assez dédaigneusement tous ces systèmes sur les œufs, n’est pas plus favorable à celui des animaux spermatiques, découverts par Leewenhoeck, Hartsœker et Andry ; il trouve que cette théorie n’est appuyée que sur des hypothèses dénuées de toute vraisemblance, « attendu qu’elle suppose le progrès à l’infini, lequel n’est qu’une illusion de l’esprit ». Buffon condamne donc les animaux spermatiques, comme il a condamné les œufs de de Graaf, et il donne la préférence à l’auteur inconnu de « la Vénus physique », à Méry, de l’Académie des sciences de Paris.

« Voilà, à très peu près, dit-il en terminant sa critique, où en sont demeurés les anatomistes et les physiciens au sujet de la génération. Il me reste à exposer ce que mes propres recherches et mes expériences m’ont appris de nouveau ; on jugera si le système que j’ai donné n’approche pas infiniment plus de celui de la Nature qu’aucun de ceux dont je viens de rendre compte. » Il faut reconnaître que Buffon s’est livré aux observations les plus attentives et les plus nombreuses ; mais, prévenu de ses propres idées, il ne pouvait tirer des expériences que ce qu’il y cherchait, c’est-à-dire, la confirmation de sa théorie sur les molécules organiques vivantes. D’accord avec Needham, qui l’aidait, il ne voit dans la semence du mule que des parties qui tendent à s’organiser, et il déclare que les prétendus animaux spermatiques ne sont pas des corps organisés semblables à l’individu qui les produit ; « ce sont plutôt des espèces d’instruments qui servent à perfectionner la liqueur mâle et à la pousser avec force, pour qu’elle pénètre plus intimement la liqueur de la femelle ». Enfin, après une comparaison étendue entre ses expériences et celles de Leewenhoeck, il conclut que presque tous les animaux microscopiques, infusoires, de diverses origines, anguilles de la farine, anguilles du blé ergoté, anguilles du vinaigre, anguilles de l’eau corrompue, etc., sont de la même nature que les êtres organisés qui se meuvent dans les liqueurs séminales. Il va même au delà de ces assertions, déjà bien étranges, et ne croyant, ni à la préexistence des germes, ni à leur emboîtement, il finit par admettre une matière organique, universellement répandue dans toutes les substances végétales et animales, toujours active, toujours prête à se mouler, à s’assimiler et à produire des êtres semblables à ceux qui la reçoivent. Les espèces d’animaux et de végétaux ne peuvent donc jamais s’épuiser d’elles-mêmes ; tant qu’il subsistera des individus, l’espèce sera toujours toute neuve ; elle l’est autant aujourd’hui qu’elle l’était il y a trois mille ans ; elle continuera tant qu’elle ne sera pas anéantie par la volonté du créateur.

Buffon a toute raison de se fier imperturbablement à la perpétuité des espèces ; mais, sur la manière d’expliquer cette perpétuité, proclamée dès longtemps par Aristote, il a commis des erreurs qu’on peut qualifier d’énormes, sans parler de la génération spontanée, à laquelle il croit toujours avec Needham, malgré les démonstrations de Redi et de Malpighi. D’où peuvent venir ces aberrations d’un si grand esprit ? D’une seule cause, l’abus du raisonnement substitué à l’observation. Ce n’est pas que Buffon s’abstienne d’observer les phénomènes ; loin de là, il s’y adonne avec une persévérance et une circonspection dignes de résultats meilleurs. Mais malheureusement, il a un système préconçu ; et l’amour-propre inconscient, auquel chacun de nous peut céder ainsi que lui, l’emporte sur tout le reste. En dépit des précédents les plus manifestes, il tourne le dos à la vérité, bien qu’il la cherche aussi sincèrement que qui que ce soit. Ses molécules organiques vivantes ne sont pas moins chimériques que les monades de Leibniz, dont elles semblent se rapprocher beaucoup. Buffon, d’ailleurs compense amplement cette faute par des considérations fort exactes sur les variétés dans la génération des animaux, sur la formation du fœtus, sur l’accouchement, sur l’embryon, sur les naissances tardives ou précoces, tous sujets déjà traités par Aristote ; et il couronne toutes ces théories par l’histoire naturelle de l’homme, à laquelle le grand Cuvier n’a pas ménagé son estime et son admiration.

Avec Cuvier (1769-1832), qui s’est toujours gardé prudemment des conceptions à priori, nous revenons à la science véritable. Il n’a pas fait précisément d’embryologie, et il n’a pas de système sur la génération. Mais, mieux que personne, il a fait l’anatomie comparée des organes servant à cette fonction, dont l’objet est d’entretenir l’espèce et d’employer une portion de la vie de chaque individu, pendant qu’elle est à son plus haut période, pour développer d’autres individus qui le remplaceront un jour. La génération est le plus grand mystère que nous offre l’économie des corps vivants ; et Cuvier n’hésite pas à déclarer que la nature intime de la génération est encore couverte des ténèbres les plus absolues. Il se refuse à admettre que les corps vivants puissent se former de toutes pièces comme les cristaux, par la réunion des molécules rapprochées subitement, « en se collant les unes aux autres ». Dès que les corps vivants existent, ils ont déjà toutes leurs parties, quelque petits qu’ils soient ; ils ne croissent point par l’addition de nouvelles couches, mais par un développement interne des parties, qui préexistent à toute croissance sensible. Une circonstance commune à toute génération, et la seule essentielle, c’est que chaque corps vivant tient, dès les premiers instants où il commence à être visible, à un corps plus grand de même espèce que lui, dont il fait partie, et par les sucs duquel il se nourrit pendant un certain temps. C’est sa séparation de ce corps plus grand qui constitue sa naissance. Ainsi réduite à sa simplicité essentielle, la génération est gemmipare, comme on le voit sur les plantes reproduites par bouture, et sur certains animaux inférieurs, les polypes et les actinies. Il n’y a dans ce mode de génération, ni sexe, ni accouplement, ni même aucun organe particulier. Au contraire, les autres modes de génération s’opèrent dans des organes spéciaux ; et il faut le concours de certaines opérations des organes pour déterminer le développement ultérieur. Ces opérations constituent la fécondation, qui ne peut se faire que par des sexes, qui sont ou réunis ou séparés. Le sexe fécondable, dans lequel le germe se manifeste, est le sexe femelle ; le sexe fécondant, dont le concours est nécessaire pour que le germe se développe complètement, est le sexe mâle. Le concours du sexe mâle se fait par une liqueur qui se nomme fécondante ou séminale.

Cuvier laisse aux disputes des physiologistes le soin de chercher comment la liqueur séminale du mâle concourt au développement des germes, soit que les germes préexistent dans la femelle, soit que la liqueur mâle les y apporte, soit que cette liqueur ne fasse que les réveiller, en quelque sorte, de la léthargie dans laquelle ils seraient toujours restés sans elle. Ce sont là pour Cuvier autant de questions insolubles dans l’état actuel de nos connaissances ; et il conseille d’en abandonner la discussion, qui serait peu utile à la science. Pour lui, il s’attache à l’étude des quatre fonctions partielles et subordonnées dont la génération se compose : production du germe, qui a toujours lieu ; fécondation, qui n’a lieu que dans les générations sexuelles ; accouplement, qui n’a lieu que dans les générations sexuelles où la fécondation se fait dans le corps ; et enfin la grossesse ou gestation, qui n’a lieu que dans les générations vivipares. Pour ces quatre fonctions, il y a des organes producteurs et conservateurs, des organes d’accouplement et des organes éducateurs.

Cuvier décrit successivement, avec les détails les plus précis, ces quatre espèces d’organes. L’appareil préparateur et conservateur est le plus compliqué ; il se compose dans les mâles des testicules, des vésicules séminales, des prostates et des glandes dites de Cowper. Ces organes sont considérés par Cuvier tour à tour dans l’homme, dans les mammifères, dans les oiseaux, dans les reptiles, dans les poissons. Les organes préparateurs et conservateurs des femelles sont les ovaires, tantôt doubles comme dans l’espèce humaine et les reptiles, tantôt simples comme dans les oiseaux. L’organe mâle de l’accouplement est la verge simple, ou double aussi, avec ses nerfs, ses muscles et ses vaisseaux ; l’organe femelle est le vagin, ou, dans certaines espèces, le cloaque. Les organes éducateurs, qui reçoivent le germe détaché de l’ovaire, sont, à l’intérieur, les trompes de l’utérus dites de Fallope dans les mammifères, les oviductes simples, ou doubles encore, dans les trois autres classes des vertébrés ; et l’utérus, qui, dans les mammifères, peut être unique, double, simple, ou même quadruple. A l’extérieur, les organes éducateurs sont les mamelles, en nombre variable pour la plupart des mammifères, et les poches pour quelques-uns d’entre eux.

Après les vertébrés, Cuvier passe aux animaux sans vertèbres : les mollusques, où l’on trouve quatre combinaisons différentes d’organes ; les vers, qui présentent à peu près les mêmes combinaisons ; les crustacés, où les organes intérieurs, ovaires et testicules, qui sont doubles ailleurs, sont quelquefois réunis en un seul ; les insectes, où les organes sont extérieurs et simples en général, placés à l’extrémité du corps ; enfin, les échinodermes, qui sont hermaphrodites. Les zoophytes se multiplient par bourgeons et boutures.

Ici s’arrête l’analyse de Cuvier, et il termine un peu brusquement ses recherches, par une trentième et dernière leçon, consacrée à l’histoire des sécrétions et des excrétions. Il s’excuse de ne pas suivre l’ordre naturel de ses idées, qui aurait du amener, après les organes de la génération, ceux qui appartiennent à l’embryon, au fœtus, à l’animal nouveau-né, et qui distinguent chacun de ces états de celui de l’adulte. Mais diverses circonstances l’ont déterminé, dit-il, à réserver ce travail pour un autre moment. Ces circonstances regrettables, que Cuvier ne nous indique pas plus précisément, nous ont privés de l’ouvrage complémentaire qu’il promettait, et qui n’a jamais paru.

En 1824, M. J.-B. Dumas (1800-1885), l’illustre chimiste, publia, dans le premier volume des Annales des sciences naturelles, le commencement d’un travail extrêmement remarquable qu’il intitulait : « Nouvelle théorie de la génération. » Il avait pour collaborateur J.-L. Prévost, médecin de Genève, déjà fort connu, et un peu plus âgé que lui. C’était une entreprise courageuse et très méritante, quoique le succès n’ait pas complètement répondu à la promesse que les deux savants faisaient au public. Ils n’ont pas découvert une théorie nouvelle de la génération ; mais, du moins, ils sont allés plus loin que leurs devanciers, et ils ont préparé, et peut-être même devancé, la grande et définitive découverte d’Ernest de Baër.

Dumas ne se dissimule pas la difficulté de son entreprise ; et pour indiquer tout d’abord le résultat général qu’auront ses investigations, il ne balance pas à déclarer qu’Aristote est probablement le seul qui se soit jamais fait une notion judicieuse de la nature du phénomène de la génération. Dans la bouche d’un homme tel que J.-B. Dumas, au XIXe siècle, c’est là une louange magnifique. Nous essaierons plus tard de faire voir qu’elle n’a rien d’excessif et qu’elle est parfaitement juste, sans doute même encore plus méritée que ne le supposait celui qui la décernait. Attaché, dès ses débuts, à des croyances qui sont restées celles de toute sa vie, Dumas distingue dans l’animal deux principes, l’un immatériel et l’autre corporel. Il n’est pas trop sévère pour la théorie de l’emboîtement des germes de Bonnet ; et, tout en n’y voyant qu’une hypothèse gratuite, il comprend l’approbation qu’elle a souvent reçue, parce que, « dans un phénomène enveloppé du voile le plus épais, l’esprit humain conçoit une création d’un seul coup et faite une fois pour toutes, plus aisément qu’une activité continuelle, qui répugne à notre faiblesse. » Pour lui, il se propose uniquement d’observer les faits, sans risquer des conjectures périlleuses. La génération, réduite à sa plus simple expression, est le rapprochement d’un mâle et d’une femelle, et le contact de l’œuf et de la semence, comme l’a si bien établi Spallanzani. Il va donc étudier, d’abord la liqueur séminale, puis ensuite l’œuf, et définitivement leur rapport. Ses recherches embrasseront toute la série animale, mammifères, oiseaux, batraciens, reptiles, poissons, mollusques, insectes et zoophytes.

En premier lieu, Dumas analyse les liquides renfermés dans les diverses glandes de l’appareil générateur, testicules, épididyme, canal déférent, vésicule séminale et prostate, questions éclaircies déjà par les beaux travaux de Cuvier. Il constate dans le testicule l’existence de certains êtres agités de mouvements spontanés, qui sont les animalcules spermatiques, découverts par Ham, Leewenhoeck et Hartsoeker. Ces animalcules sont le produit d’une véritable sécrétion. Tous les animaux pubères en possèdent ; trop jeunes, ils n’en ont pas encore ; trop vieux, ils n’en ont plus. Les vésicules séminales et les vésicules accessoires ne fournissent jamais d’animaux spermatiques, parce que le testicule est le seul à pouvoir les sécréter. Le mouvement spontané des animalcules spermatiques tient à l’état physiologique de l’animal qui les fournit ; et ce caractère les distingue essentiellement des infusoires. Par des observations sur les batraciens, Dumas se convainc que la fécondation des œufs par la liqueur mâle ne peut avoir lieu tant qu’ils sont dans l’ovaire. C’est là un résultat fort important, pour expliquer la fécondation chez les mammifères ; chez eux, le moment de la fécondation est toujours postérieur à celui de l’accouplement.

Ici, Dumas remarque une circonstance qui avait échappé à presque tous les observateurs avant lui ; c’est que les ovules trouvés dans les cornes de l’utérus, ou trompes de Fallope, sont toujours beaucoup plus petits que les vésicules de de Graaf dans l’utérus ; ils ont un ou deux millimètres au plus, tandis que les vésicules en ont sept ou huit. Puis, Dumas ajoute la phrase suivante, d’où l’on a pu conclure qu’il avait découvert le véritable œuf des mammifères, quelques années avant Ernest de Baër : « Il nous est arrivé deux fois, dit-il, en ouvrant des vésicules très avancées, de rencontrer dans leur intérieur un petit corps sphérique d’un millimètre de diamètre, moins transparent que les ovules a des cornes. » Dumas ne reconnaît pas que ce petit corps est l’œuf proprement dit des mammifères, et il se demande seulement quel rapport il existe entre les vésicules de l’ovaire et les ovules des cornes. On voit donc qu’il a été aussi près que possible de la découverte ; mais on ne peut pas dire qu’elle lui soit due. (Annales des Sciences naturelles, tome II 1, p. 135.)

Trois ans plus tard, en 1827, Dumas continuait encore ses investigations embryologiques, et le tome XII des Annales des Sciences naturelles contient ses longues expériences sur les œufs de poule. Il suit minutieusement les évolutions de l’œuf de trois heures en trois heures, pendant toute l’incubation ; et il décrit les phénomènes successifs avec une exactitude qui surpasse encore celle de Mal-pighi, dont il fait le plus bel éloge. « Le cadre qu’a tracé Malpighi, dit-il, restera comme un monument glorieux de son génie observateur. » On peut renvoyer cette louange à Dumas lui-même ; lui aussi a donné sans contredit « le tableau le plus élégant et le plus complet de l’incubation ». Il est regrettable que Dumas se soit arrêté dans cette voie ; s’il y eût persévéré, il s’y serait montré égal, et peut-être supérieur, à tous ses prédécesseurs. Il a plus tard consacré ses puissantes facultés à la chimie, à laquelle même il n’a pas toujours été fidèle. On ne saurait l’en blâmer, puisqu’il obéissait à sa vocation ; mais il a été perdu pour l’embryologie.

Il est possible que la dissidence survenue entre lui et Prévost ait hâté sa décision, en séparant leurs travaux. Dumas lui-même a rendu compte de ce dissentiment, qui portait sur une théorie physiologique (Annales des Sciences naturelles, tome XII, pp. 443 et suiv., 1827). Prévost combattait l’emboîtement des germes, auquel Dumas inclinait ; et il pensait que « le fœtus est le résultat de l’action que l’animalcule spermatique exerce sur le corps opaque de l’aire transparente (l’œuf dans la vésicule de de Graaf), ni l’un ni l’autre de ces agents ne formant une partie de l’être qui se crée ; ils donnent seulement naissance au premier des actes successifs en vertu desquels cet être se produit. » Contre cette opinion, Dumas prétendait « que l’animalcule spermatique est le rudiment du système nerveux et que la lame membraneuse sur laquelle il s’implante (le placenta), fournit par les modifications qu’elle éprouve tous les autres organes du fœtus. » Ce dissentiment fit cesser la collaboration, qui cependant pouvait être encore bien féconde ; et Dumas abandonna l’histoire naturelle. On peut soupçonner aussi qu’en face des problèmes insolubles qu’elle présente à certains égards, son esprit s’était découragé ; car, dans cette même note où il réfute son ami, il ne cache pas que le doute s’est emparé de son intelligence, et il avoue, non sans quelque tristesse, que « le point fondamental de chaque chose nous échappe, et que, quand nous arrivons au nœud principal de la question, la vérité se dérobe tout d’un coup à nos efforts, qui ne servent plus qu’à attester notre impuissance. » Dans la controverse qui s’était élevée entre Dumas et Prévost, l’un et l’autre se trompaient, du moins en partie ; mais Prévost était plus près de la vérité, sans la posséder encore tout à fait.

Le naturaliste qui la découvrit enfin, à peu près à la même époque où Prévost et Dumas travaillaient de concert, ce fut Ernest de Baër (1792-1876). Né sujet russe en Estonie, élève de Burdach, à Kœnigsberg, et professeur à cette université dès 1819, Baër, nommé membre de l’Académie de Saint-Pétersbourg, reconnut l’honneur qui lui était fait par une lettre assez concise qui avait pour sujet : « De ovi mammalium et hominis genesi. » Publiée à Leipsick et à Kœnisgberg, en 1827, elle fut traduite immédiatement du latin en français par G. Buschet, chef des travaux anatomiques à la Faculté de médecine de Paris. Ernest de Baër a composé encore d’autres ouvrages d’histoire naturelle sur le développement des animaux en général, sur le développement particulier des poissons, sur les monstres à double corps, etc. Il a fait aussi plusieurs voyages scientifiques en Russie ; mais c’est sa lettre qui a fait seule sa renommée, et qui lui a valu, sur la fin de sa vie, l’honneur de devenir Associé étranger de notre académie des sciences.

Après son remerciement à l’académie de Saint-Pétersbourg, de Baër lui communique sa découverte. « J’ai eu le bonheur, dit-il, de « trouver dans l’ovule les premiers rudiments « de l’œuf des mammifères et de l’homme, rudiments que l’on avait cherchés en vain, depuis tant de siècles. » De Baër cite Régnier de Graaf, qui a découvert les vésicules dans l’ovaire ; Cruishank, qui a nié que les vésicules fussent des œufs, et Prévost et Dumas, qui ont pensé comme Cruishank. Dans le XVIIIe et le XIXe siècles, personne n’a vu les ovules, si ce n’est peut-être un seul observateur, que Baër ne nomme pas. Pour lui, il a surtout opéré sur les ovules de chiennes ; et un jour, en ouvrant une vésicule, il y trouva un point blanc-jaunâtre, qu’il mit sous le microscope : « Quelle ne fut pas ma surprise, dit Ernest de Baër, d’apercevoir que cet ovule était exactement semblable à ceux que j’avais trouvés dans les trompes. » Il revit les ovules à l’œil nu, brillants à travers l’enveloppe de l’ovaire ; ces ovules de chiennes avaient de 1/20e à 1/50e de millimètre.

La découverte était faite, il ne restait plus qu’à la justifier par quelques détails.

De Baër reprend l’étude de la vésicule de de Graaf, et il montre qu’elle est composée de deux parties, qu’on peut appeler sa coquille et son noyau, c’est-à-dire, le tégument et la capsule intérieure. La capsule elle-même, c’est-à-dire l’œuf, a deux couches, l’une interne, l’autre externe. Le noyau est expulsé de la vésicule, et c’est alors une sorte de membrane granuleuse. De Baër se pose la question de savoir si c’est l’ovule qui existe avant la vésicule, ou si c’est la vésicule qui précède. Il croit pouvoir se prononcer pour l’antériorité des ovules, admise aujourd’hui par tous les naturalistes. Puis, il cherche à expliquer les corps jaunes de l’utérus ; mais il se trompe, comme on le verra, en supposant qu’ils viennent de l’accroissement pris par la couche interne de la capsule. L’œuf expulsé de l’ovaire est reçu par le pavillon de la trompe, et en y passant, il s’imbibe d’un mucus albumino-gélatineux ; mais c’est quand il est arrivé dans l’utérus qu’il s’accroît. Il y est entouré par des villosités, dont la matrice se garnit et qui le nourrissent.

Ces faits étant bien établis, de Baër compare les œufs des mammifères à ceux des oiseaux, bien que les uns et les autres aient une conformation assez différente. Il attache une très haute importance à la thèse de Purkinjé, offerte à Blumenbach en 1825 pour son cinquantenaire (Symbolœ ad ovium historiam ante incubationem). Dans cette thèse, Purkinjé démontrait que, sous la membrane du vitellus dans l’ovaire des oiseaux, il y a une couche très mince de granules vitellines, formant cumulus ; et que c’est ce cumulus qui contient les rudiments de l’œuf ; il en est la première trace et c’est ce qu’on appelle la vésicule germinative des oiseaux. Le vitellus s’amasse tout autour. Cette vésicule germinative est détruite entre le vitellus et sa membrane, avant la fécondation. Elle remplit chez la femelle une fonction correspondante à celle de la liqueur séminale du mâle. Elle est le produit essentiel de l’organe générateur des femelles.

De Baèr applique ces observations sur les oiseaux à l’ovulation des mammifères, et il prouve que la vésicule de de Graaf contient une autre vésicule plus petite, qui est le véritable rudiment de l’embryon fœtal. C’est un œuf dans un œuf ; et de ce principe, il tire des conclusions très graves, au nombre de quatre. Tout animal venu du rapprochement d’un mâle et d’une femelle, sort d’un œuf et nullement d’une simple humeur plastique ; la liqueur mâle agit sur l’œuf à travers la cuticule dont il est revêtu, et qui n’est percée d’aucun trou ; les parties centrales de l’embryon se forment avant les parties périphériques ; enfin, le mode de l’évolution est le même pour tous les vertébrés, et elle commence par le rachis.

Dans un commentaire qu’Ernest de Baër a joint à sa lettre, il est encore plus clair, s’il est possible ; il précise ses explications en les développant. L’œuf des mammifères se forme dans la vésicule de de Graaf longtemps avant la fécondation ; c’est un globe vitellin avec une petite cavité. Il est entouré d’une membrane mince, qui prend plus tard une consistance analogue à la membrane de l’œuf des oiseaux. Après la fécondation, une membrane interne enveloppe l’œuf de toutes parts ; mais la partie externe de cette membrane est plutôt corticale que testacée.

Telle est la découverte d’Ernest de Baër, dans toute sa simplicité et dans toute sa grandeur. Elle lui a été contestée comme on pouvait s’y attendre ; et Goste (1807-1873) a essayé d’en rapporter le mérite à Dumas et à Prévost. Dès 1824, il est vrai, ces deux savants avaient aperçu l’œuf, ainsi qu’on l’a dit un peu plus haut ; mais tout en le voyant, ils ne l’avaient pas reconnu, non plus que quelques autres observateurs, qui, avant eux, avaient été favorisés par un même hasard, sans en profiter davantage.

Goste, en 1834, publiait des Recherches sur la génération des mammifères et la formation des embryons ; et en 1837, un traité d’embryogénie comparée. C’étaient ses leçons au Muséum d’histoire naturelle, recueillies par MM. Gabeet V. Meunier. Reprenant tous les travaux antérieurs, Coste crut qu’il fondait la science, comme si la science n’était pas fondée depuis Aristote. Il attaque fréquemment Ernest de Baër, tout en lui empruntant ses principes ; car il est obligé de se défendre lui-même contre des accusations de plagiat, qui ne lui furent pas épargnées. Elles étaient injustes ; mais Coste les provoquait par des prétentions démesurées. Il ne pillait pas ses devanciers ; mais il se servait de leurs labeurs pour faciliter les siens, chose toujours permise. Ce qui l’était moins, c’était de les dédaigner et de les critiquer trop vivement. Une chaire d’embryogénie comparée, la première de ce genre dans notre pays, était instituée pour Coste au Collège de France en 1835 ; et douze ans plus tard, il faisait paraître en deux volumes in-4° l’Histoire générale et particulière du développement des corps organisés. Les ouvrages de Coste n’ont rien ajouté à ce qu’on savait déjà, si ce n’est la présence de la vésicule germinative chez les mammifères, tout a fait analogue à celle que Purkinjé avait signalée chez les oiseaux ; mais ils ont contribué à vulgariser la science, et ils ont même éclairci quelques points encore douteux de la théorie. Sur la fin de sa vie, Goste s’est livré presque entièrement à la pisciculture, dont il a rendu la pratique assez populaire, sans l’avoir inventée non plus que l’embryogénie.

Les travaux de M. F. A. Pouchet (1800-1872) ont été bien autrement sérieux. Professeur au Muséum d’histoire naturelle de Rouen, il obtenait en 1842 le grand prix de physiologie expérimentale de notre Académie des sciences ; et deux ans après, il publiait le mémoire couronné : « Théorie positive de l’ovulation spontanée et de la fécondation des mammifères et de l’espèce humaine, basée sur l’organisation de toute la série animale. » Nous nous arrêtons à cet ouvrage, et nous laissons de côté la célèbre controverse que M. F. A. Pouchet engagea avec M. Pasteur sur la génération spontanée, nous en tenant à ce que nous en avons dit plus haut. Pouchet fait remonter ses études et ses découvertes à 1835 ; et s’appuyant, dit-il, sur l’observation, l’expérience et la logique, il veut démontrer les trois lois suivantes : Les ovules, dans les mammifères et dans l’espèce humaine, sont engendrés et expulsés spontanément et indépendamment du rapprochement sexuel ; l’ovulation spontanée se produit à des époques déterminées ; la fécondation n’a lieu que par la présence du fluide séminal.

A ces trois axiomes, M. F. A. Pouchet joint dix lois physiologiques qui en sont la suite, et qui sont également positives :

L’espèce humaine et les mammifères sont soumis aux mêmes lois que tous les autres animaux ;

La fécondation a lieu sur des œufs préexistants ;

Le fluide séminal ne peut toucher les ovules qui sont dans les vésicules de de Graaf.

Les ovules se développent dans l’ovaire et s’en détachent ;

L’ovaire dans toute la série animale émet les ovules ;

L’émission des ovules a lieu à certaines époques fixes ;

CXCIV cette émission des ovules doit coïncider avec l’émission du fluide séminal ;

La menstruation est une sorte de rut ;

La fécondation est en un rapport constant avec la menstruation ;

Enfin, l’ovule et le fluide séminal qui le féconde, se rencontrent dans l’utérus, ou dans la région des trompes qui l’avoisine.

Chacune de ces dix lois secondaires sont discutées dans leur ordre ; l’auteur les expose en détail ; et il les appuie, comme il le dit, de preuves directes et de preuves rationnelles, fidèle en cela, sans le savoir, à la méthode qu’Aristote avait tant recommandée : observer d’abord les faits, et les expliquer par le raisonnement réfléchi et prudent, loin de toute hypothèse. Le seul tort des formules de F.-A. Pouchet, c’est une symétrie un peu trop rigoureuse, qui touche au pédantisme. La Nature n’est pas uniforme à ce point ; elle a des allures plus libres, et l’on ne peut pas la décrire en la soumettant à celles des mathématiques. Cette recherche de la précision géométrique n’a pas même produit, entre les mains de l’auteur, tous les résultats qu’il en attendait. Son livre, quoique bien composé, est prolixe ; et la personnalité de celui qui l’écrit y tient trop de place.

Du reste, Pouchet s’est occupé des spermatozoïdes plus qu’on ne l’avait fait avant lui. Il croit pouvoir en rapporter la découverte à Louis Gardin, médecin de l’université de Douai en 1623 ; Ham et Leewenhoeck n’auraient fait, en 1677, que les retrouver. Il soutient avec énergie que ce sont des animaux véritables, qui s’engendrent d’une manière toute spéciale ; et il va jusqu’à leur accorder « une volonté non douteuse ». Ce que peut être une volonté dans ces êtres microscopiques, il serait bien difficile de le prouver ; et Pouchet devait d’autant moins insister que plusieurs naturalistes, tels que Dumas, Lallemand, le célèbre professeur de Montpellier, avaient contesté victorieusement qu’il y eût là les signes essentiels et ordinaires de l’animalité. Duvernoy, un des collaborateurs de Cuvier et le rédacteur de la seconde édition de l’Anatomie comparée, avait proposé le nom de Spermatozoïdes, qui, du moins, ne tranche pas la question, et qui répond bien mieux à la réalité. Les spermatozoïdes sont des apparences d’animaux, ce ne sont pas des animaux proprement dits. (Anatomie comparée de Cuvier, 2e édition, tome VIII, p. IX de la préface et p. 143.) Le mot de Spermatozoïdes est aujourd’hui adopté généralement, quoique Pouchet ait soutenu que « le sens intime, l’observation, l’expérience et le raisonnement nous crient à la fois que ce ne peuvent être que des animaux ».

M. Longet (1811-1871) a étudié profondément la génération dans son Traité de physiologie (2e édition, tome II, pp. 688 et suiv. 1860) ; et s’il n’a pas fait de découvertes, il a exposé les faits déjà connus avec une lucidité rare. Il a essayé aussi de retracer l’histoire du passé ; mais il ne possédait pas une érudition suffisante, et il s’est trompé en déclarant que les théories d’Hippocrate et d’Aristote ne méritent aucun intérêt. Pour Hippocrate, c’est déjà un jugement par trop sommaire ; mais pour Aristote, la condamnation est d’une frappante injustice, bien que M. Longet le loue aussi quelquefois, sans crainte de se contredire. L’analyse que nous avons faite plus haut du système d’Aristote prouve jusqu’à la dernière évidence qu’il offre au contraire un intérêt incomparable, à la fois parce qu’il est chronologiquement le premier, et, en outre, parce que le nombre des observations exactes y est déjà énorme. La science y trouve son solide fondement. Longet est plus équitable pour Ernest de Baër, Purkinjé, Coste, qu’il connaît davantage. Il fait à chacun d’eux une part légitime, de même qu’il en fait une très belle à de Graaf. Il le loue surtout d’avoir observé les corps jaunes, qu’on a reconnus, plus tard, pour la marque des cicatrices que les vésicules ont laissées sur l’ovaire, en s’ouvrant pour donner passage à l’œuf. Baër a démontré que les œufs préexistent dans l’ovaire avant la conception, et Coste a démontré qu’à l’époque du rut les œufs tombent de l’ovaire spontanément. Négrier, Pouchet, Bischoff ont fait aussi avancer la question en constatant que, dans l’espèce humaine, les œufs tombent à chaque menstruation. Ils se détachent alors d’eux-mêmes, et n’ont pas besoin pour accomplir cette évolution du rapprochement sexuel.

Le phénomène auquel Longet a donné le plus d’attention, c’est la liqueur séminale, c’est-à-dire, l’élément mâle de la reproduction. Cette liqueur est formée exclusivement dans le testicule. Les vésicules séminales, la prostate, les glandes de Cowper ont des sécrétions qui existent aussi dans celle de l’éjaculation ; mais le seul fluide fécondant est celui que les testicules produisent, et les corpuscules mouvants qu’ils renferment sont la cause réelle de la fécondation. Aussi, Longet adopte-t-il le mot de Spermatozoïdes, proposé par Duvernoy ; et ainsi que lui, il pense que les corpuscules mouvants, n’ayant ni organisation, ni nutrition, ni reproduction, ne peuvent pas être de véritables animaux, et que, sur ce point, Leewenhoeck, Hartsoeker, Haller ne se sont pas moins trompés que Bufîon, qui croyait y trouver ses molécules organiques. Quand les spermatozoïdes ont perdu leur mouvement, ils ne sont plus fécondants ; mais pour l’être, il faut qu’ils entrent en contact avec l’œuf. Jusqu’où va précisément ce contact ? Est-il purement extérieur à l’œuf ? Les spermatozoïdes entrent-ils dans l’intérieur de l’œuf ? Ou s’arrêtent-ils à l’enveloppe immédiate de l’ovule ? Ce sont là des questions que Longet se pose plutôt qu’il ne les résout, parce qu’elles sont en effet presque insolubles. Ce qui est certain, c’est que la fécondation résulte nécessairement de la fusion intime de l’élément mâle avec l’élément femelle. Il paraît certain également que le sexe réside déjà dans l’œuf fécondé, et que l’influence des parents, auteurs d’une première fécondation, se fait sentir sur les produits ultérieurs dus à d’autres pères, et spécialement par la ressemblance.

Autre question non moins obscure et non moins importante. Dans quel lieu la fécondation s’opère-t-elle ? Est-ce dans l’ovaire lui-même, ainsi que Coste l’affirme ? Est-ce à l’extrémité du pavillon ? Ou dans une portion des trompes, par exemple, dans leur quart supérieur ? Longet n’ose pas se prononcer ; mais si l’on ne sait pas exactement comment la liqueur mâle arrive à l’intérieur de l’œuf, malgré sa paroi résistante, Longet regarde comme incontestable la présence des spermatozoïdes dans l’ovule. Les embryologistes les plus éclairés ne sont pas d’accord sur ce point capital. L’auteur n’y insiste pas non plus ; et il s’attache de préférence à marquer minutieusement toutes les phases du développement de l’embryon ; il les suit avec la plus vive attention ; et comme il est impossible d’en observer les premiers indices sur l’espèce humaine, c’est surtout l’œuf des oiseaux et celui des mammifères quadrupèdes qu’il étudie.

Dans l’œuf sorti de la vésicule de de Graaf, on peut distinguer trois parties, la membrane vitelline, le vitellus et la tache germinative, qui s’efface quand l’œuf a quitté l’ovaire. Le premier phénomène qu’on observe, c’est la segmentation du vitellus, se divisant d’abord en deux parties presque égales. Ces deux segmentations initiales se subdivisent elles-mêmes en plusieurs sphères granuleuses et organiques. Dans les oiseaux, la cicatricule est la partie germinative de l’œuf ; mais dans les mammifères, l’œuf tout entier est en quelque sorte cicatricule ; il n’a pas de jaune qui lui serve d’aliment, et il doit se nourrir aux dépens d’un autre, c’est-à-dire, de la mère. Le blastoderme, qui est destiné à former l’embryon, se produit dans la partie interne de la membrane vitelline ; c’est la tache embryonnaire de Coste. Les huit premiers jours du développement dans l’utérus échappent à peu près entièrement à l’observation. Mais, passé ce temps, on voit le blastoderme se diviser par une ligne longitudinale, autour de laquelle viendront se grouper tous les développements ultérieurs. L’œuf se fixe à la muqueuse utérine par les ramifications de la membrane vitelline ; et les deux feuillets interne et externe du blastoderme, se rejoignant, font la poche nommée amnios, qui est destinée à protéger l’embryon par le liquide accumulé dans sa cavité.

Longet décrit successivement la vésicule ombilicale, organe transitoire qui ne dure pas plus de six semaines, l’allantoïde, autre vésicule qui sert à l’absorption des sucs nutritifs, les chorions, qui sont la membrane la plus extérieure de l’œuf, et dont le troisième subsiste jusqu’à la fin de la gestation, le placenta, le cordon ombilical, la membrane caduque, qui est la membrane hypertrophiée de l’utérus et qui disparaît vers le quatrième mois, etc., etc. Suivant Longet, c’est le système nerveux central qui se forme le premier dans l’embryon. Le cerveau paraît d’abord avec les méninges, la moelle épinière, et les nerfs provenant de l’axe cérébro-spinal. Puis, viennent les organes des sens, l’œil, l’oreille interne, les systèmes osseux, musculaire et tégumentaire, le crâne, la bouche et la face, le pharynx, l’hyoïde, le poumon, les membres, la peau avec les poils, les parties génitales externes et internes, la vessie, la muqueuse intestinale, le tube digestif, le foie, le pancréas, la rate, le mésentère, le système vasculaire, les trois phases de la circulation fœtale, phases si bien décrites plus tard par M. le docteur Martin-Saint Ange, qui a été plusieurs fois lauréat de l’Académie des sciences.

Après avoir accompagné le fœtus jusqu’à sa naissance, et l’homme une fois né, jusqu’à sa mort, à travers la jeunesse, la virilité et la vieillesse, Longet se résume ; et entre les théories sur la génération, dont le nombre, suivant son calcul, est au moins de 300, il se prononce contre l’emboîtement des germes, et pour l’épigénèse, c’est-à-dire, pour le développement postérieur du germe. Frappé du spectacle que l’anatomie la plus avancée et la plus habile a mis sous ses yeux, Longet, en finissant son étude, est saisi d’un enthousiasme semblable à celui d’Aristote ; et il n’hésite pas à voir dans cette succession de phénomènes si régulièrement enchaînés les uns aux autres, « une prévision aussi admirable que mystérieuse ». Il y reconnaît une merveilleuse unité de plan, et « l’homme à l’âge viril lui semble l’œuvre accomplie du Créateur ». Il est bon de signaler ces opinions de Longet ; ce sont les vraies ; elles sont le résultat le plus général et la conclusion manifeste que la raison impose à la science ; mais par bien des motifs plus ou moins puissants, la science se révolte souvent contre la raison, qui n’est pourtant que la confirmation réfléchie de tous les instincts de l’esprit humain.

Ce sont là aussi les convictions bien arrêtées de Grimaud de Gaux (1799-1884) qui, en 1837, publiait un ouvrage étendu sur l’anatomie et la physiologie de la génération. Grimaud de Gaux n’apportait pas de faits nouveaux ; mais il contribuait, après bien d’autres, à vulgariser la science. Les planches qui étaient jointes à son ouvrage étaient dessinées d’après nature avec un talent supérieur et la plus parfaite exactitude par M. le docteur Martin-St Ange, qui, tout récemment encore (1885), vient de publier une Iconographie pathologique de l’œuf humain fécondé, composée de planches excellentes, et précédée d’une très savante introduction sur l’évolution physiologique de l’œuf humain, avant et après la fécondation.

Nous terminerons cette revue rapide des travaux modernes par ceux de M. Henri Milne Edwards. Nous ne voulons parler ici que des auteurs qui sont morts, quoique nous pussions nommer parmi les contemporains bien des représentants très autorisés de l’embryologie. Mais nous devons nous borner, parce qu’il est toujours plus sur de juger les ouvrages définitifs d’auteurs qui sont entrés dans l’histoire, après une vie laborieuse.

M. Henri Milne Edwards (1800-1885), mort l’année dernière, a travaillé trente ans à son grand ouvrage, qui n’a pas moins de quatorze volumes in-8, et qui traite de l’Anatomie et de la physiologie comparée de l’homme et des animaux. C’est le résumé de ses leçons, toutes rédigées par lui-même. Commencé en 1855, l’ouvrage était achevé peu de temps avant que l’auteur ne cessât de vivre. Rien de plus complet n’a jamais été fait sur ce vaste sujet ; jamais on n’y a porté plus d’ordre ni plus de clarté. Non seulement toutes les parties de la science y sont exposées avec une haute compétence ; mais en outre, l’histoire de chacune des théories y est rappelée, dans des notes étendues, où l’exactitude de l’érudition est égale à l’impartialité des jugements. On peut dire de cet ouvrage, parfaitement bien composé, que c’est l’encyclopédie physiologique du XIXe siècle. Pour le moment, il est le dernier mot de la science, et l’ensemble lumineux de tout ce que nous savons sur l’organisation de l’homme et des êtres animés. L’avenir portera ses connaissances plus loin ; mais les nôtres aujourd’hui ne vont que jusque-là.

Henri Milne Edwards reprend d’abord la question de la génération spontanée (71e leçon, tome VIII, pp. 237 et suiv.), et il se prononce contre cette théorie, dont la fausseté avait été démontrée de nouveau par la discussion qui s’était élevée entre Pouchet et M. Pasteur. Mais H. Milne Edwards, tout en condamnant l’erreur, conçoit très bien qu’elle avait dû se produire dans l’Antiquité. En face de faits, qui étaient alors inexplicables, faute d’instruments pour aider notre infirmité naturelle, on s’était dit que certains animaux naissaient sans parents. C’était le moindre nombre ; mais cette lacune suffisait pour qu’à côté des animaux venant d’homogénie, on en supposât d’autres dont la naissance ignorée était due à la rencontre fortuite de circonstances diverses, entre autres, la putréfaction et la chaleur. Il est vrai qu’après Redi, Vallisneri, Swammerdam, Leewenhoeck, et Spallanzani, la méprise était moins excusable. Cependant les infusoires des ferments pouvaient donner occasion de reprendre la vieille théorie avec quelque apparence de raison ; et c’est sans doute une secrète influence de ce genre qui avait poussé Buffon à imaginer ses molécules organiques vivantes ; ce système était bien près de l’hétérogénie des Anciens. Henri Milne Edwards le détruit définitivement, et il regarde comme indiscutable désormais cette loi gênérale : « C’est le vivant qui produit le vivant » ; la perpétuité de l’espèce se maintient par la reproduction des individus. Quelle est l’origine de la vie ? Comment a-t-elle commencé ? Henri Milne Edwards est trop prudent pour rien hasarder sur ce problème ardu, qui en effet n’est plus scientifique, et qui regarde plus spécialement la philosophie. La science n’a pas à rechercher d’où vient la vie ; elle n’a qu’à s’enquérir des moyens qui l’entretiennent et qui la transmettent.

Le mode de la génération dans la totalité des êtres vivants est triple : scissiparité, ou fractionnement du corps de l’individu-souche, comme sont les vers et aussi les polypes d’eau-douce ; gemmiparité, ou bourgeonnement devenant tout pareil au corps sur lequel il se forme ; en troisième et dernier lieu, oviparité, qui peut s’appliquer à la graine des plantes, tout autant qu’à l’œuf des animaux. Il y a des animaux, tels que les spongiaires et les hydres, qui ont des œufs dans toutes les parties de leur corps ; mais dans la majorité des cas, il y a pour les vésicules reproductives un organe spécial, qui est l’ovaire. L’œuf a toujours besoin d’un excitateur qui le féconde ; et cet excitateur est la liqueur séminale, qui vient le plus généralement d’un être de sexe différent ; parfois, les deux sexes sont réunis dans un même individu, qui est hermaphrodite ; mais c’est le cas le moins fréquent. La génération sexuelle a lieu dans presque toutes les espèces, et elle est de beaucoup la plus intéressante, puisque c’est la nôtre.

H. Milne Edwards remarque avec raison que l’exemple des oiseaux et des poissons est frappant ; et qu’il aurait dû servir dès longtemps à faire comprendre nettement les rapports des deux sexes dans l’acte de la reproduction. Dans les poissons et dans les oiseaux, la semence n’a besoin que d’entourer l’œuf pour le féconder ; elle n’y entre pas. Cette réflexion est très juste ; mais on a pu voir, un peu plus haut, qu’elle n’avait pas échappé tout à fait à Aristote, et que lui aussi avait pensé que tous les animaux pouvaient bien se féconder, dans la réunion des deux sexes, de la même manière que les poissons fécondent leurs œufs, en répandant leur laite, dont le simple contact suffît pour la transmission de la vie. H. Milne Edwards ajoute que la fécondation artificielle des poissons, qui a été renouvelée de notre temps, avait été pratiquée dès 1763, et que Spallanzani l’avait amplement décrite dans plusieurs de ses ouvrages, en 1777, 1780 et 1786. Il est même assez probable que l’Antiquité a connu ce procédé. On peut donc généraliser la formule du phénomène, et affirmer que la reproduction n’est possible, que si la semence du mâle touche les œufs de la femelle.

La partie essentielle et exclusivement fécondante de la liqueur séminale, ce sont les spermatozoïdes, dont H. Milne Edwards rapporte la première découverte à Ham, l’élève de Leeuwenhoeck (1677). Il y a des spermatozoïdes dans le règne animal tout entier, et ils se ressemblent dans toute la série, vertébrés et invertébrés ; les vers eux-mêmes et les zoophytes en ont, tout aussi bien que les quadrupèdes et l’homme. En 1846, Kœlliker prouvait qu’ils sont issus de vésicules, ou cellules, qui les contiennent. Mais malgré les études les plus scrupuleuses, on ne sait encore rien de la structure intérieure des spermatozoïdes ; on ne connaît que leurs formes et leurs mouvements, qui sont toujours dirigés en avant. Comme c’est en eux que réside la puissance de fécondation, à certaines époques de la vie et même à certaines saisons de l’année, ils manquent dans l’enfance et dans la vieillesse ; ils manquent également chez les hybrides, et notamment chez le mulet. Il faut plusieurs spermatozoïdes sur chaque œuf pour que la fécondation se produise. Il est démontré qu’ils pénètrent jusqu’à la masse vitelline et jusqu’au vitellus, peut-être encore plus loin, sans qu’il soit certain qu’ils entrent dans l’œuf lui-même.

A ces généralités applicables à toutes les espèces, H. Milne Edwards fait succéder la description détaillée de l’appareil reproducteur, qui, aux divers échelons de l’animalité, se perfectionne sans cesse, depuis les hydres, où il est le plus informe, jusqu’à l’homme, où il est aussi complet que possible : ovaires et testicules, avec l’oviducte et le canal déférent. Au plus bas degré, on trouve l’hermaphrodisme, soit simple comme chez les échinodermes, les holothuries synaptes, soit double comme chez les colimaçons. L’appareil femelle est tout aussi diversifié que l’appareil mâle ; il est exclusivement destiné à nourrir l’œuf. Les abeilles et les fourmis, les pucerons du rosier et d’autres insectes offrent les phénomènes les plus étranges ; mais quelques différences qu’on puisse surprendre dans l’espèce de la reproduction, le tout se réduit uniformément à des corpuscules spermatiques d’une part, et, d’autre part, à une matière germinative.

D’ailleurs, H. Milne-Edwards repousse la théorie de l’évolution, qui suppose que le germe a déjà toutes les parties intégrantes de l’animal, et il adopte la théorie de l’épigénèse, qui n’admet le développement ultérieur que grâce aux éléments nutritifs fournis par la mère. Ce sont des couches successives de matière plastique, qui forment peu à peu tous les membres de l’embryon, dont le premier vestige se montre dans le cumulus du globe vitellin.

L’auteur parcourt donc toutes les variétés de l’appareil générateur chez les vertébrés ; il commence par l’amphioxus, qui est le moins perfectionné des poissons et qui est à peine un vertébré. De l’amphioxus, il passe aux lamproies et aux anguilles, aux poissons osseux, aux plagiostomes, aux lophobranches, aux batraciens, aux reptiles, ophidiens et sauriens, aux oiseaux dont l’appareil ressemble à celui des reptiles ; et il en arrive aux mammifères, auxquels il s’arrête longuement, parce que chez eux les organes de la reproduction sont les plus perfectionnés. Appareil mâle, appareil femelle, avec toutes les variétés que l’analyse anatomique y a constatées, et avec les explications qu’exige la fonction spéciale de chacune des parties, l’auteur n’a rien omis. En jugeant les travaux d’Harvey, de de Graaf, de Prévost et Dumas, d’Ernest de Baër, il y ajoute les siens, qui les résument et les complètent. Il applique la même méthode à l’alimentation des nouveau-nés, aux glandes mammaires, qui vont se perfectionnant aussi depuis l’échidné et les cétacés jusqu’aux mammifères supérieurs. Les mamelles, toujours en nombre pair, sont au moins deux ; les ruminants en ont quatre ; de plus petits mammifères en ont de six à quatorze. Le lait, que sécrètent les mamelles, et qui chimiquement ressemble au jaune de l’œuf, est l’aliment parfait, contenant de la caséine, qui est azotée, du sucre, de la matière grasse analogue au beurre. Le lait le plus riche est celui de la brebis. Le lait subit toutes les influences de l’alimentation de la mère, de sa santé et du climat où elle vit.

Après les vertébrés, H. Milne Edwards étudie les invertébrés, les annelés d’abord ; de là, il passe aux insectes, en s’arrêtant aux abeilles, chez lesquelles la reine seule est apte à la reproduction. Les faux bourdons sont les mâles, et les abeilles ouvrières sont neutres. Il y a des espèces d’insectes où la femelle ne s’accouple qu’une fois dans sa vie ; elle emmagasine la liqueur séminale qu’elle reçoit, et elle en arrose successivement les œufs qu’elle pond, pendant des mois et même pendant des années, sans interruption. Aux abeilles et aux guêpes, succèdent les myriapodes, les chilognathes, les arachnides, les crustacés, les lombrics de terre, les hirudinés, puis les mollusques, dont beaucoup sont hermaphrodites, et enfin les zoophytes, échinodermes, oursins, astéries, holothuries, qui ont des sexes séparés avec des organes très ressemblants ; coralliaires qui sont fissipares et gemmipares ; enfin, les infusoires, qui ont aussi des organes sexuels, et les spongiaires, qui n’en ont pas, et qui produisent dans leur tissu sarcodique des embryons ciliés.

L’embryon une fois produit, combien de temps met-il à se développer selon les différentes espèces ? S’attachant surtout à l’œuf des oiseaux, observé depuis Fabrice d’Aquapen-dente, on devrait dire depuis Aristote, jusqu’à Prévost et Dumas et Ernest de Baër, Milne Edwards répond que l’incubation est de douze jours chez les oiseaux-mouches, et de soixante-cinq chez le casoar. Dans les vertébrés quadrupèdes, la gestation est de trois semaines pour la souris, et de deux années pour l’éléphant. Pour l’espèce humaine, la gestation ordinaire est de quarante semaines. Reprenant toutes les recherches antérieures, H. Milne Edwards expose, avec la dernière précision, le développement progressif de l’embryon, dans l’œuf de la poule et dans l’œuf des vertébrés, où ce développement est très différent de ce qu’il est chez les invertébrés et chez les insectes. En ceci, il n’y a rien de cette unité de plan que plusieurs naturalistes ont voulu imposer à la Nature. Pour les vertébrés, c’est le cœur qui est le premier organe à se montrer ; dans le poulet, il bat dès le second jour. Le cordon ombilical dans le fœtus humain est constitué vers la fin du premier mois, pour servir d’intermédiaire entre le fœtus et le placenta, organe tout à la fois de nutrition et de respiration. Les poumons se développent presque en même temps que le foie ; l’appareil circulatoire et l’appareil urinaire, avec les organes génitaux, ne se forment qu’à la suite. Tout le mécanisme intérieur étant constitué, la Nature le revêt de parties qui le protègent au dehors. C’est le système cutané, derme, épiderme, peau, poils, pigments, ongles, plaques osseuses, plumes des oiseaux, téguments des reptiles, écaille des poissons, écussons osseux chez quelques vertébrés. Chez les invertébrés, ce sont les téguments divers des infusoires, des corailliaires, des spongiaires, des échinodermes, des mollusques, des coquilles, des vers, des annelés, des crustacés, etc., etc.

Ici, se termine l’ouvrage de Henri Milne Edwards. Nous ne pousserons pas plus loin la revue des travaux contemporains. Parvenus à la limite extrême de la science actuelle, nous pourrons mieux comparer ce que nous savons à cette heure avec ce que savait Aristote. Par là, nous irons du point de départ au point d’arrivée, embrassant d’un coup d’œil ce qui a été fait, et concevant pour l’avenir des espérances plus justifiées.

Nous l’avons déjà dit ; mais nous croyons devoir le répéter : Aristote est le fondateur de l’embryologie. Si notre siècle est plus savant que lui, essentiellement la différence est fort petite. Le domaine qu’Aristote assignait à l’étude de la génération n’a point changé. Il s’agit toujours pour nous, comme pour lui, de connaître les moyens que la Nature emploie presque indéfiniment pour atteindre le but unique qu’elle poursuit, dans toute l’animalité : à savoir, la perpétuité indéfectible de l’espèce, par la reproduction des individus. Les faits brillamment accumulés depuis trois siècles, de Vésale à H. Milne Edwards, sont excessivement nombreux, et ils tendent à se multiplier encore ; mais ils rentrent tous, sans aucune exception, dans le cadre fixé depuis plus de deux mille ans. L’observation découvre sans cesse des faits nouveaux, qui s’ajoutent aux précédents et accroissent le trésor commun. Mais les faits observés déjà par Aristote, quoique moins abondants, sont exacts, et ils sont acquis définitivement à la curiosité de la raison humaine. Nous avons enrichi le patrimoine reçu de nos prédécesseurs ; nous n’en avons pas modifié la nature. Si nous voulons même être impartiaux et reconnaissants, nous devons avouer que la quantité des faits constatés par le naturaliste grec est prodigieuse, et notre étonnement doit au moins égaler notre gratitude.

Un second aveu, qui ne doit pas nous coûter plus que celui-là, c’est que la méthode d’observation est, comme on peut le voir, pratiquée par Aristote tout aussi régulièrement qu’elle peut l’être par nous, bien qu’elle ne puisse pas avoir entre ses mains la même efficacité et la même étendue. Mais, si quelques erreurs nous choquent en lui, nous devons toujours nous dire qu’une première étude est nécessairement exposée à laisser de côté bien des phénomènes, quelque pénétrante qu’elle soit. On ne peut pas parcourir toute la carrière d’un seul pas, même lorsqu’en l’ouvrant, on ne s’est pas trompé, et qu’on a tracé aux autres une voie parfaitement sûre. Ne soyons point surpris qu’Aristote n’ait pas tout su, même en usant, aussi bien que qui que ce soit des vrais procédés de la science. Nous-mêmes pourrions-nous nous flatter de savoir tout, et de n’avoir plus rien à apprendre ? Qui aurait cet excès d’orgueil ? En enregistrant les progrès qui chaque jour se réalisent sous nos yeux, pouvons-nous supposer un instant que ces progrès doivent s’arrêter à nous ? Pourquoi les siècles à venir seraient-ils plus déshérités que le nôtre et que le passé ? Tout récemment, les explorations de la profondeur des mers ne nous ont-elles pas démontré une fois de plus que la Nature est inépuisable ? Ne pensons-nous plus avec Pascal que « notre imagination se lassera plutôt de concevoir que la Nature de fournir » ? Soyons donc indulgents pour nos ancêtres, afin que nos successeurs le soient pour nous ; respectons-les pour être respectés à notre tour.

Nous avons cité, un peu plus haut, une bien forte parole de J.-B. Dumas, affirmant qu’« Aristote est peut-être le seul naturaliste qui se soit fait une notion judicieuse du phénomène de la génération ». C’était en 1824. que Dumas parlait ainsi, quelques années avant la lettre fameuse d’Ernest de Baër. Dumas n’a pas expliqué sa pensée davantage ; mais comme nous la partageons, dans une certaine mesure, nous essaierons de la développer, afin d’en faire sentir toute la justesse. Quelle est aujourd’hui la théorie de la génération, unanimement reçue ? Réduite à son élément essentiel, cette théorie admet que les spermatozoïdes, en touchant l’œuf extérieurement, le fécondent, et que, quand le contact n’a pas lieu, l’œuf, fourni spontanément par l’ovaire, reste stérile. C’est donc la liqueur séminale, formée dans le mâle, qui produit et transmet la vie ; la femelle ne saurait la donner à elle seule, pas plus que le mâle ne le pourrait, s’il demeurait dans l’isolement. On peut ajouter, avec H. Milne Edwards, que le mode de fécondation chez les poissons est un exemple décisif.

Que dit Aristote ? Lui aussi, il dit en propres termes que le mâle n’apporte rien de matériel dans la génération, et qu’il apporte uniquement la vie caractérisée par la sensibilité ; il dit que la femelle fournit, pour sa part, la matière, qui, sans l’acte fécondant, resterait inerte et informe.

En présence de cette presqu’identité de théorie, nous ne pouvons nous empêcher de déclarer qu’Aristote, par une intuition de génie, a été dans le vrai presque aussi bien que nous pouvons y être. Sans aucun aveuglement d’enthousiasme pour le naturaliste antique, reconnaissons qu’il avait deviné ce que nous savons à cette heure pertinemment. Il lui manquait les intermédiaires que nous possédons, et notamment il ignorait l’existence des spermatozoïdes, et leur trajet depuis le testicule, qui les produit, jusqu’à l’utérus et jusqu’aux trompes, où ils rencontrent l’ovule. Mais, tout en étant privé de ces ressources, Aristote ne se trompe pas, et comme l’affirme J.-B. Dumas, sa notion de la nature de l’acte générateur est parfaitement judicieuse.

Il semble qu’il suffit d’une pareille vue, fûtelle seule, pour recommander à jamais Aristote à l’estime et à la sérieuse étude des physiologistes les plus instruits et les plus exigeants. Mais, à cette vue, on pourrait en joindre plusieurs autres, qui, sans être aussi profondes, ne sont pas moins originales et pratiques. Ne parlons pas de sa méthode, qui est la vraie, et qui, par delà l’embryologie, s’étend à toutes les sciences ; n’en parlons pas, bien que ce soit là un titre de gloire impérissable. Ne parlons pas non plus de ses Recueils d’anatomie, ni de ses Dessins anatomiques, ingénieux procédé trouvé par lui. Mais, nous ne pouvons pas oublier ses observations sur le développement du poussin dans l’œuf. Harvey, Malpighi, J.-B. Dumas se sont illustrés en reprenant ces observations, qui sont d’une immense utilité, et qui seront reprises encore bien souvent par les physiologistes de l’avenir. Pourquoi n’en louerait-on pas Aristote, comme on en loue ses successeurs, bien qu’il soit allé moins loin qu’eux ? Plus haut, nous avons dit que nous ne voulions pas tenir plus de compte qu’il ne convient de cette invention sagace, qui ressortait si aisément de la nature des choses ; mais il ne serait pas juste de l’omettre entièrement, et de ne pas la faire figurer parmi les mérites scientifiques du philosophe naturaliste.

Mais voici une autre vue d’Aristote, analogue à celle qui lui a révélé une partie de la vérité sur le mystère de la génération : c’est sa théorie de la liqueur séminale. De son temps, la question était déjà fort débattue, et il était généralement admis que le sperme vient de toutes les parties du corps. Cette théorie s’appuyait sur des arguments nombreux qui paraissaient décisifs. Aristote contredit cette opinion commune ; et, dans une réfutation aussi vigoureuse que régulière, il soutient, comme on l’a vu, que le sperme ne peut venir du corps entier. Les analyses physiologiques ne sont pas encore poussées assez loin pour qu’il rapporte au testicule seul l’élaboration du sperme. Encore moins sait-il que la partie vraiment fécondante du sperme tient exclusivement aux spermatozoïdes. Mais s’il n’a pas pu pénétrer jusqu’à ces explications essentielles, et jusqu’à ces détails, il a compris que c’était une erreur d’attribuer au corps entier une fonction qui ne lui appartient pas. A cet égard, Aristote est d’autant plus louable que l’erreur réfutée par lui a subsisté jusqu’à nos jours, et que Buffon lui-même l’a commise encore. Aujourd’hui, la physiologie n’a plus le moindre doute ; et, comme les spermatozoïdes sont la partie essentielle de la liqueur séminale et qu’ils ne sont produits que dans l’organe spécial, il est démontré, par cela même, que le sperme ne vient pas de tout le corps, bien que, comme les autres sécrétions, il vienne primitivement du sang, fluide nourricier de l’organisme entier.

Voilà, ce semble, des titres bien solides pour que la science actuelle reçoive Aristote au nombre des observateurs les plus attentifs et les plus perspicaces, qui aient fait honneur à l’esprit humain, dans l’étude de l’histoire naturelle. Nous le disons hautement : Il y a toujours profit à le consulter, si ce n’est à le suivre. Nous convenons sans peine qu’à l’heure où nous sommes, le premier venu de nos jeunes étudiants en sait plus que lui, et que le moindre de nos manuels est beaucoup plus complet que l’Histoire des Animaux ou le Traité de la Génération. Pourtant, qui oserait comparer à ces monuments inappréciables les ouvrages, d’ailleurs fort utiles, où vient se condenser l’état présent de notre science ? « Tout « cela, comme le dit très bien le Marquis de « l’Hôpital, comparant les travaux mathématiques des Anciens et des Modernes, tout cela est une suite de l’égalité naturelle des esprits et de la succession nécessaire des découvertes ». (Analyse des infiniments petits, 1696, pp. 3 et 4.)

Une autre leçon que nous offre l’exemple d’Aristote et que nous ferions bien d’écouter, c’est son admiration sans bornes pour la Nature. Il ne cesse d’en louer la sagesse et la prévoyance ; il n’hésite pas à l’appeler « divine » ; et sans y voir aussi nettement que nous pouvons le faire aujourd’hui, avec mille fois plus de motifs, la main et l’empreinte de Dieu, il en sent, aussi vivement que les plus spiritualistes d’entre nous, la puissance et la bonté infinies. Il proclame à tout instant que la Nature ne fait rien en vain, que sa prudence infaillible se propose toujours un but intelligible a l’esprit de l’homme ; et il se porte pour fidèle interprète, en croyant imperturbablement aux causes finales. Aujourd’hui, la théorie des causes finales est fort décriée dans une partie du monde savant ; il est vrai qu’on en a souvent abusé, et qu’on a provoqué, par cet excès, une réaction, qui, au fond, est encore moins raisonnable. Sans doute, on doit se garder de la superstition ; mais ne voir dans la Nature que des lois sans législateur, des phénomènes sans cause et sans but, c’est descendre plus bas que la superstition elle-même. Sous prétexte de science scrupuleuse et positive, c’est abdiquer les plus nobles et les plus nécessaires facultés de l’esprit humain. Qu’on soit très sobre de recourir à l’intervention divine dans l’explication des faits que l’on constate, rien de mieux. Mais méconnaître l’action de l’intelligence dans l’ensemble de l’univers, c’est reculer au delà d’Anaxagore ; c’est remonter à quelques milliers d’années en arrière. On se flatte d’être en progrès ; mais, au vrai, on succombe simplement à une défaillance, ou l’on cède à des passions antireligieuses, non moins aveugles que les préjugés les plus vulgaires. Ailleurs, nous avons déjà réfuté ce fanatisme d’un nouveau genre, qui ne vaut pas mieux que l’autre ; mais, pour y répondre victorieusement, nous nous bornerons à rappeler une page de Voltaire, une des plus sensées et des plus fortes sans contredit qu’il ait jamais écrites.

« Si une horloge prouve un horloger, si un palais annonce un architecte, comment en effet l’univers ne démontre-t-il pas une intelligence suprême ? Quelle plante, quel animal, quel élément, quel astre ne porte pas l’empreinte de celui que Platon appelle l’éternel géomètre ? Il me semble que le corps du moindre animal démontre une profondeur et une unité de dessein, qui doivent à la fois nous ravir en admiration et atterrer notre esprit. Non seulement ce chétif insecte est une machine dont tous les ressorts sont faits exactement l’un pour l’autre ; non seulement il est né, mais il vit, par un art que nous ne pouvons ni imiter ni comprendre ; mais sa vie a un rapport immédiat avec la Nature entière, avec tous les éléments, avec tous les astres dont la lumière se fait sentir à lui. Le soleil le réchauffe, et les rayons qui partent de Sirius, à quatre cent millions de lieues au delà du soleil, pénètrent dans ses petits yeux, selon toutes les règles de l’optique. S’il n’y a pas là immensité et unité de dessein, qui démontrent un fabricateur intelligent, immense, unique, incompréhensible, qu’on nous démontre donc le contraire. Mais, c’est ce qu’on n’a jamais fait. Platon, Newton, Locke ont été frappés également de cette grande vérité. Ils étaient théistes, dans le sens le plus rigoureux et le plus respectable.

« Des objections ! On nous en fait sans nombre. Des ridicules ! On croit nous en donner en nous appelant cause-finales ; mais des preuves contre l’existence d’une intelligence suprême, on n’en a jamais apporté aucune. » (Les Cabales, édition Beuchot, tome XIV, p. 262.)

Voltaire écrivait ceci sur la fin de sa carrière, en 1772, six ans avant sa mort, afin de tempérer l’outrecuidance des athées de son temps, comme il essaierait encore de tempérer nos athées contemporains. Le bon sens a-t-il jamais tenu un langage plus naturel, plus lumineux et plus irrésistible ? A côté des grands esprits qui viennent d’être cités, à côté de Spinoza, de Virgile, de Clarke surtout, que Voltaire invoque après eux, il aurait dû ajouter Aristote, qui, le premier de tous, a pensé et parlé comme lui. C’est une omission contre laquelle réclame toute l’histoire naturelle d’Aristote, que Voltaire admirait beaucoup, mais qu’il ne connaissait pas assez. Aristote et Voltaire, d’accord entre eux et avec la foi spontanée du genre humain, quels témoignages pourrait-on demander encore ? S’il est une vérité démontrée dans ces hautes questions, c’est bien celle-là. Tenons-nous-y avec une inébranlable constance, soit que nous la confirmions par notre propre examen, soit que nous l’admettions sur l’affirmation du génie, antique et moderne, scientifique et littéraire.

En parcourant l’histoire de l’embryologie dans ses traits principaux, nous venons d’assister a un beau spectacle, d’où nous pouvons tirer plus d’un enseignement. Nous avons vu comment la science est née, et ce qu’elle est devenue par le concours de puissants esprits, se succédant à travers les âges, pour avancer toujours dans la même voie, et s’y diriger par la même règle. La méthode d’observation est tout aussi entière dans Aristote que dans Buffon, dans Cuvier, dans Dumas ; elle y est par une nécessité semblable, et elle y produit un résultat analogue. L’esprit humain ne peut pas plus se soustraire à cette loi dans l’Antiquité qu’il ne s’y soustrait de nos jours, parce qu’elle est dans la nature intime des choses, inéluctable, à toutes les époques et dans tous les lieux. Redisons-le encore une fois : la réalité ne change pas ; elle est là sous nos yeux comme elle était sous les yeux de nos devanciers ; elle restera pour nos successeurs ce qu’elle est pour nous. D’une autre part, quoi qu’en ait dit Bacon, il n’y a pas pour l’esprit de Novum Organum. De tout temps, l’homme a eu les facultés dont Dieu l’a doué, pour qu’il pût le comprendre, et l’adorer dans la contemplation de ses œuvres ; il n’aura jamais de facultés nouvelles. Il n’y a pas à refaire, ni à compléter son intelligence ; il n’y a qu’à l’employer de mieux en mieux. La main de l’ouvrier n’a pas une organisation autre, parce qu’elle devient plus habile, ou parce qu’elle s’applique à des usages nouveaux.

Quelle est donc la différence entre le passé et le présent ? En quoi se distinguent-ils l’un de l’autre ? La différence consiste en un seul point : à des faits antérieurement connus et constatés, on a joint des faits observés plus exactement, ou des faits qui n’avaient pas été remarqués jusque-là. La science s’est ainsi édifiée peu à peu, parce qu’elle n’est qu’une accumulation et qu’elle ne peut pas être autre chose. Prise dans son ensemble, elle est l’étude perpétuelle de l’univers. Mais les deux termes qui la constituent sont immuables. L’esprit humain, qui cherche à comprendre l’ordre universel des choses, par cette passion de connaître qu’Aristote signale au début de sa Métaphysique, ne se transforme pas plus que la réalité extérieure. Seulement, il sait davantage, parce qu’il apporte à ses actes intelligents plus d’attention et plus de persévérance. De nouveaux observateurs accroissent l’héritage de siècles en siècles ; et la science, dans sa totalité, comme chacune des sciences partielles dans sa spécialité, se compose de cet amoncellement de phénomènes et d’observations de tous genres.

La théorie de la constitution et des progrès de la science, ainsi comprise, est plus exacte que celle qui met entre le passé et le présent une sorte d’hiatus, et qui n’hésite pas à scinder l’histoire de l’esprit humain en plusieurs périodes, qui n’ont plus rien de commun. A notre avis, cette division des esprits et des temps est une grave erreur ; c’est méconnaître tout à la fois ce qui a été et ce qui est. L’embryologie nous offre un frappant exemple de la solidarité étroite qui unit les époques entre elles, quelque éloignées qu’elles soient. D’Aristote à H. Milne Edwards, il y a parfaite identité de sujet, et parfaite identité de méthode. Certainement notre siècle est plus riche que ne l’était le IVe siècle avant notre ère ; mais il n’est qu’un héritier. Ainsi que nous l’avons dit ailleurs, c’est à la Grèce que nous remontons directement ; nous étudions le monde, comme les Anciens nous ont appris à l’étudier. Pour savoir d’où nous venons, nous n’avons pas besoin d’étendre nos regards plus loin que l’Antiquité grecque, de qui nous sommes les fils. Nous laissons l’esprit asiatique dans les limbes où il est toujours resté, et d’où sans doute il ne sortira jamais. Soyons fiers, si nous le voulons, de nos lumières et de nos conquêtes ; mais aussi, sachons être modestes, non pas seulement pour nous faire une part équitable, mais encore pour nous rendre exactement compte de ce qu’est la science. Sachons dans quelles limites infranchissables elle se meut, bien que son domaine s’étende chaque jour, et qu’elle se flatte quelquefois de n’avoir pas de bornes.

Elle en a cependant ; et avec un peu de réflexion, il est facile de les apercevoir. Pascal, dans un langage dont la grandeur et la simplicité ne seront jamais dépassées, a montré la vraie place de l’homme entre les deux infinis, dont il est en quelque sorte le point de rencontre, parce qu’il est capable de les comprendre tous les deux, du moins en partie. Laissons à l’astronomie les espaces insondables des cieux et l’infini qui se perd dans ces abîmes ; mais l’infini de petitesse, que nous croyons pouvoir embrasser mieux, ne nous échappe pas moins. Sous nos instruments ingénieux, les êtres microscopiques se multiplient pour nous, comme les soleils se multiplient dans le firmament ; il n’y a pas plus de fin d’un côté que de l’autre ; les découvertes qui nous attendent dans le monde des atomes ne sont pas moins étonnantes que celles qui s’adressent aux grands corps dont le ciel est peuplé. L’ovule tant cherché par l’embryologie, et trouvé enfin par Ernest de Baër, n’est pas le dernier terme peut-être ; et des procédés encore plus perfectionnés nous révéleront des merveilles, que nous ne soupçonnons pas. Mais il y a plus. La diversité des moyens employés par la Nature pour la reproduction des êtres n’est pas moins infinie que la dimension des choses ; ses combinaisons sont innombrables, comme les individus et les espèces. Aristote en a connu quelques-unes ; nous en connaissons bien davantage. Mais sommes-nous au bout ? Et la fécondité de la Nature ne dépassera-t-elle pas toujours immensément, en ceci comme en tout, la fécondité de notre imagination ?

De quelque côté que se tourne la science humaine, elle se trouve donc inévitablement en face de l’infini, qu’elle ne peut épuiser en aucun sens. En se comparant à elle-même, pour voir de quel germe elle sort et quels développements ses labeurs ont obtenus, elle peut ressentir un légitime orgueil ; mais comparée à l’infini, qui demeure éternellement incommensurable, notre science peut sembler un néant, parce que, devant l’infini, toute quantité s’efface et se réduit à zéro. Cependant, grâce à Dieu, nous pouvons nous dire que nous n’en sommes pas réduits tout à fait à cette nullité, et que, si notre savoir est borné, il est néanmoins bien réel ; les vérités acquises par nous ne nous fuient plus, quelle que soit notre infirmité. Selon la grande maxime d’Aristote, une vérité démontrée est une vérité éternelle. Il nous est donné d’empiéter pas à pas sur le domaine de l’infini, quoique jamais nous ne puissions le parcourir en son entier. C’en est assez pour la gloire de l’homme ; et il n’a qu’à remercier son créateur de lui avoir permis, pour quelques instants passagers, la vue, même incomplète, de ce spectacle éblouissant et sublime. Tous les grands esprits ont éprouvé ce sentiment et l’ont exprimé, chacun à leur manière, depuis Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote jusqu’à Descartes, Newton, Leibniz, Buffon, Cuvier, Agassiz, et tant d’autres avec eux. Nous aussi, après de tels guides, laissons-nous aller à la reconnaissance et à l’admiration, avec d’autant plus de raison que nous les voyons chaque jour de plus en plus justifiées. Les conquêtes successives de notre science ne font que confirmer l’enthousiasme instinctif des premiers temps ; et la Mécanique Céleste d’un Laplace n’est après tout que l’écho agrandi du Caeli enarrant d’un David.

Ce qui désespère quelquefois l’esprit humain, et l’humilie, c’est de sentir, au delà de ce qu’il sait, des mystères qui sont impénétrables à ses plus généreux efforts. L’embryologie renferme plus d’un de ces secrets qui nous resteront à jamais fermés. L’action essentielle des spermatozoïdes sur l’ovule, ou l’action de la liqueur séminale telle qu’Aristote l’a comprise, ne s’explique que jusqu’à un certain point, passé lequel il n’y a plus que ténèbres invincibles. Après bien des essais infructueux, nous tenons et nous suivons enfin le cours du phénomène depuis son origine dans les organes destinés à l’accomplir. Mais, parvenus à l’ovule, nous ne pouvons pas aller plus avant ; tout ce que nous voyons, c’est que la vie se transmet des parents au fruit que leur union doit procréer. Mais, que d’un simple contact matériel, il puisse sortir une intelligence avec toutes ses facultés, une âme avec tous ses dons de moralité et de vertu, une volonté avec toutes ses énergies et ses héroïsmes, une personne en un mot, c’est là ce qui dépasse tellement notre compréhension qu’il nous faut recourir à l’intervention d’une puissance supérieure, qui a décrété qu’il en soit ainsi. Notre raison ne peut que se confondre dans son incurable impuissance. Et pourtant, c’est l’honneur suprême de l’esprit humain d’agiter ces questions insolubles, et de recommencer perpétuellement des efforts perpétuellement déçus. Aristote n’a pas ignoré plus que nous ce tourment de la pensée, et il s’est demandé, lui aussi, à quel moment l’Ame arrive dans le fœtus, et d’où vient l’entendement, dont l’homme a le privilège exclusif. Le destin n’a pas permis au philosophe d’approfondir autant qu’il l’eût voulu ces graves études ; il s’est arrêté dans une route qui est la plus digne du génie de l’homme, et où le sien se serait signalé autant que dans bien d’autres routes non moins ardues. Ce n’est plus là, il est vrai, le terrain de l’histoire naturelle ; c’est le terrain de la métaphysique, que la science vulgaire redoute, parce qu’elle ne la comprend pas, et qu’elle ne sait pas s’en servir. Mais, croire que l’esprit humain se désintéressera quelque jour de ces hautes questions, que soulève l’organisation de l’animal le plus infime, aussi bien que le système de l’univers, c’est se leurrer d’un espoir chimérique. Sous prétexte de rigueur scientifique, on abdique la science même ; se borner à une simple collection de faits, dont on ne rechercherait ni l’explication ni la cause, ce n’est pas un signe de force et de sagesse ; c’est un aveu détourné d’indifférence ou de faiblesse. Napoléon avait, selon le rapport des contemporains, coutume de dire, que « le pourquoi et le comment sont des questions si utiles qu’on ne saurait trop se les faire ». En cela, le grand empereur était d’accord avec le genre humain ; et s’il ne fait pas autorité en zoologie, dans une question de sens commun et de pratique, on peut en croire son témoignage plus encore que celui d’aucun savant.

Nous nous garderons bien de blâmer Aristote d’avoir cherché de son mieux le pourquoi et le comment des choses. Dans bien des cas, il a réussi à les découvrir ; assez souvent, il y a échoué, nous en convenons. Mais ces faux pas étaient inévitables dans une carrière toute neuve. La méthode d’observation, qu’il a si bien exposée le premier, aurait dû le préserver lui-même de quelques chutes. Mais, on ne peut pas être bien sévère, quand on voit que, de nos jours encore, l’esprit de système égare tant d’esprits. Si l’on se rappelle de mémorables naufrages, les tourbillons de Descartes, les monades de Leibniz, les molécules vivantes de Buffon, la cellule de Darwin, il n’y a pas à s’étonner que l’Antiquité grecque ait glissé sur la même pente. L’esprit humain sent un tel besoin d’explications qu’il n’hésite jamais à adopter celles qui lui semblent les plus plausibles. Cette passion est aujourd’hui aussi vivace que jamais ; elle semble même s’accroître à mesure que notre connaissance des choses s’étend et s’affermit. Pardonnons à Aristote d’y avoir obéi comme nous y obéissons ; et disons-nous que, s’il eût été moins curieux, il en aurait beaucoup moins su, et nous en aurait beaucoup moins appris. Il est peut-être encore un des philosophes qui ont risqué le moins d’hypothèses ; il s’en est défendu autant qu’il l’a pu, et c’est là certainement une des causes qui en ont fait, pendant plusieurs siècles, et à l’aurore des temps modernes, l’instituteur vénéré et souverainement utile de l’esprit humain. Son histoire naturelle tout entière, Histoire des Animaux, Traité des Parties, Traité de la Génération, doit attester combien il était digne d’exercer cet empire bienfaisant, et combien le Moyen-âge a été heureux de pouvoir se mettre à son école. Le despotisme insupportable n’est venu que plus tard ; et quand la Renaissance a si justement secoué le joug, l’indépendance n’a été reconquise qu’en revenant à la méthode qu’Aristote avait établie, et que des sectateurs aveugles ou intolérants avaient défigurée. L’observation des faits, exacte et patiente, a ressuscité la science après une longue léthargie, de même qu’elle lui avait donné naissance vingt siècles auparavant, et que, dès lors, elle eût fondé quelques-uns de ses plus solides monuments.

En terminant cette esquisse de l’embryologie, considérée dans son histoire, son berceau et sa pleine virilité, insistons encore une dernière fois sur le sentiment qui domine et inspire toute la zoologie Aristotélique, l’admiration de la Nature. On dirait qu’aujourd’hui l’habitude a émoussé les âmes, et que, devant les tableaux étalés à nos regards, nous ne sentons plus, comme dit le poète, « ni charme ni transports ». Aristote, tout austère qu’il est, n’a rien de cette indifférence et de cette insensibilité pour ce spectacle prodigieux. Nous vivons et nous sommes plongés dans un milieu rempli de merveilles ; et il faut que l’esprit de l’homme soit bien inattentif et bien mobile pour aller demander à un surnaturel imaginaire plus et mieux que ce qu’il a sous les yeux. Rien n’est plus étonnant que la Nature, telle qu’elle se montre à nous. Ainsi que l’a dit un des naturalistes les plus grands du XIXe siècle, membre de notre Institut, dont il était l’associé étranger, Agassiz : l’univers représente la pensée du Créateur ; et le monde animé la reflète plus manifestement encore que tout le reste. C’est un livre que nous n’avons pas fait, mais que nous pouvons déchiffrer. Aristote n’a pas travaillé à d’autre intention ; et se fiant à la sagesse de la Nature, il a essayé, le premier dans l’humanité, d’épeler scientifiquement le livre de l’œuvre divine ; il en a tourné quelques feuillets, nous enseignant à en tourner d’autres aussi bien que lui, et, si nous le pouvons, mieux que lui.

Paris, décembre 1886.


DISSERTATION SUR L’AUTHENTICITÉ ET LA COMPOSITION DU TRAITÉ DE LA GÉNÉRATION

Le traité de la Génération des Animaux n’est pas moins authentique que les deux autres grands ouvrages zoologiques d’Aristote, l’Histoire des Animaux et le Traité des Parties des Animaux. Réunis, ces trois ouvrages forment la totalité de l’histoire naturelle des êtres animés, telle que l’a comprise et fondée le philosophe. Pour compléter l’étude de la Nature, il avait étudié aussi les plantes et les minéraux ; mais ces œuvres spéciales ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Le Traité de la Génération est, par son sujet même, lié à l’Histoire des Animaux et au Traité des Parties, de la manière la plus étroite ; et si Aristote ne l’avait pas écrit, sa zoologie présenterait une lacune peu concevable. Apres avoir considéré les êtres animés dans leur existence, avec toutes les formes qu’elle revêt, négliger de rechercher comment ils se reproduisent, en perpétuant leur race, c’eût été un oubli grave. Le philosophe n’a pas commis cet oubli ; et il suffit qu’une théorie de la génération soit indispensable dans l’ensemble de ses vues sur la Nature pour présumer, sans crainte d’erreur, qu’il a dû s’occuper de cette question essentielle. Lui-même ne manque pas de nous l’apprendre à plusieurs reprises, soit en terminant le Traité des Parties (Livre IV, ch. XIV, § 4, p. 269 de ma traduction), soit en commençant le Traité de la Génération (Livre I, ch. I, § 4, p. 3), et l’Histoire des Animaux), (Livre I, ch. IV, § 8, p. 27 de ma traduction), quand il réserve, pour le traité particulier de la Génération, certaines théories qu’il se propose d’approfondir, et qu’il ne veut pas toucher prématurément.

Les citations abondent dans l’original. Ici comme ailleurs, elles sont nécessairement de deux sortes : ou le Traité de la Génération des animaux est cité dans d’autres ouvrages Aristotéliques, ou il cite ces ouvrages. Nous énumérerons d’abord le premier genre de citations ; nous viendrons ensuite au second, qui, à lui seul, ne serait pas démonstratif, mais qui ajoute une force nouvelle aux autres témoignages.

Dans l’Histoire des Animaux, on ne trouve que la citation que nous venons de faire, et peut-être en outre quelques allusions plus ou moins directes.

Au contraire, le Traité des Parties a des citations très nombreuses. On peut en compter jusqu’à huit dans le second, le troisième et le quatrième livres. Pour le premier livre, on se rappelle qu’il est consacré exclusivement à l’exposé de la méthode en histoire naturelle ; et dans une discussion de cet ordre, une citation quelconque pouvait difficilement trouver place.

Voici les huit citations.

Traité des Parties des Animaux :

1° Livre II, ch. III, § 13, p. 106 de ma traduction. Aristote se demande comment le sang nourrit tous les organes du corps, et, d’une façon plus générale, ce que c’est que la nutrition. Il ne répond pas immédiatement à ces questions ; et « il pense qu’elles seront étudiées plus convenablement dans le traité de la Génération des Animaux, et ailleurs. » Le mot Ailleurs indique sans doute le Traité de la Nutrition, auquel Aristote s’est référé souvent, mais qui ne nous a pas été conservé. Ce mot indique peut-être aussi le Traité de l’Ame.

2° Livre II, ch. VII, § 16, p. 133 de ma traduction. Aristote renvoie au Traité de la Génération l’étude spéciale de la liqueur séminale et du lait, attendu que le premier de ces liquides forme l’animal, et que le second le nourrit après sa naissance. Ces deux études se trouvent dans le Traité de la Génération, livre I, ch. XII et XIII, p. 69 et suiv., et livre IV, ch. VIII, p. 325.

3° Livre III, ch. V, p. 52 de ma traduction. Le texte renvoie les observations sur la manière dont les animaux se nourrissent et sur les fonctions du sang, aux recherches ultérieures concernant la génération. Cette citation est analogue à la précédente.

4° Livre III, ch. XIV, § 3, p. 101 de ma traduction. Après avoir expliqué quelles sont les fonctions de l’estomac, et du canal intestinal, depuis l’ingestion des aliments jusqu’à l’expulsion des résidus inutiles, Aristote remet l’étude de ces matières au Traité de la Génération et au Traité de la Nutrition.

5° Livre IV, ch. IV, § 3, p. 133 de ma traduction. Référence à peu près identique pour les deux traités, où se trouvera plus tard l’exposé des questions laissées de côté.

6° Livre IV, ch. X, § 32, p. 212 de ma traduction. Aristote renvoie l’explication de la nature de la liqueur séminale et des phénomènes de la grossesse, au Traité de la Génération, en même temps qu’à l’Histoire des Animaux et aux Descriptions d’anatomie. Voir le Traité de la Génération, livre II, ch. V, p. 44.

7° Livre IV, ch. XII, § 23, p. 250 de ma traduction. L’auteur se réserve d’expliquer pourquoi les oiseaux ont des testicules à l’intérieur, quand il parlera de la Génération des Animaux. Voir le Traité de la Génération, livre I, ch. III, p. 13, et ch. V, p. 44.

8° Livre IV, ch. XIV, § 4, p. 269 de ma traduction. Aristote annonce, en terminant le Traité des Parties, qu’après avoir étudié tous les organes des animaux, il ne lui reste plus qu’à étudier leur génération, ainsi que nous venons de le dire un peu plus haut.

Telles sont les citations du Traité de la Génération qu’offre le traité des Parties des Animaux. On conçoit sans peine qu’elles y soient plus multipliées que partout ailleurs, à cause de la connexité même des deux sujets et des deux ouvrages.

Opuscules Psychologiques, Traité de la Sensation, et des choses sensibles, ch. IV, § 11. Aristote, recherchant quelles sont les conditions que l’aliment doit présenter pour être vraiment nutritif, ajoute : « Nous discuterons ce sujet d’une manière complète dans le Traité de la Génération ; pour le moment, nous ne ferons que l’effleurer en tant qu’il nous sera nécessaire » (p. 54 de ma traduction). Il n’y a rien dans le Traité de la Génération des Animaux qui se rapporte directement à ceci ; l’auteur aura sans doute oublié de tenir la promesse qu’il se faisait à lui-même.

Opuscules psychologiques, Traité du Mouvement dans les animaux, ch. II, § 9, p. 278 de ma traduction. Aristote, en résumant diverses questions qu’il a discutées, sur les organes des animaux, sur l’âme, sur la sensibilité, sur la mémoire, et sur le sommeil, ajoute qu’il ne lui reste plus qu’à étudier la génération.

Le Traité de l’Ame, si profond à tant d’égards, ne fait pas une citation expresse du Traité de la Génération ; mais il est bien probable qu’il y fait allusion quand il parle des ouvrages consacrés à l’étude de la nutrition. (Livre II, ch. IV, § 16, p. 197 de ma traduction.) Très souvent, Aristote accouple ses deux ouvrages sur la nutrition et la génération ; et l’on peut croire qu’il le fait aussi dans ce passage.

En résumé, le Traité de la Génération des Animaux est cité expressément dix fois au moins dans les divers ouvrages d’Aristote, sans compter quelques allusions plus ou moins claires.

Les citations du second genre, c’est-à-dire celles que le traité lui-même fait des autres ouvrages d’Aristote, sont beaucoup plus nombreuses. Les voici, pour chacun de ces ouvrages, dans l’ordre où elles se présentent.

L’Histoire dès Animaux est citée onze fois par le Traité de la Génération :

 

1° Livre I, ch. III, § 2, p. 15 de ma traduction, sur la position des testicules et de la verge chez les quadrupèdes et les animaux supérieurs. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 12, p. 203 de ma traduction.)

2° Livre I, ch. IV, § 3, p. 19 de ma traduction. Théorie sur la fonction propre des testicules indépendamment des canaux spermatiques. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 12, p. 203 de ma traduction.)

3° Livre I, ch. VII, § 8, p. 33 de ma traduction, sur la disposition de la matrice chez les sélaciens, et, d’une manière plus générale, chez les ovipares. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 21, p. 210 de ma traduction.)

4° Livre I, ch. XIV, § 10, p. 102 de ma traduction, sur la fonction des menstrues dans les vivipares. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XIV, § 10, p. 297 de ma traduction.)

5° Livre II, ch. VI, § 6, p. 63 de ma traduction, sur les fonctions du cœur, principe du sang destiné à nourrir l’animal. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XIV, §§ 1 et suiv., p. 292 de ma traduction.)

6° Livre II, ch. IX, § 4, p. 107 de ma traduction, sur l’organisation du cordon ombilical chez plusieurs espèces d’animaux, plus ou moins gros. (Conf. Histoire des Animaux, livre VII, ch. VII, § 2, p. 439 de ma traduction.)

7° Livre III, ch. I, § 17, p. 138 de ma traduction, sur certains poissons de rivière, qu’on suppose pouvoir produire des œufs féconds sans l’intermédiaire du mâle. (Conf. Histoire des Animaux Livre V, ch. I, § 6, p. 121 de ma traduction.)

8° Livre III, ch. II, § 17, p. 157 de ma traduction, sur les rapports du blanc et du jaune dans l’œuf, sur ses membranes, et le cordon ombilical. (Conf. Histoire des Animaux, livre VI, ch. II, § 11, p. 264 de ma traduction.)

9° Livre III, ch. VII, § 4, p. 190 de ma traduction, sur l’organisation des petites seiches, au moment où elles naissent. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XVI, § 4, p. 200 de ma traduction.)

10° Livre III, ch. IX, § 20, p. 211 de ma traduction, sur les différentes espèces de guêpes et de frelons, comparées entre elles, ou comparées aux abeilles, (Conf. Histoire des Animaux, livre V, ch. 20, § 1, p. 229 de ma traduction.)

11° Livre III, ch. X, § 25, p. 230 de ma traduction, sur les œufs prétendus et sur l’habitat des testacés. (Conf. Histoire des Animaux, livre VIII, ch. XVI, § 2, p. 71 de ma traduction.)

Traité des Parties des Animaux :

1° Cité une première fois, livre I, ch. IX, § 4, p. 44, sur l’accouplement des mollusques. (Conf. le traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. IX, § 5, p. 185 de ma traduction, et Histoire des Animaux, livre V, ch. V, § 1, p. 136 de ma traduction.)

2° Livre V, ch. III, § 5, p. 372 de ma traduction, le traité des Parties cité une seconde fois sur le but que la Nature s’est proposé en donnant des poils aux animaux, et sur la calvitie chez l’homme. Nous nous expliquerons plus loin sur ce cinquième livre et sur les doutes qu’il soulève. (Conf. le Traité des Parties des Animaux, livre II, ch. XIV, §§ 2 et 5, pp. 173 et 176 de ma traduction.)

Traité de l’Ame :

Livre V, ch. I, § 15, p. 353 de ma traduction, sur la nature de l’œil et sur la cause des changements de sa coloration. (Conf. le Traité de l’Ame, livre II, ch. 7, pp. 208 et suiv. de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, § 3, p. 400 de ma traduction, sur le bruit et sur la voix articulée. (Conf. le Traité de l’Ame, livre II, ch. VIII, § 9, p. 223 de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, § 10, p. 410, citation du Traité de l’Ame sur le même sujet.

Il y a une allusion évidente au Traité de l’Ame, livre II, ch. IV, § 2, où l’on rappelle ce qui a été dit Ailleurs sur la faculté nutritive de l’âme (Conf. Traité de l’Ame, livre II, ch. IV, §§ 1 et suiv., p. 186 de ma traduction.)

Opuscules psychologiques, Traité de la Sensation et des choses sensibles :

Livre V, ch. I, § 15, p. 353 de ma traduction, sur l’acuité de la vision, selon la coloration des yeux (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, ch. II, §§ 6 et suiv., pp. 30 et suiv. de ma traduction.)

Livre V, ch. II, § 2, p. 365 de ma traduction, sur les relations des organes des sens avec le cœur. (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, ch. II, § 13, p. 35, de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, §§ 3 et 16, pp. 406 et 416 de ma traduction, sur le son, la voix et le timbre varié de la voix humaine (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, vit § 10, p. 78 de ma traduction.) Dans ces deux citations, c’est surtout dans le Traité de l’Ame, plus que dans l’autre traité nommé avec-celui-là, que le sujet en question a été développé.

Problèmes :

1° Livre II, ch. X, § 3, p. 116 de ma traduction, sur l’alliage du cuivre et de l’étain. Nous n’avons pas retrouvé cette question dans les Problèmes.

2° Livre IV, ch. IV, § 17, p. 296 de ma traduction, sur les variations dans la durée de la grossesse et dans la natalité des enfants. (Conf. Problèmes, section X, p. 895, a, 25, édit. de Berlin, et p. 167, ligne 5, édit. Firmin-Didot.)

Enfin, le Traité de la Génération des Animaux semble se citer lui-même, livre V, ch. VII, § 1, à propos des fonctions des dents. Nous nous expliquerons un peu plus loin sur le cinquième livre, dont la place est certainement irrégulière.

Toutes ces citations dans l’un et l’autre sens se rapportent à des ouvrages authentiques d’Aristote. D’autres citations qu’on trouve aussi dans le Traité de la Génération des Animaux, sont relatives à des ouvrages qui sont perdus, et que nous ne connaissons guère que par les regrets que cette perte nous cause.

Ouvrages perdus d’Aristote :

Livre IV, ch. III, § 14, p. 267 de ma traduction, citation du Traité de l’Action et de la Passion, sur la nature de l’agent et du patient, et sur leurs relations mutuelles, pour expliquer l’influence que les deux sexes exercent l’un sur l’autre dans l’acte de la génération.

Livre I, ch. H, § 1, p. 8 de ma traduction, annonce d’études sur les plantes. L’indication est indéterminée ; mais selon toute apparence, elle se rapporte au Traité des Plantes, qui est nommé par Diogène de Laërte et par Hésychius dans leurs catalogues, et qui était en deux livres.

Livre I, ch. XVII, § 6, p. 122 de ma traduction, indication un peu plus précise d’ouvrages sur les plantes.

Ce qui doit faire plus particulièrement déplorer la perte des livres d’Aristote sur la botanique, c’est qu’il revient sans cesse dans le Traité de la Génération sur les rapports du végétal et de l’animal, commençant, par ces rapprochements et par ces recherches, la science que les Modernes appellent la biologie. Nous pouvons juger, par les deux ouvrages de Théophraste sur l’Histoire des Plantes et sur les Causes des Plantes, du point où en était la botanique au temps d’Aristote. C’était lui qui avait inspiré et guidé son élève favori et son successeur ; et l’on peut le regarder à juste titre comme le père de la botanique, qu’il avait été le premier à étudier, en la comprenant dans le vaste domaine de son encyclopédie. Dans l’Histoire des Animaux, livre V, ch. I, § 4, il cite expressément sa théorie sur les Plantes.

Livre V, ch. IV, § 2, p. 388 de ma traduction, citation du Traité de la Croissance et de la Nutrition, sur le changement qu’éprouvent les cheveux, quand ils blanchissent par reflet de l’âge ou de la maladie. Pour cette citation du Ve livre, nous faisons les mêmes réserves que plus haut, sur la citation que le Traité de la Génération semble faire de lui-même.

Descriptions anatomiques :

Il n’est peut-être pas, dans toute l’œuvre Aristotélique, de livres qu’on doive regretter plus que ceux-là. L’anatomie avait été cultivée par Aristote, et dans son école, aussi sérieusement qu’elle peut l’être de nos jours. Sans doute, elle était alors beaucoup moins avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; mais elle n’excitait pas moins d’intérêt ; et l’on peut croire que les travaux du philosophe ont préparé ceux de son petit-fils, Érasistrate, et d’Hérophile d’Alexandrie.

Les Descriptions anatomiques sont citées cinq fois dans le Traité de la Génération des Animaux :

1° Livre I, ch. VII, § 8, p. 33 de ma traduction, à propos de l’organisation de la matrice chez les sélaciens, et de l’organisation des matrices en général.

2° Livre II, ch. VI, § 6, p. 63 de ma traduction sur le cœur considéré comme le principe des veines, et sur la fonction du cœur.

3° Livre II, ch. II, § 4, p. 107 de ma traduction, sur le cordon ombilical chez les animaux qui produisent un seul embryon ou plusieurs embryons.

4° Livre IV, ch. IV, § 10, p. 291 de ma traduction, sur la même question.

5° Livre V, ch. I, § 9, p. 348 de ma traduction, sur la position du fœtus et sur son sommeil perpétuel dans le sein de la mère. Mêmes réserves que plus haut sur la place du Ve livre du Traité de la Génération des Animaux{15}.

Jusqu’ici nous n’avons emprunte qu’à Aristote les preuves de l’authenticité du Traité de la Génération. On a cru en trouver une, qui serait aussi près de son temps que possible, dans un passage de Théopliraste. Voici ce passage que cite M. Valentin Rose (Aristoteles pseudepi-graphus, p. 372). Théophraste vient d’exposer les effets d’une culture intelligente sur le développement de plusieurs plantes, qu’on peut favoriser en retranchant certaines parties, et il ajoute :

« Dans d’autres plantes aussi, il suffit d’enlever certains organes pour produire une différence notable, comme on le voit sur les vignes qui produisent des raisins sans pépins, quand on a enlevé la moelle du sarment. Ceci semble donner raison à ceux qui prétendent que le sperme vient de tous les organes du corps, opinion qu’on soutient pour les animaux. »

Si l’on veut consulter trois passages du Traité de la Génération, livre I, ch. II, §, 7, p. 12 de ma traduction, et même livre, ch. H, § 3 et ch. 12, § 20, p. 82, on verra que les idées du disciple ressemblent beaucoup à celles du maître, et que les expressions mêmes sont assez analogues. Aristote déclare d’abord que le moindre changement dans le principe de l’organisme peut avoir des conséquences considérables, sur le reste de l’organisme entier ; et qu’on peut enlever aux plantes certaines parties qui repoussent. Il déclare ensuite que les vignes s’emportent et ont des pousses stériles, quand elles ont une nourriture surabondante ; « Elles font le bouc, » dit-il, employant un terme technique, qui se retrouve bien des fois dans Théophraste, (Histoire des Plantes, livre II, ch. VII, § 6, p. 30, ligne 39, édit. Firmin-Didot ; livre IV, ch. XIV, § 6, p. 83, lig. 14 ; Causes des Plantes, liv. I, ch. V, § 5, p. 170, lig. 5 ; même livre, ch. XVII, § 10, p. 186, lig. 43 ; et livre V, ch. IX, § 10, p. 277, lig. 53.)

Nous ne trouvons pas la ressemblance aussi frappante qu’on paraît le croire, et que nous aussi nous voudrions qu’elle le fût. Mais ce qui peut donner quelque valeur à cette conjecture, c’est que Théophraste avait fait, comme Aristote, un ouvrage sur la Génération des Animaux, et où sans doute, il s’écartait peu des théories de son maître. Diogène de Laërte cite ce livre, Biographie de Théophraste, p. 122, lig. 19, édit. de Firmin-Didot.

Dans le traité des Causes des Plantes, livre V, ch. III, § 1, p. 268, édit. Firmin-Didot, Théophraste revient sur ce phénomène d’une vigne portant des raisins noirs et blancs, ou successivement, ou à la fois. Il ne voit là rien d’extraordinaire ; et les devins eux-mêmes n’y trouvent plus rien de monstrueux, parce que le fait se reproduit assez souvent. Dans ce passage comme dans l’autre, le style de Théophraste est presque celui d’Aristote ; les expressions sont fort analogues ; et ces ressemblances peuvent être considérées comme une preuve de l’authenticité des ouvrages du maître et des ouvrages du disciple.

Pline avait certainement sous les yeux tous les ouvrages zoologiques d’Aristote, et c’est à cette source qu’il a puisé une bonne partie du septième livre de son Histoire naturelle, notamment tout ce qu’il dit de l’homme dans les chapitres IX à XV. Mais il n’a pas cité le Traité de la Génération expressément ; et ce grand fait de la reproduction chez les animaux ne semble pas l’avoir très sérieusement occupé. (Voir livre XI, ch. CXI et CXII, édition et traduction de M. E. Littré.)

Galien, vers la fin du second siècle de notre ère et au commencement du troisième, possède l’ouvrage d’Aristote, et il en fait grand usage. Dans son traité De Semine, il le cite très souvent ; il en donne même de longs extraits, qui démontrent que, depuis cette époque jusqu’à la nôtre, le texte n’a pas changé. Ces passages sont empruntés au Ier et au IIe livres. Il en est même un qui se rapporte au Ve livre, que Galien reconnaît pour authentique aussi bien que les autres. Nous aussi nous croyons autant que Galien que ce livre est d’Aristote ; mais il nous semble qu’il est déplacé, puisqu’il ne se rattache en rien à l’étude de la génération, ainsi que nous le dirons un peu plus loin. Galien cite encore un admirable morceau tiré du IIIe livre de l’Anatomie d’Hérophile, sur les ovaires de la femme. Il est fort probable qu’Hérophile connaissait aussi l’ouvrage d’Aristote ; et, comme il est contemporain de Théophraste, nous remontons avec lui à peu près aussi loin qu’il est possible de le faire, c’est-à-dire, à une époque qui touche au temps d’Aristote lui-même. Le Traité de la Génération ne pouvait être perdu si peu de temps après sa mort, puisque Galien l’a toujours complet, cinq ou six cents ans plus tard. (Galien, édit. Kûhn, t. IV, pp. 595, 517 et 575.)

Chose assez singulière ! Diogène Laërce a omis le Traité de la Génération des Animaux dans son catalogue, qui contient cependant 145 ouvrages, énumérés un à un. Hésychius, qui en compte 196, nomme le Traité de la Génération, qu’il place le 158e ; mais il lui donne trois livres, au lieu des cinq qu’il a actuellement (Voir Aristote, t. V, p. 1468, b, édit. de l’Académie de Berlin), de même qu’il en attribue trois également au Traité des Parties, qui, pour nous, en a quatre. Mais si Diogène et Hésychius n’ont pas dans cette discussion une grande autorité, il n’en est pas de même du Catalogue Arabe, compilé au xiii° siècle de notre ère, traduit par Casiri et Wenrich, et tout récemment encore par M. Steinschneider. Les deux auteurs de ce catalogue Ibn el-Kifti et Ibn Abi Hoseibia, l’empruntent à l’ouvrage d’un philosophe péripatéticien, nommé Ptolemée, qui lui-même l’avait extrait du cinquième livre de la Biographie d’Aristote par Andronicus de Rhodes. Qu’était ce Ptolemée ? Est-ce par hasard un des rois qui ont porté ce nom en Egypte, et dont quelques-uns passent pour avoir été des savants ? Il importe assez peu. Mais un témoignage qui remonte au temps de Syila et de Cicéron est de la plus haute valeur ; et comme Andronicus a été le premier qui ait fait des tables pour les œuvres d’Aristote, il n’est pas possible de remonter au delà. Or le Catalogue Arabe mentionne deux traités de la génération : l’un intitulé de la Génération de l’Animal, en cinq livres, n° 44, p. 1471, a, de l’édit. de Berlin ; l’autre intitulé de même, n° 77, p. 1472, b, en deux livres, ou intitulé selon une variante, n° 78b, de la Génération des Animaux. Le Catalogue Arabe, qui ne compte que quatre-vingt-seize ouvrages d’Aristote, ne peut pas être regardé comme parfaitement exact ; mais il doit nous autoriser à penser que le traité de la Génération des Animaux devait être entre les mains d’Andronicus, comme il est entre les nôtres, avec ses cinq livres. (Voir aussi M. Valentin Rose, Aristoteles pseudepigraphus, p. 282.)

Oribase, médecin de l’Empereur Julien, a emprunté divers passages au Traité de la Génération, pour les insérer dans sa compilation (M. Valentin Rose, ibid. pp. 382 et 383.)

Dans l’immense ruine, et au milieu du chaos qu’amène l’invasion des Barbares, le Traité de la Génération est oublié comme tout le reste ; et il ne reparaît qu’au XIIIe siècle, avec les autres ouvrages d’Aristote commentés par Albert-le-Grand et Saint Thomas d’Aquin, les deux lumières de l’Église et de la science à cette époque.

Après toutes les preuves précédentes, qui sont faites pour contenter les juges les plus difficiles, il en reste une, la plus générale, la plus délicate et la plus décisive : c’est le style du Traité de la Génération. La main d’Aristote y est empreinte d’un bout à l’autre, sans qu’on puisse la méconnaître un seul instant. La composition est défectueuse à certains égards, comme nous l’avons montré ailleurs ; mais les pensées sont d’une profondeur qui n’appartient qu’au philosophe ; et la forme qu’elles revêtent est bien celle qu’on rencontre et qu’on goûte dans ses œuvres les plus parfaites et les plus authentiques. Le doute ne serait permis qu’à ceux qui n’ont pas assez pratiqué ces admirables écrits. Simplicité, naturel, justesse, plénitude d’expressions, ce sont toutes les qualités d’un style de génie. Si le Traité de la Génération n’est pas d’Aristote, qui aurait été capable de le concevoir et de le faire à sa place ? Quel penseur, quel naturaliste se serait caché sous son nom ? il est impossible de le dire ; et ce serait vraiment une témérité bien aveugle que de prétendre se substituer en ceci à toute l’Antiquité, en récusant une opinion qui n’a jamais suscité la moindre réclamation. Affirmons-le donc sans hésiter : Oui, le traité de la Génération des Animaux est bien d’Aristote, et ne peut être que de lui, dans les cinq livres qui le forment, tel que nous le possédons.

Mais, pour le cinquième et dernier livre, nous devons faire une réserve, que personne, nous le croyons, n’a faite avant nous, et dont la nouveauté nous étonne nous-même, au moins autant que sa nécessité nous paraît évidente. Le cinquième livre n’appartient pas au Traité de la Génération, auquel il est joint ; et il doit être renvoyé au Traité des Parties des Animaux.

Qu’on en juge.

Après avoir discuté, dans quatre livres, toutes les questions que la reproduction des êtres animés peut soulever, Aristote quitte tout à coup le sujet qu’il vient d’élucider, et il passe à un sujet qui n’a plus le moindre rapport avec celui-là. Le cinquième livre, revenant, de son propre aveu, à l’examen des différences que les parties des animaux peuvent présenter selon les espèces, étudie les variétés de la couleur des yeux, les variétés de l’ouïe et de l’odorat, celles du pelage des animaux, et des cheveux de l’homme, celles de la voix, et enfin celles des dents. Où trouver dans tout ceci le lien le plus léger avec le problème de la génération ? Comment cette étude particulière, quelque intéressante qu’elle soit par elle-même, se rattache-t-elle aux études antérieures ? Il est absolument clair qu’il n’y a pas de relation entre les deux sujets, tandis qu’au contraire, les matières fort curieuses dont le cinquième livre est plein, ont figuré déjà, soit dans le Traité des Parties, soit même dans l’Histoire des Animaux. Ainsi, le cinquième livre ne doit pas faire partie du Traité de la Génération. Il n’est pas moins certain qu’il y a été presque toujours joint ; Galien le cite dans son traité De Semine, t. IV, p. 575, édition de Kühn, ainsi qu’on l’a vu. Au VIe siècle de notre ère, Philopon commente le cinquième livre, comme il a commenté les quatre autres, sans faire aucune remarque sur le changement de sujet, non plus que Galien. Les plus récents éditeurs et les plus savants commentateurs se sont tus sur ce point, aussi bien que Galien et Philopon ; pas un ne semble avoir été choqué du contraste, quelque manifeste qu’il puisse être. Tout au plus a-t-on signalé quelquefois le mélange inattendu de matières qui se trouve dans ce cinquième livre. Nous croyons qu’il faut se décider plus nettement et dire que ce livre ne fait pas partie du reste du traité. Il est toujours assez hasardeux de se prononcer dans des questions de ce genre, où l’on a contre soi une tradition vénérable que vingt siècles ont sanctionnée. Mais la vérité a des droits imprescriptibles ; et, ici, elle est d’une clarté tellement vive qu’on ne saurait y résister. Il y a cinquante ans passés qu’une décision analogue a été prise pour la Politique d’Aristote, où l’ordre des livres, qui avait été bouleversé dès la plus haute Antiquité, a pu être rétabli. Cette restauration, qui avait la raison pour elle, comme celle-ci, a été généralement acceptée ; et l’ordonnance systématique de la Politique y a beaucoup gagné.

Nous ne pouvons pas aller aussi loin pour le cinquième livre du Traité de la Génération ; et après l’avoir isolé des quatre livres précédents, nous ne saurions indiquer positivement l’ouvrage d’Aristote auquel il conviendrait de le rattacher. Nous pouvons seulement faire observer que les mêmes questions qui remplissent ce livre dernier ont été étudiées, soit dans l’Histoire des Animaux, soit dans le Traité des Parties : Pour les yeux, voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. VIII, livre II, ch. II, III, VII et XIII ; et le Traité des Parties, livre II, ch. XIII ; pour l’ouïe et l’odorat, Histoire des Animaux, livre I, ch. XII, livre II, ch. VIII, livre IV, ch. VIII, et Traité des Parties, livre II, ch. X ; pour les poils, Histoire des Animaux, livre II, ch. II, livre III, ch. X ; et Traité des Parties, livre II, ch. XIV ; pour les cheveux, mêmes références ; pour la voix, Histoire des Animaux, livre IV, ch. IX, et Traité des Parties, livre II, ch. XVI et XVII ; enfin pour les dents, Histoire des Animaux, livre II, ch. III, livre III, ch. VII, livre VII, ch. IX ; et Traité des Parties, livre II, ch. III et IX, livre III, ch. I et XIV. On peut s’assurer que, sur tous ces sujets, la discussion du cinquième livre du Traité des Parties est plus complète que celle des deux autres ouvrages. Mais ce n’est pas une raison pour attribuer le cinquième livre, soit à l’un, soit à l’autre. Il faut le laisser provisoirement à la place où il est, tout en sachant bien que ce n’est pas la sienne.

Qui l’a mis à la place qu’il occupe irrégulièrement ? Il ne serait pas facile de le dire ; mais, selon toute apparence, il faut faire remonter l’erreur jusqu’à Andronicus de Rhodes, le premier arrangeur des écrits d’Aristote. Du moins le Catalogue des Arabes, transcrit sur celui de Ptoléméc, abréviateur lui même d’Andronicus, nomme un Traité de la Génération en cinq livres (voir plus haut p. CCLVII). D’Andronicus à Galien et à Philopon, il y a trois et six siècles environ ; et rien n’autorise à supposer que, dans cet intervalle, une main autre, après celle d’Andronicus, ait tenté de faire une classification nouvelle. C’est donc le Péripatéticicn de Rhodes, mettant en ordre la Bibliothèque d’Apellicon transportée à Rome par Sylla, qui est responsable de la faute acceptée par les âges qui ont suivi. Du reste, ce n’est pas la seule qu’il peut avoir commise ; et par exemple, c’est peut-être lui aussi qui a autorisé le désordre qu’on remarque à la fin du livre IX de l’Histoire des Animaux, à partir du chapitre XXXI.

Ce livre cinquième du traité de la Génération des Animaux cite, comme on l’a vu plus haut, plusieurs des ouvrages d’Aristote, le Traité des Parties, le Traité de l’Ame, et le Traité de la Sensation et des choses sensibles. Ces citations sont exactes. Mais il en est une qui doit paraître bien étrange. Ce cinquième livre du Traité de la Génération cite le Traité de la Génération lui-même, non pas expressément, mais en disant seulement : « Nous avons expliqué antérieurement les fonctions des dents. » Le mot d’Antérieurement, ainsi placé, semble ne pouvoir désigner, selon l’usage constant d’Aristote, que les quatre livres qui précèdent ; mais dans ces livres, il n’a été dit quelque chose de pareil, et en passant, que dans le livre II, ch. VIII, § 35, p. 99 de ma traduction. Même dans ce second livre, c’est un hors-d’œuvre, et c’est à l’Histoire des Animaux et au Traité des Parties qu’il faut se reporter pour trouver, avec le développement nécessaire et dans une place convenable, ce qui concerne les dents et les usages auxquels la Nature les destine. Ainsi, d’un côté le mot d’Antérieurement ne relie le cinquième livre aux quatre autres que par un seul mot ; mais, d’un autre côté, en admettant même que ces quatre livres offrent quelques théories qui correspondent à cette indication, on doit supposer bien plutôt qu’elle se réfère à un ouvrage différent, et d’un caractère plus spécial. De quelque façon qu’on s’y prenne, on est amené à conclure que le cinquième livre ne fait pas partie du traité auquel il a été réuni, sans motif suffisant.

M. Valentin Rose, dans son Aristoteles pseudepigraphus, pp. 295 à 324, cite douze passages au moins où Athénée parle du cinquième livre du Traité des Parties. A première vue, il semblerait probable que notre cinquième livre du Traité de la Génération doit former le cinquième livre du Traité des Parties, qui n’a que quatre livres dans l’état où nous l’avons. Mais à regarder les choses d’un peu plus près, on voit qu’Athénée s’est trompé, et que toutes les citations qu’il fait, à propos des poissons, se rapportent au cinquième livre de l’Histoire des Animaux, et non pas à un cinquième livre du Traité des Parties, qui n’a jamais existé. Athénée ne nous offre donc aucun secours pour classer systématiquement ce fragment, égaré d’un tout que nous ne connaissons pas.

Il faut nous résigner ; en ceci, l’ignorance à laquelle nous sommes condamnés paraît invincible, et il est bien douteux que des recherches plus heureuses puissent jamais la dissiper entièrement. Dans l’état présent des choses, c’est avec le Traité des Parties que ce cinquième livre du Traité de la Génération semblerait avoir le plus d’affinité. Mais nous n’oserions pas faire un changement ; et nous ne conseillerions cette témérité à personne. Qu’on se contente de savoir que ce livre n’est pas à sa vraie place, et qu’on n’essaie pas de lui en assigner une autre, qui n’aurait pour elle aucune autorité sérieuse.

C’est là une conclusion qu’on peut tirer de la Dissertation qui précède. Une autre conclusion, non moins importante, c’est que le Traité de la Génération des Animaux est parfaitement authentique, et que le cinquième livre, quoique hors de place, est digne d’Aristote aussi bien que le reste. Bornons-nous à ces résultats, qui, pour notre part, nous semblent absolument satisfaisants et incontestables.



LIVRE PREMIER



CHAPITRE PREMIER

Récapitulation des matières antérieurement traitées ; des quatre causes auxquelles on peut rapporter l’organisation animale, trois ont été étudiées ; reste la quatrième et dernière, la cause motrice ou la génération ; diversités de la génération ; accouplement de la femelle et du mâle dans les animaux qui ont du sang, et parfois aussi dans ceux qui n’en ont pas ; accouplement dans les animaux qui se meuvent ; les jeunes sont tantôt congénères, et tantôt naissent spontanément ; ces derniers ne s’accouplent pas et ne produisent pas d’êtres semblables à eux ; limitations naturelles de ces reproductions ; comparaison avec les plantes, qui naissent aussi, ou de congénères, ou spontanément.


§ 1[1]. Jusqu’à présent, nous nous sommes occupé de toutes les parties dont les animaux se composent, en les considérant, soit dans ce qu’elles ont de commun, soit à part, dans ce qu’elles ont de spécial pour chaque genre d’animaux. Nous avons également expliqué la disposition que présente chacune de ces parties, par rapport à la cause qui leur est propre, je veux dire, le but en vue duquel elles sont faites. § 2[2]. On sait que, sous les choses, il y a quatre causes diverses : d’abord le but, qui est la fin même de l’être ; ensuite, la notion essentielle qui convient à cet être, deux premières causes qui doivent être regardées comme n’en formant guère qu’une seule ; et en dernier lieu, la troisième cause et la quatrième, qui sont, l’une la matière de l’être, et l’autre, le principe qui lui imprime le mouvement. § 3[3]. Déjà, l’on a fait connaître les trois premières causes, puisque la notion de l’être et le but de l’être se confondent en tant que fin, et que la matière est dans les animaux l’ensemble de leurs parties, non similaires, quand on parle de l’animal tout entier, et dans ces parties non similaires, les parties similaires, formées elles-mêmes de ce qu’on appelle les éléments des corps. § 4[4]. Ainsi, il ne nous reste plus à étudier que ces parties des animaux qui concernent leur génération, dont nous n’avons rien dit jusqu’à cette heure ; et à exposer précisément la cause qui leur communique le mouvement dont ils sont animés. Etudier cette cause et étudier la génération des animaux, c’est au fond une seule et même question, du moins à quelques égards. La raison en effet nous conduit à réunir ces théories, parce que c’est bien là tout à la fois l’étude dernière qui achève celle des parties, et parce que c’est aussi le début régulier que la raison assigne à ce qu’on va dire de la génération, après tout ce qui précède.

§ 5[5]. Il y a des animaux qui naissent de l’accouplement de la femelle et du mâle. C’est bien ce qui se passe dans toutes les espèces où il y a femelle et male ; mais cette distinction n’existe pas pour toutes les espèces d’animaux sans exception. Ainsi, dans les animaux qui ont du sang, sauf quelques espèces, le mâle et la femelle sont toujours complètement distincts ; mais parmi les animaux qui n’ont pas de sang, tantôt il y a femelle et mâle, produisant des individus qui leur ressemblent ; tantôt, si ces animaux produisent encore, ce ne sont plus des êtres de leur même genre qu’ils produisent. Alors, ces derniers êtres ne naissent plus d’animaux accouplés ; mais ils naissent de la terre, qui se putréfie, et de diverses excrétions. § 6[6]. A parler d’une manière générale, on peut dire que tous les animaux qui peuvent changer de place, en nageant, en volant, ou en marchant, présentent la séparation du mâle et de la femelle. Cette distinction s’étend non pas seulement aux : animaux qui, parmi ceux-là, ont du sang, mais aussi à quelques-uns de ceux qui n’en ont pas. Dans ces derniers animaux, c’est tantôt le genre entier qui offre cette différence, comme dans les mollusques et les crustacés ; tantôt c’est seulement la plupart des espèces, comme dans le genre des insectes. § 7[7]. En effet, tous les insectes qui viennent d’un accouplement d’êtres congénères produisent également des êtres semblables à eux ; mais ceux qui ne naissent pas d’animaux accouplés, et qui naissent de la terre putréfiée, engendrent une espèce différente de la leur ; l’être qu’ils produisent n’est ni femelle ni mâle ; témoin l’organisation de quelques espèces d’insectes.

§ 8[8]. La raison comprend parfaitement qu’il en soit ainsi ; car, si les êtres qui ne viennent pas d’autres êtres animés pouvaient à leur tour donner naissance à des animaux en s’accouplant ; et si alors ces êtres nouveaux étaient semblables aux parents, il faudrait que ceux qui les auraient produits eussent eu aussi la même origine. A nos yeux, cette conséquence est tout à fait rationnelle, puisque c’est ce qui arrive chez tous les autres animaux. Ou bien, si ces nouveaux êtres étaient dissemblables, tout en pouvant s’accoupler, le produit qui naîtrait d’eux serait également d’une nature autre que la leur ; puis, de ces seconds êtres naîtrait aussi une autre espèce d’êtres qui serait encore différente ; et ceci pourrait aller à l’infini. Or la Nature évite l’infini et l’indéterminé ; car l’infini n’a pas de terme ; et c’est un terme défini que la Nature recherche avant tout. § 9[9]. Quant aux animaux qui ne se déplacent pas, comme les testacés, et quant à ceux qui vivent dans le lieu où ils sont attachés, ils ont une essence qui les rapproche beaucoup des plantes, et ils n’ont pas plus qu’elles le sexe femelle et le sexe mâle. Si, pour ces êtres, l’on emploie quelquefois ces expressions, c’est par simple ressemblance et par analogie, parce qu’en effet il n’y a sous ce rapport presque pas de différence entre les plantes et ces sortes d’animaux. § 10[10]. Ainsi, dans les plantes, tantôt il y a des arbres du même genre qui portent des fruits, et tantôt ces mêmes arbres n’en portent pas, mais servent seulement à faire mûrir les fruits de ceux qui en portent ; c’est ce qu’on voit pour la figue comestible et pour la figue sauvage. Comme les animaux encore, il y a des plantes qui naissent de semence ; d’autres poussent comme si la nature les produisait spontanément. Elles proviennent de la terre putréfiée ou de quelques matières végétales qui pourrissent ; car il y a certaines plantes qui ne peuvent passe former séparément par elles seules, et qui ont besoin de croître sur d’autres végétaux, comme le gui.


CHAPITRE II

Indication d’études sur la génération des plantes ; génération spéciale des animaux ; distinction de la femelle et du mâle ; formation du sperme ; définition du mâle ; définition de la femelle ; organes nécessaires à la génération et à l’accouplement : parties du corps qui constituent ces organes et qui font précisément la différence des sexes ; des matrices et des testicules dans les animaux qui ont du sang ; parties semblables ou analogues dans les animaux exsangues ; conséquences considérables qu’entraîne le moindre changement dans le principe ; vérification par la dissection ; le mâle se rapproche de la femelle par le plus léger changement.


§ 1[11]. On aura à étudier les plantes en elles-mêmes et sans y mêler aucun autre objet. Mais maintenant, c’est de la génération des animaux qu’il faut traiter, dans la mesure qui convient à chacun d’eux, en rattachant cette étude à celles qui précèdent.

§ 2[12]. Ainsi que nous l’avons déjà dit, on a toute raison de considérer comme principes et causes de la génération la femelle et le mâle ; le mâle, comme ayant le principe moteur et générateur ; la femelle, comme ayant le principe de la matière. C’est ce dont on peut surtout se convaincre en observant comment se forme le sperme, et d’où il vient. C’est le sperme qui constitue tout ce qui naît dans la nature ; et il importe de bien connaître comment il vient de la femelle et du mâle ; car, c’est parce que cette sécrétion provient de la femelle et du mâle, et qu’elle s’accomplit en eux et en sort, que la femelle et le mâle sont les principes et les causes de la génération. § 3[13]. Nous entendons par mâle l’être qui engendre dans un autre être, et par femelle, celui qui engendre en lui-même. Voilà comment, lorsqu’on parle de l’ensemble du monde, on prend parfois la nature de la terre pour la femelle et la mère, et comment on regarde comme générateurs et pères le Ciel, et le Soleil, ou tel autre corps de même ordre. § 4[14]. Le mâle et la femelle diffèrent entre eux aux yeux de la raison, parce qu’ils remplissent l’un et l’autre une fonction diverse, et ils diffèrent, sous le rapport de l’observation sensible, par certaines parties qui sont diverses chez tous deux. Rationnellement, le mâle est l’être qui peut engendrer dans un autre être, ainsi qu’on vient de le dire ; la femelle est l’être qui peut engendrer en lui-même, et de qui sort l’être engendré, qui est déjà dans le générateur. § 5[15]. Mais, comme tout se détermine par une certaine puissance et par un certain acte ; et comme pour tout acte il est besoin d’instruments, et que les instruments des facultés diverses sont des organes du corps, il s’ensuit nécessairement qu’il y a pour l’enfantement et pour l’accouplement des parties spéciales. Ces parties diffèrent entre elles, et ce sont elles qui constituent précisément la différence du mâle et de la femelle. On dit bien, en parlant de l’animal entier, que l’un est femelle, et que l’autre est mâle ; cependant ce n’est pas tout l’animal qui est femelle, ou qui est mâle ; mais il est l’un des deux par une certaine faculté et dans une certaine partie, comme on dit de lui qu’il a des organes pour voir et pour marcher. C’est ce que nous atteste le simple témoignage de nos sens. § 6[16]. Ces parties sont dans la femelle ce qu’on nomme les matrices ; et dans le mâle, chez tous les animaux qui ont du sang, ce sont les testicules et la verge. Dans ces animaux, en effet, on trouve, tantôt des testicules, et tantôt des canaux qui y répondent. On retrouve même encore ces différences de la femelle et du mâle dans les animaux qui n’ont pas de sang, et qui présentent cette opposition de sexes. Dans les animaux qui ont du sang, les parties qui doivent concourir à l’union sont toujours de formes différentes.

§ 7[17]. Du reste, il faut bien se dire qu’il suffit du plus petit changement dans le principe pour que d’ordinaire une foule de conséquences considérables suivent ce changement initial. On peut s’en convaincre par les effets de la castration, il suffit que l’organe générateur soit légèrement altéré pour que la forme presque tout entière de l’animal vienne, par suite, à changer, à tel point que le mâle paraisse être une femelle ou peu s’en faut. Ceci prouve bien que ce n’est pas au hasard, par une partie quelconque de son corps ou par une de ses facultés quelconques, que l’animal est femelle ou qu’il est mâle. Ainsi donc, bien évidemment la femelle et le mâle sont un principe très spécial ; et, quand l’être est ou femelle ou mâle, beaucoup d’autres changements se produisent à la suite de celui-là, parce que le principe est complètement changé.


CHAPITRE III

Des testicules ; diversités de leur organisation ; les poissons et les serpents n’ont que des conduits spermatiques ; testicules intérieurs chez les oiseaux et les quadrupèdes ovipares ; position diverse des testicules chez les vivipares ; citation de l’Histoire des Animaux ; des matrices ; elles sont toujours divisées en deux ; extérieures et intérieures tout ensemble ; position des matrices ; oiseaux, poissons, crustacés, mollusques, insectes.


§ 1[18]. Chez les animaux qui ont du sang, l’organisation des testicules n’est pas toujours pareille, non plus que celle des matrices. Examinons d’abord ce qui concerne les testicules des mâles. Parmi les animaux qui ont du sang, il y en a qui n’ont pas du tout de testicules ; par exemple, l’espèce entière des poissons et celle des serpents, qui n’ont que deux canaux spermatiques. D’autres de ces animaux ont des testicules ; mais c’est à l’intérieur dans le bas ventre, vers la région des reins ; et alors de l’un et l’autre testicule sort un conduit, comme dans ceux qui n’ont pas de testicules. Ces conduits se réunissent en un seul, comme chez ces derniers. Tels sont tous les oiseaux ; et parmi les quadrupèdes ovipares, ceux qui reçoivent l’air et qui ont un poumon. Tous ces animaux ont des testicules à l’intérieur, près du bas ventre, et ils ont les deux conduits qui en partent, comme les ont les serpents ; tels sont les lézards, les tortues, et tous les animaux à écailles. § 2[19]. Au contraire, les vivipares ont tous des testicules sur le devant du corps ; quelques-uns les ont au bas du ventre, comme le dauphin, et ils n’ont pas les canaux ; mais ils ont un membre qui peut aller des testicules au dehors, comme on le voit chez les bœufs ; d’autres l’ont tout à fait dehors, tantôt indépendant comme chez l’homme, et tantôt attaché au siège comme chez les cochons. Nous en avons parlé avec plus de détails dans l’Histoire des Animaux.

§ 3[20]. Toutes les matrices sont divisées en deux, de même que, chez les mâles, il y a toujours deux testicules. Tantôt elles sont entre les cuisses comme chez les femmes ; et dans tous les vivipares, elles sont non seulement au dehors, mais dans l’intérieur, comme elles y sont aussi chez ceux des poissons qui pondent des œufs extérieurement. D’autres animaux ont les matrices sous le diaphragme, comme tous les oiseaux et les poissons vivipares. Les crustacés et les mollusques ont également la matrice partagée en deux ; car ce qu’on appelle leurs œufs est entouré de membranes venues de la matrice. Dans les polypes, les choses sont assez indistinctes pour qu’on puisse croire qu’ils n’ont qu’une matrice unique. Cela vient de ce que la masse de leur corps est tout à fait uniforme. Dans les insectes aussi, les matrices sont en deux parties chez ceux qui sont un peu gros ; dans les plus petits, on ne peut pas les distinguer, à cause de la petitesse de leur volume.


CHAPITRE IV

De la fonction des testicules ; ils ne sont pas indispensables à la génération ; exemple des serpents et des poissons ; ils sont faits en vue du mieux ; rapidité des accouplements, selon la position des testicules ; chez quelques animaux, ils servent à amortir les ardeurs du sexe par l’élaboration plus lente du sperme ; citation de l’Histoire des Animaux ; ablation des testicules ; les testicules des oiseaux.


§ 1[21]. On voit donc quelle est, chez les animaux, l’organisation des parties dont on vient de parler. Quant aux différences que présentent dans les mâles les organes spermatiques, il faut, pour s’en bien rendre compte, se demander tout d’abord pour quelle destination les testicules ont été faits. Si la nature n’agit jamais que par nécessité, ou en vue du mieux possible, il faut que cet organe provienne aussi de l’une de ces deux causes. Or il est de toute évidence que cette partie du corps n’est pas absolument nécessaire pour la génération, puisque autrement on la retrouverait dans tous les animaux qui engendrent, et que, dans l’état actuel des choses, ni les serpents ni les poissons n’ont de testicules. On peut s’assurer en effet qu’ils s’accouplent, et qu’ils n’ont que des canaux pleins de liqueur séminale. § 2[22]. Reste donc que les testicules soient faits en vue du mieux. Or la plupart des animaux n’ont d’autre fonction que de produire, ainsi que les plantes produisent la semence et le fruit. De même que, pour la nutrition, les animaux à intestins tout droits sont plus avides de nourriture, de même ceux qui n’ont pas de testicules et qui ont seulement des canaux, et ceux qui, tout en ayant des testicules, les ont à l’intérieur, ceux-là sont bien plus rapides que les autres dans l’acte de l’accouplement. Mais les espèces qui doivent être plus modérées, comme le sont aussi en fait d’aliments les espèces qui n’ont pas des intestins tout droits, ont des canaux qui sont pleins de circonvolutions, afin que le désir du sexe ne soit pas trop violent, ni l’acte trop rapide. § 3[23]. C’est dans cette vue que les testicules ont été organisés comme ils le sont. Ils rendent plus calme le mouvement de la sécrétion spermatique, en assurant sa circulation redoublée dans les vivipares, tels que les chevaux et les animaux de cet ordre, et tels que les hommes. Ce qu’est cette double circulation, on pourra le voir dans l’Histoire des Animaux. Les testicules ne font pas partie des canaux ; mais ils y sont rattachés, comme les pierres que les fileuses assujettissent à leurs métiers. Quand on enlève les testicules, les canaux remontent à l’intérieur, de telle façon que les bêtes châtrées ne peuvent plus produire. Si les canaux ne remontaient pas, la bête pourrait encore être féconde ; et, une fois, l’on a vu un taureau qui venait d’être coupé féconder une vache, qu’il avait immédiatement couverte, parce que les canaux n’avaient pas encore eu le temps de se retirer. § 4[24]. Chez les oiseaux et les quadrupèdes ovipares, les testicules conservent l’excrétion spermatique, de telle sorte que la sortie en est moins prompte que chez les poissons. C’est ce qu’on peut voir très bien dans les oiseaux. Vers l’époque de l’accouplement, les testicules sont beaucoup plus gros, quand ce sont des espèces qui ne s’accouplent que dans une seule saison de l’année. Quand ce temps est passé, leurs testicules sont si petits qu’on a quelque peine à les discerner, tandis que, dans l’accouplement, ils sont énormes. Ceux qui ont les testicules à l’intérieur ont la copulation beaucoup plus rapide ; mais ceux qui les ont a l’extérieur ne peuvent pas émettre la liqueur séminale avant que les testicules ne se soient soulevés.


CHAPITRE V

De l’organisation des testicules chez les oiseaux ; nécessité de leur conformation spéciale ; position pareille des deux testicules chez les animaux qui en ont ; exception pour les hérissons, qui ne peuvent s’accoupler ainsi que les autres quadrupèdes, à cause de leurs piquants ; résumé sur la position intérieure ou extérieure des testicules.


§ 1[25]. Ajoutons encore que, si les quadrupèdes ont l’organe propre à la copulation, c’est qu’ils sont conformés pour l’avoir, tandis que les oiseaux et les animaux privés de pieds ne sont pas conformés pour l’avoir aussi, puisque les uns ont leurs deux jambes placées sous le milieu du ventre, et que les autres n’en ont pas du tout ; or c’est de ce point qu’est suspendu le membre honteux, dont la place naturelle est là. Aussi, dans l’accouplement, les jambes se tendent-elles, parce que l’organe est nerveux, et que la nature des jambes est nerveuse également. Comme ces animaux ne peuvent avoir cet organe, c’est une conséquence nécessaire, ou qu’ils n’aient pas de testicules, ou du moins qu’ils ne les aient pas en cet endroit. § 2[26]. Du reste, les animaux qui ont des testicules les ont placés tous les deux de la même façon ; et dans ceux qui ont les testicules extérieurs, c’est la chaleur que le mouvement communique à la verge qui fait sortir le sperme accumulé ; mais il n’est pas prêt à sortir sur-le-champ au moindre attouchement, comme cela arrive chez les poissons. § 3[27]. Tous les vivipares ont les testicules sur le devant du corps ou extérieurs, excepté le hérisson. Il est le seul à les avoir sur le scrotum par le même motif que les oiseaux ; car il y a nécessité que leur accouplement soit très rapide, puisqu’ils ne peuvent pas, comme les autres quadrupèdes, monter sur le dos de la femelle ; mais ils s’accouplent debout, à cause de leurs piquants.

§ 4[28]. On voit donc maintenant pourquoi les animaux qui ont des testicules ont ces organes, et pourquoi les testicules sont tantôt extérieurs et tantôt intérieurs.


CHAPITRE

VI

De l’organisation des poissons et des serpents, en ce qui se rapporte aux testicules ; rapidité de l’accouplement chez les poissons, à cause de la direction toute droite des canaux spermatiques, qui n’ont pas à repasser par des testicules : de l’accouplement particulier des serpents ; leur entrelacement est une conséquence nécessaire de leur organisation et de leur longueur.


1[29]. Ceux des animaux qui, comme on vient de le dire, n’ont pas de testicules, en sont dépourvus non pas parce que c’est bien qu’ils en soient privés, mais seulement parce qu’il y a nécessité qu’ils n’en aient pas, et parce que leur accouplement doit nécessairement être très rapide. Telle est l’organisation que la Nature a donnée aux poissons et aux serpents. 2[30]. Les poissons accomplissent la copulation en se frôlant les uns les autres ; et ils se séparent presque à l’instant. De même que l’homme et tous les animaux de ce genre, les poissons sont forcés, au moment où ils lancent la liqueur séminale, de retenir leur souffle ; mais les poissons ne peuvent retenir leur souffle qu’en cessant de recevoir le liquide ; et dès qu’ils ne le reçoivent plus, ils risquent fort de périr. Ils ne peuvent donc pas compléter et cuire le sperme pendant l’accouplement, ainsi que le font les animaux qui marchent et qui sont vivipares ; mais comme dans la saison régulière, le sperme est en eux accumulé et tout cuit, ils n’ont pas besoin de le cuire en se touchant mutuellement, et ils le lancent tout cuit. 3[31]. C’est là ce qui fait que les poissons n’ont pas de testicules, et qu’ils n’ont que des canaux tout droits et tout simples ; ce qui ne représente qu’une petite partie des testicules chez les quadrupèdes. C’est qu’en effet dans le canal redoublé des quadrupèdes, il y a une partie qui a du sang, et une autre partie qui n’en a pas, laquelle reçoit le sperme, et par où il passe quand il est déjà tout fait, de telle sorte qu’une fois le sperme arrivé à ce point, la séparation est rapide aussi chez ces animaux. Mais, dans les poissons, le canal tout entier, tel que nous venons de le dire, est semblable à ce qu’il est dans la seconde partie du redoublement des conduits chez l’homme et chez les animaux qui sont organisés de la même manière que lui.

4[32]. Les serpents s’accouplent en se roulant l’un autour de l’autre ; ils n’ont ni testicules ni verge, ainsi qu’on l’a déjà dit antérieurement. Ils n’ont pas de verge, parce qu’ils n’ont pas de jambes ; ils n’ont pas de testicules, à cause de leur longueur ; ils n’ont simplement que des canaux dans le genre de ceux des poissons. Comme ils sont de leur nature extrêmement longs, s’il y avait en outre un arrêt dans les testicules, la semence se refroidirait à cause de la lenteur du trajet. 5[33]. C’est là du reste ce qui arrive aussi chez les animaux qui ont une longue verge. Ils sont moins féconds que ceux dont la verge est plus courte, parce que le sperme refroidi ne féconde plus, et qu’il se refroidit en se portant trop loin. On voit donc bien maintenant pourquoi tels animaux ont des testicules, tandis que d’autres n’en ont pas. 6[34]. C’est à cause de l’impossibilité de monter l’un sur l’autre que les serpents s’entrelacent mâle et femelle. Ne pouvant s’unir que par une très petite partie de leur corps, ils sont trop longs pour que leurs mouvements puissent aisément concorder ; et comme ils n’ont pas de parties pour se saisir mutuellement, ils y suppléent par la froideur humide de leur corps, en s’entrelaçant l’un l’autre. Il semble d’ailleurs qu’ils se séparent plus lentement que les poissons, non seulement à cause de la longueur de leurs canaux, mais encore par la disposition générale de leur accouplement même.


CHAPITRE VII

Des matrices des animaux ; difficultés de cette étude ; variétés de position ; œufs des poissons ; ils sont imparfaits à leur sortie et complétés au dehors ; œufs des oiseaux et des quadrupèdes ovipares ; relation de la forme de la matrice à la position des œufs ; matrices des vivipares ; organisation spéciale des sélaciens et des vipères ; cette organisation participe des deux autres dans les quadrupèdes et dans les oiseaux ; citations des Descriptions Anatomiques, et de l’Histoire des Animaux ; position de la matrice chez les vivipares ordinaires ; causes de cette position ; dangers d’avortements : distinction entre les animaux qui produisent leurs petits en une fois et ceux qui les produisent en deux fois.


§ 1[35]. Il est assez difficile de savoir ce que sont précisément les matrices chez les femelles ; car elles présentent une foule de différences. Elles ne sont pas organisées de la même manière chez tous les vivipares ; ainsi, l’homme et tous les animaux qui marchent sur le sol ont la matrice en bas sous les membres ; mais les sélaciens, qui sont vivipares aussi, ont la matrice en haut, près du diaphragme. Elles ne sont pas non plus organisées de la même façon chez tous les ovipares. Ainsi, les poissons ont la matrice en bas, comme chez l’homme et chez les quadrupèdes vivipares ; mais les oiseaux et tous les quadrupèdes ovipares l’ont en haut. § 2[36]. Ces dispositions contraires n’en ont pas moins leur raison d’être. D’abord, les ovipares font leurs œufs de manières très différentes. Par exemple, les poissons ne font que des œufs imparfaits, qui se complètent au dehors et y prennent tout leur développement. Cela tient à ce que les poissons sont très prolifiques, et que cette fonction s’accomplit en eux comme chez les plantes. Si les poissons formaient complètement les œufs en eux-mêmes, leurs œufs seraient nécessairement en petit nombre. Mais dans leur organisation actuelle, ils en ont tant que chacune des deux parties de la matrice ne semblent former qu’un œuf unique, du moins dans les tout petits poissons. Ces petits animaux sont les plus féconds de tous, comme le sont aussi tous ceux qui ont une nature analogue à la leur, plantes ou animaux. Chez eux, l’accroissement en grandeur se tourne en sperme.

§ 3[37]. Les oiseaux et les quadrupèdes ovipares font des œufs complets, qui doivent être durs, afin de pouvoir subsister sans danger ; mais la coquille en est molle, jusqu’à ce qu’ils aient pris tout leur développement. La coquille se forme par l’action de la chaleur, qui dessèche l’humidité de la partie terreuse. Il faut nécessairement que le lieu où se passe cette élaboration soit chaud ; c’est le lieu placé vers le diaphragme ; et ce lieu cuit la nourriture. § 4[38]. Si les œufs doivent être nécessairement dans la matrice, il y a nécessité aussi que la matrice soit près du diaphragme, dans les animaux qui font des œufs complets ; et qu’elle soit en bas, pour ceux qui en font d’incomplets. De cette façon, tout se passe comme il faut ; et naturellement, la matrice est placée en bas plutôt qu’en haut, quand quelque autre fonction imposée par la nature ne s’y oppose pas. C’est aussi en bas que se trouve la fin de la matrice, et là où est la fin, là aussi est l’acte : et c’est la matrice qui accomplit l’acte.

§ 5[39]. Les vivipares n’ont pas moins de différences entre eux. Ainsi, les uns n’enfantent pas seulement au dehors des êtres vivants ; mais ils les enfantent aussi en eux-mêmes, comme les hommes, les chevaux, les chiens et tous les animaux qui ont des poils, et, en outre, parmi les animaux aquatiques, les dauphins, les baleines et autres cétacés. § 6[40]. Les sélaciens et les vipères sont bien vivipares au dehors ; mais d’abord ils sont ovipares en eux-mêmes. L’œuf qu’ils font est complet ; car c’est à cette condition que l’animal peut sortir de l’œuf, tandis qu’aucun d’eux ne vient d’un œuf incomplet. S’ils ne produisent pas d’œuf au dehors, c’est qu’ils sont naturellement froids, et non pas chauds, comme on le prétend quelquefois. Les œufs qu’ils produisent sont mous, parce que ces animaux ayant peu de chaleur, leur nature ne peut dessécher l’œuf jusqu’au bout. Si donc c’est parce qu’ils sont froids qu’ils font des œufs mous, c’est aussi parce que ces œufs sont mous qu’ils ne les font pas dehors ; car, dans ce cas, les œufs seraient détruits.

§ 7[41]. Lorsqu’un animal vient d’un œuf, sa naissance a lieu le plus ordinairement comme celle des oiseaux. L’œuf descend en bas, et il devient animal dans les membres inférieurs, comme chez les vivipares qui produisent immédiatement leur fruit. Aussi, les animaux de ce genre ont-ils la matrice dissemblable, et à celle des vivipares et à celle des ovipares, parce qu’ils participent des deux organisations. Ainsi, tous les sélaciens ont la matrice sous le diaphragme, et elle s’étend en bas. § 8[42]. Du reste, si l’on veut se rendre compte de la disposition de cette matrice et de toutes les autres, il faut consulter les Descriptions anatomiques et l’Histoire des Animaux ; et l’on verra que comme ils font des œufs complets, ils les ont en haut, et qu’ils les ont en bas, parce qu’ils sont vivipares et qu’ils participent ainsi des deux organisations. Tous les animaux qui font immédiatement des petits vivants ont la matrice en bas, parce qu’aucune fonction de la nature n’empêche cette position, et que ces animaux ne font pas leurs petits en deux fois. § 9[43]. Il serait, en outre, bien impossible que des animaux se produisissent sous les diaphragmes ; car les embryons ont nécessairement du poids et du mouvement ; et ce lieu qui est si important pour la vie ne saurait les porter. Il y aurait, en outre, nécessairement des difficultés d’enfantement, à cause de la longueur du trajet, puisque, si les femmes, pendant leur grossesse et près de l’accouchement, élèvent trop ces parties, en ouvrant les jambes ou en faisant tel autre mouvement trop fort, elles provoquent l’avortement. § 10[44]. Même quand les matrices sont vides, elles causent des étouffements si elles remontent en haut ; car celles qui doivent contenir un animal doivent nécessairement être plus fortes. Aussi toutes celles-là sont-elles charnues, tandis que celles qui sont sous le diaphragme sont membraneuses. C’est ce qu’on peut voir très bien sur les animaux qui font leurs petits en deux fois ; ceux-là ont leurs œufs en haut et de côté, tandis que les animaux sont dans la partie inférieure de la matrice.


CHAPITRE VIII

Cause de la position des matrices à l’intérieur du corps ; position des testicules, tantôt dehors tantôt dedans ; rapport de la nature de la peau avec la position intérieure ou extérieure des testicules ; les dauphins et les cétacés ; l’éléphant et le hérisson ; disposition différente des matrices, en bas ou en haut, dans les vivipares et les ovipares et dans les animaux en partie vivipares et en partie ovipares ; canaux pour l’issue des excréments secs et liquides ; les matrices des vivipares sont sur le devant du corps à cause du fœtus ; canal unique pour les deux sortes d’excréments ; animaux ainsi organisés ; conditions générales de la position des matrices et des testicules.


§ 1[45]. Nous venons de dire à quelle cause tient la différence des matrices dans quelques-uns des animaux, et comment il se fait que, chez les uns, la matrice soit en bas, et que, chez les autres, elle soit en haut, sous le diaphragme. Ce qui fait que, dans tous les animaux, les matrices sont à l’intérieur, tandis que les testicules sont tantôt dehors et tantôt dedans, est tout aussi clair. Si les matrices sont toujours intérieures, c’est que l’être qui doit naître se trouve en elles, et qu’il a besoin d’être protégé et d’y avoir la chaleur qui le cuit, tandis que l’extérieur du corps est exposé à bien des dangers, et est froid. Quant aux testicules, s’ils sont tantôt dehors et tantôt dedans, c’est qu’eux aussi ils ont besoin d’être garantis et cachés, à la fois pour se conserver et pour cuire le sperme. § 2[46]. En effet, s’ils étaient froids et congelés, ils ne pourraient se relever et émettre la semence, aussi, toutes les fois que les testicules sont extérieurs, ils ont une peau qui les recouvre et qu’on appelle le scrotum. Quand la nature de la peau s’oppose à ce qu’elle puisse faire enveloppe, et toutes les fois qu’elle n’est pas souple et qu’elle est comme du cuir, ainsi qu’elle l’est chez tous les animaux qui ont la peau analogue à des écailles de poisson ou de tortue, il faut de toute nécessité que les testicules soient à l’intérieur. § 3[47]. C’est pour cela que les dauphins, et les cétacés, qui ont des testicules, les ont en dedans, ainsi que les ovipares quadrupèdes à écailles. Chez les oiseaux, la peau est dure, et elle ne saurait envelopper les testicules dans toute leur grosseur ; c’est pour cela que leurs testicules sont à l’intérieur, sans parler des nécessités qu’entraîne l’accouplement, ainsi que nous venons de l’exposer un peu plus haut. C’est encore pour la même raison que l’éléphant et le hérisson ont les testicules en dedans ; car, chez ces deux espèces d’animaux, la peau ne serait pas du tout propre à former une enveloppe réellement protectrice, pour l’organe qui serait isolé.

§ 4[48]. Les matrices ont une position toute contraire dans les vivipares qui font leurs petits en eux-mêmes, et dans les ovipares qui pondent leurs œufs au dehors. Même parmi ces derniers, la disposition n’est pas la même, selon que la matrice est en bas, ou selon qu’elle est en haut sous le diaphragme ; par exemple, chez les poissons, comparativement soit aux oiseaux soit aux quadrupèdes ovipares, et comparativement aussi aux animaux qui font leurs portées sous les deux formes, produisant des œufs en eux-mêmes et des petits vivants au dehors. § 5[49]. Les animaux qui sont vivipares en eux-mêmes et en dehors, ont les matrices au bas du ventre : tels sont l’homme, le bœuf, le chien et tous les animaux de cet ordre, parce que, pour la conservation et la croissance de l’embryon, il faut qu’aucun poids ne presse la matrice. Il existe, en outre, dans tous ces animaux, un conduit spécial pour la sortie de l’excrément sec, et un autre conduit pour l’excrément liquide. Aussi, tous ces animaux, les mâles et les femelles, ont-ils des parties sexuelles ou se sécrète l’excrément liquide, le sperme chez les mâles et les menstrues chez les femelles. Ce conduit est dans la partie antérieure du corps, et plus élevé que celui qui donne issue à l’excrément de la nourriture sèche. § 6[50]. Tous les animaux qui sont ovipares et qui font des œufs imparfaits, comme en font les poissons ovipares, n’ont pas la matrice sous le ventre, mais dans l’aine. La croissance de l’œuf n’y fait point d’obstacle, puisqu’il se complète au dehors, et que le produit se développe à l’extérieur. Mais il n’y a qu’un seul et même conduit dans les animaux qui n’ont pas de verge génératrice. Ce conduit sert à l’issue des excréments secs chez tous les ovipares, et même chez ceux d’entre eux qui ont une vessie, comme en ont les tortues. § 7[51]. En effet ces doubles conduits sont constitués en vue de la génération, et non point pour l’expulsion des excréments liquides ; mais comme la nature du sperme est liquide, la sécrétion de l’excrément liquide emprunte aussi ce canal. Ce qui le prouve bien, c’est que tous les animaux ont du sperme, tandis que tous n’ont pas d’excrément liquide. Mais comme il faut que, chez les mâles, les conduits spermatiques, et chez les femelles les matrices, soient solidement attachés et ne se dérangent pas en oscillant, comme ils doivent nécessairement être posés, ou sur le devant du corps ou dans la région postérieure, les matrices des vivipares sont sur le devant, en vue des embryons ; et dans les ovipares, elles sont près du croupion et par derrière.

§ 8[52]. Quant aux animaux qui, après avoir fait des œufs dans leur intérieur, produisent des petits vivants au dehors, leurs matrices sont organisées des deux manières, parce qu’ils participent des deux natures et qu’ils sont tout ensemble vivipares et ovipares. Les parties supérieures de la matrice et le point où naissent les œufs, se trouvent sous le diaphragme, près du croupion et du derrière ; mais dans le reste de son parcours, elle est en bas sous le ventre ; car c’est là que ces animaux sont vivipares. § 9[53]. Dans ces espèces d’animaux, le canal est le même et unique pour la sortie de l’excrément sec, et pour l’accouplement. Aucun de ces animaux n’a de verge suspendue et indépendante, ainsi qu’on l’a déjà dit. Pour les mâles, qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas de testicules, les canaux sont disposés de même que les matrices des ovipares ; chez tous, ils sont surajoutés dans les parties postérieures, vers la région du rachis. Il faut en effet qu’ils ne flottent pas et qu’ils restent en place ; et c’est précisément cette région postérieure qui offre la continuité et la stabilité nécessaires. § 10[54]. C’est ainsi que, chez les animaux qui ont leurs testicules en dedans, ils restent fermes à leur place, en même temps que les canaux ; et il en est de même pour les animaux qui ont les testicules à l’extérieur. En avançant, les deux canaux se confondent en un seul canal, dans les approches de la verge. Cette disposition des canaux se retrouve aussi dans les dauphins ; mais leurs testicules sont cachés sous la peau du ventre.


CHAPITRE IX

Position des organes qui concourent à la génération dans les exsangues : crustacés, mollusques, insectes et testacés ; accouplement des crustacés ; difficultés de cet accouplement à cause des queues ; accouplement singulier des mollusques : citation du traité des Parties des Animaux ; organisation des canaux prolifiques dans les crustacés et les mollusques ; erreur des pécheurs sur l’accouplement des polypes, qui ne se fait pas par les tentacules ; incertitudes sur ce mode d’accouplement ; accouplement des insectes ; génération par des êtres congénères ; génération par corruption ; les femelles des insectes sont en général plus grosses que les mâles, ainsi que chez les poissons et chez les quadrupèdes ovipares ; cause de cette organisation dans les femelles ; matrice des insectes.


§ 1[55]. Nous venons de voir quelle est, chez les animaux qui ont du sang, la position des organes qui concourent à la génération, et quelles sont les causes de cette position. Pour les animaux privés de sang, les parties qui concourent à la génération ne sont pas disposées comme elles le sont pour les animaux qui ont du sang ; et elles ne sont pas même semblables entre elles dans toutes les espèces. § 2[56]. Il y a quatre genres d’animaux qui n’ont pas de sang : d’abord les crustacés ; en second lieu, les mollusques ; troisièmement, les insectes ; et enfin quatrièmement, les testacés. On ne sait pas clairement si tous ces animaux s’accouplent ; mais on le sait très sûrement pour la plupart d’entre eux. Nous verrons plus tard quel est le mode de leur accouplement.

§ 3[57]. L’accouplement des crustacés a lieu comme celui des animaux qui urinent par derrière, c’est-à-dire que, l’un étant dessous et l’autre dessus, les queues se touchent l’une l’autre en sens contraire. Mais, quand les queues ont un très grand développement, en forme de nageoires, elles empêchent les parties basses de monter sur le dos de la femelle. Les mâles ont les canaux du sperme très minces, et les femelles ont des matrices membraneuses, près de l’intestin ; c’est dans ces matrices fendues en deux parts que l’œuf se loge. § 4[58]. Les mollusques s’accouplent en s’appuyant mutuellement sur leur bouche, et en engageant leurs tentacules. Pour eux, ce mode d’accouplement est nécessaire, parce que dans ces animaux la nature a rapproché l’issue recrémentitielle de la bouche, en les repliant sur eux-mêmes, ainsi qu’on l’a expliqué plus haut dans les Etudes sur les Parties des Animaux. Dans chacune de ces espèces, la femelle a une matrice fort distincte. Tout d’abord, l’œuf qu’elle retient est informe ; en se séparant de la matrice, cet œuf se multiplie en plusieurs, que la femelle pond un à un ; et ils sont alors dans cet état incomplet où sont ceux des poissons ovipares. § 5[59]. Dans les crustacés et dans les mollusques, il n’y a qu’un seul et même canal pour les excréments et pour la partie qui représente la matrice ; et c’est sans doute par là que l’animal lance sa laite. Du reste, ces parties sont dans le dessous du corps, là où le manteau s’ouvre pour laisser entrer l’eau de la mer. C’est par cette partie que se fait l’accouplement du mâle et de la femelle ; car il faut nécessairement que le mâle s’approche du canal matriciel, soit qu’il émette du sperme, soit qu’il introduise quelque organe, soit qu’il y remplisse telle autre fonction. Dans les polypes, l’introduction du tentacule du mâle dans le canal n’a pas l’objet que les pêcheurs lui prêtent, quand ils disent que c’est par le tentacule que ces animaux s’accouplent. C’est bien un rapprochement que cherchent ces animaux ; mais ce n’est pas là l’organe qui accomplit la génération, puisqu’il est en dehors du canal et du corps de l’animal. § 6[60]. Parfois, les mollusques s’accouplent aussi par les parties supérieures du corps ; mais jusqu’à présent, on n’a pas pu savoir encore si c’est en vue de la génération, ou pour toute autre cause.

§ 7[61]. Il y a des insectes qui s’accouplent ; et alors, les jeunes naissent d’animaux qui portent le même nom, comme cela se passe dans les animaux qui ont du sang ; telles sont les sauterelles, les cigales, les araignées, les guêpes et les fourmis. D’autres insectes s’accouplent bien aussi, et ils produisent ; mais ce ne sont pas des êtres congénères qui sortent d’eux ; ce ne sont que des larves. Parfois encore, les insectes naissent non plus d’animaux vivants, mais de liquides ou de matières sèches en décomposition ; par exemple, les psylles, les mouches, les cantharides. Il y en a d’autres qui ne naissent ni d’êtres animés ni d’accouplements, comme les empides, les taons et une foule d’espèces analogues. § 8[62]. Dans la meilleure partie de celles qui s’accouplent, les femelles sont plus grosses que les mâles. On n’a pas découvert de canaux prolifiques dans les mâles ; et, dans la plupart des cas, le mâle n’introduit quoi que ce soit dans la femelle ; mais c’est au contraire la femelle qui introduit quelque chose dans le mâle, de bas en haut. On a pu observer le fait sur plusieurs espèces d’insectes ; et l’on a constaté, en outre, que le mâle monte sur la femelle. Il est vrai qu’on a constaté également tout le contraire sur quelques rares espèces, de telle sorte qu’on ne saurait établir par là des divisions en genres. § 9[63]. Du reste, cette différence de grosseur de la femelle au mâle se représente aussi dans la plupart des poissons, et même dans les quadrupèdes ovipares ; les femelles y sont plus grosses que les mâles, parce qu’elles peuvent ainsi mieux supporter le poids que les œufs produisent dans la gestation. Dans ces insectes encore, l’organe correspondant à la matrice est fendu près de l’intestin, comme chez tous les autres animaux ; et c’est là que se logent les embryons. C’est ce qu’on peut observer clairement sur les sauterelles, et sur ceux des insectes qui sont un peu gros et qui sont faits pour s’accoupler ; mais presque tous sont extrêmement petits.


CHAPITRE X

Du sperme et du lait, l’un et l’autre étant des parties similaires : tous les animaux qui ont du sang ont du sperme ; incertitudes pour les insectes et les mollusques ; part de la femelle dans l’acte de l’accouplement ; questions diverses à se poser sur le concours des deux sexes dans l’acte générateur ; question de savoir si le sperme vient de toutes les parties du corps ; quatre arguments en faveur de l’affirmative.


§ 1[64]. On vient de voir quels sont les organes de la génération chez les animaux dont il n’avait pas été question antérieurement ; mais nous avions aussi laissé de côté, parmi les éléments similaires, la liqueur séminale et le lait. Le moment est venu de nous en occuper ; nous traiterons dès maintenant de la semence, nous réservant d’en venir plus tard à étudier le lait.

§ 2[65]. Il est bien certain que tous les animaux auxquels la nature a donné du sang, émettent du sperme ; mais on ne sait pas précisément ce qu’il en est pour les insectes et pour les mollusques. Par conséquent, il faut rechercher si tous les mâles émettent ou n’émettent pas de liqueur séminale. Si tous sans distinction n’en émettent pas, il faut se demander pourquoi les uns en émettent, et pourquoi les autres n’en émettent point. § 3[66]. Il y aura en outre à rechercher si les femelles émettent ou n’émettent pas de liqueur séminale ; et si elles n’émettent pas de sperme ni rien qui y ressemble, en quoi elles concourent à la génération, en y apportant quelque chose qui n’est pas cependant spermatique. § 4[67]. Une autre question qu’il faudra étudier également, c’est de savoir quel concours les animaux qui émettent de la liqueur séminale apportent, par cette liqueur, dans la génération ; et crime manière générale, il faudra se rendre compte de la nature du sperme et de la nature particulière de ce qu’on appelle les menstrues, dans toutes les espèces d’animaux qui émettent ces liquides. § 5[68]. Comme il paraît bien que tous les animaux viennent de sperme, et comme les spermes viennent toujours des parents, c’est une même question de savoir si la femelle et le mâle émettent l’un et l’autre de la semence, ou s’il n’y a que l’un des deux qui en émette, et si le sperme vient de toutes les parties du corps, ou s’il ne vient pas de toutes ces parties. S’il ne vient pas du corps tout entier, la raison nous porte à croire qu’il ne vient pas non plus des deux parents à la fois.

§ 6[69]. Quelques naturalistes ayant prétendu que le sperme vient de toutes les parties du corps indistinctement, il faut examiner ce premier point avant les autres. Ici, il n’y a guère que quatre arguments à invoquer en faveur de cette théorie. En premier lieu, on allègue la violence du plaisir. La même sensation de plaisir est d’autant plus vive qu’elle est plus étendue ; et elle est d’autant plus étendue qu’elle se produit, non dans une seule partie ou dans quelques parties isolément, mais dans toutes sans exception. Un second argument, c’est que, de parents contrefaits, naissent des jeunes contrefaits. On suppose que le sperme ne peut pas venir de la partie qui est défectueuse, et qu’alors la partie d’où il n’en vient pas ne peut pas se reproduire. Un autre argument se tire de la ressemblance des jeunes à leurs parents ; car tantôt c’est par leurs corps entiers qu’ils ressemblent à leurs auteurs, ou bien ce sont simplement des parties qui ressemblent à des parties. Si c’est parce que le sperme vient du corps entier que le corps tout entier est ressemblant, il faut en conclure que c’est parce, qu’il vient aussi quoique chose de chacune des parties que les parties se ressemblent. Enfin, il paraît également rationnel de croire que, s’il y a quelque chose d’où vient primitivement le tout, il doit venir aussi quelque chose de chacune des parties, de telle sorte que, s’il y a du sperme pour le corps entier, il doit y avoir également un sperme particulier pour chacune des parties qui le composent.

§ 7[70]. On apporte encore d’autres preuves à l’appui de cette doctrine ; et ces preuves sont assez fortes. Ainsi, les enfants ressemblent à leurs parents, non seulement pour des choses congéniales, mais pour des choses tout à fait accidentelles. Les parents ayant des cicatrices, par exemple, on a vu de leurs enfants avoir la marque de la cicatrice dans les mêmes endroits du corps. A Chalcédoine, on a vu un père qui s’était fait tracer une lettre sur le bras, avoir un enfant chez qui la lettre s’était reproduite, quoique un peu confuse et un peu irrégulière.


CHAPITRE XI

Réfutation de la théorie qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps ; la ressemblance des enfants aux parents n’est pas une preuve ; la femme d’Elis ; saut par-dessus une génération ; la ressemblance ne peut pas venir des parties similaires, pas plus que des parties non similaires ; si dans le sperme les parties sont séparées, elles ne peuvent pas vivre ; et si elles y sont combinées, l’animal est déjà tout formé ; erreur d’Empédocle ; différences de fonctions et de propriétés entre les parties similaires et les non-similaires : génération particulière de certains animaux qui ne viennent pas de congénères ; erreur d’Ànaxagore ; exemples tirés des plantes et de la reproduction par boutures ; exemples tirés des insectes, où l’intromission vient de la femelle et non du mâle ; la vivacité du plaisir que donne le rapprochement des sexes ne prouve pas davantage que le sperme vienne de tout le corps ; cause de ce plaisir ; les parents contrefaits n’ont pas toujours des enfants qui leur ressemblent ; le sperme n’a pas de sexe ; examen de la question de savoir quelle est la part de l’un et l’autre sexe dans l’acte de la génération.


§ 1[71]. Nous venons d’exposer presque tous les arguments principaux sur lesquels on s’appuie, quelquefois, pour soutenir que le sperme vient du corps tout entier ; mais en approfondissant la question, on se range plus volontiers à l’opinion contraire. Il est assez facile de répondre aux arguments qu’on avance, et de montrer, en outre, qu’il ressort de cette doctrine une foule d’impossibilités. § 2[72]. D’abord, la ressemblance n’est pas du tout une preuve que le sperme vient de tout le corps, puisque souvent les enfants ressemblent à leurs parents par la voix, les cheveux, les ongles, les gestes, d’où pourtant il ne vient rien de spermatique. Il est aussi bien des choses que les parents n’ont pas au moment où ils engendrent, par exemple, des cheveux gris ou de la barbe au menton. De plus, les enfants ressemblent parfois a des ancêtres, dont ils n’ont pourtant rien reçu ; car les ressemblances sautent parfois plusieurs générations. On cite l’exemple de la femme qui, a Elis, avait eu commerce avec un Ethiopien ; sa fille ne fut pas une Ethiopienne ; mais ce fut l’enfant de sa fille qui plus tard fut Ethiopien. § 3[73]. On pourrait appliquer la même observation à des plantes ; car il est clair que, pour elles aussi, il faudrait que la semence vint de toutes les parties du végétal. Or, bien des plantes manquent de certaines parties ; et l’on peut leur en enlever d’autres qui repoussent. On ne peut pas soutenir non plus que la semence vienne de leur péricarpe ; et pourtant les péricarpes aussi se reproduisent dans la même forme.

§ 4[74]. On peut encore se demander si le sperme vient exclusivement de chacune des parties similaires, chair, os, nerf, ou bien s’il vient en outre des parties non similaires, visage, mains. Si le sperme ne vient que des parties similaires, on peut cependant remarquer que c’est par les parties non-similaires que les enfants ressemblent le plus aux parents, visage, mains et pieds. Si ces ressemblances ne peuvent pas tenir à ce que le sperme vient de tout le corps, qui empêche de croire que les ressemblances des autres parties ne tiennent pas davantage à cette cause particulière, mais à quelque cause différente ? § 5[75]. Si les ressemblances ne viennent que des parties non similaires, elles ne viennent donc plus de toutes les parties du corps. C’est néanmoins des parties similaires quelles devraient venir bien plutôt, puisque les parties similaires sont antérieures, et que les parties non similaires sont composées de celles-là. De même donc que les enfants ressemblent aux parents par la figure, par les mains, de même aussi ils devraient leur ressembler par la chair et par les ongles. § 6[76]. Si l’on admet que les ressemblances viennent tout à la fois des deux espèces de parties, quel est alors le mode de la génération ? Les parties non similaires sont formées de parties similaires, de telle sorte que sortir des unes ce serait aussi sortir des autres et de leur concours. Il en est absolument en ceci comme il en est du sens qui ressort et résulte d’un mot quelconque qu’on a écrit. S’il ressort quelque sens de ce mot entier, c’est qu’il doit sortir aussi quelque sens de chacune des syllabes qui le composent ; et c’est parce qu’un certain sens sort des syllabes, que quelque sens ressort aussi des lettres et de leur combinaison. § 7[77]. Par conséquent, puisque les chairs et les os sont formés de feu et d’éléments analogues, à plus forte raison pourrait-on dire que le sperme vient des éléments. Mais comment pourrait-il venir de leur combinaison ? Et cependant sans cette combinaison, il n’y a pas de ressemblance possible. Si plus tard quelque autre cause venait à produire la ressemblance, ce serait alors à cette nouvelle cause qu’il faudrait la rapporter, et non pas à ce que le sperme viendrait du corps tout entier.

§ 8[78]. Si les parties sont séparées dans le sperme, comment peuvent-elles y vivre ? Si elles y sont réunies, alors elles y forment déjà un petit animal. Puis, ensuite, que fait-on des parties venant des organes honteux ? On ne peut pas dire que ce soit pour elles la même chose qui sorte du mâle et de la femelle ; et si c’est de l’un et de l’autre tout entiers que le sperme sort, alors il y aura deux animaux, puisque l’animal aura toutes les parties des deux à la fois. § 9[79]. Si cette doctrine était vraie, Empédocle pourrait paraître d’accord avec cette opinion, du moins jusqu’à un certain point ; mais s’il faut par hasard en admettre une autre, Empédocle se trompe. Il croit en effet qu’il y a dans le mâle et la femelle une sorte de concours, et que la fonction parfaite et totale n’appartient complètement à aucun des deux. « La nature des organes, dit-il, est partagée ; et l’une est dans l’homme….. » Alors, pourquoi les femelles n’enfantent-elles pas à elles seules, si le sperme vient de tout le corps, et si le sperme a aussi un réceptacle dans la femelle ? § 10[80]. Mais autant qu’on peut le savoir, ou le sperme ne vient pas de tout le corps ; ou, du moins, il n’en vient pas de la façon qu’Empédocle le dit. Des éléments identiques ne sortent pas du mâle et de la femelle ; et voilà pourquoi il est besoin qu’ils se réunissent. Mais cette réunion même n’est pas possible dans le système d’Empédocle ; car ces parties, bien que toutes grandes, ne peuvent pas se conserver si elles sont isolées, ni avoir la vie à la manière dont Empédocle entend la création, quand il dit en parlant de l’Amour : « C’est ainsi que bien des têtes naquirent sans leur cou ; et qu’ensuite les membres se combinèrent » Il y a, dans toute cette théorie, une impossibilité manifeste. Sans âme et sans vie quelconque, de tels produits n’ont pu subsister ; pas plus qu’en les supposant animés, ils n’ont pu se réunir pour former de plusieurs êtres un seul être. § 11[81]. C’est bien là toutefois la même erreur que l’on commet en soutenant que le sperme vient de tout le corps, puisque le rôle que l’Amour joue sur la terre selon Empédocle, ceux-là le voient jouer par le sperme dans le corps entier. Toutefois, il est bien impossible que les parties naissent toutes continues, et qu’elles se réunissent ensuite toutes formées, en un seul et unique lieu. § 12[82]. D’autre part, on peut demander comment alors les parties de haut et de bas, les parties de droite et de gauche, les parties de devant et de derrière, peuvent se séparer et se distinguer. Dans tout ceci, il est bien impossible de comprendre quoi que ce soit. De plus, les parties différent les unes des autres, celles-ci par leur fonction, et celles-là par leurs propriétés. Les unes qui sont non similaires se définissent, parce qu’elles peuvent agir de certaine manière comme la langue et la main ; les autres, qui sont similaires, ont des propriétés diverses et fort distinctes entre elles. Le sang n’est pas sous tous les rapports uniquement du sang ; la chair n’est pas uniquement de la chair.

§ 13[83]. Il est donc évidemment impossible que ce qui provient des parties du corps porte le même nom que ces parties, et, par exemple, que ce qui vient du sang soit du sang et que ce qui vient de la chair soit de la chair. Mais s’il est certain que le sang provient de quelque chose qui n’est pas du sang, il est tout aussi clair que la cause de la ressemblance n’est pas celle qu’on indique, quand on soutient que le sperme vient de toutes les parties du corps. Il suffit de dire que le sperme ne vient que d’une seule de ces parties, puisque le sang ne vient pas du sang ; car alors pourquoi toutes choses sans distinction ne viendraient-elles pas d’une seule et unique chose ?

§ 14[84]. Cette théorie semble se rapprocher beaucoup de celle d’Anaxagore, qui prétend qu’aucune des parties similaires ne peut jamais naître. Seulement, Anaxagore applique cette théorie à toutes choses, tandis que les philosophes dont nous parlons ne l’appliquent qu’à la génération des animaux. Et puis, comment les particules qui viendraient de tout le corps pourraient-elles s’accroître et se développer ? Anaxagore a raison de dire que les chairs, grâce à la nourriture, viennent s’adjoindre aux chairs. Mais quand on n’est pas de cette opinion et qu’on soutient que le sperme vient de tout le corps, comment peut-on expliquer que la partie grandira par l’adjonction de quelque autre élément, si cet élément ajouté reste tel qu’il est ? § 15[85]. Mais, si cet élément ajouté est susceptible de changer, pourquoi ne pas admettre que le sperme est organisé de telle sorte qu’il puisse immédiatement produire du sang et des chairs, bien qu’il ne soit par lui-même ni de la chair ni du sang ? On ne peut pas même soutenir que c’est plus tard que l’être s’accroîtra par le mélange, comme le vin s’accroît quand on y verse de l’eau, puisque c’est surtout au début que le sang, qui est à ce moment tout à fait sans mélange, représente chaque partie du corps. Mais, dans l’état actuel des choses, c’est plutôt postérieurement qu’il devient chair, os, ou chacune des autres parties du corps. Du reste, supposer qu’une particule du sperme est le nerf, une autre partie l’os, c’est là une théorie qui dépasse trop notre intelligence pour que nous la discutions.

§ 16[86]. Il faut encore se demander si les deux sexes femelle et mâle diffèrent l’un de l’autre dès la conception, comme le veut Empédocle, quand il dit : « Ils furent versés dans des éléments purs ; et rencontrant du froid, ils devinrent des femmes. » On voit cependant les femmes et les hommes changer également, en ce sens qu’ils deviennent féconds d’inféconds qu’ils étaient, et qu’ils ont des enfants mâles, après avoir eu des enfants du sexe féminin. Dès lors, la cause n’en est pas que le sperme vient de tout le corps ; mais elle tient à ce que le fluide qui vient de la femme et du mari a ou n’a pas la proportion convenable ; ou, peut-être est-ce encore quelque autre cause analogue à celle-là. § 17[87]. Il est donc bien évident, si nous admettons cette théorie, que le produit femelle ne vient pas de quelque élément d’où il sortirait, pas plus que l’organe spécial que possèdent le mâle et la femelle, puisque le même sperme peut indifféremment devenir femelle ou mâle, et qu’il n’y a pas dans le sperme de partie spéciale pour l’un des deux sexes. Mais, quelle différence peut-il y avoir à dire cela de cette partie et à le dire de toutes les autres ? Car si le sperme ne vient pas de la matrice, cette même assertion peut s’appliquer à toutes les autres parties également.

§ 18[88]. Il y a, en outre, des animaux qui ne viennent que congénères, ni même d’un genre différent du leur, les mouches, par exemple, et les espèces appelées des psylles (pucerons). Il en sort bien des animaux, mais dont la nature n’a rien qui leur ressemble ; c’est une sorte de larves. Il est bien clair que ces êtres hétérogènes ne viennent pas d’un sperme sortant de toutes les parties du corps, sans distinction ; car ils seraient semblables, si la ressemblance est une preuve que le sperme vient de tout le corps. § 19[89]. Un autre argument, c’est qu’il y a des animaux où il suffit d’un seul rapprochement pour produire un grand nombre d’êtres. C’est tout à fait le cas des plantes ; car on peut voir, pour les végétaux, qu’il suffit d’un seul mouvement pour qu’ils portent tout leur fruit annuel. Et comment cette multiple fécondation serait-elle possible si la semence venait de tout le corps ? Nécessairement, il n’y a qu’une seule séparation de possible, à la suite d’un seul rapprochement, et d’une seule sécrétion. Mais il est bien impossible que cette séparation se fasse dans les matrices ; car alors ce ne serait plus là se séparer du sperme ; mais ce serait comme se séparer d’une jeune plante ou d’un jeune animal. § 20[90]. Ajoutons que les marcottes prises sur la plante portent aussi de la semence ; et que, par conséquent, il est évident qu’avant même d’être détachées, elles portaient un fruit de la même grandeur, et que la semence ne venait pas de la plante tout entière.

§ 21[91]. Mais c’est surtout des insectes que nous pouvons tirer la preuve la plus satisfaisante que le sperme ne provient pas de tout le corps. Ainsi, dans la plupart des insectes, si ce n’est dans tous, la femelle, lors de l’accouplement, introduit une partie d’elle-même dans le mâle ; et l’accouplement se fait de la manière que nous avons antérieurement expliquée ; les parties d’en bas s’introduisent dans celles d’en haut, si ce n’est chez tous les insectes, du moins dans le plus grand nombre de ceux qu’on a pu observer. Il en résulte évidemment que, pour tous les mâles qui émettent quelque semence, la cause de la génération n’est pas que le sperme vient de tout le corps ; mais la génération tient à une autre cause, que nous aurons à étudier plus tard, puisque, si en effet le sperme venait de tout le corps, comme on le prétend, ceci ne voudrait pas dire encore qu’il doit sortir de toutes les parties, mais seulement de ce qui est vraiment formateur, de même que l’œuvre vient du maçon et non pas de la matière qu’il emploie. Ceci est tout aussi déraisonnable que si l’on jugeait de la ressemblance d’après la chaussure que le fils peut porter, toute pareille à celle que porte son père.

§ 22[92]. Quant au plaisir extrême que cause le rapprochement des deux sexes, il ne tient pas à ce que le sperme vienne du corps tout entier, mais uniquement à ce que l’excitation est très vive. Cela est si vrai que, si ce rapprochement est trop fréquent, le plaisir qu’on y trouve en s’y livrant, devient beaucoup plus faible. C’est surtout à la fin du rapprochement que cette jouissance se fait sentir le plus vivement ; et il faudrait, si ce système était vrai, qu’on la ressentit dans chacune des parties du corps successivement et non tout à la fois, dans les unes d’abord, et dans les autres ensuite.

§ 23[93]. Que de parents contrefaits viennent des enfants contrefaits, c’est la même cause qui fait les ressemblances des enfants avec leurs auteurs. De parents qui sont contrefaits, viennent des enfants qui ne le sont pas, comme il y a des enfants qui ne ressemblent pas du tout à leurs parents. Nous expliquerons plus tard à quoi tient cette différence ; car, au fond, cette question est la même de part et d’autre. Enfin, si la femelle n’a pas de sperme, on peut affirmer par le même motif que le sperme ne vient pas de tout le corps ; et réciproquement, si le sperme ne vient pas du corps tout entier, il n’y a rien qui empêche la raison de croire qu’il ne vient pas non plus de sperme de la femelle, et que la femelle participe à la génération d’une autre manière. C’est là le point que nous allons examiner, à la suite de ce qui précède, puisqu’il est maintenant évident que le sperme n’est pas sécrété de toutes les parties du corps.


CHAPITRE XII

Etude particulière de la nature du sperme, pour savoir quelle est son action ; sens divers donnés à cette expression qu’une chose vient d’une autre ; citation d’Epicharme ; sens dans lequel on peut dire que tous les êtres viennent de semence ; définition du sperme dans les espèces où il y a deux sexes ; différence de l’excrétion, qui est naturelle, et de la concrétion, qui est contre nature ; le sperme n’est pas l’un des deux ; il n’est pas une concrétion contre nature, comme l’ont cru les Anciens ; c’est une excrétion de la portion utile des aliments ; preuves à l’appui de cette théorie ; l’acte de l’accouplement est toujours suivi d’un affaiblissement et d’une détente ; il n’y a pas de sperme dans le premier âge ni dans la vieillesse ; différences dans la quantité du sperme selon les individus et selon les espèces ; influence de la santé et de la maladie ; l’excès de nourriture diminue la sécrétion spermatique ; élaboration morbide du sperme ; les gens trop gras sont généralement inféconds ; maladies que cause l’écoulement du sperme se confondant avec l’urine ; le canal est le même pour l’expulsion de l’urine et celle du sperme ; l’émission régulière est un soulagement.


§ 1[94]. Le premier point à éclaircir, pour cette étude et pour celles qui vont suivre, c’est de savoir ce qu’est le sperme ; une fois ce point fixé, nous pourrons beaucoup mieux comprendre son action et tous les phénomènes qui s’y rapportent. On peut bien dire que la nature du sperme est telle qu’il est le premier élément d’où sortent tous les êtres que la Nature compose. Mais ce n’est pas de lui que provient ce qui les fait ; et, par exemple, ce n’est pas le sperme qui fait l’homme, puisque c’est de l’homme au contraire que vient le sperme. § 2[95]. D’ailleurs, il y a bien des sens à cette expression qu’une chose vient d’une autre chose. Un de ces sens divers, c’est celui où nous disons que du jour vient la nuit, ou que l’homme vient de l’enfant. Ceci veut dire simplement qu’une chose vient après une autre chose. Un second sens, c’est quand nous disons que la statue vient de l’airain, ou que le lit vient du bois, ne voulant dire, dans toutes ces expressions, que ceci, à savoir que les choses produites viennent de la matière qui les compose, et qui est considérée comme subsistant dans l’objet, et y recevant une forme qui le complète et en fait un tout. Un troisième sens, c’est quand on dit que, de savant, on devient ignorant, que de bien portant on devient malade. Dans ce cas et d’une manière générale, c’est dire que le contraire vient du contraire. Enfin, outre ces sens différents, il y en a encore un qu’on pourrait appeler avec Epicharme la superstruction, comme lorsqu’on dit que de la médisance vient l’outrage, et que de l’outrage vient la rixe. Cela revient alors à dire que, dans ce cas, le principe du mouvement vient de telle ou telle chose. § 3[96]. Dans quelques-unes de ces expressions, on sous-entend que le principe du mouvement est dans les agents eux-mêmes, comme dans les derniers exemples que l’on vient de citer, puisque la médisance fait bien aussi partie de tout le désordre qu’elle cause. Dans quelques autres de ces expressions, l’agent est en dehors de l’objet ; ainsi, l’art est en dehors des produits qu’il crée, la lampe est extérieure à la maison où elle met le feu.

§ 4[97]. Il est évident que le sperme doit être dans une de ces deux conditions indiquées : ou l’être produit doit venir de lui comme matière ; ou bien, comme principe du mouvement initial. Le sperme n’est pas simplement la succession d’une chose venant après une autre, comme le voyage à Délos vient après les Panathénées. Le sperme n’est pas non plus un contraire venant du contraire ; car le contraire ne vient de son contraire qu’en le remplaçant et en le supprimant ; et il faut alors supposer quelque chose de préexistant d’où sortira le contraire oppose. § 5[98]. Des deux sens que nous venons de citer, quel est celui qui doit s’appliquer au sperme ? Ainsi, faut-il le considérer comme matière et comme passif ? Ou bien faut-il, au contraire, le considérer comme forme et comme actif ? Ou bien encore, a-t-il ces deux caractères à la fois ? Peut-être cette discussion nous apprendra-t-elle encore comment la génération se produit par des contraires, dans tous les êtres qui viennent de sperme ; car la génération provenant des contraires est aussi dans la nature, puisque tantôt les êtres viennent des contraires, le mâle et la femelle ; et que tantôt ils viennent d’un seul être, comme en viennent les plantes, et comme en viennent certains animaux, où il n’y a pas de distinction, ni d’isolement, du mâle et de la femelle.

§ 6[99]. On peut donc définir le sperme, ou la semence, en disant qu’il est ce qui sort de l’être qui engendre, chez toutes les espèces d’animaux où la nature a fait un accouplement. C’est le primitif du mouvement de la génération ; et alors, le sperme est ce qui contient les principes venus des deux êtres qui se sont accouplés, comme sont les plantes et quelques animaux où les sexes femelle et mâle ne sont pas séparés. C’est ainsi que le premier mélange de la femelle et du mâle forme une sorte d’embryon ou d’œuf, contenant déjà l’un et l’autre ce qui vient des deux êtres à la fois.

§ 7[100]. Mais le sperme et le fruit qui en vient diffèrent entre eux par la postériorité et l’antériorité. Ainsi, le fruit est fruit parce qu’il vient d’une autre chose, tandis que le sperme est sperme parce qu’il en vient un autre être que celui d’où il sort, bien qu’au fond tous deux soient la même chose. § 8[101]. Mais, on peut encore voir plus précisément ce qu’est la nature première du sperme, dont on parle ici. Ainsi, il y a nécessité que tout ce que nous pouvons observer dans le corps fasse partie des éléments naturels, et alors cette partie est non similaire ou similaire ; ou bien la chose observée est contre nature, tels qu’abcès, excrément, concrétion, ou nourriture quelconque. Par excrément, j’entends le résidu des aliments ; et par concrétion, le produit sécrété par accroissement d’une élaboration contre nature. § 9[102]. D’abord, il est évident que le sperme ne peut pas être une partie du corps ; car il est similaire ; et du sperme, il ne vient aucun organe qui ressemble à ce que produisent le nerf et la chair. De plus, le sperme n’est pas isolé ; et toutes les autres parties le sont. On ne peut pas dire non plus qu’il soit un produit contre nature, pas plus qu’on ne peut dire qu’il est le résultat d’une infirmité, puisqu’il se trouve dans tous les êtres, et que c’est de lui que provient leur propagation naturelle. Quant à la nourriture, elle vient évidemment de l’extérieur, où l’être la puise. Reste donc nécessairement que le sperme ne puisse être que concrétion ou excrétion.

§ 10[103]. Il semble bien que les Anciens l’ont regardé comme une concrétion ; car dire que le sperme vient de tout le corps par la chaleur que provoque le mouvement, cela revient à dire qu’il a la faculté de se concréter. Or, la concrétion est un résultat contre nature, et jamais de ce qui est contre nature ne peut sortir quelque chose de naturel. Il faut donc de toute nécessité que le sperme soit une excrétion. Mais tout produit excrémentiel vient, ou d’une nourriture qui ne peut plus être employée, ou d’une nourriture qui peut encore être utilisée. J’entends par nourriture inutile celle qui ne peut plus contribuer à l’accroissement de l’organisme naturel, ou qui, employée en excès, lui est plutôt nuisible ; et j’entends, par nourriture utile, celle qui produit des effets contraires à ceux-là. § 11[104]. Evidemment, le sperme ne saurait être un excrément inutile, puisque les êtres qui souffrent soit par l’âge, soit par la maladie, ou par complexion spéciale, ont beaucoup d’excrément inutile, et qu’ils ont très peu de sperme. Ils peuvent même n’en avoir pas du tout ; ou bien, celui qu’ils ont n’est pas fécond, parce qu’il s’y mêle d’autres excrétions inutiles et morbides. Donc, le sperme ne peut être que le résultat d’une excrétion utile. § 12[105]. Mais ce qu’il y a de plus utile, dans la sécrétion, c’est le produit dernier, celui d’où doivent enfin se composer chacune des parties du corps. Or, il y a une excrétion antérieure et une excrétion postérieure. L’excrétion de la première nourriture, c’est le phlegme, ou tel autre produit analogue ; et, ainsi, le phlegme est une excrétion de la nourriture utile. La preuve, c’est que, mêlé à de la nourriture pure, il nourrit le corps, et qu’il est absorbé dans les maladies. Mais, le résidu dernier de la nourriture la plus abondante est toujours en très petite quantité.

§ 13[106]. Ici, il faut se rappeler comment les animaux et les plantes s’accroissent par la petite addition que chaque jour leur apporte ; or, cette addition, toujours la même, pourrait, quelque minime qu’elle soit, leur donner à la fin une grandeur démesurée. Il faut donc à ce point de vue dire tout le contraire de ce que disaient les anciens ; ils croyaient que le sperme est ce qui vient du corps tout entier ; nous, à l’opposé, nous dirons que le sperme est ce qui va dans tout le corps. Ils le prenaient pour une concrétion ; nous y verrons bien plutôt une excrétion surabondante. Il est plus rationnel de supposer que ce qui devient semblable, c’est le dernier produit obtenu et la partie qui surabonde ; de même que les peintres n’obtiennent souvent la ressemblance du portrait qu’ils font, qu’après avoir essayé et perdu bien des esquisses. § 14[107]. Toute concrétion détruit ce qui la précède, et s’écarte de la nature propre de l’objet. Ce qui prouve bien que le sperme n’est pas une concrétion, et qu’il est plutôt une excrétion, c’est que les grands animaux ne produisent que peu de jeunes, tandis que les petits animaux en produisent énormément. Or, dans les grands animaux, il y a nécessairement plus de concrétion ; et il y a beaucoup moins de sécrétion, attendu que, le corps étant très gros, la plus grande partie de la nourriture est employée à son usage et qu’il reste fort peu d’excrétion à expulser.

§ 15[108]. Nous remarquons en outre que la nature n’a pas assigné de lieu spécial à la concrétion, mais que la concrétion s’écoule et se forme là où dans le corps elle trouve la voie la plus facile. Au contraire, toutes les excrétions ont un lieu qui est parfaitement déterminé par la nature : le ventre d’en bas, pour l’excrément de la nourriture solide ; la vessie, pour l’excrément liquide ; l’estomac d’en haut, pour la nourriture à employer ; les matrices, les verges, les mamelles, pour les excrétions spermatiques ; car c’est dans tous ces lieux que les sécrétions s’accumulent et s’écoulent.

§ 16[109]. Tous ces phénomènes attestent bien que le sperme est ce que nous venons de dire ; et si ces phénomènes se produisent comme nous le voyons, c’est que la nature de cette sécrétion est bien telle que nous l’expliquons. Il suffit que la moindre partie du sperme s’échappe du corps pour que l’affaiblissement soit manifeste, comme si les corps étaient alors privés du résultat pour lequel la nourriture est faite. Cependant il y a quelques individus en pleine vigueur chez lesquels l’émission du sperme, quand il surabonde, produit, pour peu de temps, un soulagement réel, comme si la nourriture première était en eux excessive et surabondante ; car lorsqu’elle sort, les corps ne s’en portent que mieux. § 17[110]. Ce soulagement se produit encore quand d’autres excrétions que le sperme sortent avec lui ; car le sperme n’est pas seul quand il vient à sortir du corps ; mais bien d’autres forces mêlées à la sienne sortent en même temps que lui. Or ces forces sont morbides ; et de là vient que, chez quelques individus, l’émission qu’ils rejettent est assez souvent inféconde, parce qu’elle a trop peu de parties spermatiques. Mais chez la plupart des animaux et dans la plupart des cas ordinaires, la suite de l’acte vénérien est bien plutôt un relâchement et une faiblesse, par la raison que nous venons d’en donner.

§ 18[111]. C’est encore là ce qui fait qu’il n’y a de sperme, ni dans le premier âge, ni dans la vieillesse, ni dans les temps de maladie, parce que l’on est alors accablé de faiblesse par la souffrance, parce que, dans la vieillesse, la nature n’a plus la coction suffisante, et que, dans la jeunesse, toute la nourriture est employée uniquement à la croissance, qui est le plus pressant besoin ; car c’est dans les cinq premières années de la vie que, chez l’homme, le corps gagne à peu près la moitié de la grandeur totale qu’il doit avoir pour le reste de ses jours.

§ 19[112]. Il y a d’ailleurs, en ce qui concerne le sperme, des différences d’espèce à espèce, soit pour bon nombre d’animaux, soit pour les plantes. Il y en a de non moins grandes dans la même espèce, pour des êtres homogènes, d’un individu à un autre individu, par exemple d’un homme à un homme, d’une vigne à une vigne, etc. Car tantôt la semence est abondante ; tantôt il n’y en a que très peu ; parfois même, il n’y en a pas du tout. § 20[113]. Ce n’est pas toujours par faiblesse, et c’est même quelquefois par une cause tout opposée. Des gens d’ailleurs bien constitués, mais prenant trop de chair ou trop de graisse, émettent moins de sperme et ont moins de besoins sexuels. C’est la même observation qu’on peut faire sur les ceps de vigne, qui s’emportent par suite d’une nourriture trop abondante, et qui ne donnent presque rien, comme les boucs qui, en devenant trop gras, sont aussi moins prolifiques. On retranche ces ceps pour soulager la vigne, dont on dit qu’elle fait le bouc, à cause de la disposition particulière du bouc quand il prend trop de graisse. § 21[114]. De même, on remarque que les femmes et les hommes qui engraissent trop, deviennent moins féconds que les gens qui n’engraissent pas, parce que la sécrétion qui se cuit chez des gens si bien nourris tourne à une graisse excessive, la graisse n’étant qu’une sécrétion de pleine santé, résultat d’une trop bonne nourriture. D’autres fois, il n’y a pas du tout de semence, comme, dans les végétaux, pour le saule et le peuplier. Les deux causes qu’on vient de dire peuvent déterminer également cette disposition : ou la coction n’a pas lieu par impuissance ; ou, au contraire, la sécrétion fonctionne avec trop de puissance et d’énergie. § 22[115]. De même, il se forme beaucoup de graines et beaucoup de sperme, tantôt par excès de force, et tantôt par faiblesse. Il se forme alors une excrétion surabondante et inutile qui se mêle au sperme ; et cette organisation dégénère parfois en une véritable maladie, quand l’évacuation ne s’en fait pas assez régulièrement. Quelques malades en guérissent ; mais il en est d’autres aussi qui en meurent ; et le dépérissement a lieu comme si le sperme se tournait en urine, maladie qui s’est déjà présentée chez plusieurs personnes.

§ 23[116]. Le canal est le même, soit pour l’excrétion urinaire, soit pour le sperme ; et chez les animaux qui ont les deux sortes d’excréments de la nourriture liquide et de la nourriture sèche, là où passe l’expulsion du liquide, là passe également l’expulsion de la liqueur séminale, qui n’est non plus qu’une excrétion de liquide ; car la nourriture de tous les animaux est plutôt liquide que solide ; et là où elle n’est pas liquide, elle le devient par l’expulsion du résidu sec. La concrétion est toujours une maladie, tandis que l’expulsion d’un excrément fait toujours grand bien. L’excrétion du sperme tient des deux, puisqu’il entraîne quelque chose de la nourriture qui n’est plus utile ; s’il n’était qu’une concrétion, il serait toujours nuisible ; mais il n’a pas actuellement cette action fâcheuse.


CHAPITRE XIII

De la nature de la liqueur séminale ; du concours de la femelle dans l’acte de la génération : le sperme est une sécrétion particulière du sang, qui vient lui-même de la nourriture ; émission de sperme sanguinolent, par suite d’excès vénériens ; action puissante du sperme : obscurité de cette question ; les menstrues dans les femelles vivipares sont analogues au sperme dans les mâles ; similitude des phénomènes dans l’homme et dans la femme ; phénomènes particuliers aux femmes ; elles n’émettent pas de liqueur spermatique dans la cohabitation ; preuves diverses à l’appui de cette observation ; circonstances spéciales où les femmes peuvent ou ne peuvent pas concevoir ; rapports de l’écoulement des menstrues à la conception ; exceptions remarquables ; les cas les plus fréquents sont aussi les plus conformes à l’ordre de la nature.


§ 1[117]. De ce qui précède, il ressort évidemment que le sperme est une excrétion venant de la nourriture utile, élaborée à son dernier degré de perfection, soit que d’ailleurs tous les animaux émettent du sperme, soit qu’ils n’en émettent pas tous. Après ces considérations, il reste à déterminer de quelle espèce de nourriture le sperme est la sécrétion, et aussi à expliquer ce que sont les menstrues, puisqu’il y a des espèces de vivipares chez lesquelles les menstrues se manifestent. § 2[118]. Ceci nous fera voir également, pour la femelle, si elle émet du sperme comme le mâle en émet, et si le produit qui vient des deux spermes en est un mélange ; ou bien s’il ne provient aucun sperme de la femelle. S’il est reconnu que la femelle n’émet pas de sperme, il faudra nous demander si elle ne concourt pas en une autre manière à la génération, et si elle ne fait qu’en fournir le lieu ; ou si, au contraire, elle contribue pour sa part à la génération. Enfin, ceci admis, il faudra savoir quelle est cette part, et de quelle manière la femelle la donne.

§ 3[119]. Antérieurement, nous avons dit que, dans les animaux qui ont du sang, c’est le sang qui est la nourriture définitive, et que, dans les animaux qui n’ont pas de sang, c’est la partie qui y correspond. Mais comme la semence génératrice est l’excrétion de la nourriture et de la nourriture finale, le sperme ne peut qu’être, ou du sang, ou l’analogue du sang, ou quelque produit venant du sang et de la nourriture. § 4[120]. D’un autre côté, comme c’est du sang recuit et divisé de certaine façon que se forme chacun des organes du corps, et comme le sperme élaboré se sépare bien autrement du sang que lorsqu’il n’est pas recuit, et comme quand on pousse à l’excès le plus violent l’usage du sexe, le sperme sort quelquefois tout sanguinolent, on peut en conclure que le sperme est une sécrétion de la nourriture sanguine et définitive, qui s’est répandue jusque dans les dernières parties du corps. § 5[121]. C’est là ce qui donne au sperme son action si puissante ; car l’expulsion du sang le plus pur et le plus sain ne peut que détendre et épuiser l’animal. La raison comprend dès lors très bien aussi comment les rejetons ressemblent aux parents qui les ont engendrés ; car ce qui se rend aux divers organes est tout à fait pareil à ce qui reste dans le corps. De cette sorte, le sperme qui vient de la main, ou du visage ou de tout l’animal est indistinctement la main, ou le visage, ou l’animal entier ; et l’on peut dire que ce que chacune de ces parties est en réalité, le sperme l’est en puissance, ou selon sa propre masse, ou selon la force quelconque qu’il a en lui-même. § 6[122]. C’est qu’en effet, d’après les discussions précédentes, nous ne voyons pas encore très nettement si c’est le corps même du sperme qui est cause de la génération, ou s’il a une qualité particulière, et s’il contient un principe de mouvement générateur. En effet, ni la main ni aucune autre partie du corps ne peut, sans une force vitale ou telle autre force, être une main ni aucune partie du corps ; et elle n’en a que le nom par simple homonymie.

§ 7[123]. Il est clair aussi que, dans tous les animaux où il y a une concrétion spermatique, le sperme n’en est pas moins une excrétion. Cet effet se produit quand il y a une dissolution en l’élément qui survient, comme la couche superficielle d’un enduit disparaît sur-le-champ ; alors ce qui s’en va est entièrement semblable à la première addition qu’on avait faite. C’est absolument de même que la sécrétion dernière est pareille à la première concrétion. Mais sur ce point, ce que nous venons de dire doit nous suffire.

§ 8[124]. Il est nécessaire que l’être qui est le plus faible ait une excrétion plus abondante et moins mûrie ; et quand il en est ainsi, la quantité de liquide sanguin doit aussi être considérable. On doit entendre par Plus faible ce qui par sa nature a moins de chaleur ; et nous avons vu antérieurement que telle est l’organisation de la femelle. Il s’ensuit que la division sanguine qui se fait dans la femelle doit de même être un excrément ; et c’est là précisément l’expulsion qu’on appelle les menstrues. § 9[125]. Il en résulte évidemment que les menstrues ne sont qu’une excrétion, et que les menstrues dans la femelle sont tout à fait analogues à ce que la liqueur séminale est dans le mâle. C’est ce que nous démontrent les phénomènes qui se rat-tachent aux évacuations menstruelles. Ainsi, c’est au même âge où le sperme vient à se produire et s’élabore dans les mâles, que les mois font éruption chez les femelles. C’est au même âge encore que la voix mue, et que se produisent les mouvements qui ont lieu dans les mamelles. C’est encore vers la fin des mêmes périodes que, chez les uns, cesse la puissance d’engendrer, et que les menstrues cessent chez les autres.

§ 10[126]. Voici d’autres preuves nouvelles qui démontrent que cette sécrétion chez les femelles n’est que l’expulsion d’un excrément. Le plus souvent les femmes n’ont ni hémorrhoïdes, ni saignement de nez, ni aucune affection de ce genre, tant que leurs mois ne s’arrêtent pas ; et quand il leur survient quelque affection de ce genre, leurs purgations mensuelles deviennent moins complètes, comme si la sécrétion ordinaire s’était changée en ces flux irréguliers. § 11[127]. Les femmes ont aussi des veines moins prononcées que celles des hommes. Les femelles sont plus potelées et moins velues que les mâles, parce que la sécrétion qui devrait produire ces effets dans le corps passe dans les menstrues. C’est là aussi sans doute ce qui fait que, dans les vivipares, les dimensions du corps sont moins fortes chez les femelles que chez les mâles. Ce n’est en effet que dans les vivipares qu’on observe l’éruption extérieure des menstrues ; et le phénomène est surtout manifeste chez les femmes ; car les femmes ont l’évacuation la plus abondante comparativement au reste des animaux. Aussi, les femelles sont-elles toujours moins colorées que les mâles ; leurs veines sont moins marquées ; et toute la complexion de leur corps est au-dessous de celle des mâles. Ce sont là des faits de toute évidence.

§ 12[128]. Puisque le fluide qui se produit chez les femelles correspond à la liqueur génératrice chez les mâles, et qu’il n’est pas possible que deux sécrétions spermatiques aient lieu en même temps, il est clair que, dans l’acte de la génération, la femelle n’apporte pas de sperme. Si elle avait du sperme, elle n’aurait pas de menstrues ; et puisque dans l’état actuel, elle a des menstrues, c’est qu’elle n’a pas de sperme. C’est là ce qui nous a fait dire que, comme le sperme, les menstrues sont une excrétion. § 13[129]. Ce qui peut encore le faire croire, ce sont quelques phénomènes qu’on observe sur les autres animaux. Ainsi, les animaux gras ont moins de sperme que ceux qui ne sont pas gras, comme nous l’avons déjà dit. La cause en est que la graisse est une excrétion tout aussi bien que le sperme ; et qu’elle est comme lui du sang recuit ; seulement, la forme de l’élaboration n’est pas la même que pour le sperme. Il est tout simple que, l’excrétion étant employée à produire de la graisse, il en reste beaucoup moins pour la semence génitale, de même que, parmi les animaux dépourvus de sang, ce sont les mollusques et les crustacés qui ont les pontes les plus abondantes ; car, étant exsangues et ne faisant pas dégraisse, ce qui chez eux correspond à la graisse se tourne en sécrétion spermatique.

§ 14[130]. D’autre part, ce qui démontre bien précisément que la femelle n’émet pas de sperme comme le mâle, et que l’embryon ne se produit pas du mélange des deux, ainsi qu’on le prétend quelquefois, c’est que souvent la femme conçoit sans avoir éprouvé le moindre plaisir dans la copulation ; et qu’à l’inverse la sensation ayant été éprouvée tout aussi vivement, et l’homme et la femme ayant fourni la même course, il n’y a pas cependant de génération, si l’écoulement de ce qu’on appelle les menstrues n’a pas eu lieu d’une façon régulière et proportionnée. La femme ne conçoit pas quand elle n’a pas de mois ; mais même quand elle en a, la conception n’a pas lieu tant que l’écoulement continue ; et ce n’est qu’après l’évacuation que la conception est possible, dans la plupart des cas. § 15[131]. C’est que, dans le premier cas, la force qui vient de l’homme et qui est dans le sperme ne trouve, ni la nourriture ni la matière nécessaires à la constitution de l’animal ; et, dans le second cas, cette force est submergée par la quantité de flux mensuel. Mais quand ce flux est tout à fait passé, après avoir eu lieu, ce qui reste se constitue. § 16[132]. Il y a des femmes qui conçoivent sans avoir leurs mois, ou bien qui conçoivent pendant l’évacuation et ne conçoivent plus après. Cela tient à ce que, chez les unes, l’écoulement est assez abondant pour qu’il en reste encore, même après l’évacuation mensuelle, autant qu’il en faut chez les femmes fécondes, bien que la sécrétion ne soit pas assez forte pour se montrer au dehors, tandis que, chez les autres, l’ouverture des matrices se referme après que l’évacuation a eu lieu. Lorsque l’expulsion a été considérable, et que l’évacuation dure encore, sans être assez forte pour entraîner le sperme dans le flux extérieur, un rapprochement produit la conception. § 17[133]. D’ailleurs, il n’y a pas à s’étonner que les menstrues coulent encore après que la conception a eu lieu ; car, si elles coulent pendant quelque temps après, ce n’est qu’en petite quantité, et elles ne durent pas tout le temps ordinaire, c’est là une disposition morbide que peu de femmes éprouvent et qu’elles éprouvent rarement. Les dispositions les plus ordinaires sont aussi les plus conformes à la nature.


CHAPITRE XIV

Erreur de quelques naturalistes sur la part de la femme dans la génération ; la femme n’émet pas de liqueur séminale ; arguments divers contre cette erreur ; le plaisir, les enfants, les hommes impuissants ; action spéciale des menstrues ; leur répartition dans les différentes classes d’animaux ; citation de l’Histoire des Animaux ; abondance des menstrues et du sperme dans l’espèce humaine, plus grande que dans aucune autre espèce ; rapports nombreux du sperme et des menstrues ; effets de la séparation des sexes ; détermination plus précise de la part respective du mâle et de la femelle ; le mâle est le principe moteur et l’agent ; la femelle donne la matière, et elle est passive ; les faits observés sont d’accord avec la théorie générale, qui se tire de la raison.


§ 1[134]. Jusqu’ici, deux choses sont évidentes : l’une, c’est que, dans le fait de la génération, la femelle fournit la matière, et que cette matière consiste dans la composition des menstrues ; et l’autre, que les menstrues sont une excrétion. § 2[135]. Si quelques naturalistes ont pensé que la femme émet de la semence dans la copulation, par ce motif que parfois les femmes éprouvent autant de plaisir que les hommes et qu’elles émettent une excrétion liquide, c’est là une erreur. Ce liquide n’a rien de spermatique ; et c’est le fluide spécial de cet organe chez quelques femmes. Les matrices ont une sécrétion particulière, qui a lieu chez telles femmes et qui n’a pas lieu chez telles autres. Celles qui ont la peau blanche et qui sont plus efféminées ont presque toutes cette sécrétion, tandis que les brunes et celles qui ont une forme virile n’y sont pas sujettes. § 3[136]. Dans les femmes qui émettent ce liquide, la quantité n’est pas celle du sperme ; mais elle est parfois beaucoup plus forte. Les aliments ont aussi une influence décisive sur la quantité de la sécrétion, qui est plus ou moins abondante selon les individus ; l’action des aliments de haut goût produit manifestement cette augmentation du fluide sécrété. § 4[137]. Quant au plaisir que provoque la cohabitation, il ne tient pas uniquement à l’émission du sperme, mais encore à la suspension du souffle, qui s’accumule au moment où le sperme sort. C’est ce qu’on peut observer chez les enfants, qui ne peuvent pas encore rien émettre, mais qui approchent de cet âge, et aussi chez les hommes qui n’ont pas de semence ; ils éprouvent tous du plaisir par l’attouchement des organes. Parfois, quand ce sont des hommes adultes qui ont perdu la faculté génératrice, le ventre se dérange, parce que l’excrétion, qui ne peut pas mûrir et devenir du sperme, s’épanche dans le ventre. § 5[138]. L’enfant a presque la figure d’une femme, et la femme ressemble à un homme qui n’engendre plus ; elle est frappée d’une sorte d’impuissance, qui consiste à ne pouvoir mûrir le sperme provenant de la dernière élaboration de la nourriture. Or, ce produit extrême, c’est le sang, ou la partie correspondante dans les animaux exsangues. Cette Impuissance tient dans la femme à la froideur de sa nature. De même donc que la diarrhée provient de la coction imparfaite dans les intestins, de même c’est une insuffisance pareille dans les veines qui produit les autres flux hémorroïdaux et cette hémorroïde particulière qu’on appelle les menstrues. Seulement, les hémorroïdes ordinaires sont une maladie, tandis que celle-là est très naturelle.

§ 6[139]. On comprend donc fort bien que la génération puisse venir des menstrues, et la raison le voit avec évidence. Les menstrues sont un sperme qui n’est pas tout à fait pur et qui a encore besoin d’élaboration ; comme on peut l’observer dans la production des fruits, lorsque la nourriture existe bien, mais n’est pas encore tout a fait filtrée et qu’elle a besoin d’être élaborée pour se purifier davantage. Aussi, se mêlant a la liqueur séminale, et celle-ci se mêlant à la nourriture épurée, l’une engendre, et l’autre nourrit. § 7[140]. Ce qui montre bien encore que les femmes n’émettent pas de sperme, c’est que, dans la copulation, elles éprouvent du plaisir à être touchées dans le même endroit où les hommes en éprouvent également, bien qu’il n’y ait pas alors une émission liquide. § 8[141]. Il faut ajouter que cette sorte d’excrétion ne se produit pas chez toutes les femelles ; mais seulement dans les espèces qui ont du sang, et pas même dans toutes ces espèces, mais seulement dans celles qui n’ont pas la matrice sous le diaphragme, et qui ne sont pas ovipares. Cette excrétion n’a pas lieu davantage chez les animaux qui sont privés de sang, et qui n’ont qu’un fluide analogue. Ce qui fait le sang chez certaines espèces d’animaux est chez ceux-là une tout autre combinaison. § 9[142]. C’est la sécheresse des corps qui fait qu’il n’y a pas d’évacuation purifiante chez ces animaux, non plus que chez ceux dont nous venons de parler, parmi les animaux qui ont du sang, je veux dire ceux qui ont la matrice en bas et qui ne sont pas ovipares. Cette sécheresse ne produit qu’une petite quantité d’excrétion ; elle n’en laisse que juste ce qu’il faut pour la génération, et pas assez pour en émettre au dehors, § 10[143]. Les animaux qui sont vivipares sans d’abord produire un œuf, et ces animaux sont l’homme et tous les quadrupèdes qui fléchissent en dedans les membres de derrière, et qui sont vivipares sans faire d’œuf préalablement, tous ces animaux-là ont la purgation mensuelle ; il n’y a d’exception que s’ils sont infirmes dès leur naissance, comme le mulet. Néanmoins, dans toutes ces espèces, les évacuations ne se manifestent pas au dehors comme chez l’espère humaine. Du reste, on trouvera dans l’Histoire des Animaux des détails exacts sur cette fonction pour chaque espèce d’animal.

§ 11[144]. Ce sont les femmes qui, de tous les animaux, ont l’évacuation la plus abondante, de même que ce sont les hommes qui émettent le sperme en plus grande quantité, comparativement à leur dimension corporelle. Cela tient à la constitution de leur corps qui est à la fois humide et chaude ; car, c’est dans ces conditions que l’excrétion est nécessairement la plus considérable possible. De plus, ces animaux n’ont pas dans leur corps de parties pour lesquelles soit employée la sécrétion, comme cela a lieu chez bien d’autres ; leur corps n’a pas de poils abondants, ni de très grandes sécrétions d’os, de cornes et de dents. § 12[145]. Ce qui pourrait prouver qu’il y a du sperme dans les menstrues, c’est que cette excrétion séminale, ainsi qu’on l’a dit plus haut, vient, chez les hommes, au même âge que les menstrues se montrent chez les femmes, comme si c’était, chez les uns et chez les autres, au même moment que se développent les lieux destinés à recevoir cette double excrétion. Dans les deux sexes, les lieux circonvoisins se dessèchent, et les poils chu pubis viennent à fleurir. § 13[146]. Quand ces lieux sont sur le point de se développer, ils se gonflent d’air. Cet effet se produit plus clairement chez les hommes, dans les testicules et aussi dans les mamelles ; chez les femmes, c’est plutôt dans les mamelles ; car dans la plupart d’entre elles, les mois font éruption quand les seins se soulèvent déjà de deux doigts.

§ 14[147]. Dans les êtres animés ou la femelle et le mâle ne sont pas séparés, le sperme est une sorte d’embryon ; et j’entends par embryon le premier mélange qui ailleurs vient de la femelle et du mâle, parce que d’un seul sperme il ne vient qu’un seul corps, comme d’un seul grain une seule tige, comme d’un seul œuf un seul animal ; car les œufs doubles ne sont réellement que la réunion de deux œufs. Mais dans toutes les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il peut naître d’un seul sperme plusieurs animaux ; et la nature semble faire une grande différence pour le sperme entre les animaux et les plantes. Ce qui le prouve, c’est que, d’un seul et unique accouplement, peuvent venir plusieurs êtres dans les espèces qui peuvent produire plus d’un jeune à la fois. § 15[148]. C’est bien là encore une preuve nouvelle que la semence génératrice ne vient pas de tout le corps ; car les deux sexes étant séparés, les éléments ne pourraient, ni venir, ni se détacher immédiatement de la même partie du corps, ni se réunir dans les matrices pour s’y séparer ensuite. Mais le phénomène se passe ici comme la raison peut le supposer. C’est le mâle qui apporte la forme et le principe du mouvement ; la femelle apporte le corps et la matière, de même que, dans la coagulation du lait, c’est le lait qui est le corps, tandis que c’est le petit lait, la présure, qui a le principe coagulant. C’est là aussi la même action que produit ce que le mâle apporte, en se divisant, dans la femelle. § 16[149]. Nous étudierons ailleurs la cause qui fait qu’il y a, tantôt plusieurs produits, tantôt qu’il y en a un moindre nombre, et tantôt un seul. Mais le sperme n’avant aucune différence spécifique, si la portion divisée est en rapport régulier et proportionnel avec la matière, c’est-à-dire, s’il n’y a, ni trop peu pour pouvoir la mûrir et la constituer, ni trop, de manière à la dessécher, alors il se forme plusieurs embryons. Mais, du premier composé, il ne sort qu’un animal unique, quand ce composé est unique aussi.

§ 17[150]. Ainsi donc, dans l’acte de la génération, la femelle n’apporte pas de liqueur séminale ; mais cependant elle y apporte quelque chose, et c’est la composition des menstrues, ou ce qui y correspond dans les animaux qui n’ont pas de sang. § 18[151]. C’est ce qui doit être clair d’après ce que nous venons de dire ; mais cela n’est pas moins évident à ne considérer les choses qu’au point de vue général de la raison. Ainsi, il faut nécessairement un être qui engendre et un être de qui vient l’être engendré. Quand bien même les deux se réunissent dans un seul individu, les deux différent au moins spécifiquement, et leur notion essentielle est autre. La raison nous dit encore que, dans des êtres où les fonctions sont séparées, il faut bien que la nature de l’agent soit autre que celle du patient. Si donc le mâle peut être regardé comme le moteur et l’agent, et que la femelle soit en quelque sorte passive en tant que femelle, il s’ensuit que, dans la semence du mâle, la femelle apporte, non pas de la semence, mais de la matière. C’est bien là ce qui semble être exactement le fait ; et la nature des menstrues joue en ceci le rôle de la matière première de l’embryon.


CHAPITRE XV

Part du mâle dans l’acte de la génération ; rapports réciproques de l’agent et du patient ; l’agent ne met pas nécessairement une partie intégrante dans le patient ; preuves tirées des animaux où c’est la femelle qui introduit quelque chose dans le mâle ; exemples des insectes ; exemples plus frappants encore tirés des oiseaux et des poissons ovipares ; expériences sur les œufs clairs des oiseaux et sur les accouplements répétés ; exemple de la fécondation des œufs de poissons par la laite des mâles. — Résumé général et conclusion sur l’action du sperme


§ 1[152]. Tenons-nous-en à l’explication qui vient d’être donnée, et qui nous indique en même temps ce que doit être la suite de cette étude, c’est-à-dire, quelle peut être la part du mâle dans la génération, et de quelle manière le sperme venant de lui est la cause de l’être qui est engendré. Le sperme est-il un élément intrinsèque de cet être, et une partie immédiate du corps qui se produit, en se mêlant à la matière qui se trouve dans la femelle ? Ou bien le corps engendré n’emprunte-t-il rien du sperme, si ce n’est son action puissante et le mouvement qu’il provoque ? C’est cette puissance en effet qui produit l’être ; et le composé qui se constitue et reçoit la forme n’est que le résidu de l’excrétion qui est dans la femelle. La raison semble ici être tout à fait d’accord avec les faits qu’on observe. § 2[153]. A considérer les choses en général, il ne paraît pas, en effet, quand un être unique vient à se produire par le concours d’un patient et d’un agent, que l’agent se retrouve intrinsèquement dans le produit, pas plus que cet être ne vient absolument du mobile et du moteur. Mais il est certain que la femelle, en tant que femelle, est passive, et que le mâle, en tant que mâle, est l’agent et le principe initial du mouvement. Que si on les considère l’un et l’autre dans leur sens extrême, où l’un est pris comme agent et moteur, et l’autre comme patient et mobile, ce qui sort des deux ne peut être un que comme, de la main de l’ouvrier et du bois qu’il travaille, sort le lit ; ou comme, de la cire et de la forme, sort une boule sphérique, § 3[154]. Il est donc évident qu’il n’est pas nécessaire que quelque chose vienne de l’agent, ou que, si quelque chose en vient, il n’est pas nécessaire que le produit qui en sort le contienne comme partie intégrante, au lieu d’en venir simplement comme du moteur et de la forme. C’est absolument encore comme le malade qui est guéri vient de l’art du médecin. Cette théorie que la raison admet se trouve confirmée par les faits. § 4[155]. C’est là ce qui fait que, dans quelques espèces où les mâles s’accouplent à des femelles, le mâle n’introduit aucun organe dans la femelle, mais que c’est au contraire la femelle qui en introduit un dans le mâle ; tel est le cas qu’on observe chez quelques insectes. L’action que le sperme exerce dans la femelle chez les animaux qui émettent du sperme, est remplacé pour eux par la chaleur et la force qui est dans l’animal lui-même, la femelle introduisant dans le mâle l’organe qui peut recueillir l’excrétion. § 5[156]. De là vient que, dans ces animaux, l’accouplement dure longtemps ; et qu’une fois séparés l’un de l’autre, la production a lieu très promptement. Ils restent accouplés jusqu’à ce qu’il se forme une action pareille à celle de la liqueur génératrice ; mais quand le mâle et la femelle se sont disjoints, le produit ne tarde pas à sortir. Ce produit est alors incomplet ; car tous les animaux de ce genre ne produisent que des larves.

§ 6[157]. Mais ce sont les observations qu’on peut faire sur les oiseaux et sur les poissons ovipares qui prouvent de la manière la plus décisive que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps ; que le mâle n’émet pas quelque matière qui soit une partie intégrante de l’embryon engendré ; et que c’est uniquement par la force qui est dans la semence qu’il crée un être vivant, ainsi que nous venons de le dire pour les insectes, chez lesquels la femelle introduit quelque organe dans le mâle. § 7[158]. Si, par exemple, un oiseau qui a pondu des œufs clairs est coché de nouveau, avant que l’œuf n’ait pu changera ce point que le jaune tout entier se soit converti en blanc, il fait des œufs féconds en place d’œufs clairs ; et si l’oiseau s’accouple quand le jaune existe encore, toute la couvée des jeunes reproduit le mâle qui a coché. Aussi, les gens qui tiennent à avoir de belles races d’oiseaux s’arrangent-ils pour confondre les premières copulations avec les dernières ; ce qui suppose que le sperme ne peut pas se mêler ni devenir partie intégrante, et qu’il ne provient pas non plus du corps entier ; car si le sperme venait des deux parents, le poussin aurait alors deux fois les mêmes organes. § 8[159]. C’est donc justement par la force qui anime le sperme, qu’il transforme et modifie la matière et la nourriture qui est dans la femelle ; car c’est la dernière intromission du sperme qui peut avoir cet effet, par la chaleur et la coction qu’elle détermine. L’œuf en effet prend de la nourriture tout le temps qu’il met à croître. § 9[160]. On peut faire encore des observations semblables sur les poissons, dans les espèces qui sont ovipares ; car leur génération est la même. Quand la femelle a pondu les œufs, le mâle vient répandre sa laite ; et ceux des œufs que la laite a pu toucher sont féconds, tandis que ceux qu’elle n’atteint pas restent stériles. Ceci prouve bien que, dans les animaux, le mâle ne contribue pas à la quantité, mais seulement à la qualité.

§ 10[161]. De tout ce qu’on vient de voir, on peut évidemment conclure que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps, dans les animaux qui émettent du sperme. On peut conclure en outre que la femelle ne concourt pas à la génération de la même manière que le mâle ; le mâle donne le principe du mouvement, tandis que la femelle donne la matière, c’est justement pour cela que la femelle ne peut à elle seule engendrer quoi que ce soit ; il lui faut absolument un principe extérieur et un être qui produise le mouvement et qui détermine l’espèce essentielle de l’être produit.


CHAPITRE XVI

Du rôle particulier de la femelle dans la génération ; c’est dans la femelle qu’est la conception ; comparaison de la femelle à la matière dont se sert l’ouvrier ; rôle particulier du mâle ; il n’apporte comme l’ouvrier que la forme et l’idée ; fonction des mains et des instruments qu’elles meuvent sous la direction de l’intelligence ; intervention plus évidente de la Nature dans les espèces où les mâles ne sont pas assez forts pour émettre du sperme.


§ 1[162]. Il y a des animaux, comme les oiseaux, par exemple, dans lesquels la Nature ne pousse la génération que jusqu’à un certain point ; ils font des œufs ; mais ces œufs sont imparfaits, et c’est ce qu’on appelle des œufs clairs. La production des petits futurs se fait bien alors dans la femelle ; mais elle n’a pas lieu dans le mâle. Le mâle n’émet pas de semence non plus que n’en émet la femelle ; mais tous deux concourent à réunir dans la femelle ce qui doit provenir d’eux, parce que c’est dans la femelle que se trouve la matière de laquelle doit sortir l’être constitué par les deux parents. Il faut que tout d’abord cette matière y soit assez abondante pour organiser primitivement le produit qui est conçu, et pour qu’ensuite vienne successivement la matière qui doit servir à la croissance du produit. Par conséquent, c’est nécessairement dans la femelle que se trouve la parturition. § 2[163]. C’est absolument le même rapport que celui de l’ouvrier au bois qu’il travaille, de la terre glaise au potier qui l’emploie ; et d’une manière générale, c’est le rapport de toute fabrication et de tout mouvement définitif à la matière employée ; c’est le même rapport que celui de la construction aux choses construites. § 3[164]. C’est en raisonnant d’après ces données que l’on peut comprendre quelle est la part du mâle dans l’acte de la génération. Ainsi, tout mâle n’émet pas de sperme ; et quand les mâles en émettent, le sperme n’est pas une partie de l’embryon qui est produit, pas plus qu’il ne vient de l’ouvrier quoi que ce soit de la matière des bois façonnés par lui ; il ne se trouve pas dans l’œuvre produite la moindre partie de l’art de l’ouvrier, si ce n’est la forme et l’idée, réalisées par le mouvement qu’il détermine dans la matière. § 4[165]. Or, c’est dans l’âme que se trouve l’idée et la science, qui impriment aux mains, ou à telle autre partie du corps, un mouvement d’une certaine espèce, différent quand le résultat produit est différent, le même quand le résultat est le même. Les mains font mouvoir les instruments, et les instruments meuvent la matière, c’est là aussi ce que fait la Nature, chez les animaux qui émettent du sperme ; elle se sert de ce sperme comme d’un instrument qui possède le mouvement en acte, de même que, dans les produits de l’art, ce sont les instruments qui sont mis en mouvement, parce que c’est dans les instruments qu’est, on peut dire, le mouvement de l’art.

§ 5[166]. Ainsi, dans toutes les espèces qui émettent du sperme, c’est de cette façon que le sperme contribue à la génération. Dans les espèces qui n’émettent pas de sperme, et où c’est la femelle qui dépose dans le mâle quelques éléments venus d’elle, la femelle agit à peu près comme quelqu’un qui apporterait la matière à l’artiste qui doit la façonner. A cause de la faiblesse de ces mâles, la Nature ne peut rien faire par des intermédiaires ; et c’est à peine si, en intervenant directement elle-même, les mouvements nécessaires qu’elle provoque ont la force suffisante ; elle agit alors à peu près comme les artistes qui ne travaillent qu’avec leur main, au lieu de travailler avec les outils ordinaires. Elle ne se sert pas de l’intervention d’un intermédiaire pour obtenir le produit qu’elle forme ; mais elle s’y met elle-même avec ses propres organes.


CHAPITRE XVII

De la génération dans les plantes ; le mâle et la femelle n’y sont pas séparés ; citation d’un vers d’Empédocle ; génération dans les animaux qui n’ont pas de sang ; leur long accouplement et ses causes ; quelques points de comparaison et de différence entre les animaux et les plantes ; indication d’ouvrages de Botanique ; c’est la sensibilité et le goût qui distinguent l’animal ; degrés divers dans la sensibilité et dans l’intelligence ; grandeur de la vie ; les zoophytes ; théories ultérieures.


§ 1[167]. Dans tous les animaux qui se meuvent, la femelle est séparée du mâle ; l’un et l’autre sont individuellement des animaux différents ; mais l’espèce est la même pour les deux, comme elle l’est, ainsi qu’on peut le voir, chez l’homme ou chez le cheval. Mais dans les plantes, ces deux puissances sont réunies, et la femelle n’est pas séparée du mâle. Aussi, les plantes se reproduisent-elles d’elles-mêmes ; elles n’émettent pas de liqueur génératrice ; mais elles ont la production qu’on appelle leur semence. § 2[168]. On ne peut donc qu’approuver Empédocle, quand il dit dans ses vers :

« Tels les grands oliviers ont dû pondre leurs œufs. »

car l’œuf n’est qu’un germe, et c’est d’une de ses parties que naît l’animal ; le reste ne sert qu’à le nourrir ; de même, le végétal vient d’une partie de la semence, et le reste devient la nourriture de la tige et de la première racine. § 3[169]. Il en est bien à peu près de même dans les espèces d’animaux où la femelle et le mâle sont séparés, du moment où la génération doit précisément se produire, il y a quelque chose qui n’est pas plus divisé que ne le sont les plantes, et la nature veut que les deux individus en deviennent un seul. On peut vérifier, en regardant à l’union et à l’accouplement des êtres, que c’est un seul et unique animal qui provient des deux à la fois. § 4[170]. Les animaux qui n’émettent pas de sperme, tantôt restent accouplés pendant un temps fort long, jusqu’à ce que le germe à produire soit constitué ; et c’est ce qui se passe chez les insectes qui s’accouplent. Tantôt ils demeurent accouplés, jusqu’à ce qu’ils aient projeté et introduit quelqu’une de leurs parties extérieures, qui, pour constituer le germe, a besoin de plus de temps qu’il n’en faut aux animaux qui ont du sang. Tantôt enfin, ils restent accouplés une partie du jour, et la conception ne s’achève ensuite qu’en plusieurs autres jours. Quand ils ont émis leur liqueur, ils se quittent. § 5[171]. On pourrait assez grossièrement se figurer que les animaux sont divisibles autant que des plantes, comme si, lorsque les plantes ont produit leur semence, on les désunissait, en isolant la femelle et le mâle qu’elles contiennent. La Nature a du reste bien sagement disposé tout cela, l’organisation des végétaux n’a pas d’autre objet ni d’autre action que de produire la semence ; et comme cette production ne peut avoir lieu que par l’accouplement de la femelle et du mâle, la Nature a eu soin de les mêler et de les unir l’un à l’autre dans les plantes. Aussi, voilà comment dans les plantes la femelle et le mâle ne sont pas séparés.

§ 6[172]. Mais nous avons étudié les plantes dans d’autres ouvrages. Quant à l’animal, il n’est pas chargé seulement de se reproduire, ce qui est une fonction commune à tout ce qui vit ; mais, en outre, tous les animaux ont une certaine faculté de connaître ; les uns l’ont plus ; les autres l’ont moins ; et quelques-uns même l’ont très peu. Cela vient de ce qu’ils sont cloués de sensibilité, et que la sensation est déjà à un certain degré une connaissance. § 7[173]. On trouve de grandes différences entre le degré supérieur et le degré infime de cette connaissance, quand on considère la pensée dans quelques êtres et qu’on les compare à la classe des êtres inanimés. Rapprochés de la pensée, la faculté du toucher et le sens du goût, auxquels d’autres êtres participent, ne semblent vraiment rien ; mais comparés à l’insensibilité absolue de la plante et du minéral, c’est une chose merveilleuse. Il peut même sembler préférable de jouir de cette connaissance, toute imparfaite qu’elle est, plutôt que d’être mort ou d’être un néant. § 8[174]. C’est par la sensibilité que l’animal se distingue des êtres qui ne font que vivre. Comme il faut nécessairement que tout ce qui est animal ait aussi la vie, du moment que l’animal doit accomplir la fonction spéciale d’un être vivant, il s’accouple, il s’unit, et il devient alors une espèce de plante, ainsi que nous l’avons déjà dit. § 9[175]. Les testacés, qui occupent une place intermédiaire entre les plantes et qui tiennent à ces deux classes, ne remplissent les fonctions, ni de l’une, ni de l’autre. En tant que plante, ils n’ont ni femelle ni mâle, et ils n’engendrent pas dans un autre être ; en tant qu’animal, ils ne portent pas d’eux-mêmes un fruit, comme en portent les plantes ; mais ils se constituent et se reproduisent par une combinaison terreuse et humide. Nous aurons du reste à parler plus tard de leur génération.


LIVRE DEUXIEME



CHAPITRE PREMIER.

Du principe supérieur de la génération des animaux ; l’idée du mieux et la cause finale ; de la séparation des sexes ; animaux qui émettent du sperme ; animaux qui n’en émettent pas ; fonctions du mâle et de la femelle : les vivipares et les ovipares : différence de l’œuf et de la larve ; variétés dans les vivipares et les ovipares ; des quadrupèdes et des bipèdes ; la différence dans le nombre des pieds n’est pas un caractère suffisant de classification ; diversité de la génération selon les degrés de chaleur dans les animaux ; les poissons, les crustacés, les mollusques ; classification des animaux d’après la perfection plus ou moins grande des jeunes qu’ils produisent : les insectes et leurs larves ; les chrysalides et leurs métamorphoses ; résumé partiel.


§ 1[176]. Nous avons établi antérieurement que la femelle et le mâle sont les principaux agents de la génération, et nous avons défini l’action de chacun d’eux et étudié leur essence. Pour expliquer comment il se fait que l’un devient et est femelle, et que l’autre devient et est mâle, il faut que la raison se dise qu’elle n’a que deux partis à prendre, soit en recourant à la nécessité d’un premier moteur et d’une matière déterminée, soit en recourant au principe supérieur du mieux et à la cause finale. § 2[177]. C’est qu’en effet, parmi les choses, les unes sont éternelles et divines, tandis que les autres peuvent indifféremment être ou n’être pas. Le bien et le divin, par leur nature même, sont toujours causes du mieux possible dans les choses contingentes ; mais ce qui n’est pas éternel peut, tout à la fois, exister, et être susceptible de participer, tour à tour, du pire et du meilleur. Or, l’âme vaut mieux que le corps ; l’être animé vaut mieux que l’être inanimé, à cause de l’âme qu’il possède ; être vaut mieux que ne pas être ; vivre vaut mieux que ne pas vivre. Il n’y a pas d’autres causes que celles-là pour la génération des animaux. § 3[178]. Cet ordre d’êtres n’est pas de nature à être éternel ; mais une fois nés, ils deviennent éternels dans la mesure où ils peuvent le devenir. Numériquement et pris un à un, c’est impossible, puisque l’essence de tout ce qui est, c’est d’être individuel ; s’il était dans les conditions voulues, il serait certainement éternel ; mais il peut être éternel en espèce. C’est ainsi que subsistent perpétuellement l’espèce humaine, par exemple, l’espèce des animaux, et l’espèce végétale. § 4[179]. Le principe des uns et des autres étant la femelle et le mâle, la femelle et le mâle sont faits en vue de la génération dans les êtres qui ont les deux sexes. Mais la cause qui donne le mouvement initial étant, de sa nature, meilleure et plus divine que la matière, puisque c’est dans cette cause que se trouvent l’essence de l’être et son espèce, il vaut mieux aussi que le meilleur soit séparé du moins bon. Voilà comment, partout où la séparation est possible, et dans la proportion où elle est possible, le mâle est séparé de la femelle ; car le principe du mouvement, qui est le mâle dans tous les êtres qui naissent, est meilleur et plus divin ; la femelle n’est que le principe qui représente la matière. § 5[180]. Le mâle se réunit donc et se joint à la femelle pour accomplir l’œuvre de la génération, qui leur est commune à tous deux. C’est en recevant une part du mâle et de la femelle que les êtres participent à la vie. C’est encore à cette condition que les plantes ont aussi une part de vie, bien que l’ordre des animaux se distingue des plantes par la faculté de la sensibilité, dont ils sont doués.

§ 6[181]. Dans la plupart des animaux qui peuvent se mouvoir, la femelle et le mâle sont séparés, par les raisons que nous venons d’exposer. Les uns, ainsi que nous l’avons vu, émettent du sperme dans l’accouplement ; d’autres n’en émettent pas. La cause en est que ces animaux sont plus élevés et plus indépendants par leur nature même, et qu’ils prennent plus de développement et de grandeur. Or, ce développement ne saurait avoir lieu sans la chaleur que l’âme produit ; car il faut nécessairement une force plus grande pour mouvoir un être plus grand ; et c’est la chaleur qui détermine le mouvement. Aussi, à considérer les choses en général, peut-on dire que les animaux qui ont du sang sont plus gros que ceux qui n’en ont pas, et que les animaux qui marchent et se meuvent sont plus gros que les animaux immobiles.

§ 7[182]. On doit comprendre maintenant d’où vient qu’il y a un mâle et une femelle. Mais, parmi les animaux, les uns mènent à fin et produisent au dehors un être semblable à eux, et ce sont ceux qui mettent au jour des êtres vivants ; les autres produisent un être qui n’a pas encore de membres, et qui n’a pas reçu définitivement sa forme. De ces derniers animaux, ceux qui ont du sang font des œufs : ceux qui n’ont pas de sang font des larves. L’œuf et la larve diffèrent en ce que dans l’œuf, il y a une certaine partie d’où vient l’être qui en naît, tandis que l’autre partie restante sert à nourrir l’être naissant. Au contraire, la larve est ce dont sort entièrement fait l’être auquel toute entière elle donne naissance. § 8[183]. Quant aux animaux vivipares qui mettent au jour un être qui est semblable à eux et complet, les uns sont directement vivipares en eux-mêmes, comme l’homme, le cheval, le bœuf, et, parmi les animaux marins, le dauphin et les êtres de même ordre. Les autres sont d’abord ovipares en eux-mêmes, et ensuite vivipares au dehors, comme ceux qu’on appelle Sélaciens. § 9[184]. Entre les ovipares, les uns font leur œuf complet, comme les oiseaux, par exemple, comme les quadrupèdes ovipares, et les ovipares dépourvus de pieds, tels que les lézards et les tortues d’une part, et, d’autre part, le plus grand nombre des espèces de serpents. Dans tous ces animaux, les œufs une fois sortis ne prennent plus d’accroissement. Au contraire, d’autres ovipares font des œufs imparfaits, comme les poissons, les crustacés et ceux qu’on appelle des mollusques ; car les œufs de ceux-là ne se développent qu’après leur sortie.

§ 10[185]. Tous les vivipares et les ovipares ont du sang ; et tous les animaux qui ont du sang sont ou vivipares ou ovipares, quand ils ne sont pas absolument inféconds. Mais, parmi les exsangues, les insectes font des larves, soit qu’ils naissent d’un accouplement, soit qu’ils se fécondent eux-mêmes. C’est qu’en effet, il y a des insectes qui naissent spontanément ; mais il y en a aussi qui sont mâles et femelles ; ils produisent un être en s’accouplant ; mais l’être ainsi produit est imparfait. Nous avons exposé la cause de ce phénomène dans d’autres ouvrages, antérieurs à celui-ci. § 11[186]. Il y a de grandes variétés de ce genre selon les espèces. Ainsi, tous les animaux à deux pieds ne sont pas vivipares, puisque les oiseaux sont ovipares ; mais, tous les animaux à deux pieds ne sont pas non plus ovipares sans exception, témoin l’homme, qui est vivipare. De même non plus, tous les quadrupèdes ne sont pas ovipares, puisque le cheval, le bœuf et des milliers d’autres espèces sont vivipares ; mais tous les quadrupèdes ne sont pas vivipares, puisque les lézards, les crocodiles et une foule d’autres font des œufs. § 12[187]. Ce n’est pas d’ailleurs parce que les animaux ont des pieds, ou qu’ils n’ont pas de pieds, qu’ils diffèrent à cet égard ; car il y a des animaux sans pieds, des apodes, qui sont vivipares, témoins les vipères et les sélaciens ; et d’autres apodes sont ovipares, comme l’ordre des poissons et le reste des serpents. Parmi les animaux qui sont pourvus de pieds, il s’en trouve un bon nombre qui sont ovipares et vivipares, comme ceux qu’on vient de nommer, et qui ont quatre pieds. En outre, il y a des animaux qui sont pourvus de pieds et qui sont vivipares en eux-mêmes, tels que l’homme, et aussi des animaux apodes, tels que la baleine et le dauphin, qui sont vivipares de la même façon.

§ 13[188]. Il n’est donc pas possible de diviser les classes d’animaux par ces caractères ; et aucun des organes destinés à la marche ne suffiraient à expliquer la cause de leurs différences. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les animaux dont la nature est plus parfaite et qui représentent un principe plus pur, sont vivipares, et qu’aucun animal n’est vivipare en lui-même, s’il ne reçoit l’air et s’il ne respire. Les plus parfaits sont ceux qui, de nature, sont plus chauds et plus humides, et qui ne sont pas terreux. § 14[189]. C’est le poumon qui détermine la chaleur naturelle, dans tous les animaux où cet organe est plein de sang. En général, les animaux qui ont un poumon sont plus chauds que ceux qui n’en ont pas ; et même parmi ceux qui ont un poumon, les plus chauds sont ceux dont le poumon n’est, ni spongieux, ni visqueux, ni peu sanguin, mais, au contraire, plein de sang et mou.

§ 15[190]. De même que le jeune peut être complet, tandis que l’œuf est incomplet ainsi que la larve, de même il est dans l’ordre de la Nature que l’être complet vienne d’un être plus complet que lui. Les animaux qui sont plus chauds parce qu’ils ont un poumon, et qui sont d’une nature plus sèche, ou bien qui sont plus froids et plus humides, tantôt font un œuf complet quand ils sont ovipares ; et tantôt, après avoir fait un œuf, ils sont vivipares en eux-mêmes. Ainsi, les oiseaux et les animaux à écailles pourraient produire des êtres complets à cause de leur chaleur ; mais ils sont ovipares à cause de leur sécheresse. § 16[191]. Quant aux sélaciens, comme ils sont moins chauds que les oiseaux et plus humides qu’eux, ils participent des deux organisations ; ils produisent en eux-mêmes un œuf, et ensuite un être vivant, faisant un œuf, parce qu’ils sont froids, et un être vivant parce qu’ils sont humides. C’est que l’humide est plein de vie, et que le sec est de beaucoup ce qu’il y a de plus éloigné de l’être animé. Or, comme ils n’ont ni ailes, ni carapaces, ni écailles, qui sont les marques d’une nature plus sèche et plus terreuse, ils font un œuf qui est mou. § 17[192]. Mais le terreux ne flotte pas plus à la surface dans l’œuf qu’il n’y flotte dans l’animal lui-même ; et c’est là ce qui fait que ces animaux produisent en eux-mêmes un œuf ; car si l’œuf, n’ayant rien qui le protège, allait au dehors, il y périrait. Mais les animaux plus froids et plus secs produisent un œuf qui est incomplet, et qui a une pellicule dure, parce que ces animaux sont terreux. Cet œuf, tout incomplet qu’il est, peut subsister sain et sauf, parce que son enveloppe est assez ferme pour le protéger.

§ 18[193]. Les poissons qui ont des écailles et les crustacés, qui sont terreux, font aussi des œufs revêtus d’une peau assez résistante. Les mollusques, dont le corps est naturellement visqueux, font réussir les œufs qu’ils répandent de la manière suivante, c’est-à-dire, en versant en abondance sur la ponte une liqueur visqueuse. § 19[194]. Quant aux insectes, ils sont tous larvipares ; et comme ils n’ont pas de sang, ils font leurs larves au dehors. Cependant, les animaux exsangues ne font pas tous des larves sans exception. On remarque beaucoup de variétés entre eux et des uns aux autres, selon qu’ils font des larves, ou selon que l’œuf qu’ils pondent est incomplet, comme le font aussi les poissons, les animaux à carapaces, les crustacés et les mollusques. Pour ceux-ci, les œufs sont produits sous forme de larves, et ils se développent et croissent au dehors ; pour les autres, les larves prennent plus tard la forme d’œufs. Dans ce qui va suivre, nous expliquerons comment se passent tous ces phénomènes.

§ 20[195]. Il faut bien nous dire que la Nature s’arrange toujours pour que la génération soit régulière et continue. Les animaux les plus parfaits et les plus chauds font un jeune qui est complet quant à la qualité ; car aucun animal ne produit un jeune qui soit complet quant à la quantité, puisque tout ce qui naît prend de la croissance ; et les animaux supérieurs produisent les jeunes immédiatement en eux-mêmes. § 21[196]. Mais, les animaux de second ordre n’engendrent pas directement en eux-mêmes des êtres complets ; ils ne sont vivipares qu’après avoir fait préalablement un œuf en eux-mêmes ; et au dehors, ils font un petit vivant. Il en est qui ne font pas un animal vivant, mais seulement un œuf ; et cet œuf, en lui-même, est complet. Ceux même d’entre ces animaux dont la nature est plus froide ne font pas un œuf complet ; mais leur œuf se complète et s’achève au dehors, comme on le voit dans les poissons à écailles, dans les crustacés et dans les mollusques. Quant au cinquième ordre, qui est le plus froid de tous, il ne produit pas d’œuf directement ; mais il subit au dehors les transformations dont on a parlé. Ainsi, les insectes font d’abord des larves ; la larve en se développant devient une sorte d’œuf ; car ce qu’on appelle la chrysalide remplit la fonction de l’œuf ; et de cet œuf, provient ensuite un animal qui, dans ce troisième changement, prend son développement définitif.

§ 22[197]. En résumé, il y a des animaux qui, comme on l’a dit antérieurement, ne viennent pas de sperme ; mais tous les animaux qui ont du sang viennent de sperme, et ce sont ceux chez lesquels, à la suite d’un accouplement, le mâle introduit le sperme dans la femelle ; cette semence ainsi introduite fait que le jeune se constitue et reçoit la forme qui lui est propre. D’autres animaux reçoivent la vie dans les parents eux-mêmes ; enfin, d’autres animaux viennent dans des œufs, dans des spermes, ou par des transformations analogues.


CHAPITRE II

Question générale de la production des animaux ; trois conditions indispensables, la matière, la cause et l’essence ; la matière est dans la femelle ; la cause est dans le sperme ; son action spéciale ; citations des vers Orphiques ; de la production des différents organes ; comparaison avec le mouvement des automates, dont l’un fait mouvoir l’autre, et produit une succession de mouvements indépendants ; mouvement à peu près semblable communiqué par le sperme ; il donne le premier mouvement, et les parties diverses de l’animal se développent à la suite ; comparaison des productions de la Nature et des productions de l’art ; le sperme a une âme, principe de la nutrition et de la croissance de tous les êtres, des plantes aussi bien que des animaux ; le cœur est le premier organe qui paraît en eux : et il est le principe de la croissance ultérieure.


§ 1[198]. Une question plus difficile se présente ici : comment se peut-il que de la semence, soit des plantes, soit des animaux, il sorte un être quelconque ? Il y a nécessité évidente que tout ce qui naît naisse de quelque chose, par l’action de quelque chose, et soit lui-même quelque chose. De quelque chose, c’est la matière, que certains animaux portent primitivement en eux-mêmes, après l’avoir reçue de la femelle. C’est ce que font tous les animaux qui ne viennent pas de vivipares, mais qui proviennent d’œufs ou de larves. D’autres aussi tirent leur nourriture de la femelle, pendant un temps fort long, par l’allaitement, comme le font tous ceux qui sont issus de vivipares, soit au dehors, soit même en dedans. Ainsi, cette matière est bien ce dont viennent les animaux. § 2[199]. En second lieu, on se demande non plus De quoi viennent les animaux, mais Par quelle action sont faites les parties qui les composent. Ou bien, c’est quelque chose d’extérieur qui les fait ; ou bien, il y a dans la semence et dans le sperme quelque chose qui s’incorpore à eux : et ce quelque chose est, ou une certaine partie de l’âme, ou l’âme entière, ou ce qui pourrait acquérir une âme. Mais, la raison ne peut pas admettre que ce soit quelque chose d’extérieur qui vienne composer chacun des viscères, ou chacune des autres parties quelconques de l’animal ; car il est impossible qu’il y ait mouvement s’il n’y a pas de contact, et que, s’il n’y a pas de moteur, l’être puisse éprouver de lui quoi que ce soit. § 3[200]. Il faut donc qu’il y ait primitivement, dans le germe même, quelque chose d’originaire qui soit, ou une partie de lui, ou quelque partie qui en soit séparée. Que ce quelque chose soit séparé, et autre que lui, c’est ce que raisonnablement on ne saurait supposer. L’animal une fois produit, ce quelque chose disparaît-il ? ou reste-t-il ? Mais, on ne voit rien qui soit en lui sans être aussi une partie du tout, qu’il s’agisse d’une plante ou d’un animal. Il n’est pas moins impossible que ce qui a fait, ou toutes les parties ou certaines parties de l’animal, puisse périr et disparaître ; car alors qui formerait les parties restantes ? § 4[201]. Si ce quelque chose forme le cœur, par exemple, et qu’il disparaisse, et que le cœur à son tour forme quelque autre organe, l’objection est toujours la même, et il faut que tout périsse ou que tout subsiste et demeure. Or, l’animal subsiste ; il y a donc une partie de lui qui se trouve immédiatement dans le sperme, et s’il n’y a rien de l’âme qui ne doive être aussi dans une certaine partie du corps, il faut que, dès l’origine, cette partie soit immédiatement animée par l’âme. Et alors, comment les autres parties le sont-elles ? § 5[202]. De deux choses l’une : ou toutes les parties se forment ensemble et à la fois : cœur, poumon, foie, œil, et tout le reste ; ou bien, elles se forment successivement, comme il est dit dans les vers attribués à Orphée, où l’on prétend que l’animal se forme successivement « comme les mailles d’un filet. » Que toutes les parties du corps ne soient pas formées en une fois, c’est ce que la moindre observation sensible nous fait voir. Dès le premier instant, certains organes se montrent, tandis que d’autres n’apparaissent pas encore. Et qu’on ne dise point que c’est à cause de leur petitesse qu’on ne les aperçoit point ; car le poumon, qui est plus gros que le cœur, ne se montre qu’après le cœur, dans ces premiers développements de la génération. § 6[203]. Puisque tel organe vient auparavant, et que l’autre organe vient après, on demande si l’un des deux produit l’autre, ou s’il vient simplement à la suite, ou, pour mieux dire, si l’un ne vient pas après l’autre Voici ce que je veux dire : ce n’est pas le cœur qui, après avoir été fait lui-même, fait à son tour le foie, comme le foie ferait encore tel autre viscère ; mais l’un vient uniquement après l’autre, comme après l’enfant vient l’homme, sans que l’homme soit fait par l’enfant. La raison de ceci, c’est que, dans tous les produits de la Nature et de l’art, ce qui est en puissance vient de ce qui est en réalité et par son fait, de telle sorte qu’il faudrait qu’ici l’idée et la forme fussent déjà dans l’être actuel, et, par exemple, que la forme du foie fût d’abord dans le cœur. Autrement, on ne fait qu’une hypothèse dénuée de sens, et une pure rêverie. § 7[204]. Mais ce qui est encore tout aussi faux, c’est de supposer qu’il y a immédiatement dans le sperme une partie intrinsèque, soit de la plante, soit de l’animal, naissant tout à coup, que cette partie d’ailleurs puisse ou ne puisse pas former tout le reste, s’il est vrai que tout être vienne ou de semence ou de liqueur génératrice. Il est clair en effet que l’embryon serait formé par l’être qui fait le sperme, si l’embryon était d’abord dans cet être. Mais il faut que le sperme soit antérieur à l’être produit ; et le sperme n’est l’œuvre que de l’être qui engendre. Il n’est donc pas possible qu’il y ait en lui aucune partie de l’être engendré. Ainsi, l’état qui en fait un autre n’a pas en lui-même les parties de l’être qu’il fait. § 8[205]. Mais il n’est pas possible davantage que ces parties soient en dehors de lui. Cependant, il faut nécessairement qu’une de ces deux assertions soit vraie, et nous devons essayer de résoudre ces difficultés. Dans les deux alternatives qu’on vient d’indiquer, il n’y a rien d’absolu ; et peut-être ne doit-on pas affirmer que, d’une certaine manière, à un certain moment, il soit impossible que quelque être ne puisse provenir d’une cause extérieure à lui. Ceci est en partie possible et en partie impossible. § 9[206]. Dire le Sperme ou dire l’Être d’où vient le sperme, c’est au fond la même chose, en ce que cet être a en lui-même le mouvement qu’il a communiqué à son sperme. Il est tout à fait possible que telle ou telle chose mette en mouvement telle autre chose, et que cette autre en meuve une autre encore, comme on le voit dans les automates, que l’on montre par curiosité. Les parties qui y sont immobiles ont une espèce de force motrice ; et quand l’une de ces parties a reçu un premier mouvement du dehors, la partie suivante se met aussitôt en un mouvement réel. § 10[207]. De même donc que, dans les automates, telle partie donne le mouvement sans rien toucher actuellement, mais parce qu’elle a touché antérieurement ce qu’elle meut, de même l’être d’où vient le sperme, ou qui a fait le sperme, a bien touché naguère quelque partie, mais il ne la touche plus actuellement ; ou plutôt, c’est le mouvement qui est en lui qui a touché, tout comme c’est l’art de l’architecte qui met la construction de la maison en mouvement.

§ 11[208]. Il est donc certain qu’il existe en ceci quelque chose qui fait et produit l’être, sans que ce soit en tant qu’être déterminé, ni en tant qu’être préalablement et absolument accompli. Quant à savoir comment chaque être peut se produire, il faut tout d’abord poser ce principe supérieur, que tous les produits de la Nature ou de l’art ont pour cause un être réel et actuel, produit par un être qui en puissance est tel que lui. Le sperme est donc de telle nature, et il a une action et un mouvement de telle nature, que, même après que son mouvement a cessé, chacune des parties de l’être se forme et devient animée. Il n’y a plus de visage, il n’y a plus de chair, si cette chair et ce visage n’ont pas d’âme et de vie ; car une fois détruits par la mort, ce n’est plus qu’une simple homonymie qui peut les désigner encore sous ce nom, comme on parle de main et de chair, quand il ne s’agit que d’une main et d’une chair de pierre ou de bois. § 12[209]. Les parties similaires de l’animal et ses parties organiques se forment tout ensemble ; et de même que nous ne dirions pas que c’est le feu qui a fait une hache ou tel autre instrument, de même on ne peut pas dire non plus que le sperme ait fait le pied, la main, la chair, etc., qui ont également leur fonction particulière. La chaleur et le froid peuvent bien produire, dans les parties qui sont une fois animées, la dureté, la mollesse, la viscosité, la rudesse et d’autres qualités de ce genre ; mais le froid et la chaleur ne peuvent pas faire l’essence qui forme, de ceci de la chair, et de cela un os. Ce qui produit cette essence, c’est le mouvement venu du parent qui existe en acte, et qui engendre ce qui n’est qu’en puissance. § 13[210]. C’est de ce parent que vient le mouvement, et il en est ici tout à fait de même que pour les produits de l’art. La chaleur et le froid font bien que le fer s’amollit ou se durcit ; mais ce qui fabrique l’épée, c’est le mouvement des instruments, lequel mouvement a la raison même de l’art. En effet, l’art est le principe et l’idée du produit ; seulement, l’art agit dans un autre être, tandis que le mouvement de la nature a lieu dans l’être lui-même, et ce mouvement vient d’une autre nature qui a déjà l’espèce en acte et en réalité.

§ 14[211]. Du reste, on peut se demander pour le sperme, tout aussi bien que pour les organes, s’il a ou s’il n’a pas d’âme. L’âme ne se trouve exclusivement que dans l’être dont elle est l’âme ; et il n’y a de partie véritable que celle qui participe de l’âme ; ou autrement, ce n’est qu’une simple homonymie, comme l’œil d’un cadavre. Il est donc clair que le sperme a une âme, et qu’il est âme puissance. D’ailleurs, ce qui est en puissance peut être, relativement à lui-même, plus ou moins loin de se réaliser, de même qu’un géomètre qui dort est plus loin de faire de la géométrie que le géomètre éveillé ; et celui-ci, quand il ne fait pas de géométrie, est plus éloigné que celui qui en fait. § 15[212]. Aucune partie de l’âme n’est la cause réelle de la génération ; et la génération ne vient que de l’être qui a été auteur du mouvement extérieur. Aucune partie de l’animal ne s’engendre elle-même ; mais une fois engendrée, elle peut s’accroître par elle toute seule. Il y a donc un premier degré, et tout ne se fait point à la fois ; mais, de toute nécessité, ce qui se produit tout d’abord, c’est ce qui contient le principe de la croissance future. Que l’être soit une plante ou qu’il soit un animal, il a toujours la faculté de se nourrir ; et cette faculté est aussi celle qui fait que l’être produit un autre être semblable à lui, parce que c’est là une fonction inhérente à tout être qui est naturellement complet, soit animal, soit plante. § 16[213]. Il y a donc nécessité qu’il en soit ainsi, parce qu’une fois que l’être existe, il faut nécessairement qu’il se développe et qu’il croisse. C’est bien un être synonyme à lui qui l’a produit, comme l’homme engendre l’homme ; mais une fois produit, l’être s’accroît de son propre fond. Il y a donc une cause à la croissance qu’il doit prendre plus tard. Et quand il y a quelque cause de ce genre, il faut que ce quelque chose existe avant tout le reste. Si c’est le cœur qui est produit le premier dans les animaux, et la partie correspondante au cœur chez les animaux qui n’ont pas de cœur, il s’ensuit que c’est le cœur qui est le principe dans ceux qui ont un cœur, et que c’est la partie analogue dans ceux qui ne sont pas pourvus de cet organe.


CHAPITRE III

De la nature du sperme ; singulières propriétés du sperme ; il est d’abord épais et blanc ; le froid le rend liquide, et la chaleur l’épaissit ; le sperme n’est ni de l’eau, ni de la terre ; ni un mélange des deux ; nécessité d’une analyse plus exacte ; le sperme est un mélange d’eau et d’air ; transformation de l’huile et de la céruse mêlées l’eau et à l’écume ; effets divers de l’agitation donnée au mélange ; erreur de Ctésias sur le sperme des éléphants ; erreur d’Hérodote sur celui des Éthiopiens ; le sperme est toujours blanc comme de l’écume ; du nom d’Aphrodite : le sperme ne gèle pas, parce que l’air non plus ne peut geler.


§ 1[214]. Pour répondre aux questions que nous nous étions posées antérieurement, nous venons d’expliquer quelle est la cause qui, en tant que principe, produit dans tout animal le premier mouvement et qui l’organise. Mais, il nous reste encore à éclaircir bien des questions sur la nature du sperme. Quand le sperme sort de l’animal, il est épais et blanc ; une fois refroidi, il devient liquide comme l’eau, et il prend la couleur de l’eau. Le fait peut paraître assez singulier ; car l’eau ne s’épaissit pas en s’échauffant ; mais, le sperme sort épais de la chaleur intérieure ; et s’il devient liquide, c’est par le refroidissement. § 2[215]. Cependant, tous les liquides se congèlent, tandis que le sperme mis à l’air, par des jours de glace, ne se congèle pas, et devient liquide, comme s’il ne pouvait s’épaissir que par le contraire du froid. Il est vrai que la raison ne comprend pas davantage que ce soit la chaleur qui l’épaississe. Tous les corps qui sont plutôt terreux se condensent et s’épaississent quand on les échauffe, comme on le voit par le lait. Le sperme en se refroidissant devrait donc devenir solide ; mais il ne prend pas du tout de solidité, et il devient tout entier comme de l’eau. § 3[216]. Voici donc où est la difficulté : si le sperme est de l’eau, on peut observer que l’eau ne s’épaissit pas par la chaleur, tandis que le sperme sort épais et chaud du corps, qui est chaud, ainsi que lui. Si le sperme est terreux, ou s’il est un mélange d’eau et de terre, il ne devrait pas devenir tout entier liquide, ni devenir tout à fait de l’eau.

§ 4[217]. Du reste, nous n’avons peut-être pas bien analysé tous les phénomènes qui se présentent ici. En effet, ce n’est pas seulement le liquide composé d’eau et de terre qui se congèle et s’épaissit ; c’est encore le composé d’eau et d’air, comme on le voit par l’écume qui s’épaissit et qui devient blanche ; et plus les bulles en sont petites et indistinctes, plus sa masse devient blanche et épaisse. L’huile présente le même phénomène ; mélangée d’air, elle s’épaissit. Ainsi, en blanchissant, le corps de l’huile devient plus épais, parce que la partie aqueuse qui est dedans se sépare par l’action de la chaleur, et se change en air. Le blanc de plomb mêlé à de l’eau et à de l’huile change un petit volume en un volume plus considérable ; de liquide, il devient solide ; et, de noir, il devient blanc. Cela tient uniquement au mélange de l’air, qui augmente le volume et y développe la blancheur, comme dans l’écume, et dans la neige, qui n’est guère non plus que de l’écume. § 5[218]. C’est également ainsi que l’eau mêlée à l’huile devient épaisse et blanche ; l’agitation à laquelle on la soumet y renferme de l’air ; et l’huile elle-même contient déjà de l’air en grande quantité ; car le corps qui est gras n’est, ni de la terre, ni de l’eau ; il est de l’air. C’est pour cela que l’huile surnage à la surface de l’eau. L’air qui y est contenu, comme dans un vase, la porte en haut, la retient à la surface, et cause sa légèreté : L’huile s’épaissit par le froid et dans les temps de gelée ; mais elle ne se congèle pas ; et si elle ne gèle pas, c’est à cause de la chaleur, parce que l’air est chaud et qu’il ne gèle pas ; mais c’est parce que l’air se contracte et s’épaissit par le froid que l’huile devient également plus épaisse.

§ 6[219]. C’est donc par les mêmes raisons que le sperme sort de l’intérieur du corps épais et blanc, contenant, à cause de la chaleur du dedans, beaucoup d’air chaud et qu’une fois sorti il devient liquide et noir, quand il a perdu sa chaleur et que l’air s’est refroidi. Alors, il ne lui reste que l’eau, et une petite quantité de matière terreuse, qui se retrouve dans le phlegme aussi bien que dans le sperme desséché. A ce point de vue, le sperme est un mélange qui tient du souffle intérieur et de l’eau tout à la fois ; car le souffle n’est que de l’air chaud, et si le sperme est liquide par sa nature, c’est qu’il vient de l’eau. § 7[220]. Ctésias de Cnide, s’est évidemment trompé dans ce qu’il dit du sperme des éléphants. Il prétend que ce sperme durcit tellement, en se desséchant, qu’il devient solide autant que de l’ambre. Cela n’est pas exact. Ce qui est vrai, c’est que le sperme doit nécessairement être plus terreux dans tel animal que dans tel autre, et qu’il l’est surtout dans les animaux ou, à cause de la masse du corps, il y a beaucoup d’élément terreux. § 8[221]. Mais le sperme est épais et blanc, parce qu’il est mélangé de souffle. Chez tous les animaux sans exception, il est blanc ; et Hérodote est dans l’erreur quand il dit que le sperme des Éthiopiens est noir, comme s’il fallait absolument que tout ce qui vient d’hommes à peau noire fût noir comme eux. Cependant, Hérodote voyait bien que les dents des Éthiopiens sont blanches. § 9[222]. Ce qui fait que le sperme est blanc, c’est qu’il est de l’écume, et que l’écume est blanche. L’écume qui est la plus blanche est celle qui se compose de particules extrêmement petites, et tellement petites que chaque bulle, prise à part, est imperceptible. C’est précisément là ce qui se produit pour l’eau et l’huile, qu’on mélange et qu’on agite, comme on vient de le dire. D’ailleurs, il ne semble pas que les Anciens aient ignoré complètement que le sperme est, de sa nature, une sorte d’écume ; car c’est de cette propriété du sperme qu’ils ont tiré le nom de la Déesse, qui est la souveraine de l’union des sexes (Aphrodite.)

§ 10[223]. Ainsi, se trouve résolue la question que nous avions posée un peu plus haut ; nous sommes remontés à la cause ; et nous devons voir maintenant que, si le sperme ne gèle pas, c’est que l’air ne peut pas geler.


CHAPITRE IV

De la première apparition de la vie dans l’embryon : il ne peut pas être privé du principe vital, et il doit avoir les deux principes de la nutrition et de la sensibilité, qui constituent l’animal ; citation du Traité de l’Âme ; extrême difficulté de savoir à quel moment l’intelligence se montre : les spermes et les embryons ont l’âme en puissance, sans l’avoir en fait : l’entendement vient du dehors et est un principe divin : action de la chaleur animale, partie de la vie universelle : c’est le sperme qui communique le mouvement et l’âme à l’embryon. — Interpolation.


§ 1[224]. En admettant que, pour les espèces d’animaux où a lieu une émission de sperme dans la femelle, ce qui est émis ainsi n’est point une partie quelconque du jeune qui est conçu, il faut, comme suite de tout ce qui précède, rechercher et dire ce que devient la partie matérielle et corporelle du sperme, puisqu’il exerce une action par la force déposée en lui. Il nous faut résoudre, avec précision, la question de savoir si le produit constitué dans la femelle reçoit quelque chose, ou ne reçoit rien, de ce qui entre en elle. Quant à l’âme, qui distingue l’animal et lui vaut cette appellation, car il n’y a réellement d’animal que par la partie sensible de l’âme, il faut savoir si elle réside, ou ne réside pas, dans le sperme et dans l’embryon, et d’où elle vient. § 2[225]. Il est impossible en effet de considérer l’embryon comme étant sans âme, et absolument privé de toute espèce de vie ; car les spermes et les embryons des animaux vivent tout aussi bien que les graines des plantes, et, jusqu’à un certain point même, ils sont capables de fécondité. Il est donc évident qu’ils ont l’âme nutritive, et que bientôt aussi ils ont l’âme sensible, qui fait l’animal. Que l’âme nutritive soit de toute nécessité celle qu’on doit supposer la première, c’est ce qu’on peut voir clairement d’après ce que nous avons, ailleurs, dit de l’âme. § 3[226]. Ce n’est pas d’un seul coup que l’être devient animal et homme, animal et cheval ; et ceci s’étend à toutes les espèces également. Ce qui vient en dernier lieu, c’est le complément qui achève l’être ; et ce qui est propre à l’animal est la fin même de la génération de chacun des animaux. D’où vient l’intelligence, à quel moment, de quelle manière, vient-elle dans les êtres qui participent à cette sorte d’âme, c’est là une question des plus difficiles ; et il faut l’aborder résolument pour essayer de la résoudre, autant que nous le pourrons, et autant qu’elle peut être résolue.

§ 4[227]. Évidemment, il faut supposer que les spermes et les embryons qui ne sont pas encore séparés, possèdent l’âme nutritive en puissance, mais qu’ils ne l’ont pas en fait, avant que, comme les germes qui sont une fois séparés, ils ne prennent leur nourriture, et ne fassent acte de cette espèce dame. Aux premiers moments, tous ces êtres ne semblent avoir que la vie de la plante. Il est du reste bien entendu que, après cette première âme, nous aurons à parler de l’âme sensible et de l’âme douée d’entendement ; car il faut nécessairement que les êtres aient toutes ces sortes d’âme en puissance, avant de les avoir en réalité. § 5[228]. Ce qui n’est pas moins nécessaire, ce sont les alternatives suivantes : ou toutes ces âmes qui n’existaient point auparavant se produisent dans l’être ; ou elles y étaient toutes antérieurement ; ou bien, quelques-unes y étaient et quelques autres n’y étaient pas ; ou bien elles sont dans la matière sans y être apportées par le sperme du mâle ; ou elles se trouvent dans la matière, en y venant du sperme. Si elles sont dans le mâle, ou elles viennent toutes du dehors, ou aucune n’en vient ; ou bien enfin, les unes viennent de l’extérieur, et les autres n’en viennent pas. § 6[229]. Que toutes ces âmes viennent extérieurement dans l’être et y préexistent, c’est là une chose impossible, et voici ce qui le prouve évidemment. Pour tous les principes dont l’action est corporelle, il est clair qu’ils ne peuvent exister sans le corps ; et par exemple, il est bien impossible de marcher sans pieds. Il est donc très certain que les principes dont nous parlons ne peuvent venir du dehors. Puisqu’ils sont inséparables, ils ne peuvent venir par eux seuls et isolément, ni entrer dans le corps ; car le sperme est une sécrétion de la nourriture qui a été modifiée de façon à devenir du sperme. § 7[230]. Il ne reste donc plus qu’une hypothèse, c’est que l’entendement seul vient du dehors, et que seul il est divin ; car son action n’a rien de commun avec l’action du corps. Toute âme paraît donc tirer sa force d’un autre corps, et d’un corps plus divin que ce qu’on appelle les éléments. Mais, comme les âmes diffèrent les unes des autres par leur dignité plus ou moins haute, la nature des éléments ne diffère pas moins. Dans le sperme de tous les animaux, il y a ce qui rend les spermes féconds et ce qu’on appelle la chaleur. Ce n’est pas tout à fait du feu, ni une force de ce genre ; mais c’est le souffle, ou l’esprit, qui est renfermé dans le sperme et dans sa partie écumeuse. La nature qui est dans le souffle, ou l’esprit, est analogue à l’élément des astres. § 8[231]. Aussi, ce feu ne produit-il jamais un animal quelconque ; et aucun être ne se forme dans les matières brûlées, que ces matières soient liquides ou qu’elles soient sèches. Mais, c’est la chaleur du soleil et la chaleur que possèdent les animaux, non pas seulement par le sperme, mais aussi par toute autre sécrétion qui aurait la même nature que lui, qui est également en elles le principe de la vie. § 9[232]. Ceci doit nous prouver que la chaleur qui est dans les animaux n’est pas du feu, et que ce n’est pas davantage du feu qu’elle tire son principe. Le corps de la semence génératrice, dans lequel se constitue le principe de l’âme, est en partie séparé du corps dans les êtres où est renfermée quelque parcelle divine ; et c’est bien une parcelle divine que ce qu’on nomme l’entendement ; mais, en partie, il n’en est pas séparé. Le corps spécial de la semence se dissout et se convertit en souffle et en esprit, parce qu’il est de nature liquide et aqueuse. Aussi, ne faut-il pas rechercher si le sperme sort toujours au dehors, ni s’il n’est aucune partie de la forme qui se constitue, pas plus que la présure n’est une partie du lait qu’elle fait cailler ; elle modifie le lait, sans être en quoi que ce soit une partie des masses qu’elle forme.

§ 10[233]. Nous venons donc d’expliquer comment, en un sens, les spermes et les embryons contiennent l’âme, et comment, en un autre sens, ils ne la contiennent pas. Ils l’ont en puissance ; mais ils ne l’ont pas en acte et en fait. Le sperme étant une excrétion, et donnant un mouvement semblable à celui qui fait croître le corps, où se repartit la nourriture à son dernier degré de perfection, il se condense dans la matrice, et il communique à l’excrétion de la femelle le mouvement dont il est lui-même animé. Car cette excrétion a aussi tous les organes en puissance, sans les avoir en fait ; et elle possède en puissance toutes les parties qui distinguent la femelle du mâle. § 11[234]. De même que, de parents contrefaits, naissent parfois des enfants contrefaits, et parfois aussi des enfants non contrefaits, de même, de la femelle, il sort tantôt une femelle, et tantôt au contraire il en sort un mâle. Car la femelle peut être considérée comme un mâle qui à certains égards est mutilé et imparfait ; les menstrues sont du sperme, mais du sperme qui n’est pas pur, puisqu’il lui manque encore une seule chose, à savoir le principe de l’âme. Chez tous les animaux qui font des œufs clairs, l’œuf qui se forme contient bien les deux parties ; mais il n’a pas le principe de l’âme ; et c’est là ce qui fait qu’il n’a pas la vie ; car c’est le sperme du mâle qui doit l’apporter ; et quand l’excrétion de la femelle reçoit ce principe spécial, il se forme un embryon.

§ 12[235]. Dans les matières liquides mais corporelles, il se produit, quand on les échauffe, un bourrelet sec, comme dans les mets qui se refroidissent. C’est le visqueux qui maintient tous les corps ; mais le visqueux se trouve absorbé quand les corps deviennent plus vieux et plus grands, par la nature du nerf qui maintient les parties des animaux, nerf chez les uns, ou matière analogue au nerf chez les autres. La peau, la veine, la membrane et tous les corps de ce genre sont de la même forme ; car entre eux, ils ne diffèrent que du plus au moins, par l’excès dans celui-ci, ou par le défaut dans celui-là.


CHAPITRE V

Des différents modes de parturition ; étude spéciale sur les animaux supérieurs ; du rapprochement des sexes dans l’espèce humaine ; erreur sur l’action de la respiration ; disposition de la matrice chez les femmes ; époques périodiques de la menstruation ; abondance des menstrues ; la femme fournit la matière ; et l’homme donne le mouvement et la vie ; des hybrides ; mélange de la liqueur spermatique et du fluide mensuel ; du plaisir provoqué dans l’homme et dans la femme ; conceptions sans la sensation du plaisir ordinaire ; action particulière de la matrice retenant le sperme déposé par l’homme ; erreur de ceux qui supposent que la femme émet aussi une liqueur spermatique ; cette émission est impossible ; car, si elle était extérieure, elle aurait pour résultat d’empêcher la génération, contre le vœu de la nature.


§ 1[236]. Les animaux à qui la Nature a donné une organisation moins complète, mettent au jour un embryon qui est complet dès qu’il naît, mais qui, sous le rapport de l’animalité, n’est pas encore un animal complet ; nous avons expliqué plus haut comment cela peut se faire. Le jeune embryon est complet en ce sens qu’il est déjà mâle ou femelle, dans toutes les espèces où cette différence existe. Car il y a des espèces qui ne produisent ni femelle ni mâle ; et ce sont les espèces qui ne naissent elles-mêmes, ni de femelle et de mâle, ni d’animaux accouplés. Nous aurons aussi plus tard à parler de la génération de ces animaux. § 2[237]. Les animaux complets qui sont vivipares dans leur propre sein, gardent et nourrissent, dans leur intérieur, l’animal de même nature qui doit naître d’eux, jusqu’au moment où ils le produisent au dehors et le mettent au jour. Mais les animaux qui produisent aussi à l’extérieur un être vivant, après avoir d’abord conçu un œuf dans leur sein, pondent un œuf complet. Chez quelques-uns, l’œuf se détache, comme on le voit pour l’œuf des ovipares, et le jeune sort de l’œuf, qui était dans la femelle ; chez d’autres, au contraire, lorsque la nourriture fournie par l’œuf a été absorbée tout entière, l’animal est achevé par la matrice ; et alors, l’œuf ne se détache pas de la matrice même. C’est l’organisation que présentent les sélaciens, dont nous aurons bientôt à parler d’une manière toute spéciale.

§ 3[238]. Pour le moment, nous allons premièrement étudier les premiers des animaux. Or ce sont les animaux complets qui tiennent le premier rang ; ces animaux sont vivipares ; et parmi les vivipares, c’est l’homme qui est le premier de tous. Dans tous les vivipares, la sécrétion du sperme se fait comme celle de tout autre excrément. Toute excrétion se porte dans le lieu qui lui est propre, sans que la respiration ait besoin de l’y pousser par aucun effort violent, ou sans qu’aucune autre cause analogue ait à exercer une action indispensable. § 4[239]. Car on a prétendu que les testicules attirent le sperme à eux en manière de ventouse, et qu’on l’y pousse par la respiration, comme s’il se pouvait que, sans ce violent effort, cette sécrétion particulière, et l’excrément de la nourriture liquide ou solide, se dirigeât ailleurs, parce que, dit-on, c’est en accumulant sa respiration qu’on expulse ces excréments divers. Cette condition est commune tous les cas où il faut déterminer quelque mouvement, parce que c’est en effet en retenant sa respiration qu’on se donne de la force. Même sans qu’il y ait besoin de cet effort, les excrétions sortent pendant qu’on dort, quand les lieux qui les reçoivent sont relâchés et pleins de leur sécrétion particulière. Cette théorie n’est pas plus raisonnable que si l’on allait croire que, dans les plantes, les semences sont poussées, par un souffle quelconque, vers les lieux où d’ordinaire elles portent leur fruit. § 5[240]. La cause de ce phénomène, c’est tout simplement, ainsi qu’on l’a dit, que, dans tous les animaux, il y a des organes faits pour recevoir les excrétions et les matières inutiles à la nutrition, soit sèches, soit liquides, comme, pour le sang, il y a ce qu’on appelle les veines. Dans les femelles, la région des matrices est disposée de telle façon que les deux veines, la grande veine et l’aorte, se divisant, des veines nombreuses et fines viennent aboutir aux matrices. Ces veines étant surabondamment remplies par la nourriture, et leur nature, à cause de sa froideur même, n’étant pas capable de coction, la sécrétion se rend par des veines très fines dans les matrices ; et comme les matrices ne peuvent, étroites ainsi qu’elles le sont, recevoir cette surabondance excessive, il s’y produit comme un écoulement sanguin, ou une hémorroïde.

§ 6[241]. Il n’y a pas, pour les femmes, d’époque absolument régulière ; mais on conçoit bien que l’évacuation ait lieu ordinairement vers la fin des mois. En effet, les corps des animaux deviennent plus froids quand l’air ambiant se refroidit aussi. Or, les fins de mois sont froides, à cause de la disparition de la lune ; et c’est là ce qui fait que les fins de mois sont généralement plus agitées et plus refroidies que leurs milieux. C’est à cette période que l’excrétion qui s’est changée en sang, tend à produire les évacuations mensuelles ; et la coction a beau n’être pas complète, il sort toujours du sang, mais en petite quantité. § 7[242]. Même à l’époque où les femmes sont encore tout enfants, il sort quelques vestiges blancs très faibles. Lorsque ces deux genres d’excrétions sont dans une mesure modérée, les corps s’en trouvent bien, parce qu’il y a, dans ce cas, évacuation purgative des excrétions qui pourraient causer des maladies. Au contraire, si les évacuations n’ont pas lieu, ou si elles sont trop abondantes, le corps souffre, soit qu’elles déterminent des maladies, soit qu’elles épuisent simplement le corps en l’affaiblissant. Quand elles sont continuellement blanches ou trop abondantes, elles empêchent la croissance des filles. § 8[243]. D’après les causes qu’on vient d’indiquer, on doit voir pourquoi cette évacuation est nécessaire chez les femmes. Comme la coction naturelle ne peut se faire, il faut qu’il se forme un excrément, non pas seulement de la nourriture qui n’a pas été employée, mais il faut aussi que cette excrétion se produise dans les veines, dont les plus étroites se trouvent surabondamment remplies. C’est en vue du mieux et de la fin à atteindre que la Nature emploie, en faveur de la génération, la matière accumulée en ce lieu, pour qu’il en sorte un autre être pareil, ainsi que cela doit se faire ; car cet être nouveau est déjà en puissance ce qu’est le corps qui a cette sécrétion.

§ 9[244]. Ainsi, toutes les femelles doivent nécessairement avoir cette excrétion, qui est plus abondante chez les animaux pourvus de sang, et qui l’est dans l’espèce humaine plus que dans toute autre. Il y a également nécessité, pour les autres espèces, qu’il se forme une certaine accumulation de sang dans la région de la matrice. Mais nous avons dit, antérieurement, pour quoi cette sécrétion est plus abondante chez les animaux qui ont beaucoup de sang, et pourquoi elle l’est plus particulièrement chez l’homme. § 10[245]. Cette excrétion a lieu dans toutes les femelles sans exception ; mais elle n’a pas lieu chez tous les mâles ; car il y en a qui n’émettent pas de semence. Mais de même que ceux qui en émettent engendrent, par le mouvement du sperme, le produit qui se forme de la matière fournie par la femelle, de même ces autres animaux, grâce au mouvement qui est en eux, dans la partie où s’élabore le sperme, accomplissent la même fonction et constituent également un être nouveau. § 11[246]. Ce lieu, dans tous les animaux de ce genre, est placé sous le diaphragme, quand ils en ont un ; car le cœur, ou l’organe correspondant, est le principe de leur nature et de leur vie ; la partie inférieure n’en est qu’une annexe, et elle est destinée à faciliter son action. Ce qui fait que tous les mâles n’ont pas cette excrétion génératrice, tandis que toutes les femelles doivent l’avoir, c’est que l’animal est un corps vivant. Toujours la femelle donne la matière, et le mâle fournit le principe créateur. Selon nous, c’est là réellement l’action de l’un et de l’autre ; et c’est précisément ce qui fait que l’un est femelle, et que l’autre est mâle. Il y a donc nécessité que la femelle fournisse le corps et la masse ; mais ce n’est pas nécessaire pour le mâle. Dans les êtres qui sont produits, il n’est pas nécessaire non plus que se trouvent déjà les organes, ni le principe qui les fait. § 12[247]. Ainsi, le corps vient de la femelle, et l’âme vient du mâle. L’âme est l’essence d’un corps ; et voilà comment, lorsque, dans des genres qui ne sont pas les mêmes, la femelle et le mâle viennent à s’accoupler, parce que les époques du rut et de la gestation se rapprochent et que les dimensions corporelles ne sont pas par trop différentes, le produit qui résulte de l’accouplement ressemble d’abord aux deux parents, comme on le voit sur les hybrides du renard et du chien, de la perdrix et de la poule ; mais au bout de quelque temps, et avec les générations qui se succèdent, les produits reprennent la forme de la femelle. C’est ainsi que les semences de plantes étrangères se modifient selon le sol où on les met ; car c’est le sol qui fournit la matière et le corps aux semences qu’on y dépose.

§ 13[248]. Voilà encore pourquoi, dans les femelles, l’organe qui est destiné à recevoir l’embryon n’est pas un simple canal, et pourquoi les matrices sont susceptibles de s’agrandir. Les mâles qui émettent du sperme ont des canaux ; et ces canaux n’ont pas de sang. Ainsi, les deux sécrétions se produisent chacune dans les lieux qui leur sont propres ; et c’est là également qu’elles se forment. Mais auparavant, il n’y a rien de cela, à moins que ce n’y soit introduit par une grande violence et contre nature. § 14[249]. Tout ceci doit faire voir comment les excrétions génératrices se forment dans les animaux. Quand le sperme est sorti du mâle, dans les espèces qui émettent de la liqueur spermatique, c’est le plus pur de l’excrétion mensuelle qu’il y constitue ; car, dans les menstrues, la plus grande partie est inutile et est liquide, comme dans le mâle la plus grande partie de la semence est très liquide, à la prendre dans une seule émission ; le plus souvent, la première émission est inféconde plus que la suivante. Elle a moins de chaleur vitale, parce qu’elle a moins de coction, tandis que la semence parfaitement cuite a de l’épaisseur et beaucoup plus de corps. § 15[250]. Les femmes, ou dans les autres espèces d’animaux, les femelles qui n’ont pas d’émission extérieure, parce que, chez elles, il n’y a pas dans cette sorte de sécrétion une assez grande quantité d’excrément inutile, ne produisent de ce liquide que ce qui en reste chez les animaux qui ont une émission extérieure. Ce résidu est organisé par la force qui est dans le sperme élaboré par le mâle, ou bien par la partie analogue de la matrice qui est introduite dans le mâle, ainsi qu’on l’observe chez quelques insectes. § 16[251]. Nous avons dit, plus haut, que la liqueur provoquée par le plaisir dans les femmes ne contribue en rien à la conception. On pourrait tirer un argument qui semblerait décisif de ce fait que les femmes sont soumises aussi bien que les hommes à des rêves lubriques. Mais ce n’est pas là du tout une preuve ; car cet accident arrive à des jeunes gens qui sont près d’avoir du sperme, mais qui n’en émettent pas encore, ou à des mâles qui n’en émettent que d’infécond. C’est que, sans l’émission du sperme du mâle dans la copulation, la conception est impossible, de même qu’elle l’est sans l’excrétion des règles, soit qu’elles se manifestent au dehors, soit que, restant en dedans, elles y aient une abondance suffisante. § 17[252]. Il se peut d’ailleurs fort bien que la conception ait lieu sans que le plaisir ordinaire que ce rapprochement cause aux femmes, ait été ressenti ; il suffit que le lieu se soit trouvé en orgasme et que les matrices se soient abaissées assez près. Mais d’ordinaire la conception se produit même en ce cas, par cela seul que l’ouverture de la matrice ne s’est pas fermée, au moment où survient l’émission qui cause habituellement le plaisir au hommes et aux femmes. Dans cette disposition des organes, la voie est plus facile à la liqueur sortie du mâle. § 18[253]. D’ailleurs, l’émission de la femme ne se fait pas à l’intérieur, comme quelques naturalistes le supposent, parce que l’ouverture des matrices est trop étroite ; mais elle se fait en avant, là où la femme émet la sérosité qui se remarque chez quelques-unes, et où le mâle émet aussi la liqueur séminale. Parfois, les choses demeurent dans cette condition ; mais, parfois aussi, la matrice attire le sperme à elle au dedans, quand elle est convenablement disposée, et qu’elle est échauffée par l’évacuation mensuelle. Ce qui le prouve, c’est que les compresses mouillées qu’on place dans la matrice, sont sèches quand on les retire.

§ 19[254]. Dans tous les animaux qui ont la matrice sous le diaphragme, comme les oiseaux et les poissons vivipares, il est impossible que le sperme n’y soit pas attiré et qu’il y aille par l’émission. Mais le lieu attire la semence par la chaleur qui lui est propre. L’éruption des menstrues et leur accumulation enflamme la chaleur de l’organe, de même que des vases sans bouchon, si on les emplit d’eau chaude, tirent l’eau à eux, quand on en renverse l’ouverture. § 20[255]. C’est ainsi que le sperme est absorbé ; mais l’absorption ne se fait pas du tout, comme quelques naturalistes le prétendent, dans les organes qui concourent au rapprochement des sexes. Les choses se passent aussi tout autrement que ne le croient ceux qui assurent que les femmes émettent du sperme comme l’homme ; car si les matrices faisaient quelque émission au dehors, elles la devraient reprendre au dedans, pour la mêler à la liqueur séminale du mâle ; mais ce serait là une opération bien inutile, et la Nature ne fait jamais rien en vain.


CHAPITRE VI

Action des sécrétions féminines sur la semence du mâle, qui agit à peu près comme la présure sur le lait ; des membranes et des chorions qui se forment autour de l’embryon ; analogie du développement du fœtus et de la graine des végétaux ; le cœur est l’organe qui apparaît le premier ; erreur de Démocrite ; action du sang ; citation de l’Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques ; des veines qui partent du cœur pour se rendre à la matrice ; rôle du cordon ombilical ; Démocrite se trompe sur la nutrition du fœtus ; impossibilité de sa théorie ; les membres du fœtus ne viennent pas des membres de la mère ; la femme fournit la matière, et l’homme fournit le principe du mouvement ; action spéciale de l’âme nutritive ; procédés de l’art comparés à ceux de la Nature.


§ 1[256]. Quand la sécrétion de la femme contenue dans la matrice a pris quelque consistance, sous l’action de la semence du mâle, cette semence y produit quelque chose qui ressemble beaucoup à l’action de la présure sur le lait. La présure est un lait contenant de la chaleur vitale, qui réunit en une seule masse toute la matière identique pour la solidifier. C’est là précisément l’action de la semence génératrice sur la nature des menstrues ; car la fonction naturelle du lait et des menstrues est toute pareille. § 2[257]. La partie corporelle se coagulant, la partie liquide se sépare ; puis, les portions terreuses se desséchant, il se forme des membranes tout autour, par une action nécessaire, et aussi en vue d’un certain but à atteindre. Les extrémités doivent se dessécher, soit que les autres parties s’échauffent, soit qu’elles se refroidissent ; car il ne faut pas que l’embryon soit dans le liquide ; mais il doit en être séparé. Ces extrémités s’appellent les unes des membranes ; les autres, des chorions ; mais entre les unes et les autres, il n’y a différence que du plus au moins. On les retrouve également, soit dans les ovipares, soit dans les vivipares. § 3[258]. Quand l’embryon a pris de la consistance, il se conduit à peu près comme les graines qu’on a semées en terre ; car le principe premier du végétal se trouve aussi dans les semences elles-mêmes. Mais lorsque le principe, après n’avoir été qu’en puissance d’abord, vient ensuite à se diviser, il en sort à la fois la tige et la racine ; et l’on sait que c’est par la racine que le végétal prend la nourriture qui est nécessaire à son développement. De même, tous les organes sont en puissance dans l’embryon à certains égards ; mais c’est surtout le principe qui est près de se manifester. § 4[259]. Voilà comment, en fait, c’est tout d’abord le cœur qui se distingue dans l’animal ; et c’est ce dont on peut s’assurer, non pas seulement par l’observation sensible, qui constate que les choses se passent bien ainsi, mais encore par la réflexion. En effet, quand l’embryon s’est détaché des deux parents, il doit avoir une existence à part et par lui-même, comme doit se suffire un enfant mis par son père hors de la maison. Il faut par conséquent qu’il possède, dès lors, le principe d’où sort plus tard, pour les êtres vivants, l’organisation régulière de leur corps ; car, si ce principe devait lui venir du dehors, pour entrer dans l’embryon à une époque postérieure, non seulement on aurait à se demander à quel moment ce principe pourrait survenir ; mais on peut affirmer qu’il y a nécessité qu’il existe préalablement, dès que chacune des parties de l’embryon vient à se diviser, puisque c’est de ce principe que tous les organes doivent recevoir et leur croissance et leur mouvement.

§ 5[260]. Aussi, n’est-on plus dans le vrai quand on dit, avec Démocrite, que ce sont les parties extérieures des animaux qui se divisent les premières, et que ce sont ensuite les parties internes. Cela est bon à dire quand il s’agit d’animaux de bois ou de pierre ; mais ces animaux-là n’ont pas le moindre besoin d’un principe, tandis que tous les animaux vivants en ont un, et qu’ils l’ont à l’intérieur. Aussi, dans tous les animaux qui ont du sang, c’est le cœur qui apparaît et se distingue le premier, parce que c’est lui qui est le principe des parties similaires, aussi bien que des parties non similaires. § 6[261]. Il est tout simple, en effet, de supposer que c’est le cœur qui est le principe de l’animal et de son organisme entier, dès que l’animal a besoin de se nourrir. Du moment qu’il existe, il se développe ; or, la nourriture dernière de l’animal est le sang, ou tel autre fluide analogue à celui-là. Le vase qui contient ces fluides, ce sont les veines ; et c’est pour cette raison que le cœur en est le principe. On peut voir tout cela dans l’Histoire des Animaux et dans les Descriptions Anatomiques. § 7[262]. L’embryon étant déjà en puissance un animal, mais un animal incomplet, il doit nécessairement tirer sa nourriture d’un autre être. Il se sert donc de la matrice et de la femelle qui possède cet organe, comme la plante se sert de la terre, pour se nourrir, jusqu’à ce qu’il soit devenu un animal assez achevé pour être capable de marcher. C’est là pourquoi la Nature a tracé les deux premières veines qui partent du cœur ; et de celles-ci, de petites veines qui se rendent à la matrice. C’est ce qu’on appelle l’ombilic, qui est tantôt une seule veine chez certains animaux, et tantôt plusieurs veines chez d’autres. Autour des veines, il y a une enveloppe de peau qu’on appelle l’ombilic, pour maintenir et protéger ces veines, qui autrement seraient trop faibles. § 8[263]. Les veines se rendent à la matrice, comme des racines, d’où l’embryon tire la nourriture dont il a besoin ; car c’est pour se nourrir que le petit animal séjourne dans les matrices, et non pas du tout, comme le croit Démocrite, pour que les membres du fœtus s’y moulent sur les membres de la mère. On peut voir bien clairement ce qu’il en est dans les ovipares ; les petits prennent leur développement et les divisions de leurs membres dans l’œuf, bien qu’ils soient séparés de la mère.

§ 9[264]. Mais si le sang est la nourriture de l’animal, et que le cœur soit le premier organe où se montre le sang, et si la nourriture doit venir du dehors, on peut se demander, puisque c’est le sang qui nourrit, d’où vient la première nourriture qui est entrée dans l’embryon ? Ou bien, peut-être est-il faux que toute espèce de nourriture vienne toujours de l’extérieur, et peut-être vient-elle immédiatement dans l’embryon, et que, de même que dans les graines des végétaux, il y a aussi quelque chose d’approchant qui d’abord se montre sous une apparence laiteuse, de même, dans la matière des animaux, c’est le résidu de l’organisme qui devient la nourriture du fœtus ? Ainsi, l’accroissement de l’embryon se fait par le cordon ombilical de la même manière qu’il se fait dans les plantes par les racines, et comme il se fait pour les animaux eux-mêmes, quand ils sont séparés de leur auteur, par la nourriture qu’ils ont en eux. § 10[265]. Nous nous occuperons de tous ces détails lorsque le moment en sera venu dans nos études. Pour l’instant, il suffira de dire que la division des membres ne se produit pas de la manière que supposent quelques naturalistes, qui croient que le semblable va nécessairement au semblable ; car, sans parler de bien d’autres difficultés que cette théorie peut présenter, il faudrait, dans cette hypothèse, que chacune des parties similaires se formât séparément : les os se formeraient à part et à eux seuls ; les nerfs aussi, et les chairs également, si l’on admettait cette cause du phénomène. Mais, c’est parce que l’excrétion de la femelle est en puissance ce que l’animal est dans sa nature complète, et que tous les organes s’y trouvent virtuellement sans qu’aucun y soit en fait, que chacun de ces organes se produit. Dès que l’agent et le patient sont en contact, dans le rapport où l’un est agent et où l’autre est patient, et j’entends par là qu’ils se touchent de la manière, dans le lieu et dans le moment où ils doivent se toucher, tout aussitôt l’un est actif et l’autre est passif.

§ 11[266]. On voit donc que la femelle fournit la matière, et que le mâle fournit le principe du mouvement. De même que les produits de l’art sont exécutés par les instruments dont l’artiste se sert, ou plutôt et pour mieux dire, par le mouvement des instruments, ce mouvement n’étant que l’acte de l’art, et l’art n’étant que la forme des choses produites dans une autre chose, de même ici se manifeste la force de l’âme nutritive. De même encore que c’est elle qui produit plus tard, par la nourriture, l’accroissement des animaux et des plantes, en se servant comme instruments de la chaleur et du froid, par lesquels elle développe son mouvement et devient l’une et l’autre dans une proportion déterminée, de même c’est elle qui constitue également, dès le début, l’être que crée la Nature. § 12[267]. L’âme nutritive est la matière même qui fait croître l’animal et qui le détermine tout d’abord, de telle sorte que la force qui le produit se confond avec le générateur primordial. Si c’est bien là ce qu’est l’âme nutritive, c’est elle aussi qui engendre l’être. Elle est précisément la nature de chacun des êtres, qui se retrouve essentiellement inhérente à toutes les plantes et à tous les animaux, tandis que les autres parties de l’âme se trouvent dans tels animaux, et ne se trouvent pas dans tels autres.


CHAPITRE VII

De la question de savoir pourquoi la femelle ne peut pas engendrer à elle seule ; c’est que l’animal se distingue par la sensibilité, et que c’est le mâle qui apporte l’âme sensible ; des œufs clairs des oiseaux ; ils n’ont que l’âme nutritive, qui ne suffit pas sans l’âme sensitive ; le mâle serait alors inutile, et la Nature ne fait jamais rien en vain ; comparaison avec les automates et leurs mouvements successifs ; erreur de quelques naturalistes ; le cœur agit le premier, et cesse d’agir le dernier.


§ 1[268]. Dans les végétaux, la femelle n’est pas séparée du mâle ; mais dans les animaux où les deux sexes sont isolés, le mâle a besoin de la femelle, sans qui il ne peut rien. Ici l’on peut se poser une question : Si la femelle a la même âme que le mâle, et si la matière du fœtus est bien l’excrétion de la femelle, comment se fait-il que la femelle ait encore besoin du mâle ? Et pourquoi la femelle n’est-elle pas en état d’engendrer à elle seule, en tirant tout d’elle-même ? § 2[269]. La cause en est que c’est par la faculté de la sensibilité que l’animal diffère de la plante et s’en distingue. Or, il est impossible que le visage, la main, la chair ou toute autre partie du corps existent sans que l’âme sensible ne soit dans toutes ces parties, ou en acte ou en puissance, sans qu’elle y soit ou jusqu’à une certaine mesure, ou d’une manière absolue. Autrement, le corps ne serait qu’un cadavre ou une partie de cadavre. Si donc le mâle est le créateur de l’âme sensitive, dans les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il est bien impossible que la femelle à elle seule produise un être animé ; car nous avons vu que c’était là la fonction propre du mâle. § 3[270]. Cependant, la question qu’on se pose ici n’est pas sans quelque raison, et on peut l’appuyer sur le fait de la production des œufs clairs que pondent les oiseaux ; ce fait prouve que jusqu’à un certain point la femelle peut engendrer à elle seule. Il est vrai qu’on doit se demander aussi comment on peut aller jusqu’à dire que ces œufs-là sont vivants. Ainsi, l’on ne peut pas croire que ces sortes d’œufs soient tout ce que sont les œufs féconds, puisqu’alors il en sortirait également en fait un être animé ; mais ces œufs ne sont pas davantage des choses inertes comme le bois ou la pierre. § 4[271]. Il faut donc supposer qu’il y a pour ces œufs une espèce d’altération qui les détruit, et qu’en quelque manière ils avaient antérieurement la vie en partage. Ils ont donc évidemment une âme quelconque en puissance. Mais quelle est cette espèce d’âme ? Certainement, ce ne peut être que le plus bas degré de l’âme, en d’autres termes, l’âme nutritive, qui se trouve indifféremment dans tous les animaux et dans toutes les plantes. Pourquoi ne suffit-elle pas à faire tous les organes et l’animal complet ? C’est que l’animal et les organes doivent avoir l’âme sensitive. § 5[272]. Les parties des animaux ne sont pas comme celles de la plante ; et voilà pourquoi elles ont besoin de la coopération du mâle, qui est séparé dans les animaux de cette espèce. C’est précisément ce qui arrive pour les œufs clairs ; ils peuvent devenir féconds, si, à un certain moment, le mâle couvre la femelle. Du reste, nous essaierons ultérieurement d’expliquer la cause de ces phénomènes. S’il existe une espèce d’animaux qui soit femelle, sans qu’il y ait de mâle séparé, des animaux de ce genre peuvent sans copulation produire d’eux seuls un être animé. § 6[273]. Jusqu’à présent du moins, on n’a pu en avoir la certitude par des observations dignes de foi ; mais on peut hésiter en ce qui concerne les poissons. Parmi ceux qu’on appelle des rougets, on n’a pas pu encore reconnaître de mâle ; ils sont tous des femelles pleines de frai. Mais, les observations sur ces poissons ne sont pas encore tout à fait concluantes ; on n’y connaît pas plus de femelles et de mâles que dans le genre de poissons qui composent les anguilles, et une espèce de muges qui vivent dans les rivières marécageuses.

§ 7[274]. Dans les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il est impossible que la femelle à elle seule puisse produire un jeune complètement formé ; car alors le mâle serait inutile, tandis que jamais la Nature ne fait rien en vain. Aussi, dans ces espèces, est-ce toujours le mâle qui achève et complète la génération. Il y apporte l’âme sensitive, soit directement par lui-même, soit par l’intermédiaire de la semence. Les organes de l’embryon sont en puissance dans la matière, lorsqu’y survient le principe du mouvement, ainsi que, dans les automates bien faits, les mouvements se produisent à la suite les uns des autres. § 8[275]. Quand quelques naturalistes prétendent que le semblable se porte vers le semblable, il faut entendre cette théorie en ce sens, non pas que les parties se meuvent en changeant de place, mais que, restant en place et modifiées par la mollesse, par la dureté, par les couleurs, ou telles autres différences analogues des parties similaires, les organes deviennent en fait ce qu’ils n’étaient antérieurement qu’en puissance. Tout d’abord, c’est le principe de tout le reste qui se constitue ; et ce principe, ainsi que nous l’avons souvent répété, c’est le cœur dans les animaux qui ont du sang ; et c’est, dans les autres, l’organe correspondant. § 9[276]. C’est ce qu’on peut voir par l’observation sensible, non seulement au début de l’existence, mais en outre au moment de la mort. Le cœur est le dernier organe qui garde la vie, et qui cesse le dernier de vivre. Or, toujours ce qui naît en dernier lieu est le premier à disparaître ; et le premier en date est ce qui disparaît le dernier, comme si la Nature faisait une course double et revenait à son point de départ. La génération en effet va de ce qui n’est pas à ce qui est ; et la destruction va en sens contraire, de ce qui est à ce qui n’est pas.


CHAPITRE VIII

De la succession des organes paraissant les uns après les autres ; erreur de quelques naturalistes sur l’influence de la respiration de la mère ; cécité des jeunes au moment de la naissance ; des sens divers du mot Antérieur ; trois conditions indispensables à l’être : le moteur, le but et le moyen ; explication insuffisante de Démocrite, qui n’admet que la nécessité et l’éternité des choses ; démonstration possible de certaines vérités éternelles ; le cœur est le premier viscère qui entre en action ; effet de la chaleur interne et du froid sur la formation successive des organes ; la chaleur constitue le cœur, et le froid constitue le cerveau ; c’est surtout la tête qui se développe après le cœur ; grosseur excessive des yeux dans le fœtus ; constitution de l’œil ; la vue est le seul sens qui ait un organe isolé ; formation de la fontanelle chez les enfants ; grosseur démesurée de leur tête ; sagesse de la Nature ; développement général des os ; de la croissance des ongles et des cheveux, qui poussent encore sur le cadavre après la mort ; des dents, particulièrement chez l’homme ; ce sont des os, mais se distinguant des autres par leur croissance constante : usure des dents avec l’âge : l’homme naît sans dents ; indication d’études ultérieures.


§ 1[277]. Une fois que le principe est formé, ainsi qu’on vient de le dire, ce sont les viscères intérieurs qui se développent tout d’abord, avant les organes externes. Les organes volumineux paraissent avant les plus petits, bien que quelques-uns n’existassent même pas auparavant. Les parties supérieures, c’est-à-dire celles qui sont au-dessus de la ceinture, se divisent les premières en membres reconnaissables ; et elles grossissent. Le bas reste plus petit et moins distinct. § 2[278]. Cet aspect successif se présente chez tous les animaux dans lesquels on distingue un haut et un bas. Il faut cependant en excepter les insectes ; dans ceux d’entre eux qui font des larves, la croissance se fait par le haut ; le haut chez eux est plus petit dès le début. Le haut et le bas ne sauraient se distinguer dans les seules espèces des mollusques qui se déplacent. D’ailleurs, cette même observation peut s’appliquer aux plantes, dans lesquelles la masse d’en haut se développe avant celle du bas ; car les graines poussent des racines avant de pousser des tiges. § 3[279]. Il est bien possible que les parties diverses des animaux se déterminent par le souffle qui les anime ; mais ce n’est pas certainement par celui de la mère, qui les produit, ni par celui de l’animal lui-même, comme le prétendent quelques naturalistes. C’est ce dont il est facile de se convaincre en observant les oiseaux, les poissons et les insectes ; car parmi ces êtres, les uns, séparés de la mère, sortent d’un œuf dans lequel ils reçoivent l’articulation de leurs membres ; d’autres ne respirent pas du tout ; et ils paraissent à l’état de larves ou à l’état d’œuf ; d’autres enfin qui respirent, et qui prennent et forment leurs organes dans la matrice, ne respirent pas cependant avant que le poumon n’ait reçu son complet développement. Le poumon lui-même s’organise ainsi que les parties antérieures, avant que l’animal ne puisse respirer.

§ 4[280]. Tous les quadrupèdes fissipèdes, tels que le lion, le loup, le renard, le lynx, font tous des petits aveugles ; et chez ces animaux, la paupière des jeunes ne s’ouvre que plus tard. Ceci prouve évidemment que, dans ce cas aussi bien que pour tous les autres, de même que la qualité et la quantité ne sont d’abord qu’en puissance et ne deviennent en acte que postérieurement, de même et par suite des mêmes causes qui déterminent la qualité, il se forme deux êtres au lieu d’un. § 5[281]. Il faut nécessairement qu’il y ait là un souffle de vie, puisqu’il y a tout à la fois liquidité et chaleur ; et ce souffle vital doit être celui de l’être qui agit, et aussi de l’être qui souffre. Quelques-uns des naturalistes anciens ont tâché de nous dire quelle partie vient avant l’autre, sans avoir suffisamment observé les faits tels qu’ils se passent. Pour les organes aussi bien que pour tout le reste, il est bien vrai que l’un se forme naturellement avant l’autre et lui est antérieur. § 6[282]. Mais, Antérieur est un mot qui a plusieurs sens ; et il faut bien distinguer entre la cause finale prise en général, et la cause finale de telle chose en particulier. L’une est antérieure à l’autre, parce qu’elle naît plus tôt ; mais l’autre est antérieure par son essence. La cause finale particulière présente elle-même deux sens distincts : ici l’origine du mouvement, et là le moyen qu’emploie la cause finale pour atteindre un but spécial. § 7[283]. J’entends par là, d’une part, l’être qui engendre ; et d’autre part, l’organisation de l’être engendré. De ces choses, l’une doit nécessairement être antérieure à l’autre ; et l’antérieure est celle qui fait l’action, comme, par exemple, le maître qui enseigne est antérieur à l’élève qu’il instruit ; comme la flûte ne vient qu’après celui qui apprend à en jouer ; car des flûtes seraient bien inutiles pour qui ne saurait pas jouer de cet instrument. § 8[284]. Il y a donc ici trois choses à considérer : d’abord le but, c’est-à-dire ce qui, selon nous, est le pourquoi en vue duquel se fait tout le reste ; en second lieu, parmi ces pourquoi et ces buts, vient le principe moteur et générateur ; car ce qui fait et engendre n’est ce qu’il est que relativement à l’être fait et engendré par lui ; en dernier lieu, la troisième chose à considérer est le moyen dont la fin se sert et qui est à son usage. De toute nécessité, il faut donc qu’il y ait d’abord une partie où se trouve le principe du mouvement ; et ce principe devient directement une portion du but, la portion unique et capitale entre toutes. Vient en second lieu, l’être total et le but poursuivi ; et en troisième et dernier lieu, les organes dont ils ont besoin pour pouvoir accomplir certaines fonctions particulières.

§ 9[285]. Par conséquent, s’il y a quelque organe qui doive être nécessairement dans les animaux, et qui renferme, la fois, le principe et la fin de ce qui fait toute leur nature c’est cet organe qui doit nécessairement naître avant tout autre, en tant que moteur premier, et aussi en tant que partie de la fin de l’être et de tout son ensemble. Ainsi donc, dans les parties organiques qui sont faites naturellement pour engendrer, ce sont celles-là qui doivent toujours être antérieures aux autres, puisque, en tant que principe, elles ont un autre être pour but ; et que celles qui ne sont pas dans cette condition, ne doivent venir qu’après celles qui ont un autre être pour objet. § 10[286]. Du reste, il n’est pas facile de distinguer quels sont les organes qui sont antérieurs, quels sont ceux qui ont un autre être pour but, et quel est leur but véritable. Ce qui redouble l’embarras, c’est que les parties qui donnent le mouvement sont, sous le rapport de leur production, antérieures à la fin poursuivie ; et les parties motrices sont bien difficiles à distinguer des parties organiques. § 11[287]. C’est cependant par cette méthode qu’il faut rechercher comment tel organe vient après tel autre. Tantôt la fin est postérieure ; tantôt elle est antérieure ; et voilà pourquoi l’organe qui renferme le principe vient le premier, et pourquoi la masse supérieure du corps ne vient qu’à la suite de celle-là. Voilà aussi comment c’est la région de la tête et celle des yeux qui se montrent les plus grandes dans les fœtus, et comment les parties au-dessous du nombril, telles que les jambes, se montrent d’abord si petites. Cette disposition tient à ce que le bas est fait pour le haut, et qu’il n’est, ni une partie de la fin à atteindre, ni capable de la produire.

§ 12[288]. C’est donc se tromper et mal expliquer la nécessité du moyen employé que de se borner à dire que les choses sont toujours ce qu’elles sont, et à trouver là toute l’origine des choses, comme le fait Démocrite d’Abdère, quand il avance qu’il n’y a pas de commencement pour l’éternel ni pour l’infini, que le moyen employé est le seul principe et que l’éternel est infini ; de telle sorte que, selon lui, demander sur ces questions quel est le moyen employé pour atteindre le but, c’est rechercher encore le commencement de l’infini. § 13[289]. Si l’on adoptait cette façon de raisonner, qui dispense ces naturalistes d’étudier le moyen par lequel se font les choses, il n’y aurait plus de démonstration possible de choses éternelles. Cependant, il y a bien des choses éternelles qu’on démontre, soit qu’elles se produisent éternellement, soit qu’elles existent de toute éternité. Ainsi, une des vérités éternelles, c’est que le triangle a ses angles égaux à deux droits, c’est que le diamètre est incommensurable au côté ; cependant, on trouve la cause et la démonstration de ces vérités géométriques. Sans doute, on a bien raison de croire qu’il ne faut pas chercher un principe à tout sans exception ; mais on aurait tort de ne pas chercher le principe de ce qui est toujours ou se produit toujours, si ce n’est quand il s’agit des principes mêmes des choses éternelles. C’est par une tout autre voie qu’on connaît alors le principe, et il n’y a pas pour lui de démonstration possible. Dans les choses immuables, le principe, c’est ce qu’elles sont ; mais dans les choses qui naissent et se produisent, il y a plusieurs principes, qui sont fort divers, et qui ne sont pas les mêmes pour toutes.

§ 14[290]. Un de ces principes, c’est celui d’où part le mouvement ; et c’est pourquoi, chez tous les animaux qui ont du sang, c’est le cœur qui se montre le premier, ainsi que nous l’avons dit en commençant. Dans les animaux qui n’ont pas de sang, c’est l’organe correspondant au cœur qui se montre avant les autres. Du cœur, partent des veines qui font l’effet de ces dessins que les peintres esquissent sur les murs. Les parties se disposent autour de ces veines comme si elles-mêmes en sortaient. § 15[291]. Les parties similaires sont produites par le froid et la chaleur ; car il y a des choses qui se constituent et se coagulent par le froid ; d’autres, par la chaleur. Sur la différence de ces actions du froid et du chaud, on peut voir ce que nous en avons dit dans d’autres ouvrages, où nous avons expliqué quelles sont les matières solubles par le liquide ou le feu, et quelles sont les matières qui ne sont pas solubles dans l’eau, et que le feu ne fond pas. § 16[292]. La nourriture circule donc dans les veines et dans les vaisseaux de chaque organe, comme l’eau peut circuler dans des tuyaux de poteries sèches. Les chairs et les parties qui leur correspondent se constituent sous l’action du froid, et c’est pour cela que le feu les dissout. Quant aux matières en circulation qui sont trop terreuses et qui ont peu d’humidité et de chaleur, elles se refroidissent ; et, l’humidité s’évaporant avec la chaleur, elles deviennent dures et de nature terreuse, comme les ongles, les cornes, les soles et les becs. Ces matières s’amollissent par le feu ; mais aucune ne se fond. Quelques-unes sont solubles dans l’eau, comme les coquilles des œufs. § 17[293]. Sous l’influence de la chaleur intérieure, les nerfs et les os se forment, parce que le liquide se dessèche. Les os ne sont pas solubles par le feu, et ils y résistent à peu près comme l’argile ; car la chaleur développée au moment de la génération les a fait cuire comme dans un fourneau. D’ailleurs, la chaleur ne fait pas la chair ou l’os indifféremment, ni dans un lieu quelconque, ni à un moment quelconque ; mais elle fait ce qui doit être fait selon le vœu de la Nature, là, où, et quand la Nature l’exige. Ce qui n’est qu’en puissance ne peut passer à l’être lorsque le moteur n’a pas l’acte indispensable, pas plus que l’agent qui a l’actualité voulue ne peut amener à l’être la première chose venue. C’est comme l’ouvrier qui ne peut faire un vase qu’avec du bois, et comme le vase qui, sans l’ouvrier, ne peut sortir du bois dont il doit être formé.

§ 18[294]. La chaleur qui est contenue dans l’excrétion spermatique, y est animée d’un mouvement et d’une force, qui, sous le rapport de la quantité et de la qualité, sont en proportion de chacun des organes. Selon que cette force est ou insuffisante ou surabondante, elle compose moins bien l’être qui doit naître, ou même elle le mutile, à peu près comme les matières extérieures qu’on fait cuire pour en tirer nos aliments, ou pour tel autre usage. C’est nous qui pour ces matières mesurons la chaleur, en proportion du mouvement que nous voulons lui faire produire ; mais pour les animaux, c’est la nature du générateur qui la leur donne ; et pour les animaux qui naissent spontanément, c’est le mouvement et la chaleur de la saison qui les font surgir. Quant au froid, il n’est que la privation de la chaleur. § 19[295]. La Nature emploie ces deux agents, qui ont nécessairement la force de produire, l’un tel effet, et l’autre tel effet différent ; mais pourtant, dans les choses qui se produisent en vue d’une certaine fin, l’un de ces agents refroidit, tandis que l’autre échauffe. C’est ainsi que chacune des parties de l’animal s’organise ; et que la chair devient molle en partie, parce que les deux agents lui donnent nécessairement cette propriété, et, en partie, parce qu’elle est faite en vue d’une certaine fin. C’est encore ainsi que le muscle devient sec et contractile, et que l’os devient dur et fragile. La chair, en se desséchant, forme la peau, comme, sur les mets de nos tables, se forme ce qu’on appelle leur croûte. § 20[296]. Non seulement la peau se forme ainsi, parce qu’elle est la plus extérieure et superficielle, mais aussi parce que le visqueux qui n’a pu se vaporiser reste à la surface. Dans les autres animaux, le visqueux est desséché ; et voilà comment les derniers des animaux privés de sang sont des testacés et des crustacés ; mais dans ceux qui ont du sang, le visqueux se rapproche davantage de la graisse. Chez ceux qui n’ont pas une nature trop terreuse, la partie graisseuse s’accumule sous le revêtement de la peau, comme si la peau venait de cette viscosité ; car il y a toujours une certaine viscosité dans le graisseux.

§ 21[297]. Nous pouvons le répéter : tous ces phénomènes ont lieu, tantôt par une nécessité inévitable, tantôt sans nécessité, et uniquement en vue d’une certaine fin. C’est d’abord la masse supérieure qui se détermine en se produisant ; et c’est après un intervalle de temps que la partie inférieure se développe, dans les animaux qui ont du sang. Mais tous les organes ne s’esquissent d’abord que par de simples contours ; puis ensuite, ils prennent leurs couleurs, leur mollesse ou leur dureté, comme si la Nature les dessinait d’abord grossièrement, ainsi que font les peintres, qui tracent préalablement une esquisse et des lignes, et qui lie mettent qu’après ces préparations les couleurs de l’animal qu’ils veulent représenter. § 22[298]. Comme le principe de la sensibilité et de l’animal entier réside dans le cœur, c’est le cœur qui se forme en premier lieu. En vue de la chaleur que développe le cœur, auquel aboutissent les veines d’en haut, le froid constitue le cerveau, qui fait contrepoids à la chaleur dont le cœur est environné. Aussi, ce sont les parties avoisinant la tête qui se développent immédiatement après le cœur ; et leur grosseur dépasse celle des autres parties, parce que le cerveau est volumineux et humide.

§ 23[299]. Le phénomène que présentent les yeux des animaux est difficile à expliquer. Au début, ils semblent énormes, aussi bien dans les animaux qui marchent que dans ceux qui nagent, ou dans ceux qui volent. Et cependant, les yeux sont la partie qui se montre la dernière. Puis, après quelque intervalle, ils s’affaissent. La cause de cette disposition, c’est que le sens de la vue, tout comme les autres sens, se fait par des canaux. Mais, les sens du toucher et du goût sont immédiatement, ou le corps même de l’animal, ou une partie de son corps ; l’odorat et l’ouïe sont des canaux en rapport avec l’air du dehors, pleins du souffle naturel, et aboutissant aux petites veines qui, du cœur, montent au cerveau. § 24[300]. Au contraire, l’œil est le seul sens à avoir un corps qui lui soit propre. Ce corps est humide et froid, et il n’est pas préalablement dans le lieu qu’il doit occuper, comme les autres parties, qui sont d’abord en simple puissance, et qui ensuite passent à l’acte. Mais, de l’humidité qui est dans le cerveau, se détache la partie la plus pure, pour filtrer par les canaux qui s’étendent des yeux à la méninge qui entoure le cerveau. La preuve, c’est que la tête n’a aucune partie autre que le cerveau qui soit humide et froide ; et que l’œil est également froid et humide. C’est donc une nécessité que cette région soit d’abord fort grosse, et qu’ensuite elle diminue et s’affaisse.

§ 25[301]. Le même changement se passe pour le cerveau, qui est d’abord humide et volumineux, et qui, à mesure qu’il respire et qu’il mûrit, prend plus de corps et s’affaisse, ainsi que s’affaisse également la grosseur des yeux. Au début, la tête, grâce au cerveau, paraît énorme ; et les yeux paraissent non moins gros, à cause de l’humidité qu’ils renferment. A la fin, ils prennent leur dimension définitive, au moment où le cerveau lui-même est à peine complètement formé ; car ce n’est qu’assez tard qu’il cesse d’être froid et humide, dans tous les animaux en général qui ont un cerveau, mais surtout dans l’homme. § 26[302]. C’est aussi pour cela que la fontanelle est le dernier des os à se solidifier ; car chez les enfants, au moment où ils viennent au jour, cet os est encore mou ; et si cette disposition est surtout marquée dans l’homme, c’est que l’homme a le cerveau plus humide et plus gros que tout autre animal, parce que c’est lui aussi qui a la chaleur la plus pure dans le cœur. Son intelligence atteste cet heureux équilibre, puisque l’homme est le plus intelligent de tous les êtres. § 27[303]. On peut remarquer même que les enfants ne sont pas maîtres de leur tête jusqu’à un certain âge, à cause du poids du cerveau et de ce qui l’entoure. Il en est du reste ainsi de toutes les autres parties du corps que l’enfant doit mouvoir. En effet, ce n’est qu’assez tard et en dernier lieu que le principe du mouvement régit et domine les parties supérieures du corps, et toutes les parties qui, comme les membres, ne sont pas en rapport direct avec ce principe. C’est là précisément ce qui arrive pour la paupière. La Nature ne faisant jamais rien d’inutile et jamais rien en vain, il est clair que ce n’est pas davantage en vain qu’elle fait que telle chose est postérieure, et que telle autre chose est antérieure ; car alors ce qu’elle aurait produit serait vain et inutile. Par conséquent, il faut tout à la fois et nécessairement que les paupières se séparent, et qu’elles puissent se mouvoir. § 28[304]. C’est donc tardivement que les yeux des animaux sont tout à fait organisés, à cause de la coction énorme qui se fait dans le cerveau ; et s’ils sont les derniers à se former, c’est qu’il faut une force bien puissante pour mettre en mouvement des organes qui sont éloignés du principe et qui sont froids. Ce qui prouve que c’est bien là la nature des paupières, c’est que si nous ressentons quelque lourdeur à la tête, soit par le besoin du sommeil, soit par l’ivresse ou telle autre cause analogue, nous ne pouvons soulever nos paupières, bien qu’elles ne pèsent pas cependant beaucoup par elles-mêmes.

§ 29[305]. Nous venons de dire pour les yeux comment et par quel procédé ils se forment, et pourquoi ils sont les derniers de nos organes à se constituer. Toutes les autres parties du corps se développent par la nourriture. Mais celles qui sont les plus importantes, et celles qui participent du principe dominateur, viennent de la nourriture la plus élaborée et la plus pure, de la nourriture première ; les autres, qui sont nécessaires et qui sont faites pour les plus relevées, viennent d’une nourriture moins bonne, composée des résidus et des excrétions. § 30[306]. La Nature, comme un sage économe, a l’habitude de ne perdre rien de ce qu’elle peut utiliser, de quelque façon que ce soit. Dans l’administration des ménages, la nourriture la meilleure est réservée aux personnes libres ; la moins bonne et les restes sont donnés aux serviteurs ; et l’on donne ce qu’il y a de plus mauvais aux animaux qu’on nourrit dans la maison. De même donc que l’intelligence du maître fait, du dehors, tous ces arrangements pour que les choses prospèrent, de même, à l’intérieur des êtres que la Nature produit, elle compose, avec la matière la plus pure, les chairs et le corps de tous les autres sens, et, avec les déchets, elle compose les os, les nerfs, les poils, les ongles, les cornes et toutes les parties de même ordre. § 31[307]. De là vient que ces parties secondaires ne prennent leur consistance qu’en dernier lieu, quand déjà, dans le corps, il s’est formé naturellement du superflu. Lors de la constitution première de ces parties, la nature des os vient de la sécrétion spermatique ; et quand les animaux sont arrivés à toute leur croissance, les os prennent leur développement de la nourriture ordinaire, d’où viennent les parties maîtresses du corps, bien qu’ils n’en soient encore que les résidus et les excrétions superflues. § 32[308]. Dans tout être, il faut distinguer deux degrés de nutrition, un premier et un second ; l’un servant à nourrir, et l’autre à accroître. Ce qui nourrit est ce qui procure l’existence à l’être entier et à ses parties diverses ; ce qui procure la croissance est ce qui donne le développement en grandeur. Mais c’est là un sujet que nous approfondirons plus tard. Les nerfs se constituent de la même manière que les os, et des mêmes matériaux, à savoir de l’excrétion spermatique et de l’excrétion nutritive. Les ongles, les poils, les soles, les cornes, les becs et les ergots des oiseaux, et les autres parties semblables, viennent de la nourriture accumulée et de celle qui sert à la croissance, que d’ailleurs cette nourriture soit tirée de la femelle, ou qu’elle vienne du dehors. § 33[309]. Si les os ne croissent que jusqu’à un certain point, c’est que tous les animaux ont une limite à leur grosseur, et que les os en ont également une ; car, si les os croissaient sans cesse, tous les animaux qui ont des os ou des parties correspondant aux os, croîtraient durant leur existence tout entière. Mais ce sont les os qui posent une limite à la croissance des animaux. Plus tard, nous expliquerons comment il se fait que les os ne peuvent pas se développer toujours. § 34[310]. Quant aux ongles, et à toutes les parties analogues, ils croissent tant qu’ils existent. C’est dans les maladies, dans la vieillesse et dans la destruction successive qu’elle amène, qu’ils croissent davantage, parce qu’il reste une plus grande quantité d’excrétion superflue, et qu’il en est moins dépensé pour les parties maîtresses de l’organisation. Aussi, quand cette superfluité vient à manquer par suite de l’âge, les poils manquent également. Pour les os, c’est tout le contraire ; ils dépérissent en même temps que le corps et ses organes, tandis que les cheveux poussent encore même sur le cadavre, sans toutefois s’y renouveler.

§ 35[311]. Les dents offrent matière à plus d’une question ; leur nature est la même que celle des os ; et c’est des os qu’elles proviennent, tandis que les ongles, les poils, les cornes et autres parties de ce genre viennent de la peau, et changent de couleur en même temps qu’elle, tantôt blanches, tantôt noires, ou avant des couleurs diverses, suivant que la peau est elle-même colorée différemment. Pour les dents, il n’y a rien de pareil ; elles viennent des os, dans toutes les espèces qui ont à la fois des dents et des os ; mais seules de tous les os, elles ne cessent de croître durant la vie entière. § 36[312]. C’est ce qu’on peut voir aisément sur les dents qui tendent à se toucher mutuellement. Ce qui fait que les dents poussent sans cesse, c’est l’objet même de leur fonction et le but qu’elles doivent atteindre. Elles seraient bien vite usées si elles ne recevaient pas un certain accroissement ; et l’on voit sur les personnes qui vieillissent en mangeant beaucoup, et qui n’ont pas les dents très grandes, qu’elles s’usent absolument, parce qu’elles perdent plus qu’elles ne gagnent par leur croissance. § 37[313]. La Nature a très bien combiné les choses dans ces circonstances. Elle fait coïncider l’usure des dents avec la vieillesse et la fin de l’existence. Si la vie était de dix mille ans ou seulement même de mille ans, les premières dents devraient devenir énormes et repousser plusieurs fois ; car elles auraient beau croître continuellement, elles n’en deviendraient pas moins, par l’usure, incapables de remplir leur office. Voilà donc pourquoi les dents croissent toujours. § 38[314]. Mais on peut remarquer, en outre, que les dents ne sont pas de la même nature que les autres os. Les os, dès leur première constitution, se montrent tous sans exception, et aucun ne vient plus tard que les autres. Mais les dents ne poussent qu’assez tard après la naissance ; aussi peuvent-elles repousser après être tombées ; elles s’appuient sur les os, qu’elles touchent ; mais elles ne poussent pas avec eux néanmoins. Elles proviennent de la nourriture qui sert à la formation des os ; aussi, ont-elles la même nature, et apparaissent-elles, quand les os ont déjà le nombre qu’ils doivent avoir.

§ 39[315]. Tous les autres animaux naissent avec des dents ou avec des parties qui y correspondent, toutes les fois qu’il ne se passe rien de contraire aux lois de la Nature, parce que les animaux naissent beaucoup plus achevés que l’homme, dès leur origine. Loin de là, dans l’ordre habituel de la Nature, l’homme naît sans avoir de dents. Nous verrons plus tard comment il se fait que certaines dents poussent et tombent, et comment d’autres ne tombent jamais. Mais comme ces parties viennent d’excrétion, l’homme est de tous les animaux celui qui a le moins de poils, relativement à son corps, et dont les ongles sont les plus petits en proportion de sa grosseur. C’est que c’est lui qui a le moins d’excrétion terreuse ; mais l’excrétion est le résidu qui n’est pas cuit ; et l’excrétion terreuse, dans les corps, est la moins cuite de toutes.


CHAPITRE IX

Du cordon ombilical par lequel se nourrissent les embryons des vivipares ; fonctions des cotylédons, du chorion et des membranes ; disparition des cotylédons ; détails à vérifier sur les Dessins Anatomiques et dans l’Histoire des Animaux ; erreur de quelques naturalistes sur la nutrition du fœtus ; accouplements hybrides entre les espèces voisines ; conditions particulières qui, en Libye, favorisent ces accouplements ; stérilité des hybrides ; toute leur race est inféconde ; stérilité relative de quelques individus dans l’espèce humaine ; signes de stérilité chez les hommes et chez les femmes ; expériences sur le sperme des hommes ; observations sur le teint et l’haleine des femmes : action des plaisirs de l’amour sur la vue et sur le cerveau.


§ 1[316]. Nous venons de dire comment se forment chacun des organes, et quelle est la cause de leur développement. Les embryons des vivipares reçoivent la croissance qu’ils prennent par l’intermédiaire du cordon ombilical, ainsi que nous l’avons expliqué. Comme tous les animaux ont en eux-mêmes la force nutritive de l’âme, ils projettent l’ombilic dans la matrice, en guise de racine. Le cordon ombilical se compose de veines renfermées dans une enveloppe ; ces veines sont plus nombreuses dans les plus gros animaux, tels que le bœuf et autres animaux de ce genre. Il y en a deux dans les animaux de grosseur moyenne ; il n’y en a qu’une seule dans les derniers et les plus petits. § 2[317]. C’est par l’ombilic que les animaux reçoivent le sang qui les nourrit ; car les matrices sont le terme où aboutissent beaucoup de veines. Les animaux qui n’ont pas une double rangée de dents, et, parmi les animaux qui ont la double rangée, ceux dont la matrice n’a pas seulement une grande veine qui s’y rende, mais en a plusieurs au lieu d’une, tous ceux-là ont dans la matrice ce qu’on appelle des cotylédons, auxquels se rend le cordon ombilical et auxquels il s’attache. § 3[318]. Les veines qui traversent l’ombilic s’étendent en tous sens et se répartissent dans toute la matrice ; et c’est au point où elles finissent que se trouvent les cotylédons, dont la partie convexe touche la matrice, et la partie concave, l’embryon. Entre la matrice et l’embryon, sont placés le chorion et les membranes. Quand l’embryon a pris sa croissance et qu’il s’achève, les cotylédons deviennent plus petits, et ils disparaissent complètement quand l’être est tout à fait formé. C’est en eux que la Nature a préparé, pour les embryons, la nourriture sanguine de la matrice, comme elle en prépare dans les mamelles ; et la nourriture s’y accumulant petit à petit, et y arrivant de plusieurs côtés, le corps du cotylédon prend une sorte de floraison et d’inflammation. § 4[319]. Tant que l’embryon reste assez petit, et qu’il n’a pas besoin de grande nourriture, les cotylédons sont beaucoup plus gros ; mais quand l’embryon a pris sa croissance, ils s’affaissent. La plupart des petits animaux et de ceux qui ont la double rangée de dents n’ont pas de cotylédons dans la matrice ; chez eux, le cordon aboutit à une seule veine, qui est fort grosse, et qui, elle-même, aboutit à la matrice. Bien que, parmi ces animaux, les uns ne fassent qu’un petit, et que d’autres en fassent plusieurs, les embryons plus nombreux se développent de la même manière que se développe un seul embryon. Il faut étudier tous ces détails dans les figures représentant les Dissections et dans les descriptions de l’Histoire des Animaux. § 5[320]. Les animaux proviennent de l’ombilic ; et l’ombilic provient de la veine, l’un à la suite de l’autre, comme si la veine s’écoulait par un canal. Autour de chaque embryon, il y a des membranes et un chorion. On se trompe quand on prétend que les enfants se nourrissent dans la matrice, en y tétant un petit morceau de chair. Il faudrait que le même phénomène se répétât dans les autres animaux ; mais on ne l’y voit pas dans l’état actuel des choses, ce dont on peut aisément se convaincre par l’anatomie. Pour tous les embryons, soit que les animaux nagent, soit qu’ils volent, soit qu’ils marchent, il y a également de légères membranes, qui les entourent pour les séparer et de la matrice et des liquides qui s’y forment. Dans les espèces où il ne se passe rien de pareil, ni dans ces liquides, ni dans ces membranes, il n’est pas possible non plus à l’embryon de se nourrir par aucun de ces moyens. Pour tous les ovipares, il est de toute évidence qu’ils prennent leur développement indépendamment de la matrice, puisqu’ils sont dehors.

§ 6[321]. L’accouplement est naturel entre les animaux de même espèce ; il peut même avoir lieu entre des animaux dont la nature est très voisine, sans que leur espèce soit néanmoins tout à fait identique. Mais alors, il faut qu’ils soient à peu près de même grosseur, et que les temps de gestation soient à peu près égaux. Ces accouplements sont rares chez les autres animaux ; mais ils ont lieu assez souvent entre les chiens, les renards et les loups. Les chiens Indiens viennent de l’accouplement d’une bête fauve, qui ressemble au chien, et d’un chien. § 7[322]. On peut voir que ce fait se répète aussi chez les oiseaux lascifs, comme les perdrix et les poules ; et parmi les oiseaux à serres recourbées, les éperviers d’espèces diverses s’accouplent les uns avec les autres. Il en est encore de même pour quelques autres oiseaux. Pour les poissons de mer, on n’a encore observé rien de bien précis. Ce qui semble le moins improbable, c’est que les poissons appelés Rhinobates viennent d’une raie et d’une lime. § 8[323]. Le proverbe qui dit que, dans la Libye, il surgit toujours quelque monstre nouveau, vient de ce qu’en Libye, des animaux qui ne sont pas de la même espèce ont néanmoins l’occasion de s’accoupler. Comme l’eau est excessivement rare en ce pays, les animaux se rencontrent aux lieux très peu nombreux qui ont des nappes d’eau, et ils s’accouplent alors, quoiqu’ils ne soient pas de genre identique.

§ 9[324]. Les animaux issus de ces mélanges semblent aussi s’accoupler les uns avec les autres ; et en s’unissant, ils semblent pouvoir à leur tour produire des femelles et des mâles. Mais les mulets, seuls parmi les animaux nés de cette manière, sont inféconds ; ils ne peuvent produire, ni entre eux, ni en s’accouplant avec d’autres. Du reste, la question vaut la peine qu’on la généralise, et l’on peut se demander d’où vient la stérilité, soit dans le mâle, soit dans la femelle ; car, il y a des femmes et des hommes stériles, et il y a aussi des individus inféconds dans toutes les autres espèces, chevaux, moutons, etc. Mais il n’y a que les mulets où l’espèce tout entière soit stérile. § 10[325]. Les causes de la stérilité sont plus nombreuses dans les autres animaux. Ainsi, la stérilité peut être de naissance ; et quand les organes destinés au rapprochement sont mal conformés, les femmes et les hommes sont stériles, les unes n’ayant pas de poils au pubis, les autres n’ayant pas de barbe, et restant toute leur vie des eunuques. Tantôt, chez les uns, c’est dans le cours de la vie que cette même infirmité survient par excès d’embonpoint, les femmes devenant trop grasses, et les hommes ayant un corps trop bien portant, où se perd l’excrétion spermatique. Alors, les femmes n’ont plus de mois, et les hommes n’ont plus de semence. Tantôt aussi, l’infirmité survient par suite de maladie ; les hommes émettent une semence aqueuse et froide ; les femmes n’ont plus que des évacuations viciées et pleines d’excrétions morbides.

§ 11[326]. Bien des hommes et bien des femmes sont frappés d’impuissance, par suite de difformités dans les organes et les parties nécessaires au rapprochement. Si quelques-unes de ces affections sont curables, d’autres sont incurables ; le plus souvent, la stérilité persiste quand elle tient à la constitution première de l’individu. Les femmes prennent un air masculin, et les hommes un air de femme ; les unes n’ont plus leurs mois, et les autres n’ont qu’un sperme léger et froid. § 12[327]. On a donc raison d’essayer des expériences faites avec de l’eau pour s’assurer que le sperme des hommes est infécond. Celui qui est léger et froid se dissout très vite, en se répandant à la surface : celui qui est fécond tombe au fond. Ce qui est complètement cuit est chaud ; et le sperme qui a toute la coction nécessaire est compact et épais. Pour les femmes on s’assure de leur état par des observations extérieures ; par exemple, si la mauvaise odeur monte de bas en haut jusqu’à leur haleine, au dehors ; on s’en assure aussi en observant les couleurs qui cernent leurs yeux, et la couleur de leur salive dans leur bouche. § 13[328]. Quand les bonnes conditions ne se présentent pas, il est clair que les vaisseaux par lesquels doit filtrer l’excrétion sont obstrués et bouchés. La région des yeux est celle qui, dans la tête, subit le plus vivement l’influence du sperme. Ce qui le prouve bien, c’est que cette région est la seule qui change et se modifie par la copulation ; et quand on abuse des plaisirs vénériens, les yeux le révèlent sur-le-champ. C’est que la nature de la semence ressemble beaucoup à celle du cerveau. La matière de la semence est aqueuse, et sa chaleur lui vient d’ailleurs. Les évacuations mensuelles partent du diaphragme ; et c’est de là que vient le principe de la vie, de telle sorte que les émotions partant des organes sexuels remontent jusqu’au thorax, et que les odeurs qui en émanent se font sentir jusque dans l’haleine.


CHAPITRE X

De la stérilité du mulet ; elle atteint tous les individus de l’espèce sans exception ; erreurs de Démocrite et d’Empédocle ; réfutation de leurs théories ; citation des Problèmes ; exemple d’une mule qui a conçu ; essai d’une explication logique de la stérilité du mulet ; l’observation des faits réels est encore préférable aux raisonnements les plus spécieux ; de l’organisation comparée des juments et des ânesses ; on fustige ces dernières après l’accouplement ; tempérament de l’âne et du cheval ; température de leur sperme ; la mule, n’ayant pas de menstrues, ne peut nourrir le fœtus ; le Ginnos ; les nains.


§ 1[329]. Ainsi que nous le disions un peu plus haut, la stérilité dans les hommes et dans les autres espèces d’animaux n’est qu’individuelle ; mais pour les mulets, c’est la race tout entière qui est stérile. Quelle est la cause de ce fait, c’est un point sur lequel Empédocle et Démocrite se sont trompés, le premier, en s’expliquant trop peu clairement ; l’autre ne se trompe pas moins, tout en se prononçant avec plus de netteté. Tous deux traitent d’une égale manière, et sans faire de distinction, l’accouplement de tous les animaux qui s’unissent sans être congénères. § 2[330]. Ainsi, Démocrite assure que les canaux prolifiques des mulets sont détruits dans les matrices mêmes des mères, parce que le principe de ces animaux vient de parents qui ne sont pas de genres identiques. Mais ce phénomène se présente aussi chez d’autres animaux, qui cependant n’en sont pas moins féconds. Si c’était là vraiment la cause de la stérilité, il faudrait que tous les autres animaux qui s’accouplent dans les mêmes conditions irrégulières, fussent également stériles. § 3[331]. Quant à Empédocle, il attribue la stérilité des mulets à ce que le mélange formé des deux spermes devient épais, bien que, de part et d’autre, la semence soit fluide et molle. Les vides de l’un se combinent avec les parties solides de l’autre ; et de ces deux éléments, qui sont mous, il se forme un mélange qui est dur, ainsi que le cuivre se durcit quand on le mélange avec l’étain. Mais, Empédocle se trompe sur le cuivre et l’étain, en assignant une telle cause à la dureté de leur mélange ; nous l’avons expliquée dans nos Problèmes. Il se trompe encore en ne tirant pas de faits bien connus les principes sur lesquels il veut s’appuyer. § 4[332]. Comment les creux et les solides pourraient-ils, en se combinant les uns avec les autres, former un mélange, de vin et d’eau par exemple ? Ceci dépasse notre intelligence ; car il est bien impossible à l’observation sensible d’apercevoir les prétendus creux de l’eau et du vin. § 5[333]. D’autre part, comme de chevaux vient un cheval, et d’ânes vient un âne ; et comme d’un cheval et d’un âne vient un mulet, qui est un demi-âne, l’un ou l’autre des parents pouvant être indifféremment mâle ou femelle, comment se fait-il que le sperme venant de tous les deux, soit si épais que le produit en soit infécond, tandis que, du cheval femelle et mâle, ou de l’âne femelle et mâle aussi, il ne sorte pas de produit stérile ? Cependant le sperme du cheval mâle et celui du cheval femelle sont mous et fluides. § 6[334]. Le cheval femelle et mâle s’accouple à l’âne mâle et femelle ; et, à ce que dit Empédocle, le produit auquel ces deux accouplements donnent naissance est infécond, parce que, de l’un et de l’autre, il se forme une certaine unité, grâce à ce que les deux spermes sont mous. Il faudrait que la même stérilité se représentât dans le produit du cheval avec sa femelle. Si ce n’était qu’un seul des deux qui s’accouplât, on pourrait croire que l’un des deux est cause que la semence de l’âne ne peut rien engendrer de pareil ; mais dans le fait, quelle que soit la semence à laquelle l’autre se mêle, c’est toujours comme si c’était celle du congénère.

§ 7[335]. De plus, la démonstration d’Empédocle s’applique indistinctement aux deux sexes, à la femelle et au mâle ; mais le mâle seul peut engendrer, à ce qu’on dit, jusqu’à sept ans, tandis que la femelle reste toujours stérile, parce qu’elle ne peut amener son fruit à terme. Pourtant, on cite une mule qui avait une fois pu concevoir un fœtus.

§ 8[336]. Il y aurait peut-être ici une explication, toute logique, qui vaudrait mieux que celles que nous venons de rappeler. Je dis de cette explication qu’elle est logique, parce que plus elle est générale, plus elle s’éloigne des principes spéciaux de la question. La voici : si d’êtres de même espèce, mâle et femelle, il sort naturellement un mâle ou une femelle ressemblant spécifiquement aux parents qui l’ont engendré ; si, par exemple, d’un chien mâle et d’un chien femelle il sort un chien mâle ou femelle, la conséquence, c’est que, d’espèces différentes, il doit sortir aussi un produit différent en espèce. Par exemple, le chien étant d’une autre espèce que le lion, du chien mâle et du lion femelle, il doit sortir un produit autre, comme il en sort un autre encore de l’accouplement du lion mâle et du chien femelle. § 9[337]. Par conséquent, s’il se produit un mulet mâle ou femelle, l’espèce restant identique pour les deux, et que le mulet ne vienne que du cheval et de l’âne, qui ne sont pas de même espèce que le mulet, il s’ensuit que le mulet ne peut rien produire ; car il est impossible que le genre soit autre, puisque un mâle et une femelle qui sont de même espèce, ne produisent qu’un être de la même espèce qu’eux. Or, le mulet provient du cheval et de l’âne, qui sont autres spécifiquement ; et il est positif que d’êtres qui sont autres en espèce, il provient toujours un être qui est autre aussi, comme ils le sont eux-mêmes.

§ 10[338]. J’avoue que ce raisonnement est trop général, et qu’il est assez vide. Les arguments tirés de principes qui ne sont pas spéciaux à la question qu’on traite, sont vides et sans force ; ils semblent la résoudre, tout en ne s’appliquant pas réellement aux choses. En effet, les arguments tirés des principes géométriques sont géométriques, et il en est de même de tous les autres. Mais ce qui est vide et creux ne fait que paraître quelque chose, tandis qu’au fond, ce n’est rien. Il est faux, ainsi que nous l’avons déjà dit, que, de parents qui ne sont pas de même espèce, il naisse souvent des êtres féconds. § 11[339]. Ce n’est pas là une méthode à suivre, ni dans les autres études, ni dans celles dont la Nature est l’objet. Mais en observant les faits que présentent l’espèce des chevaux et l’espèce des ânes, on se rendra bien mieux compte de la cause de la stérilité du mulet. D’abord, on voit que l’une et l’autre de ces espèces, parmi tous les animaux de même ordre, ne font jamais qu’un seul petit. Les femelles ne sont pas toujours disposées à recevoir les mâles ; et c’est pour cela qu’on ne les laisse saillir par les chevaux qu’à de longs intervalles, parce qu’elles ne peuvent pas porter continuellement. § 12[340]. La jument n’est pas sujette à des menstrues régulières ; et de tous les quadrupèdes, c’est elle qui a la plus faible émission. L’ânesse ne garde pas la semence qu’elle a reçue, et elle la rejette avec son urine ; et voilà pourquoi des gens placés derrière elle lui donnent des coups de fouet, en la poursuivant. De plus, l’âne est un animal froid ; aussi ne vient-il pas dans les climats où l’hiver est trop rude, parce que naturellement il souffre beaucoup d’une température froide. Ainsi, il ne vit pas dans la Scythie, ni dans les contrées voisines, ni chez les Celtes, au nord de l’Ibérie, pays qui n’est pas moins exposé aux frimas. § 13[341]. C’est ce qui fait qu’on permet la saillie aux ânes, non pas à l’équinoxe comme aux chevaux, mais au solstice d’été, afin que les ânons puissent venir au monde dans la saison chaude. D’ailleurs, l’ânesse met bas dans la même saison que celle où elle a été couverte, puisque le cheval et l’âne portent un an. § 14[342]. L’âne étant par sa nature un animal froid, comme on vient de le dire, il faut nécessairement que sa semence soit froide également. Ce qui le prouve, c’est que, si un cheval monte une femelle déjà couverte par un âne, il n’annule pas la saillie de l’âne, tandis que si, au contraire, l’âne vient à saillir après le cheval, il annule la saillie du cheval, parce que sa semence est très froide. Quand les deux s’accouplent, la saillie réussit, parce que la chaleur de l’un la sauve, la sécrétion du cheval étant plus chaude que celle de l’âne. La matière et la semence de l’âne sont froides ; mais celles du cheval sont plus chaudes. Quand la chaleur se mêle au froid, ou que le froid se mêle au chaud, alors l’être qui est conçu des deux parents peut vivre ; et les deux ainsi accouplés peuvent être féconds l’un par l’autre ; mais le produit qui en sort ne l’est plus, et il est stérile, sans pouvoir aboutir à rien de complet.

§ 15[343]. L’un et l’autre, le cheval et l’âne, ont une constitution naturelle qui les prédispose à être inféconds. Ainsi, l’âne, outre les conditions qu’on vient de rappeler, ne peut plus engendrer jamais s’il n’engendre pas après la chute des premières dents. Il s’en faut donc de bien peu que le corps des ânes ne soit stérile. De même aussi pour le cheval. Il est disposé également à être stérile, et la saillie risque d’autant plus d’avorter que le résultat qui en doit sortir est plus froid. C’est précisément ce qui arrive quand la semence du cheval se mêle à celle de l’âne. § 16[344]. L’âne est donc bien près d’être infécond dans son accouplement régulier ; et par suite, lorsque cet accouplement n’est plus naturel, comme l’accouplement normal peut à grand-peine pour les deux produire un seul petit, à plus forte raison, le produit, venant des deux contre le vœu de la Nature, sera-t-il infécond, et ne lui manquera-t-il rien pour l’être, ou plutôt le sera-t-il de toute nécessité. § 17[345]. Ce qui fait que le corps des mulets a de fortes dimensions, c’est que l’excrétion qui devrait tourner aux menstrues tourne chez eux à la croissance. Comme la gestation est d’une année pour les deux espèces également, il faut non seulement que la mule conçoive, mais encore quelle nourrisse le fœtus. Or, c’est impossible s’il n’y a pas de flux mensuel ; et les mules n’en ont pas ; la partie qui n’y est pas employée s’en va avec l’excrétion qui vient de la vessie. C’est là ce qui fait que les mulets ne flairent pas les parties sexuelles des femelles, comme les autres solipèdes, mais ils flairent l’excrétion elle-même. Ainsi, le résidu tout entier tourne au développement du corps et à sa grosseur. § 18[346]. Par suite, la mule pourrait bien concevoir, ce que d’ailleurs on a déjà observé ; mais il est absolument impossible qu’elle nourrisse le fœtus et qu’elle mette bas. Quant au mâle, il pourrait sans doute engendrer, parce que le mâle est naturellement plus chaud que la femelle, et aussi, parce que le mâle n’apporte dans l’accouplement rien de matériel. Le produit qui sort du mulet s’appelle un Ginnos ; c’est un mulet contrefait ; car ce sont des Ginnos qui viennent du cheval et de l’âne, quand le fœtus a souffert de quelque maladie dans la matrice. Le Ginnos est quelque chose, en effet, comme les arrière-porcs dans la race des porcs ; car, dans cette race, on appelle arrière-porcs le produit qui est mutilé dans la matrice de l’animal. C’est d’ailleurs un accident qui peut atteindre un fœtus quelconque. La même difformité produit les nains ou pygmées, qui ont été également estropiés dans certaines parties de leur corps et dans leur grandeur, pendant la durée de la gestation ; et eux, aussi, sont des espèces d’arrière-porcs et de Ginnos.


LIVRE TROISIEME



CHAPITRE PREMIER

Nécessité de l’accouplement dans les vivipares ; différences des œufs dans les ovipares ; ils sont toujours de deux couleurs chez les oiseaux ; œufs intérieurs des sélaciens ; la grenouille de mer ; diversité des matrices ; des œufs clairs chez les oiseaux ; quantité plus ou moins grande des œufs selon les espèces ; lascivité des petits oiseaux ; fécondité relative des oiseaux de proie ; la cresserelle ; le coucou ; comparaison de la fécondité chez les plantes et chez les animaux ; l’excès de production les épuise également ; épuisement du lion ; l’intervention du mâle est nécessaire, partout où il y a des œufs, chez les poissons et les oiseaux ; exemples de diverses espèces ; citation de l’Histoire des Animaux ; les perdrix, et leur fécondation particulière ; explication de la double couleur des œufs d’oiseaux et de la couleur simple des œufs de poissons ; séparation du blanc et du jaune selon les espèces ; expérience par laquelle on peut la constater..


§ 1[347]. On vient de voir ce qu’est la stérilité des mulets ; on a vu aussi ce qu’est la génération chez les animaux qui sont vivipares, soit extérieurement, soit en eux-mêmes. Pour les ovipares qui ont du sang, tantôt les phénomènes de la génération sont, chez eux, à peu près ce qu’ils sont chez les animaux qui se meuvent, et l’on peut faire sur les uns et les autres les mêmes observations. Mais tantôt aussi, il se présente des différences, soit entre eux, soit avec les autres animaux qui se déplacent. D’ailleurs, tous ces animaux sans exception viennent d’un accouplement, et de l’émission que le mâle introduit et dépose dans la femelle. § 2[348]. Parmi les ovipares, les oiseaux pondent un œuf complet, dont l’enveloppe est dure, sauf les cas d’infirmité par suite de maladie. Les œufs d’oiseaux sont toujours de deux couleurs. Mais parmi les poissons, les sélaciens, ainsi que nous l’avons déjà dit plus d’une fois, font d’abord un œuf en eux-mêmes et sont vivipares ensuite. Leur œuf se déplace d’un lieu à un autre dans la matrice ; et de plus, il est mou et d’une seule couleur. L’animal qu’on nomme la grenouille marine est le seul de cet ordre qui ne soit pas vivipare ; nous nous réservons d’expliquer plus loin la cause de cette exception. § 3[349]. Tous les autres poissons qui sont ovipares ne pondent que des œufs d’une seule couleur ; mais leur œuf est incomplet. Cet œuf se développe ensuite au dehors, par la même cause qui agit sur les œufs qui sont complets dans l’intérieur des autres animaux. § 4[350]. Quant aux différences qu’offrent les matrices, nous les avons signalées antérieurement, et nous avons expliqué d’où viennent ces différences. Ainsi, dans les vivipares, la matrice est tantôt en haut près du diaphragme ; tantôt elle est en bas près des parties sexuelles. Elle est en haut chez les sélaciens ; mais, chez les animaux qui sont vivipares et en eux-mêmes et au dehors, elle est en bas, comme on le voit dans l’homme, dans le cheval et dans toutes les espèces analogues. Parmi les ovipares, elle est tantôt en bas, comme chez les poissons ovipares, et tantôt en haut, comme chez les oiseaux.

§ 5[351]. Il se trouve chez les oiseaux des embryons conçus spontanément par la femelle, et qu’on appelle parfois des œufs clairs, ou des œufs éventés. Ils ne se rencontrent que dans les oiseaux qui ne volent pas et qui n’ont pas de serres, mais qui sont très féconds, parce que chez eux l’excrétion est très abondante. Au contraire, chez les oiseaux à serres recourbées, cette excrétion se tourne en plumes et en ailes ; leur corps est petit, sec et chaud, tandis que l’excrétion mensuelle, ainsi que le sperme, ne sont que des résidus ; et comme les plumes et le sperme ne viennent naturellement que de résidus de ce genre, la Nature ne peut satisfaire à la fois ces deux besoins. § 6[352]. C’est encore par la même raison que les oiseaux armés de serres ne sont, ni très lascifs, ni très féconds. Au contraire, les oiseaux qui ont le corps lourd, et, parmi les oiseaux de grand vol, ceux dont le corps est massif, sont féconds et lascifs, comme les pigeons et les oiseaux de cette classe. Ceux qui sont lourds et qui volent mal, comme la poule, la perdrix et autres oiseaux semblables, ont beaucoup d’excrétion spermatique. Aussi, dans cette espèce, les mâles sont-ils très ardents, et les femelles émettent-elles une matière abondante. § 7[353]. Ces oiseaux font tantôt beaucoup d’œufs à la fois, et tantôt ils en font souvent. Ainsi, la poule, la perdrix, l’autruche (moineau de Libye) en font beaucoup en une seule ponte, tandis que l’espèce des pigeons n’en fait pas beaucoup à la fois, mais en fait très fréquemment. Ces espèces tiennent le milieu entre les oiseaux à serres recourbées et les oiseaux à vol pesant. C’est qu’ils volent comme les oiseaux pourvus de serres, et qu’ils ont le corps développé comme les oiseaux qui volent mal. En tant qu’ils sont oiseaux de grand vol, et que l’excrétion, chez eux, tourne au profit de cette fonction, ils pondent un petit nombre d’œufs ; mais ils en pondent fréquemment, parce que leurs corps est considérable relativement, parce que leur ventre est chaud, et très puissant décoction, et qu’en outre ils trouvent facilement leur nourriture, tandis que les oiseaux à serres recourbées ne se procurent la leur qu’à grand-peine.

§ 8[354]. Les petits oiseaux sont lascifs ; ils produisent beaucoup, et avec la même fécondité qu’on voit aussi dans quelques plantes. La croissance du corps se change en excrétion spermatique ; et voilà comment les poules Adrianiques sont les plus fécondes de toutes. La petitesse de leur corps fait que toute la nourriture est employée à faire des petits. Les poules les moins courageuses pondent plus que les poules qui le sont davantage. Le corps de celles-là est plus humide et plus massif ; le corps des autres est plus maigre et plus sec ; et c’est surtout dans des corps ainsi faits que le courage se manifeste. § 9 De plus, chez ces oiseaux, la petitesse et la faiblesse des jambes accroissent encore leur nature lascive et prolifique, comme on peut l’observer même chez les hommes. La nourriture, qui, dans les êtres ainsi constitués, devrait aller aux membres, se tourne alors en excrétion spermatique ; et ce que la Nature enlève d’un côté, elle le rend et l’applique de l’autre. Les oiseaux pourvus de serres ont des pattes très solides, et des jambes fort grosses, en vue de la vie qu’ils doivent mener ; et c’est là ce qui fait précisément qu’ils ne sont, ni très lascifs, ni très féconds. La crécerelle est le plus fécond de tous ces volatiles ; et c’est à peu près le seul des oiseaux pourvus de serres qui boive ; son humidité soit naturelle, soit prise du dehors, le rend très spermatique, grâce aussi à la chaleur qui est originairement en lui. D’ailleurs, la crécerelle ne fait pas beaucoup d’œufs, et elle en pond quatre tout au plus. § 10[355]. Le coucou, qui n’est pas un oiseau pourvu de serres, pond très peu, parce qu’il est naturellement froid ; et ce qui le prouve bien, c’est sa timidité ; car l’animal qui a beaucoup de sperme doit être chaud et humide. On peut voir combien cet oiseau est poltron, puisque tous les oiseaux sont de force à le faire fuir, et qu’il pond dans le nid des autres. § 11[356]. La classe des pigeons ne pond habituellement que deux œufs tout au plus. Ils ne pondent jamais un œuf unique ; car il n’y a, parmi les oiseaux que le coucou qui en fasse un seul, et encore en pond-il quelquefois deux. Les pigeons n’en font pas non plus beaucoup à la fois ; mais ils en font souvent, deux ou trois au plus ; le plus ordinairement ils en font deux ; c’est-à-dire, des nombres entre un et plusieurs.

§ 12[357]. On peut se convaincre, en observant les faits, que, chez les animaux très féconds, c’est la nourriture qui se convertit en sperme. Même parmi les arbres, ceux qui ont produit trop de fruits dépérissent après les avoir portés, parce que le corps n’a pas reçu assez de nourriture. On peut constater ce phénomène sur les végétaux après l’été, surtout sur ceux qui ont des gousses, par exemple sur le blé et sur d’autres plantes semblables, qui emploient toute la nourriture qu’elles prennent à former leur graine, et dont les graines sont en effet très abondantes. § 13[358]. On a vu des poules qui, après avoir beaucoup pondu, et même pondu jusqu’à deux œufs par jour, sont mortes de cette fécondité excessive. C’est que les oiseaux et les plantes s’épuisent également ; et que cet accident vient en eux de la surabondance de l’excrétion spermatique. C’est là aussi chez le lion ce qui provoque une stérilité qui se manifeste avec le temps. Ainsi, la lionne, à sa première portée, fait cinq ou six petits ; l’année suivante, elle n’en a plus que quatre ; l’année d’ensuite, trois ; et puis, elle n’en fait plus qu’un seul ; enfin, elle n’en fait plus du tout, comme si l’excrétion spermatique était épuisée, et comme si, avec l’âge qui s’en va, le sperme s’en allait ainsi que lui.

§ 14[359]. On voit donc que parfois certains oiseaux ont des œufs clairs ; et l’on a dit quels sont ceux qui, parmi eux, font beaucoup de petits, et ceux qui n’en font presque pas. On sait aussi quelles sont les causes de ces faits. Nous avons également déjà dit que les œufs clairs se produisent, parce que la femelle a en elle la matière spermatique, mais que les oiseaux n’ont pas de sécrétions mensuelles, comme en ont les vivipares pourvus de sang. Dans ces derniers animaux, les uns ont une évacuation plus abondante, tandis que pour les autres elle l’est moins ; mais elle l’est toujours assez pour être reconnaissable. § 15[360]. Il n’y en a pas plus chez les poissons que chez les oiseaux ; et voilà comment, chez les poissons, la constitution des fœtus se fait sans copulation, comme il arrive aussi chez les oiseaux, où d’ailleurs le phénomène est moins évident. La nature des poissons est plus froide. Chez les oiseaux, cette sécrétion, qui, dans les vivipares, prend la forme de menstrues, se montre aux époques fixes de l’excrétion ; et comme la région du diaphragme est chaude en eux, cette sécrétion y prend ses proportions complètes et la grosseur qu’elle doit avoir. § 16[361]. Mais pour les oiseaux aussi bien que pour les poissons, les œufs restent incomplets sous le rapport de la génération, s’il n’y a pas intervention du mâle et de sa semence. Du reste, nous avons déjà expliqué la cause de ces phénomènes. S’il n’y a pas d’œufs clairs chez les oiseaux de grand vol, cela tient à la même cause qui les empêche d’avoir beaucoup de petits. Chez les oiseaux pourvus de serres, il y a très peu d’excrétion et de résidu, et ils ont besoin du mâle pour exciter la sécrétion de ce résidu. Si les œufs clairs sont plus nombreux que les œufs féconds, bien qu’ils soient toujours de dimension plus petite, cela vient d’une seule et même cause. C’est parce qu’ils sont imparfaits qu’ils sont moins gros ; et c’est parce qu’ils sont moins gros qu’ils sont plus nombreux. Le goût en est moins agréable, parce que la coction y a été poussée moins loin ; car toujours le produit est d’autant plus agréable au goût que la coction en a été plus complète.

§ 17[362]. On peut voir assez bien, pour les oiseaux et pour les poissons, que la génération ne peut pas être complète sans l’action des mâles ; mais, chez les poissons, on ne voit pas aussi clairement qu’il puisse y avoir de conception sans mâles. C’est ce qu’on peut observer surtout chez les poissons de rivière, dans les rougets par exemple ; car il y en a qui pondent immédiatement des œufs, comme on l’a remarqué dans l’Histoire des Animaux, en parlant de cette exception. § 18[363]. En général, du moins dans les oiseaux, les œufs même venus d’une copulation ne prennent leur développement ordinaire que si l’oiseau a été coché plusieurs fois de suite. Ceci tient à la même cause qui agit chez les femmes, où le rapprochement sexuel fait remonter la sécrétion des menstrues ; la matrice échauffée attire le liquide, et les canaux s’ouvrent. C’est là précisément ce qui arrive aussi dans les oiseaux ; le résidu qui correspond aux menstrues ne s’accumule que peu à peu ; il ne filtre point au dehors, parce qu’il n’est pas assez abondant, et que les matrices sont en haut sous le diaphragme ; mais il coule alors dans la matrice même ; et, en coulant à travers la matrice, il y nourrit et y fait grossir l’œuf, comme les embryons des vivipares se nourrissent par le cordon ombilical. § 19[364]. Il suffit que les oiseaux aient été cochés une seule fois pour qu’ils aient presque toujours des œufs ; mais, en ce cas, ces œufs sont extrêmement petits. C’est là ce qui a fait croire, vulgairement, que les œufs clairs ne viennent pas directement de la femelle, mais qu’ils sont simplement le reste d’une copulation antérieure. C’est là une erreur, qui ne peut se soutenir devant ce fait, d’une observation positive, que de jeunes poules et de jeunes oies ont eu des œufs sans aucun accouplement. Il en est de même pour les perdrix femelles. Qu’elles n’aient jamais été montées ou qu’elles le soient, après avoir été conduites à la chasse, il leur suffit de sentir le mâle, ou d’entendre sa voix, tantôt pour être pleines, et tantôt pour pondre sur-le-champ § 20[365]. Il en est, dans ce cas, absolument comme il en est pour l’espèce humaine et pour les quadrupèdes. Quand les corps sont déjà dans l’orgasme sexuel, il suffit de la vue et du moindre attouchement pour que le sperme sorte. Or, les perdrix sont fort lascives, et elles ont naturellement beaucoup de liqueur spermatique. Il ne leur faut donc qu’un très léger mouvement, quand elles sont dans cette excitation, pour que l’excrétion se produise aussitôt en elles, et pour que des œufs clairs se forment dans celles qui n’ont pas été cochées, tandis que, dans celles qui l’ont été, les œufs prennent leur croissance et arrivent bien vite à leur perfection.

§ 21[366]. Parmi les animaux qui sont ovipares extérieurement, les oiseaux pondent un œuf complet ; mais les poissons, comme on vient de le dire plus haut, font un œuf incomplet, qui ne peut se développer qu’au dehors. C’est que la race des poissons produit énormément ; et comme ils ne pourraient tout garder en dedans, jusqu’au bout, ils doivent pondre au dehors. Si, d’ailleurs, l’émission des œufs est rapide, c’est parce que les matrices se trouvent près des organes sexuels, dans les poissons qui sont ovipares au dehors. § 22[367]. Les œufs des oiseaux sont de deux couleurs ; mais les œufs des poissons n’en ont jamais qu’une. On comprendra aisément la cause de cette double couleur, en songeant à la fonction des deux parties de l’œuf, le blanc et le jaune. Cette division intérieure de l’œuf vient du sang ; et aucun animal privé de sang ne fait des œufs de ce genre. Le sang, on l’a dit de reste, est la matière des corps. Une portion de l’œuf importe davantage à la forme de l’animal qui doit naître ; c’est la portion chaude ; l’autre, qui est plus terreuse, fournit la consistance matérielle du corps, et elle est plus éloignée de la forme qu’il prend.

§ 23[368]. Dans tous les œufs qui ont deux couleurs, l’animal reçoit du blanc de l’œuf le principe de la génération, parce que le principe vivant est dans la portion chaude ; il reçoit du jaune la nourriture dont il a besoin. Chez les animaux qui ont une nature plus chaude, les deux portions d’où viennent le principe de vie et le principe de la nutrition se séparent ; ici le blanc, là le jaune. La portion pure et blanche est toujours plus considérable que la portion jaune et terreuse. Au contraire, chez ceux qui sont moins chauds et plus humides, le jaune est plus considérable et plus liquide.

§ 24[369]. On observe bien cette différence dans les oiseaux de marais ; ils sont d’une nature plus aqueuse et plus froide que les oiseaux de terre. Aussi, ont-ils la portion appelée la Lécithe très abondante et moins jaune, parce que le blanc en est moins séparé. Ceux des ovipares qui sont déjà froids par leur nature, et qui sont encore plus aqueux que ces oiseaux, comme le sont tous les poissons, n’ont plus le blanc bien séparé, parce qu’il est en petite quantité, tandis que le froid et le terreux est considérable. Voilà comment les œufs des poissons n’ont jamais qu’une couleur, et comment leur jaune est blanc, et leur blanc est jaune. § 25[370]. Les œufs des oiseaux, même les œufs clairs, sont de deux couleurs, parce qu’ils ont les éléments dont sont formées les deux parties, l’un pour le principe vital, l’autre pour la nourriture. Mais tout cela est incomplet ; et il y faut pour complément l’intervention du mâle. Les œufs clairs deviennent féconds si, à un certain moment donné, la femelle a été cochée par le mâle. Ce ne sont pas, par conséquent, le mâle et la femelle qui causent la double couleur, comme si le blanc venait du mâle, et le jaune de la femelle ; les deux viennent également de la femelle ; seulement, l’un est chaud, et l’autre est froid. § 26[371]. Dans les animaux où la chaleur est forte, elle se sépare ; dans ceux où elle est moindre, elle ne peut pas se séparer. Aussi, les œufs de ces animaux qui ont peu de chaleur ne sont-ils, on le répète, que d’une couleur ; la semence n’a pu en constituer qu’une seule. Voilà aussi pourquoi l’embryon dans les oiseaux paraît tout d’abord blanc et petit ; avec le temps, il devient jaune entièrement, à mesure que la partie sanguine toujours de plus en plus forte se mêle au reste. Enfin, a chaleur se séparant, le blanc se met complètement à la circonférence, comme un liquide qui bout également partout. § 27[372]. Le blanc est liquide de sa propre nature, et il a en lui la chaleur qui donne la vie. Il se sépare circulairement, tandis que la partie jaune et terreuse reste en dedans. Si l’on mêle des œufs dans un plat ou dans tel autre vase, et qu’on les fasse cuire au feu, sans trop presser le mouvement de la chaleur et la séparation qui se fait, dans les œufs réunis, comme elle se ferait dans un seul œuf, l’ensemble de tous les œufs mélangés devient jaune au milieu, et le blanc vient se ranger circulairement.


CHAPITRE II

De la production du jaune et du blanc dans l’œuf ; la pointe de l’œuf sort la dernière, parce qu’elle contient le principe vital ; de la manière dont l’œuf se nourrit et se développe ; mollesse initiale de la coquille, qui ne durcit qu’au contact de l’air ; différence entre la sortie des petits chez les vivipares et la sortie des petits des ovipares ; le jaune, et non pas le blanc, est le lait du poussin ; sollicitude naturelle des parents pour les petits ; différence du blanc et du jaune ; citation de l’Histoire des Animaux ; organisation anatomique des cordons ombilicaux ; des chorions ; études sur les grands animaux plus faciles à faire que sur les petits.


§ 1[373]. On a expliqué d’où vient que les œufs ont tantôt une couleur unique ; et tantôt, deux couleurs. Dans les œufs, le principe qui vient du mâle se sépare pour aller vers le point où l’œuf se rattache a la matrice ; et dans les œufs à deux couleurs, la forme des deux bouts devient dissemblable. Elle n’est pas tout à fait ronde ; et elle est plus pointue à l’un des bouts, parce qu’il faut qu’il y ait une différence pour le blanc, où l’œuf a son principe. Aussi, l’œuf est-il plus dur en ce point qu’il ne l’est en bas, parce qu’il est nécessaire de couvrir et de protéger le principe. § 2[374]. C’est aussi pour cette raison que la partie pointue de l’œuf sort la dernière. La portion ajoutée par le mâle sort en dernier lieu, parce que cette portion ajoutée tient au principe, et que le principe est dans la pointe. On peut faire la même observation sur les semences des plantes. Le principe de la semence y est ajouté, tantôt dans les tiges, tantôt dans les enveloppes, tantôt dans les péricarpes. C’est ce qu’on peut voir clairement dans les plantes qui ont des cosses. Là où se trouve la commissure des deux valves des fèves et des semences de ce genre, là aussi est ajouté le principe de la graine.

§ 3[375]. Il est difficile de savoir comment le développement de l’œuf peut venir de la matrice. On sait que les animaux tirent leur nourriture et la reçoivent par le cordon ombilical ; mais par quoi les œufs la reçoivent-ils ? Ils ne tirent pas leur nourriture d’eux-mêmes uniquement, comme le font les larves. Puis, s’il y a quelque organe par où la nourriture leur arrive, que devient cet organe quand l’œuf est tout à fait formé ? Il ne sort pas avec l’œuf, comme sort le cordon chez les animaux ; car lorsque l’œuf est formé tout à fait, c’est la coquille circulaire qui se montre.

§ 4[376]. On fait donc bien de se poser cette question ; mais on n’a pas remarqué que la coquille n’est tout d’abord qu’une membrane molle, et qu’elle ne devient dure et sèche que quand l’œuf est achevé. Tout est si bien calculé qu’elle est molle au moment où l’œuf sort, pour éviter à l’oiseau la douleur qu’elle lui causerait en sortant. Mais aussitôt qu’elle est sortie, elle devient solide, refroidie par la rapide évaporation du liquide qui s’y trouve en petite quantité, et qui n’y laisse que la partie terreuse.

§ 5[377]. A la pointe de l’œuf, il reste quelque chose de cette membrane, qui, au début, est une sorte de cordon, et qui se sépare des œufs sous la forme d’un canal, quand ils sont encore tout petits. C’est ce qu’on peut observer clairement dans les petits œufs sortis trop tôt. Quand l’oiseau se baigne, ou qu’il se refroidit par tout autre accident, au moment de la ponte, le germe paraît encore tout sanguinolent, et il a autour de lui un appareil fort petit en guise de cordon ombilical. À mesure que l’œuf grossit, cet appareil s’étend et diminue ; et quand l’œuf est complet, cette partie en devient la pointe. La membrane intérieure qui est au-dessous, sépare le blanc et le jaune. Quand ce travail est achevé, l’œuf se détache entièrement ; alors tout naturellement le cordon disparaît, et il devient l’extrémité de la dernière partie de l’œuf.

§ 6[378]. La sortie de l’œuf est tout l’opposé de la sortie des petits qui naissent vivants. Tandis qu’ils sortent par la tête et la partie principale, l’œuf sort, on peut dire, par les pieds ; et la cause est celle que nous venons de dire, à savoir qu’il est rattaché au principe.

§ 7[379]. Pour les oiseaux, les jeunes ne peuvent sortir de la coquille et naître que si l’oiseau couve et mûrit les œufs ; le poussin se sépare d’une partie de l’œuf, et il reçoit son développement et sa croissance complète par la partie restante. La Nature a placé dans l’œuf, tout à la fois, la matière de l’animal et les aliments qui doivent suffire à sa croissance. Comme la mère ne peut faire le jeune tout entier en elle-même, elle pond avec lui sa nourriture, qui est dans l’œuf. Pour les petits des vivipares, la nourriture vient dans une autre partie du corps ; et c’est ce qu’on appelle le lait, qui est dans les mamelles de la mère. § 8[380]. La Nature fait bien aussi du lait pour les oiseaux dans les œufs ; mais le fait se passe tout autrement que ne le croit le vulgaire, et que ne le dit Alcméon de Crotone. Ce n’est pas le blanc de l’œuf qui est le lait ; c’est le jaune, puisque c’est lui qui est la nourriture des poussins ; mais, en général, on suppose que c’est le blanc, à cause de la ressemblance de la couleur. § 9[381]. Le poussin vient donc, ainsi qu’on l’a dit, de l’incubation de la mère. Mais les œufs des oiseaux et ceux des quadrupèdes ovipares viennent toujours à bien et à leur coction entière, quand la saison est favorable, et que le lieu où ils sont placés est suffisamment chaud ; car ces animaux pondent tous dans la terre, où la chaleur qui s’y trouve donne aux œufs la coction nécessaire. Ceux des quadrupèdes ovipares qui couvent en se mettant sur leurs œufs, le font plutôt encore pour les protéger. § 10[382]. Du reste, les œufs des oiseaux et des quadrupèdes ovipares se produisent absolument de même ; ils ont aussi une coquille dure et deux couleurs. Chez ces quadrupèdes, les œufs se forment également près du diaphragme, comme chez les oiseaux ; et tous les autres phénomènes intérieurs et extérieurs sont les mêmes. Par conséquent, l’étude de leurs causes est la même pour tous. Seulement, les œufs des quadrupèdes ovipares reçoivent leur coction par leur propre force et par la saison, tandis que ceux des oiseaux sont exposés à plus de chances, et ont encore besoin de l’incubation de la mère qui les a pondus. § 11[383]. C’est que la Nature semble avoir voulu inspirer aux animaux une sollicitude particulière pour les jeunes. Dans les animaux inférieurs, elle a borné ce sens à la parturition ; mais dans les animaux plus intelligents, elle l’a poussée à ce point qu’ils achèvent et élèvent leurs petits. Pour ceux qui ont le plus d’intelligence entre tous, il se forme, des parents aux petits devenus complets, une habitude et une affection de famille, comme on le voit dans l’espèce humaine, et chez quelques quadrupèdes. Mais pour les oiseaux cet instinct ne va que jusqu’à produire et à nourrir les petits. Aussi, les femelles qui ne couvent pas après avoir pondu, s’en trouvent-elles assez mal, comme si elles étaient privées de quelque fonction qu’exige leur nature. § 12[384]. Les petits qui sont dans les œufs s’y forment plus vite quand il fait chaud ; la saison alors coopère à les faire éclore ; car la coction tient à la chaleur. La terre peut contribuer par sa chaleur à la coction définitive ; et l’incubation de la mère produit le même effet, parce qu’elle y apporte sa propre chaleur. Les œufs se gâtent et deviennent des œufs d’urine, comme on dit, dans la saison chaude plus que dans toute autre ; et cela se comprend bien. Les vins s’aigrissent de même pendant la chaleur, parce que la lie monte en haut et tourne ; c’est elle qui gâte les vins ; et dans les œufs, c’est de même le jaune ou la lécithe qui les gâte. § 13[385]. Dans les uns et les autres, c’est la partie terreuse qui est la cause du phénomène ; les vins se gâtent parce que la lie vient à s’y mêler ; et les œufs se pourrissent, parce que la lécithe s’y mêle au blanc. Dans les oiseaux qui pondent beaucoup, cela se conçoit aisément ; car il n’est pas facile de bien maintenir pour tous les œufs la chaleur qui leur convient ; les uns en ont plus qu’il n’en faut ; les autres en ont moins ; et elle les gâte également, en les pourrissant. § 14[386]. Cet accident se présente non moins souvent chez les oiseaux pourvus de serres, quoiqu’ils pondent très peu d’œufs. Souvent, sur deux de leurs œufs, il y en a un qui est pourri ; et le troisième l’est toujours. Comme leur nature est essentiellement chaude, ils font en quelque sorte bouillir à l’excès le liquide qui est dans les œufs. § 15[387]. Evidemment, cela tient à ce que le jaune et le blanc ont eux aussi une nature contraire. Le jaune durcit par le froid, tandis que la chaleur le liquéfie ; aussi, se liquéfie-t-il, soit par la coction dans la terre, soit par l’incubation ; voilà comment le jaune peut servir de nourriture aux petits qui se forment. Le feu et la cuisson ne le rendent pas plus dur, parce qu’il est de sa nature terreux, comme la cire. Mais quand les œufs sont échauffés par trop, s’ils ne viennent pas d’un résidu très liquide, ils tournent à l’urine et ils se pourrissent. § 16[388]. Quant au blanc, loin de se solidifier par le froid, il se liquéfierait plutôt ; et nous en avons dit antérieurement la raison ; mais mis sur le feu, il y devient solide. Aussi, la coction qu’il reçoit pour la génération des animaux l’épaissit ; et c’est lui qui constitue l’animal, de même que c’est le jaune qui l’alimente. C’est de lui que toutes les parties prennent leur croissance, en se formant de mieux en mieux ; et voilà pourquoi le jaune et le blanc sont séparés par des membranes, comme étant de nature différente.

§ 17[389]. Si l’on désire connaître exactement ce qu’il en est de ces rapports du blanc et du jaune, dès le début de la conception, et lorsque l’animal est déjà constitué ; si l’on veut savoir aussi ce que sont les membranes et le cordon ombilical, il faut consulter ce qui en est dit dans l’Histoire des Animaux. Mais pour l’étude que nous faisons en ce moment, nous nous bornerons à répéter qu’après l’apparition du cœur, qui est le premier à se montrer, et après la formation de la grande veine, qui en part, deux cordons ombilicaux, sortis de cette veine, se dirigent l’un vers la membrane qui entoure le jaune, l’autre vers la membrane choroïde dont l’animal est circulairement enveloppé. Ce second cordon se rend à la membrane de la coquille. § 18[390]. C’est par l’un des cordons que le fœtus reçoit la nourriture qui vient du jaune ; et le jaune grossit, en devenant plus liquide par la chaleur qu’il reçoit. Il faut que la nourriture, corporelle comme elle l’est, devienne liquide comme elle le devient pour les végétaux. Les embryons qui se forment dans les œufs, et aussi ceux qui se forment dans les animaux, n’ont tout d’abord que la vie du végétal. C’est parce qu’ils sont en rapport avec un autre être qu’ils en tirent leurs premiers développements et leur nourriture. § 19[391]. L’autre cordon ombilical se dirige vers le chorion qui entoure le fœtus. Il est bien à croire que les petits des ovipares sont, avec le jaune, dans les mêmes rapports que, dans les vivipares, les embryons sont avec la mère, tant qu’ils sont dans son sein. Il est vrai que les embryons des ovipares ne sont pas nourris dans la mère ; mais ils prennent encore de la mère une certaine partie de sa substance ; et ils sont, avec le cordon extérieur et sanguinolent, dans la même relation qu’ils le seraient avec la matrice. En même temps, la coquille de l’œuf entoure le jaune et le chorion, qui répond à la matrice, comme si l’on entourait de quelque membrane, et l’embryon, et la mère elle-même tout entière. § 20[392]. Cette organisation tient à ce que l’embryon doit être dans la matrice et être rattaché à la mère. Pour les embryons des vivipares, la matrice est dans la mère ; dans les embryons des ovipares, c’est tout le contraire ; et à l’inverse, on pourrait dire que la mère est dans la matrice. En effet ce qui vient de la mère, la nourriture, est le jaune ; et cela tient à ce que la nutrition de l’embryon ne se fait pas dans la mère elle-même.

§ 21[393]. Quand l’embryon s’est développé, le cordon ombilical qui va au chorion est le premier à tomber, parce que c’est par ce point que l’animal doit sortir ; mais le reste du jaune et le cordon qui se rend au jaune ne tombent que plus tard. Il faut que le petit, dès qu’il est né et vivant, puisse avoir sur-le-champ sa nourriture indispensable ; car il n’y a pas de mère pour l’allaiter, et il ne peut à lui seul se procurer ses aliments. Voila pourquoi le jaune entre à l’intérieur avec le cordon ; et la chair du poussin se forme tout autour. § 22[394]. Les petits qui sortent d’œufs complets se forment comme on vient de le voir, soit chez les oiseaux, soit chez les quadrupèdes ovipares qui ont des œufs à coquille dure. Ce sont là d’ailleurs des faits qu’on peut observer mieux sur les grands animaux ; car sur les plus petits, la ténuité de leurs dimensions rend les choses presque invisibles.


CHAPITRE III

De l’œuf des poissons, et spécialement de l’œuf des sélaciens ; de l’œuf de la grenouille de mer ; particularités qu’il présente, à cause de la forme de l’animal, dont la tête est énorme et hérissée de piquants ; comparaison des œufs d’oiseaux et des œufs de poissons ; ressemblances et différences dans leur production ; il n’y a qu’une seule couleur dans les œufs de poissons ; ils n’ont ni blanc ni jaune.


§ 1[395]. Les poissons font aussi des œufs ; mais ceux d’entre eux dont la matrice est en bas ne font qu’un œuf incomplet, par la raison qu’on en a donnée plus haut ; au contraire, ceux qu’on appelle des sélaciens font d’abord un œuf complet en eux-mêmes, et produisent ensuite un petit vivant. § 2[396]. Il faut excepter le sélacien qu’on nomme la grenouille marine ; il est le seul poisson de cette espèce qui ponde extérieurement un œuf complet. La cause de cette différence tient à la constitution de son corps. Sa tête est plusieurs fois plus grosse que tout le reste ; elle est hérissée de piquants et fort dure. Cette conformation s’oppose d’abord à ce que l’animal puisse recevoir en lui des petits ; et c’est ce qui fait aussi qu’il n’est pas vivipare. La grosseur et la dureté de la tête empêchent les petits de sortir, tout aussi bien que d’entrer. L’œuf des autres sélaciens a une coquille molle ; et ils ne peuvent pas la durcir et la sécher dans tout son pourtour ; car ils sont plus froids que les oiseaux. § 3[397]. L’œuf de la grenouille de mer est le seul qui soit solide et sec, afin qu’il puisse se conserver au dehors. Mais les œufs des autres poissons sont liquides et naturellement mous ; au dedans, ils sont protégés par le corps même de la mère qui les renferme. Mais le développement, après la sortie de l’œuf, est le même pour les grenouilles qui se complètent au dehors que pour les œufs qui restent a l’intérieur. § 4[398]. Comparativement aux oiseaux, cette génération est en partie semblable et en partie différente. D’abord, les œufs de poissons n’ont pas le second cordon ombilical qui se rend au chorion, lequel est sous la coquille qui l’enveloppe. Cela vient de ce que les œufs des poissons n’ont pas la coquille qui entoure les œufs des oiseaux. Elle ne leur serait pas utile ; car c’est la mère qui les couvre et les protège ; mais pour les œufs pondus extérieurement, c’est la coquille seule qui doit être leur rempart, contre tous les accidents nuisibles qui peuvent les assaillir au dehors. En second lieu, la naissance du petit des poissons se fait aussi par un bout de l’œuf, mais non pas par le bout qui se rattache à la matrice. § 5[399]. Les oiseaux naissent par le petit bout, au point d’attache de l’œuf. Cette disposition tient à ce que, dans les oiseaux, l’œuf se sépare de la matrice, tandis que, dans ces animaux-là, si ce n’est dans tous, au moins dans la plupart, l’œuf à l’état complet est attaché à la matrice. L’animal venant à se développer dans la pointe, l’œuf s’épuise comme dans les oiseaux et dans les autres animaux où les œufs se détachent, et où, à la fin, le cordon ombilical des œufs déjà tout complets est attaché à la matrice. C’est tout à fait ce qui se passe aussi dans les animaux où l’œuf est déjà tout détaché de la matrice ; car, dans quelques-uns de ces animaux, dès que l’œuf est complet, il se détache.

§ 6[400]. On pourrait donc se demander en quoi, sous ce rapport, la génération des oiseaux et celle des poissons différent entre elles. La vraie différence, c’est que chez les oiseaux le blanc et le jaune des œufs sont séparés, et que, les œufs des poissons étant d’une seule couleur, le tout est absolument mélangé, de telle sorte que rien n’empêche que le principe du développement n’y soit placé en sens opposé ; car, non seulement l’œuf est ainsi mélangé dans son point d’attache, mais il ne l’est pas moins au point opposé ; et alors, il est plus facile à l’embryon de tirer sa nourriture de la matrice par des vaisseaux qui viennent de ce principe. § 7[401]. C’est là ce que l’on peut très bien voir sur les œufs qui ne se détachent pas ; car dans certains sélaciens, l’œuf ne se détache pas de la matrice ; mais, sans la quitter, il descend tout au bas, pour que le petit sorte vivant. Cela se voit dans ceux où l’animal complètement achevé a encore le cordon venu de la matrice, bien que l’œuf soit déjà épuisé. Il est donc évident que d’abord les vaisseaux se rendaient aussi à la matrice quand l’œuf y était encore. C’est là ce qu’on peut observer, ainsi que nous l’avons dit, dans les chiens de mer, ou raies plates.

§ 8[402]. Voilà donc les différences qu’on peut à cet égard remarquer entre la génération des poissons et celle des oiseaux ; et nous en avons expliqué les causes. A tout autre égard, les choses se passent de même des deux côtés. Les poissons ont également le second cordon, qui chez les oiseaux se rend au jaune, mais qui chez les poissons va à l’œuf entier, qui n’a ni blanc ni jaune, et qui est tout d’une couleur. Les petits se nourrissent également de cet œuf ; et quand l’œuf est épuisé, la chair en sort, et elle continue de même à se développer au-dehors.


CHAPITRE IV

Des œufs des poisons, et des causes de leur petitesse et de leur quantité prodigieuse ; le développement de l’œuf est une sorte de fermentation intérieure ; les œufs des poissons, s’ils étaient plus gros, ne pourraient tenir dans la matrice ; exemple de poissons crevant à cause de leurs œufs trop gros.


§ 1[403]. La génération a donc lieu comme on vient de le dire chez les poissons qui font d’abord en eux-mêmes un œuf complet, et qui ensuite produisent un petit vivant ; mais presque tous les autres poissons font leur œuf au dehors ; et tous ils le font incomplet, a l’exception de la grenouille de mer. Nous venons d’expliquer la cause de cette exception, en même temps que nous avons expliqué aussi comment il se fait que les poissons pondent des œufs incomplets. § 2[404]. Leur génération, en tant que venant de l’œuf, a lieu encore pour eux de la même manière que pour les sélaciens, qui font des œufs à l’intérieur, si ce n’est que leur croissance est très rapide et qu’elle part d’une extrême petitesse ; si ce n’est aussi que le bout de l’œuf est plus dur. Quant à la croissance de l’œuf, elle est tout à fait la même dans les larves. Ainsi, les animaux qui font des larves produisent un embryon d’abord très petit ; puis, cet embryon s’accroît par lui-même, et sans rien emprunter au dehors. § 3[405]. La cause de ce phénomène est à peu près pareille à celle qui produit l’ébullition. L’ébullition grossit beaucoup la masse du liquide qui est d’abord plus petite ; le plus solide de cette masse se liquéfie, et le liquide se vaporise. Dans les animaux, la chaleur de l’âme produit naturellement cet effet, tandis que, dans l’ébullition, cet effet est du à la chaleur particulière du suc qui a été mêlé au liquide. C’est donc par cette même cause que les œufs grossissent nécessairement, puisqu’ils ont une excrétion et un résidu qui fermente ; mais outre la nécessité, c’est encore en vue du mieux que le phénomène se produit. § 4[406]. Car, il est impossible que les œufs prennent leur développement total dans les matrices, par suite de l’excessive fécondité des poissons. C’est là ce qui fait que les œufs se détachent, bien qu’en étant d’abord tout petits, et qu’ils prennent ensuite une rapide croissance. Si d’abord, ils sont si petits, c’est que la matrice est très étroite pour l’énorme quantité des œufs ; et une fois dehors, ils se développent très vite, afin que, ne s’attardant pas à sortir et à croître, la race entière ne périsse pas, puisque, même dans les conditions actuelles, la plupart des embryons qui sont produits par les poissons viennent à se perdre. La race des poissons étant extrêmement féconde, la Nature combat les chances de perte par le nombre. Il y a même des poissons qui, comme celui qu’on appelle l’aiguille, crèvent par la grosseur de leurs œufs ; celui-là, au lieu d’en avoir beaucoup, en a de très gros ; et ici la Nature compense par la grosseur ce qu’elle enlève à la quantité.


CHAPITRE V

Tous les poissons sont ovipares, même les sélaciens ; erreur du quelques naturalistes croyant que tous les poissons sont femelles ; nécessité de bien observer les faits ; action des poissons mâles répandant leur laite sur les œufs pondus par la femelle ; erreur des pécheurs et d’Hérodote ; erreur d’Anaxagorc sur l’accouplement des corbeaux et de l’ibis, et sur la parturition de la belette ; erreur d’Hérodore d’Héraclée sur l’hermaphrodisme de l’hyène.


§ 1[407]. On vient de voir comment les œufs de ce genre prennent leur croissance, et pourquoi ils la prennent ainsi. Mais ce qui prouve bien que ces poissons aussi pondent des œufs, c’est que même les poissons vivipares, comme les sélaciens, commencent par faire un œuf à l’intérieur. On peut donc en conclure évidemment que toute la classe des poissons est ovipare. Cependant, dans les espèces de poissons où il y a des mâles et des femelles et qui viennent d’accouplement, aucun œuf n’est achevé et complet que si le mâle répand sa laite sur le frai. § 2[408]. Il y a quelques naturalistes qui soutiennent que tous les poissons sont femelles, les sélaciens exceptés ; mais c’est là une erreur ; car, ces naturalistes supposent que la différence des femelles à ceux qu’ils prennent pour des mâles, est semblable à la différence que présentent les plantes, dont les unes, dans la même espèce, portent des fruits, et dont les autres n’en portent pas, comme l’olivier et le kotinos, le figuier et l’érinéos. Ils trouvent que les poissons, sauf les sélaciens, seraient donc dans le même cas, puisque pour les sélaciens, on ne peut pas élever le moindre doute, § 3[409]. Cependant, les mâles dans les sélaciens et dans les poissons ovipares ont la même organisation en ce qui concerne leur laite ; pour les uns et pour les autres, le sperme est émis et répandu dans la saison régulière. Les femelles ont également des matrices ; mais il fallait que non seulement les poissons ovipares eussent des matrices, mais encore que les autres en eussent aussi, quoique différentes, de même que, dans la classe des animaux pourvus de crins à la queue, les mules présenteraient ce phénomène que, si toute leur classe était composée uniquement de femelles, il n’y en aurait pas moins quelques-unes d’entre elles qui seraient stériles. Mais, dans l’état présent des choses, parmi les poissons, les uns ont de la laite ; les autres ont des matrices ; et dans tous, si l’on en excepte deux seulement, le rouget et le serran, cette même différence se retrouve identiquement. § 4[410]. Ainsi, les uns ont de la laite et les autres ont des matrices. Mais la question que ces naturalistes résolvent, comme on vient de le dire, est facile à trancher si l’on veut bien observer les faits et les écouter. D’ailleurs, ces naturalistes ont pleinement raison de croire que les animaux où un accouplement a lieu ne font jamais un grand nombre de petits ; car, ceux des animaux qui font des êtres complets en les tirant d’eux-mêmes, soit vivants, soit sous forme d’œufs, ne sont jamais aussi féconds à beaucoup près que les poissons ovipares, chez lesquels la quantité des œufs est à peu près incalculable. § 5[411]. Mais nos naturalistes n’avaient pas encore remarqué qu’il en est tout autrement des œufs des poissons que des œufs des oiseaux. Les oiseaux, les quadrupèdes ovipares et quelques-uns des sélaciens peut-être, font un œuf complet, qui, une fois sorti, ne prend plus aucun accroissement. Au contraire, les poissons font des œufs incomplets, et c’est au dehors que les œufs se développent. Même c’est là encore le phénomène que présentent les mollusques et les crustacés. On peut les voir accouplés, parce que leur accouplement dure longtemps ; et l’on observe aisément chez eux que l’un des deux est mâle et que l’autre a une matrice. § 6[412]. Il serait bien singulier que cette organisation ne se retrouvât pas dans le genre entier des poissons, comme elle se trouve évidemment chez les vivipares, où l’un des deux est mâle et l’autre est femelle. Ce qui cause l’ignorance de ceux qui soutiennent cette théorie, c’est qu’ils ne se rendent pas compte assez clairement de la diversité des accouplements et de la parturition des animaux, tout évidentes qu’elles sont, et que, ne regardant qu’à quelques cas particuliers, ils s’imaginent que tout le reste doit être absolument pareil. Aussi, quand on soutient que les femelles des poissons conçoivent en avalant la semence des mâles, on ne peut commettre cette méprise qu’en omettant bien des faits, auxquels on ne réfléchit pas assez. § 7[413]. Ainsi, c’est à la même époque que les mâles ont leur laite et que les femelles ont leurs œufs ; et plus la femelle est près de pondre, plus aussi la laite s’accumule et se liquéfie dans le mâle. Et de même que, l’accumulation de plus en plus grande de la laite dans le mâle coïncide avec l’œuf dans la femelle, de même l’émission a lieu à la même époque également. Les femelles ne pondent pas d’un seul coup, mais petit à petit ; et les mâles ne répandent pas davantage leur laite en une seule fois. § 8[414]. Tous ces faits sont parfaitement acceptables à la raison. Car, de même que, dans les oiseaux, il y en a qui produisent des œufs sans les avoir par accouplement, en petit nombre il est vrai et rarement, mais que la plupart des oiseaux ont des œufs par suite de copulation, de même ce phénomène se représente encore dans les poissons, quoique moins généralement. Ce que les parents font d’eux seuls et spontanément reste stérile, si le mâle ne répand pas sa laite sur les œufs, du moins dans toutes les espèces de poissons où il y a un mâle. § 9[415]. Pour les oiseaux, qui pondent au dehors des œufs complets, il faut nécessairement que le travail se passe quand les œufs sont encore à l’intérieur. Au contraire, pour les poissons qui pondent des œufs incomplets, dont l’accroissement a toujours lieu à l’extérieur, l’œuf a beau venir d’un accouplement, il n’y a d’œufs sauvés au dehors que ceux qui ont été aspergés par la laite ; et c’est précisément à cet usage qu’est employée la laite des mâles. Aussi, la quantité de la laite tombe et diminue en même temps que les œufs diminuent chez la femelle ; car, toujours les mâles la suivent, en répandant leur laite sur les œufs qui viennent d’être pondus par elle. Il y a donc, chez les poissons, des mâles et des femelles ; et tous les poissons s’accouplent, si ce n’est que, dans quelques espèces, la femelle et le mâle ne sont pas bien distincts. Mais jamais sans la semence du mâle aucun œuf de ces animaux ne pourrait venir à bien.

§ 10[416]. Ce qui peut contribuer à causer l’erreur qu’on commet en tout ceci, c’est que l’accouplement de ces poissons est extrêmement rapide, et que la plupart des pêcheurs eux-mêmes ne l’observent pas ; il est vrai qu’aucun d’eux ne s’inquiète du fait au point de vue de la science. Cependant, on a pu faire quelques observations sur l’accouplement des poissons. On a constaté en effet que les dauphins s’accouplent en se frottant les uns contre les autres, comme le font aussi tous les poissons dont la queue est un obstacle a un autre mode d’accouplement. Mais la séparation des dauphins demande plus de temps pour se produire, tandis qu’elle est très rapide dans les autres poissons. Ne voyant pas cet accouplement, mais ne voyant que la dispersion de la laite et des œufs, les pêcheurs eux-mêmes s’en vont répétant une opinion erronée et fort répandue sur la gestation des poissons, celle qu’accueillait aussi Hérodote, dans ses légendes fabuleuses, quand il supposait que les femelles des poissons conçoivent en avalant la laite des mâles. § 11[417]. On aurait bien dû s’apercevoir que c’est là une chose absolument impossible. Le canal qui part de la bouche se rend à l’estomac et ne se rend pas dans les matrices ; or, tout ce qui entre dans l’estomac y devient nécessairement de la nourriture, parce qu’il y est digéré. Mais, comme les matrices sont remplies d’œufs, on peut se demander d’où viennent ces œufs.

§ 12[418]. On appliquerait encore les mêmes considérations à la génération des oiseaux ; car, il y a des naturalistes qui ont prétendu que c’est par la bouche que s’accouplent les corbeaux et les ibis, et que, parmi les quadrupèdes, la belette met bas par la bouche également. Telle est l’opinion d’Anaxagore et de quelques autres naturalistes ; mais ce sont là des opinions par trop naïves et par trop irréfléchies. § 13[419]. Pour les oiseaux, c’est se laisser tromper par un faux raisonnement que de se dire qu’on ne voit que très rarement les corbeaux s’accoupler, tandis qu’on les voit très fréquemment se becqueter l’un l’autre, comme le font tous les oiseaux de l’espèce corvide, et comme aussi on le voit faire aux geais qu’on apprivoise. On peut également l’observer sur les colombes ; mais, comme on les voit s’accoupler, on ne leur a pas fait l’honneur de cette singulière réputation. L’espèce des corbeaux n’est pas lascive : elle fait peu de petits ; et, bien souvent, on les a déjà vus s’accoupler. § 14[420]. Mais il est vraiment absurde de ne pas songer qu’on aurait à prouver comment le sperme peut parvenir aux matrices en passant par l’estomac, lequel digère toujours tout ce qu’il reçoit comme aliment. Ces oiseaux ont des matrices tout aussi bien que les autres ; et leurs œufs sont placés aussi sous leur diaphragme. Quant à la belette, elle a sa matrice disposée absolument comme celle des autres quadrupèdes ; et en elle, d’où l’embryon pourrait-il venir pour arriver dans sa bouche ? Comme la belette fait des petits excessivement grêles, et qu’elle les transporte souvent dans sa gueule, où elle les prend ainsi que le font les autres fissipèdes dont nous aurons à nous occuper plus tard, c’est là ce qui aura provoqué cette fable absurde. § 15[421]. Ce qu’on raconte du trochos et de l’hyène n’est guère moins étrange ni moins erroné. En parlant du trochos, on dit généralement, et Hérodore d’Héraclée, en parlant de l’hyène, dît, en particulier, que ces animaux réunissent les deux organes sexuels du mâle et de la femelle, que le trochos s’accouple avec lui-même, et que l’hyène monte une année, et est montée l’autre. On a vérifié que l’hyène n’a qu’un seul organe du sexe ; et il y a plus d’un pays où cette observation peut n’être pas rare. Ce qui est vrai, c’est que les hyènes ont sous la queue une ligne qui ressemble à l’organe de la femelle ; mais les mâles et les femelles ont indistinctement cette ligne remarquable. D’ailleurs, ce sont les mâles qu’on prend le plus ordinairement. Ce n’est donc qu’une observation superficielle qui a pu autoriser une telle opinion ; et ce que nous venons d’en dire est plus que suffisant.


CHAPITRE VI

De la génération particulière aux sélaciens ; comparaison de la génération chez les sélaciens et chez les poissons ordinaires ; des œufs clairs des oiseaux et des phénomènes spéciaux qu’ils présentent ; ils deviennent féconds par une seconde copulation ; la femelle peut à elle seule donner au germe le principe nutritif, comme la plante l’a aussi ; mais elle ne peut donner le principe de la sensibilité, qui constitue essentiellement l’animal ; c’est le mâle seul qui le donne ; explication de ces phénomènes.


§ 1[422]. Pour ce qui regarde la génération des poissons, on peut se demander comment il se fait que, dans les sélaciens, on ne voit jamais les femelles produire leurs embryons, ni les mâles répandre leur laite, tandis que, pour les poissons qui ne sont pas vivipares, on voit les femelles pondre leurs œufs et les mâles répandre leur semence dessus. A cette question, on peut répondre que cela tient à ce que l’espèce des sélaciens n’est pas du tout féconde en sperme, et à ce que les femelles ont leurs matrices près du diaphragme ; car, les sélaciens mâles diffèrent des autres mâles tout aussi bien que les sélaciens femelles diffèrent des autres femelles. § 2[423]. Les sélaciens sont pourvus de très peu de semence spermatique ; au contraire, chez les poissons ovipares les mâles répandent leur laite en abondance, de même que les femelles pondent une énorme quantité d’œufs, parce que les mules ont plus de laite qu’il n’en faut pour la fécondation. C’est que la Nature veut employer la laite à hâter la croissance des œufs pondus par la femelle, plutôt qu’à les constituer dès l’origine. § 3[424]. Nous pouvons répéter, comme nous l’avons déjà dit, et comme nous le disions encore tout à l’heure, que chez les oiseaux les œufs se complètent en dedans, et que, chez les poissons, ils s’achèvent au dehors. Chez eux aussi, c’est en quelque sorte le travail qui se fait dans la larve ; et même les animaux larvipares produisent leur progéniture encore plus informe. Mais, dans les œufs des oiseaux et dans ceux des poissons, c’est également le mâle qui les parfait et les achève. Seulement, chez les oiseaux, c’est à l’intérieur que le fait se passe ; car c’est bien intérieurement que l’œuf se complète, tandis que chez les poissons, c’est au dehors, parce que c’est extérieurement que les œufs sont rejetés dans un état imparfait ; mais, dans ces conditions, c’est, au fond, de part et d’autre le même phénomène. § 4[425]. Ainsi, les œufs clairs des oiseaux deviennent féconds ; et ceux qui ont été cochés antérieurement par des mâles d’une autre espèce, changent de nature, pour prendre celle du mâle qui a coché le dernier. Même les œufs ordinaires qui n’ont pas pu croître, parce que la première copulation a été insuffisante, s’ils sont cochés de nouveau, reprennent très rapidement toute leur croissance. Cette transformation ne se produit pas d’ailleurs à toute époque du développement des œufs, mais seulement quand la copulation a lieu avant que le blanc ne se soit séparé du jaune. § 5[426]. Rien de pareil à ceci ne se passe pour les œufs des poissons ; mais les mâles se hâtent de répandre leur laite pour les sauver en les fécondant. C’est que les œufs de poissons ne sont pas de deux couleurs. Il n’y a donc pas pour ces œufs un temps fixe, comme pour les œufs d’oiseaux. La raison comprend ceci sans peine. Quand le blanc est séparé du jaune et qu’ils sont isolés l’un de l’autre, l’œuf a déjà reçu le principe qui vient du mâle ; car c’est là ce qui est la part du mâle dans l’acte de la génération. Quant aux œufs clairs, ils reçoivent tout le développement de génération qu’ils peuvent prendre ; mais il est bien impossible qu’ils arrivent à former un animal complet ; car il faudrait pour cela qu’ils eussent la sensibilité. Or les femelles, ainsi que tous les êtres vivants, comme on l’a déjà dit bien souvent, n’ont à donner que la faculté nutritive de l’âme ; et alors, l’œuf que la femelle produit est complet en tant que germe végétatif, mais, en tant que germe d’animal, il est incomplet. § 6[427]. S’il n’y avait pas de mâle dans la classe des oiseaux, il leur arriverait ce qui arrive chez les poissons, si toutefois la génération peut se faire dans une de leurs espèces quelconque sans l’intervention du mâle. Mais nous avons déjà antérieurement rappelé que le fait n’avait pas été encore suffisamment observé. Dans l’état actuel des choses, il y a pour toutes les espèces d’oiseaux une femelle et un mâle, de telle sorte que la femelle achève l’œuf en tant que plante ; et sous ce rapport, il ne change pas après la copulation ; mais en tant que l’œuf n’est pas plante, la femelle ne peut le parfaire ; et il ne sort jamais de la femelle un autre être vivant ; car ce n’est pas d’une plante, absolument parlant, qu’il est venu, et ce n’est pas non plus tout à fait d’un animal par accouplement. Quant aux œufs qui résultent de copulation, et où le blanc s’est déjà sépare du jaune, ils se modèlent sur le mâle qui a coché le premier ; car ces œufs-là possèdent dès lors les deux principes.


CHAPITRE VII

De la génération des mollusques et particulièrement de la seiche ; elle a lieu par copulation ; erreur de ceux qui croient que tous les poissons sont femelles ; observations mal faites ; des œufs des crabides, placés sous la femelle ; singulière position de la petite seiche au moment de sa naissance ; citation de l’Histoire des Animaux.


§ 1[428]. Les mollusques du genre de la seiche et de genres analogues produisent leurs petits de la même manière, ainsi que les crustacés, tels que les crabes et leurs congénères. Ces animaux également engendrent par copulation, et l’on a vu plus d’une fois le mâle accouplé à la femelle. Aussi, ne serait-ce que pour ce seul exemple, on peut dire qu’on ne parle pas scientifiquement, quand on avance que tous les poissons sont femelles, et qu’ils ne se reproduisent pas par copulation. Il est bien étonnant d’admettre que les mollusques viennent d’accouplement, et que les autres poissons n’en viennent pas. § 2[429]. Si on ne l’a pas vu, c’est signe qu’on observe bien mal. L’accouplement de ces animaux, comme celui des insectes, dure plus longtemps que tout autre ; et cela se comprend de reste, puisqu’ils ne sont pas pourvus de sang, étant de leur nature froids, comme ils le sont. Les seiches et les teuthis ont deux œufs apparents, parce que leur matrice est divisée et a deux cornes, tandis que les polypes n’ont qu’un seul œuf. Cela tient à ce que la forme du corps des polypes est arrondie et sphérique, et que, quand la femelle est pleine, on ne voit plus la division de la matrice. Quant à la matrice des crabes, elle est divisée aussi en deux parties. § 3[430]. Tous ces animaux ne produisent que des fœtus incomplets, et par la même cause. Les femelles de tous les crabides gardent en elles-mêmes leur fœtus ; et c’est pour cela qu’elles ont l’éventail de la queue beaucoup plus grand que les mâles, afin de pouvoir protéger les œufs quelles portent. Les mollusques déposent les leurs au dehors. Dans les mollusques, le mâle répand sa laite sur les femelles, de même que les autres poissons mâles la répandent sur les œufs ; ce qui les coagule et en fait une masse visqueuse. § 4[431]. Dans les crabides, on n’a rien observé de pareil ; et ce ne serait pas sage en effet qu’il en fût ainsi, puisque l’embryon est sous la femelle, et qu’il a une peau très dure. Du reste, les œufs des crabides et ceux des mollusques se développent à l’extérieur comme ceux des poissons. Quand la petite seiche vient de naître, elle est attachée aux œufs par sa partie antérieure ; et, en effet, ce n’est que par là qu’elle peut s’attacher, puisque cet animal est le seul qui ait d’un même côté le derrière et le devant du corps. C’est d’ailleurs dans l’Histoire des Animaux qu’on peut voir quelle est la position que les petites seiches présentent au moment où elles naissent.


CHAPITRE VIII

De la génération des insectes ; variétés de cette génération ; ses différences avec la génération des vivipares et des ovipares ; les larves des insectes ; métamorphoses successives des larves, au nombre de trois ; immobilité de la larve ; les chrysalides ; les nymphes ; vie et développement de la larve ; génération des insectes copulative ; génération spontanée.


§ 1[432]. Après avoir étudié la génération de tous les autres animaux qui marchent, qui volent et qui nagent, il faut, pour les insectes et les testacés, adopter encore la méthode jusqu’à présent suivie. Occupons-nous d’abord des insectes. Nous avons déjà dit que, parmi les insectes, les uns viennent de copulation et que d’autres naissent spontanément. Nous avons ajouté qu’il y en a quelques-uns qui font des larves, et nous avons expliqué pourquoi ils en font. § 2[433]. A vrai dire, on pourrait croire que tous les animaux font des larves en quelque sorte, et qu’ils commencent tous par là, puisque le fœtus des larves est le plus imparfait de tous. Dans tous les vivipares et dans les ovipares qui font un œuf complet, le fœtus, qui naît tout d’abord assez informe, prend ensuite sa pleine croissance ; or, c’est bien là aussi la nature de la larve. Mais ensuite, les uns qui sont ovipares produisent un fœtus complet ; les autres le produisent incomplet ; mais, une fois dehors, il se complète, comme on l’a déjà exposé plus d’une fois pour les poissons. § 3[434]. Pour les vivipares qui font leurs petits en eux-mêmes, on peut dire qu’après que l’être s’est constitué, c’est d’abord une sorte d’œuf qui se forme ; car la partie liquide est entourée d’une légère membrane, dans le genre de celle qu’on trouve en enlevant la coquille de l’œuf ; et c’est pour cela qu’on appelle du nom d’écoulement la perte du fœtus à cette époque. Les insectes qui engendrent pondent aussi des larves ; et ceux mêmes qui, ne venant pas de copulation, naissent spontanément, sont constitués aussi de cette façon, dans les premiers temps ; car, il faut regarder comme des espèces de larves, et les chenilles et les fœtus d’araignées. § 4[435]. Ces fœtus pourraient passer pour des œufs à cause de leur rondeur ; et ceci s’applique à quelques-uns de ceux-là et à beaucoup d’autres. Mais ce n’est pas à cause de leur forme, de leur mollesse et de leur dureté, qualités qu’ont parfois quelques-uns de leurs fœtus, qu’on pourrait les prendre pour des larves ; c’est uniquement parce que l’animal change tout entier, et qu’il ne vient pas seulement d’une certaine partie. § 5[436]. D’ailleurs, avec le temps et en grossissant, tous les fœtus qui ont forme de larves finissent par devenir une sorte d’œuf. L’enveloppe qui les revêt se durcit ; et, pendant toute cette période, ils sont immobiles. C’est ce qu’on peut bien voir dans les larves des abeilles, des guêpes et des chenilles. On dirait que la Nature a fait en quelque sorte un œuf prématurément, tant cet œuf a d’imperfection, et que la larve n’est qu’un œuf mou, qui a encore beaucoup à croître. § 6[437]. C’est bien là aussi ce qu’on peut observer sur tous les autres insectes qui ne viennent pas de copulation, comme ceux qu’on trouve dans les lainages et dans d’autres matières, et sur ceux qui naissent dans les eaux. Après que la larve a été émise, elle reste toujours sans mouvement ; et quand l’enveloppe s’est desséchée, l’animal sort en la brisant, comme s’il sortait d’un œuf ; il est alors tout formé ; et il en est à sa troisième métamorphose. La plupart des insectes qui naissent ainsi sont ailés, quand ils vivent sur terre. § 7[438]. On a de justes motifs d’admirer généralement tous ces phénomènes, qui d’ailleurs sont conformes à la raison ; car les chenilles, qui tout d’abord prennent de la nourriture, cessent plus tard d’en prendre ; mais les chrysalides, comme on les appelle quelquefois, restent immobiles. Les larves des guêpes et des abeilles deviennent ensuite ce qu’on nomme des nymphes ; et sous cette forme, elles n’ont plus à se nourrir ; car la nature des œufs est telle que l’œuf, une fois formé, ne s’accroit plus. Mais d’abord il grossit et prend de la nourriture, jusqu’à ce qu’il soit définitivement constitué et qu’il soit devenu un œuf complet. § 8[439]. Quant aux larves, il y en a qui ont en elles-mêmes tout ce qu’il faut pour produire cette excrétion qui les nourrit ; et telles sont les abeilles et les guêpes. Il y en a d’autres qui tirent leur nourriture du dehors, comme les chenilles et quelques autres larves. Voilà donc trois sortes de générations pour ces insectes ; et nous avons expliqué pourquoi, après avoir eu le mouvement, ils en sont ensuite privés. Il y a des insectes qui viennent de copulation comme en viennent les oiseaux, les vivipares et presque tous les poissons ; d’autres naissent spontanément, à la façon de quelques plantes.


CHAPITRE IX

De la génération des abeilles ; difficultés de cette étude ; erreurs des naturalistes, qui croient que les abeilles tirent leur couvain du dehors, et que les abeilles sont les femelles et que les bourdons sont les mâles ; ce sont les reines qui pondent le couvain des abeilles et des bourdons ; observations diverses sur les fonctions des rois, des bourdons et des abeilles ; dimensions différentes des uns et des autres ; les rois s’engendrent eux-mêmes ; puis, ils engendrent aussi les abeilles, qui engendrent les bourdons ; les bourdons n’engendrent pas ; sagesse de la Nature ; influence du beau temps ou du mauvais temps sur les abeilles et la ruche entière ; les abeilles seules travaillent ; les rois ne font rien, non plus que les bourdons ; règles générales de l’observation des faits ; citation de l’Histoire des Animaux.


§ 1[440]. Il est assez difficile de se rendre compte de la génération des abeilles. S’il y a quelques espèces de poissons qui produisent leurs petits sans accouplement, il semble bien que c’est là aussi la manière dont les abeilles se reproduisent, à en juger du moins d’après l’apparence. Il faut nécessairement, ou qu’elles apportent le couvain du dehors, comme le prétendent quelques naturalistes, et ce couvain doit, ou naître spontanément, ou bien venir d’un autre animal qui le pond ; ou bien encore, il faut que les abeilles elles-mêmes le produisent. Il se peut également qu’elles apportent un couvain et qu’elles en produisent un autre ; car il y a des naturalistes qui soutiennent qu’elles n’apportent du dehors que le couvain des bourdons. Elles doivent engendrer, ou par accouplement, ou sans accouplement. Si c’est par accouplement, elles doivent produire chaque genre à part, ou l’un de ces deux genres seulement, le reste se produisant par un genre accouplé à l’autre. Je veux dire que, par exemple, les abeilles viennent d’abeilles accouplées ; les bourdons viennent de bourdons ; les rois viennent de rois. Ou bien encore, il se peut que toutes ces espèces viennent d’une seule, c’est-à-dire, des abeilles qu’on appelle des rois ou des chefs ; ou enfin elles peuvent provenir de l’accouplement des bourdons et des abeilles. § 2[441]. On soutient en effet quelquefois que les unes sont mâles et les autres femelles ; on prétend même que ce sont les abeilles qui sont les mâles, et que les bourdons sont les femelles. Toutes ces assertions sont insoutenables, quand on raisonne d’après les faits particuliers que présentent les abeilles, et d’après les faits plus généraux que présente le reste des êtres animés.

§ 3[442]. D’abord, si les abeilles apportaient le couvain du dehors, sans l’avoir produit, il faudrait aussi que des abeilles naquissent sans même que des abeilles rapportassent dans les lieux où elles vont prendre ce couvain. Comment pourrait-il se faire que des abeilles se produisissent là où on apporterait ce couvain, et qu’il n’y en eût pas là où se couvain se trouve ? Le couvain n’est pas moins indispensable, soit qu’il vienne spontanément dans les fleurs, soit que quelque animal le produise ; car, en supposant même que cette semence vînt d’un autre animal, c’est un animal pareil qui viendrait de celui-là ; mais ce ne serait pas des abeilles.

§ 4[443]. En second lieu, on comprend bien que les abeilles apportent du dehors le miel, puisqu’il est leur nourriture ; mais qu’elles apportent du couvain étranger, qui ne sert même pas à les nourrir, c’est absurde. A propos de quoi ? Et dans quelle vue ? Tous les animaux qui s’occupent de leur progéniture ne prennent tant de soins que pour leur propre produit, lequel ne fait aucun doute pour eux.

§ 5[444]. On ne peut pas soutenir plus raisonnablement que les abeilles sont les femelles, et que les bourdons sont les mâles. La Nature n’a jamais donné a aucune femelle des armes de combat. Or, les bourdons n’ont pas de dard ; et toutes les abeilles en ont. Il n’est pas possible davantage de soutenir que les abeilles sont les mâles, et que les bourdons sont les femelles. Ordinairement, le mâle ne s’occupe jamais des petits ; et ici ce sont les abeilles qui prennent ce soin. § 6[445]. D’autre part, comme le couvain des bourdons semble se produire même sans qu’il y ait intervention d’aucun bourdon, et que le couvain d’abeilles au contraire ne se produit jamais sans les rois, on en conclut que le couvain seul des bourdons est apporté du dehors, puisque évidemment les abeilles et les bourdons ne viennent pas d’un accouplement, ni séparément dans chacun de ces genres où aurait lieu l’accouplement des individus entre eux, ni de l’accouplement des abeilles et des bourdons. Mais il est également impossible, par les motifs qu’on vient de donner, que le couvain seul des bourdons soit apporté du dehors ; et la raison ne peut admettre que le cas ne fut pas semblable pour l’espèce tout entière.

§ 7[446]. Il n’est pas davantage permis de supposer que, parmi les abeilles, les unes sont mâles et que les autres sont femelles. Dans toutes les espèces d’animaux, il y a toujours de la différence entre la femelle et le mâle, et il y en aurait dans les abeilles en supposant même qu’elles s’engendrassent toutes elles-mêmes. Mais dans l’état actuel des choses, on ne voit pas qu’il y ait de couvain d’abeilles, s’il n’y a pas dans la ruche des chefs, comme on les appelle.

§ 8[447]. Une objection qu’on peut faire contre leur génération réciproque, et contre celle des bourdons, soit avec les abeilles, soit entre eux, c’est qu’on n’a jamais observé qu’aucun de ces insectes s’accouplât ; et certainement on les aurait vus bien des fois, s’il y avait réellement parmi eux des femelles et des mâles. Il reste donc cette hypothèse, si toutefois il y a accouplement, que ce soient les rois qui engendrent en s’accouplant. Mais on voit les bourdons naître sans même qu’il y ait de chefs dans la ruche ; et il n’est pas plus possible que les abeilles apportent le couvain de ces chefs qu’il n’est possible qu’elles le produisent après un accouplement. § 9[448]. Une autre hypothèse, c’est que les abeilles, comme quelques espèces de poissons, engendrent les bourdons sans accouplement, étant bien femelles en ce sens qu’elles engendrent, mais ayant, comme les végétaux, la femelle et le mâle renfermés en elles-mêmes ; ce qui fait aussi qu’elles ont des instruments de combat. Mais on ne peut pas parler de femelle là où le mâle n’est pas distinct et séparé. Si, du reste, cette observation s’applique aux bourdons, et s’ils ne viennent pas d’accouplement, il y a évidemment nécessité que la même remarque s’applique aussi aux abeilles et aux rois, qui ne doivent pas venir non plus d’un accouplement quelconque. § 10[449]. Si le couvain des abeilles se produisait certainement sans les rois, il faudrait aussi que les abeilles s’engendrassent elles-mêmes sans s’accoupler. Cependant, comme ce n’est pas là du tout ce qu’assurent les gens qui s’occupent du soin d’élever ces insectes, il resterait à penser que les rois s’engendrent eux-mêmes, et qu’ils engendrent également les abeilles. Mais de même que les abeilles sont des insectes à part et uniques en leur genre, de même leur génération paraît n’être pas moins singulière et remarquable. Que les abeilles puissent produire sans accouplement, c’est ce qui se passe chez bien d’autres animaux. Mais qu’elles ne produisent pas la même espèce qu’elles, ceci leur serait tout à fait particulier ; car, par exemple, les rougets produisent des rougets ; les serrans, des serrans. § 11[450]. C’est là ce qui fait que les abeilles ne se produisent pas comme les mouches et d’autres insectes analogues ; elles naissent d’un genre qui est différent d’elles, quoique congénère, puisqu’elles naissent des chefs. Aussi, leur organisation a-t-elle quelque chose d’analogue à celle des chefs. Ainsi, les chefs ressemblent aux bourdons par leur grosseur ; et ils ressemblent aux abeilles en ce qu’ils ont un aiguillon comme elles. § 12[451]. Sous ce rapport, les abeilles sont pareilles aux chefs ; comme les bourdons leur sont pareils en grosseur. Il faut bien nécessairement qu’il y ait quelque différence, puisque ce ne doit pas être toujours la même espèce qui sorte de chacun d’eux. Ce serait en effet impossible ; car alors l’espèce entière ne serait composée que de chefs. Les abeilles sont semblables aux chefs par une égale faculté de reproduire ; les bourdons ne le sont que par la grosseur de leur corps. S’ils avaient un aiguillon, ils seraient des chefs aussi ; et c’est le seul point qui reste encore douteux. Les chefs ressemblent à ces deux espèces de la même façon, aux abeilles parce qu’ils ont un dard, et aux bourdons parce qu’ils sont aussi gros.

§ 13[452]. Mais nécessairement, les chefs doivent naître de quelque part ; et comme ils ne viennent, ni des abeilles, ni des bourdons, il faut bien qu’ils s’engendrent eux-mêmes. Leurs cellules ne viennent qu’à la fin, et elles ne sont pas très nombreuses. Mais si, en fait, les chefs s’engendrent eux-mêmes, ils engendrent aussi une espèce autre que la leur ; c’est celle des abeilles, qui, à leur tour, engendrent également une autre espèce, qui est celle des bourdons. Mais les abeilles ne s’engendrent pas elles-mêmes ; et cette faculté leur a été refusée. § 14[453]. Comme tout ce qui est conforme à la Nature est toujours admirablement ordonné, il faut de toute nécessité encore que les bourdons soient également privés de la faculté de produire une autre espèce. Et c’est là en effet ce qui est. Ils naissent, mais ils n’engendrent rien d’autre ; et la génération s’arrête à son troisième degré. De cette façon, la Nature a parfaitement combiné les choses, pour que les espèces existantes de ces insectes subsistent et se perpétuent, et qu’il n’y ait jamais de lacunes, quoique tous les êtres qui les composent n’engendrent pas. § 15[454]. Il est aussi tout à fait compréhensible que, par le beau temps, il y ait beaucoup de miel et beaucoup de bourdons ; et que, par les temps de pluie, il y ait beaucoup de couvain. L’humidité produit plus de sécrétion dans le corps des chefs ; et le beau temps, dans celui des abeilles ; car, étant plus petites en grosseur, elle sont plus besoin du beau temps. Il est très bien aussi que les rois, qui sont faits, à ce qu’il semble, pour produire les petits, demeurent a l’intérieur, sans y être soumis aux travaux nécessaires, et qu’ils aient de fortes dimensions pour que leur corps supporte mieux la parturition. Les bourdons doivent également rester inactifs, puisqu’ils ne sont pas armés pour disputer la nourriture, et qu’ils ont un corps très lourd, et très lent. § 16[455]. Les abeilles, au contraire, sont de proportions moyennes, entre les deux, pouvant servir ainsi à faire tout le travail, et travaillant énergiquement pour remplir la fonction dont elles sont chargées, qui est de nourrir les enfants et les parents. Il est tout simple qu’elles obéissent à leurs rois, d’abord parce que c’est d’eux qu’elles tiennent leur naissance ; car, sans cette soumission, les faits qui constituent l’hégémonie des rois seraient sans raison ; et il n’est pas moins simple encore que les abeilles tolèrent que, comme parents, les rois ne fassent rien, et que, leur permettant cette oisiveté, elles châtient les bourdons comme des enfants, puisqu’il convient plutôt de châtier des enfants, et ceux qui n’ont rien à faire.

§ 17[456]. Du reste, si les rois, qui sont très peu nombreux, engendrent une si grande quantité d’abeilles, c’est là un fait à peu près pareil à ce qui se passe pour la génération des lions. La lionne produit, d’abord, jusqu’à cinq petits ; ensuite, elle en produit de moins en moins, jusqu’à ce qu’elle n’en produise plus qu’un seul, et qu’enfin elle n’en produise plus du tout. Les chefs des abeilles se reproduisent eux-mêmes, d’abord, en grand nombre ; puis, ils ne se reproduisent plus que très peu et de moins en moins ; et ce que la Nature leur ôte en nombre, elle le leur rend en grosseur.

§ 18[457]. Voilà donc tout ce que le raisonnement et les faits observés sur les abeilles nous apprennent de leur génération. Mais on n’a pas encore assez bien observé les faits ; et quand on les aura tous recueillis, il vaudra toujours mieux s’en rapporter à l’observation sensible plutôt qu’au raisonnement ; on ne devra ajouter foi aux théories que si elles sont d’accord avec les faits observés. § 19[458]. Ce qui prouve bien que les abeilles ne viennent pas de copulation, c’est que le couvain est peu considérable dans les cellules de cire. Tous les insectes qui proviennent d’un accouplement ont cet accouplement fort long ; ils pondent vite ; et ce qu’ils pondent est une sorte de petite larve. La génération des insectes du même genre, tels que les frelons et les guêpes, se rapproche de celle des abeilles ; mais on comprend bien que ces insectes n’aient pas le privilège qu’ont les abeilles ; ils n’ont rien de divin comme elles. Celles qu’on appellent les mères enfantent les petits ; et elles construisent les premières cellules de cire ; puis, une fois couvertes les unes par les autres, elles engendrent ; et l’on a bien des fois observé leur accouplement.

§ 20[459]. C’est, d’ailleurs, dans les descriptions de l’Histoire des Animaux qu’il faut étudier les différences de ces espèces de guêpes et de frelons, soit entre elles, soit par rapport aux abeilles.


CHAPITRE X

De la génération des testacés ou coquillages ; le limaçon est le seul testacé terrestre ; le reste vient dans la mer ; rapports du testacé à la plante ; multiplication des testacés ; répartition des êtres selon les milieux où ils peuvent vivre, la terre, l’eau, l’air ; le feu ne peut être un milieu pour les êtres vivants ; action de la lune ; bourgeonnement et génération spontanée des testacés ; formation de leur écaille dans l’eau de mer ; explications diverses sur la création des hommes et des quadrupèdes ; analogies entre le développement des testacés et le développement des larves ; preuves qui démontrent leur génération spontanée ; observations faites à Rhodes sur des coques de navires ; autres observations faites à Chios sur des huîtres de Pyrrha ; erreur sur les prétendus œufs des testacés ; époques de l’année où les huîtres sont les meilleures à manger ; citation de l’Histoire des Animaux.


§ 1[460]. Après avoir traité de la génération de tous les insectes, il nous faut étudier celle des testacés. Cette génération est à certains égards semblable aux autres, et, à certains égards, elle en diffère. Cela se conçoit très bien. Comparativement aux animaux, les testacés sont des plantes ; et comparativement aux plantes, ce sont des animaux. Par suite, les testacés semblent en un sens venir d’un germe ; et, en un autre sens, ils n’en viennent pas. Dès lors, ou ils naissent spontanément, ou ils s’engendrent d’eux-mêmes ? ou parmi eux, ceux-ci naissent de cette façon, tandis que ceux-là naissent de l’autre. § 2[461]. Comme les testacés ont une nature qui correspond à celle des plantes, ils ne marchent pas sur terre ; ou du moins ce n’est qu’une petite espèce de testacés, celle des colimaçons, ou telle autre espèce analogue à celle-là. Les espèces de cette sorte sont fort rares, tandis que, au contraire, dans la mer et dans les eaux semblables à celle de la mer, les testacés abondent et revêtent toute espèce de formes. A l’inverse, les végétaux viennent peu dans la mer et dans les cours d’eau ; et l’on pourrait presque dire qu’il n’en vient pas du tout, et que la plus grande partie des plantes, ou toutes les plantes, poussent sur la terre. § 3[462]. Mais si, à quelques égards, la nature des testacés est analogue à celle des plantes, à certains égards elle s’en éloigne. Autant le liquide a plus de vie que le solide et le sec, et autant l’eau en a plus que la terre, autant la nature des testacés contient plus de vie que celle des plantes, puisque les testacés sont au liquide ce que les plantes sont à la terre. Les végétaux sont en effet en quelque sorte des coquillages terrestres, et les coquillages proprement dits sont comme des plantes aquatiques. C’est aussi pour la même cause que les êtres qui vivent dans le liquide, présentent bien plus de formes différentes que ceux qui vivent sur la terre. § 4[463]. Le liquide se modifie beaucoup plus aisément que la terre sèche ; et le liquide a presque autant de corps qu’elle en a, surtout quand il s’agit des liquides de la mer. L’eau bonne à boire est douce et nourrissante ; mais elle est moins matérielle et moins froide. Aussi, les animaux privés de sang, et froids par nature, ne naissent-ils pas dans les lacs, ni dans les eaux plus potables que les eaux saumâtres. Ou plutôt, ils y naissent moins que partout ailleurs, comme les testacés, les mollusques et les crustacés, parce que tous ces animaux n’ont pas de sang et qu’ils sont de nature froide. Mais ils viennent dans les baies et à l’embouchure des fleuves, parce qu’ils y cherchent tout à la fois la chaleur et leurs aliments indispensables.

§ 5[464]. L’eau de mer est aussi liquide, mais beaucoup plus matérielle que l’eau potable ; elle est naturellement chaude. Elle a en elle toutes les parties ou les éléments de l’eau, de l’air et de la terre ; et, par suite, elle renferme toutes les espèces d’animaux qui vivent dans ces trois sortes d’éléments et de milieux. On peut dire en effet que les plantes appartiennent à la terre ; que les animaux aquatiques appartiennent a l’eau ; et les animaux marchant sur le sol, à l’air. Il faut bien admettre qu’en ceci le plus et le moins, le proche ou l’éloigné, font une différence considérable et vraiment surprenante. § 6[465]. On voit, du reste, qu’après les êtres qui appartiennent a ces trois espèces de milieux, il n’y a point à rechercher un quatrième genre d’êtres. Cependant il y a bien quelque chance qu’il s’en trouve un dans l’ordre du feu, puisque le feu est le quatrième des corps élémentaires. Mais toujours le feu se montre à nous sous une forme qui ne lui est aucunement propre, et toujours il est dans quelqu’un des autres corps ; car ce qui est brûlé par le feu est toujours, ou de l’air, ou de la vapeur d’eau, ou de la terre. § 7 Peut être faut-il chercher ce quatrième genre d’êtres dans la lune, qui semble représenter le quatrième milieu ; mais nous réservons cette question pour un autre ouvrage.

§ 8[466]. Quant aux testacés, tantôt leur production a lieu spontanément ; tantôt et pour quelques-uns, elle vient d’une force qu’ils tirent et qu’ils émettent d’eux-mêmes, bien que souvent aussi ces derniers se forment spontanément. On peut comparer leurs générations avec celles des plantes. Ainsi, entre les végétaux, les uns viennent de semence ; d’autres viennent de boutures qu’on détache ; d’autres, par tiges qui repoussent tout autour, comme les oignons. C’est de cette manière que se reproduisent les moules, sur lesquelles viennent toujours s’en attacher de plus petites, qui se mettent sur le coquillage originaire. Les buccins, les pourpres et les coquillages, dont on dit qu’ils font de la cire, rejettent des liquides muqueux qui sont comme des produits de nature spermatique. § 9[467]. On ne peut pas croire néanmoins qu’aucun de ces animaux aient réellement du sperme ; mais on doit admettre qu’ils ont une certaine ressemblance avec les plantes, sous le rapport qu’on a déjà expliqué. Aussi, il suffit qu’un seul de ces êtres vienne à naître pour qu’il en surgisse aussitôt une foule d’autres. C’est qu’en effet ces animaux peuvent encore se produire spontanément ; mais ils se multiplient proportionnellement beaucoup plus quand il y a des premiers parents. On comprend bien, en effet, qu’il se forme dans chacun d’eux un certain résidu du principe, et que, de ce résidu, germe chacun des sujets qui viennent se greffer sur les premiers, en poussant à côté des autres. Comme la nourriture a une force assez pareille, ainsi que le résidu qu’elle produit, on peut supposer que les testacés qui font des alvéoles, ont une force toute semblable à celle du principe, et que tout naturellement il en sort aussi quelque être nouveau. § 10[468]. Mais ceux des testacés qui ne bourgeonnent pas et qui ne font pas d’alvéoles, se produisent spontanément. Tous les animaux qui se forment de cette façon, soit dans la terre, soit dans l’eau, semblent tous naître avec la corruption, à laquelle vient se mêler de l’eau de pluie. La partie douce se rend au principe qu’elle constitue ; et le résidu prend cette forme particulière. Ce n’est pas que réellement aucun être puisse venir de la corruption ; mais il naît de la coction. La pourriture et la matière pourrie ne sont que le résidu de ce qui a subi la coction préalable. § 11[469]. Ici, l’être qui est formé ne l’est pas de la totalité de la matière, pas plus que cela n’arrive dans les œuvres que l’art produit ; car à cette condition, l’art ne pourrait rien faire. Mais, dans l’état actuel des choses, l’art enlève une partie des matériaux inutiles, et la Nature, de son côté, les enlève de même que lui. Les animaux et les plantes naissent dans la terre et dans l’eau, parce qu’il y a de l’eau dans la terre, parce qu’il y a de l’air dans l’eau, et que dans tout cela il y a une chaleur vitale, de telle sorte qu’on peut dire que tout est plein d’âme et de vie. § 12[470]. Aussi, des êtres ne tardent-ils pas à se constituer dès que cette chaleur est circonscrite et renfermée ; les corps liquides venant à s’échauffer, la chaleur se concentre, et il se forme une sorte de bulle d’écume. Les différences qui font que le genre d’êtres produits est plus relevé, ou qu’il est moins parfait, résultent de la manière dont le principe vital a été circonscrit. Ce qui cause le phénomène, ce sont les milieux où il se passe et le corps qui y est renfermé. § 13[471]. Dans l’eau de mer, il y a beaucoup de terreux ; et c’est d’une combinaison de ce genre que se forme la nature des testacés, le terreux se durcissant tout à l’entour, et devenant aussi compacte que les os et les cornes ; le feu même ne les fait pas fondre, en même temps que le corps qui possède la vie et qui s’y trouve renfermé.

§ 14[472]. Le seul testacé dont on ait observé l’accouplement, c’est le colimaçon ; mais on ne sait pas très bien encore si c’est de cet accouplement que naissent ces animaux, ou s’ils n’en naissent pas. Si l’on voulait en faire une étude régulière, il faudrait se demander quelle est en eux la partie qui se constitue pour les produire matériellement. Dans les femelles des autres espèces, la partie matérielle est une certaine excrétion de l’animal, qui, étant en puissance semblable à l’être d’où il provient, reçoit du principe moteur qu’a le mâle l’achèvement qui en fait un animal complet. § 15[473]. Mais pour les testacés, où trouver quelque chose de pareil ? D’où viendrait et quel serait le principe moteur qui doit se trouver dans le mâle ? Pour les animaux qui engendrent par l’effet de la nourriture ingérée, il faut admettre que c’est la chaleur même de l’animal qui, par la sécrétion et la coction, produit le résidu, principe du fœtus. Il en est de même pour les plantes, si ce n’est que, pour elles, et même pour quelques espèces d’animaux, il n’y a pas besoin du principe qu’apporte le mâle, parce qu’elles ont en elles-mêmes ce principe mélangé à leur substance, tandis que, dans la plupart des animaux, ce résidu a besoin encore de quelque chose de plus. § 16[474]. Pour les uns, c’est la terre et l’eau qui les nourrissent ; les autres se nourrissent des productions de toutes les deux, de telle sorte que l’action qu’exerce dans les animaux la chaleur qui vient de leur nourriture, se trouve accomplie et concentrée par la chaleur de la saison dans le milieu ambiant, d’où cette chaleur tire, de la mer, ou de la terre, le produit qu’elle digère et qu’elle condense. La partie du principe vital qui y est comprise, ou qui est sécrétée et soustraite dans l’air, forme le fœtus, et y dépose en outre le mouvement qui doit l’animer. La formation des plantes, parmi celles qui naissent spontanément, est bien aussi à peu près la même. Elles viennent également d’une certaine partie ; d’une part, il y a le principe ; et, d’autre part, la nourriture première des rejetons qui en poussent.

§ 17[475]. Quant aux animaux, il y en a qui viennent de larves. Dans les espèces privées de sang, ce sont toutes celles qui ne viennent pas d’animaux ; et dans les espèces qui ont du sang, ce sont, par exemple, les muges d’un certain genre et d’autres poissons de rivière, et, par exemple, aussi les anguilles. Tous ces animaux, bien que naturellement ils aient très peu de sang, en ont cependant ; et ils sont pourvus d’un cœur, qui est le principe sanguin de leurs organes. Les matières qu’on appelle les entrailles de terre, et où se trouve le corps des anguilles, sont de la nature d’une larve. § 18[476]. Si, pour expliquer la création des hommes et des quadrupèdes, l’on admet qu’ils sont sortis de la terre, comme quelques naturalistes le soutiennent, ils n’ont pu en sortir que de l’une de ces deux manières : ou ils sont issus d’une larve primitive, ou ils sont sortis d’un œuf. Car il y a nécessité, ou qu’ils portent déjà en eux-mêmes la nourriture nécessaire à leur croissance, et la larve est un germe de ce genre, ou bien ils doivent recevoir cette nourriture d’ailleurs, et ils ne peuvent la tenir alors que de la mère qui les a produits, ou d’une certaine partie de l’embryon lui-même. § 19[477]. Mais si l’un de ces moyens est impossible et que la nourriture ne puisse venir de la terre, comme, pour les animaux, elle vient de leur mère, il faut nécessairement que l’animal reçoive ses aliments d’une partie même de l’embryon ; et c’est là précisément ce qu’est, selon nous, la génération qui vient d’un œuf. Si donc, il y a eu une création primitive de tous les animaux, il est de toute évidence que de ces deux modes de génération, il n’y en a qu’un seul qui soit possible. La génération par les œufs est celle que la raison admettrait le moins aisément, puisque nous n’observons pas qu’un seul animal se produise de cette manière ; mais la raison admettrait plutôt l’autre mode de reproduction, soit pour les animaux qui ont du sang, soit pour ceux qui n’en ont pas.

§ 20[478]. C’est bien ainsi que se produisent quelques insectes et les testacés, dont nous nous occupons ici. Ils ne viennent pas d’une partie spéciale, comme l’embryon des ovipares ; et de plus, ils se développent absolument comme les larves ; car c’est vers le haut et vers le principe que les larves se développent et grossissent. La nourriture est dans le bas, et elle alimente le haut. Il y a bien quelque ressemblance avec ce qui se passe pour les animaux sortant d’un œuf, si ce n’est que les poussins absorbent tout l’œuf, tandis que, dans les fœtus des larves, lorsque la partie supérieure s’est développée, grâce à la substance qui est dans la partie inférieure, la partie d’en bas se forme et se constitue à son tour de ce qui reste. La cause de ce phénomène, c’est que la nourriture destinée à la partie inférieure au diaphragme y vient toujours en dernier lieu, pour tous les animaux. § 21[479]. Si l’on veut se convaincre que c’est bien de cette manière que les larves se développent, on n’a qu’à observer les abeilles et les insectes de cet ordre. D’abord, elles ont la partie inférieure fort grande ; et la partie supérieure est moins grosse. Les testacés aussi se développent absolument de la même façon, et l’on peut bien le voir sur les turbines, en regardant à leurs hélices. Quand ils grandissent, c’est toujours en avant que les hélices se multiplient, dans cette partie de leur corps qu’on appelle la tête.

§ 22[480]. Tel est à peu près tout ce que nous avions à dire sur la génération des testacés, et sur celle des autres animaux qui naissent spontanément. Que tous les testacés se produisent d’une manière spontanée, voici ce qui peut le prouver. Ils se montrent sur les parois des vaisseaux, lorsque le limon formé par l’écume de l’eau vient à se dessécher ; et l’on a vu bien des fois, les lieux où il n’y avait auparavant aucun animal de ce genre, se couvrir de ce qu’on appelle des moules, parmi les coquillages, quand l’eau venait à se retirer et que la place n’était plus qu’un amas de boue. C’est ainsi qu’à Rhodes, une flotte s’étant arrêtée et ayant jeté dans l’eau des tessons de vases d’argile, on y trouva de ces huîtres quelque temps après, quand le limon les avait entièrement recouverts. § 23[481]. D’ailleurs, ces testacés n’émettent de leur corps rien qui soit prolifique ; en voici la preuve : des habitants de Chios avaient, de Pyrrha dans l’île de Lesbos, apporté des huîtres vivantes ; et ils les avaient déposées dans des anfractuosités et dans des lieux tout à fait pareils à ceux où ils les avaient prises. Mais ces huîtres ne se multiplièrent pas, et seulement elles grossirent beaucoup. § 24[482]. Les œufs prétendus des testacés n’ont rien à faire avec leur génération ; c’est là simplement un signe que ces animaux sont bien nourris, comme la graisse aussi est un signe de santé chez les animaux qui ont du sang. C’est à ce moment que les huîtres ont un goût excellent et qu’il faut les manger. Ce qui l’atteste bien, c’est que les pinnes, les buccins, les pourpres ont toujours de ces œufs, en plus ou moins grande quantité. Quelques testacés n’en ont pas toujours ; ils n’en ont qu’au printemps ; mais à mesure que la saison s’avance, ces prétendus œufs s’atrophient ; et, à la fin, ils disparaissent entièrement, comme on le voit sur les peignes, les moules et ce qu’on appelle les huîtres de marais ; car cette saison est très favorable à la santé de ces animaux.

§ 25[483]. On n’observe rien de pareil chez d’autres testacés, tels que les téthyes ; mais pour les détails sur ces particularités et sur les lieux où les testacés se trouvent, nous renvoyons à l’Histoire des Animaux.


LIVRE QUATRIÈME



CHAPITRE PREMIER.

De la formation originelle des sexes femelle et mâle ; théories d’Anaxagore, d’Empédocle et de Démocrite d’Abdère ; discussion spéciale sur l’opinion d’Empédocle et sur l’opinion de Démocrite ; réfutation de l’une et de l’autre, et aussi de la théorie d’Anaxagore, qui fait venir les mâles de la droite et les femelles de la gauche, selon que la matrice est plus ou moins chaude ; singulière pratique de la ligature de l’un des testicules avant la copulation ; la théorie qui attribue la différence des sexes à la chaleur et au froid est plus soutenable ; théorie personnelle de l’auteur ; différence de température dans le mâle et la femelle ; puissance de l’un, impuissance de l’autre à faire la coction complète et définitive de la nourriture ; différence des organes chargés de la coction ; modifications importantes dans ces organes ; exemple des eunuques ; action du cœur dans la formation des sexes ; fonction essentielle du mâle dans la copulation ; c’est lui qui donne le mouvement ; la femelle ne donne que la matière ; lutte des deux principes ; prédominance de l’un ; défaite de l’autre ; nécessité d’organes spéciaux ayant une forme différente.


§ 1[484]. Nous venons d’étudier la génération de tous les animaux, en la considérant tour à tour dans ce qu’elle a de commun et dans ce qu’elle a de spécial. Mais comme dans les plus parfaits des animaux, la femelle et le mâle sont séparés, et que nous avons trouvé dans les puissances de l’un et de l’autre les principes de tous les êtres, animaux ou plantes, chez lesquels ils sont tantôt unis et tantôt séparés, notre premier soin maintenant doit être de nous expliquer sur la génération du mâle et de la femelle. § 2[485]. Les animaux sont encore incomplets, dans le genre auquel ils appartiennent, que déjà la femelle et le mâle sont parfaitement distincts. Y a-t-il femelle et mâle avant même que cette différence ne soit sensible et évidente pour nous ? Est-elle reçue dans le sein de la mère ? Ou bien cette différence est-elle encore antérieure ? C’est là une question douteuse ; car les uns prétendent que cette opposition du sexe se trouve, dès le premier moment, dans les germes eux-mêmes ; et cette opinion est celle d’Anaxagore et de quelques autres naturalistes. Selon eux, le mâle fournit la liqueur spermatique ; la femelle fournit la place ; le mâle vient de droite ; la femelle vient de gauche ; et, dans la matrice, les mâles sont aussi à droite, tandis que c’est à gauche que sont les femelles. § 3[486]. D’autres naturalistes, tels qu’Empédocle, prétendent également que le mâle et la femelle sont dans la matrice, et que tels germes, s’ils sont dans une matrice chaude, y deviennent des mâles, et que s’ils sont dans une matrice froide, ils y deviennent des femelles. C’est l’écoulement des menstrues qui est cause de la chaleur et du froid, suivant que cet écoulement est plus froid ou plus chaud, plus ancien ou plus récent. § 4[487]. Démocrite d’Abdère prétend bien aussi que la distinction de la femelle et du mâle a lieu dans la mère ; mais d’après lui, ce n’est pas la chaleur ni le froid qui fait de l’un une femelle et de l’autre un mâle ; c’est seulement la prédominance de l’un des deux spermes indifféremment, venant de l’organe qui constitue la différence entre la femelle et le mâle.

§ 5[488]. A vrai dire, l’hypothèse d’Empédocle est la moins fondée de toutes, quand il suppose que le mâle et la femelle ne diffèrent entre eux que par le degré de froid et de chaleur, bien qu’il voie cependant qu’il y a une différence très grande entre les organes qui forment ou les verges ou les matrices. En effet, si les animaux étant déjà tout formés, et l’un ayant tous les organes d’une femelle, l’autre tous les organes d’un mâle, on venait à les mettre dans la matrice comme dans un four, l’un qui aurait une matrice dans une matrice chaude, et l’autre qui n’aurait pas de matrice dans une matrice froide, il devrait arriver que la femelle fût celui qui n’aurait pas de matrice, et que le mâle fut celui qui en aurait une. Mais c’est là une impossibilité évidente. § 6[489]. À cet égard, Démocrite a peut-être mieux vu les choses. Il cherche la différence de cette génération, et il s’efforce de l’expliquer. A-t-il raison, a-t-il tort ? c’est une autre question. Mais en admettant même que ce soient la chaleur et le froid qui amènent cette différence des organes, encore fallait-il le dire, quand on soutient cette opinion ; car cela revient à peu près à étudier la génération du mâle et de la femelle, qui, sous ce rapport, diffèrent de la manière la plus frappante. Certes ce n’est pas une petite affaire que d’expliquer, à l’aide de ce principe, comment ces parties peuvent s’organiser telles qu’elles sont, et comment il y a cette conséquence nécessaire que, en se refroidissant, l’embryon prenne cette partie spéciale qu’on appelle la matrice, et qu’il ne la prenne pas s’il s’échauffe. § 7[490]. On peut en dire encore tout autant des organes qui concourent à la copulation, et qui diffèrent comme nous l’avons déjà montré. Et puis, on a observé bien souvent que des jumeaux, femelle et mâle, se forment dans la même partie de la matrice et tout à la fois, ainsi que nous avons vérifié le fait par l’anatomie dans tous les vivipares, soit terrestres, soit aquatiques. Si Démocrite n’a pas vu ces faits, il est tout simple qu’il se trompe sur la cause qu’il leur attribue ; mais s’il les a observés, alors il est absurde de croire encore que c’est la chaleur ou le froid de la matrice qui est la cause des sexes ; car les deux jumeaux devraient être, ou tous deux femelles, ou tous deux mâles ; et nous ne voyons pas du tout que ce soit le cas. § 8[491]. Démocrite dit encore que les organes se développent à mesure que l’animal se forme, et qu’ils sont ici dans le mâle ; et là, dans la femelle ; ce qui provoque en eux le désir de leur union. Mais il n’en est pas moins nécessaire d’admettre que ces organes sont divisés et différents dans leurs dimensions même, et que c’est ainsi que la copulation peut avoir lieu, sans que ce soit du tout par l’action prétendue du froid et de la chaleur. Du reste il y aurait beaucoup trop à dire sur cette action du sperme ainsi comprise ; et, en général, on peut affirmer qu’en expliquant ainsi comment le sperme agit, on ne fait qu’une pure rêverie. § 9[492]. Si ce que nous avons dit nous-mêmes sur le sperme est bien exact ; s’il n’est pas vrai que le sperme vienne du corps tout entier, et si l’action du mâle n’apporte au fœtus aucune espèce de matière, on peut opposer cet argument à Empédocle, à Démocrite et à tous ceux qui partageraient leurs opinions. Il ne se peut pas que le corps du sperme se partage, ici dans la femelle, là dans le mâle, comme l’avance Empédocle, quand il dit : « La nature des membres s’est partagée ; tantôt celle de l’homme », etc. Mais il ne se peut pas davantage que le sperme venu de l’un et de l’autre des parents fasse tantôt une femelle, tantôt un mâle, selon qu’une partie l’emporterait sur l’autre. § 10[493]. Toutefois, supposer que la prédominance de la partie qui l’emporte produit une femelle, ou un mâle, vaut encore mieux que d’attribuer, sans plus de réflexion, à la chaleur toute seule, la différence des sexes. Mais pour admettre que la forme des parties génitales devienne en même temps différente, il faudrait prouver que ces phénomènes de la chaleur et de la forme se suivent toujours réciproquement ; car, si c’est parce que les parties se rapprochent, il faudrait aussi que la même conséquence se produisît pour tous les autres organes, puisque l’un des parents se rapproche toujours de l’autre parent, de telle sorte qu’il faudrait que le fœtus, en même temps qu’il est femelle, ressemblât à la mère, ou qu’étant mâle il ressemblât au père.

§ 11[494]. Il n’est pas plus raisonnable de croire que ce sont ces parties seules qui doivent subir un changement, et que le reste du corps entier ne changerait pas, principalement et tout d’abord les veines, autour desquelles, comme autour d’une esquisse, vient se ranger et se modeler le corps des chairs. La raison nous dit que ce n’est pas la matrice qui peut les modifier, en leur donnant certaines qualités ; et que c’est bien plutôt elles qui modifient la matrice. La matrice et les veines sont bien le réceptacle du sang d’un certain genre ; mais les veines le sont avant la matrice. C’est une nécessité inévitable que le principe moteur soit toujours le premier, et qu’il donne à la génération les qualités particulières qu’il peut lui-même avoir. § 12[495]. Il est bien certain que ces organes présentent une grande différence dans les femelles et dans les mâles. Mais la cause n’en est pas celle qu’on indique ; cette cause est tout autre, puisque, même dans le cas où il n’y a pas sécrétion de sperme, ni de la femelle ni du mâle, le germe ne s’en produit pas moins, de quelque façon que ce puisse être.

§ 13[496]. Quant à l’opinion qui fait venir le mâle de la droite et la femelle de la gauche, on peut lui opposer les mêmes arguments qu’à Empédocle et à Démocrite. Si, en effet, le mâle ne contribue matériellement en rien à la génération, cette opinion n’a plus le moindre fondement ; et s’il y contribue comme on le prétend, il faut également repousser ce système, tout aussi bien qu’on repousse celui d’Empédocle, qui rapporte la distinction de la femelle et du mâle à la chaleur et au froid de la matrice. § 14[497]. C’est précisément la même erreur que commettent ceux qui déterminent les sexes en les faisant venir de la droite et de la gauche, bien que cependant ils puissent voir que la femelle et le mâle diffèrent par des organes entiers. Puis, quant à ces organes, comment se fait-il que le corps de la matrice se trouve dans ceux qui viennent de la gauche, et qu’il ne se trouve pas dans ceux qui viennent de la droite ? Nous répétons d’ailleurs, ainsi que nous l’avons dit, qu’on a déjà observé une femelle dans la partie droite de la matrice, et un mâle dans la partie gauche ; qu’on les a vus tous deux dans la même partie ; que ce n’est pas une fois seulement qu’on a observé le fait, mais plus fréquemment que le mâle à droite, et la femelle à gauche ; enfin que tous les deux naissent non moins souvent à droite.

§ 15[498]. C’est à peu près ce que disent certaines gens qui, se laissant persuader par ces fausses théories, prétendent qu’en se liant le testicule droit ou le testicule gauche, on est sûr, dans la copulation, de faire ou un enfant mâle ou une fille. Du moins, c’est ce qu’assurait Léophane. D’autres prétendent que, sur les animaux qu’on châtre, on obtient le même résultat en leur ôtant un des deux testicules. Cela n’est pas plus exact que le reste. Seulement, on se risque, d’après les apparences, à deviner ce qui devrait être, et l’on voit à l’avance ce qui n’est pas comme si c’était déjà, parce qu’on ne réfléchit pas que les testicules ne sont absolument pour rien dans la production, soit des mâles soit des femelles. Ce qui le prouve, c’est qu’il y a beaucoup d’espèces où il y a des femelles et des mâles, qui engendrent des femelles et des mâles sans avoir de testicules, comme tous les animaux apodes, tels que les poissons et les reptiles.

§ 16[499]. Il faut convenir cependant qu’il y a peut-être quelque raison de voir dans la chaleur et le froid la cause qui produit le mâle et la femelle, et de croire que la distinction des sexes vient de la droite ou de la gauche. La partie droite du corps est plus chaude que la partie gauche ; le sperme, quand il est bien cuit, est plus chaud ; ce qui est bien cuit est plus compact ; et le plus compact est aussi le plus capable de féconder. Mais en poussant ces théories à l’excès, on s’éloigne beaucoup de l’explication de la cause ; et l’on doit, autant que possible, tirer des faits que l’on peut connaître les conclusions qui se rapprochent des premières causes.

§ 17[500]. Antérieurement et dans d’autres ouvrages, nous avons étudié l’ensemble et les parties du corps, en expliquant ce qu’est chacune de ces parties et la fonction qu’elle remplit ; et nous avons dit alors que la distinction du mâle et de la femelle est fondée sur une certaine puissance, ou impuissance, qui est en eux. Le mâle est l’être capable de cuire, de coaguler et d’émettre le sperme, qui contient le principe de l’espèce. Par là, je n’entends pas parler du principe d’où vient matériellement, et comme issu de sa totalité, l’être semblable au parent qui l’engendre ; mais j’entends parler seulement du principe qui donne le mouvement initial, soit que l’être puisse imprimer à lui-même ce mouvement, soit qu’il le transmette à un autre. Or, la femelle est l’être qui reçoit le sperme, mais qui est impuissant à le coaguler et à remettre. § 18[501]. D’autre part, si toute coction ne peut agir que par la chaleur, il en résulte nécessairement que les animaux mâles doivent être plus chauds que les animaux femelles. Par suite de la froideur et de l’impuissance, la femelle a beaucoup plus de sang que le mâle, dans certains lieux de son corps. § 19[502]. C’est là une preuve tout à fait contraire à l’opinion de ceux qui s’imaginent que la femelle a plus de chaleur, et qui voient la cause de cette chaleur plus forte dans l’éruption des menstrues. Le sang est chaud, disent-ils, et l’être qui a le plus de sang est aussi le plus chaud des deux. Ils supposent que le phénomène des menstrues ne tient qu’à la surabondance du sang et de la chaleur, comme si toute matière indifféremment pouvait être du sang, par cela seul qu’elle est liquide et de couleur sanguine, et comme si le sang n’était pas aussi abondant et plus pur dans les corps bien nourris. Ils s’imaginent que, de même que pour les excrétions du ventre, ici aussi une excrétion plus grande atteste plus de chaleur qu’une excrétion moindre ; or, c’est précisément tout le contraire. De même que, dans les opérations naturelles qui produisent les fruits, il n’est sécrété de la nourriture première fort abondante qu’une très petite quantité qui seule peut être utile à la maturation, et qu’à la fin la portion qui reste n’est rien à côté de la masse primitive, de même, dans le corps de l’animal, après toutes les élaborations successives des organes, il ne reste presque plus qu’un résidu insignifiant de la première nourriture. § 20[503]. Pour tels animaux, ce résidu est le sang ; pour d’autres, c’est le fluide qui y correspond. Tel animal peut sécréter ce résidu tout à fait pur ; tel autre ne le peut pas. Toute puissance doit avoir un organe pour agir ; et cet organe est le même pour la puissance qui opère moins bien, comme pour la puissance qui opère mieux. Mais les mots de Puissance et d’Impuissance ayant plusieurs sens, il faut que la femelle et le mâle soient opposés à ce point de vue ; et, par une suite nécessaire, la femelle et le mâle ont un organe spécial qui est, dans l’un, la matrice ; dans l’autre, le périnée, c’est-à-dire les testicules et la verge.

§ 21[504]. La Nature leur a donné tout ensemble à l’un et à l’autre, la puissance et l’instrument, parce qu’il est mieux que les choses soient ainsi disposées. Aussi, ce sont les mêmes lieux qui servent tout à la fois aux excrétions et aux deux puissances. Et de même que la vision n’est complète qu’avec l’œil et que l’œil n’est complet qu’avec la vision, de même le ventre et la vessie ne sont dans leur nature complète que quand les résidus peuvent s’y produire simultanément. Comme le principe qui donne naissance à l’être et qui le fait grandir, c’est-à-dire la nourriture, est un même et seul principe, chaque organe ne peut venir que de la matière spéciale et du résidu spécial qu’il est en état de recevoir. § 22[505]. On peut ajouter que c’est, en quelque sorte, du contraire que l’être vient, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, et qu’outre ces deux principes, un troisième principe qu’il faut admettre, c’est que, la destruction n’étant que le passage au contraire, il faut nécessairement que ce qui n’est plus dominé par le principe formateur, change et passe à son contraire. Ceci posé, on verra peut-être un peu plus clairement la cause qui produit ici la femelle, là le mâle. Quand le principe formateur ne l’emporte pas et qu’il ne peut opérer la coction, par défaut de chaleur ; et quand il ne peut amener l’être à sa propre espèce et qu’il est dominé par la chaleur, il doit nécessairement changer en son contraire. Or le contraire du mâle, c’est la femelle ; et le changement a lieu en ceci que l’un est mâle, et que l’autre est femelle. § 23[506]. Mais comme il existe une différence dans leur faculté et leur force, ils ont aussi un organe différent ; et ils éprouvent le changement dans cet organe. En effet, il suffit qu’une seule partie spéciale et essentielle vienne à changer, pour que la constitution entière de l’animal éprouve aussi un changement de forme considérable. On peut observer cette modification chez les eunuques, qui, par la mutilation d’un seul organe, perdent si complètement leur ancienne forme, et dont la tournure diffère si peu de celle d’une femme. Ceci ne s’explique qu’en admettant que certains organes sont des principes ; et quand le principe est modifié, il est nécessaire qu’une foule de ses conséquences soient également changées avec lui.

§ 24[507]. Ainsi donc, le mâle est un principe de certain genre et une cause. L’être est mâle parce qu’il peut faire tel ou tel acte, et il est femelle parce qu’il ne peut pas le faire. Ici, la puissance et l’impuissance se réduisent à pouvoir et à ne pas pouvoir opérer la coction de cette nourriture définitive, qui, dans les animaux pourvus de sang, est le sang proprement dit ; et dans les autres animaux, le fluide correspondant au sang. Si l’origine du sang est dans le principe de la chaleur vitale et dans l’organe qui contient ce principe de chaleur, il y a nécessité que, dans les animaux qui ont du sang, il se forme un cœur, et que ce qui se produit soit ou mâle ou femelle. Dans les espèces qui n’ont pas de sang, ce qui devient le mâle et la femelle est ce qui remplace le cœur. § 25[508]. C’est donc bien là le principe de la femelle et du mâle ; c’en est là la cause ; et elle est là tout entière. Il y a femelle et mâle dès que l’embryon a les organes qui distinguent la femelle du mâle ; car ce n’est pas indifféremment, et par un organe quelconque, que l’être est mâle ou femelle, pas plus que ce n’est par un organe quelconque que l’on voit ou que l’on entend.

§ 26[509]. Mais en reprenant ce que nous avons déjà dit, répétons que, selon nous, le sperme est le résidu dernier de la nutrition ; et j’entends par Dernier le fluide porté à chaque organe du corps. C’est là ce qui fait que le fœtus engendré ressemble à l’être qui l’engendre. Du reste, il importe fort peu de dire que le sperme vient de toutes les parties, ou de dire qu’il y va ; seulement, cette dernière expression est plus exacte. Le sperme du mâle a ce caractère particulier qu’il porte en lui-même un principe capable de mouvoir, et que, dans l’animal, il imprime à la nourriture dernière sa coction, tandis que le sperme de la femelle ne fournit que la matière. § 27[510]. Si le sperme masculin l’emporte, il attire l’embryon à lui et le fait à son image ; si à l’inverse, il est vaincu et dominé, ou il change en son contraire, ou il est détruit. C’est la femelle qui est l’opposé du mâle ; et l’être n’est femelle que parce que la nourriture sanguine n’est pas digérée en lui et qu’elle reste froide. La Nature assure à chaque espèce de résidu l’organe qui est propre à le recevoir ; or le sperme n’est qu’un résidu et une excrétion. Il est en quantité considérable dans les animaux qui sont plus chauds, et dans les mâles des espèces pourvues de sang. Aussi, les organes destinés à recevoir cette excrétion sont-ils des canaux dans les mâles de ces espèces. Pour les femelles, comme la coction n’a pas lieu chez elles, la masse sanguine est très forte ; mais elle n’est pas élaborée. Il leur faut bien aussi un organe pour la recevoir ; mais cet organe doit être différent de celui du mâle, et il doit avoir la grandeur nécessaire. C’est là précisément la nature de la matrice ; et c’est cet organe spécial qui fait la différence de la femelle au mâle.


CHAPITRE II

De la génération de mâles ou de femelles selon l’âge des parents ; influence de la chaleur, soit dans les individus, soit selon les saisons ; influence des phases de la lune sur les menstrues, à la fin des mois ; remarques des bergers sur l’influence des vents du nord et du midi, et sur la position des bêtes au moment de l’accouplement ; des rapports proportionnels entre les parents ; influence des climats, de la nourriture et des eaux sur la production en général, et spécialement sur celle des sexes.


§ 1[511]. On vient d’expliquer par quelle cause l’un est femelle, et l’autre est mâle. Les faits sont la confirmation de cette théorie. Ainsi, les animaux, quand ils sont jeunes, font plus de femelles que dans leur pleine vigueur ; de même dans un âge plus avancé, ils en font aussi davantage. C’est que, dans les premiers, la chaleur n’est pas encore complète ; et que, dans les autres, elle n’est plus suffisante. Les corps qui sont plus humides et plus féminins produisent également plus de femelles ; et les spermes liquides en font plus que les spermes compacts et épais. Toutes ces différences tiennent au défaut de chaleur naturelle. § 2[512]. Il y a plus de mâles quand le vent souffle du nord que quand il souffle du midi. Dans ce dernier cas, les organes élaborent plus d’excrétions ; et plus l’excrétion est considérable, plus la coction en est difficile. Le sperme des mâles devient alors plus liquide ; et chez les femmes, l’excrétion mensuelle subit cette altération. C’est encore par la même cause que les menstrues régulières sont plus abondantes à la fin des mois ; car cette époque du mois est plus froide et plus humide, par suite de la décroissance et de la disparition de la lune. Durant l’année entière, c’est le soleil qui produit l’hiver et l’été ; c’est la lune qui les produit dans le cours d’un même mois. Ces changements ne tiennent pas à ses phases, mais à la lumière, qui tantôt augmente et tantôt diminue. § 3[513]. Les bergers assurent aussi que ce qui influe sur la production des femelles et celle des mâles, ce n’est pas seulement que l’accouplement ait lieu par un vent du nord ou un vent du midi, mais encore que les animaux accouplés regardent vers le midi ou vers le nord. Le moindre déplacement de ce genre modifie le degré de chaleur et de froid ; et ce sont le froid et la chaleur qui déterminent la génération et le sexe.

§ 4[514]. Le mâle et la femelle présentent donc de très grandes différences selon qu’ils produisent des mâles ou des femelles ; et nous avons expliqué d’où ces différences peuvent venir. Mais quelles qu’elles soient, il n’en faut pas moins aussi qu’il y ait entre l’un et l’autre parents un certain rapport proportionnel. Toutes les choses, qu’elles viennent de l’art ou de la Nature, ont un rapport de ce genre. La chaleur, si elle est en excès, dessèche les liquides ; si elle fait par trop défaut, elle ne solidifie pas ; tandis que, pour le produit qui doit être formé, il serait besoin d’une proportion moyenne. § 5[515]. Parfois, cette proportion entre les parents n’existe pas ; et alors, de même que pour la préparation des mets un feu trop fort les brûle, qu’un feu trop faible ne les cuit pas assez, et que des deux façons le résultat ainsi obtenu n’est pas complètement ce qu’il doit être, de même il faut entre les parents une proportion convenable pour la copulation du mâle et de la femelle. De là vient certainement que bien des hommes et bien des femmes qui ne peuvent engendrer l’un avec l’autre, engendrent néanmoins en s’unissant à d’autres personnes. Souvent aussi, la jeunesse et la vieillesse offrent de ces oppositions pour la fécondité ou l’infécondité, et pour la production des garçons ou des filles.

§ 6[516]. Pour ces variations, il n’y a pas moins de différence d’un pays à un autre pays ; de même qu’une eau diffère aussi beaucoup d’une autre eau pour les mêmes causes. La qualité de la nourriture et la disposition du corps tiennent essentiellement, soit à la composition de l’air ambiant, soit aux aliments ingérés, et surtout à la nourriture que fournit l’eau qu’on boit. C’est l’eau que l’on absorbe en plus grande quantité que tout le reste ; et c’est elle qui nourrit tout, et qu’on retrouve même dans les aliments les plus secs. De là vient que les eaux trop dures et trop froides font qu’il n’y a pas d’enfants, ou qu’il n’y a que des femelles.

CHAPITRE ΙΙΙ


CHAPITRE ΙΙΙ

De la ressemblance des enfants aux parents ; des divers éléments dont cette ressemblance doit se composer ; influence du père et de la mère, de la race, des ascendants de degré en degré ; le changement quel qu’il soit passe toujours à son opposé, dans la mesure des forces qui le produisent et qui coagissent ; ressemblances du corps entier ou de quelques parties seulement ; ressemblances alternatives ; hypothèses indispensables ; citation du Traité de l’Action et de la Passion ; changements singuliers dans le corps des athlètes et dans la figure de certaines gens ; des théories d’Empédocle et de Démocrite ; réfutation ; théories des monstruosités ; exagérations des opinions vulgaires ; limites des monstruosités ; erreur de Démocrite sur la formation des monstres ; explication de diverses espèces de monstruosités ; fréquence des monstruosités chez les oiseaux et les poules ; les monstres ne sont pas absolument en dehors de la nature.


§ 1[517]. C’est encore par les mêmes causes qu’on peut s’expliquer comment les enfants, tantôt ressemblent à leurs parents, et tantôt ne leur ressemblent pas ; comment ils ressemblent, tantôt au père, et tantôt à la mère ; comment ils leur ressemblent dans toute leur personne, et tantôt seulement dans une partie du corps ; comment ils ressemblent plus à leurs parents qu’aux ascendants, et plus à ces ancêtres qu’aux premiers venus ; comment les enfants mâles ressemblent davantage au père, et les filles à la mère ; comment parfois ils ne ressemblent à personne de la famille, mais qu’ils ressemblent toutefois à l’homme en général, tandis qu’il y en a d’autres qui n’ont plus forme humaine et qui sont plutôt des monstres. § 2[518]. Ne pas ressembler à ses parents, c’est bien déjà une sorte de monstruosité ; car, dans ce cas, la nature a dévié de l’espèce en une mesure quelconque. La première déviation, c’est d’abord la production d’une femelle, au lieu de celle d’un mâle. Mais cette déviation est de toute nécessité, et elle est indispensable à la Nature ; car, il faut, sous peine de périr, que la race continue à se diviser en femelle et en mule. Du moment que le mâle ne l’emporte pas dans la copulation, soit à cause de sa jeunesse, soit à cause de sa vieillesse, soit pour toute autre raison de ce genre, il faut bien qu’il se produise une femelle chez les animaux. § 3[519]. Mais le monstre n’a rien de nécessaire relativement à la cause finale et au but poursuivi ; il n’est nécessaire qu’au point de vue du hasard, puisque c’est dans le hasard qu’il faut chercher la cause des monstruosités. Quand l’excrétion spermatique a reçu dans les menstrues la coction complète, le mouvement communiqué par le mâle produira l’embryon conforme au mâle lui-même ; car, parler de semence, c’est, sans la moindre différence, parler du mouvement qui fait développer toutes les parties du corps, de même que la force qui développe l’embryon se confond absolument avec celle qui le constitue originairement ; car, c’est toujours de mouvement qu’il s’agit. § 4[520]. Si c’est le mâle qui l’emporte, il fera un mâle et non une femelle, ressemblant à son père, et non à sa mère. Si le mâle ne l’emporte pas, de quelque côté que la puissance lui ait manqué, c’est de ce côté-là qu’il défaillira. Voici ce que j’entends par la puissance, quelle qu’elle soit, dont il est question ici. Le mâle qui engendre n’est pas seulement un mâle ; il est en outre tel individu mâle, Coriscus ou Socrate ; et même, il n’est pas seulement Coriscus ; de plus, il est homme.

§ 5[521]. Les enfants engendrés sont aussi, de cette même manière, plus près ou plus loin du père qui les engendre, en tant qu’il a la faculté d’engendrer, et non point en tant qu’il a telle autre qualité accidentelle, par exemple, d’être instruit en grammaire, ou d’être le voisin de quelqu’un. En ce qui regarde la génération, c’est toujours la qualité propre et purement individuelle qui est le point capital. Coriscus est, en effet, tout ensemble homme et animal ; mais la qualité qui le fait homme est plus rapprochée de l’individuel que la qualité qui le fait animal. C’est bien à la fois l’individuel et l’espèce qui engendrent ; mais c’est encore davantage l’individuel, qui est, en effet, l’essence même de l’être. L’être qui est produit a bien telle pu telle qualité ; mais il est en outre un être d’une certaine espèce ; et c’est là ce qui fait son essence propre. § 6[522]. Aussi est-ce de ces forces et de ces puissances que viennent les mouvements qui sont dans les spermes de tous ces animaux ; et même, bien qu’en simple puissance, c’est de là que viennent les mouvements des ancêtres, mais plus particulièrement ceux de l’être qui se rapproche toujours davantage de l’individuel ; j’entends par l’individuel l’être qui est Coriscus ou Socrate. Rien, en sortant de son état naturel, ne va à un changement indéterminé ; tout va à son opposé. Ce qui, dans la génération, n’est pas dominé par le mâle doit nécessairement sortir de sa nature spéciale et passer à son contraire, dans l’espèce de puissance où le générateur et le moteur n’a pas pu l’emporter. § 7[523]. En tant que l’être vaincu était mâle, il devient femelle ; si c’est en tant que Coriscus ou Socrate qu’il est vaincu, le produit ne ressemble pas au père, mais à la mère. De même que, d’une manière générale, la mère est l’opposé du père, de même au père considéré individuellement, c’est une mère individuelle qui lui est opposée. Il en est encore ainsi pour toutes les puissances subséquentes ; toujours l’être passe davantage à celui des ancêtres qui est le plus rapproché, soit du côté paternel, soit du côté maternel.

§ 8[524]. Quant aux mouvements, ils diffèrent entre eux en ce que les uns sont actuels, et que les autres sont simplement en puissance. Les mouvements du générateur et des universaux, tels par exemple qu’homme et animal, sont en acte ; mais les mouvements de la femelle et ceux des ancêtres sont simplement possibles. Si donc l’être sort de son état naturel et qu’il passe aux états opposés, les mouvements destinés à engendrer le nouvel être se résolvent dans les mouvements voisins ; et, en supposant que ce soit le mouvement du générateur qui se résout ainsi, il passe par la différence la plus petite possible, au mouvement du père de celui qui a engendré, puis, en second lieu, au mouvement de son grand-père. Comme ceci s’applique aux femelles aussi bien qu’aux mâles, le mouvement de celle qui a engendré passe au mouvement de sa mère ; et si ce mouvement ne passe pas à la grand’mère, il va jusqu’à l’arrière-grand-mère ; et ainsi de suite, dans les ascendants. § 9[525]. Ce qu’il y a donc de plus naturel, c’est que ce soit tout ensemble en tant que mâle et père que l’engendreur soit vainqueur ou vaincu. La différence est si petite qu’il n’est pas difficile que les deux conditions se produisent à la fois ; car, Socrate est bien tel être individuel. Mais c’est là ce qui fait qu’en général les garçons ressemblent au père, et les filles à la mère. Le déplacement de nature s’est produit dans les deux simultanément, la femelle s’opposant au mâle et la mère s’opposant au père, puisque tout déplacement de nature passe dans les opposés. § 10[526]. Si le mouvement venu du mâle l’emporte, mais que celui qui vient de Socrate ne l’emporte pas, ou bien que ce soit ce dernier qui soit vainqueur et l’autre vaincu, alors il se produit des garçons ressemblants à la mère, et des filles ressemblantes au père. Si les mouvements sont rompus, et que pourtant le mâle demeure vainqueur, et que le mouvement de Socrate passe à celui de son père, il se produira un garçon ressemblant au grand-père, ou à quelque autre des ascendants, par la même raison. Si, au contraire, le mâle est vaincu en tant que mâle, c’est une fille qui naîtra ressemblante surtout à la mère ; et si ce même mouvement se rompt, la fille ressemblera à la mère de la mère ou à quelque autre ascendante ; et ce sera encore par la même raison.

§ 11[527]. Il en sera tout à lait de même pour les différentes parties du corps. Il arrive bien souvent que telles parties du jeune ressemblent à celles du père, ou à celles de la mère, ou à celles de quelque autre ; car, nous pouvons répéter ce que nous avons déjà dit plus d’une fois, c’est que les parties ont des mouvements en acte et des mouvements en puissance. § 12[528]. Mais il faut faire ici quelques hypothèses générales : d’abord l’une que nous venons d’indiquer, à savoir que les mouvements sont tantôt en puissance et tantôt en acte ; puis, deux autres, que l’être qui est vaincu sort de son état naturel et passe à son opposé ; qu’affaibli seulement, il passe au mouvement suivant ; qu’avec un peu moins d’affaiblissement, il passe au mouvement le plus proche, et qu’avec plus d’affaiblissement encore il passe au mouvement le plus éloigné. La dernière hypothèse que nous ferons, c’est que parfois les mouvements se confondent à ce point que l’enfant ne ressemble plus à personne de sa famille ni de sa race, et qu’il ne lui reste plus que la qualité commune, c’est-à-dire qu’il est simplement homme. § 13[529]. Ceci tient à ce que la qualité d’homme appartient à tous les individus. L’homme est un terme général, un universel ; et Socrate qui était le père, et la mère quelle qu’elle soit, sont des êtres individuels. Mais ce qui peut faire que les mouvements ne soient pas rompus, c’est que l’agent lui-même souffre quelque chose de la part du patient, de même que le coupant est émoussé par l’objet coupé, que ce qui échauffe est refroidi par l’objet échauffé. On peut donc dire d’une manière absolue que tout moteur, excepté le moteur premier, subit lui-même un certain mouvement contraire à celui qu’il imprime ; par exemple, ce qui pousse est poussé à son tour, et ce qui frappe éprouve un contrecoup. § 14[530]. Parfois même, il arrive que l’agent souffre plus qu’il n’agit, que réchauffant, par exemple, soit refroidi, et que le refroidissant soit échauffé. D’autres fois encore, l’agent n’agit pas, ou il agit moins qu’il ne souffre. Toutes ces questions ont été étudiées dans le Traité sur l’Action et la Passion, où nous avons exposé quels sont les êtres qui sont susceptibles d’agir et de souffrir. Le patient sort de son état naturel, sans d’ailleurs être vaincu, soit par défaut de force dans l’être qui doit le faire mûrir et le mouvoir, soit par la grosseur ou la froideur de la masse qui est à mûrir et à déterminer. § 15[531]. Selon que l’agent domine ou ne domine pas, il donne des formes diverses à son produit. C’est à peu près l’effet que cause aux athlètes une alimentation excessive. Comme la Nature ne peut dominer et employer la nourriture surabondante qu’ils prennent, dans la mesure où il le faudrait pour augmenter et maintenir à leurs membres une forme toujours pareille, il y a des parties de leur corps qui deviennent tout autres, et qui changent même quelquefois à ce point d’en être méconnaissables, par rapport à leur état antérieur. C’est encore à peu près ce qui se passe dans la maladie qu’on appelle le Mal du Satyre. Dans cette affection, l’afflux est si considérable, ou l’air sans coction s’accumule tellement sur certaines parties du visage, que la figure devient celle d’un autre animal et d’un satyre.

§ 16[532]. Ainsi donc, nous venons d’expliquer quelle est la cause qui produit les femelles et les mâles ; comment les enfants ressemblent à leurs parents ; les femelles aux femelles, les mâles aux mâles ; ou, à l’inverse, comment les femelles ressemblent au père, et les mâles à la mère ; comment même tantôt ils ressemblent aux ascendants, et tantôt ils ne ressemblent à personne ; comment enfin la ressemblance s’étend au corps tout entier, ou seulement à quelques-unes de ses parties. Toutes ces questions ont été suffisamment éclaircies par nous.

§ 17[533]. Mais il y a des naturalistes qui ont expliqué tout autrement la ressemblance, ou la dissemblance, des enfants aux parents ; et ils ont deux façons d’exposer la cause de ces différences. Selon les uns, si le sperme d’un des deux parents est plus considérable, c’est à ce parent-là que l’enfant ressemble davantage ; et c’est également, ou le tout qui ressemble au tout, ou bien la partie qui ressemble à la partie, comme si le sperme venait de toutes les parties du corps. Si, au contraire, le sperme vient en quantité égale des deux parents, l’enfant ne ressemble ni à l’un ni à l’autre. Or, s’il n’est pas exact que le sperme vienne de toutes les parties du corps et si cette erreur est évidente, il est clair aussi que la cause indiquée par ces naturalistes n’est pas celle qui fait la ressemblance et la dissemblance. Et puis, comment peuvent-ils expliquer de cette façon la ressemblance de la fille au père, ou du garçon à la mère ? § 18[534]. Les autres naturalistes, qui adoptent l’opinion d’Empédocle et de Démocrite sur la production de la femelle et du mâle, se trompent non moins gravement, quoique d’une autre manière, et leur système est également insoutenable. Quand on prétend que c’est la quantité plus ou moins grande du liquide venant du mâle ou de la femelle qui produit les femelles ou les mâles, on doit être fort embarrassé de démontrer comment la fille ressemble à son père, et le fils à sa mère ; car il est impossible que le fluide vienne en plus grande quantité des deux à la fois.

§ 19[535]. Et puis encore, qu’est-ce qui fait que l’enfant ressemble très fréquemment à ses ascendants, et même à des ascendants très éloignés ? Assurément, il n’est rien venu du sperme de ceux-là. Mais, sur ce point comme sur d’autres, ceux qui donnent de la ressemblance l’explication qui nous reste à examiner, sont beaucoup plus près de la vérité. En effet, il y a des naturalistes qui soutiennent que la liqueur séminale, bien qu’elle soit simple, produit cependant une foule de germes de toute sorte. § 20[536]. Si l’on mêle des sucs divers dans un seul liquide, et qu’ensuite on puise à ce mélange, on pourra bien ne pas prendre toujours de chacun des sucs une quantité égale ; et l’on aura tantôt plus de l’un, tantôt plus de l’autre ; tantôt aussi, on pourra bien avoir quelque chose de l’un ou n’avoir de l’autre rien du tout. Les choses, disent-ils, se passent de même pour la semence, où beaucoup de matières sont mélangées. Selon que la quantité venue de l’un des parents est plus forte, la forme de l’enfant ressemble à ce parent-là. § 21[537]. Cette explication n’est pas des plus claires, et bien souvent elle se trouve fausse à plus d’un égard. Tout ce qu’elle a de plus vrai, c’est qu’elle suppose que cette multiplicité indéfinie des germes dont on parle, n’est pas en acte dans le sperme, mais qu’elle y est en simple puissance. En l’un de ces deux sens, cette théorie est impossible ; mais elle est possible dans l’autre. Il n’est pas aisé, si l’on se borne à une seule espèce de cause, de se rendre compte de tous les phénomènes que nous citions tout à l’heure, et de savoir d’où vient qu’il y a des femelles et des mâles, comment il se fait souvent que la fille ressemble au père, et le fils à la mère ; comment l’enfant ressemble de nouveau à ses ancêtres ; comment il est simplement homme, sans ressembler à qui que ce soit de ses parents ; et comment sur cette pente, il en arrive même enfin à n’être plus un homme, et à n’être qu’un animal du genre de ceux qu’on appelle des monstres.

§ 22[538]. Il nous paraît que la suite de tout ce que nous venons de dire, ce serait de rechercher la cause des monstruosités. Quand les mouvements sont rompus et qu’ils s’affaissent, et que la matière n’est pas dominée, il ne reste que ce qu’il y a de plus général, c’est-à-dire l’animal. On assure bien qu’alors le fœtus humain a une tête de bélier ou de bœuf, que le même fait se produit dans les autres espèces, et qu’ainsi un veau a une tête d’enfant, ou un mouton une tête de bœuf. On peut expliquer tous ces faits extraordinaires par les causes que nous venons d’indiquer.

Mais il n’y a rien de réel dans ce que croient ces naturalistes ; et ce ne sont là que de simples ressemblances, qui se produisent sans même que, pour cela, les êtres soient vraiment contrefaits. § 23[539]. Ainsi, bien souvent, c’est en plaisantant qu’en parlant d’hommes laids, on assimile leur visage à un bouc soufflant le feu, ou à un bélier donnant un coup de corne. Il suffit qu’un physiognomiste rapporte les traits de personnes laides à deux ou trois types d’animaux, pour qu’à force de le répéter, il finisse par persuader les gens. Mais ce qui prouve bien qu’une telle monstruosité d’un animal se changeant en un autre animal est impossible, c’est l’énorme différence des temps de la gestation pour un homme, pour un mouton, pour un chien ou pour un bœuf. Il n’y a pas moyen qu’aucun de ces animaux puisse jamais naître en dehors des temps réguliers qui leur sont naturels.

§ 24[540]. Telle est une des formes de monstruosités, dont on a parlé. Mais on dit encore de quelques animaux qu’ils sont des monstres, par cela seul qu’ils ont des membres en surnombre ; par exemple, plusieurs pieds ou plusieurs têtes. Les explications qu’on peut donner des causes de ces phénomènes se rapprochent beaucoup et se confondent presque, et pour ces prétendus monstres, et pour les animaux qui ne sont que contrefaits et difformes ; car la monstruosité n’est guère qu’une difformité.

§ 25[541]. Démocrite a soutenu que les monstres se produisent, parce que deux semences spermatiques se rencontrent dans la matrice, l’une qui y a été lancée la première, l’autre qui ne vient qu’ensuite. Selon lui cette seconde semence, entrant après l’autre, se joint à elle dans la matrice et y trouble tout l’ordre des membres. Il cite les oiseaux, où l’accouplement est si rapide, et où les œufs et la couleur changent si aisément. Mais si, d’un seul sperme et d’un seul accouplement, il peut naître plusieurs fœtus, ce qui se voit souvent, il vaut mieux ne pas faire le détour que fait Démocrite, en négligeant le plus court chemin. § 26[542]. Nécessairement, le phénomènes produit dans les animaux quand les spermes, loin de se séparer, se réunissent simultanément. C’est la l’explication qu’il faudrait donner, si l’on voit dans la semence du mâle la cause des monstruosités. Mais il est bien plus probable que la cause est dans la matière et dans les fœtus qui se forment. Aussi, les monstres sont-ils excessivement rares dans les animaux qui ne font qu’un seul petit ; le fait se produit plus souvent dans les animaux multipares. Mais il est surtout fréquent chez les oiseaux ; et, parmi les oiseaux, chez les poules. En effet, elles ne sont pas fécondes uniquement parce qu’elles pondent souvent, comme le font aussi les pigeons, mais encore parce qu’elles ont plusieurs germes à la fois, et qu’elles cochent en tout temps ; aussi font-elles fréquemment des œufs doubles.

§ 27[543]. Comme les germes sont fort rapprochés les uns des autres, ils se soudent, ainsi qu’il arrive très souvent aux fruits des végétaux. Toutes les fois que les jaunes sont séparés par la membrane, il se produit deux poussins qui n’ont rien d’extraordinaire ; mais quand les jaunes se touchent et que rien ne les isole, il se produit des poussins monstrueux, qui, tout en n’ayant qu’un seul corps et une seule tête, ont quatre pattes et quatre ailes, parce que les parties supérieures se sont formées du blanc, et parce que la nourriture venue de ce blanc leur a été d’abord répartie, tandis que la partie inférieure n’a paru que plus tard, et que la nourriture est unique et indivisible.

§ 28[544]. On a pu observer aussi un serpent à deux têtes ; et cette monstruosité s’explique de même. Le serpent est ovipare également et également fécond ; et si les monstres sont plus rares chez le serpent, cela tient uniquement à la forme de sa matrice ; car à cause de sa longueur, les œufs y sont rangés à la suite les uns des autres. Pour les abeilles et les guêpes, il ne se passe rien de pareil ; leur couvain est déposé dans des alvéoles séparées. Pour les poules, c’est tout le contraire. Ceci montre bien encore que c’est dans la matière qu’il faut chercher la cause des monstruosités, puisqu’elles sont plus fréquentes dans les espèces qui font beaucoup de petits. § 29[545]. C’est là aussi ce qui fait que les monstruosités se produisent moins souvent chez l’homme. En général, la femme n’a qu’un seul enfant ; et ce jeune est complet. Bien plus, dans les pays où les femmes sont très fécondes, comme en Egypte, les monstres sont bien plus fréquents. C’est encore ainsi que chez les chèvres et les moutons, les monstruosités sont plus nombreuses, parce que ces animaux sont plus féconds. Elles sont encore plus multipliées chez les fissipèdes, où l’espèce fait plusieurs petits à la fois, et où les petits ne sont pas complets, comme, par exemple, ceux de la chienne. Presque toutes ces espèces font des petits qui naissent aveugles. Nous expliquerons plus tard pourquoi il en est ainsi, et pourquoi ces espèces produisent tant.

§ 30[546]. La Nature prépare en quelque sorte la voie aux monstruosités, en faisant que ces animaux ne produisent que des petits qui ne leur ressemblent pas, puis qu’ils sont incomplets, et les monstruosités aussi peuvent bien être considérées comme des dissemblances. Voilà comment cet accident se montre chez les animaux qui ont la nature de ceux dont nous venons de parler. Et c’est encore chez eux que l’on voit le plus fréquemment ce qu’on appelle des arrière-porcs, qui, à certains égards, sont une sorte de monstres ; car c’est un genre de monstruosité d’avoir quelque chose de trop ou quelque chose de moins. § 31[547]. Le monstrueux est contre nature, non pas contre la Nature prise absolument, mais contre le cours le plus ordinaire de la Nature. Rien ne peut se produire en effet contre la Nature éternelle et nécessaire ; il ne se produit quelque phénomène contre nature que dans les choses qui sont ordinairement de telle façon, mais qui pourraient aussi être d’une façon tout autre. Comme, même dans les cas où il survient quelque accident qui contrarie l’ordre établi, ce n’est jamais au hasard que cet accident arrive, le monstre, à ce point de vue, paraît moins monstrueux, parce que ce qui est contre nature est encore naturel jusqu’à un certain point, quand la nature qui fait l’espèce et la forme ne l’emporte pas sur la nature qui fait la matière. § 32[548]. Aussi, ne regarde-t-on pas précisément comme des monstres les animaux dont nous venons de parler, ni les autres cas où il se produit quelque accident analogue à ce qu’on voit dans le péricarpe des fruits. Il y a, par exemple, une espèce de vigne qu’on appelle quelquefois la « Fumeuse », pour laquelle on ne regarde pas que ce soit une monstruosité de produire des raisins noirs, parce que c’est là le fruit qu’elle produit le plus habituellement. C’est que la nature de cette vigne tient le milieu entre le raisin blanc et le raisin noir, de telle sorte que la déviation n’est pas très éloignée, ni par conséquent tout à fait contre nature ; car le changement ne va pas jusqu’à une nature toute différente. Les monstruosités sont fréquentes dans les espèces qui ont beaucoup de petits, à cause de cette fécondité même ; car cette fécondité fait que les petits se gênent les uns les autres, dans leur complète formation ; et elle empêche les mouvements générateurs.


CHAPITRE IV

Des difformités et des monstruosités de tout ordre ; recherche de la cause qui produit ces phénomènes étranges ; de la fécondité plus ou moins grande des animaux, en raison inverse de leur grosseur ; de l’action du sperme sur le nombre plus ou moins grand des embryons ; citation des Descriptions Ànatomiques ; de la quantité et de la division du sperme ; sa chaleur comparée à celle de l’eau ; sa coagulation comparée à celle du lait ; variété dans le nombre des petits ; des conditions spéciales de l’homme, qui en général ne produit qu’un enfant, mais qui peut en produire plusieurs ; citation des Problèmes ; les jumeaux ; les membres en surnombre ; les hermaphrodites ; explication de cette monstruosité ; cas divers de difformités ; occlusion de certains canaux indispensables ; tentatives inutiles des médecins pour les rouvrir ; exemple des moutons ; vache de Périnthe. — Résumé.


§ 1[549]. On peut se demander d’où vient la fécondité de quelques espèces qui font beaucoup de petits, pourquoi il y a parfois des membres en surnombre, pourquoi telle espèce fait peu de petits et telle autre n’en fait qu’un, et enfin pourquoi des membres entiers font défaut. Ainsi, il y a des enfants qui ont plus de doigts qu’il ne faudrait ; d’autres n’en ont qu’un seul ; de même pour des parties du corps autres que les doigts, ou il y a surnombre, ou bien nombre incomplet. § 2[550]. On a vu des enfants nés avec des parties honteuses des deux sexes, l’une mâle, l’autre femelle. Cette observation a pu être faite sur les hommes, mais surtout dans l’espèce des chèvres, où celles qu’on appelle des Tragœnes ont à la fois l’organe femelle et l’organe mâle. On a vu aussi une chèvre dont la corne était placée sur la jambe. Ces changements et ces difformités se rencontrent également à l’intérieur du corps, où certains viscères viennent à manquer, ou bien à être difformes, ou ils sont en surnombre et ou ils sont changés de place. Si l’on n’a jamais vu d’animal qui n’eût pas de cœur, il y en a qui n’ont pas de rate, ou qui en ont deux ; et d’autres qui n’ont qu’un seul rognon. Le foie ne manque jamais ; mais il est parfois incomplet. § 3[551]. Tous ces phénomènes se présentent chez des animaux très bien formés d’ailleurs, et qui n’en vivent pas moins. On a vu des animaux ne pas avoir de vésicule biliaire, bien qu’ils dussent naturellement en avoir une ; d’autres en avaient plusieurs, au lieu d’une seule. On a observé aussi des déplacements ; le foie était à gauche et la rate à droite ; et cette singularité se présentait chez des animaux d’ailleurs bien constitués, comme on vient de le dire ; mais elle apporte toujours dans les fonctions, dès qu’ils sont nés, un grand trouble, qui revêt les formes les plus diverses. § 4[552]. Quand la déviation reste encore assez faible, les petits peuvent habituellement vivre ; mais quand elle est plus marquée, ils ne vivent pas, si la difformité contre nature intéresse les organes essentiels à la vie. Pour tous ces phénomènes, il s’agit de savoir si c’est une seule et même cause qui fait qu’il n’y a qu’un seul petit, que des organes viennent à manquer, ou qu’il y a plus d’organes qu’il n’en faut, ou enfin que les petits sont nombreux. Ou bien, est-ce une cause différente, au lieu d’une cause unique ?

§ 5[553]. En premier lieu, on a bien raison de s’étonner que tels animaux ne fassent qu’un seul petit, tandis que d’autres en font plusieurs. Les animaux les plus grands ne font qu’un petit uniquement ; par exemple, l’éléphant, le chameau, le cheval et les solipèdes, tous animaux qui tantôt sont plus gros que les autres, ou qui tantôt sont, du moins relativement, beaucoup plus grands. Le chien, le loup et presque tous les fissipèdes ont beaucoup de petits, ainsi qu’en ont les races de ce genre les moins grosses, tels que les rats. Les animaux à pieds fourchus font en général peu de petits, si ce n’est le porc, qui en fait au contraire un très grand nombre. § 6[554]. Il serait tout simple que les plus gros animaux pussent faire le plus de petits, et qu’ils sécrétassent plus de sperme ; mais c’est précisément parce qu’on s’en est étonné qu’on ne s’en étonne plus ; car c’est leur grosseur précisément qui les empêche de produire beaucoup. Dans ces sortes d’animaux, la nourriture est utilisée tout entière pour la croissance de leur corps, tandis que, chez les plus petits, la Nature fait profiter la sécrétion spermatique de tout ce qu’elle leur ôte en grosseur. § 7[555]. Il y a nécessité, d’ailleurs, que le sperme qui doit créer l’être plus grand soit aussi en plus grande quantité, et que chez les petits êtres il soit en quantité très faible. Le nombre et la petitesse peuvent se réunir dans le même être ; mais il est bien difficile que le nombre et la grosseur se réunissent. La Nature a mis la fécondité moyenne dans les moyennes grandeurs. Nous avons antérieurement essayé d’expliquer pourquoi tels animaux sont grands, tels autres plus petits, et tels autres encore de moyenne taille. Telle espèce n’a qu’un petit ; telle autre en a fort peu ; telle autre en a beaucoup. Les solipèdes n’ont en général qu’un petit unique ; les pieds fourchus n’en ont que très peu ; les fissipèdes en ont beaucoup. § 8[556]. Le plus ordinairement, c’est sur ces différences de fécondité que se règle la grandeur des corps ; cependant la règle n’est pas constante. C’est la grandeur et la petitesse des corps qui déterminent la fécondité plus ou moins grande, et cette fécondité ne dépend pas de ce que l’espèce est solipède, ou fissipède, ou à pieds fourchus. Ce qui le prouve bien, c’est que l’éléphant, le plus grand de tous les animaux, est fissipède, et que le chameau, qui, après lui, est le plus grand entre les autres animaux, a le pied fourchu. C’est par la même raison que non seulement chez les quadrupèdes, mais en outre chez les oiseaux, et chez les poissons, les plus grands ont peu de progéniture, et que les petits en ont beaucoup. Le même phénomène se retrouve dans les végétaux, où ce ne sont pas les plus grands qui donnent le plus de fruits.

§ 9[557]. Voilà donc, selon nous, pourquoi tels animaux ont des petits en grand nombre ; comment d’autres en ont très peu ; et comment d’autres enfin n’en ont même qu’un seul. Mais si cette question est intéressante, celle-ci l’est davantage encore. Comment, chez les animaux qui font des petits très nombreux, suffit-il d’un seul accouplement pour produire tant d’embryons ? Comment se fait-il que, soit que le sperme du mâle contribue matériellement à apporter sa part du fœtus en se mêlant au sperme de la femelle, soit qu’il n’agisse pas de cette façon, et que, selon notre théorie, il coagule et anime la matière qui est dans la femelle et dans la sécrétion spermatique, comme la présure agit sur le lait liquide, comment se fait-il qu’il ne produise pas un seul et unique fœtus, ayant la grandeur voulue ? § 10[558]. Pourquoi le sperme n’agit-il pas comme la présure, qui ne sépare pas le lait en parties diverses pour coaguler telle ou telle quantité de lait, mais qui, y étant mise de plus en plus, rend proportionnellement la masse du lait de plus en plus compacte ? Dire que ce sont les différentes portions de la matrice qui attirent le sperme, et que c’est là ce qui multiplie les fœtus, parce que ces portions diverses de la matrice sont en grand nombre et que les cotylédons sont plus d’un, c’est ne rien dire absolument ; car parfois dans la même place de la matrice, il y a deux fœtus ; et dans les espèces qui ont des petits très nombreux, lorsque les matrices sont pleines d’embryons, ils y sont déposés à la suite les uns des autres. C’est ce dont on peut se convaincre par l’Anatomie.

§ 11[559]. De même que, pour les animaux qui arrivent à toute leur croissance, il y a un développement régulier qui ne peut être, ni plus grand, ni plus petit, dans l’une ou l’autre de ces dimensions, et que c’est toujours dans ces limites de grandeur moyenne que les animaux ont, par rapport les uns aux autres, des différences en plus et en moins, et par exemple qu’un homme ou tout autre animal est plus ou moins grand, de même l’embryon qui sort de la matière spermatique, n’est pas sans limites précises, soit en plus, soit en moins, de telle sorte qu’il puisse se former d’une quantité quelconque de cette matière. § 12[560]. Il en résulte que, quand les animaux émettent plus de sperme qu’il n’en faut pour le principe d’un seul être, il ne se peut pas, par la cause qu’on vient d’expliquer, qu’il ne naisse de toute cette matière qu’un seul animal ; mais il doit en sortir autant d’animaux que le comportent les grandeurs régulières. Le sperme émis par le mâle, ou la puissance contenue dans le sperme, ne formera ni plus ni moins que ce qui a été réglé par la Nature. Il en est encore de même si le mâle émet plus de sperme qu’il ne faut, ou si les puissances dispersées dans le sperme divisé sont plus nombreuses qu’il ne convient. Alors le surplus, loin de produire plus d’effet, sera, tout au contraire, nuisible en se desséchant. § 13[561]. C’est ainsi que le feu n’échauffe pas l’eau de plus en plus, parce qu’il est plus considérable ; mais il y a une limite à la chaleur ; et cette limite une fois atteinte, on a beau accroître le feu, l’eau n’en devient pas plus chaude ; mais bien plutôt elle s’évapore, pour disparaître peu à peu, et, à la fin, se dessécher entièrement. Il semble donc qu’il est besoin d’une certaine proportion entre l’excrétion de la femelle et l’excrétion qui vient du mâle. Par suite, dans toutes les espèces multipares, les mâles qui émettent du sperme le lancent en un instant, le sperme mâle pouvant par sa division suffire à former plusieurs embryons, et le sperme femelle étant en quantité suffisante pour les nourrir.

§ 14[562]. Cependant la comparaison, indiquée plus haut, du lait et du sperme, n’est pas très exacte. La chaleur du sperme ne produit pas seulement un embryon d’un certain volume, mais aussi d’une certaine qualité, tandis qu’il n’y a dans le petit lait et la présure qu’une pure et simple quantité. Ce qui fait que, dans les espèces multipares, les embryons sont nombreux et qu’ils ne se réunissent pas pour n’en former qu’un seul, c’est que le germe ne peut pas venir d’une quantité quelconque, et qu’il ne peut exister s’il y en a trop peu, ou s’il y en a trop, parce qu’il y a une limite à la puissance du patient aussi bien qu’à celle de la chaleur productive. § 15[563]. De même encore, dans les animaux unipares et de grande dimension, il n’y a pas beaucoup de germes, bien que l’excrétion soit abondante, parce que, dans ces animaux aussi, le produit qui vient d’une certaine quantité est d’une certaine quantité également. Ils n’émettent donc pas plus qu’il ne faut de cette matière, par les raisons que nous en avons données ; et la matière qu’ils émettent est calculée par la Nature de manière à ne produire qu’un seul embryon. S’il y en a plus qu’il n’en faut, il y a alors double produit. Mais ces cas passent plutôt pour des monstruosités, parce qu’ils sont exceptionnels et contre l’ordinaire.

§ 16[564]. Quant à l’homme, il présente toutes ces variétés. Il est unipare, et parfois multipare ; en somme, il a peu d’enfants. Mais, par nature, il est essentiellement unipare ; il ne devient multipare que quand le corps est humide et chaud ; car la nature du sperme est liquide et chaude. Mais par suite de ses dimensions corporelles, l’homme a peu de progéniture, et il ne procrée qu’un seul petit. C’est là encore ce qui fait qu’il est le seul des animaux chez lequel les temps de la gestation soient irréguliers. Les autres animaux n’ont absolument qu’un seul temps ; l’homme en a plusieurs. Ainsi, l’enfant peut naître de sept mois à dix mois, ou à des époques intermédiaires ; car les enfants vivent à huit mois, bien qu’ils vivent moins souvent. § 17[565]. Ce que nous venons de dire suffît pour faire voir la cause de ces variations. Mais il en a été parlé aussi dans les Problèmes ; et nous n’avons pas à nous étendre davantage sur ce sujet.

§ 18[566]. La cause qui produit les jumeaux est la même aussi qui produit les membres en surnombre. Cette cause se trouve dans les germes, quand il s’accumule plus de matière qu’il n’en faut pour la dimension naturelle de la partie dont il s’agit. Il arrive alors que l’embryon a une partie plus grande que les autres ; par exemple, le doigt, la main, le pied, ou telle autre extrémité, ou tel autre membre. § 19[567]. Ou bien encore, c’est la division du sperme qui produit plusieurs embryons, tout comme dans les cours d’eau il se forme des tourbillons. Si le liquide qui coule et qui est en mouvement rencontre un obstacle, il se forme deux courants au lieu d’un seul, ayant l’un et l’autre le même mouvement. Il en est tout à fait ainsi pour les embryons. Quand ils sont près l’un de l’autre, ils se soudent plus aisément ; mais ils se soudent encore quelquefois, même quand ils sont éloignés, à cause du mouvement qui a lieu dans le germe, surtout quand la matière revient s’accumuler au point d’où elle a été enlevée, et qu’elle a la forme de l’organe d’où elle sortait en trop grande abondance.

§ 20[568]. Dans les cas où les organes des deux sexes sont réunis, l’un du mâle, l’autre de la femelle, l’un des deux organes en surcroît est toujours bien conformé, l’autre est incomplet, parce qu’il reçoit toujours une nourriture moins abondante, attendu qu’il est contre nature, et qu’il ne vit que comme les plantes parasites, qui prennent leur part d’alimentation, quoiqu’elles soient venues plus tard que les autres et quoiqu’elles ne soient pas naturelles. Les deux organes pareils se produisent quand le principe de formation est absolument vainqueur, ou quand il est absolument vaincu ; mais si ce n’est qu’en partie qu’il triomphe, ou en partie qu’il succombe, l’un des organes est femelle, et l’autre est mâle. § 21[569]. La cause à laquelle on rapporte le sexe femelle de l’un et le sexe mâle de l’autre, peut s’appliquer aussi bien à tout l’animal qu’à ses parties. Quant à celles des parties qui viennent à manquer, par exemple, une extrémité ou tel autre membre, on doit supposer à ce phénomène la même cause qu’à l’avortement complet de l’embryon ; car les avortements des fœtus sont très fréquents.

§ 22[570]. Le surnombre des membres se distingue du surnombre des petits, ainsi qu’on vient de le dire. Mais les monstruosités diffèrent de ces deux phénomènes en ce que, la plupart du temps, ce ne sont que des soudures ou symphyses. Parfois des monstruosités se rencontrent dans des organes plus grands et plus importants ; par exemple, certains animaux ont deux rates, ou ont des rognons en surnombre. Les déplacements d’organes tiennent aussi à des mouvements irréguliers, allant en sens contraire, et à une matière qui change de lieu. Pour juger si l’animal monstrueux est un seul animal, ou s’il est composé de plusieurs animaux soudés ensemble, c’est au principe qu’il faut remonter. Si par exemple, le cœur est la partie dont il s’agit, l’animal qui a cet organe unique est un seul animal ; et les parties en surnombre sont des produits contre nature ; mais quand il y a plusieurs cœurs, c’est qu’il y a deux animaux, qui se sont soudés par le contact irrégulier des germes. § 23[571]. Souvent il arrive, dans des animaux qui d’ailleurs ne paraissent pas contrefaits, qu’après leur développement complet certains canaux se bouchent, et que d’autres canaux se dérangent tout à fait. On a observé des femmes chez qui l’orifice de la matrice, resté constamment fermé depuis longtemps, s’était spontanément ouvert, à l’époque des menstrues et après de grandes douleurs, ou bien avait dû être fendu par les médecins. D’autres femmes sont mortes quand la rupture a été par trop violente, ou qu’elle n’a pas pu se faire. § 24[572]. On a vu des enfants chez qui le bout de la verge et le canal par où sort l’excrétion de la vessie, n’étaient pas placés au même endroit, mais plus bas. Il en résulte qu’ils s’accroupissent pour uriner, et qu’en leur relevant les testicules, il semble, quand on les voit de loin, qu’ils aient tout à la fois un organe femelle et un organe viril. Sur quelques animaux, les moutons par exemple et d’autres encore, on a vu le canal pour les excréments secs être tout à fait bouché. A Périnthe, il y avait une vache chez laquelle la vessie laissait suinter l’excrément sec en un léger filet ; et bien qu’on lui eût ouvert le fondement par une incision, il se referma bientôt, et l’on ne put parvenir à le tenir ouvert par l’incision renouvelée.

§ 25[573]. Voilà tout ce que nous avions à dire sur la fécondité plus ou moins grande des animaux, sur les phénomènes contre nature de membres en surnombre ou de membres qui font défaut, et, enfin, sur les monstruosités.


CHAPITRE V

De la superfétation ; ses variétés selon les espèces ; elle est presque impossible chez les grands animaux unipares ; cause de la superfétation chez les unipares et les multipares ; cas particulier de la femme ; cas de la jument ; explication de la nature lascive de la jument ; les femmes sont moins ardentes après avoir eu plusieurs enfants ; nature lascive des oiseaux mâles ; développement des embryons de superfétation selon les espèces ; continuation des menstrues durant la grossesse ; le lièvre est très sujet aux superfétations ; singularités de son poil ; abondance des poils, signe de lascivité.


§ 1[574]. Il y a des animaux chez lesquels il n’y a jamais de superfétation : chez d’autres au contraire, il y en a. Parmi ceux où la superfétation est possible, les uns peuvent amener à terme leurs fœtus, tandis que les autres, tantôt le peuvent, et tantôt ne le peuvent pas. Ce qui empêche la superfétation, c’est que les animaux sont unipares. Chez les solipèdes, il n’y a pas de superfétation, non plus que chez les animaux encore plus grands, où à cause de leur grosseur même, toute l’excrétion est employée à développer l’embryon. § 2[575]. Car tous les animaux de cet ordre ont des corps très grands ; et les embryons des grands animaux doivent être grands comme eux, toute proportion gardée. Aussi, le petit de l’éléphant est-il de la grosseur d’un veau. Mais les animaux multipares sont capables de superfétation, parce que, du moment qu’au lieu d’un seul fœtus il y en a plusieurs, un de ces fœtus vient s’ajouter en surcroît à l’autre fœtus. Dans les animaux qui ont une certaine grosseur, comme l’homme, si une seconde copulation vient presque immédiatement après la première, l’embryon en surnombre peut se développer et se nourrir ; et l’on a vu plus d’une fois ce cas se produire. § 3[576]. La cause en est celle que nous avons indiquée. Ainsi, dans la première copulation, le sperme a été plus abondant ; et il rend possible en se divisant la formation de plusieurs fœtus, parmi lesquels l’un vient toujours en dernier lieu après les autres. Mais quand la copulation a lieu lorsque déjà le premier embryon a pris quelque croissance, il y a parfois superfétation ; cependant le fait est rare, parce que la matrice se referme chez la plupart des femmes jusqu’au temps de l’accouchement. Toutefois si le fait se produit, comme on l’a déjà vu, l’embryon ne peut venir à bien ; et alors il est rejeté, comme il arrive dans ce qu’on appelle les fausses-couches. § 4[577]. De même que, dans les unipares qui ont une certaine grandeur, l’excrétion spermatique tourne tout entière au développement du premier embryon, de même, dans les multipares, le fait se produit également, à cette différence près que, chez les uns, c’est tout d’un coup qu’il se produit, et que, chez les autres, c’est seulement quand l’embryon a déjà pris quelque croissance. C’est ce qui a lieu chez l’homme, qui naturellement pourrait être multipare, si l’on regarde à la grandeur de la matrice et à l’abondance de la sécrétion, sans que d’ailleurs ni l’une ni l’autre ne puissent nourrir un second embryon. Il en résulte que seules, parmi les animaux, la femme et la jument, même quand elles ont déjà conçu, reçoivent encore les approches du mâle. § 5[578]. Pour la femme, c’est la raison qu’on vient de dire ; mais la jument les souffre à cause de la rigidité de sa nature, et parce que sa matrice est assez grande pour recevoir plus d’un embryon, bien qu’elle ne le soit pas assez pour en recevoir encore un autre complètement. La jument est de sa nature très lascive, parce qu’elle est soumise à la même condition que tous les autres animaux dont la peau est épaisse comme du cuir. Cette disposition tient chez ces animaux à ce qu’ils n’ont point d’évacuation purifiante ; pour eux, cette évacuation est ce que le rut est pour les mâles ; et les juments n’ont presque pas d’évacuation de ce genre. Dans tous les vivipares, les femelles à tissu rigide sont très portées à l’acte vénérien, parce qu’elles sont dans un état fort semblable à celui des mâles, quand leur sperme est accumulé et qu’il n’est pas encore expulsé. Dans les femelles, l’évacuation purgative des menstrues est une sortie de sperme ; car les menstrues, ainsi qu’on l’a déjà dit, ne sont que du sperme dont la coction est imparfaite. § 6[579]. Aussi, les femmes qui sont ardentes au rapprochement sexuel, perdent-elles cette excitation quand elles ont eu plusieurs enfants, parce que la sécrétion spermatique qui a été expulsée ne leur donne plus ces désirs, qu’elles ne pouvaient dominer. Chez les oiseaux, les femelles sont moins portées que les mâles à l’accouplement, parce qu’elles ont la matrice placée sous le diaphragme, tandis que les mâles sont organisés tout autrement ; car leurs testicules sont suspendus à l’intérieur, de telle sorte que, quand une espèce de ces oiseaux a beaucoup de sperme, les mâles ne cessent pas d’avoir besoin d’accouplement. Chez les femelles, c’est parce que les matrices descendent, et chez les mâles parce que les testicules s’élèvent, que cette disposition facilite le rapprochement et y pousse.

§ 7[580]. D’après ce qui précède, on doit comprendre pourquoi certains animaux n’ont jamais de superfétation ; et pourquoi d’autres en ont, tantôt amenant leurs fœtus à terme, tantôt ne pouvant les y amener. On doit voir aussi pourquoi telles espèces sont lascives, et pourquoi telles autres ne le sont pas.

§ 8[581]. Quelques-unes de celles où la superfétation est possible peuvent amener leurs germes à bien, si la seconde copulation a eu lieu longtemps après la première ; ce sont les espèces qui, ayant du sperme, n’ont pas le corps trop gros et qui peuvent avoir plusieurs petits. Précisément, parce qu’elles peuvent en avoir plusieurs à la fois, la matrice a de grandes dimensions ; et comme ces espèces ont du sperme, l’évacuation purgative sort en grande abondance. Mais comme leur corps n’est pas très gros, et que l’évacuation est plus considérable qu’il ne faut pour nourrir l’embryon, ces espèces peuvent concevoir de nouveaux embryons et les amener à terme régulièrement. § 9[582]. Les matrices, dans ces animaux, ne se ferment pas, parce que la sécrétion purifiante surabonde toujours en elles. Ce curieux phénomène a été observé même sur des femmes. On en a vu qui étaient enceintes avoir leur évacuation et la conserver jusqu’à la fin de la grossesse. Mais chez les femmes, c’est là un accident contre nature, et le fœtus en souffre, tandis que, dans les espèces dont on vient de parler, le fait est tout naturel. C’est que leur corps est originairement ainsi organisé, comme on le voit chez les lièvres, qui présentent toujours des superfétations. Cet animal ne compte pas parmi les plus grands animaux ; mais il fait beaucoup de petits ; il est fissipède, et les fissipèdes sont en général très féconds. § 10[583]. En outre, il a beaucoup de sperme. Ce qui le prouve bien, c’est l’abondance de son poil, qui est vraiment extraordinaire. Il est le seul animal qui ait des poils sous les pieds et même en dedans des mâchoires. Cette abondance des poils indique toujours une sécrétion abondante ; c’est si vrai que, parmi les hommes, ceux qui sont velus sont portés aux plaisirs du sexe ; et ils ont beaucoup plus de sperme que les hommes dépourvus de poils. Le lièvre a bien souvent des fœtus incomplets, en même temps qu’il a des petits très bien conformés.


De la formation des petits, qui sont complets ou incomplets, au moment de leur naissance ; variations selon les espèces ; petits qui naissent aveugles ; exemple de la laie, qui fait des petits complets et en grand nombre ; exemple des oiseaux ; exemple des enfants nés à sept mois ; dans l’espèce humaine, il y a plus de mâles déformés que de femelles ; comparaison du développement du fœtus mâle et du fœtus femelle ; le mâle se forme plus vite ; après la naissance, c’est le contraire ; de la santé des animaux pendant la gestation ; cause de la facilité de l’accouchement ou de sa difficulté selon la vie que mènent les femmes ; effets de la grossesse chez les femmes.


§ 1[584]. Parmi les animaux vivipares, il y en a qui produisent des petits incomplets, tandis que les autres en produisent de complets. Les solipèdes et les fissipèdes ont des petits complètement formés ; mais presque tous les animaux à pieds fourchus n’ont que des petits incomplets. Cela tient à ce que les solipèdes sont unipares, tandis que les fissipèdes, ou sont unipares, ou le plus souvent font deux petits. Il est plus facile de mener à terme des petits moins nombreux. Mais tous les pieds fourchus qui font des petits incomplets sont multipares. Tant que les embryons sont tout jeunes, ils peuvent les alimenter ; mais quand les embryons ont grossi et que le corps ne peut plus les nourrir, ces animaux les rejettent, comme le font aussi les animaux qui pondent des larves. § 2[585]. En effet, de ces animaux, les uns font des petits dont les membres sont à peine indiqués, comme le renard, l’ours, le lion ; et d’autres espèces aussi sont à peu près dans ce cas. Presque toutes, ainsi que celles-là, font des petits qui naissent aveugles, tels que le chien, le loup, le lynx. De tous les animaux qui font beaucoup de petits, la laie est seule à les faire complets ; elle est une exception. Elle a beaucoup de petits, comme en général en ont les fissipèdes ; car le porc a deux pinces, et il est solipède également, du moins dans quelques contrées. § 3[586]. Le porc a beaucoup de petits, parce que la nourriture qu’exige la grosseur de son corps tourne à une sécrétion de sperme abondante. En tant que solipède, il n’est pas fort gros ; et en même temps, il est plutôt fissipède, parce que sa nature de solipède est assez équivoque. Aussi, la truie n’a quelquefois qu’un seul petit ; tantôt elle en a deux ; mais le plus ordinairement, elle en a un grand nombre, qu’elle amène à terme, à cause de l’embonpoint de son corps ; car il est comme une terre grasse, fournissant aux plantes toute la nourriture dont elles ont besoin.

§ 4[587]. Il y a aussi des oiseaux qui font des jeunes incomplets et aveugles ; ce sont ceux qui font beaucoup de petits, sans avoir le corps très gros, comme la corneille, la pie, le moineau, les hirondelles ; et aussi, parmi les oiseaux qui font peu de petits, tous ceux qui ne fournissent pas à leurs embryons une alimentation abondante, comme le ramier, la tourterelle, le pigeon. C’est là ce qui explique comment il se fait que, si l’on crève les yeux à de jeunes hirondelles, leurs yeux repoussent. Si on les détruit quand l’animal grandit encore, et avant qu’il ne soit formé tout à fait, les yeux alors reprennent, et se développent comme au début. § 5[588]. En général, si les animaux produisent leurs petits par anticipation, avant qu’ils ne soient complètement formés, c’est par l’impossibilité ou ils sont de les sustenter ; et leurs petits sont imparfaits, parce qu’ils viennent avant terme. C’est ce dont on peut se convaincre en observant les enfants qui naissent à sept mois. Précisément parce qu’ils sont incomplets, beaucoup d’entre eux naissent sans avoir certains canaux ouverts, par exemple, les conduits des oreilles et des narines ; mais à mesure que l’enfant se développe, les canaux s’ouvrent ; et, dans ces conditions, bon nombre de ces enfants peuvent vivre. § 6[589]. Dans l’espèce humaine, il y a plus de mâles contrefaits que de femelles ; dans les autres espèces, il n’y en a pas plus. Cela tient à ce que, dans l’espèce humaine, le mâle diffère beaucoup de la femelle par sa chaleur naturelle ; les fœtus mâles s’agitent beaucoup plus que les fœtus femelles : et ce mouvement amène des accidents plus fréquents. La faiblesse du fœtus, quand il est tout jeune, fait qu’il périt aisément. § 7[590]. C’est encore la même cause qui fait que, dans le sein des femmes, les fœtus femelles ne se développent pas comme les mâles, tandis que, dans les autres animaux, ils se développent également, et que la femelle ne se forme pas plus lentement en eux que le mâle, comme il arrive chez les femmes. Dans les entrailles de la mère, il faut plus de temps à la femelle qu’au mâle pour se former distinctement ; mais une fois que l’enfant est sorti, tout arrive chez les femelles plus tôt que chez les hommes, puberté, maturité vigoureuse, vieillesse. Les femelles sont naturellement plus faibles et plus froides ; et l’on peut croire que c’est une sorte d’infériorité de nature que d’être du sexe féminin. § 8[591]. Tant que le fœtus est intra-utérin, il se forme plus lentement à cause de sa froideur ; car la formation successive est une sorte de coction ; or, c’est la chaleur qui fait cuire ; et ce qui est plus chaud cuit plus aisément. Mais une fois dehors, la femelle arrive bien vite, à cause de sa faiblesse même, à atteindre toute sa floraison et la vieillesse ; car tout ce qui est plus petit parvient à son complément beaucoup plus tôt. Ceci se remarque dans les œuvres que l’art produit, aussi bien que dans les organismes que crée la Nature. § 9[592]. C’est là aussi ce qui explique que, dans l’espèce humaine, les jumeaux mâle et femelle vivent plus rarement, tandis que, dans les autres espèces, ils n’en viennent pas moins bien. Pour les uns, la simultanéité de naissance est contre nature, puisque leur formation ne s’accomplit pas dans la même période de temps, et qu’il y a nécessité que le mâle vienne plus tard, ou que la femelle vienne plus tôt ; mais, dans les autres espèces, ce phénomène n’est pas contre nature.

§ 10[593]. D’ailleurs, entre l’homme et les autres animaux, il y a une différence bien marquée pour ce qui regarde la gestation. Pendant presque tout ce temps, le corps des animaux est en parfaite santé ; au contraire, il arrive bien souvent que les femmes se portent mal durant leur grossesse. Cela peut bien tenir aussi, du moins en partie, à leur vie habituelle. Comme elles sont sédentaires, elles ont des sécrétions plus abondantes ; au contraire, chez les nations où la vie des femmes est laborieuse, leur grossesse est moins apparente, et elles accouchent plus aisément. Du reste, si ce fait se reproduit chez ces nations, il se reproduit aussi dans tous les pays pour les femmes qui travaillent et qui fatiguent. La fatigue dissout les sécrétions ; mais quand les femmes sont trop sédentaires, les sécrétions s’accumulent en elles, à cause même de leur inactivité. Les sécrétions s’amassent aussi aux époques où les menstrues, qui purgent les femmes, n’ont plus lieu parce qu’elles sont enceintes ; chez elles alors, l’accouchement avec toutes ses douleurs est excessivement pénible. Mais la douleur exerce la respiration ; et selon qu’on peut la retenir, l’enfantement est, ou facile, ou douloureux.

§ 11[594]. Ce sont bien là, ainsi qu’on l’a dit, des circonstances qui concourent à former cette différence de douleur entre les autres animaux et les femmes, pour ce qui concerne cette fonction. Mais la circonstance principale, c’est que, dans les animaux, l’évacuation menstruelle, ou est très faible, ou même ne se montre pas du tout, tandis que la femme est de toutes les femelles celle qui a l’évacuation la plus abondante. Il en résulte que, quand l’expulsion n’a plus lieu par suite de la grossesse, les femmes éprouvent un grand trouble ; lors même que la femme n’est pas enceinte, elle tombe malade, si les évacuations régulières viennent à cesser. Le plus ordinairement, les femmes sont troublées surtout dans les premiers temps de la conception. C’est que déjà le fœtus peut empêcher les évacuations purifiantes ; mais comme alors il est très petit, il n’absorbe pas encore une grande quantité de sécrétion, tandis que plus tard, quand il en prend davantage, il allège d’autant la mère qui le nourrit. § 12[595]. Dans les autres animaux, la sécrétion, étant peu de chose, est tout à fait en rapport avec le développement des embryons ; et les sécrétions qui empêchaient la nutrition régulière étant employées entièrement, le corps se porte beaucoup mieux. Les choses se passent de la même façon chez les animaux aquatiques et chez les oiseaux. Si, après que les fœtus sont déjà grands, le corps ne prend plus d’embonpoint, c’est la preuve que le fœtus a besoin pour sa croissance de plus de nourriture que ne lui en donne la sécrétion ordinaire. Il y a peu de femmes qui aient plus de santé lorsqu’elles sont enceintes ; ce sont celles qui ont dans le corps assez peu d’excrétions pour que le tout soit employé exclusivement à nourrir l’embryon qu’elles portent.


CHAPITRE VII

De la môle ; les femmes parfois y sont sujettes ; cas particulier d’une môle qui dure quatre ans ; la môle vieillit avec la malade ; son extrême dureté ; cause de la môle et de sa nature spéciale ; c’est le défaut de coclion de menstrues abondantes ; les animaux autres que l’homme ne sont pas sujets à la môle ; les femmes seules sont exposées à cet accident.


§ 1[596]. Maintenant disons quelques mots de ce qu’on appelle une môle, et qui se produit quelquefois chez les femmes ; il arrive même que cet accident a lieu chez des femmes qui sont enceintes, et qui accouchent de ce qu’on appelle une môle. On a observé le cas d’une femme qui, ayant eu commerce avec un homme et se croyant grosse, vit d’abord enfler le volume de son ventre, et qui eut tous les symptômes d’une gestation régulière ; mais, à l’époque de l’accouchement, elle n’enfanta pas et le volume du corps ne diminua pas. Elle resta trois ou quatre ans en cet état ; et à la suite d’une douleur d’entrailles, qui mit sa vie en danger, elle rendit, d’elle seule, un morceau de chair, qu’on désigne sous le nom de môle. § 2[597]. On a même observé que cette affection vieillit avec la personne qui en est atteinte, et qu’elle ne meurt qu’avec elle. Les matières qui sont expulsées et rendues de cette façon deviennent tellement dures qu’on a peine à les couper avec le fer. Nous avons expliqué la cause de cette maladie dans les Problèmes. C’est que l’embryon éprouve dans la matrice la même transformation que nos mets et nos aliments quand ils sont à moitié crus. Ce n’est pas un effet de la chaleur, comme on le dit parfois ; c’est bien plutôt une insuffisance de chaleur. Il semble que, dans ce cas, la Nature, réduite à l’impuissance, n’a pu achever son œuvre, ni compléter et parfaire la génération. De là vient que la môle vieillit avec la malade et qu’elle dure si longtemps ; car, par sa nature, elle n’est pas entièrement achevée, et elle n’est pas non plus un corps absolument étranger. C’est le défaut de coction qui produit sa dureté, parce que la coction incomplète est une sorte de crudité. § 3[598]. Mais on peut se demander pourquoi la môle ne se montre jamais dans les animaux autres que l’homme, si toutefois le fait ne nous a pas échappé, faute d’observations. La cause qu’on peut supposer, c’est que la femme est plus sujette aux maladies de matrice que les autres femelles, et que l’abondance de ses évacuations purifiantes est telle qu’elle ne peut leur donner la coction nécessaire. C’est donc quand le germe s’alimente d’un liquide imparfaitement cuit, que se forme ce singulier produit qu’on appelle la môle ; dès lors il est tout simple qu’il se forme surtout dans les femmes, ou même chez elles uniquement.


CHAPITRE VIII

Du lait et de son usage ; c’est la nourriture extérieure du jeune qui vient de naître ; époque de la formation du lait propre à nourrir ; le lait est déjà bon à sept mois chez la femme ; éléments dont le lait se compose ; il se rapporte à la sécrétion du sperme et des menstrues, et il vient également du sang ; influence de la puberté dans les deux sexes ; mue de la voix ; changements dans les mamelles ; abondance des sécrétions chez la femme ; erreur d’Empédode, comparant le lait à du pus ; cessation des règles pendant l’allaitement ; sagesse de la Nature ; époque régulière qu’elle a déterminée pour la sortie du fœtus ; le cordon ombilical ne suffisant plus à le nourrir, le lait devient la nourriture extérieure ; le fœtus sort le plus habituellement par la tête chez tous les animaux.


§ 1[599]. Le lait ne se produit que dans les femelles des animaux qui sont vivipares en eux-mêmes ; et le lait n’est utile qu’à l’époque de la parturition. Car la Nature ne l’a donné aux animaux qu’en vue de la nourriture qu’ils reçoivent de l’extérieur ; elle s’arrange de façon que le lait ne manque jamais à ce moment, et qu’il ne soit pas non plus jamais en retard. La coïncidence est régulière, à moins de quelque accident contre nature. § 2[600]. Dans les autres animaux, comme il n’y a qu’un seul temps pour la gestation, la coction du lait se rencontre toujours avec ce temps-là ; mais comme chez l’homme, la durée de la gestation peut avoir plus ou moins de durée, il faut nécessairement qu’il y ait du lait dès le premier moment. Aussi, le lait ne peut pas être utile chez les femmes avant le septième mois ; mais il est déjà bon et nourrissant dès cette époque. On comprend bien que le lait soit alors arrivé à une coction parfaite, parce qu’il est absolument nécessaire qu’il l’ait vers les derniers temps. § 3[601]. D’abord, l’élaboration de cette sécrétion est employée tout entière à développer le fœtus. La nourriture est toujours ce qu’il y a de plus doux et de mieux digéré ; et une fois que ces deux qualités disparaissent, il y a nécessité que le reste devienne salé, et de mauvais goût. Quand les embryons sont complètement développés, la sécrétion surabondante est de plus en plus grande ; alors, la partie employée à nourrir se réduit d’autant et devient plus douce, puisque la partie dont la coction est facile n’est plus retranchée. La dépense nécessaire pour former l’embryon ne continue plus, et le développement n’est presque plus rien, comme si l’embryon en était arrivé déjà à être achevé ; car il y a un terme au progrès du fœtus. § 4[602]. Aussi, est-ce à cet instant qu’il sort du sein maternel ; il change de vie, parce qu’il a tout ce qu’il doit avoir par lui-même, et qu’il ne reçoit plus rien qui ne vienne de lui, au moment précis où le lait lui devient bon. Le lait remonte alors en haut et dans les mamelles, où il s’accumule, selon l’ordre primitif de l’organisme. La partie principale de l’animal est celle qui est au-dessus du diaphragme ; la partie qui est au-dessous ne concerne que la nourriture et les sécrétions, afin que les animaux capables de marcher, portant en eux-mêmes une nourriture suffisante et une provision, puissent changer de lieu à leur gré. § 5[603]. C’est, en outre, dans cette partie inférieure que s’élabore la sécrétion spermatique, comme nous l’avons expliqué dans nos études préliminaires. Le résidu spermatique chez les mâles et les menstrues chez les femelles sont de la nature du sang. L’origine du sang et des veines, c’est le cœur, qui se trouve de même dans les parties supérieures du corps. C’est encore en elles que se manifeste tout d’abord le changement que produit cette sécrétion. La voix des mâles et des femelles mue du moment qu’ils commencent à avoir de la liqueur spermatique ; car c’est de là que procède le principe de la voix, qui devient nécessairement autre quand son moteur devient autre avant elle. § 6[604]. A cette époque, la région des mamelles se gonfle ; et ce gonflement est sensible chez les mâles, mais bien plus encore chez les femelles. Comme l’excrétion se porte abondamment en bas, le lieu des mamelles se vide chez elles et devient spongieux ; c’est également ce qui se passe dans les femelles dont les mamelles sont placées en bas. Ce changement de la voix et de la région mamellaire se remarque dans tous les autres animaux, et les connaisseurs dans chaque espèce ne s’y trompent pas. Mais c’est surtout chez l’homme qu’on est frappé de ce changement évident. § 7[605]. Cela tient à ce que, dans l’espèce humaine, les individus femelles ont plus de sécrétions que les femelles de toutes les autres espèces, et que les mâles en ont plus que tous les autres mâles, proportionnellement à leur grandeur. Chez les femmes, cette sécrétion est le flux menstruel ; chez les hommes, c’est le sperme. Lors donc que l’embryon ne reçoit plus cette sécrétion, et qu’il l’empêche néanmoins de sortir au dehors, il y a nécessité que ce résidu tout entier s’accumule dans les lieux qui sont vides, et qui se trouvent placés sur les mêmes canaux. § 8[606]. La région des mamelles est précisément dans ce cas pour les espèces diverses d’animaux. Il y a deux causes à ceci : c’est que ce lieu est ainsi disposé, parce que le mieux possible c’est qu’il en soit ainsi ; et secondement, il y a là une nécessité ; car c’est en ce point d’abord que la nourriture destinée aux animaux se concentre, et qu’elle reçoit toute sa coction. On peut expliquer la coction par la cause qu’on vient d’indiquer ; mais on peut l’expliquer aussi par une cause contraire. Il est tout simple que l’embryon, en devenant plus grand, prenne plus de nourriture, de telle sorte qu’à ce moment il en reste moins ; et la coction est d’autant plus rapide que la matière est en moindre quantité. § 9[607]. Que le lait soit de la même nature que l’excrétion d’où il vient, c’est ce qui est de toute évidence ; et nous l’avons déjà dit ; car c’est d’une seule et même matière que l’embryon est nourri, et que la Nature produit la génération. Dans les animaux qui ont du sang, cette matière est le liquide sanguin. Le lait est donc du sang qui a reçu toute sa coction, et non pas du sang corrompu. Aussi, Empédocle a-t-il émis une idée qui n’est pas juste, ou tout au moins a-t-il fait, dans ses vers, une métaphore assez fausse, quand il dit que « Le lait devient du pus de couleur blanche, au dixième jour du huitième mois ». La putréfaction et la coction sont choses toutes contraires ; le pus est une putréfaction, tandis que le lait est une matière dont la coction est parfaite.

§ 10[608]. Pendant que les femmes allaitent les enfants, elles n’ont pas d’évacuations purifiantes, du moins selon l’ordre de la Nature. Elles ne conçoivent pas non plus durant l’allaitement. Quand, par hasard, elles conçoivent à cette époque, le lait s’arrête sur-le-champ, parce que la nature du lait et celle des menstrues est au fond la même. La Nature ne peut pas faire les choses avec une telle abondance qu’elle suffise à deux fonctions à la fois ; et si la sécrétion se porte d’un côté, il faut nécessairement qu’elle manque de l’autre, à moins qu’il ne se produise quelque violence contre le cours ordinaire des choses. § 11[609]. C’est alors un accident contre nature ; car pour les choses qui ne sont pas dans l’impossibilité d’être autrement qu’elles ne sont, et qui peuvent en effet être autrement, ce qui est contre le cours ordinaire des choses est contre nature. La naissance des animaux a des temps parfaitement déterminés. Lorsque, par le développement qu’a pris le fœtus, la nourriture qui lui arrive par le cordon ombilical ne lui suffit plus, le lait est destiné à fournir la nourriture nouvelle ; mais la nourriture n’arrivant plus au fœtus par l’ombilic, les veines, dont ce qu’on appelle le cordon ombilical est le revêtement, viennent à s’atrophier ; et c’est à ce moment que le fœtus sort du sein de la mère.

§ 12[610]. Chez tous les animaux, la sortie naturelle du fœtus est par la tête, parce que les parties du corps qui sont au-dessus du cordon sont plus fortes que celles qui sont au-dessous ; et, alors, de même que cela se voit dans une balance, le fléau penche du côté où est le poids ; car les parties qui sont plus grandes ont aussi plus de poids que les autres.


CHAPITRE IX

Variétés dans les durées de la gestation ; elles sont en rapport avec la durée même de la vie ; exemples de l’homme et de l’éléphant ; rapport étroit de la durée de la gestation à la grosseur définitive du fœtus ; influence du soleil et de la lune, comme foyers de chaleur ; périodes solaires et lunaires, semblables dans une certaine mesure ; influence de l’air ambiant sur tous les êtres ; tendance générale de la Nature en ce qui regarde la durée des créatures. — Résumé partiel.


§ 1[611]. Pour chaque espèce d’animal, la durée régulière de la gestation est le plus ordinairement en rapport avec la durée de la vie. Il est tout simple que, dans les animaux qui vivent plus de temps, les développements soient aussi plus longs à se faire. Mais ce n’est pas là précisément la cause de la durée de la gestation ; c’est seulement le fait dans la plupart des cas. Les plus grands et les plus parfaits des animaux, qui ont du sang, vivent longtemps, sans que cependant ce soit une règle générale que la vie des plus grands soit la plus longue. § 2[612]. Si l’on en excepte l’éléphant, l’homme est de tous les êtres celui qui a la plus longue vie, du moins de tous ceux que nous avons pu observer sérieusement. Cependant, l’espèce humaine est plus petite que les animaux à queue, et plus petite que bien d’autres espèces encore. Ce qui fait qu’un animal quelconque peut avoir une longue existence, c’est que sa constitution réponde à l’air ambiant où il vit. Ce sont en outre certaines circonstances naturelles, dont nous nous réservons de parler plus tard. § 3[613]. Ce qui détermine les durées diverses de la gestation, c’est la grosseur des produits qui doivent naître. Il n’est pas possible que, dans un temps très court, les grandes organisations puissent prendre tout leur développement ; c’est là une impossibilité pour les êtres animés aussi bien que pour toute autre chose. Voilà comment les chevaux et les espèces congénères, tout en vivant moins longtemps, ont cependant une gestation plus longue. Pour les uns, la gestation dure un an entier ; pour les autres, elle est de dix mois au moins. § 4[614]. C’est par une cause toute semblable que, pour l’éléphant, la gestation ne dure pas moins de deux ans ; ce qui est une bien longue durée ; mais c’est sa grosseur prodigieuse qui l’exige.

§ 5[615]. On a eu bien raison d’essayer de mesurer par des périodes naturelles les temps de toutes choses, et les temps de la gestation, des naissances, et des existences. J’entends par les périodes naturelles le jour et la nuit, le mois, l’année, et les intervalles de temps auxquels on applique ces mesures. Mais par là, j’entends également les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont les pleines lunes, les lunes nouvelles, et les quartiers intermédiaires. Car ce sont là les périodes par lesquelles la lune est en relations avec le soleil, puisque le mois est une période commune à l’un et à l’autre. § 6[616]. La lune n’est un principe de grande influence qu’à cause de ce qu’elle a de commun avec le soleil, de qui elle emprunte sa lumière ; elle est en quelque sorte un soleil plus petit. C’est en ce sens qu’elle agit aussi sur la production et le développement de tous les êtres. Car ce sont les variations de la chaleur et du froid qui, jusqu’à un certain point d’équilibre, déterminent les naissances et ensuite les morts ; et ce sont les mouvements de ces deux astres qui marquent les limites du commencement et de la fin. § 7[617]. De même qu’on voit la mer, et toute la masse des eaux qui sont dans la Nature, tranquilles ou agitées selon que les vents soufflent ou sont en repos, et de même que l’air et les vents sont soumis à la période où se trouvent le soleil et la lune, de même les produits qui en viennent doivent nécessairement aussi ressentir ce qui se passe dans ces astres. On comprend de reste que les périodes des choses inférieures soient la conséquence des périodes que les choses supérieures peuvent subir ; et le vent a bien aussi une sorte de vie, puisqu’il naît et qu’il s’éteint. § 8[618]. Il est possible, d’ailleurs, qu’il y ait encore d’autres principes qui causent la révolution circulaire de ces astres. La Nature tend toujours à régler, par les nombres qui les régissent, les nombres des générations et des extinctions ; mais elle ne le fait pas toujours aussi exactement quelle le voudrait, à cause de l’indétermination de la matière, et, en outre, à cause de la multiplicité des principes qui, en empêchant les générations et les destructions naturelles, sont trop souvent causes des accidents contre nature.

§ 9[619]. Voilà tout ce que nous avions à dire sur la nutrition intra-utérine des animaux, et sur leur naissance au dehors ; et nous avons également traité séparément de ce qu’ils ont chacun de particulier et de ce qu’ils ont tous de commun entre eux.


LIVRE CINQUIÈME



CHAPITRE PREMIER

Des différences que présentent les organes et les facultés dans une même espèce ; principe général de ces différences ; erreur des anciens naturalistes ; du sommeil des enfants, soit dans le sein de la mère, soit après la naissance ; citations des Descriptions anatomiques ; rêves des enfants ; somnambules ; des yeux bleus chez les enfants ; de la diversité des couleurs de l’œil ; fausse théorie d’Empédocle, citations du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme ; des yeux noirs et des yeux bleus ; vue plus ou moins bonne dans le jour ou dans la nuit ; quantité plus ou moins grande de liquide dans l’œil ; maladies des yeux, glaucome, nyctalopie ; épiderme de la cornée ; changements que l’âge amène dans la vue ; singularité d’un des yeux qui est seul à être bleu ; de la longueur et de l’acuité de la vue ; de la vue courte ; c’est la position de l’œil qui fait ces différences ; théorie générale de la vision expliquée par le mouvement. Résumé partiel.


§ 1[620]. Il nous faut étudier maintenant les différences que les parties diverses des animaux présentent entre elles. Par les différences des parties, j’entends, par exemple, que les yeux peuvent être bleus ou noirs, que la voix peut être aiguë ou grave, comme j’entends aussi que les couleurs du corps, des poils ou des plumes, peuvent être différentes. § 2[621]. Il y a de ces diversités qui appartiennent à des espèces tout entières ; d’autres sont réparties au hasard ; et c’est là surtout ce qui a lieu dans l’espèce humaine. Parfois, les diversités qui tiennent aux changements que l’âge amène affectent également tous les animaux sans exception ; d’autres sont tout le contraire, comme celles qui affectent la voix et la couleur des poils. Ainsi, il y a des animaux que la vieillesse ne blanchit pas sensiblement ; mais l’homme est de tous les animaux celui qui blanchit le plus. § 3[622]. Il y a aussi de ces différences qui se marquent immédiatement après la naissance ; d’autres ne se manifestent qu’avec l’âge et la vieillesse. On ne peut certes pas admettre que la cause de toutes ces diversités, si nombreuses et si frappantes, soit la même. Quand ces différences ne sont pas communes à tous les animaux d’une certaine nature, ou qu’elles ne sont pas particulières à chaque espèce d’animal, c’est qu’alors ce n’est pas en vue de quelque fin qu’elles existent telles qu’elles sont, ou qu’elles se produisent. L’œil a une fin très précise ; mais qu’il soit bleu, ce n’est pas en vue d’une fin quelconque, à moins que cette affection ne s’étende à toute une espèce. § 4[623]. Quelques-unes de ces diversités ne se rapportent pas à la définition et à l’essence de l’animal ; mais, pour les causes d’où elles dépendent nécessairement, il faut les voir dans la matière et dans le principe moteur. Ainsi que nous l’avons dit en commençant ces études, dans toutes les œuvres régulières et bien définies de la Nature, ce n’est pas parce qu’un être a acquis telle qualité, que cette qualité est la sienne ; mais c’est bien plutôt parce qu’il est primitivement de telle espèce qu’il acquiert ensuite les qualités que nous lui voyons. Le développement de l’être est la suite de son essence et est fait pour cette essence ; mais l’essence n’est pas la suite du développement. § 5[624]. Les anciens Naturalistes ont pensé tout le contraire. Leur erreur est venue de ce qu’ils n’ont pas vu que les causes sont très multiples ; et qu’ils ne se sont arrêtés qu’aux deux seules causes de la matière et du mouvement. Celles-là même, ils ne les ont comprises que confusément ; et les deux causes de la définition essentielle et de la fin ont complètement échappé à leur attention. Chaque chose a sa fin propre ; c’est par cette cause et par les autres que se développe tout ce qui est renfermé dans la définition de chaque être, tout ce qui existe en vue d’une certaine fin, ou l’être auquel cette fin s’applique. Pour tout ce qui se produit en dehors de cet ordre, il faut en chercher uniquement la cause dans le mouvement et dans le développement, aussi bien que dans l’organisation même des êtres qui contractent la différence en question. Ainsi, l’animal aura nécessairement un œil si l’on suppose qu’il est d’une espèce qui a des yeux ; un animal a nécessairement des yeux faits de telle ou telle façon ; mais cette nécessité n’est pas la même que celle en vertu de laquelle l’animal doit naturellement faire ou souffrir telles ou telles choses.

§ 6[625]. Ces points une fois fixés, voyons les conséquences qui en sortent. D’abord, dans toutes les espèces, quand les jeunes viennent de naître, et spécialement les petits qui sont incomplets, ils sont le plus souvent endormis. Même dans le sein de la mère, ils continuent encore à dormir après avoir reçu la sensibilité. On peut se demander si, au moment même de la naissance, les animaux sont éveillés avant de dormir ; car comme ils sont évidemment plus éveillés à mesure qu’ils grandissent, on est amené à supposer qu’au début de leur naissance ils étaient dans un état contraire, c’est-à-dire, dans le sommeil. § 7[626]. A ce premier motif, on peut en ajouter un autre, c’est que, pour arriver du non-être à l’être, il faut passer par l’état intermédiaire. Or, il semble que le sommeil est par sa nature un intermédiaire de ce genre ; il est sur les confins de la vie et de la mort ; et d’un homme endormi, il est également difficile de dire qu’il n’est pas ou qu’il est. La veille semble être plus particulièrement la vie, à cause de la sensibilité qu’elle nous rend. Si c’est une nécessité que l’animal ait essentiellement la faculté de sentir, et s’il n’est vraiment animal que du moment même où il commence premièrement à sentir, il faut penser que l’état initial du jeune, s’il n’est pas tout à fait le sommeil, est quelque chose qui y ressemble beaucoup ; et c’est aussi l’état de toutes les plantes. § 8[627]. A ces premiers moments, on peut dire des animaux qu’ils ont la vie du végétal. Pourtant, il est bien impossible que les plantes puissent sommeiller ; car il n’y a pas de sommeil sans réveil, et l’état dans lequel la plante se trouve est sans réveil, bien qu’il soit rapproché du sommeil. Les jeunes animaux doivent dormir presque tout le temps, parce que la croissance et le poids se trouvent dans les parties supérieures du corps. Nous avons expliqué dans d’autres ouvrages que c’est bien là la cause qui les fait dormir. § 9[628]. Quoi qu’il en soit, les foetus semblent être éveillés même dans le sein de la mère. On peut s’en convaincre par l’Anatomie, et en voyant ce qui se passe pour les petits des ovipares. Ils se mettent à dormir aussitôt après la naissance, et ils s’affaissent de nouveau. C’est pour cela aussi que, même après avoir vu le jour, ils dorment presque tout le temps. Une fois éveillés tout à fait, les enfants ne rient pas encore ; c’est seulement dans leur sommeil qu’ils pleurent et qu’ils rient. Cela tient à ce que les animaux ont des sensations même quand ils dorment ; et ce ne sont pas uniquement ce qu’on appelle des rêves, comme sont les gens qui se lèvent tout en dormant et qui font beaucoup de choses, sans rêver le moins du monde. § 10[629]. En effet, il y a des gens qui, quoique endormis, se lèvent et marchent, les yeux tout grands ouverts, comme s’ils étaient éveillés. Ils sentent fort bien ce qui se passe autour d’eux ; pourtant, ils ne sont pas éveillés, et ils ne sont pas davantage en état de rêve. Les enfants semblent en quelque sorte ignorer qu’ils veillent, par l’habitude qu’ils ont prise de sentir et de vivre en dormant. Mais avec le progrès du temps, et grâce à leur croissance, qui passe à la partie inférieure du corps, ils s’éveillent de plus en plus, et ils restent pendant plus en plus de temps dans cet état de veille. Mais, tout d’abord, ils demeurent plus endormis que tous les autres animaux, parce qu’ils naissent les plus imparfaits des animaux parfaits, et que leur croissance se fait, à ce moment, par le haut du corps.

§ 11[630]. Dans tous les enfants, les yeux sont plus bleus aussitôt après la naissance ; puis, ils changent ensuite, pour prendre la couleur qui leur est naturellement propre. Si ces changements ne sont pas aussi apparents chez les autres animaux, cela tient à ce que, chez eux, les yeux sont le plus ordinairement d’une seule couleur. Ainsi, les bœufs ont des yeux noirs ; les moutons ont toujours les yeux verdâtres, de la nuance de l’eau ; d’autres espèces ont, tout entières, des yeux bruns ou bleus ; d’autres les ont de la couleur des yeux du bouc ; et c’est ainsi que toute l’espèce des chèvres les a de cette façon. § 12[631]. Au contraire, chez les hommes, la couleur des yeux varie infiniment ; ils sont bleus, azurés, noirs ; d’autres sont jaunes, comme ceux du bouc. De même que, dans une espèce, les animaux ne diffèrent pas les uns des autres, de même les deux yeux ne diffèrent pas entre eux. Naturellement, ils n’ont qu’une seule et unique couleur. Mais le cheval, seul entre les autres animaux, a le plus souvent les yeux de différente couleur ; car on voit assez souvent des chevaux dont les yeux ont des couleurs diverses, l’un des deux étant bleu. § 13[632]. On ne remarque rien de pareil chez les autres animaux ; mais il y a quelques hommes qui n’ont qu’un œil bleu. En cherchant à s’expliquer pourquoi chez les autres animaux, jeunes ou vieux, les yeux ne changent pas sensiblement, et pourquoi ce changement a lieu chez les enfants, on peut en trouver une raison suffisante dans ce fait que, chez les uns, l’organe de l’œil n’a qu’une seule couleur, tandis que chez les autres il en a plusieurs. Que les yeux des enfants soient plus bleus et qu’ils n’aient pas d’autre couleur que celle-là, cela tient à ce que les organes de ces petits êtres sont faibles ; et la couleur bleue est une sorte de faiblesse dans la nuance.

§ 14[633]. Mais il nous faut rechercher, d’une manière générale, la cause qui amène cette différence dans la couleur des yeux, et qui fait que les uns sont bleus, les autres azurés, d’autres jaunes comme ceux du bouc, et que d’autres enfin sont noirs. On ne saurait admettre avec Empédocle que les yeux bleus sont ignés et que les yeux noirs ont plus d’eau que de feu, et que c’est là ce qui fait que les yeux bleus voient moins bien le jour, faute d’eau, et que les yeux noirs voient moins bien la nuit, faute de feu. C’est là une opinion qui n’est pas du tout exacte, parce que, chez tous les animaux, la vue n’est pas du feu, mais de l’eau. § 15[634]. Du reste il est possible de trouver encore une autre cause à ce changement de couleurs. Mais si, comme on l’a dit antérieurement dans le Traité des Sensations, et, même avant ce traité, dans celui de l’Âme, cet organe est de l’eau ; et si l’on a bien expliqué pourquoi il est de l’eau, et non de l’air ou du feu, on doit admettre que c’est là aussi la cause des variétés que nous venons de signaler. § 16[635]. Certains yeux ont plus d’eau qu’il n’en faut pour leur mouvement régulier ; d’autres en ont moins ; d’autres en ont la juste proportion. Les yeux qui ont beaucoup d’eau sont noirs, parce que les choses accumulées sont peu diaphanes ; mais les yeux qui ont peu d’eau sont bleus. C’est un phénomène qu’on peut voir se répéter pour la mer. Quand elle est transparente, elle paraît bleue ; quand elle l’est moins, elle semble de l’eau ordinaire ; et quand sa profondeur est insondable, elle est noire ou d’un bleu excessivement foncé. De même, les yeux qui ont des couleurs intermédiaires diffèrent entre eux du plus au moins. § 17[636]. C’est encore cette même cause qui doit faire que les yeux bleus n’ont pas une vue perçante pendant le jour, ni les yeux noirs pendant la nuit. Les yeux bleus, qui ont peu de liquide, sont plus agités par l’effet de la lumière et des objets qu’elle fait apercevoir, en tant qu’il y a en eux du liquide et du diaphane. Or, le mouvement de cet organe, c’est la vision, en tant que diaphane, mais non pas en tant que liquide. Mais les yeux noirs reçoivent moins de mouvement, à cause de la quantité d’eau qu’ils contiennent. La lumière de la nuit est d’ailleurs très faible ; et, en même temps, l’eau de l’œil a beaucoup de peine à se mouvoir pendant la nuit. Elle doit donc ne pas rester tout à fait sans mouvement, ni se mouvoir plus qu’il ne faut, pour demeurer diaphane, parce qu’un mouvement plus fort en arrête un plus faible. § 18[637]. C’est là ce qui fait que, passant d’une couleur très vive à une moins forte, on cesse de voir, de même que quand on passe de l’éclat du soleil aux ténèbres. Le mouvement violent qui est dans l’œil empêche celui du dehors ; et, en général, ni une vue forte ni une vue faible ne peuvent regarder les objets trop lumineux, parce que la partie liquide de l’œil est affectée par un mouvement plus vif qu’il ne faut.

§ 19[638]. Les maladies de ces deux espèces de vue prouvent bien la vérité de ce que nous disons ici. Le glaucome attaque surtout les yeux bleus, et la nyctalopie attaque plus particulièrement les yeux noirs. Le glaucome est une sécheresse des yeux plus que toute autre chose ; et c’est surtout aux vieillards qu’il survient ; car aux approches de la vieillesse, cette partie du corps se dessèche comme toutes les autres. La nyctalopie, au contraire, est une surabondance du liquide ; et ce sont plutôt les jeunes gens qui en sont affectés, parce que le cerveau est chez eux plus liquide. § 20[639]. La vue la meilleure est celle qui tient le milieu entre le trop d’eau et le trop peu. Comme l’eau y est en petite quantité, elle n’est pas de force à troubler et à empêcher le mouvement des couleurs ; et elle ne gêne pas davantage le mouvement par son abondance. Mais ce ne sont pas uniquement les causes qu’on vient de dire qui font que l’on voit bien ou qu’on voit mal ; c’est aussi la nature de la peau qui enveloppe ce qu’on appelle la pupille. Cette peau doit être transparente ; et elle est transparente à la condition d’être mince, blanche et bien unie. § 21[640]. Elle doit être mince, pour que le mouvement venu du dehors pénètre sans peine au dedans ; elle doit être unie, pour qu’elle ne produise pas d’ombre en se plissant ; et ce qui fait que les vieillards ne voient pas bien, c’est que la peau de l’œil, comme le reste de la peau, vient à se rider et s’épaissit avec les années. Enfin, elle doit être blanche, parce que le noir n’est pas diaphane ; car le noir est précisément ce qui ne laisse point passer la lumière ; et c’est là ce qui fait que les lanternes ne peuvent pas éclairer si on les recouvre d’une enveloppe noire.

§ 22[641]. Ainsi, dans la vieillesse et dans les maladies, toutes ces causes réunies font qu’on ne voit plus bien ; et si les enfants ont au début les yeux bleus, c’est qu’il y a peu d’eau dans leurs yeux. Ce sont surtout les hommes et les chevaux qui ont un des yeux bleu, et c’est par la même cause qui fait que les hommes blanchissent. Parmi les autres animaux, il n’y a guère que le cheval dont les poils blanchissent sensiblement dans la vieillesse. § 23[642]. La blancheur des cheveux et la couleur bleue des yeux sont un signe de faiblesse, et de coction imparfaite dans l’humidité du cerveau ; car une légèreté trop grande et une trop grande épaisseur produisent le même effet, par l’insuffisance ou l’excès d’humidité. Lors donc que la Nature ne peut pas répartir également l’humidité en la cuisant dans les deux yeux, ou quand elle ne la cuit pas du tout, ou bien encore qu’elle la cuit dans l’un et qu’elle ne la cuit pas dans l’autre, l’un des deux yeux devient bleu. § 24[643]. D’ailleurs, si certains animaux ont la vue perçante et si les autres ne l’ont pas, on peut expliquer cette différence de deux manières. L’acuité d’un sens se comprend de deux façons ; et la différence que nous remarquons pour le sens de la vue se répète aussi pour l’ouïe et pour l’odorat. Ainsi, avoir une vue perçante, c’est, ou voir les choses de fort loin, ou bien encore c’est pouvoir distinguer les moindres détails des objets qu’on regarde. Mais ces deux facultés ne se rencontrent pas toujours ensemble. Par exemple, une personne qui abrite ses yeux avec la main, ou qui, regardant par un tube, ne voit ni mieux ni moins bien les nuances diverses des couleurs, verra cependant de plus loin, comme ceux qui, pour observer les astres, descendent quelquefois dans des trous et dans des puits. § 25[644]. Par conséquent, si un animal a des yeux très proéminents, et que l’eau qui est dans la pupille ne soit pas très pure, ni en rapport avec le mouvement venu du dehors, ou bien si la peau de la surface n’est pas mince, cet animal ne distinguera pas très nettement les nuances des couleurs. Mais il verra de loin, tout comme s’il était près, mieux que ceux qui ont l’eau des yeux très pure et bien recouverte, mais qui n’ont pas cet abri faisant ombre devant les yeux. § 26[645]. C’est dans l’œil même que réside la cause qui fait que la vue n’est pas assez perçante pour distinguer les différences. De même que, sur un vêtement parfaitement propre, les taches les plus légères paraissent aisément, de même dans une vue très pure les moindres mouvements sont visibles, et causent la perception. C’est la position seule des yeux qui fait qu’on voit de loin, et que le mouvement, venu des objets placés au loin et visibles, arrive jusqu’à l’œil. Ceux qui ont les yeux saillants ne voient pas bien de loin ; ceux, au contraire, qui ont les yeux renfoncés et intérieurs voient de très loin, parce que le mouvement ne s’égare pas dans la largeur, et qu’il suit la ligne droite ; car, s’il n’y a rien au devant des yeux, il faut nécessairement que le mouvement de la lumière se disperse ; il est moindre en tombant sur les objets qu’on voit ; et alors on voit moins bien les objets éloignés.

§ 27[646]. Il n’y a, d’ailleurs, aucune différence à dire que l’on voit, comme quelques naturalistes le soutiennent, parce que la vision vient de l’œil, ou à dire que l’on voit par le mouvement venu des choses vues. De part et d’autre, c’est reconnaître nécessairement que la vue vient toujours d’un mouvement. On verrait le mieux possible les objets éloignés si, de l’œil à l’objet vu, il y avait comme une sorte de tuyau continu ; car alors le mouvement parti des choses visibles ne pourrait pas se disperser ni se perdre ; et comme il ne se perdrait pas, plus les choses seraient loin, et plus on les regarderait de loin, mieux on les verrait nécessairement.

§ 28. Telles sont les causes qui peuvent amener des différences dans la vision.


CHAPITRE II

De l’ouïe et de l’odorat ; finesse et portée de ces deux sens ; citation du Traité des Sensations ; influences diverses qui peuvent agir sur le sens de l’ouïe ; l’état des organes ; l’état de l’air ambiant ; analogie de l’action de l’ouïe et de l’odorat avec l’action de la vue ; conformation des narines des chiens de Laconie ; la longueur et les replis des oreilles contribuent à l’audition ; supériorité et infériorité de l’homme eu égard aux perceptions des sens ; acuité de ses perceptions quand les objets ne sont pas éloignés ; organisation remarquable de l’appareil auditif chez le phoque ; disposition particulière de ses oreilles. — Résumé partiel.


§ 1[647]. On peut répéter pour l’ouïe et pour l’odorat à peu près ce qu’on vient de dire de la vue. Une chose est de bien sentir et de bien entendre les objets de ces deux sens et de les percevoir aussi exactement que possible ; mais c’est autre chose encore d’entendre de loin et de sentir les odeurs à distance. C’est l’organe lui-même qui fait que, comme pour la vue, on juge bien les différences, si cet organe est sain, et que la méninge qui l’entoure soit saine ainsi que lui. § 2[648]. On a vu dans le Traité des Sensations que les conduits de tous les organes des sens se rendent au cœur, ou à la partie qui lui correspond, quand le cœur vient à manquer. Le conduit de l’ouïe, qui est l’organe qui sent l’air, se termine là où le souffle naturel produit le pouls chez quelques animaux, et, chez d’autres, l’expiration et l’aspiration. C’est par cet organe aussi que la connaissance des paroles qui ont été prononcées nous permet de reproduire ce qu’on a entendu. § 3[649]. Autant il est entré de mouvement par l’organe de l’ouïe, autant le mouvement est reproduit au moyen de la voix, comme si c’était une seule et même impression de telle sorte qu’on peut redire ce qu’on vient d’entendre. Quand on bâille ou qu’on pousse son souffle, on entend moins bien que quand on aspire, parce que le principe du sens de l’ouïe se trouve sur la partie respiratoire ; le principe est agité et mis en mouvement, en même temps que l’organe met le souffle en mouvement de son côté, parce que l’organe qui meut est mû à son tour. Dans les saisons et dans les jours humides, la même affection se produit. On dirait que les oreilles sont remplies de vent, parce qu’elles sont alors proches du principe du lieu du souffle.

§ 4[650]. Ainsi, l’exactitude avec laquelle on juge les différences des sons et des odeurs tient à ce que l’organe est sain et pur, de même que la membrane qui en revêt la surface. Car tous les mouvements qui affectent ces deux sens ne sont pas moins manifestes que ceux de la vue. Sentir ou ne pas sentir de loin se retrouvent ici comme dans l’acte de la vision. Les animaux qui, en avant des organes, ont des espèces de canaux qui s’étendent loin dans ces parties, peuvent sentir de très loin. Aussi, les chiens de Laconie, qui ont de longs nez, ont un odorat des plus fins. L’organe étant placé en haut, les mouvements qui viennent de loin ne se dispersent pas ; mais ils arrivent tout droit, comme la lumière arrive à l’œil quand on se fait une ombre avec la main. § 5[651]. De même ceux des animaux qui ont de longues oreilles, pourvues d’un large rebord, comme en ont quelques quadrupèdes, entendent de loin, et aussi, quand ils ont à l’intérieur une longue spirale ; car ce genre d’oreilles prennent le mouvement à grande distance et le transmettent jusqu’à l’organe. L’homme, proportionnellement à sa grandeur, est peut-être de tous les animaux le moins bien organisé pour percevoir avec précision les sensations des objets éloignés ; mais c’est celui qui, entre tous, sent le mieux les différences des choses. Ce qui lui donne cette supériorité, c’est que son organe est pur et qu’il est le moins terreux et le moins matériel ; car de tous les animaux, c’est l’homme qui a naturellement la peau la plus fine, relativement à son volume.

§ 6[652]. La Nature n’a pas moins bien fait les choses en ce qui regarde le phoque. Quadrupède et vivipare, cet animal n’a pas d’oreilles, et il n’a que des conduits auditifs. C’est qu’il passe sa vie dans l’eau. Or, la partie protubérante des oreilles est mise en avant des conduits pour recueillir le mouvement de l’air ; qui vient de loin. Une organisation de ce genre n’aurait aucune utilité pour le phoque ; mais, au contraire, elle le gênerait, si les oreilles recevaient en elles une grande quantité de liquide.

§ 7[653]. Voilà ce que nous voulions dire ici de la vue, de l’ouïe et de l’odorat.


CHAPITRE III

De la variété des poils et des parties correspondantes ; blancheur des cheveux et calvitie chez l’homme ; citation du Traité des Parties des Animaux ; rapports de la peau à la nature diverse des poils ; dimensions des poils plus longs ou plus courts ; causes de cette différence ; poils doux ou rudes, droits ou frisés ; causes de la frisure sous l’action de la chaleur ou du froid ; effets des années sur la rudesse des poils ; de la calvitie chez l’homme ; analogies qu’on peut remarquer dans la chute des feuilles des végétaux ; annonce d’autres ouvrages ; effets des climats et des saisons ; l’homme a aussi les siennes ; influence des plaisirs sexuels sur la calvitie ; parties de la tête où se produit surtout la calvitie ; les enfants et les femmes ne sont jamais chauves ; feuilles persistantes, feuilles caduques des végétaux ; l’eunuque n’est jamais chauve ; de la répartition des poils sur le corps ; il n’y a pas de périodicité pour l’homme comme pour les végétaux. Résumé partiel.


§ 1[654]. La chevelure présente chez les hommes des différences selon l’âge, dans chaque individu ; elle en présente aussi de l’homme aux autres espèces d’animaux qui ont un pelage. Presque tous ceux qui portent en eux-mêmes des petits vivants sont pourvus de poils. Car, chez les animaux mêmes qui ont des piquants en guise de poils, on peut regarder encore ces piquants comme une sorte de poils particuliers, par exemple, les piquants des hérissons de terre et de quelques autres vivipares. § 2[655]. Les différences des poils sont la rudesse ou la douceur, la longueur ou la dimension courte, la direction droite ou couchée, l’abondance ou la rareté. Le pelage diffère aussi par les couleurs qu’il peut avoir, blancheur, noirceur et nuances intermédiaires. Quelques-unes de ces différences peuvent venir simplement de l’âge, selon que les animaux sont jeunes ou vieux. § 3[656]. C’est surtout dans l’homme que ces différences se marquent davantage. A mesure que l’homme vieillit, sa chevelure devient plus épaisse. Quelques individus deviennent chauves sur le devant de la tête. Tant que l’homme est enfant, il n’est pas sujet à la calvitie ; les femmes ne la connaissent pas non plus. Mais les hommes, en prenant des années, peuvent devenir chauves, de même que, dans la vieillesse, les cheveux blanchissent. Chez aucun autre animal, pour ainsi dire, on ne remarque rien de pareil ; et c’est le cheval, qui plus que tout autre peut prêter à ces observations. § 4[657]. Chez les hommes, la calvitie atteint le devant de la tête ; et les premiers cheveux blancs qui se montrent sont ceux des tempes. Mais on ne devient jamais chauve aux tempes, ni au derrière de la tête. Les animaux qui n’ont pas de poils précisément, mais qui ont quelque chose d’analogue, comme les oiseaux, qui ont des plumes, et les poissons qui ont des écailles, subissent également quelques changements de ce genre, qui ne laissent pas que de les atteindre à peu près de même.

§ 5[658]. Nous avons expliqué antérieurement le but que la Nature s’est proposé en donnant des poils aux animaux ; et c’est en traitant des Parties des Animaux que nous avons présenté ces explications. L’objet de la présente étude sera de faire voir dans quelles conditions, et par suite de quelles nécessités, se produisent toutes les différences dont il s’agit ici.

§ 6[659]. C’est surtout la peau qui fait que les poils sont durs, ou qu’ils sont doux. La peau en effet est épaisse chez les uns, ou mince chez les autres ; elle est lâche chez ceux-ci, et serrée, chez ceux-là. Une autre cause qui agit simultanément, c’est la différence d’humidité. Tantôt la peau est grasse ; tantôt elle est comme aqueuse. En général, la peau a naturellement quelque chose de terreux. Comme elle est à la surface, dès que l’humidité s’évapore, elle devient solide et terreuse. § 7[660]. Les poils, ou les parties correspondantes, ne viennent pas de la chair précisément, mais de la peau, quand l’humidité qui est dans l’animal se vaporise et s’exhale. Aussi, les poils épais viennent d’une peau épaisse ; les poils légers, d’une peau légère. Si le tissu de la peau est plus lâche, et plus épais, les poils s’épaississent par suite de l’abondance du terreux et de la largeur des canaux. Si le tissu est plus serré, les poils s’amincissent par l’étroitesse même des vaisseaux. § 8[661]. Si l’humeur est aqueuse, comme elle se dessèche très vite, les poils ne prennent pas de longueur ; si l’humeur est graisseuse, c’est tout le contraire ; car la graisse ne se dessèche pas aisément. En général, ce sont les animaux dont la peau est la plus épaisse qui ont le poil le plus fourni ; mais cependant, ce ne sont pas toujours les animaux à peau épaisse qui ont le plus de poil, par suite des causes qu’on vient d’énumérer ; par exemple, les porcs présentent cette différence relativement aux bœufs et à l’éléphant, et relativement à plusieurs autres espèces. C’est à peu près la même cause qui fait que chez l’homme les poils de la tête sont les plus épais ; car, cette partie de la peau est la plus épaisse, et elle a d’ordinaire le plus d’humidité, en même temps qu’elle est plus poreuse.

§ 9[662]. Ce qui fait que les poils sont longs ou qu’ils sont courts, c’est quand l’humidité qui se vaporise ne se dessèche pas trop aisément. Si l’humidité est en grande abondance, elle ne se dessèche pas très vite, non plus que la graisse ; et voilà d’où vient que chez l’homme, ce sont les poils sortant de la tête qui sont les plus longs. L’encéphale, qui est humide et froid, fournit une grande quantité de liquide. § 10[663]. Les poils sont droits ou inclinés, selon l’évaporation qu’ils contiennent. Si elle est de nature fumeuse, comme elle est chaude et sèche, elle fait friser le poil. § 11[664]. Le poil s’infléchit, parce qu’il reçoit deux impulsions diverses ; le terreux se dirige en bas ; l’igné se dirige en haut ; et comme le poil est flexible, il tourne à cause de sa faiblesse ; et c’est là ce qui cause la frisure. Voilà une première explication qu’on peut donner de ce fait. Mais il se peut aussi que la frisure vienne de ce qu’il y a peu d’humidité et beaucoup de terreux, et de ce que les poils se tordent desséchés par l’air ambiant. Un objet droit se plie, en effet, en perdant son humidité et se racornit, comme on le voit sur un cheveu qu’on brûle au feu. La frisure ne serait alors qu’une contraction amenée par le défaut de liquide, et par la chaleur qui se trouve dans l’air environnant. La preuve, c’est que les poils frisés sont plus rudes que les poils lisses, parce que le sec est toujours dur. § 12[665]. Tous les animaux qui ont beaucoup d’humidité, ont aussi des poils lisses. La liqueur qui est dans ces poils sort en s’écoulant, mais non pas goutte à goutte. C’est ce qui fait que les Scythes du Pont et les Thraces ont les cheveux plats ; car ils sont humides de tempérament, et l’air où ils vivent l’est comme eux. Les Éthiopiens et les hommes des climats chauds ont les cheveux crépus ; car leur cerveau est sec, et l’air qui les entoure l’est également. § 13[666]. Il y a des pachydermes qui ont des poils très fins, par la raison qu’on vient de dire un peu plus haut. Plus leurs vaisseaux sont fins, plus aussi leurs poils doivent l’être nécessairement. De là vient que toute l’espèce ovine a des poils très fins ; car la laine n’est pas autre chose qu’une grande abondance de poils. Il y a d’autres animaux qui ont le poil doux, quoique moins fin, et, par exemple, le lièvre, comparé au mouton. Chez ces animaux, le poil est tout à fait à la surface de la peau ; aussi n’a-t-il pas de longueur, et il se rapproche beaucoup de la filasse, qui est le déchet du lin ; car cette filasse non plus n’a pas de longueur ; mais elle est douce et ne se laisse pas plier.

§ 14[667]. Dans les climats froids, les moutons sont tout le contraire des hommes. Ainsi, les Scythes ont les cheveux doux, tandis que les moutons sauromates ont la toison très rude. C’est encore cette même cause qui agit chez tous les animaux sauvages. Le froid durcit les choses, tout en les desséchant par l’action de la gelée. La chaleur s’exhalant au dehors fait évaporer l’humide ; et les poils, ainsi que la peau, deviennent terreux et durs. Chez les animaux sauvages, c’est leur vie en plein air qui produit cet effet ; et parfois, c’est aussi le climat où ils sont, qui a cette qualité. § 15[668]. On peut citer en preuve ce qu’on remarque dans les oursins de mer, qu’on emploie comme remède contre les maux de gorge. Comme ils vivent dans la mer, qui est froide à cause de sa profondeur, puisqu’ils sont parfois à soixante brasses, et même encore plus bas, ils ont des piquants énormes bien qu’ils soient eux-mêmes très petits, et ces piquants sont très durs. La grandeur des piquants vient de ce que c’est là que se tourne tout le développement du corps. Ces animaux ayant peu de chaleur, et la nourriture ne subissant pas de coction, ils ont beaucoup de sécrétion et de résidu ; or, les piquants, les poils et les autres matières de ce genre ne proviennent que de résidu. Les piquants sont durcis et pétrifiés par le froid et la gelée.

§ 16[669]. C’est de la même manière que, dans tous les lieux exposés au nord, les plantes de tout genre sont beaucoup plus dures, plus terreuses et plus pierreuses que les plantes exposées au midi ; et celles qui sont exposées au vent, plus que celles des bas-fonds. C’est qu’elles ont alors plus froid, et que leur humidité se vaporise. Ainsi, la chaleur et le froid durcissent également les choses, parce que l’humide se vaporise sous l’action de l’une et de l’autre, avec cette seule différence que la chaleur agit directement par elle-même, tandis que le froid agit indirectement. L’humide sort en même temps que la chaleur, parce qu’il n’y a pas d’humide sans chaleur ; mais quant au froid, non seulement il durcit, mais il condense, tandis que la chaleur dilate. § 17[670]. C’est précisément encore la même cause qui fait qu’avec les progrès de l’âge les poils deviennent plus rudes chez les animaux qui ont des poils, comme le deviennent aussi chez les oiseaux et les animaux qui ont des écailles, les plumes et les écailles. A mesure que l’animal vieillit, la peau devient plus dure et plus épaisse ; il se dessèche ; et le mot même de Vieillesse, en grec, se rapproche de celui de Terre desséchée ; et si l’animal se dessèche ainsi, c’est que la chaleur lui manque, et que l’humidité lui manque avec elle.

§ 18[671]. De tous les animaux, c’est évidemment l’homme qui est le plus sujet à la calvitie ; mais néanmoins cette affection a quelque chose de général. Ainsi, parmi les plantes, les unes conservent toujours leurs feuilles ; les autres les perdent ; et ceux des oiseaux qui hibernent perdent également leurs plumes. Chez les hommes qui deviennent chauves, la calvitie peut passer pour une affection pareille. Ce n’est que petit à petit que les feuilles des végétaux viennent à tomber, et que les plumes et les cheveux tombent aux animaux qui en ont. Quand cette affection est considérable, on dit que l’homme devient chauve, que la plante perd ses feuilles, que l’oiseau perd ses plumes, toutes expressions qui reviennent au même. § 19[672]. C’est toujours le défaut d’humidité chaude qui est cause du phénomène ; et de toutes les choses humides, c’est la graisse qui est la plus chaude ; et de tous les végétaux, ce sont les plantes grasses qui ont le plus souvent des feuilles persistantes. Mais nous nous réservons d’expliquer cela dans d’autres ouvrages ; car il y a aussi d’autres causes qui concourent à produire ce phénomène. Pour les végétaux, ce changement a lieu en hiver, dont l’action est encore plus puissante que l’âge de la plante, de même qu’il a lieu, dans cette saison aussi, sur les animaux qui hibernent, parce que les animaux ont moins d’humidité que l’homme et moins de chaleur naturelle. § 20[673]. Les hommes ont un hiver et un été dans les phases diverses de l’âge. On ne devient jamais chauve qu’après avoir joui des plaisirs sexuels ; et on le devient d’autant plus qu’on les goûte davantage. C’est que le cerveau est naturellement le plus froid de tous les organes ; l’acte vénérien refroidit, en causant une déperdition de la chaleur pure et naturelle. C’est le cerveau qui est, comme on doit croire, le premier à s’en ressentir. Tout ce qui est faible et mal disposé cède à la moindre cause et à la plus légère pression. Par conséquent, si l’on songe que le cerveau lui-même a peu de chaleur, que la peau de son enveloppe en a moins encore nécessairement, et que les cheveux qui en sont le plus éloignés ont encore moins de chaleur que la peau, on comprendra sans peine que les libertins doivent devenir chauves avec l’âge. § 21[674]. C’est aussi cette même cause qui fait que l’homme ne devient chauve que sur le devant de la tête, et qu’il est le seul animal à devenir chauve. Il le devient sur le devant de la tête, parce que c’est là qu’est le cerveau ; et s’il est le seul à présenter le phénomène de la calvitie, c’est parce que c’est l’homme qui a l’encéphale le plus considérable et le plus humide. Les femmes ne deviennent jamais chauves, parce que leur nature se rapproche de celle des enfants. Les unes et les autres n’ont pas de sécrétion spermatique propre à la génération. § 22[675]. L’eunuque non plus ne devient pas chauve, parce qu’il est presque changé en femme. Les eunuques ne poussent pas les poils qui ne sont pas de naissance ; ou ils les perdent, si par hasard ils les ont poussés, si ce n’est les poils du pubis. De même, les femmes n’ont pas non plus ces poils postérieurs, ou elles n’ont les autres qu’au pubis. La mutilation qui fait des eunuques est le changement d’un homme en femme.

§ 23[676]. Si les animaux qui hibernent reprennent leur poil, ou si les végétaux qui ont perdu leurs feuilles les poussent de nouveau, et si les cheveux des chauves ne repoussent jamais, c’est que, pour les uns, les saisons sont en quelque sorte davantage les phases que leur corps subit, et que, la saison venant à changer, un changement se produit aussi dans la production ou la chute des plumes, et des poils, et dans celle des feuilles pour les plantes. Au contraire, chez l’homme, on peut bien aussi, selon les âges, distinguer l’hiver, et l’été, le printemps et l’automne ; mais comme les âges divers ne reviennent pas, les affections qui en sont la suite ne changent pas périodiquement, bien qu’au fond la cause soit la même.

§ 24[677]. Voilà à peu près tout ce qu’on peut dire sur ces premiers changements du pelage.


CHAPITRE IV

Du pelage des animaux ; c’est leur peau qui décide de leur couleur ; la blancheur des cheveux dans l’homme peut venir de vieillesse ou de maladie ; la lèpre blanche ; citation du Traité de la Croissance et de la Nutrition ; de la décomposition et de la putréfaction des choses ; action de la chaleur et de l’eau ; la moisissure ; moqueries des poètes contre les cheveux blancs ; les cheveux blanchis par la maladie peuvent redevenir noirs ; cosmétiques pour les cheveux ; les cheveux des tempes blanchissent les premiers ; explications à ce sujet ; minceur des os du crâne chez le cheval ; citation d’Homère, les cheveux roux et les cheveux noirs ; les cheveux que l’on couvre blanchissent plus vite ; les cheveux blanchissent d’abord par le bout ; la peau n’a chez l’homme aucune influence sur la couleur des cheveux.


§ 1[678]. Quant aux couleurs du pelage et à ce qui les détermine chez les animaux autres que l’homme, et quant à ce qui fait que les pelages sont d’une seule couleur, ou qu’ils en ont plusieurs, la cause tient à la nature de la peau de l’animal. Dans les hommes, ce n’est pas la peau qui produit le changement de couleur, si ce n’est dans le cas où les cheveux blanchissent, non point par la vieillesse, mais à la suite de quelque maladie ; et c’est ainsi que, dans la maladie qu’on appelle la lèpre blanche, les cheveux deviennent blancs. Mais quand les cheveux blanchissent par le progrès de l’âge, il n’en résulte pas que la peau devienne blanche aussi. C’est que les cheveux viennent et poussent de la peau ; et, quand la peau est malade et qu’elle blanchit par cette cause, le cheveu devient malade ainsi qu’elle ; en ce cas, la blancheur est une maladie du cheveu. § 2[679]. Mais la blancheur de la chevelure, quand elle vient de l’âge, n’est qu’un affaiblissement et un défaut de chaleur. Tout âge est soumis à l’influence du corps, qui incline dans un sens ou dans l’autre ; et dans la vieillesse, c’est au refroidissement qu’il incline, parce que la vieillesse est froide et sèche. Il faut croire que la chaleur propre à chaque organe y digère et y cuit la nourriture, qui se répartit à chaque partie du corps ; mais quand la chaleur ne peut plus agir, cette partie dépérit, et il survient une infirmité ou une maladie. Mais nous nous proposons de discuter plus tard la cause de ces affections dans le Traité de la Croissance et de la Nutrition, et nous donnerons alors plus de détails. § 3[680]. Chez les individus où la nature des cheveux a peu de chaleur, et où l’afflux humide est plus considérable qu’il ne faut, la chaleur propre de l’organe ne suffit plus à la coction ; et alors, la chevelure est viciée par la chaleur du lieu qui l’enveloppe. Toute corruption, toute putréfaction vient de la chaleur, mais non de la chaleur naturelle, ainsi que nous l’avons dit dans d’autres ouvrages. La putréfaction ne peut s’appliquer qu’à l’eau, à la terre et à des matières corporelles de ce genre, et aussi à la vapeur terreuse, comme ce qu’on appelle la moisissure ; car la moisissure n’est qu’une putréfaction de la vapeur terreuse. On doit donc penser que la nourriture qui est sans coction dans les cheveux, s’y pourrit ; et alors vient ce qu’on nomme le grisonnement des cheveux.

§ 4[681]. La lèpre blanche et la moisissure sont, pour ainsi dire, les seules putréfactions qui soient blanches ; et cela vient de ce qu’elles contiennent beaucoup d’air. Toute vapeur terreuse produit l’effet d’un air épais. La moisissure est comme l’opposé du givre. Quand une vapeur qui s’élève vient à se congeler, c’est du givre qui se produit ; mais si elle se pourrit, c’est de la moisissure. Le givre et la moisissure sont à la surface des corps l’un et l’autre ; car la vapeur n’est jamais que superficielle. § 5[682]. Aussi, les poètes font-ils, dans leurs comédies, une métaphore assez juste, lorsque, se moquant des cheveux blancs, ils disent que c’est la moisissure et le givre de la vieillesse. L’un en genre, l’autre en espèce sont identiques ; le givre l’est en genre, puisque tous deux sont des vapeurs ; la moisissure l’est en espèce, puisque tous deux sont des putréfactions. Ce qui le prouve bien, c’est qu’il arrive assez souvent que des maladies font blanchir les cheveux, et que, plus tard, les cheveux redeviennent noirs, avec le rétablissement de la santé. § 6[683]. Cela tient à ce que, dans la maladie, le corps tout entier manque de la chaleur naturelle, et que, par suite également, toutes les parties du corps, y compris les plus petites, souffrent de ce malaise général. Une masse énorme de sécrétion se produit dans le corps entier et dans chaque partie ; et le défaut de coction dans les chairs produit la blancheur des cheveux. Une fois guéris et ayant repris leurs forces, les malades changent encore une fois. On dirait que, de vieux, ils redeviennent jeunes ; et les affections dont ils sont atteints changent en même temps qu’eux.

§ 7[684]. On a donc raison de dire que la maladie est une vieillesse accidentelle, et que la vieillesse est une maladie naturelle, puisqu’il y a des maladies qui produisent les mêmes effets que la vieillesse. Ce sont les tempes qui blanchissent les premières. Les parties postérieures de la tête manquent d’humidité, parce qu’il n’y a pas d’encéphale en elles, et qu’au contraire la fontaine en a beaucoup, et que ce qui est abondant se putréfie malaisément. Les cheveux qui sont aux tempes ont assez peu d’humide pour qu’ils puissent en faire la coction, et ils n’en ont pas en assez forte quantité pour qu’ils ne se pourrissent pas. Ce lieu de la tête tenant le milieu entre les deux, est aussi en dehors de ces deux affections.

§ 8[685]. Telle est la cause qui détermine la blancheur des cheveux chez l’homme. Pour les autres animaux, ce qui empêche que l’âge ne rende ce changement aussi sensible, c’est précisément la même cause que celle de la calvitie, d’après nos explications. Les animaux ont peu de cerveau, et leur cerveau est moins humide, de telle sorte que la chaleur n’est pas impuissante à opérer la coction. De tous les animaux que nous connaissons, c’est le cheval chez qui, relativement à sa grosseur, le phénomène se remarque le plus, parce qu’il a l’os le plus mince pour recouvrir son cerveau. La preuve, c’est qu’un coup léger dans cette partie du corps peut lui devenir mortel. Aussi Homère a-t-il pu dire dans ses vers :

« Au sommet de la tête est frappé l’animal,

« Auprès des premiers crins, où le coup est fatal. »

Comme l’humidité s’écoule aisément dans cette partie où l’os est très mince, du moment que, par suite de l’âge la chaleur diminue, les poils de cette partie deviennent blancs, chez le cheval.

§ 9[686]. Les cheveux roux blanchissent plus vite que les cheveux noirs. La couleur rousse est en quelque sorte une maladie du cheveu, et tout ce qui est faible vieillit aussi plus vite. On dit que les grues deviennent plus noires cri vieillissant. Chez elles, ce changement pourrait bien tenir à ce que la nature de leur plume est plus blanche, et qu’à mesure qu’elles vieillissent, l’humidité est trop considérable dans leurs plumes pour qu’elle puisse aisément s’y pourrir. § 10[687]. Ce qui doit bien montrer que la blancheur des cheveux vient d’une sorte de pourriture, et que ce n’est pas, comme on l’a dit, une dessiccation, c’est que les cheveux quand ils sont recouverts de chapeaux ou d’enveloppes quelconques, blanchissent plus vite ; car l’air empêche la décomposition ; or toute couverture empêche l’action de l’air, tandis qu’au contraire un mélange d’eau et d’huile préserve et fortifie la chevelure, qui en est enduite. L’eau refroidit ; mais l’huile qui entre dans le mélange empêche qu’il se dessèche trop rapidement, tandis que l’eau se dessécherait très vite. Que ce ne soit pas là une dessiccation et que le cheveu ne blanchisse pas ainsi que l’herbe devient sèche, ce qui le prouve bien, c’est que parfois les cheveux poussent blancs tout à coup, tandis que rien de ce qui est desséché ne peut pousser. § 11[688]. Le plus souvent, c’est par le bout que les cheveux blanchissent, parce qu’il y a moins de chaleur dans les extrémités, qui sont d’ailleurs très ténues. Dans tout le reste des animaux, quand les poils blanchissent, c’est par l’effet de la nature et non par la maladie. Cela tient à ce que, dans le reste des animaux, c’est la peau qui détermine les couleurs. Quand le poil est blanc, la peau est blanche ; elle est noire aux animaux noirs. Dans ceux qui sont de diverses couleurs et de couleurs mélangées, la peau est en partie blanche, et en partie noire. Mais chez l’homme, la peau ne détermine en rien la couleur ; car on voit des hommes qui sont blancs de peau avoir des cheveux parfaitement noirs. § 12[689]. Cela tient à ce que l’homme est, de tous les animaux, celui qui a la peau la plus mince relativement à sa grosseur ; et c’est là ce qui fait qu’elle n’a aucune influence sérieuse sur le changement des cheveux. Mais la peau elle-même, parce qu’elle est faible, change aussi de couleur ; le soleil et le vent la brunissent. Du reste, les cheveux ne changent pas en même temps qu’elle. Dans les animaux autres que l’homme, la peau fait l’effet d’une terre, à cause de son épaisseur. Leurs poils changent selon leur peau ; mais leur peau ne change pas sous l’action du vent et du soleil.


CHAPITRE V

De la variété des couleurs dans le pelage des animaux ; unité de couleur ; multiplicité de couleurs ; sens divers où ceci peut s’entendre ; variabilité des couleurs selon les espèces et les individus ; fréquence ou rareté de ces changements ; influence des eaux chaudes ou froides sur la couleur des animaux ; de la couleur blanche sous le ventre de certains animaux ; explication de ce fait ; variété de couleur dans la langue des animaux ; variation de couleur selon les saisons, et selon l’alimentation. — Résumé partiel.


§ 1[690]. Certains animaux n’ont qu’une seule couleur ; et j’entends par là que l’espèce entière de ces animaux n’a qu’une couleur, la même pour tous, par exemple les lions, qui sont tous de couleur fauve ; et cette observation s’étend également bien à une foule d’espèces d’oiseaux et de poissons, ainsi qu’à d’autres espèces encore. Il y a aussi des animaux qui peuvent avoir une seule couleur, mais chez qui cette couleur est entière. J’entends par là que leur corps tout entier a la même couleur ; par exemple, le bœuf, qui peut être tout blanc ou tout noir. § 2[691]. Enfin, il y a des animaux qui ont des couleurs diverses ; et ce peut être encore de deux manières. D’abord, ce peut être en genre, comme le léopard, le paon et quelques poissons de l’espèce de ceux qu’on appelle des thrattes ; et en second lieu, le genre entier peut n’être pas de diverses couleurs, mais les individus ont cette diversité qu’ils acquièrent, comme les bœufs, les chèvres, et les pigeons parmi les oiseaux, dont bien d’autres espèces offrent les mêmes variétés. § 3[692]. Les animaux à couleurs entières changent beaucoup plus que ceux qui n’en ont qu’une ; et alors ils changent du tout au tout, c’est-à-dire que, de blancs, ils deviennent noirs, que de noirs ils deviennent blancs, et qu’ils se mélangent des deux à la fois, parce que leur espèce ne doit pas naturellement avoir une seule et unique couleur. L’espèce alors peut aisément aller à l’un et à l’autre sans trop de peine, de telle sorte que les couleurs passent de l’une à l’autre nuance, et se diversifient de plus en plus. § 4[693]. C’est tout le contraire pour les espèces qui n’ont qu’une seule couleur ; elles ne la changent qu’en cas de maladie ; et encore, est-ce bien rare. On a déjà pu voir une perdrix, un corbeau, un moineau, un ours de couleur blanche. Ces accidents se produisent quand il y a eu quelque difformité dans la génération. Tout ce qui est petit est aisément détruit ou modifié ; et le jeune qui vient de naître est dans ce cas ; car tout ce qui naît a de bien faibles commencements.

§ 5[694]. Les animaux qui changent le plus de couleur sont ceux qui, ayant naturellement une couleur entière qui se trouve dans toute l’espèce, deviennent néanmoins de plusieurs couleurs à cause des eaux qu’ils boivent. L’eau, quand elle est chaude, fait devenir le poil blanc ; quand elle est froide, elle le rend noir ; et cette remarque s’applique même aux végétaux. Cela vient de ce que l’eau chaude contient plus d’air que d’eau, et que l’air, transparent comme il l’est, produit la blancheur, comme il produit l’écume. § 6[695]. Mais de même que la peau qui devient blanche par maladie, diffère de la peau qui est blanche par nature, de même aussi la blancheur des cheveux, ou par maladie ou par l’âge, n’est pas la même que la blancheur naturelle, parce que la cause est également tout autre. Pour les uns, c’est la chaleur naturelle qui les fait blancs ; pour les autres, c’est une chaleur étrangère ; c’est toujours l’air qui y est renfermé, sous forme de vapeur, qui les rend blancs. § 7[696]. Cette observation explique pourquoi les animaux qui n’ont pas une couleur unique, sont toujours plus blancs sous le ventre ; cela tient à ce qu’en cet endroit ils sont plus chauds qu’ailleurs. C’est là encore ce qui fait qu’en général toutes les bêtes blanches sont plus agréables à manger, parce que la coction donne de la douceur à la chair, et que c’est la chaleur qui fait la coction. Par l’effet de la même cause, dans les animaux à une seule couleur, les uns sont noirs, et les autres sont blancs. Toujours, c’est la chaleur et le froid qui font la nature de la peau et des poils ; car chacune des parties du corps a sa chaleur propre.

§ 8[697]. La langue ne diffère pas moins, des animaux de couleur simple aux animaux de couleurs variées ; et parmi ceux dont la couleur est simple, il y a encore une différence entre les blancs et les noirs. La cause de ces variétés est celle que nous avons indiquée déjà plus haut : la peau est variée chez les animaux à couleurs variables. Ceux dont les poils sont blancs ont la peau blanche ; ceux dont les poils sont noirs ont la peau noire. La langue doit être considérée comme une des parties extérieures du corps, si ce n’est qu’elle est placée dans la bouche ; mais elle est dans le cas de la main ou du pied ; et comme la peau des animaux à poils variés n’est pas d’une seule couleur, c’est là aussi ce qui modifie la peau qui recouvre la langue.

§ 9[698]. Il y a des oiseaux, et même quelques espèces de quadrupèdes sauvages, qui changent de couleur selon les saisons ; et le même changement que l’âge produit chez les hommes a lieu selon la saison chez ces animaux. Seulement, les modifications qu’amènent les années sont bien plus profondes. Les animaux qui sont omnivores ont en général des couleurs beaucoup plus variables ; et par exemple, les abeilles sont d’une seule couleur bien plutôt que les frelons et les guêpes. On le comprend bien ; car, si c’est la nourriture qui cause le changement, il est tout simple que des aliments variés fassent aussi beaucoup varier les mouvements et les sécrétions de la nutrition, d’où viennent les poils, les plumes et la peau.

§ 10[699]. Voilà ce qu’il y avait à dire sur les couleurs de la peau et des poils.


CHAPITRE VI

Des diversités de la voix chez les animaux ; causes de ces diversités ; influence de l’âge et du sexe sur le timbre de la voix ; les mâles ont en général la voix plus grave que les femelles ; exception de la vache ; citations du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme ; conditions matérielles de la gravité et de l’acuité de la voix ; nature du moteur et du mobile ; il faut distinguer la gravité et l’acuité de la voix de sa force et de sa faiblesse ; erreur de quelques naturalistes ; influence de l’âge sur la voix des animaux ; jeunes, ils l’ont plus grave ; organisation du gosier ; influence de la castration sur la voix ; action particulière des testicules, comparés aux pierres que les tisserands suspendent à leurs fils ; influence de la chaleur et du froid sur l’organe de la voix ; flexibilité, rudesse, douceur de la voix ; exemple de la flûte ; citation nouvelle du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme.


§ 1[700]. Pour ce qui concerne la voix des animaux, on peut observer que les uns ont la voix grave, d’autres la voix aiguë, et d’autres encore une voix harmonieuse, à égale distance de l’un et l’autre excès. Il y en a qui ont une voix puissante ; d’autres, une voix très faible ; et il y a dans toutes ces voix de grandes différences de douceur ou de rudesse, de souplesse ou de roideur. Voyons quelles peuvent être les causes de tant de diversités.

§ 2[701]. D’abord, on doit croire que le timbre aigu ou grave de la voix tient à la même cause qui fait que la voix change selon que les animaux sont jeunes ou vieux. Tous les animaux, quand ils sont plus jeunes, ont une voix plus aiguë, excepté les veaux qui ont au contraire la voix plus grave. On peut remarquer la même différence entre les mâles et les femelles. Dans toutes les espèces, la voix de la femelle est plus aiguë que celle du mâle. C’est surtout chez l’homme que cette distinction est sensible. La Nature l’a marquée plus particulièrement dans l’espèce humaine, parce que l’homme est le seul animal qui ait le langage, et que la partie matérielle du langage, c’est la voix. Les bœufs présentent un phénomène tout contraire ; pour cette espèce, c’est la voix des femelles qui est plus grave que celle des taureaux.

§ 3[702]. Pourquoi les animaux ont-ils une voix ? Qu’est-ce que la voix, ou plus généralement le bruit ? C’est ce que nous avons étudié, soit dans le Traité de la Sensation, soit dans le Traité de l’Âme. Mais comme le grave tient à la lenteur du mouvement, et l’aigu à sa rapidité, c’est une question de savoir si c’est le moteur, ou le mobile, qui est cause que le mouvement est lent ou rapide. On a bien dit qu’un grand objet se meut lentement et qu’un petit objet se meut vite, et l’on a vu là la cause qui fait la voix grave ou la voix aiguë des animaux. Cette explication est exacte jusqu’à un certain point ; mais elle ne l’est pas toutefois absolument. § 4[703]. D’une manière générale, on a bien raison de croire que la gravité du son dépend d’une certaine longueur du mobile ; et si cela est vrai, il n’est pas plus facile à un petit objet d’avoir un son grave qu’à un grand objet d’avoir un son aigu. Le son grave de la voix semble être d’une nature plus relevée ; et dans les chants, la basse semble supérieure aux voix moyennes. La supériorité consiste en une suprématie, et la gravité du son est une suprématie d’un certain genre. § 5[704]. Cependant, le grave et l’aigu dans la voix sont autre chose que la force ou la faiblesse de la voix. Il y a des voix fortes qui sont toujours aiguës, et des voix très faibles qui n’en sont pas moins graves. Il en est de même pour les timbres moyens. Pour toutes ces nuances, et, par là, je veux parler d’une voix forte et d’une voix faible, à quelle cause serait-il possible de les rapporter, si ce n’est à la grosseur ou à la petitesse du mobile ? Si donc l’aigu et le grave sont bien en effet ce que les montre la définition qu’on vient de rappeler, il en résulte que les mêmes animaux pourront avoir une voix grave et une forte voix, et que les autres pourront avoir tout à fois une voix aiguë et une voix faible. § 6[705]. Cette théorie nous paraît erronée. Le fait s’explique si l’on se rappelle que le grand et le petit, le peu et le beaucoup, peuvent être pris en un double sens, ou absolument, ou comparativement l’un à l’autre. La force de la voix consiste en ce que le mobile est absolument considérable ; et la faiblesse consiste en ce que le mobile est peu considérable en soi ; mais la gravité ou l’acuité de la voix consiste uniquement dans cette différence de l’un par rapport à l’autre. § 7[706]. Si la force du mobile l’emporte sur la force du moteur, le mouvement doit nécessairement être lent ; si c’est le moteur qui l’emporte, le mouvement doit être rapide. Le moteur, quand il l’emporte, peut par sa force supérieure, s’il meut un grand poids, faire quelquefois que le mouvement soit lent ; et précisément parce qu’il l’emporte, il peut quelquefois aussi le rendre très rapide. Par la même raison, les moteurs faibles, ayant à mouvoir un poids au-dessus de leur force, ne peuvent produire qu’un mouvement lent, tandis que les moteurs qui n’ont qu’un petit poids à mouvoir, font un mouvement rapide.

§ 8[707]. Ce sont là les causes de ces oppositions qui font que les animaux jeunes n’ont pas tous une voix aiguë, ni tous une voix grave, ni que tous en vieillissant, soit mâles, soit femelles, ne l’ont pas davantage. C’est là en outre ce qui fait que, dans la maladie, on a la voix aiguë, comme on l’a également quand on se porte bien. C’est ce qui fait aussi qu’en vieillissant on prend de plus en plus une voix aiguë, parce que cet âge est tout l’opposé de celui de la jeunesse. Si d’ordinaire les individus jeunes et les femmes ont une voix plus aiguë, c’est à cause de leur faiblesse, qui ne leur permet de mettre en mouvement qu’une petite quantité d’air. Une petite masse d’air se remue vite ; et la vitesse est précisément ce qui fait que la voix est aiguë. § 9[708]. Les veaux et les vaches, les uns à cause de leur âge, les autres par leur sexe femelle, n’ont pas beaucoup de force dans l’organe qui leur sert au mouvement ; et remuant beaucoup d’air, ils ont une voix grave. Car le grave est précisément ce qui a un mouvement lent ; et l’air, quand il est en grande quantité, est mû lentement. Les vaches et les veaux en meuvent beaucoup ; les autres en meuvent peu, parce que le vaisseau par lequel l’air entre tout d’abord, a chez les uns une très grande ouverture, et qu’ils doivent nécessairement mouvoir beaucoup d’air, tandis que chez les autres il est plus mesuré. Avec l’âge, cet organe, qui, dans les uns et les autres, met l’air en mouvement, se fortifie de plus en plus ; et ils changent du tout au tout ; ceux qui avaient une voix aiguë la prennent plus grave qu’ils ne l’ont jamais eue ; et ceux qui l’avaient grave, la prennent de plus en plus aiguë. Les taureaux ont une voix plus aiguë que les veaux et les vaches. § 10[709]. Comme, chez tous les animaux, la force est dans les muscles, ce sont ceux qui sont à la fleur de l’âge qui sont les plus forts ; les jeunes ont des membres et des muscles très faibles. Chez les jeunes, la tension des nerfs n’est pas encore suffisamment venue ; chez les vieux, elle se relâche ; et de là vient que les uns et les autres sont également hors d’état de produire le mouvement, à cause de leur faiblesse. Les taureaux sont excessivement musculeux, ainsi que leur cœur ; et, chez eux, cette partie qui leur sert à mouvoir l’air est tendue comme une corde à boyau. Ce qui prouve bien que telle est la nature du cœur des bœufs, c’est que parfois on y trouve un os ; et les os ont bien une tendance à être de la même nature que les muscles.

§ 11[710]. Tous les animaux, quand on les châtre, changent et ils inclinent à la nature féminine ; comme la force nerveuse qui est dans le principe vient à se détendre, ils prennent une voix pareille à celle des femelles. Ce relâchement se produit alors comme il se produit dans la corde qu’on a d’abord tendue, et à laquelle on ôte le poids mis pour la tendre. On sait que c’est là ce que font les tisserands ; ils tendent la chaîne qu’ils travaillent en y accrochant des pierres qu’on appelle des laïes. C’est de la même manière que les testicules sont naturellement suspendus, relativement aux canaux spermatiques ; et ces vaisseaux dépendent de la veine qui va, du cœur, à l’organe même qui met la voix en mouvement. § 12[711]. Aussi, quand les canaux spermatiques viennent à changer, vers l’âge où ils commencent à pouvoir sécréter le sperme, cet organe change en même temps. Avec le changement de cet organe, survient celui de la voix. Il est plus sensible chez les mâles ; mais il a lieu également chez les femelles, quoiqu’il y soit moins distinct. La voix devient alors ce que quelques naturalistes appellent une voix de bouc, quand elle devient rauque et inégale. A la suite de ce changement, les progrès de l’âge développent et constituent la voix grave ou la voix aiguë. Quand les testicules sont enlevés, la tension des canaux se relâche, à peu près comme la corde et la chaîne se détendent quand on en retire le poids. De même, cet organe étant détendu, le principe qui met la voix en mouvement se trouve relâché, dans la même proportion. § 13[712]. C’est là également ce qui fait que les animaux coupés se rapprochent du sexe femelle par le son de leur voix, ainsi que par tout le reste de leur conformation. Le principe qui donne au corps sa vigoureuse tension se détend et se relâche ; mais ce n’est pas du tout, comme le supposent certains naturalistes, que les testicules soient eux-mêmes la connexion de plusieurs principes réunis. Les moindres déplacements peuvent causer de très grands effets ; non pas précisément qu’ils les causent par eux seuls, mais ils les causent quand le principe de la chose vient à changer avec eux. Des principes qui en grandeur matérielle sont peu de chose, peuvent avoir une puissance énorme ; car on doit entendre par principe ce qui peut avoir beaucoup de conséquences, sans avoir rien qui lui soit antérieur et supérieur.

§ 14[713]. Il faut ajouter que la chaleur, ou le froid, du milieu contribue aussi à faire naturellement que tels animaux aient la voix grave et que tels autres aient la voix aiguë. L’air chaud, qui est épais, fait que la voix est grave ; l’air froid, qui est plus léger, produit tout le contraire. On peut bien voir cette influence sur les flûtes. Les artistes qui ont une respiration plus chaude et qui l’emploient à la façon des gens qui gémissent, rendent un son plus grave. Ce qui fait que la voix est rude, ou qu’elle est douce, et qu’elle a telle autre irrégularité, c’est que la partie du corps et l’organe par lequel passe la voix est dur ou lisse, ou, en d’autres termes plus généraux, qu’il est égal ou inégal. § 15[714]. On peut bien le voir quand il y a quelque humidité dans la trachée artère, ou qu’il se produit quelque rudesse dans la voix par suite de maladie ; la voix devient alors inégale. La flexibilité de la voix dépend de ce que l’organe est moelleux ou dur. Un organe moelleux peut se diviser et prendre mille intonations ; un organe dur ne le peut pas. Un organe moelleux et flexible peut tout à la fois émettre le son doucement ou avec force, et produire ainsi l’aigu et le grave. Il laisse aisément ne passer de l’air que ce qu’il veut, parce qu’il devient lui-même grand ou petit à volonté ; mais la dureté de l’organe mâle empêche que rien ne passe.

§ 16[715]. Voilà ce que nous avions à dire pour suppléer à ce qui n’a pas été dit antérieurement dans le Traité de la Sensation et dans le Traité de l’Âme.


CHAPITRE VII

Des dents et des fonctions multiples qu’elles ont à remplir ; les incisives poussent plus tôt que les molaires ; erreur de Démocrite ; ce n’est pas le lait, comme il le croit, qui fait tomber les dents ; cause de l’erreur de Démocrite, qui n’a pas assez observé les faits, avant d’émettre une théorie générale ; sagesse prévoyante de la Nature ; cause de la chute des dents ; les molaires ne poussent que très tard, et, parfois, dans l’extrême vieillesse ; Démocrite n’a vu que la nécessité des choses ; il a omis la fin où elles tendent ; habileté merveilleuse de la Nature dans l’emploi de ses procédés. Résumé.


§ 1[716]. Nous avons antérieurement expliqué, en parlant des dents, qu’elles ne sont pas faites pour une seule et unique fonction, et nous avons dit que les animaux ne les ont pas tous pour le même usage ; mais que chez les uns, elles servent à l’alimentation, que chez d’autres, elles servent à leur défense, et, chez d’autres encore, au langage que forme la voix. Que les dents de devant poussent les premières et que les molaires poussent en dernier lieu ; que les molaires ne tombent pas, tandis que les autres tombent et repoussent, ce sont là des questions qui nous semblent appartenir à des études sur la génération. § 2[717]. Démocrite a traité aussi de ce sujet ; mais il ne l’a pas très bien exposé. Sans avoir examiné d’assez près l’ensemble des faits, il indique, d’une manière toute générale, la cause de la chute des dents. A l’entendre, les dents des animaux ne tombent que parce qu’elles poussent trop tôt. D’après lui, c’est seulement quand ils sont adultes que la pousse des dents serait naturelle ; et c’est parce que les animaux tètent que les dents leur poussent avant le temps. On peut répondre à Démocrite que le porc, qui tète, ne perd pas cependant ses dents. Tous les animaux à dents aiguës tètent et ne perdent pas davantage leurs dents ; quelques-uns, comme le lion, perdent tout au plus leurs canines. Ainsi, Démocrite s’est trompé en se prononçant en général, sans avoir observé suffisamment tous les faits particuliers. § 3[718]. Cette observation des faits est néanmoins indispensable ; et, quand on parle d’une manière générale, il faut nécessairement que la théorie puisse s’appliquer à tous les cas. Comme nous admettrons, en nous fondant sur ce que nous pouvons voir, que la Nature n’est jamais en faute, et que jamais elle ne fait rien en vain, dans tout ce qui est possible pour chaque espèce d’êtres, il y a une nécessité évidente, puisque les animaux doivent prendre de la nourriture après avoir sucé le lait, qu’ils aient des organes pour élaborer leurs aliments. § 4[719]. Si donc les dents ne poussaient qu’au moment de la puberté, comme le veut Démocrite, la Nature aurait négligé quelque chose de ce qu’elle pouvait faire ; et alors, cette œuvre prétendue de la Nature serait absolument contre nature. Tout ce qui est violent est contre nature ; et, selon Démocrite, les dents poussent de force et violemment. Ceci suffit pour montrer que sa théorie n’est pas exacte ; et l’on pourrait y opposer encore bien d’autres objections. § 5[720]. Les incisives poussent avant les molaires, pour deux raisons : d’abord, parce que leur fonction est antérieure, puisque diviser précède broyer, et que, si les molaires servent à broyer, les incisives sont chargées de diviser les aliments. En second lieu, ce qui est plus petit, tout en naissant en même temps que quelque chose de plus grand, doit naturellement pousser plus vite. Or, les incisives sont plus petites que les molaires ; et l’os de la mâchoire en leur endroit est large, tandis qu’il est étroit près de la bouche. Il y a donc nécessité que, d’un organe plus grand, s’écoule aussi plus de nourriture, et qu’il s’en écoule moins d’un organe plus petit.

§ 6[721]. Téter n’a ici aucune influence directe ; mais il est vrai que la chaleur du lait doit faire pousser les dents plus vite ; la preuve, c’est que les enfants qui tètent un lait plus chaud poussent leurs dents plus rapidement que les autres, parce que la chaleur hâte toujours la croissance. Quelques-unes des dents doivent tomber uniquement en vue du mieux, attendu que la pointe s’émousse ; et pour que la fonction puisse continuer à s’accomplir, il faut que d’autres dents les remplacent. Les molaires, qui sont plates, ne peuvent pas s’émousser ; mais, avec le temps, elles s’usent, et elles deviennent toutes lisses. § 7[722]. Les incisives doivent nécessairement tomber, parce que, si les racines des molaires sont placées à la partie la plus large de la mâchoire et dans un os très fort, les racines des dents de devant sont dans un os mince ; ce qui explique leur faiblesse et leur mobilité. Les incisives repoussent, parce que l’os pousse encore quand elles tombent, et qu’il est encore temps que les dents puissent repousser. Ce qui le prouve, c’est que les molaires sont aussi très longues à sortir ; les dernières ne paraissent guère qu’à l’âge de vingt ans ; et les plus retardées de toutes ne poussent, parfois, que dans la vieillesse extrême, parce que la nourriture est longue à s’accumuler dans un os très large. § 8[723]. Au contraire, la partie antérieure de l’os, qui est mince, arrive bien vite à son développement complet ; et il n’y a pas de résidu dans cet os, parce que la nourriture est employée tout entière à la croissance qui lui est propre.

§ 9[724]. Démocrite oublie et néglige la cause finale pour rapporter à une simple nécessité tous les procédés de la Nature. Ces procédés sont nécessaires sans doute ; mais ils n’en ont pas moins un but ; et, en toutes choses, ils cherchent sans cesse à réaliser le meilleur. Rien n’empêche, nous le voulons bien, que les dents ne poussent et ne tombent par suite d’une nécessité ; mais ce n’est point par les motifs indiqués ; et c’est toujours en vue d’une fin qui doit être réalisée effectivement. Les causes alléguées par Démocrite ne sont causes que comme des moteurs, comme des instruments et comme matière. § 10[725]. Ainsi, il y a certainement une foule de cas où la Nature prend pour instrument de ses œuvres l’air et le souffle vital ; et de même que, dans les arts, il y a des instruments qui servent à plusieurs fins, par exemple, dans l’art du forgeron, le marteau et l’enclume, de même aussi l’air peut servir à bien des usages dans les êtres que forme la Nature. Rapporter toutes les couses à une pure nécessité, cela reviendrait à peu près au même que de croire que, dans le traitement de l’hydropisie, le liquide sort au profit du bistouri, et non au profit de la santé, en vue de laquelle le bistouri a dû faire une incision.

§ 11 On doit donc voir, par ce qui précède, pourquoi il y a des dents qui tombent et qui repoussent, pourquoi d’autres dents ne repoussent ni ne tombent, et, d’une manière générale, pourquoi les dents sont ce qu’elles sont. Enfin, nous avons également étudié toutes les autres fonctions des organes qui ne sont pas faits en vue d’une fin, mais qui résultent d’une simple nécessité et de l’action d’une cause qui les met en mouvement.

  1. Jusqu’à présent. Les ouvrages où Aristote a traité déjà des questions qui sont rappelées ici, sont d’abord : le traité spécial des Parties des Animaux, et ensuite l’Histoire des Animaux, où il a étudié, à plusieurs reprises, les organes divers de tous les êtres animés, notamment dans le premier livre, ch. II, pour les animaux en général ; chap. VII et suivants, pour l’homme ; liv. II, ch. I, pour les parties communes à tous les animaux, soit extérieures, soit intérieures ; enfin pour les parties spéciales, dans les chapitres suivants. — Dans ce qu’elles ont de commun… dans ce qu’elles ont de spécial… C’est l’objet de l’Histoire des Animaux, où toutes ces questions ont été discutées très abondamment. — Le but en vue duquel elles sont faites. C’est la cause finale, sans laquelle en effet tout ne serait qu’obscurité dans la nature. Aristote a toujours insisté sur ce principe, qu’il a, le premier, mis en pleine lumière, et qui est le plus indispensable de tous. En traduisant comme je l’ai fait : Sous les choses, j’ai essayé de rendre la force du mot dont Aristote se sert.
  2. Quatre causes diverses. Ce sont les quatre causes ou les quatre principes, qui sont les bases de toute la théorie d’Aristote. Il s’en est spécialement occupé dans la Métaphysique, liv. V, ch. II ; et dans la Physique, liv. II, ch. III. — Le but, qui est la fin même de l’être. Je n’ai pu éviter cette espèce de tautologie, qui se trouve aussi dans le texte. — La notion essentielle. Ceci revient à peu près à l’Idée, telle que l’entendait Platon ; et sur ce point, Aristote se rapproche de son maître, peut-être sans le vouloir. Il remarque d’ailleurs avec raison que les deux premières causes n’en forment guère qu’une seule. — La matière. Ce n’est pas tout a fait une cause, quoi qu’en dise Aristote ; c’est plutôt un élément substantiel de l’être. Au contraire, le mouvement est une cause véritable, puisque sans lui l’être resterait en simple puissance, et ne deviendrait pas actuel, c’est-à-dire, réel.
  3. Déjà. L’expression du texte n’est pas plus précise ; et sans doute il faut regarder cette référence générale comme s’adressant à la Métaphysique et à la Physique, que je viens de citer plus haut. — Parties non similaires… parties similaires. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — Les éléments des corps. On sait que, dans les théories d’Aristote et de toute l’Antiquité, ce sont la terre, l’eau, l’air et le feu. C’est Empédocle, qui a été l’auteur de ces distinctions. Pour nous, les éléments des corps sont beaucoup plus nombreux, puisque la chimie contemporaine reconnaît déjà plus de soixante corps simples ; voir Regnault, Cours élémentaire de chimie, t. I, p. 65.
  4. Dont nous n’avons rien dit. Ceci n’est pas exact ; car il a été tout au contraire grandement question de la génération dans l’Histoire des Animaux, livv. V et VI. Il est difficile de comprendre comment une telle erreur a pu être commise, quand on voit quels développements ont été déjà donnés à ce problème, le plus mystérieux et le plus important de toute la physiologie. Cependant on ne peut douter que l’auteur du traité de la Génération ne pensât à l’Histoire des Animaux, qu’il cite fréquemment. Mais peut-être la restriction qui est faite ici s’adresse-t-elle exclusivement au traité des Parties, où en effet il n’est point parlé de la génération. Voir la Dissertation sur le traité de la Génération et sur sa composition. — C’est au fond une seule et même question. Cette assertion se rattache étroitement à la théorie d’Aristote sur l’action du mâle dans le phénomène complexe de la génération ; suivant cette théorie, le rôle du mâle se borne à communiquer le mouvement, comme celui de la femelle se borne à fournir la matière. — Après tout ce qui précède. Ceci s’applique sans doute à l’Histoire des Animaux, aussi bien qu’au Traité des Parties.
  5. Cette distinction n’existe pas pour toutes les espèces. La science moderne n’a rien à changer à ces théories, fondées sur les faits les plus certains. Il y a des animaux hermaphrodites ; il y en a même qui ont à la fois les deux sexes, et qui tour à tour sont fécondants et fécondés ; enfin, il y en a dont la génération est encore douteuse, malgré les observations les plus attentives. — Parmi les animaux qui n’ont pas de sang. Ce sont surtout les insectes qui sont désignés par là. Les insectes ont du sang ; mais ce sang est blanc ; et c’est cette absence de couleur qui a pu tromper longtemps les naturalistes anciens. — Ils naissent de la terre, qui se putréfie. Ce serait la génération spontanée, que la science moderne a toute raison de repousser. L’erreur d’Aristote, que toute l’Antiquité a partagée, vient de ce que beaucoup d’animaux sont tout à fait invisibles à la vue simple, dans leur état embryonnaire ; on ne les aperçoit que quand ils sont déjà gros : et l’on peut croire alors qu’ils naissent spontanément ; mais le microscope a détruit ces illusions, bien pardonnables de la part des premiers observateurs.
  6. En nageant, en volant, ou en marchant. L’énumération n’est peut-être pas complète ; mais En marchant peut comprendre aussi la reptation des serpents, et l’ondulation de certains insectes. — Quelques-uns de ceux qui n’en ont pas. On sait ce que ceci veut dire ; ces animaux ne sont pas précisément privés de sang, mais leur sang est blanc ; et voilà comment on a pu croire qu’ils sont exsangues. — Qui offre cette différence. C’est-à-dire, la séparation des sexes. — La plupart des espèces. La restriction est justifiée, puisqu’il y a des insectes hermaphrodites.
  7. En effet, tous les insectes… L’observation est juste dans cette première partie ; elle ne l’est plus dans la seconde ; et la même erreur se répète sur les insectes naissants de la terre putréfiée. — De quelques espèces d’insectes. On peut trouver que l’expression est bien générale, et l’auteur aurait pu indiquer les espèces d’une manière plus précise. En général, la reproduction est sexuelle chez les arthropodes, sauf quelques exceptions ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 397, trad. franc.
  8. La raison comprend… La méthode habituelle d’Aristote est de contrôler par la raison les phénomènes que l’observation a d’abord constatés. La raison et l’observation sont les deux éléments de la science ; mais l’observation est la première chronologiquement, si d’ailleurs elle est subordonnée a la raison, qui seule la comprend et la féconde. — Qui ne viennent pas d’autres êtres animés. C’est toujours la génération spontanée. Mais ce paragraphe est assez, obscur, et l’auteur pouvait exprimer plus nettement cette pensée que les animaux nés spontanément, selon lui, ne peuvent avoir de sexes. — Aux parents. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables. — Tout à fait rationnelle. C’est une induction légitime tirée de la pluralité des ras, puisque tous les animaux qui s’accouplent produisent, sans exception, des êtres qui leur sont congénères. — La Nature évite l’infini et l’indéterminé. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; c’est l’indéterminé que la nature évite bien plutôt que l’infini ; et ici l’indéterminé est le contraire de l’individuel, dont la forme est nécessairement définie et limitée.
  9. Les testacés. Voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 117. Les acéphales testacés sont bivalves et immobiles, bien qu’ils aient une masse charnue qu’on appelle leur pied ; ce pied est attaché entre les quatre branchies. — Qui les rapproche beaucoup des plantes. Ce ne sont pas cependant des zoophytes. — Ils n’ont pas plus qu’elles. Le sexe des plantes n’a pas été connu de l’Antiquité.
  10. Ainsi, dans les plantes. Ce paragraphe pourrait bien n’être qu’une interpolation ; la greffe, à laquelle il est fait allusion, n’a rien à faire ici. Il est donc bien possible que ce ne soit qu’une note de quelque scholiaste, qui, de la marge, sera passée dans le texte. — La figue sauvage. Il semble évident que la figue sauvage est opposée ici à la figue cultivée et obtenue par voie de greffe. — Il y a des plantes qui naissent de semence. C’est le cas de toutes les plantes ; mais chez quelques-unes, le phénomène est si ténu qu’il échappe a l’observation. Il y a même un petit nombre de plantes dont la science moderne ne s’explique pas encore la reproduction. Voir le Traité général de botanique de MM. Le Maruit et Derainsne, 1868, p. 120. Les produisait spontanément. C’est-à-dire, sans l’intermédiaire d’autres plantes. — De la terre putréfiée. Même erreur que pour les insectes. — Qui pourrissent. Celle autre erreur a subsisté non moins longtemps. — Comme le gui. Voir le Traité général de botanique de MM. Le Maout et Decaisne, p. 470. Le gui est de la famille des loranthacées, arbrisseaux toujours verts, vivant sur d’autres plantes dicotylédones. Il y a de nombreuses espèces de gui ; mais Aristote ne les distingue pas ici, et il lui suffit de les indiquer d’une manière toute générale.
  11. Étudier les plantes en elles-mêmes. On ne peut pas douter qu’Aristote ne se fût beaucoup occupé de botanique, en même temps que de zoologie, et ce passage-ci le prouverait de reste ; mais il n’avait pas pu pousser aussi loin qu’il l’aurait voulu ses recherches sur cette partie de la nature ; il en avait chargé son disciple Théophraste, qui s’est acquitté admirablement de cette tache ; voir ma traduction de l’Histoire des Animaux, t. I, p. cxcxii. Le traité des Plantes qui nous est resté sous le nom d’Aristote n’est pas digne de lui ; il est apocryphe. — À celles qui précèdent. C’est-à-dire le Traité des Parties et l’Histoire des Animaux ; voir plus haut le début du premier chapitre.
  12. Nous l’avons déjà dit. Plus haut, ch. I, § 5. — Principes et causes. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Principe moteur et générateur… principe de la matière. Voir plus haut, ch. I, § 4. Le mouvement se confond avec la génération. Dans tout ce qui va suivre, Aristote prêtera toujours le même rôle à la femelle ; selon lui, elle ne fait que fournir la matière ; c’est le mâle qui donne la vie. — Comment se forme le sperme. Ce sera l’objet d’une très longue discussion dans les chapitres suivants, ch. X et suiv. de ce livre. — C’est le sperme qui constitue… Il faut se rappeler que, dans la langue grecque, le même mot exprime la liqueur séminale des animaux et la semence des plantes. C’est là comment Aristote peut dire d’une manière générale que tout ce qui naît dans la nature vient de sperme. — De la femelle et du mâle. Dans les théories d’Aristote, les menstrues dans les femelles correspondent à la liqueur séminale dans le mâle. Voir plus loin chapitre XIX. — Les principes et les causes. Ici encore il n’y a qu’un seul mot dans le grec ; mais ce mot a les deux sens que je crois devoir exprimer formellement.
  13. Nous entendons par mâle. Cette définition mérite grande attention ; et aujourd’hui nous aurions peine à en trouver une plus exacte. — Dans un autre… en lui-même. L’expression d’Engendrer n’est peut-être pas très juste ; mais c’est celle même dont se sert Aristote ; la pensée d’ailleurs est fort claire. — Voilà comment, lorsqu’on parle de l’ensemble du monde. Ces métaphores mythologiques et littéraires ne sont guère habituelles à l’auteur : et l’on peut croire, non sans vraisemblance, que ce passade est une interpolation.
  14. Aux yeux de la raison. Aristote a sans cesse rapproché l’observation des faits et la raison intelligente, qui les explique ; ce sont les deux éléments essentiels de la science. — Par certaines parties. Ce sont les organes sexuels, dont la différence est indispensable à la fonction qu’ils doivent remplir. — Rationnellement. Au paragraphe suivant, les organes considérés dans leur fonction seront opposés à la raison, qui comprend la différence du mâle et de la femelle. — Ainsi qu’on vient de le dire. L’auteur semble vouloir excuser cette répétition, qui aurait pu être aisément évitée. — Qui est déjà dans le générateur. Il semble que ceci est en contradiction avec la théorie qui vient d’être indiquée, et qui attribue à la femelle seule la matière de l’être engendré. Mais le texte ne peut pas avoir un autre sens que celui que je lui donne.
  15. Par une certaine puissance. Ou une certaine faculté. Le mot de Puissance répond peut-être mieux aux formules aristotéliques. Le mot de Force pourrait aussi être employé, s’il n’était pas si moderne. — Des parties spéciales. Ce sont les organes sexuels, qui diffèrent dans le mâle et dans la femelle. — On dit bien, en parlant de l’animal entier… La remarque est très juste ; et cette faute de langage est si naturelle qu’on la commet aujourd’hui, comme on la commettait du temps d’Aristote. — Le simple témoignage de nos sens. Qu’Aristote oppose à la raison, comme il vient de le faire plus haut, § 4. La fonction des organes sexuels est aussi évidente que la fonction des yeux ou des jambes.
  16. Ce qu’on nomme les matrices. Cette forme d’expression semble indiquer que le mot était d’un usage assez, récent dans la langue grecque. — Et la verge. Le mot grec n’est pas aussi précis. — Des canaux qui y répondent. Le fait est exact et très bien observé. — Dans les animaux qui n’ont pas de sang. Ce sont surtout les insectes. — Qui ont du sang… de formes différentes. Les animaux qui ont du sang ne font pas exception à cet égard. Chez les autres animaux aussi, les organes du mâle et de la femelle sont toujours différents.
  17. Il suffit du plus petit changement. Toutes ces considérations sont profondes, et aujourd’hui nous ne saurions y rien ajouter. Seulement la castration n’est pas un petit changement : l’organe n’est pas considérable par rapport au reste de l’animal ; mais l’organe enlevé, une fonction essentielle disparaît avec lui ; et c’est là un changement très important. — Légèrement altéré. La castration fait plus qu’altérer l’organe ; elle le détruit. — Le mâle paraisse être une femelle. Ceci est parfaitement exact des eunuques ; la remarque a été cent fois reproduite depuis Aristote. Dans l’ordre animal, le bœuf se rapproche aussi de la vache, en cessant d’être taureau. — Par une partie quelconque. Ceci vient d’être dit sous une autre forme, au § 5. — Ainsi donc. Résumé de la discussion commencée au § 2. — Beaucoup d’autres changements. Par exemple, les mamelles et les menstrues.
  18. N’est pas toujours pareille. Le fait est certain ; et c’est l’objet de l’anatomie comparée de noter toutes ces différences. — Examinons d’abord. On peut remarquer avec quel soin l’auteur trace la marche qu’il veut suivre. — Qui n’ont pas du tout de testicules. Ceci n’est pas exact ; et les reptiles ont des testicules, qui sont placés en eux a peu près comme ils le sont chez les oiseaux. Ils sont dans la cavité abdominale, collés contre la base inférieure des reins, ou en avant de ces viscères, de chaque côté de la colonne vertébrale. Leur forme varie dans les différents genres de cette classe ; elle n’est pas la même dans les batraciens que dans les ophidiens. Voir Cuvier, Ànatomie comparée, 1ere édition, tome V, p. 25, et toute la XXIXe leçon, sur les organes de la génération en général. — L’espèce entière des poissons. Ceci n’est pas exact ; les poissons ont des testicules, dont la structure est très particulière : Cuvier l’a décrite, loc. cit., pp. 27 et suiv. Il distingue d’abord les testicules des raies et des squales, qui se rapprochent beaucoup de ceux des batraciens ; et ensuite, les testicules des autres poissons, connus sous le nom de laite, et qui sont de grands sacs ; leur volume augmente considérablement à l’époque du frai, et ils sont remplis à cette époque d’une matière blanchâtre, opaque et laiteuse. C’est la liqueur séminale. — Qui n’ont que deux canaux spermatiques. C’est là une erreur, fort excusable du reste par la difficulté de reconnaître anatomiquement ces organes. Les détails qui suivent prouvent clairement qu’Aristote avait disséqué avec le plus grand soin, pour se rendre compte de ce qu’il voulait exposer à ses lecteurs. — Tels sont les oiseaux. Ceci est parfaitement exact, et les testicules des oiseaux sont toujours dans la cavité abdominale, en arrière des poumons et sous la partie antérieure des reins. — Les deux conduits qui en partent. Ce sont sans doute les canaux déférents. — Les tortues. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V, p. 26.
  19. Sur le devant du corps. Ceci est très exact ; et l’on ne comprendrait pas qu’il pût en être autrement — Comme le dauphin. Aristote semble ici commettre une erreur. Le dauphin, comme tous les autres cétacés, a les testicules dans l’abdomen, placés à côté des reins, et sans muscle crémaster ; c’est une extension du péritoine qui les enveloppe et les soutient. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, pp. 15 et suiv. — Et ils n’ont pas les canaux. Il s’agit peut-être des canaux déférents ; mais alors l’assertion d’Aristote ne serait pas exacte ; le dauphin a ces canaux, comme les autres cétacés. — Chez les bœufs. Ce serait Taureaux qu’il faudrait dire plutôt. — Indépendant comme chez l’homme. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 63 et suiv. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir ma traduction, liv. III, ch. I, §§ 2, 8, 12, 16 ; liv. V, ch. IV, § 5 ; et liv. VI, ch. VIII, § 5.
  20. Toutes les matrices. Le mot de Matrice est pris par Aristote dans un sens général, et indique l’ensemble des parties dont se compose l’organe femelle. L’anatomie moderne distingue ces parties les unes des autres, et donne à chacune des noms particuliers. — Divisées en deux. D’une manière générale, c’est une fente qui a nécessairement deux bords ; l’assimilation à la forme des testicules n’est pas très juste. — Mais dans l’intérieur. Ceci s’adresse plus spécialement à l’utérus. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V, pp. 136 et suiv. Des organes éducateurs. — Qui pondent… extérieurement. C’est la presque totalité des poissons. — Comme tous les oiseaux. Dans les oiseaux, l’ovaire, qui est unique, est placé sous la colonne vertébrale entre la partie la plus avancée des reins ; voir Cuvier, loc. cit. p. 59. — Crustacés… mollusques. Voir Cuvier, loc. cit. pp. 164 et 188. Dans les mollusques, Cuvier distingue quatre combinaisons différentes d’organes : séparation des sexes avec accouplement et sans accouplement, réunion des sexes avec accouplement réciproque, et hermaphrodisme. Les organes des crustacés sont en général doubles, deux verges et deux vulves ; voir Cuvier, loc. cit. p. 188. — Dans les polypes. Il serait assez difficile de dire précisément quels animaux Aristote veut désigner sous le nom général de polypes. — Une matrice unique. Ceci pourrait faire croire qu’Aristote avait distingué des animaux à plusieurs vulves. — Dans les insectes aussi. Voir sur les organes de la génération dans les insectes, Cuvier, loc. cit. pp. 189 et suiv. — On ne peut pas les distinguer. Nous avons ce grand avantage sur les Anciens de posséder le microscope ; ils devaient se contenter des observations à l’œil nu, dont le champ était d’ailleurs déjà assez vaste.
  21. Les organes spermatiques. La suite prouve que ce sont les testicules, que l’auteur veut désigner par ces mots, et il les nomme précisément quelques lignes plus bas. — Ni les serpents ni les poissons n’ont de testicules. C’est une erreur ; les reptiles ont des testicules assez semblables à ceux des oiseaux : les poissons en ont aussi, mais d’une structure spéciale : voir plus haut, ch. III, § 1, et Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V. pp. 25 et 27.
  22. En vue du mieux. Puisqu’ils ne sont pas nécessaires, comme il a été démontré au § précédent. — N’ont d’autre fonction que de produire. Tous les animaux se reproduisent ; mais c’est aller trop loin que de dire qu’ils n’ont que cette fonction : ce n’est même pas tout à fait exact pour les plantes. — À intestins tout droits… Cette remarque reproduite souvent depuis Aristote est très vraie. Cuvier a donné une attention toute particulière à la question de la longueur des intestins, Anatomie comparée, 1ere édition. tome III, p. 440. En général la longueur des intestins est beaucoup plus grande dans les animaux qui se nourrissent de substances végétales que dans les carnassiers. — Seulement des canaux. Voir plus haut, ch. III, § 2. — Bien plus rapides que les autres. Le fait est exact ; mais la cause qu’indique Aristote, quelque ingénieuse qu’elle soit, n’est peut-être pas la vraie. L’accouplement n’est pas moins prompt chez certains animaux qui ont des testicules extérieurs et indépendants. — Pleins de circonvolutions. Il n’y a que la dissection qui pouvait révéler de tels faits. — Afin que le désir du sexe. Le désir n’en est pas moins violent ; seulement l’acte ne dure pas aussi longtemps.
  23. Tels que les hommes. L’exemple n’est pas très bien choisi, à ce qu’il paraît ; mais cependant les désirs du sexe chez l’homme n’ont jamais autant de fureur que le rut chez les animaux. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir ma traduction, liv. III, ch. I. — Ne font pas partie des canaux. Il s’agit des canaux déférents, qui sont en effet fort distincts des testicules ; mais ce passage, comme tant d’autres, prouve avec quel soin Aristote disséquait, pour pénétrer le secret des organes. — Comme les pierres… La comparaison peut sembler assez bizarre au premier coup d’œil ; mais, au fond, elle est assez juste. — Les fileuses. Il paraîtrait d’après ceci que c’était surtout des femmes qui, en Grèce, exerçaient le métier de tisserands. — Les canaux remontent. Le fait est exact ; et il justifie la comparaison que l’auteur vient d’employer. Mais ce n’est pas parce que les canaux sont remontés que les animaux deviennent stériles ; c’est que les testicules retranchés n’élaborent plus le sperme et qu’il n’y a plus d’érection. — L’on a vu un taureau. Ce fait exceptionnel peut n’être pas impossible.
  24. Voir très bien dans les oiseaux. Cuvier remarque aussi que le volume des testicules varie beaucoup, suivant les espèces d’oiseaux, et dans les individus d’une même espèce suivant la saison. Ce volume augmente considérablement dans la saison des amours, notamment chez le coq et le canard, où la grosseur alors devient extraordinaire ; Anatomie comparée, tome V, p. 24, 1re édition. — Les testicules ne se soient soulevés. C’est la traduction exacte du texte ; mais évidemment c’est de la verge qu’il s’agit, et non pas précisément des testicules.
  25. Ils sont conformés pour l’avoir. Les différences de conformation sont manifestes ; et il semble bien en effet que les oiseaux et les reptiles ne pourraient avoir des testicules extérieurs sans de graves inconvénients. Chez l’homme, les organes génitaux sont assez cachés pour être protégés efficacement par la station droite, ainsi que chez les quadrupèdes eux-mêmes par la disposition des cuisses. — Le membre honteux. C’est la traduction littérale du mot grec. — Les jambes se tendent-elles. La pensée n’est pas très claire ; ce qui est certain, c’est que, dans l’acte de l’accouplement, les quadrupèdes sont forcés de s’appuyer sur leurs jambes de derrière. — La nature des jambes est nerveuse également. Ce rapprochement de la nature des jambes et de la nature de l’organe génital n’est pas juste ; l’organisation est, de part et d’autre, absolument différente. — Avoir cet organe. Cet organe est la verge. — Ou du moins qu’ils ne les aient pas en cet endroit. La restriction est très prudente ; dans le cas signalé par Aristote, les testicules sont à l’intérieur au lieu d’être au dehors.
  26. De la même façon. Ceci n’est pas tout à fait exact ; et en général, le testicule gauche est un peu plus bas que le droit. — C’est la chaleur. Cette explication n’est pas exacte physiologiquement ; et l’émission du sperme tient à d’autres causes.
  27. Excepté le hérisson. C’est certainement une question curieuse que de savoir comment des animaux couverts de piquants peuvent s’accoupler sans se blesser. On voit que cette question avait attiré l’attention d’Aristote ; il ne paraît pas que la zoologie moderne s’en soit occupée : du moins ni Cuvier, ni M. Claus n’en parlent. Le hérisson a les testicules tantôt dans l’abdomen, et tantôt sortant au dehors, sur le scrotum, selon la saison. — Ils s’accouplent debout. Ce fait est très probable ; et sans doute Aristote avait pu le constater : mais la zoologie moderne n’a pas, je crois, renouvelé cette observation.
  28. On voit donc… Ce résumé est peut-être prématuré ; et il serait mieux placé quand l’auteur aura fini la théorie des testicules.
  29. Comme on vient de le dire. Plus haut, ch. V, v§ 1, et ch. IV, § 1. — C’est bien… nécessité. Cette opposition est ordinaire dans les théories aristotéliques. La nécessité est de pure hypothèse ; c’est-à-dire que la conformation de certains animaux étant donnée, ils ne peuvent pas avoir de testicules, du moins apparents. — Nécessité… nécessairement. Cette répétition est dans le texte. — Très rapide. Ceci s’applique particulièrement aux poissons, comme il sera expliqué tout au long dans les paragraphes suivants.
  30. En se frôlant. Le mot du texte exprime un acte plus rapide encore ; et il implique en quelque sorte une chute du mâle sur la femelle. — Forcés… de retenir leur souffle. La raison peut être ingénieuse ; mais le fait est loin d’être certain, et je ne crois pas qu’aucune observation l’ait constaté. — Ils risquent fort de périr. Ceci est de toute évidence ; mais la théorie n’en est pas plus juste. — Ils ne peuvent donc pas. La suite du paragraphe prouve qu’il faut ici une négation ; le mot dont se sert le texte pourrait être pris également en un sens affirmatif. — Régulière. J’ai ajouté ce mot. — En se touchant mutuellement. L’expression dont se sert ici le texte est plus exacte que celle dont il vient de se servir au début de ce §. — Tout cuit. J’ai dû conserver les formules du texte, parce quelles tiennent au fond même des théories d’Aristote. La coction signifie seulement ici que la liqueur séminale a subi toutes les élaborations qui doivent la rendre féconde.
  31. Des canaux tout droits et tout simples. Ce sont sans doute les canaux qui, dans les poissons, répondent aux canaux déférents dans l’homme. — Une petite partie des testicules. Les testicules des quadrupèdes ont des circonvolutions très nombreuses. — Dans le canal redoublé… Tout ce passage, jusqu’à la fin du §, est très difficile à comprendre, parce qu’il faudrait avoir sous les yeux les préparations anatomiques d’où Aristote a tiré cette description. Mais ce qu’on ne saurait méconnaître, c’est l’effort que fait l’auteur pour rapprocher l’organisation des poissons de celle des quadrupèdes. C’est de l’anatomie comparée déjà fort attentive, si ce n’est très bien informée. — Des quadrupèdes. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables. — Une partie qui a du sang… Il est impossible de savoir nettement quelles sont ces deux parties qu’Aristote veut distinguer ; rien dans l’organisation des testicules ne présente la différence qu’il signale. Leur substance présente beaucoup de vaisseaux remplis de liqueur séminale et entrelacés de vaisseaux sanguins. Ces vaisseaux partent en général de l’épididyme. Des circonvolutions de l’épididyine, part le canal déférent, qui remonte jusqu’à la vésicule séminale ; puis, il descend au-dessous et forme le canal éjaculateur. La liqueur séminale entre à ce point dans le canal de l’urètre, venu de la vessie, et elle sort par le gland et le méat urinaire. Cette conformation se répète pour chacun des testicules, dans les animaux où, comme chez l’homme, ces organes sont indépendants et extérieurs. Il n’est pas douteux qu’Aristote a du voir les parties principales de cette organisation ; et le redoublement dont il parle ne peut s’appliquer qu’au canal déférent, d’une part, et au canal de l’urètre d’autre part. Il me semble que c’est là la conjecture la plus probable. — La seconde partie du redoublement. C’est sans doute du canal de l’urètre qu’il s’agit ; il est tout droit en effet, sauf quelques inflexions, à partir de la vessie jusqu’à l’extrémité de la verge.
  32. Ni testicules ni verge. C’est une erreur : les reptiles ont des testicules, qui sont cachés dans la cavité abdominale, contre la face inférieure des reins. Quant à la verge, les chéloniens n’en ont qu’une ; les sauriens et les ophidiens en ont deux, pour la plupart ; les batraciens en manquent complètement : voir Cuvier. Anatomie comparée, 1re édition, tome V, pp. 25 et 113. — Antérieurement. Plus haut, § 1. et ch. III, § 1. — Parce qu’ils n’ont pas de jambes… à cause de leur longueur. Il n’est pas besoin de faire remarquer l’insuffisance de ces explications. — Que des canaux. On pourrait ajouter : « Séminifères ». — La semence se refroidirait. Cette explication ne vaut pas mieux que les précédentes.
  33. Qui ont une longue verge. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 84 et suiv. La verge de l’éléphant est pliée dans son fourreau, en forme de double S. Celle des ruminants a aussi des replis tout particuliers. Dans le chameau, dans le dromadaire et dans le chat, l’extrémité de la verge est repliée en arrière, et de là vient que ces animaux urinent par derrière ; mais dans l’érection, elle se redresse et se porte en avant. — On voit donc bien. La conclusion ne semble pas justifiée par ce qui précède.
  34. Impossibilité de monter. Cette raison est excellente. — De parties pour se saisir mutuellement. Ces parties seraient des membres dans le genre de ceux des quadrupèdes, ou ceux de l’homme. — Ils se séparent plus lentement. L’explication est également très exacte. Sur l’accouplement des serpents, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, § 2, de ma traduction. Le mode d’accouplement des reptiles est fort curieux ; Aristote a bien fait de s’y arrêter. La science moderne y a donné généralement moins d’attention.
  35. Il est assez difficile… Voir Olivier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, pp. 120 et 124. Cuvier remarque que, par une anomalie assez, singulière, les organes de l’accouplement existent moins généralement dans les femelles que dans les mâles. Cela tient à ce que dans beaucoup d’espèces, chez tous les oiseaux, chez la plupart des reptiles, le cloaque tient lieu de ces organes : on conçoit que ces différences de conformation rendent l’observation des faits plus difficile, comme le dit Aristote. — Qui marchent sur le sol. C’est l’expression même du texte ; elle est peut-être un peu générale, à moins qu’elle ne se rapporte uniquement qu’aux vivipares, comme la suite semble le prouver. — Sous les membres. Ou peut-être : « Sous les parties honteuses. » — Les sélaciens. Voir l’Histoire des Animaux, liv. 1. ch. IV et ch. V ; et pour la matrice des sélaciens, ibid., liv. III, ch. I, § 21, de ma traduction. Voir aussi Cuvier, Règne animal, p. 384, édition de 1829. — En bas… en haut. On ne voit pas assez nettement ce que l’auteur entend par le bas et le haut ; il veut sans doute indiquer par là une distance plus ou moins grande au diaphragme.
  36. D’abord, les ovipares… Les ovipares comprennent les poissons et les oiseaux ; il sera question de ces derniers au § suivant. — Des œufs imparfaits. En ce qu’il faut la laite du mâle pour qu’ils deviennent féconds. — Comme chez les plantes. Cette assimilation n’est pas très exacte ; et il aurait été nécessaire de la justifier. — Ne semblent former qu’un œuf unique. Cette observation est ingénieuse ; et l’on ne voit pas que la zoologie moderne l’ait reproduite. — Plantes ou animaux. Ceci répète ce qui vient d’être dit un peu plus haut.
  37. Subsister sans danger. Au dehors, après la ponte. — Pris tout leur développement. A l’intérieur de l’animal. — La coquille se forme. C’est encore une question fort obscure aujourd’hui que de savoir comment se forme dans l’oiseau la partie dure de la coquille. L’action de la chaleur que signale Aristote n’est pas sans doute étrangère au phénomène ; mais elle ne suffit pas pour l’expliquer.
  38. Il y a nécessité. Selon les théories d’Aristote, la Nature, pour atteindre le but qu’elle poursuit, doit nécessairement employer certains procédés ; le but n’est pas nécessaire ; mais une fois le but donné, les moyens le sont ; et sans eux, le but ne pourrait être atteint. — Ne s’y oppose pas. C’est là un principe qu’admet la science contemporaine, aussi bien que le naturaliste grec. — Là où est la fin… accomplit l’acte. Tout ce passage semble dénué de sens à MM. Aubert et Wimmer ; et ils proposent une correction que je n’ose adopter, parce qu’aucun manuscrit ne l’autorise. Il vaut encore mieux suivre le texte tel qu’il est, tout en avouant qu’il est peu satisfaisant.
  39. Les vivipares… Tout ce qui est dit ici des vivipares est très exact : et l’on ne saurait aujourd’hui même y rien ajouter ; seulement, au lieu de vivipares, nous parlerions de mammifères. — Les dauphins, les baleines et autres cétacés. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 281, 285 et 295. Le naturaliste grec est en parfait accord avec le naturaliste français.
  40. Les sélaciens et les vipères. Ce rapprochement n’est peut-être pas très juste, et la science moderne ne l’admettrait pas. Parmi les sélaciens, les uns font éclore leurs petits a l’intérieur ; les autres font des œufs revêtus d’une coque dure et cornée. Quant aux vipères elles font des petits vivants, parce que leurs œufs éclosent avant d’avoir été pondus ; C’est ce qui leur a valu, dit Cuvier, le nom général de vipères, contracté de vivipares. Règne animal, tome II, pp. 383 et 87, édition de 1829. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VI, § 6 ; liv. III, ch. I, § 23, et liv. V, ch. XXVIII, de ma traduction. — Complet… incomplet. Voir plus haut, § 2. L’œuf des poissons est incomplet, en ce que le mâle doit leur donner la vie par sa laite, après que la femelle les a pondus. — C’est qu’ils sont naturellement froids. La raison ici donnée n’est pas très bonne. — Dessécher l’œuf. Voir plus haut, § 3. — Dans ce cas, les œufs seraient détruits. Cette explication est plus acceptable que la précédente. Il est certain que ce n’est pas sans motif que la coquille des œufs d’oiseaux est dure, comme elle l’est.
  41. L’œuf descend en bas. MM. Aubert et Wimnier trouvent avec raison que tout ce passade est corrompu ; et ils proposent une rédaction nouvelle qui donne un sens plus satisfaisant. Mais il me paraît qu’il vaut encore mieux s’en tenir au texte reçu que de tenter une correction arbitraire. La pensée générale est assez claire, si quelques détails ne le sont pas. Les vivipares, dans le genre de la vipère, produisent à l’intérieur un œuf, qui se comporte comme celui des oiseaux : mais c’est seulement quand le petit est éclos intérieurement, qu’il se produit au dehors. — Dans les membres inférieurs. J’ai ajouté ce dernier mot. MM. Aubert et Winimer semblent croire qu’il s’agit ici, comme plus haut, des membres honteux ou organes de la génération ; voir plus haut § 1. — Les animaux de ce genre. Sélaciens et vipères. — La matrice dissemblable. Ce détail, qui ne peut être connu que par la dissection, est fort exact : « Les femelles des sélaciens ont des oviductes très bien organisés, qui tiennent lieu de matrice à ceux dont les petits éclosent dans le corps ; » Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384, édition de 1829.
  42. Descriptions anatomiques… Histoire des animaux. Les Descriptions anatomiques, qu’Aristote cite très souvent, ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Pour l’Histoire des Animaux, voir liv. III, ch. I, §§ 17 et suiv., et liv. VI, ch. X, XI et XII. — Participent… des deux organisations. Répétition de ce qui vient d’être dit, au § 7. — La matrice en bas. Au lieu de l’avoir près du diaphragme. Voir dans l’Anatomie comparée de Cuvier la XXIXe leçon, tome V, pp. 120 et suiv., 1ere édition.
  43. Sous les diaphragmes. Les raisons données ici par Aristote peuvent être acceptables même à la science moderne. — Qui est si important pour la vie. L’expression grecque n’est guère plus précise ; mais il faut se rappeler que, pour Aristote, le centre phrénique, voisin du diaphragme, est le centre principal de la vie. — À cause de la longueur du trajet. L’embryon aurait un trop long espace à parcourir pour naître, s’il était formé trop haut dans l’intérieur de la mère. — Elles provoquent l’avortement. Ces observations se vérifient très fréquemment.
  44. Sont vides. C’est la traduction exacte du texte. L’auteur entend évidemment par là les cas où il n’y a pas de conception, et où la matrice ne contient encore aucun embryon destiné à se développer. — Si elles remontent. MM. Aubert et Wimmer pensent qu’il s’agit ici de désordres hystériques. Il faut remarquer que, dans ce passage comme dans tant d’autres, Aristote prend le mot de matrice dans un sens beaucoup plus large que la science moderne ne peut le prendre. L’appareil générateur chez les femelles se compose de plusieurs parties, qu’Aristote semble avoir confondues sous une seule dénomination. — Celles qui doivent contenir. Ce n’est plus la matrice en général, mais bien l’utérus. — Charnues… membraneuses. La distinction paraît assez exacte. — En deux fois. D’abord, un œuf à l’intérieur ; puis, un petit sortant vivant, après l’éclosion, qui se faite au dedans. — En haut… de côté.. partie inférieure. Tous ces détails attestent bien, après tant d’autres, qu’Aristote disséquait avec le plus grand soin les animaux dont il parlait.
  45. Sont à l’intérieur. Cette observation est fort simple ; mais elle est essentielle ; et il était surtout utile de la faire au début de la science. — Se trouve en elles. Dans cette partie de l’organe qu’on appelle l’utérus. — La chaleur qui le cuit. J’ai conservé fidèlement la formule du texte, qui tient étroitement à toutes les théories d’Aristote. Nous dirions plutôt aujourd’hui que la chaleur développe et non pas qu’elle cuit. La même expression est employée un peu plus bas pour le sperme, qui lui aussi a besoin d’être cuit et élaboré. — Tantôt dehors et tantôt dedans. Quand les testicules sont intérieurs, ils n’ont plus besoin d’être protégés, puisqu’ils le sont par leur position même. Quand ils sont au dehors, ils sont organisés comme il est dit au § suivant.
  46. Se relever. Ce ne sont pas précisément les testicules ; c’est la verge proprement dite. — Une peau qui les recouvre… le scrotum. La bourse où sont suspendus les testicules n’est qu’un prolongement de la peau. Cette bourse est doublée par un tissu cellulaire cotonneux, qui enveloppe les testicules. Une seconde enveloppe est un prolongement du péritoine ; enfin leur tunique propre se distingue par sa blancheur, qui l’a fait appeler Albuminée ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 12, 1re édition. — Il faut de toute nécessité… L’explication est fort ingénieuse ; mais je ne sais pas si la science contemporaine peut l’adopter.
  47. C’est pour cela. Même remarque. Les cétacés ont, il est vrai, les testicules à Tintérieur ; mais il est bien difficile de comprendre quelle est la cause de cette organisation. — Un peu plus haut. Voir ch. VII. § 3, et ch. V, § 1. — L’éléphant et le hérisson… Ceci est exact. — La peau ne serait pas du tout propre… L’observation est juste, si elle s’applique au reste de la peau de ces animaux ; mais pour les testicules, la peau pouvait être modifiée, comme elle l’est dans l’homme.
  48. Les matrices. Il faut toujours se rappeler que, par le mot de Matrice. Aristote comprend et confond toutes les parties de l’appareil de la génération chez les femelles. Son observation sur la différence des matrices n’en est pas moins juste. — Les ovipares. Oiseaux et poissons. — Sous les deux formes. Comme les trois premières classes de reptiles, et particulièrement la vipère.
  49. Au bas du ventre. Ceci n’est pas applicable à tous les mammifères. — L’homme, le bœuf, le chien. J’ai conservé la formule du texte, qui s’adresse au genre entier, sans tenir compte de la différence des sexes. — Qu’aucun poids ne presse la matrice. Cette cause finale est très vraisemblable. — Un conduit spécial. Tous les détails qui suivent sont d’une complète exactitude, dans leur généralité. — Des parties sexuelles. Voir plus haut, ch. III, § 1. — Le sperme… les menstrues. Qu’Anstote assimile l’un à l’autre. — Ce conduit… Tous ces détails sont très exacts.
  50. Dans l’aine. Peut-être le mot de ma traduction n’est pas très convenable ; celui de Hanche ne le serait pas davantage ; je n’en ai pas trouvé de meilleur. La région qu’Aristote veut indiquer est celle qui correspond au bassin, chez l’homme et les quadrupèdes. — Dans les animaux qui n’ont pas de verge. Il eût été bon de désigner plus précisément ces animaux. — Les tortues. On sait qu’entre les reptiles la tortue a, par exception, une vessie qui est relativement très grosse. Quant aux oiseaux, ils n’urinent point ; et leur urine se mêle aux excréments solides. Le rectum, les uretères, et les canaux spermatiques aboutissent au cloaque ; qui est ouvert extérieurement par l’anus ; voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 309, édit. de 1829.
  51. En vue de la génération. Cette théorie est peut-être trop exclusive ; et l’organe sert à la fois aux deux fonctions. — Comme la nature du sperme est liquide. L’appareil spermatique est très distinct de l’appareil urinaire, dans une foule d’espèces. — N’ont pas d’excrément liquide. Notamment les oiseaux, sauf l’autruche. — Les conduits spermatiques. On peut trouver que cette expression est bien vague. — En vue des embryons. Qui doivent pouvoir sortir vivants du sein de leur mère.
  52. Ils participent des deux natures. Voir plus haut, ch. VII. § 7. — Le point où naissent les œufs. Ces détails ne peuvent être connus que grâce à l’anatomie et l’on ne peut douter qu’Aristote n’ait beaucoup disséqué, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer plus d’une fois.
  53. Dans ces espèces d’animaux. Ce sont ceux qui produisent un œuf au dedans, et au dehors un petit vivant. — Aucun de ces animaux n’a de verge. C’est une erreur, s’il s’agit des reptiles tels que la vipère. Les chéloniens ont une verge ; les sauriens et les ophidiens en ont deux ; les batraciens en manquent entièrement. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V. p. 113, 1re édition. Seulement, Aristote fait une restriction ; il ne nie pas absolument que ces animaux aient une verge ; mais il dit que cette verge n’est pas indépendante, comme elle l’est dans bien d’autres animaux. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, ch. II, § 6, et ch. III § 3. — De même que les matrices des ovipares. La science moderne, éclairée par des observations anatomiques plus complètes, ne serait pas de cet avis. — Ils sont surajoutés. On pourrait traduire encore : « Ils sont adhérents, » Cuvier dit aussi que les testicules sont collés, dans les reptiles, contre la face inférieure des reins, ou en avant de ces viscères, de chaque côté de la colonne épinière ; loc. cit., p. 25.
  54. En même temps que les canaux. Cette expression est trop vague pour qu’on puisse savoir précisément à quoi elle n’applique. — Les deux canaux se confondent en un seul. Il est évident qu’il s’agit des canaux déférents, qui, remontent du testicule, s’infléchissent un peu au-dessous des vésicules séminales, et qui, à la suite des canaux éjaculateurs, se réunissent dans le canal de l’urètre pour que l’émission ait lieu par le méat urinaire. — Dans les approches de la verge. La verge commence un peu au-dessous de la glande de Cooper et de la vessie. — Dans les dauphins. Ceci semble bien être une addition faite par une main étrangère, quoique le fait soit exact. Le dauphin a des testicules, qui ne sortent jamais de l’abdomen. C’est un fait bien constaté.
  55. Chez les animaux qui ont du sang. J’ai ajouté ces mots, qui complètent l’expression, et qu’autorise la suite du contexte, où les animaux privés de sang sont opposés aux autres. — Dans toutes les espèces. D’animaux exsangues.
  56. Quatre genres d’animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, de ma traduction. — Crustacés…, mollusques…, insectes…, testacés. La science moderne a conservé encore toutes ces distinctions ; mais ces animaux ne sont pas privés de sang, comme le dit Aristote ; ils ont du sang, qui est blanc, au lieu d’être rouge. L’ordre dans lequel Aristote range les quatre genres n’est pas très régulier. — On ne sait pas clairement. Aujourd’hui même, on n’est pas tout à fait fixé sur tous les détails de la reproduction de ces animaux. — Plus tard. Voir plus loin, liv. III, ch. VIII et ch. IX.
  57. L’accouplement des crustacés. Voir l’Histoire des Animaux, où cette question a été déjà traitée, liv. V, ch. VI, § 1, et ch. XIII, § II., de ma traduction. — Celui des animaux qui urinent par derrière. C’est une erreur, à laquelle a donné naissance la conformation de la verge à l’état de repos chez ces animaux. — En sens contraire. L’une s’abaissant, et l’autre se relevant. Sur les crustacés, voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 183, et tome IV, pp. 7 et suiv., édition de 1829. Linné avait eu le tort de confondre les crustacés avec les arachnides et les insectes. — Les mâles… et les femelles. Ces observations n’ont pas été sanctionnées par la science moderne ; il paraît que les organes sexuels des mâles sont toujours doubles, et placés sous la poitrine, c’est-à-dire à l’origine de la queue. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 12. Ici encore, on peut voir avec quel soin Aristote observait les faits que l’anatomie pouvait seule lui révéler.
  58. Les mollusques s’accouplent. Cuvier reconnaît quatre modes d’accouplement des mollusques : sexes séparés avec accouplement ; sexes séparés sans accouplement ; sexes réunis avec accouplement réciproque ; et enfin hermaphrodisme parfait, les deux sexes étant réunis dans le même individu, qui se féconde. Aristote n’a pas fait ces distinctions ; Cuvier. Anatomie comparée, tome V. pp. 164 et suiv. — En s’appuyant mutuellement sur leur bouche. Je ne vois rien dans la science moderne qui confirme ces observations d’Aristote ; elles ne doivent pas cependant manquer de quelque vérité. — Sur les Parties des Animaux. Voir ce traité dans ma traduction, livre IV, ch. IV. §§ 4 et 5 et suiv. Dans beaucoup de mollusques, il n’y a qu’une seule ouverture pour recevoir les aliments et pour en expulser le résidu. — Dans chacune de ces espèces. L’expression est bien générale : il aurait fallu indiquer plus précisément les espèces auxquelles il est fait allusion. — La femelle a une matrice. A quelle espèce ce détail se rapporte-t-il ? C’est ce qu’il est difficile de savoir. — Dans cet état incomplet. C’est-à-dire sans doute que le mâle doit passer sur ses œufs pour les rendre féconds.
  59. Dans les crustacés. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, p. 188. — Dans les mollusques. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. V, §§ 1 et suiv. de ma traduction. — Un seul et même canal… sa laite. Ceci suppose qu’Aristote connaissait l’hermaphrodisme d’une grande partie des mollusques. La matrice concerne l’organe femelle ; la laite concerne l’organe mâle ; et les deux semblent réunis dans le même individu, d’après ce passage, bien que l’auteur ne le dise pas formellement. — Dans le dessous du corps. C’est exact ; mais on pouvait indiquer le lieu plus précisément. — Le manteau. Tous les mollusques n’ont pas le manteau, qui est un développement de la peau, recouvrant le corps ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 4, édition de 1829. — L’accouplement du mâle et de la femelle. Aristote revient ici à la séparation des sexes, qu’il paraissait réunir dans ce qui précède. C’est qu’en effet ces diverses organisations se retrouvent dans les espèces différentes de mollusques. — Dans les polypes. Sur l’accouplement des polypes, voir l’Histoire des Animaux, livre V, ch. V, §§ 1 et suiv. ; et aussi, liv. IX, ch. XXV, § 22, n, de ma traduction. Aristote comprend beaucoup d’espèces de mollusques sous le nom de Polypes ; il est difficile de savoir de quelles espèces il s’agit ici. Quant à la fonction des tentacules, on n’est pas beaucoup plus fixé aujourd’hui qu’on ne l’était dans l’Antiquité. — En dehors du canal. Sous-entendu, Spermatique.
  60. Parfois, les mollusques… Ce paragraphe n’est guère qu’une répétition du précédent. — On n’a pas pu savoir encore. Ceci montre une fois de plus avec quel scrupule d’attention Aristote observait les choses.
  61. Des insectes qui s’accouplent. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 312 et suiv., édition de 1829. — Ce ne sont pas des êtres congénères. Aristote évidemment veut parler des métamorphoses des insectes. Le papillon femelle pond des chenilles, qui deviennent chrysalides ; c’est de la chrysalide que sort un nouveau papillon ; il y a là trois états successifs, larve, nymphe et état parfait. C’est uniquement dans le dernier état que l’animal peut produire ; Cuvier, loc. cit. 9 p. 315. — Non plus d’animaux vivants. C’est alors la génération spontanée ; on a cru à cette théorie jusque dans ces derniers temps ; et il y a même encore des naturalistes qui la soutiennent. Dans l’Antiquité, cette erreur était pardonnable, puisqu’on n’avait pas le microscope à sa disposition, et qu’à l’œil nu, il était impossible de distinguer bien des choses. — Les psylles. J’ai du conserver le mot grec, parce que l’identification n’est pas certaine. Voir l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. XXVI, § 2. Dans la science moderne, les psylles sont des hémiptères ou faux-pucerons ; ils sont en général sur les arbres ; ils vivent avec les végétaux eux-mêmes. Voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 224 ; et M. Claus, Zoologie descriptive, p. 590, trad. franc. On a cru aussi que les psylles sont des puces. — Les mouches, les cantharides. D’après la construction de la phrase, Aristote semblerait croire que les mouches naissent de la corruption. Ce serait là une erreur que la moindre observation pouvait prévenir ; rien n’est plus facile que de voir l’accouplement des mouches. — Il y en a d’autres. C’est peut-être à ces derniers insectes que s’applique la théorie qui les fait naître de matières putrescibles. — Les empides. Ce sont des insectes diptères, de la famille des tanystomes ; on y a reconnu des sexes fort distincts ; Cuvier, loc. cit., tome V, p. 459. Les larves habitent dans la terre ; et de là sans doute sera venue l’erreur d’Aristote. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 604, trad. franc. — Les taons. Voir l’Histoire des Animaux, où Aristote commet la même erreur, liv. V, ch. XVII, § 11, n., de ma traduction.
  62. Les femelles sont plus grosses. Observation très exacte. — On n’a pas découvert de canaux prolifiques dans les mâles. On avait donc cherché à découvrir ces canaux, dont la ténuité se sera dérobée à l’attention des observateurs. — Dans la plupart des cas. L’expression est peut-être trop générale. Sur la génération des insectes, voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 189, 1ere édition. — La femelle qui introduit quelque chose. Le fait n’a rien d’impossible ; mais il ne paraît pas constaté. — Établir par là des divisions en genres. Ceci montre bien qu’Aristote cherchait avec grand soin des bases de classification.
  63. Dans la plupart des poissons. Ici encore ; l’expression peut sembler bien générale. — Mieux supporter le poids. Cette explication est acceptable, si le fait est aussi exact que le croit Aristote. — Près de l’intestin. Les organes femelles chez les insectes sont beaucoup plus uniformes que les organes mâles. Ils consistent le plus ordinairement en un oviducte commun, ouvert à la vulve, et se divisant et se subdivisant en un certain nombre de boyaux plus ou moins longs ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 197, 1er édition. — Que se logent les embryons. Les œufs sont disposés dans l’intérieur de manière que les plus gros sont les plus près de l’oviducte, et que les autres, diminuant sans cesse, deviennent presque imperceptibles. — Sur les sauterelles. Les sauterelles ont de chaque côté une trentaine de tubes courts, contenant trois ou quatre œufs visibles, réunis en deux masses ovales par une humeur muqueuse ; Cuvier, loc. cit., p. 198. — Extrêmement petits. Aussi, Aristote conseille-t-il souvent d’observer surtout les individus les plus gros, où les choses sont plus visibles.
  64. Dont il n’avait pas été question antérieurement. Il semble que ceci se rapporte aux crustacés, aux mollusques et aux insectes, dont il n’a été parlé qu’après les autres animaux ; mais peut-être faut-il rapporter cette phrase aux organes, et non point aux animaux mêmes. — Les éléments similaires. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, §§ 1 et suiv. — Plus tard. Voir plus loin, liv. IV, ch. VIII. L’étude consacrée au lait ne tiendra pas à beaucoup près autant de place que celle du sperme.
  65. Pour les insectes et pour les mollusques. On ne peut pas douter que ces deux ordres d’animaux liaient de la liqueur séminale, puisqu’ils ont tous les organes propres à la sécréter et à remployer ; mais l’observation sur les petits animaux est très difficile ; et voilà comment Aristote doit avouer son ignorance sur cet obscur sujet. — Si tous les mâles. A cet égard, il semble que l’affirmation est évidente. La fonction propre fin mâle est l’émission de la liqueur fécondante.
  66. Il y aura en outre à rechercher. On peut voir avec quelle attention Aristote divise les questions qu’il se propose de traiter. — Les femelles… C’est encore une question pour la science moderne, comme c’en était une pour l’Antiquité. — Elles concourent à la génération. Bien que tous les phénomènes soient aujourd’hui mieux connus que jamais, il nous reste encore bien des choses à apprendre, sur les rapports des deux sexes dans la génération, et sur la part qu’y ont chacun d’eux.
  67. Une autre question. Cette question nouvelle a beaucoup de ressemblance avec celles qui précèdent ; mais elle concerne les mâles plus spécialement. — Apportent, par cette liqueur. Cette question n’est pas encore absolument résolue. — Du sperme… les menstrues. Pour Aristote, les deux sécrétions ont beaucoup d’analogie, et il insistera souvent sur ce point de vue, qui est très soutenable.
  68. Tous les animaux viennent de sperme. Ceci paraît un peu contredire le § 2 ci-dessus. — Viennent toujours des parents. Qui les ont élaborés et qui les émettent à certaine époque de leur vie. — Une même question. L’identité des deux questions n’est peut-être pas aussi forte qu’Aristote semble le croire. — La raison nous porte à croire. L’auteur en appelle à la raison, parce que les phénomènes ne sont pas assez connus, et parce qu’il est très difficile de les bien observer.
  69. Quelques naturalistes. Parmi lesquels il faut comprendre Empédocle, comme la suite le prouve. — Vient de toutes les parties du corps. La science moderne ne se pose pas cette question ; et pour elle, le sperme s’élabore surtout dans les testicules ; mais l’émission de la liqueur séminale a une telle influence, sur l’organisme entier, que l’on comprend très bien comment on s’est posé la question que discute le naturaliste grec. — La violence du plaisir. Ce premier argument n’est peut-être pas très fort ; mais l’émotion s’y fait sentir dans le corps entier, par la prostration qui suit toujours l’acte vénérien. — Naissent des jeunes contrefaits. Ce fait n’est pas aussi général que le croyaient sans doute les naturalistes qu’Aristote combat : de parents contrefaits, il naît souvent des enfants qui sont très bien faits ; et à l’inverse. — Un autre argument. C’est le troisième. — Enfin. Quatrième et dernier argument. C’est dans le chapitre suivant que l’auteur réfutera ces théories.
  70. D’autres preuves. Aristote n’en cite qu’une seule, qui d’ailleurs est assez forte. — Congéniales… accidentelles. Le fait est, certain : et il a été observé bien des fois, quoique certains zoologistes le contestent. Les mêmes remarques sont déjà consignées dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, § 6. — A Chalcédoine. En face de Byzance, sur le Bosphore, en Bithynie. — La lettre. Ou peut-être, d’une manière plus générale, Un signe quelconque. C’était une sorte de tatouage, usité dès cette époque.
  71. En approfondissant la question. On voit quelle importance Aristote attache à cette question. — L’opinion contraire. Les raisons qu’Aristole en donne sont péremptoires.
  72. La ressemblance. C’est le troisième argument ; voir au chapitre précédent, § 6. — La voix, les cheveux, les ongles. C’est, à ce qu’il semble, résoudre la question par la question, puisque les partisans de la théorie contraire soutiennent que le sperme vient de toutes les parties du corps, y compris la voix, les cheveux, les ongles comme tout le reste. — Les enfants ressemblent… les ressemblances. Voir sur tous ces faits l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv. de ma traduction. — A Elis. Cet exemple est cité aussi dans l’Histoire des Animaux. id., ibid, § 8 ; seulement il y est dit : Une femme sicilienne ; quelques manuscrits disent aussi ; Une femme de l’Elide, comme ici. — Ethiopien. En d’autres termes, Nègre. Le fait n’est pas impossible.
  73. La même observation à des plantes. Il est probable que tout ce § est une interpolation ; et en tout cas, la comparaison n’est pas assez développée ni assez claire.
  74. Des parties similaires. Voir le début de l’Histoire des Animaux. L’objection est très forte. — Visage, mains et pieds. Qui sont des parties non similaires, composées elles-mêmes de parties similaires. — Si ces ressemblances. Celles des parties non similaires. — Des autres. Les ressemblances des parties similaires ; mais il serait bien impossible de constater ces dernières ressemblances.
  75. De toutes les parties du corps. Comme on le soutient dans la théorie que combat Aristote. — Par la chair et par les ongles. Qui sont des parties similaires, du moins dans les théories aristotéliques.
  76. Le mode de la génération. L’expression du texte n’est pas plus claire que ma traduction ; et le commentaire de Philopon n’éclaircit pas les choses davantage. Si le sperme vient des parties similaires en même temps qu’il vient des parties non similaires, comment se forme-t-il dans les unes et dans les autres ? Comment de leur mélange sort-il un produit unique ? Il semble que la liqueur séminale devrait être différente pour des parties différentes aussi. — Il en est absolument en ceci. Le texte n’est pas aussi précis que ma traduction ; mais je ne crois pas qu’il puisse avoir une autre signification que celle que je lui donne. Les lettres jouent le même rôle que les parties similaires dans le corps ; et c’est parce que chaque lettre a un sens que le mot entier résultant de leur combinaison en a un. D’ailleurs, cette comparaison n’est point assez : développée pour servir à faire mieux comprendre le reste.
  77. Les chairs et les os. Qui sont des parties similaires. — Formés de feu et d’éléments analogues. Pour l’Antiquité, le feu, la terre, l’eau, l’air étaient des corps simples, dont tous les autres corps étaient composés. Les quatre éléments répondaient aux corps simples de la chimie actuelle. — Vient des éléments. Qui sont antérieurs aux parties similaires, qu’ils composent, comme celles-ci sont antérieures aux parties non similaires. — Il n’y a pas de ressemblance possible. Puisque c’est de la combinaison des premiers éléments et de la combinaison des parties similaires, que se forme le corps entier, d’où l’on prétend que doit venir la liqueur séminale.
  78. Aï les parties sont séparées. Cette pensée ne paraît pas faire une suite régulière à celles qui précèdent. — Que fait-on. L’expression du texte est un peu plus vague encore. — Des parties. Ici encore le texte est moins précis. — Des organes honteux. Les organes du sexe étant différents dans le mâle et la femelle, il est bien à présumer que leur fonction n’est pas moins différente, et qu’ils ne produisent pas une liqueur identique. — Il y aura deux animaux. C’est une conséquence nécessaire, si l’on admet que le sperme vient du corps tout entier, et que chacun des parents fournit son sperme particulier. — Des deux. Parents, sous-entendu.
  79. Empédocle. La théorie d’Empédocle est indiquée dans ce qui suit ; mais la citation est tronquée. — Parfaite et totale. Le texte n’est pas aussi précis. Le mot dont il se sert fait allusion aux deux fragments qui se rejoignent pour former une pièce entière. J’ai conservé cette allusion autant que je l’ai pu par le mot de Concours. — Des organes. Le mot grec signifie proprement Membres. — N’enfantent-elles pas à elles seules. L’objection est irréfutable, du moment qu’on suppose que le sperme vient isolément du corps entier des deux parents.
  80. Autant qu’on peut le savoir. La restriction est prudente dans des questions aussi obscures. — Des éléments identiques. Le fait est de toute évidence ; et bien que souvent Àristote voie une liqueur séminale dans les menstrues, il les distingue toujours du sperme. — Il est besoin qu’ils se réunissent. Parce que, isolés l’un de l’autre, ils sont inféconds, sauf les espèces hermaphrodites. — Dans le système d’Empédocle. J’ai ajouté ces mots qui m’ont paru nécessaires et qui ressortent du contexte. — Bien des têtes naquirent sans leur cou. Aristote cite encore ce vers d’Empédocle dans le Traité de l’Ame, liv. III, ch. VI, § l, de ma traduction.
  81. Le sperme vient de tout le corps. Théorie qu’Aristote tient essentiellement à combattre, et qui aujourd’hui a complètement disparu de la science, bien que Buffbn la soutienne encore, tome XI, p. 374, édition de 1830. — Ceux-là. C’est-à-dire, les naturalistes que réfute Aristote, et qui soutenaient que le sperme vient de toutes les parties du corps. — Naissent toutes continues. C’est-à-dire, avec tout le développement qu’elles comportent ; j’ai conservé le mot du texte, bien qu’il soit assez obscur. — Lieu. C’est le mot même du texte : mais le lieu ne signifie ici que le résultat total, le produit unique sorti de la réunion des parties.
  82. Se séparer et se distinguer. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec. — De comprendre quoi que ce soit. La critique peut paraître bien sévère ; l’expression même du texte est encore plus dure. — Les parties. Similaires et non similaires, comme la suite le prouve. — Le sang n’est pas… uniquement du sang. MM. Aubert et Wimmer trouvent avec raison que cette phrase est obscure ; et le commentaire de Philopon ne l’éclaircit point. Le § suivant, qui semble compléter la pensée de celui-ci, n’est pas non plus d’un grand secours.
  83. Ce qui provient. L’expression du texte est tout aussi vague. Il faut entendre par là le produit des sécrétions dans tous les organes du corps. Le sang, par exemple, produit d’autres fluides, qui ne sont plus du sang, l’urine, la bile, la salive, la liqueur séminale, etc. — De quelque chose qui n’est pas du sang. La nourriture que prend l’animal n’est pas du sang ; mais elle devient du sang par les élaborations successives qu’elle reçoit. Elle est donc autre que le sang ; et c’est de ce corps différent du sang que le sang provient, de même qu’il donne aussi naissance à d’autres corps. — Il est tout aussi clair. Cette conséquence n’est pas aussi évidente que l’auteur semble le croire. — Le sperme ne vient que d’une seule de ces parties. Le texte n’est pas aussi précis. — Puisque le sang ne vient pas du sang. La liaison de ces idées ne paraît pas suffisante ; il semble qu’il manque ici quelque développement indispensables que l’auteur seul aurait pu donner à sa pensée. — Toutes choses. Quelques traducteurs ont compris qu’il s’agissait ici des parties, et non pas des choses en général ; j’ai cru devoir conserver l’indécision du texte, que semble justifier ce qui est dit dans le § suivant.
  84. Celle d’Anaxagore. Voir la Métaphysique, liv. I, ch. III, § 20, et ch. VII, § 38 ; et liv. IV, ch. V, § 4, de ma traduction. Il ne semble pas que les Homœoméries d’Anaxagore puissent être identifiées avec les parties similaires des animaux, telles que les entend Aristote. — À toutes choses. Et non pas seulement à l’organisation animale, comme Aristote lui-même le remarque. — Les philosophes dont nous parlons. Le texte dit simplement : « Ceux-ci. » On sait que les parties similaires ou Homoeoméries d’Anaxagore sont éternelles — Pourraient-elles s’accroître et se développer. Il ne semble pas que cette objection s’applique uniquement au système que combat Aristote ; elle s’applique également au sien ; et la croissance des corps est aussi mystérieuse que la vie même qui les anime. — Grâce à la nourriture. Le fait est évident ; mais ce qui ne l’est pas, c’est la force qui modifie les aliments et les convertit en la substance du corps, selon les organes. — Que le sperme vient de tout le corps. Le texte n’a pas cette précision ; et il se sert d’une expression indéterminée.
  85. Immédiatement produire du sang… Il semble que c’est attribuer au sperme une fonction nouvelle dont il n’a pas été parlé jusqu’ici. D’après cette théorie, ce serait le sperme qui serait cause de la croissance de l’embryon et de tout son développement. On ne voit rien de pareil dans le système de ceux qui soutiennent que le sperme vient de toutes les parties du corps, d’après l’exposition même qu’Aristote fait de ce système. — Le vin s’accroît. La comparaison ne semble pas juste, en ce sens que c’est bien plutôt le liquide qui s’accroît en quantité ; mais le vin même disparaît au fur et à mesure que l’on y ajoute de l’eau. — Dans l’état actuel des choses. Le texte dit simplement : Maintenant. — Qui dépasse trop notre intelligencee. Mot à mot : « Trop au-dessus de nous. » — Pour que nous la discutions. J’ai du ajouter ces mots pour compléter la pensée.
  86. Les deux sexes. Ces mots explicatifs ont été encore ajoutés ; le texte dit seulement : « Femelle et mâle. » — Empédocle. Voir les Fragments d’Empédorle, édit. Firmin-Didot, p. 10. Le vers que cite Arisiote paraît avoir appartenu au second livre des Choses physiques d’Empédocle. — On voit cependant… L’objection est très forte ; et les sexes ne sont pas séparés dès le moment de la conception, puisque les mêmes individus ont tantôt des enfants mâles et tantôt des enfants femelles. — Ils deviennent féconds… Le fait est assez fréquent. — Elle tient à ce que le fluide… Cette explication n’est peut-être pas plus vraie que celle qu’elle prétend réfuter ; mais il faut dire aussi que, sur ce point, la science moderne n’est guère plus avancée. — Quelque autre cause. Cette restriction prouve que l’auteur lui-même sent que sa théorie est insuffisante. Autrement, il n’aurait pas cette hésitation.
  87. Il est donc bien évident. Cette formule, qu’Aristote emploie très souvent, n’est pas toujours justifiée ; et ici particulièrement, la pensée n’est pas exprimée assez clairement pour qu’on puisse parler d’évidence. — Dont il sortirait. J’ai ajouté ces mots qui me semblent indispensables. — L’organe spécial. Ce sont les parties génitales dans l’un et l’autre sexe. Indifféremment devenir femelle ou mâle. Le fait est exact. — De cette partie. C’est-à-dire, des organes qui distinguent les sexes l’un de l’autre. Si des organes des parents ne viennent pas les organes des jeunes, on peut en dire autant de tous les organes. — De la matrice. En ce qui concerne la jeune femelle, ou des organes mâles en ce qui concerne le jeune mâle.
  88. Les mouches, par exemple. Cette erreur est assez singulière ; car l’observation est très facile ; et l’accouplement des mouches est si évident qu’il est presque impossible de le méconnaître. — Pucerons. Le texte dit ici, comme plus haut, Psyles, ch. IX, § 7. — C’est une sorte de larves. Pour les mouches, ce sont des œufs qu’elles pondent. — Que ces êtres hétérogènes. L’expression n’est pas juste ; ce ne sont pas des êtres hétérogènes ; mais ce sont les métamorphoses naturelles d’êtres du même genre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVI, § 2.
  89. Un autre argument. Contre cette théorie qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Un grand nombre d’êtres. Ou de Petits. Cette multiplicité des produits, à la suite d’un seul accouplement, peut s’observer sur les animaux supérieurs, mais surtout chez les animaux moins élevés ; on la voit spécialement chez les insectes. — C’est tout à fait le cas des plantes. Aristote se complaît, à ce qu’il semble, dans ces relations entre les plantes et les animaux ; et il fait déjà de la biologie au sens où l’entendent les Modernes. Mais on peut trouver qu’ici, comme plus haut, même chapitre, § 3, ces relations sont bien éloignées et bien peu frappantes. — D’un seul mouvement. J’ai conservé la formule du texte ; mais on voit que l’expression est bien vague. J’aurais pu préciser davantage ; mais comme la fécondation des végétaux n’était pas connue des Anciens, j’ai craint de préciser par trop les choses, en changeant le mot de Mouvement en un mot mieux défini. — Multiple. J’ai ajouté ce mot, qui ressort du contexte. — Semence. On pourrait traduire aussi par Sperme ; mais comme le mot grec peut tout à la fois s’appliquer aux plantes et aux animaux, j’ai cru devoir conserver, en notre langue, un mot qui eût aussi cette double acception. — Une seule séparation. L’expression est bien obscure ; elle peut s’adresser tout a la fois, et à la séparation des sexes, et au jeune, se détachant des parents. — Cette séparation. Sous-entendu : Des sexes. — D’une jeune plante. Le paragraphe suivant complète la pensée, du moins en partie.
  90. Les marcottes. Le mot grec ne paraît avoir tout ce sens ; seulement, c’est un participe au lieu d’un substantif. L’exemple du règne végétal n’est pas ici plus décisif que les exemples du même genre invoqués plus haut.
  91. Surtout des insectes. Cet argument qu’Aristote croit le plus fort n’est pas plus péremptoire que les précédents. D’ailleurs, l’accouplement des insectes, tel qu’il le décrit pour certaines espèces, n’est pas exact. — Si ce n’est dans tous. La restriction est à remarquer ; mais elle n’est pas justifiée par les faits. Il paraît, bien d’après les observations les plus modernes, que l’accouplement des insectes a lieu comme celui des mammifères, et que l’organe du mâle s’introduit dans celui de la femelle, pour y déposer aussi des spermatozoïdes ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 80 de leur édition et de leur traduction. — Antérieurement. Plus haut, ch. X, § 2, il a été dit qu’on ne savait pas si les insectes émettent du sperme comme les animaux qui ont du sang ; voir aussi, ch. IX, § 7. — Il en résulte évidemment. La conclusion est ici plus certaine, du moins en ce qui regarde les insectes. — Plus tard. Dans le reste de ce traité, passim. — De même que l’œuvre vient du maçon. On peut croire que ceci est une addition, d’une main étrangère. — Ceci est tout aussi déraisonnable. Le texte n’est pas aussi précis.
  92. Quant au plaisir extrême. Voir plus haut, ch. X, § 6 ; c’est le premier argument donné en faveur de la théorie que combat Aristote, et qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Si ce système était vrai. J’ai ajouté ces mots, dont le sens ressort évidemment du contexte, et qui sont indispensables.
  93. De parents contrefaits. C’est le second argument allégué plus haut. ch. X. § 6. — Plus tard. Voir liv. IV, ch. III, où la question de la ressemblance est traitée spécialement. — Enfin. Ceci semblerait répondre à un dernier argument ; mais cet argument n’a pas été énuméré à la suite des quatre autres. — Réciproquement. J’ai ajouté ce mot, que la tournure de la phrase grecque autorise. — À la suite de ce qui précède. Voir plus loin, ch. XIII.
  94. Ce qu’est le sperme. La question est en effet essentielle, et Aristote la pose très bien. Mais pour la résoudre, il fallait le double secours du microscope et de la chimie. Ces ressources manquaient à l’Antiquité ; et le philosophe a dû se borner à étudier l’action du sperme sans savoir au juste ce qu’il contient. — Son action et tous les phénomènes qui s’y rapportent. On ne pouvait pas aller plus loin dans ces temps reculés. — On peut bien dire… ce qui les fait. Tout ce passage peut paraître altéré, ainsi que le pensent MM. Aubert et Wininier ; les manuscrits ne donnent pas de quoi le rétablir complètement. Mais tel qu’il est, il offre un sens assez satisfaisant ; et la pensée de l’auteur est suffisamment claire : le sperme est le premier élément des êtres animés ; mais ce n’est pas lui qui les fait, puisque lui-même vient nécessairement d’un autre être. — La nature du sperme… la Nature compose. La répétition est dans le texte, et j’ai dû la reproduire. — Qui fait l’homme… Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens n’est pas douteux.
  95. Bien des sens. Voir dans la Métaphysique, liv. V. ch. XXIV, de ma traduction, des définitions tout à fait pareilles à celles-ci. Cette digression d’ailleurs ne semble pas être ici très bien placée. — Une chose vient d’une autre. Ou, Provient. — Vient de l’airainvient du bois. Cette expression n’est pas très correcte en notre langue ; mais j’ai dû la prendre pour conserver le parallélisme qui est dans le texte. — Ne voulant dire… Cette définition est très juste ; et cette explication semble prouver que l’expression dont Aristote se sert en grec n’est pas beaucoup plus régulière que celle dont j’ai dû me servir en français. — Epicharme. Voir la Métaphysique, liv. IV, ch. V, de ma traduction. — La superstruction. J’ai risqué ce mot, qui, dans ses éléments, répond bien au mot du texte. Il indique une suite de causes qui s’engendrent successivement, comme le montre l’exemple donne dans le texte. — Le principe du mouvement. Ou, « la cause initiale ».
  96. Dans quelques-unes de ces expressions. La digression continue dans ce paragraphe, où elle n’est pas nécessaire. — La médisance… l’art… la lampe. Ces objets n’ont guère de rapport ; et les relations qu’on établit entre eux sont forcées.
  97. Comme matière. Dans les théories d’Aristote, c’est la mère seule qui fournit la matière ; c’est le père qui communique le mouvement et la vie. — Le voyage à Délos. Le texte dit simplement : « le Voyage ». Voir Platon, Criton. p. 129, et Phédon, p. 184, traduction de M. V. Cousin. — Un contraire venant du contraire. Voir, au § 2. le troisième sens de Venir de.
  98. Des deux sens. Matière et mouvement. — Comme forme et comme actif. L’idée de mouvement est impliquée dans la forme et dans l’action ; mais il aurait peut-être fallu l’indiquer plus nettement. — La génération se produit par des contraires. La suite prouve que, par Contraires, il faut entendre les sexes différents ; mais il n’est pas très correct de dire que le mâle et la femelle sont des contraires, puisqu’ils ne peuvent pas changer l’un dans l’autre. — Comme en viennent les plantes. Les Anciens ne connaissaient pas l’organisation des végétaux, et ils n’y distinguaient pas les organes des deux sexes. — Certains animaux. Ce sont les espèces hermaphrodites. Cette confusion des sexes dans un même individu se retrouve surtout dans les animaux inférieurs.
  99. Le sperme, ou la semence. J’ai ajouté ces derniers mots, pour que, dans ma traduction, on retrouvât les deux sens qu’a le mot grec. — C’est le primitif du mouvement de la génération. Le sperme ne suffit donc pas à lui seul ; il faut qu’il trouve une matière préexistante, à laquelle il donne le mouvement. — Des deux êtres qui se sont accouplés. Ce n’est plus alors seulement la liqueur séminale venue du mâle ; c’est la réunion des éléments fournis par les deux sexes ; et c’est en ce sens qu’on peut rapprocher les plantes des animaux. — Ne sont pas séparés. Ils le sont en réalité ; mais les Anciens ne l’ont jamais su. — Le premier mélange. Il est certain qu’il y a un moment où l’élément venu du mâle et l’élément venu de la femelle se réunissent, et où les sexes sont en quelque sorte confondus, bien qu’il y ait deux individus et non point un seul. — Ou d’œuf. Il semblerait que, dans ce passage, Aristote entrevoit déjà que l’embryon commence par n’être qu’un œuf. C’est un fait qui est aujourd’hui incontestable ; et cette observation est une des conquêtes les plus belles de la science moderne.
  100. Le sperme et le fruit. Il faut se rappeler toujours qu’en grec le même mot signifie le sperme et la semence. Ce dernier mot fait mieux comprendre la comparaison de la semence et du fruit. — La postériorité et l’antériorité. Le fruit est un résultat de bien des transformations successives ; le sperme est l’origine de tout un mouvement qui donne la vie. Cela revient à dire que le germe précède ce que le germe produit. — Que celui d’où il sort. J’ai ajouté ces mots. — Soient la même chose. C’est-à-dire, de même espèce.
  101. Voir plus précisément. La question est très difficile, et l’on doit remarquer le soin que prend l’auteur de la traiter à tous les points de vue. Celui-ci est presque exclusivement logique. — Des éléments naturels. Ceci peut s’entendre à la fois, ou des quatre éléments, terre, eau, air et feu ; ou bien, des éléments ordinaires du corps de l’animal. — Non similaire ou similaire. Voir le début de l’Histoire des Animaux. — Ou nourriture quelconque. J’ai dû conserver le mot de Nourriture, qui est le mot même du texte, — Et par concrétion. Il faudra, dans ce qui va suivre, se rappeler la définition que donne l’auteur de ce qu’il entend par Concrétion ; c’est toujours d’une affection morbide qu’il s’agit, puisque la santé seule est dans l’ordre de la nature. Sur l’Abcès, voir la note de MM. Aubert et Wimmer, dans leur édition et traduction, p. 88.
  102. Une partie du corps. Peut-être faudrait-il traduire : « un Organe » au lieu d’une Partie ; j’ai reproduit le mot du texte. — Aucun organe. L’expression du texte est tout à fait indéterminée. — Les autres parties. Ici encore, on pourrait remplacer le mot de Parties par celui d’Organes. — Un produit contre nature… une infirmité. Il semble qu’il eût été fort simple de voir dans la liqueur séminale une sécrétion particulière, comme il y en a tant d’autres dans le corps, élaborée par le testicule, comme l’urine l’est par le rein, et la bile, par le foie. — Quant à la nourriture. Voir plus haut, § 8. — Que concrétion ou excrétion. Les deux mots grecs n’ont pas entre eux la même ressemblance que les mots dont se sert ma traduction. Pour Aristote, le mot d’Excrétion emporte toujours quelque chose du sens de superflu et de résidu.
  103. Les Anciens. Il eût été à désirer qu’Aristote désignât plus précisément les philosophes dont il entend parler sous ce nom général ; ce sont sans doute Empédocle, Démocrite, Anaxagore, etc. — Cela revient à dire, L’identité des deux expressions n’est pas aussi évidente. — Un résultat contre nature. Voir, plus haut, la fin du § 8. — Soit une excrétion. Le sperme doit être expulsé du corps, à certaines conditions ; et c’est pour cela qu’Afistole l’appelle une excrétion plutôt qu’une sécrétion. — Qui ne peut plus être employée… qui peut encore être utilisée. Ces définitions peuvent être toujours acceptées par la science — Employée en excès, lui est plutôt nuisible. La nutrition surabondante est la cause d’une foule de maladies.
  104. Un excrément inutile. Dans le genre des matières qui doivent être nécessairement expulsées du corps. — Très peu de sperme. Toutes ces observations sont exactes. — Point du tout… n’est pas fécond. Ces détails montrent bien que tous ces faits avaient été étudiés avec grand soin ; ils relèvent de la médecine plus encore que de la zoologie. — Il s’y mêle d’autres excrétions. Entre autres, de la liqueur prostatique, qui devient trop liquide, ainsi que le sperme, dans certaines affections. — Le résultat d’une excrétion utile. Le sperme est la sécrétion régulière du testicule.
  105. Dans la sécrétion. J’ai ajouté ces mots. — Une excrétion. Ou Sécrétion. — Le phlegme. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 9 de ma traduction. Le phlegme tient, dans les doctrines physiologiques de l’Antiquité, beaucoup plus de place que dans la science moderne. Voir aussi l’Hippocrate de M. E. Littré, t. VI, p. 161. A la définition que donne ici Aristote, on pourrait croire que le phlegme se confond avec le chyle, ou plutôt encore avec le chyme, première élaboration de la nourriture sortant de l’estomac. Après avoir passé par le duodénum et l’iléon, le chyme devient le chyle, et il est absorbé par les vaisseaux chylifères, qui le portent dans le sang. — Tel autre produit analogue. Selon les diverses espèces d’animaux. — Il nourrit le corps. C’est la fonction propre du chyle. — Il est absorbé dans les maladies. Ceci ne se rapporte plus au chyle. Seulement, le chyle est altéré par les maladies, comme tous les autres liquides du corps. — Le résidu dernier… en très petite quantité. Parce que, sur son trajet entier, la masse alimentaire est obligée de fournir à une multitude de sécrétions.
  106. Ici, il faut se rappeler. Cette digression ne semble pas très utile, bien qu’elle ne soit pas absolument étrangère au sujet. — La petite addition… Le fait est exact ; et il est certain que tout animal a des limites de forme qu’il ne peut franchir sans périr : c’est son essence qui règle ces bornes. — À la fin une grandeur démesurée. Il y a donc un moule d’où l’animal ne peut sortir. Cependant quelques animaux, comme les ammonites et d’autres coquillages, ne cessent de croître pendant toute la durée de leur existence ; et pour ces animaux on ne connaît pas de limites. — Les Anciens. Dans le sens indiqué plus haut, § 10, n. — Ce qui va dans tout le corps. Cette théorie est plus exacte ; et la preuve qu’on en peut donner, c’est l’espèce de refroidissement général que cause foule émission de liqueur séminale. — Sécrétion surabondante. Mais cette sécrétion elle-même est le résultat dernier des élaborations antérieures, qu’a subies tout le fluide sanguin. — Ce qui devient semblable. C’est-à-dire, ce que les organes s’assimilent définitivement. — Essayé et perdu bien des esquisses. La comparaison semble bien peu naturelle, et elle n’est pas très juste ; elle n’appartient peut-être pas à Aristote. La Nature ne se reprend pas à plusieurs reprises, comme les artistes, pour atteindre son but ; elle le poursuit sans interruption, dans les transformations successives quelle imprime ai la matière.
  107. Toute concrétion. Voir plus haut. § 8, et plus loin, § 23. — Détruit ce qui la précède. Parce que, selon la théorie aristotélique, la concrétion est contre nature — Ce qui prouve bien. La preuve que l’auteur croit péremptoire est bien loin de l’être, quoique le fait allégué par lui soit exact, et que plus les animaux sont grands, moins ils sont féconds. — Les petits animaux. Les insectes, par exemple, et les petits poissons. — Le corps étant très gros. L’explication ne manque pas de vraisemblance.
  108. De lieu spécial à la concrétion. Cela se conçoit sans peine, du moment qu’on admet que la concrétion est contre nature ; il n’est pas possible qu’elle ait un organe particulier ; elle se forme, au contraire, pour désorganiser les fonctions régulières. — Toutes les excrétions. Comme celles que l’auteur cite lui-même pour les fèces, l’urine, etc. — C’est dans tous ces lieux. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens n’est pas douteux.
  109. Tous ces phénomènes attestent bien… La démonstration n’est pas très décisive ; mais l’auteur a fait les plus sérieux efforts pour la rendre complète. Seulement, à son époque, la science était encore trop peu avancée pour résoudre de tels problèmes. — Pour que l’affaiblissement soit manifeste. L’observation est d’une justesse parfaite : et elle se trouve déjà dans Hippocrate, édition et traduction de M. E. Littré, tome VII, p. 473. — Il y a quelques individus. Ce n’est pas le privilège de quelques individus, ainsi que l’auteur semble le croire ; la sensation dont il parle appartient à tous les hommes continents et sains. Lorsque l’usage est peu fréquent, le soulagement est certain. — Quand il surabonde. C’est la condition nécessaire. — En eux. J’ai ajouté ces mots, qui ressortent du contexte
  110. Ce soulagement se produit. J’ai encore ajouté ces mots, qui sont nécessaires pour éclaircir la pensée. — Que le sperme. Même remarque. — D’autres forces. J’ai conservé le mot même du texte ; au lieu de Forces, nous dirions plutôt Éléments. — Or ces forces sont morbides. Il serait peut-être difficile de justifier de telles assertions. — Assez souvent inféconde. La stérilité tient à bien d’autres causes. — Un relâchement et une faiblesse. Voilà le fait vrai, sans que l’explication qu’en donne l’auteur le soit autant.
  111. C’est encore là ce qui fait. Ici encore, l’explication peut paraître insuffisante, quoique les faits soient très exactement décrits, pour ce qui concerne l’enfance, la vieillesse et la maladie. — Accablé de faiblesse par la souffrance. L’influence de la maladie sur les fonctions spermatiques est incontestable, de même que celle de la santé. — La croissance, qui est le plus pressant besoin. Il faut que l’être lui-même soit complètement formé avant de pouvoir produire un autre être semblable à lui. — Dans les cinq premières années. On peut prendre ce chiffre comme une moyenne, quoiqu’il y ait bien des différences. Voir Billion, De la Nature de l’homme, tome XI, pp. 356 et suiv.
  112. Des différences d’espèce à espèce. Cette observation est très exacte, ainsi que toutes les suivantes. — La semence. J’ai pris ici le mot le plus général, pour qu’il put s’appliquer aux plantes aussi bien qu’aux animaux. — Il n’y en a pas du tout. Cette erreur tient, comme tant d’autres, à l’insuffisance des moyens d’investigation dont disposaient les Anciens. Parmi les végétaux, les cryptogames devaient leur paraître n’avoir pas du tout de semence.
  113. Une cause tout opposée. Ce n’est peut-être pas très exact, parce que l’embonpoint est loin d’être toujours l’effet de la saute. — Ont moins de besoins sexuels. Le fait est incontestable ; mais il y a bien d’autres causes qui, même en pleine santé, peuvent rendre moins abondante la sécrétion de la liqueur séminale, notamment les exercices athlétiques. — Les ceps de vigne. C’est la continuation de la comparaison entre les plantes et les animaux. — Elle fait le bouc. J’ai pris cette locution singulière, afin de me rapprocher autant que possible de l’expression grecque, qui est une sorte de jeu de mots. — Quand il prend trop de graisse. C’est ce que les éleveurs peuvent constater sans cesse.
  114. Deviennent moins féconds. Ce fait est certain ; et on peut l’observer aujourd’hui comme du temps d’Aristote, chez nous comme chez les Grecs, malgré la différence des races et des climats. — Qui se cuit. J’ai conservé l’expression du texte, parce qu’elle se lie à toute une théorie. D’ailleurs le sens ne peut être douteux. — Une graisse. Voir l’Histoire des Animaux, livre III, ch. XIII, § 1 et suiv., et ch. XIV, § 4 ; voir aussi le traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. V, de ma traduction. — Dans les végétaux. J’ai ajouté ces mots pour justifier la transition, qui peut paraître un peu brusque ; car il est bien difficile d’admettre ces rapprochements entre les deux règnes. — Le saule et le peuplier. Le saule et le peuplier forment un genre à part, celui des salicinées ; voir le traité général de Botanique de MM. de Maout et Decaisne, p. 521 ; mais Aristote se trompe quand il dit que ces deux arbres n’ont pas du tout de semence. Leur oraison est au contraire assez apparente. — Les deux causes. Quelques éditions disent : « D’autres causes, » Pour moi, j’adopte la correction de MM. Aubert et Wimmer, qui s’accorde mieux avec le contexte ; voir le § précédent.
  115. Beaucoup de graines. C’est la suite de la comparaison entre les plantes et les animaux. — En une véritable maladie. C’est la consomption dorsale, ou l’affection dite des pertes séminales, qui est en effet une très grave maladie. — En guérissent… en meurent. Les deux faits sont également exacts. Les guérisons ne sont jamais spontanées, et elles sont fort rares. — Se tournait en urine. Ceci n’est pas tout à fait exact : mais ce qui est vrai, c’est que le sperme devient très liquide, et que parfois il s’écoule en même temps que l’urine. — Chez plusieurs personnes. Voir l’Hippocrate de M. E. Littré, tome VII. p. 471.
  116. Le canal est le même. La description donnée dans ce § est irréprochable, quoique incomplète ; mais au temps d’Aristote l’anatomie de ces parties n’était pas poussée assez loin pour qu’on sût bien nettement quel trajet parcourait le sperme, élaboré par les testicules, avant d’arriver au méat urinaire. — Plutôt liquide que solide. Cette affirmation est trop générale ; mais il est vrai que, même dans les aliments solides, il se trouve une portion d’eau assez considérable — Elle le devient… Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi le sens du texte. Ceci semblerait se rapporter plus particulièrement aux oiseaux qui n’urinent pas, mais dont les excréments sont très liquides. — La concrétion… Voir plus haut, § 8. — Qui n’est plus utile. Cette théorie n’est pas très juste, et l’on ne peut pas assimiler la liqueur génératrice aux résidus qu’expulse le corps d’une manière absolument nécessaire ; l’émission du sperme ne l’est pas. Voir le chapitre qui suit.
  117. Une excrétion venant de la nourriture. Cette définition est très supérieure aux précédentes ; et la science moderne aurait de la peine à dire mieux. — De quelle espèce de nourriture. Il semble que l’auteur vient de le dire dans la phrase qui précède. Pour les menstrues, c’est une question neuve, qui sera étudiée dans tout ce qui va suivre.
  118. Si elle émet du sperme… s’il ne provient aucun sperme. Ce sont là encore des questions pour la science moderne. Àris-tote se prononce pour la négative. — En une autre manière. En fournissant l’œuf, que féconde l’action du mâle. — En fournir le lieu. Il est évident que cette explication ne saurait suffire, et que la femelle doit tout au moins procurer une nourriture convenable à l’embryon déposé dans son sein. — Quelle est cette part. La question est parfaitement posée ; mais elle n’en reste pas moins obscure.
  119. Antérieurement. Ceci semble se rapporter plus spécialement à la théorie du sang telle qu’elle est exposée dans le traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. II et suiv., de ma traduction. — L’excrétion de la nourriture finale. Il est certain que la liqueur séminale est la dernière et la plus essentielle élaboration de tout l’organisme, puisque c’est elle qui transmet la vie, tandis que les autres fonctions ne sont faites que pour la conservation de l’individu ; celle-là seule a pour objet la propagation de espèce. — Ou du sang, ou l’analogue du sang. Le sperme n’est pas du sang ; mais c’est une sécrétion venue du sang, comme toutes les autres sécrétions que produit le fluide nourricier, par les différents organes. —— Quelque produit venant du sang. Voila la vérité.
  120. Du sang recuit. Ou Elaboré. La coction n’est pas autre chose que la maturité poussée à son dernier terme, dans les productions, soit naturelles, soit morbides et irrégulières. — Chacun des organes du corps. S’appropriant chacun ce qui lui convient dans la masse homogène que charrie la circulation. — Sort quelquefois tout sanguinolent. Ce n’est pas le sperme lui-même qui est sanguinolent ; mais l’excès auquel on s’est livre brise quelques petits vaisseaux intérieurs, qui alors donnent du sang. — Jusque dans les dernières parties du corps. Ces dernières parties du corps sont ici les testicules et la verge.
  121. C’est là ce qui donne… L’action du sperme tient à une toute autre cause ; mais les spermatozoïdes n’étaient pas connus des Anciens ; et la découverte en est même pour nous assez récente. Néanmoins l’explication d’Aristote était très avancée pour son temps. — La raison comprend dès lors très bien… Les détails qui suivent semblent être d’accord avec la théorie qu’Àristote vient de combattre, et qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Le sperme l’est en puissance. La formule est heureuse, et elle fait assez bien comprendre l’action générale de la liqueur séminale. — La force quelconque. L’expression est indécise ; mais elle s’accorde bien avec l’obscurité de ces phénomènes mystérieux.
  122. Nous ne voyons pas encore très nettement. C’est un aveu très modeste, et qui prouve que l’auteur ne s’aveugle pas sur le succès de ses efforts pour arriver à la vérité. — Le corps même du sperme. Comme on pourrait le croire aujourd’hui qu’on connaît les spermatozoïdes. — Un principe de mouvement générateur. C’est à cette conclusion qu’aboutit Àristote, et qu’aboutit aussi, du moins en grande partie, la science moderne. — Par simple homonymie. Le texte est un peu moins développé.
  123. Tout ce paragraphe est à bon droit regardé comme suspect par MM. Aubert et Wimmer ; il semble déplacé, et il se rapporterait bien plutôt au § 23 du chapitre précédent. Je suis absolument de cet avis ; mais il faut laisser les choses en l’état où les manuscrits nous les donnent. — Une concrétion spermatique. Bien que, plus haut, loc. cit.. l’auteur ait essayé de définir ce qu’il entend par Concrétion, il est bien difficile de le comprendre ; la comparaison dont il se sert n’éclaircit rien. Le sens le plus probable, c’est que le sperme se produit par couches successives, et que celle qui est expulsée est pareille à celle qui reste dans les organes. Mais cette explication même que je hasarde n’est pas satisfaisante ; et ce passage est un de ceux où le sens nous échappe nécessairement. — Doit nous suffire. Il est à croire que l’auteur s’entendait lui-même, en se bornant à ces affirmations si concises ; mais nous ne pouvons nous flatter de l’entendre aussi bien que nous le souhaiterions.
  124. L’être qui est le plus faible. La suite prouve que l’être le plus faible, c’est la femelle comparativement au mâle, la femme comparativement à l’homme. — Une excrétion plus abondante. Ce peut être le fait réel ; mai si il n’y a pas là une nécessité évidente, comme le texte le dit. — Et nous avons vu antérieurement. Voir plus haut, ch. II, § 4, et dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. X. § 33, de ma traduction. — La division sanguine. Ou Séparation, ou encore Désaggrégation ; le mot du texte n’est pas plus défini. Ceci d’ailleurs revient à dire que les menstrues sont une des transformations du sang, doit elles viennent, mais dont elles se distinguent.
  125. Tout à fait analogues. Dans ces limites, le rapprochement entre les deux sécrétions est admissible, quelles que soient d’ailleurs les différences ; il n’y a qu’une analogie et non une identité, comme la suite le prouve. — C’est ce que nous démontrent… Ainsi, Àristote ne veut établir ses théories que sur des faits bien observés. — C’est au même âge. Si ce n’est absolument au même âge, c’est du moins à peu près au même âge, que ces phénomènes se manifestent chez les garçons et chez les filles. — Que la voix mue. Même remarque, qui s’applique aussi au gonflement des mamelles chez les deux sexes. — Vers la fin des mêmes périodes.. Pour ce dernier phénomène, la différence entre les sexes est plus grande ; la femme cesse beaucoup plus tôt que l’homme d’être féconde. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 16, et liv. VII, ch. VI, § 2, de ma traduction. Voir aussi la Politique, liv. IV, ch. XIV, § 3, de ma traduction. Il est d’ailleurs impossible d’assigner à ces phénomènes des dates précises ; une foule de circonstances influent sur les époques ; et l’on ne peut indiquer que des à peu près. Voir Buffon, tome XI, pp. 372 et suiv.. édition de 1830.
  126. Voici d’autres preuves nouvelles. Je ne sais pas jusqu’à quel point la science moderne accepterait ces preuves, qui, du reste, n’offrent rien d’impossible. — Quelque affection de ce genre. Hémorrhoïdes, ou saignements de nez.
  127. Des veines moins prononcées. Le fait est exact en général, ainsi que tous les détails qui suivent : plus potelées, moins velues, etc. — Parce que la sécrétion… L’explication n’est peut-être pas aussi bonne que le fait est exact. — C’est là aussi sans doute… Même critique. J’ai conservé les formules du texte, qui parle de mâles et de femelles là où il s’agit évidemment d’hommes et de femmes. — Dans les vivipares. Nous dirions aujourd’hui avec plus de précision : « les mammifères ». — Chez les femmes. L’observation est exacte. — Sont moins marquées. Répétition de ce qui vient d’être dit, au début du paragraphe. — Des faits de toute évidence. Et sur lesquels la science peut et doit s’appuyer.
  128. Deux sécrétions spermatiques. Àristote pense que la sécrétion spermatique n’a lieu que chez le mâle ; et par conséquent, elle est impossible chez la femelle. Ce sont là de simples assertions ; mais elles ne sont peut-être pas tout à fait fausses, bien qu’elles ne s’appuient pas sur des faits réels. — C’est qu’elle n’a pas de sperme. Ceci semble contredire la théorie du § 9 ci-dessus, où l’auteur assimile les menstrues au sperme. — C’est là ce qui nous a fait dire. La conclusion me paraît aussi certaine que l’auteur le suppose. — Sont une excrétion. Voilà en effet la seule relation à peu près qu’on peut établir entre la sécrétion mâle et la sécrétion femelle.
  129. Sur les autres animaux. C’est de la physiologie comparée. — Nous l’avons déjà dit. Voir plus haut, ch. XII, § 20. — Du sang recuit. J’ai dû conserver la formule du texte ; mais on comprend très bien ce que l’auteur entend par là. L’élaboration dernière du sang qui produit la liqueur séminale, a lieu dans le testicule : et l’on peut dire que c’est en quelque sorte la dernière cuisson que la chaleur intérieure a pu lui donner. — La forme… n’est pas la même. Ce n’est pas seulement la forme qui diffère ; c’est aussi la matière du produit, comme le prouve l’analyse chimique, qui n’était pas à l’usage de la science, il est vrai, dans ces temps reculés. — Les mollusques et les crustacés. Voir plus haut, ch. IX. § 5.
  130. On le prétend quelquefois. Il eût été intéressant de savoir à qui s’adresse précisément cette réfutation. — Sans avoir éprouvé le moindre plaisir. Ceci ne serait pas une preuve très directe de ce qu’Àristote veut prouver. — Fourni la même course. J’ai conservé l’expression métaphorique dont se sert le texte. — Régulière et proportionnée. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui présente les deux sens. — Quand elle n’a pas de mois. Le fait est certain. — Dans la plupart des cas. Il paraît que les exceptions ne sont pas très rares, comme il est dit au § 16.
  131. La force. L’expression est bien générale ; et l’explication reste tout à fait insuffisante. — De l’animal. On pourrait traduire aussi : « du futur animal » ; car il s’agit du développement de l’embryon. — Dans le second cas. C’est-à-dire, quand le flux mensuel continue et qu’il est abondant. Au lieu de Dans le premier cas… Dans le second cas, le texte dit : Tantôt… tantôt. — Ce qui reste. Du flux mensuel.
  132. Il y a des femmes. Ces cas exceptionnels sont reconnus par la science moderne, tout comme ils l’étaient du temps d’Àristote. — Sans avoir leurs mois. La suite prouve qu’il ne s’agit pas d’une suppression complète. — Bien que la sécrétion… se montrer au dehors. Il semble bien qu’il y a dans cette phrase une contradiction ; mais on peut comprendre que le flux reste en partie à l’intérieur, et qu’il n’en coopère pas moins à la génération, bien qu’il ne paraisse point a l’extérieur. — Chez les autres. Cest-à-dire, les femmes qui ne peuvent plus concevoir après l’évacuation, et qui ne conçoivent que pendant qu’elle dure. — Se referme. Il est peu probable que la physiologie actuelle puisse accepter cette explication. — Un rapprochement. Sous-entendu : « même pendant le flux mensuel ».
  133. Après que la conception a eu lieu. Ce sont toujours là des cas morbides, ainsi qu’Aristote le dit quelques lignes plus bas. — Les plus ordinaires.. les plus conformes à la nature. C’est presque une tautologie. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II et III.
  134. Deux choses sont évidentes. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Fournit la matière. Qui doit nourrir l’embryon. Le fait est vrai ; mais il n’est pas complet ; car la mère fournit encore autre chose que la matière, dans le sens où l’entend Aristote.
  135. Quelques naturalistes. Sans doute Démocrite, Empédocle, Anaxagore, etc., dont Aristote a souvent réfuté les doctrines. — Par ce motif. L’argument n’est pas suffisant, et Aristote a raison de le combattre. — Une excrétion liquide. Ce second argument est beaucoup plus spécieux, et Aristote ne se trompe pas en affirmant que ce liquide n’a aucun caractère spermatique. La science moderne est tout à fait de son avis ; il est constaté que ce fluide féminin vient des glandes vulvo-vaginales, dites glandes de Bartholin, et dont la sécrétion est analogue à celle de la salive ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, p. 1146. — Le fluide spécial de cet organe. On ne saurait mieux dire ; et c’est aujourd’hui une opinion reçue. — Telles femmestelles autres. La sécrétion ne manque jamais, parce qu’elle est nécessaire ; mais elle varie d’intensité, selon les tempéraments. — N’y sont pas sujettes. C’est exagéré ; seulement la sécrétion est moindre.
  136. Beaucoup plus forte. L’observation paraît exacte. — Les aliments,.. C’est un fait que chacun peut observer sur soi-même, et aussi sur les autres, surtout quand les aliments sont de haut goût, comme le dit le texte. — De haut goût. Le mot grec signifie à proprement parler : « Acres ».
  137. À la suspension du souffle. Ou, De la respiration. Ce détail n’est pas aussi exact que ceux qui précèdent ; il est difficile de voir à quel fait réel il se rapporte. — Ils éprouvent tous du plaisir. Ces idées ne semblent pas se suivre très bien ; et cette interruption de la respiration n’a rien à voir ici. Tout ce qui peut être vrai, c’est que l’émotion est assez vive pour suspendre quelques instants la respiration ; mais cette circonstance ne peut rien ajouter à la sensation de plaisir. — Qui ont perdu la faculté génératrice. Mot a mot : « Qui sont détruits relativement à la génération ». Il est possible qu’il ne s’agisse que d’une impuissance passagère. — Le ventre se dérange. Le fait peut être exact ; mais la cause à laquelle on attribue le relâchement du ventre ne l’est peut-être pas autant.
  138. L’enfant a presque la figure d’une femme. Ceci est une digression, d’ailleurs fort courte, et qui n’est pas aussi étrangère au sujet qu’elle le paraît au premier coup d’œil. Dans les théories d’Aristote, l’enfant a ce rapport avec la femme que l’un et l’autre sont également incapables d’élaborer la liqueur séminale. C’est vrai pour l’enfant ; pour la femme, ce ne l’est pas autant. — À un homme qui n’engendre plus. Les fonctions des deux sexes sont absolument différentes ; mais au temps d’Aristote, on ne les avait pas encore suffisamment étudiées et distinguées. — D’une sorte d’impuissance. L’expression est essentiellement fausse ; et l’erreur résulte de ce qu’Aristote assimile trop complètement le sperme et les menstrues. — À ne pouvoir mûrir le sperme. À ce compte, l’évacuation féminine ne serait qu’une liqueur séminale dont la coction serait imparfaite. Cette vue est fort ingénieuse ; mais les faits ne la justifient pas. Voir le paragraphe suivant. — La diarrhée. Voir la fin du paragraphe précédent. — Les autres flux hémorroïdaux, l’étymologie du mot d’hémorroïde ne signifie que Flux sanguin ; et voilà comment Aristote peut dire de l’évacuation féminine que c’est une hémorroïde. — Une maladie… La distinction est très vraie et très simple.
  139. Puisse venir des menstrues. Du moins en partie. — Les menstrues sont un sperme. Cette première erreur en a entraîné beaucoup d’autres dans toutes ces théories. — Dans la production des fruits. Ce rapprochement du règne végétal et de l’organisation animale n’est peut-être pas très heureux ; et la maturation des fruits se rattache à de tout autres causes. Ce qui est commun aux deux cas, c’est que l’élaboration des liquides passe par bien des degrés successifs, avant d’être complète. — Filtrée. C’est le sens propre du mot grec. — L’une engendre, et l’autre nourrit. C’est le rôle qu’Aristote attribue toujours aux deux sexes ; mais les rapports de l’un à l’autre sont très différents de ce qu’il les fait.
  140. Ce qui montre bien encore. Cette preuve peut sembler assez forte. — Dans le même endroit. Ou plutôt : « Dans des organes analogues ».
  141. Chez toutes les femelles. Considérées dans toute la série animale, telle qu’Aristote pouvait la connaître. — Qui n’ont pas la matrice sous le diaphragme. Comme certains mammifères, et notamment les cétacés. — Et qui ne sont pas ovipares. La restriction est très exacte ; car, dans les ovipares, il n’y a rien qui ressemble aux évacuations menstruelles qu’ont les mammifères. — Chez les animaux qui sont privés de sang. D’une manière générale, ce sont les insectes, qui ne sont pas précisément privés de sang, mais qui ont du sang incolore. — Une tout autre combinaison. D’éléments, sous-entendu. Le sang des insectes ne paraît pas, à première vue, être du sang, parce qu’il n’est pas rouge comme e sang des autres animaux, et que la couleur est ce qui tout d’abord frappe le plus les regards de l’observateur.
  142. C’est la sécheresse… Il serait difficile de prouver que ce soit là la véritable cause ; mais cette hypothèse n’est pas inadmissible : et elle en vaut une autre. — Dont nous venons de parler. Au paragraphe précédent. — Je veux dire. Répétition textuelle de ce qui précède ; MM. Aubert et Wiminer la rejettent comme inutile.
  143. Sans d’abord produire un œuf. Il y a des animaux qui produisent un œuf intérieur ; et quand le jeune est éclos au dedans, il sort ensuite tout vivant ; telle est la vipère. — Qui fléchissent en dedans les membres de derrière. Quelques manuscrits disent, En dehors : au lieu d’En dedans. MM. Auberl et Wiminer croient que cette dernière leçon est la bonne : et je me range à leur avis. La flexion des membres de derrière dans les quadrupèdes se fait en dedans, puisque l’ouverture de l’angle formé par les membres est tournée vers le dedans et non vers le dehors. D’ailleurs, ce détail importe assez peu. — Sans faire d’œuf préalablement. J’ai ajouté ce dernier mot, qui me semble ressortir du contexte. La science moderne a constaté que l’homme même naît d’un ovule, sorti des ovaires et amené à l’utérus par les trompes de Fallope : mais l’homme ne naît pas d’un œuf comme en naissent les poussins des oiseaux ; et c’est tout ce qu’Aristote a voulu dire. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir liv. III, ch. XIV, § 9, et liv. VII, ch. II, de ma traduction.
  144. Ce sont les femmes. Cette remarque a déjà été faite plus haut, ch. XIII. § 11 ; et elle peut paraître exacte. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II. § 6. — De parties pour lesquelles soit employée la sécrétion. Ces parties sont indiquées dans ce qui suit, poils, os, dents, etc. L’homme a bien toutes ces parties ; mais elles sont en lui moins considérables que chez bien d’autres animaux.
  145. Ainsi qu’on l’a dit plus haut. Ch. XIII, § 9. — Les lieux. J’ai reproduit le mot même du texte ; il serait mieux de dire : « les organes ». — Se dessèchent. On ne voit pas à quel phénomène physiologique ceci peut faire allusion. — Viennent à fleurir. C’est le mot même du texte ; j’ai cru devoir conserver cette métaphore, qui n’a rien que d’exact.
  146. Ils se gonflent d’air. Les parties du corps dont il est question se gonflent bien en effet, comme le dit Aristote ; mais ce n’est pas d’air. On peut croire bien plutôt que c’est un afflux du sang, et l’apparition de sécrétions nouvelles, qui jusque-là ne se produisait pas. — Aussi dans les mamelles, C’est une sensation que tout le monde a pu observer sur soi, et qui est absolument générale. — De deux doigts. La mesure est bien indécise ; mais on ne saurait la préciser davantage ; et cette indication suffit.
  147. Ne sont pas séparés. Ce sont les espèces hermaphrodites, dont Aristote s’est peu occupé ; mais qu’il n’a pas ignorées complètement. — Le sperme. Ceci semble supposer des observations bien délicates, sur des êtres qu’aujourd’hui même nous ne connaissons que très imparfaitement. — Qu’un seul corps… une seule tige… un seul animal. Les faits souvent contredisent ces assertions un peu trop absolues. — Il peut naître… plusieurs animaux. Dans certaines espèces, le nombre des petits est de plusieurs ; mais dans certaines autres espèces, le petit est généralement unique, comme dans l’espèce humaine.
  148. Une preuve nouvelle. Ceci se rapporte à la discussion qui, plus haut, remplit les chapitres X et XI, et où Aristote essaie de prouver que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps. On ne voit pas ce qui justifie le retour à un sujet déjà traité. D’ailleurs, cet argument nouveau ne manque pas de force. — Comme la raison peut le supposer. C’est à la raison de comprendre les faits que l’observation lui donne ; et dans des phénomènes aussi mystérieux que ceux de la génération, la raison tient plus de place que dans bien d’autres. — La forme et le principe du mouvement. C’est-à-dire, la vie. Le mâle a donc le rôle supérieur, bien qu’il ne puisse rien sans la femelle, qui, de son côté, ne peut pas davantage se passer de lui, là où les sexes sont séparés. — Le petit lait, la présure. C’est la traduction exacte du texte ; mais ce n’est pas le petit lait qui fait cailler ; c’est la présure, produite en général par le quatrième estomac des ruminants ; le petit lait n’est que la sérosité qui sort du lait, quand il se caille. — En se divisant. Ces mots sont obscurs ; la suite les éclaircit en partie.
  149. Ailleurs. Voir plus loin, liv. IV, ch. 20, § 4. — Plusieurs produits. Ou plutôt, Plusieurs embryons ; et par suite. Plusieurs petits. — La dessécher. Le texte se sert de cette expression ; mais il semble plutôt qu’il faudrait dire : « la faire disparaître, l’absorber, l’épuiser ». On ne comprend pas comment le liquide venu du mâle pourrait dessécher le liquide venu de la femelle, en s’y mêlant. — Alors il se forme plusieurs embryons. L’explication est évidemment très insuffisante ; mais il est peut-être impossible d’en trouver une bonne.
  150. Ainsi donc. C’est le résumé des assertions antérieures, plutôt qu’une véritable conclusion. — Pas de liqueur séminale. C’est exact ; mais le Quelque chose qu’apporte la femelle n’est pas moins indispensable que l’apport du mâle ; c’est l’ovule sorti de l’ovaire, et arrivant à l’utérus. — C’est la composition des menstrues. Les Anciens ne pouvaient guère aller au delà de cette théorie, puisqu’ils n’avaient pas le microscope et que leur anatomie n’était pas assez avancée.
  151. Au point de vue général de la raison. A laquelle Aristote fait toujours appel, après l’observation des faits. — De qui vient l’être engendré. Le texte n’est pas aussi développé. — Se réunissent dans un seul individu. Ceci se rapporte sans doute aux animaux hermaphrodites, où les deux sexes se trouvent réunis dans un individu unique Bien que ce soit un seul et même individu qui accomplisse les deux fonctions, elles n’en sont pas moins spécifiquement différentes. — Où les fonctions sont séparées. Ce sont toutes les espèces où les sexes ne sont pas confondus. — La nature des menstrues… de la matière première de l’embryon. Il vaudrait mieux dire la Nourriture plutôt que la Matière, puisque l’écoulement menstruel s’arrête après la conception, afin de nourrir le fœtus.
  152. Ce que doit être la suite de cette étude. On peut remarquer le soin avec lequel le naturaliste grec s’efforce de régler la marche qu’il suit. C’est un moyen de s’égarer le moins possible, dans l’exposition de faits si complexes et si obscurs. — Quelle peut être la part du mâle. La question est parfaitement posée. Des deux alternatives que l’auteur indique ici, et qu’il a déjà indiquées plus haut, c’est à la seconde qu’il donnera la préférence ; pour lui, la seule fonction du mâle se réduira à communiquer le mouvement, c’est-à-dire la vie, sans contribuer matériellement à la formation du nouvel être. — La raison semble ici être tout à fait d’accord avec les faits. La raison rassemble, compare et étudie les faits observés, pour les comprendre ; et c’est là le résultat de la science vraie, que la simple observation ne suffit point à donner.
  153. Un être unique. C’est l’embryon, issu de la réunion nécessaire des deux parents. — D’un patient et d’un agent. L’expression est aussi générale que possible comme l’annonce l’auteur ; mais ici spécialement, l’agent est le père ; le patient est la mère. — Du mobile et du moteur. Considérés chacun à part. — Dans leur sens extrême. Ce serait plutôt dans leur double sens : agent et moteur, patient et mobile, en réunissant chacun de ces termes deux à deux. D’ailleurs, ces distinctions toutes logiques peuvent paraître bien subtiles. — De la main de l’ouvrier. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Sort le lit. La comparaison n’est pas absolument juste ; le lit ne ressemble pas à l’ouvrier qui l’a fait, tandis que le jeune est semblable à ses parents, sous le rapport de l’espèce. — De la cire et de la forme. Il faut toujours supposer l’intervention d’un artiste, qui est alors le moteur donnant la forme à la matière, qui la reçoit.
  154. Quelque chose. L’expression est bien vague ; mais j’ai dû la conserver sans la préciser davantage. — Comme partie intégrante. Si en effet le rôle du mâle se borne à transmettre la vie par le mouvement. — C’est absolument encore… Ceci est une comparaison jointe à celles qui précèdent ; mais c’est peut-être aussi l’addition d’une main étrangère. — La raison… confirmée par les faits. Encore une fois, on peut voir combien Aristote est fidèle à la méthode d’observation, base de toute induction rationnelle.
  155. Chez quelques insectes. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé ce fait ; du moins, je ne le trouve consigné dans aucun des ouvrages de physiologie comparée que j’ai pu consulter. Ce qui a peut-être donné lieu à l’opinion qu’exprime Aristote, c’est que, dans presque toutes les espèces d’insectes, le mâle monte sur le dos de la femelle, et que leur jonction dure assez longtemps ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 313, édition de 1829. — L’organe qui peut recueillir l’excrétion. Si le fait est inexact, du moins il avait été de la part du naturaliste grec l’objet d’une observation attentive.
  156. De là vient… Il est bien vrai que, dans les insectes, l’accouplement dure longtemps ; mais la cause n’est peut-être pas celle qu’indique Aristote. — La production a lieu très promptement. Le fait est exact ; et tous les naturalistes l’ont remarqué. — Une action pareille… Il est bien difficile de savoir précisément ce qu’il en est ; mais ce qui est certain, c’est que, de l’accouplement, sort un produit ; c’est là le point essentiel dans l’ordre de la nature. — Que des larves. On connaît les métamorphoses des insectes, ou du moins, de la plupart d’entre eux ; larves, nymphes, état parfait, selon les espèces ; Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 315 et suiv. ; et Histoire des Animaux, livre I, ch. IV, § 3. et livre V, ch. XVII, § 22.
  157. Que le sperme ne vient pas… C’est la question traitée plus haut, aux chapitres X et XI ; elle revient ici d’une manière assez inattendue. — Par la force qui est dans la semence. C’est opinion à laquelle Aristote s’est arrêté, après une longue discussion. — Nous venons de le dire. Dans le paragraphe précédent.
  158. Si, par exemple… On ne saisit pas bien la force de cet argument, dans la question spéciale qui est agitée ici. Le fait énoncé peut d’ailleurs être exact ; mais il ne prouve point, comme le veut l’auteur, que la liqueur séminale ne vient pas de toutes les parties du corps. — Des œufs clairs. Voir l’Histoire des Animaux, livre VI, ch. II, § 8. et ch. III, § 15. — Quand le jaune existe encore. Ces détails supposent nécessairement une suite d’observations très attentives. — De belles races d’oiseaux. On voit que la sélection n’est pas très récente ; on en a fait beaucoup de bruit dans notre temps ; mais les Anciens la pratiquaient déjà avec succès. — Et qu’il ne provient pas non plus du corps entier. C’est ce qu’Aristote veut prouver ; et il s’efforce de s’appuyer sur des faits incontestables. — Le poussin aurait alors deux fois les mêmes organes. La conclusion ne semble pas très rigoureuse ; car l’action du second mâle pourrait fort bien annuler l’action du premier.
  159. Transforme et modifie. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — La matière et la nourriture. C’est là toujours le rôle qu’Aristote prête à la femelle dans l’acte complexe de la génération. À cet égard, la science moderne n’est pas très éloignée de ses théories. — La dernière intromission. Dans le cas des œufs clairs. — Qu’elle détermine. J’ai ajouté ceci. — Prend de la nourriture. C’est du jaune que se nourrit le poussin, tout le temps qu’il est dans la coquille ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, §§ 15 et suiv.
  160. Des observations semblables. A celles qui ont été faites sur les vivipares et sur les oiseaux. C’est de la physiologie comparée, moins complète que la nôtre sans doute, mais dirigée dans la même voie, afin de suivre les formes diverses d’une fonction dans toute la série animale. — Les poissons….. qui sont ovipares. Aristote fait cette restriction, parce qu’il comprend sous le mot générique de poissons tous les animaux aquatiques, cétacés, mollusques, etc. — Leur génération est la même. Cette expression n’est peut-être pas très exacte ; mais quoi qu’il en soit, l’argument est décisif pour démontrer que le mâle ne fournit rien à la matière de l’embryon, mais qu’il modifie seulement l’embryon, qui est déjà dans la femelle. — Répandre sa laite. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, de ma traduction ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 127, édit. de 1829. Le mot de Laite, dans son sens propre, désigne les glandes qui servent de testicules aux poissons ; en général, ces glandes sont fort grosses. — Ce qui prouve bien. La preuve s’applique surtout aux poissons, et l’induction l’étend aux autres animaux. — À la quantité. Le mâle ne sert pas à accroître la quantité matérielle de l’embryon : mais il le modifie de la manière la plus essentielle, puisqu’il lui donne la vie, qu’il n’avait pas.
  161. On peut évidemment conclure. La conclusion n’est pas absolument régulière ; et tous les faits allégués ci-dessus ne se rapportent pas d’une manière exclusive à la question de l’origine du sperme, venant ou ne venant pas de toutes les parties du corps. — De la même manière, Ceci est incontestable. — Le principe du mouvement… la matière. Résumé très clair de toute la théorie aristotélique. — La femelle ne peut à elle seule. Le mâle est soumis à la même condition ; à lui seul, il ne peut pas plus que la femelle. — L’espèce essentielle de l’être produit. J’ai ajouté ces mots, qui sont indispensables, pour compléter l’expression de la pensée.
  162. Comme les oiseaux. Ce qui ne veut pas dire que les oiseaux soient la seule espèce où l’on puisse observer ces procédés de la Nature, — Des œufs clairs. Voir au chapitre précédent, § 7. — Alors. J’ai ajouté ce mot, afin de préciser la pensée, qui me semble se rapporter toujours aux oiseaux particulièrement, et non pas à tous les animaux en général. — Futurs. J’ai ajouté ce mot. — Dans le mâle. Ce n’est pas par impuissance dans le mâle : mais le mâle n’a pas exercé son action. — A réunir dans la femelle. Cette observation est juste et profonde ; et l’expression en est excellente. — Les deux parents. Le texte emploie simplement un pronom indéfini. — Qui doit servir à la croissance du produit, C’est là l’objet du flux menstruel, quand il s’arrête après la conception. — La parturition. Ou plutôt peut-être : « la conception ». Le mot du texte peut avoir les deux sens.
  163. Que celui de l’ouvrier. La même pensée a été déjà exprimée plus haut, ch. XV, § 2. — De la terre glaise. Je crois que c’est bien le sens du mot du texte : car c’est bien là en effet la matière qu’emploie le potier. — La construction aux choses construites. Aristote affectionne cette comparaison : voir la Métaphysique, liv. III, ch. II, § 6, et liv. IX, ch. VII § 13.
  164. D’après ces données, Le fait de la génération est profondément mystérieux : et Aristote s’efforce de l’expliquer en s’adressant tour à tour à la théorie, à l’observation, et même à d’autres faits bien connus qui peuvent servir à éclaircir celui-là. — Tout mâle n’émet pas de sperme, cette assertion, prise dans toute sa généralité, n’est pas exacte ; et l’on peut croire, au contraire, que là où les sexes sont séparés, le mâle émet toujours une matière spermatique, quelle que soit d’ailleurs cette matière. — N’est pas une partie de l’embryon. Aujourd’hui même, il serait difficile de se prononcer aussi nettement : et la découverte des spermatozoïdes peut donner des arguments en faveur d’une opinion tout opposée. — La forme et l’idée. On pourrait traduire aussi : € la forme et l’espèce », le mot grec représentant à la fois l’espèce et l’idée.
  165. C’est dans l’âme. J’ai reproduit exactement le texte ; mais il aurait été plus exact de dire : « l’intelligence » au lieu de l’âme. — Et la science. C’est le mot même du texte, qui peut s’appliquer à l’art aussi bien qu’à la science proprement dite. Ici particulièrement, c’est de l’art qu’il s’agit, d’après les exemples qui viennent d’être cités. — Aux mains. On pourrait se borner aux mains, sans parler des autres parties du corps, puisque l’intervention des mains est toujours indispensable. — Les mains font mouvoir les instruments. Et ce sont les facultés de l’intelligence qui mettent les outils de l’ouvrier en mouvement. — Un instrument qui possède le mouvement en acte. La comparaison est tout à fait conforme aux théories d’Aristote sur le rôle de la liqueur séminale.
  166. C’est de cette façon. Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, cette théorie du naturaliste grec ne s’éloigne pas beaucoup de certaines théories modernes. — Qui n’émettent pas de sperme. D’après Aristote, ce sont surtout les insectes qui sont dans ce cas : voir plus haut, ch. XV, § 4. — Quelqu’un qui apporterait la matière.. Comparaison ingénieuse, une fois admis le fait auquel il est fait allusion. — De la faiblesse de ces mâles. Ou de telle autre cause, qu’on pourrait supposer aussi bien que celle-là. — La Nature ne peut rien faire… Cette idée est assez singulière ; et dans les insectes, il ne semble pas que la Nature agisse plus directement que chez tous les autres animaux. — Directement… qu’elle provoque. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Avec les outils ordinaires. Même remarque. — Ses propres organes. Ou, Ses propres instruments, le mot grec ayant les deux sens.
  167. Individuellement. J’ai ajouté ce mot, qui n’est pas précisément dans le texte, mais qui ressort de la tournure même de la phrase. — L’espèce est la même. Il est à peine besoin de le dire ; car alors la reproduction ne serait pas possible. — Ou chez le cheval. Cette addition manque dans plusieurs manuscrits ; et en effet, elle n’a rien de nécessaire, l’exemple de l’homme suffisant. — Dans les plantes. En allant des animaux aux plantes, Aristote inaugure, par ces considérations générales, la science que de nos jours on nomme la Biologie, dont l’objet est la vie, étudiée dans les végétaux aussi bien que dans les animaux proprement dits. — La femelle n’est pas séparée du mâle. L’Antiquité n’a jamais connu la distinction des sexes dans les plantes, bien que cependant on connût dès ces temps reculés la différence des individus, dans des végétaux dioïques, tels que le palmier ; mais la distinction des étamines et des pistils réunis sur une seule tige, n’a été observée que beaucoup plus tard. — Qu’on appelle leur semence. Ce fait n’était plus facile à remarquer ; il était de toute évidence, tandis que la réunion des sexes dans la corolle de la fleur était moins frappante. Voir plus bas. § 5.
  168. Approuver Empédocle. Aristote a souvent blâmé les théories d’Empédocle ; mais il n’hésite pas non plus à le louer, quand il le croit dans le vrai : il répond ainsi par avance aux accusations calomnieuses de Bacon, représentant le philosophe comme le meurtrier de ses prédécesseurs, dont la gloire l’aurait offusqué. — Ont dû pondre leurs œufs. Sans doute, cette métaphore se rapporte a la forme de l’olive, qui peut être regardée comme un petit œuf — D’une de ses parties. Le jaune, dont Aristote a parfaitement constaté l’emploi pour la nourriture du poussin. — Vient d’une partie de la semence. C’est-à-dire, que d’une graine sortent les racines par en bas, et la tige par en haut ; mais cette assimilation entre la plante et l’animal ne va pas plus loin ; et c’est la terre qui nourrit le végétal.
  169. À peu près de même. Cette restriction prouve que l’auteur lui-même sent qu’il ne faut pas pousser trop loin ces rapprochements. — Qui n’est pas plus divisé que ne le sont les plantes. C’est-à-dire, que les éléments venus tout à la fois du mâle et de la femelle se réunissent en un tout, qui ressemble à la graine de la plante. — Les deux individus. L’expression du texte est moins précise. — On peut vérifier. Peut-être faudrait-il ajouter : « A simple vue », pour rendre toute la force du texte. — Un seul et unique animal. Même en supposant plusieurs jeunes dans une seule portée, chacun des jeunes est formé de la réunion des éléments venus des deux parents, qui se sont conjoints.
  170. Qui n’émettent pas de sperme… les insectes C’est ce qui a été déjà dit plus haut, ch. XV, §§ 4 et 5. — Projeté et introduit. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Extérieures. Le sens du mot grec est assez douteux ; et je ne suis pas sûr de l’avoir exactement rendu. — Constituer le germe. Ou, « l’Embryon ». — Qui ont du sang. Les insectes étant regardés comme n’en ayant pas. — Restent accouplés une partie du jour. Ces détails prouvent qu’Aristote avait observé de très près la génération des insectes. — Leur liqueur. L’expression du texte est plus vague.
  171. Assez grossièrement. Ainsi, l’auteur ne se fait pas d’illusion sur la valeur du rapprochement qu’il indique entre l’organisation de la plante et celle de l’animal. — En isolant la femelle et le mâle. Ceci semblerait indiquer une certaine connaissance du sexe des plantes, c’est là tout au moins une hypothèse qui ne paraît pas impossible. — La Nature a… bien sagement Nouvel hommage rendu à la Nature par Aristide, qui en a toujours été l’admirateur le plus fervent. — N’a pas d’autre objet. Le rôle des plantes, dans l’ensemble des choses, est beaucoup plus étendu que le philosophe ne le suppose ici ; mais. de son temps, on ne savait rien encore sur les relations de l’atmosphère et des végétaux. — De les mêler et de les unir. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Ne sont pas séparés. C’est vrai pour la très grande majorité des plantes, où les sexes sont toujours réunis : mais il restait à discerner les organes qui appartiennent à l’un et à l’autre sexe.
  172. Dans d’autres ouvrages. Ainsi. Aristote avait fait personnellement de la botanique ; mais ces ouvrages spéciaux ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Il avait fait un traité des Plantes, que mentionnent le Catalogue de Diogène de Laërte, celui de l’Anonyme, et le Catalogue arabe. Ce qu’on peut croire également certain, c’est qu’Aristote a inspiré la grande entreprise botanique de Théophraste, son disciple et son successeur. — Une certaine faculté de connaître. Ce qui sépare profondément le règne animal tout entier du règne végétal. — L’ont plus… l’ont moins. C’est un fait de toute évidence, de même qu’au fond la faculté est identique, ainsi que celle de la sensibilité, qui est la condition préalable, si ce n’est la condition unique, de la connaissance. Voir le traité de l’Ame, liv. II, de ma traduction.
  173. On trouve de grandes différences. Toutes ces considérations sont d’une vérité et d’une élévation admirables ; aujourd’hui elles sont banales ; mais elles étaient bien neuves et bien rares, il y a vingt-deux siècles. — De la pensée. Ou, de l’Entendement. Dans le mot grec, il y a une nuance qui se rapporte à l’idée de sagesse. — Le sens du goût. L’indication du sens du goût semble ici assez étrange ; mais il faut se rappeler que toujours Aristote a représenté le sens du goût comme une sorte de toucher ; en quoi, il a pleine raison ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 120 de leur édition. — De la plante et du minéral. Ces mots ne sont pas indispensables, et quelques éditeurs les trouvent suspects. — Toute imparfaite qu’elle est. Le texte n’est pas aussi développé.
  174. Par la sensibilité. C’est là un principe qu’admettent tous les naturalistes ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. I, §§ 4 et 8. et Traité des Parties, liv. II. ch. I, § 15. de ma traduction. — Nous l’avons déjà dit, Ou, Comme nous venons de le dire, plus haut, § 5 ; la réunion des sexes qui s’accouplent est comparée à l’organisation végétale, où cependant, selon Aristote, il n’y a pas de sexes.
  175. Les testacés. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II §§ 1 et 2. — Une place intermédiaire. Ceci s’appliquerait encore bien mieux aux zoophytes, comme le montrent les détails qui suivent ; voir aussi Cuvier, tome III, du Règne animal. pp. 218 et suiv. — Plus tard. Voir plus loin, livre III. ch. VII. et même ch. X ; voir aussi Histoire des Animaux, livre V, ch. VI. § 1
  176. Antérieurement. Plus haut, liv. 1, ch. 1, § 5, et ch. II, § 2. — Qu’elle n’a que deux partis à prendre. Le texte n’est pas aussi précis ; mais l’opposition que l’auteur a mise dans les deux membres de la phrase, autorise l’addition que j’ai faite. — À la nécessité… au principe supérieur du mieux. C’est à ce dernier principe qu’Aristote a recours le plus ordinairement ; et c’est ainsi qu’il justifie son admiration pour la sagesse de la Nature. — Et à la cause finale, Qui se confond avec le mieux, la Nature faisant toujours les choses le mieux possible. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. V, et la Physique, liv. II, ch. IX, de ma traduction.
  177. Éternelles… être ou n’être pas. La distinction est très simple ; mais elle n’en est pas moins profonde. Voir le Traité des Parties des animaux, où elle a été exposée admirablement, liv. I, ch. V, de ma traduction, pp. 56 et suiv. — Le bien et le divin. Qui, au fond, ne sont qu’une seule et même chose. — Causes du mieux. C’est là le véritable rôle du bien, réalisant de plus en plus sa propre essence, à mesure qu’il se développe. — Participer, tour à tour… Être tantôt mieux, et être tantôt pis. Les choses éternelles au contraire sont absolument immuables. — Il n’y a pas d’autres causes que celles-là. Sur ce point, Aristote est d’accord user le Timée de Platon et avec la Genèse ; il n’y a pas d’autre cause à l’existence du monde que la bonté de Dieu : la philosophie et la raison ne peuvent pas remonter à un principe plus haut que celui-là.
  178. Cet ordre d’êtres. C’est-à-dire, les êtres animés, comprenant les plantes aussi bien que les animaux proprement dits. — Éternels dans la mesure où ils peuvent le devenir. Par la reproduction perpétuelle des individus, transmettant la vie qu’ils ont reçue à d’autres êtres de même espère. C’est là une vérité incontestable, ressortant du spectacle de la Nature, telle que l’homme peut l’observer. Aristote a donc cru d’une manière imperturbable à la fixité des espèces ; et il aurait été bien étonné des théories qui nient cette fixité et y substituent une perpétuelle mobilité ; voir la préface au Traité des Parties des animaux, p. CLXIII, de ma traduction. — L’espèce humaine….. et l’espèce végétale. J’ai conservé ces formules, qui sont fort acceptables à la biologie moderne : la vie est dans les trois espèces, bien qu’à des degrés divers, et c’est là ce qui permet de les réunir sous une même théorie.
  179. Le principe des uns et des autres… Comme ceci s’adresse aux plantes aussi bien qu’aux animaux, il semblerait qu’Aristote admet aussi des sexes dans les plantes. Voir plus haut, liv. 1. ch. 10. — Il vaut mieux… C’est résoudre la question par la question, puisque c’est supposer d’abord que le mâle vaut mieux que la femelle, le mâle donnant le mouvement et la vie, la femelle ne fournissant que la matière. La femelle ne vaut pas moins que le mâle ; ce sont deux êtres égaux, et tous les deux indispensables.
  180. Qui leur est commune à tous deux. Ainsi, l’égalité semble régner entre eux et l’un n’est pas plus que l’autre. — À cette condition que les plantes. Ceci semble prouver encore que le philosophe soupçonnait l’existence des sexes dans les végétaux, sans d’ailleurs connaître leurs organes. — La faculté de la sensibilité. Voir plus haut, liv. I, ch. XVI, § 8. Voir aussi les citations indiquées dans la note sur ce passage.
  181. Dans la plupart. Il y a des exceptions pour les espèces hermaphrodites. — Que nous venons d’exposer. Dans ce chapitre, sans parler des théories du premier livre. — Ainsi que nous l’avons vu. Plus haut, liv. I, ch. X, § 2. — N’en émettent pas. Ce sont en général les insectes, selon Aristote. — Ces animaux. C’est-à-dire ceux qui émettent de la liqueur séminale. — Plus de développement et de grandeur. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — La chaleur que l’âme produit. L’âme représente ici le principe vital, ainsi que dans tout le Traité de l’Âme. — La chaleur qui détermine le mouvement. Cette assertion ne saurait être prouvée. La volonté est plus puissante que la chaleur pour déterminer le mouvement. — Sont plus gros… Cette observation est exacte, si on la prend dans sa généralité.
  182. On doit comprendre maintenant. Cette assertion n’est peut-être pas aussi clairement justifiée que l’auteur le suppose ; mais on ne doit pas s’en étonner après les efforts qu’il a faits pour résoudre ce grand problème. — Mais, parmi les animaux… Les distinctions qu’Aristote fait ici sont très réelles et la science moderne ne saurait dire mieux. — Qui mettent au jour des êtres vivants. Ce sont les vivipares, parmi lesquels les mammifères tiennent la principale place. — Qui n’a pas… de membres. Comme en ont les jeunes vivipares. — Sa forme. On pourrait comprendre aussi qu’il s’agit de la forme transmise par les parents ; mais le premier sens est plus naturel. — Ceux qui ont du sang. Les oiseaux et les poisons. — Ceux qui n’ont pas de sang. Ce sont les insectes. — Larves. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 3 et 7. Mais nulle part mieux qu’ici Aristote n’a expliqué la différence de l’œuf et de la larve. — Une certaine partie. Dans l’œuf c’est le blanc d’où naît le poussin. — L’autre partie restante. C’est le jaune, qui nourrit le poussin pendant un temps déterminé. — Entièrement fait. Il y a des insectes qui subissent des métamorphoses ; mais les insectes, qui n’ont point d’ailes sortent de l’œuf avec la forme qu’ils doivent toujours garder. Il y a aussi des insectes qui ne subissent qu’une demi-métamorphose. Voir Cuvier, Règne animal, tome. IV, p. 316. édition de 1829.
  183. Quant aux animaux vivipares. Les distinctions entre les animaux vivipares ne sont pas moins fondées que celles qui précèdent. — En eux-mêmes. Ce sont les mammifères. — Le dauphin. Voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 287. Le dauphin fait partie dès cétacés à tête de grosseur ordinaire, par opposition aux cachalots et aux baleines qui ont la tête démesurément grosse. — Sélaciens. Voir Cuvier. Règne animal, tome II, p. 383. Les sélaciens sont la première famille des chondroptérygiens à branchies fixes : cette famille se compose de deux genres, les squales et les raies. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. 1. ch. ch. IV. et liv. II ch. IX, § 5., et passim : et M. Claus, Zoologie descriptive. p 812. trad. franç.
  184. Entre les ovipares. Les différences entre les ovipares sont très exactement indiquées, et elles sont incontestables. — Leur œuf complet. Une fois pondu, l’œuf n’a plus qu’à se développer intérieurement, par l’action de la chaleur venue de l’incubation. — Quadrupèdes ovipares. Les lézards et les tortues. — Ovipares dépourvus de pieds. Les ophidiens proprement dits, parmi les reptiles. Le texte présente une confusion que je n’ai pu éviter, tout en l’atténuant — Ne prennent plus d’accroissement. Le fait est exact. L’accroissement se fait dans l’intérieur de l’œuf, sans se produire en rien au dehors. — Ne se développent qu’après leur sortie. La différence n’est peut-être pas aussi grande que l’auteur le pense, et l’incubation de la mère dans les oiseaux est un complément qui ne vient aussi qu’après la ponte.
  185. Ont du sang. Ce caractère est très réel. — Absolument inféconds. L’infécondité est un fait accidentel, à moins qu’un ne veuille parler des hybrides ; on ne peut pas la considérer comme un fait permanent. — Se fécondent eux-mêmes. Ce sont les espèces hermaphrodites. — Dans d’autres ouvrages. Voir l’Histoire des Animaux, qui s’est beaucoup occupée des insectes, liv. 1, ch. 1, § 13, et surtout le livre IV, qui leur est consacré presque tout entier, et aussi liv. V. ch. XVIII. Le traité des Parties des animaux parle également beaucoup des insectes, liv. II, c. VIII, § 8 de ma traduction.
  186. De grandes variétés de ce genre. Toutes ces généralités sont d’une exactitude irréprochable ; la science actuelle n’a peut-être plus à s’en occuper ; mais, au début, elles étaient indispensables et fort instructives. On ne classe plus les animaux selon qu’ils sont vivipare ou ovipares ; mais on distingue les mammifères et les oiseaux, ce qui revient à peu près au même. — Tous les quadrupèdes ne sont pas ovipares… ne sont pas vivipares. Ces distinctions sont aussi claires que réelles. — Une foule d’autres. C’est exagéré, parce que les espèces de quadrupèdes ovipares ne sont pas nombreuses.
  187. Parce que les animaux ont des pieds. Aristote, voit bien que les pieds ne peuvent être un élément suffisant de classification. Voir le paragraphe qui suit. — Sans pieds, des apodes. Il n’y a que le dernier mot dans le texte. — Les vipères et les sélaciens. Ces exemples sont bien choisis, et on les connaît par les détails donnés précédemment. — Le reste des serpents. Par opposition à la vipère qui est vivipare, comme son nom l’indique. — Parmi les animaux… Ce paragraphe paraît n’être qu’une répétition assez peu utile. — La baleine et le dauphin. Voir plus haut, § 8.
  188. Il n’est donc pas possible… La remarque est parfaitement juste ; et en effet, il n’y a pas de naturaliste qui ait essayé une classification d’après cette donnée. — Expliquer la cause de leurs différences. Le nombre de pieds, la présence ou l’absence de ces organes, sont des détails anatomiques importants : mais ils ne sont pas assez décisifs. Voir Cuvier. Règne animal, tome I. pp. 48 et suiv. : Distribution générale du règne animal en quatre grandes divisions, vertébrés, mollusques, articulés, rayonnés. C’est bien toujours l’anatomie qui détermine la classification ; mais c’est l’ensemble de l’organisation qu’il faut considérer, et non pas seulement une partie. — Dont la nature est plus parfaite. Sans croire à l’échelle des êtres, on peut affirmer que certains animaux sont plus parfaits que certains autres. — Un principe plus pur. Au fond, le principe est toujours le même : et ce principe dernier est le Créateur : mais c’est la forme qui est inférieure, si d’ailleurs la cause est identique. — Plus chauds et plus humides… qui ne sont pas terreux. C’est toujours la théorie des quatre éléments, qui se reproduit dans ces premiers essais de chimie organique.
  189. C’est le poumon. Cette théorie est absolument celle de la science moderne : c’est la combustion du carbone et de l’hydrogène par l’oxygène de l’air, dans le poumon, qui est regardée aujourd’hui comme la cause de la chaleur animale. Quelques naturaliste de nos jours se sont trompés en affirmant que les Anciens faisaient venir du cœur la chaleur animale : on voit qu’il n’en est rien. Il est admis maintenant que la chaleur se produit dans l’organisme par le contact de l’oxygène de l’air avec les éléments solides ou liquides. Ce contact a lieu particulièrement dans le poumon. Ainsi. Aristote est dans le vrai pour ce qui concerne ce phénomène essentiel ; voir M. G. Colin. Physiologie comparée des animaux, tome II, p. 933, 2e édition, et M. Gavarret, « De la chaleur produite par les êtres vivants ». p. 507 ; voir aussi M. Béclard. Physiologie humaine, 6e édition, pp. 446 et suiv. C’est de l’action plus ou moins vive du poumon qu’on a tiré la distinction des animaux à sang chaud et à sang froid. — Ni spongieux, ni visqueux. On sait que le poumon n’existe que dans les trois premières classes des vertébrés, où il est essentiellement composé de canaux aériens cartilagineux, de vésicules membraneuses, de vaisseaux sanguins très ramifiés, et d’une membrane extérieure, qui les enveloppe et les protège ; voir Cuvier. Anatomie comparée, tome IV, pp. 308 et suiv., 1ere édition. — Plein de sang et mou. Ces caractères sont exacts.
  190. Le jeune. Le texte dit d’une manière générale : « l’animal », le vivant : c’est le produit des vivipares. — Dans l’ordre de la Nature. Dont Aristote ne cesse d’admirer la sagesse. — L’être complet. C’est le petit des vivipares, qui est complet en naissant, parce qu’il a tous les organes qui plus tard ne feront que se développer. — D’un être plus complet que lui. L’enfant vient de l’homme ; l’homme engendre l’homme, selon les formules aristotéliques. — Un œuf complet. Comme les œufs de gallinacés, qui n’ont plus besoin pour produire le poussin que de la chaleur de l’incubation. — Ils sont vivipares en eux-mêmes. Comme les sélaciens, cités dans le paragraphe suivant. — À cause de leur sécheresse. L’explication est bien hypothétique.
  191. Quant aux sélaciens. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384. Il y a des sélaciens dans le corps desquels éclosent les petits ; d’autres ont des œufs revêtus d’une coque dure et cornée. — Froids… humides. Ces théories ne sont pas acceptables, bien qu’elles soient ingénieuses. — Plus sèche et plus terreuse. Entre les quatre éléments, c’est la terre seule qui représente le sec.
  192. Ne flotte pas à la surface. Ceci veut dire que la partie terreuse, étant la plus lourde, reste au fond, où elle produit l’œuf, d’où le jeune doit sortir. Le texte n’est pas plus précis que ma traduction. — N’ayant rien qui le protège. Ce qui protège l’œuf des gallinacés, par exemple, c’est la coquille, qui a la dureté nécessaire : et cette dureté ne peut venir que de la partie terreuse, selon la théorie des quatre éléments. — Les animaux plus froids et plus secs. Ceci est bien vague ; et un ne voit point assez nettement quels sont les animaux que l’auteur veut désigner. — Une pellicule dure. Cette organisation de l’œuf est de toute évidence dans les oiseaux ; mais chez les poissons mêmes, l’œuf a toujours une pellicule résistante ; et sans elle, il ne subsisterait pas. Aristote le fait remarquer dans le paragraphe suivant.
  193. Les poissons qui ont des écailles. Peut-être Aristote veut-il distinguer par là les cétacés et les poissons cartilagineux des autres animaux aquatiques. La plupart des poissons ont le corps couvert d’écailles : mais la zoologie moderne ne semble pas attacher d’importance à ce caractère ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 125, édition de 1829. — Qui sont terreux. Sans doute à cause du test ou carapace que portent ces animaux. Voir Cuvier. Règne animal, tome IV, pp. 26 et 27. — Dont le corps est naturellement visqueux. C’est là ce qui leur a fait donner le nom qu’ils portent. « Leur peau est nue, dit Cuvier, très sensible, ordinairement enduite d’une humeur qui suinte de ses pores. » Règne animal, tome III, p. 3. Leur peau ressemble à une membrane pituitaire ; et elle se développe en une sorte de manteau, qui recouvre tout le corps. Leurs œufs, dans les mollusques ovipares, sont enveloppés d’une coquille plus ou moins dure, ou même d’une simple viscosité ; Cuvier, id., ibid., p. 6.
  194. Quant aux insectes. Voir sur la génération des insectes. Cuvier-Latreille, tome IV, p. 314. du Règne animal. Le premier état des insectes dans leurs métamorphoses est celui de larves. — Larvipares. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. 7, de ma traduction. Le mot de Larvipares est admis dans le langage de la science ; mais il ne l’est pas par l’Académie. — Comme ils n’ont pas de sang. Ce n’est pas là sans doute la véritable cause. — Beaucoup de variétés. C’est dans les insectes, troisième embranchement, ou forme, de Cuvier, que la fécondité de la matière se montre la plus étonnante ; les espèces sont a peu près innombrables ; elles s’élèvent déjà à plusieurs centaines de mille ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 563, trad. franç. — Sous forme de larves. Sur les larves et leurs métamorphoses, voir M. Claus, id., ibid.. pp. 557 et suiv. — Plus tard la forme d’œufs. Ces détails ne sont pas assez complètement exposés pour être tout à fait clairs ; et l’auteur lui-même semble le sentir en annonçant des études ultérieures. — Dans ce qui va suivre. Voir plus loin, liv. III, ch. III et suiv., sur les œufs des poissons et des animaux inférieurs.
  195. La Nature s’arrange toujours… Nouveau témoignage d’admiration pour la sagesse de la Nature. — Régulière et continue. C’est la fixité et la perpétuité des espères, niées dans ces derniers temps avec tant de légèreté et d’audace, malgré l’évidence des faits. Voir plus haut, ch. I, § 3. — Quant à la qualité. C’est l’espèce et l’essence. — Quant à la quantité. Ces distinctions sont très nettes. Tout animal s’accroît, après sa naissance, par la nourriture qu’il prend.
  196. Les animaux de second ordre. Tout ce passage est un des plus importants en ce qui concerne la classification telle que l’entendait Aristote, et telle qu’il l’établissait : vivipares proprement dits ; vivipares après production d’un œuf en eux-mêmes ; ovipares à œuf complet ; ovipares à œuf incomplet ; enfin larvipares. La science moderne a trouvé d’autres principe de classification, tirés surtout de l’anatomie. Mais les caractères indiqués par Aristote n’en méritent pas moins d’attention ; ils s’adressent au principe même de la génération et de la vie. — Les transformations. Ce sont les métamorphoses des insectes. — Dont on a parlé. Plus haut, ch. I, § 7. — Une sorte d’œuf. Voir plus haut, § 19. — La chrysalide. Le rôle de la chrysalide est très bien exposé. C’est en effet une espèce d’œuf particulière. — Ce troisième changement. Ce sont les trois métamorphoses des insectes.
  197. Antérieurement. Liv. 1, ch. I, § 5. — Qui ont du sang. Nous dirions aujourd’hui : « à sang rouge », pour les distinguer des animaux à sang blanc. — Dans les parents eux-mêmes. Ce sont les vivipares. — Transformations. Le mot du texte signifie littéralement « séparations ». L’œuf habituellement se sépare, en effet, de l’animal qui le produit.
  198. Une question plus difficile… La question qu’Aristote va discuter est en effet très importante : mais il semble qu’elle ne tient pas de très près à celles qui précèdent. Par sa nature même, elle aurait dû trouver place dans le premier livre, et comme préambule de tout le traité. Mais quoi qu’il en soit, il faut laisser les choses telles qu’elles sont ; tout changement serait arbitraire. — De quelque chose, par l’action de quelque chose… Ces répétitions sont dans le texte. — De quelque chose, c’est la matière. Qui se trouve dans l’œuf, pour nourrir le poussin, ou dans la larve, d’où le jeune doit sortir. — D’autres aussi. On pourrait croire que cette phrase a été ajoutée par une main étrangère. L’allaitement ne vient que beaucoup plus tard pour le développement de l’animal ; mais le lait n’est pas sa matière primitive. — Ce dont viennent les animaux. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XXIV, de ma traduction.
  199. En second lieu. Le texte dit simplement Maintenant. — De quoi. C’est la seconde question posée au paragraphe précédent. — Quelque chose d’extérieur. L’action de l’extérieur peut produire le développement ; mais il faut d’abord un principe intérieur, que le dehors peut développer. — Qui s’incorpore à eux. J’ai cru pouvoir ajouter ces mots pour rendre toute la force de l’expression du texte. — Qui pourrait acquérir une âme. Le grec se sert d’un conditionnel, qui me paraît avoir le sens que je donne. — La raison ne peut pas admettre. Aristote fait toujours une part à la raison dans l’explication des phénomènes, après la part faite à l’observation. — S’il n’y a pas de contact. Ceci précise le sens dans lequel il faut entendre l’idée d’Extérieur ; mais les pensées ne semblent pas se suivre ici très régulièrement.
  200. Primitivement… d’originaire. La répétition est bien dans le texte, quoiqu’elle y soit moins marquée. — Quelque partie qui en soit séparée. Ceci vient d’être dit déjà au paragraphe précédent. — Raisonnablement. Même remarque. — L’animal une fois produit. Ici le mot d’Animal ne désigne que l’embryon qui vient de recevoir la vie. — Ce quelque chose. L’indécision est aussi grande dans le texte. — Sans être aussi une partie du tout. Ce qui implique que ce n’est point quelque chose d’extérieur. — Ce qui a fait, ou toutes les parties… Le principe qui a donné la vie subsiste après cette première manifestation, pour que l’être qui a reçu la vie puisse se développer. — Les parties restantes. Ce ne sont pas des organes nouveaux, qui s’ajoutent à d’autres ; ce sont les mêmes organes qui s’accroissent et se complètent.
  201. Forme le cœur. Aristote prend le cœur pour exemple, parce que, de tous les viscères, c’est le premier qui se montre dans l’embryon, à cause de ses battements ; voir le Traité des Parties, liv. III, ch.. VII, § 8 de ma traduction. — Il faut que tout périsse. Le texte n’est pas plus explicite : et sans doute, l’auteur veut dire que, si le principe initial vient à disparaître, tous les organes cessent de fonctionner, et que le mouvement de l’un ne suffit plus pour mouvoir les autres. C’est le principe même qui doit subsister, pour que tout le reste subsiste et conserve la vie. — Une partie de lui. C’est une cause qui subsiste dans l’embryon plutôt qu’une partie de l’embryon même. — Dans une certaine partie du corps. L’union de l’âme et du corps a toujours été conçue par Aristote de cette manière ; voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. 1, §§ 4 et 5, et passim. L’âme ne signifie que la vie dans ce passage : ce ne peut pas être encore l’entendement, qui ne vient que plus tard.
  202. De deux choses l’une. Le texte n’est pas aussi formel. — Attribués à Orphée. Ainsi du temps même d’Aristote, les poésies d’Orphée, si jamais il avait composé des vers, n’étaient pas authentiques. — Comme les mailles d’un filet. Ce sont les ramifications des veines, qui, sans doute, auront prêté à cette comparaison. — Que toutes les parties du corps. Ceci n’est peut-être pas exact ; tous les organes existent dès le début à l’état embryonnaire ; et ils ne font ensuite que se développer. — La moindre observation sensible. C’est chronologiquement le premier élément de la science ; la réflexion ne vient qu’après, pour former la théorie et donner l’explication des phénomènes et de leurs causes. — D’autres n’apparaissent pas encore. Mais ils n’en existent pas moins, quoique invisibles. — Et qu’on ne dise point… En ceci. Aristote se trompe, et il est certain que même aujourd’hui où la science dispose d’instruments si puissants, la petitesse des objets est un véritable obstacle aux observations les plus attentives. — Le poumon….. ne se montre qu’après le cœur. Ceci est exact. Mais c’est le système nerveux qui se développe le premier de tous, sur la tache germinative de l’embryon : puis, les sens, les os, les muscles, la peau. C’est vers le quinzième jour que se montrent les premiers vestige de l’appareil vasculaire et respiratoire. Le cœur, ou punctum saliens, a dès lors des contractions, qui commencent la circulation utérine. Mais tous ces détails sont excessivement ténus, et il n’est pas étonnant que les premiers observateurs ne s’en soient pas rendu compte, voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, pp. 1185 et suiv. ; et M. Colin. Physiologie comparée des animaux, 2e édition, tome II, pp 842 et suiv.
  203. Si l’un des deux produit l’autre. Cette explication est tout à fait inadmissible. — Simplement à la suite. C’est bien là ce qui semble se passer en effet l’évolution développe successivement tous les organes suscités par un seul et même principe, sans qu’un des organes produise un autre organe. — Après l’enfant vient l’homme. L’enfant se développe dès le jour de la conception, d’abord par la vie intra-utérine puis, par la vie au dehors, où après une vingtaine d’années, plus ou moins, il est arrivé à toute sa croissance, et est enfin devenu homme. — Une hypothèse dénuée de sens, et une pure rêverie. Toutes ces observations physiologiques, sur le développement successif des organes, sont d’accord avec les théories modernes les plus autorisées, ainsi que le remarquent MM. Aubert et Wimmer, p. 136. en note.
  204. Une partie intrinsèque. Ceci est peut-être aussi exact : et les spermatozoïdes ne semblent pas du tout être une partie intégrante de l’embryon, qu’ils animent. — Soit de la plante, soit de l’animal. C’est que la vie est dans la plante, comme elle est dans l’animal, bien que les manifestations soient différentes. — Il n’est donc pas possible. Cette impossibilité n’est pas aussi bien démontrée que le croit Aristote : mais, il fait bien d’agiter ses questions profondes, et de scruter tous ses mystères. — Les parties de l’être qu’il fait. Ce serait en effet impossible, et rien ne doit le faire supposer.
  205. En dehors de lui. Voir plus haut. — Une de ces deux assertions. L’expression du texte est plus vague. — Ces difficultés, Dans un sujet tel que celui de la génération, les obscurités se présentent de toutes parts : elles arrêtent encore nos physiologistes, bien qu’ils en sachent beaucoup plus long qu’Aristote ; et il n’y a point à s’étonner qu’il n’ait pas mieux résolu ces problèmes. Il n’y a qu’à le louer au contraire de les avoir abordés. — D’une certaine manière, à un certain moment. Ces restrictions sont exprimées dans le texte d’une façon un peu moins précise.— D’une cause extérieure à lui. Même remarque.
  206. Dire le sperme. C’est la liqueur fécondante, élaborée par les organes du parent. — L’être d’où vient le sperme. C’est le parent lui-même. On peut en effet les confondre la raison qu’en donne Aristote : le parent ou le sperme, c’est tout un : seulement, dans un cas, on s’arrête à la cause la plus prochaine, qui est le sperme et dans l’autre, à une cause plus éloignée, qui est l’être d’où vient le sperme. C’est alors l’homme qui engendre l’homme, selon la formule aristotélique. — Telle ou telle chose. Le texte n’est pas plus précis. — Dans les automates. Aristote semble affectionner cette comparaison ; voir la Métaphysique, liv. I, ch. II, § 22, de ma traduction. Il suffit de la détente d’un ressort pour faire marcher toutes les autres pièces. — Par curiosité. J’ai ajouté ces mots, dont le sens est impliqué dans l’expression du texte. — Une espèce de force motrice. Le mécanisme des automates est ici très bien décrit.
  207. De même l’être d’où vient le sperme. Cette comparaison ne sert pas à éclaircir les choses, en se continuant. Celle qui suit et qui assimile le rôle du parent au rôle de l’architecte, n’est pas plus heureuse, ni plus utile.
  208. Qui fait et produit. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Déterminé. J’ai ajouté ce mot pour rendre toute la force de l’expression grecque. — Préalablement et absolument accompli. La vie a été donnée tout d’abord dans sa forme la plus embryonnaire, et le développement ne vient que plus tard. — Réel et actuel. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Produit par… C’est bien le sens de l’original grec ; mais, il semble que ceci est en contradiction avec la théorie ordinaire d’Aristote, qui fait toujours venir la puissance de l’acte, et non l’acte de la puissance. Logiquement, la puissance est antérieure, puisqu’une chose ne devient réelle que parce qu’elle est possible, mais sous le rapport du temps, la réalité précède la puissance. — Le sperme est donc… Cette explication est très remarquable en ce qu’elle se rapproche beaucoup de celle que paraît adopter la science moderne. — De telle nature… de telle nature. La répétition est aussi dans le texte. — D’âme et de vie. Il n’y a dans le texte que le premier mot : mais évidemment l’âme ici c’est la vie à son degré le plus général. — Par la mort. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. J’ai dû développer quelque peu tout ce passage. — Main… chair. Ces exemples d’homonymies sont familiers d’Aristote.
  209. Les parties similaires… organiques. Voir l’Histoire des animaux, liv. 1. ch. 1, § 1 de ma traduction. — Le feu. Il s’agit du feu de la forge, que dirige l’ouvrier pour produire les instruments qu’il façonne. — Ne peuvent pas faire l’essence. Le grec dit précisément « la raison », la notion, qui sert à exprimer le nom de l’être ou de la chose. — Venu du parent. D’après ce principe aristotélique que c’est l’homme qui engendre l’homme. — Ce qui n’est qu’en puissance. Voilà le dernier mot du philosophe sur le problème de la génération ; mais cette explication peut paraître par trop logique, tout ingénieuse qu’elle est.
  210. C’est de ce parent… C’est l’acte même de la génération, dans ce qu’elle a de plus apparent et de moins contestable. — Ce qui fabrique l’épée. Voir, au paragraphe précédent, l’action du feu servant à façonner une hache. — Le mouvement des instruments. Dirigé par l’ouvrier. — A la raison même de l’art. Le texte n’est pas plus précis que la traduction que j’en donne. — L’art est le principe. Il vaudrait peut-être mieux dire l’artiste plutôt que l’art. — Vient d’une autre nature. Qui est celle du parent lui-même.
  211. Se demander pour le sperme… La question peut sembler assez bizarre : mais la découverte des spermatozoïdes la justifie du moins en partie, bien que le fait de leur existence fût profondément ignorée au temps d’Aristote. — S’il n’a pas d’âme. Ou de vie. — Qui participe de l’âme. Même remarque. — Une simple homonymie. Voir plus haut, § 11, les mêmes idées, exprimées en termes analogues. — Le sperme a une âme. Ici encore, on ne peut comprendre Âme que dans le sens de Vie, de principe vital. — Un géomètre qui dort. L’exemple peut paraître assez bizarre, quoiqu’il soit vrai. Le géomètre, quand il ne fait pas de géométrie, n’est géomètre qu’en puissance. MM. Aubert et Wimmer supposent qu’il y a ici une lacune.
  212. Aucune partie de l’âme. Les parties de l’âme, prises au sens aristotélique, sont la nutrition d’abord, la sensibilité, ensuite, le mouvement et l’entendement. — Auteur du mouvement extérieur. C’est le parent mâle : mais le mouvement qu’il donne et qui transmet la vie, pourrait être attribué à la faculté locomotrice de l’âme. — Elle peut s’accroître. Toutes ces observations sont exactes. — Une plante… un animal. Aristote rapproche toujours, autant qu’il peut, les plantes et les animaux, de manière à considérer la vie dans toute son étendue. C’est déjà de la biologie, telle que l’entendent les Modernes, ainsi qu’on l’a vu plus haut, liv. 1, ch. II, § 1. — La faculté de se nourrir. La première des facultés et la plus indispensable de toutes : voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. II § 3, de ma traduction.
  213. Qu’il se développe et qu’il croisse. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — L’homme engendre l’homme. C’est la formule habituelle d’Aristote. — De son propre fond. Ou, par lui-même. — Existe avant tout le reste. Ln cause est nécessairement antérieure à son effet. — Si c’est le cœur. La forme est dubitative ; mais Aristote n’hésite pas à regarder le cœur comme le viscère qui se développe le premier.
  214. Antérieurement. Dans ce second livre aussi bien que dans le premier. — En tant que principe. C’est le mouvement et la vie venus du mâle. — Sur la nature du sperme. On aurait pu croire que cette discussion spéciale était épuisée ; voir plus haut, liv. 1, ch. XII et XIII. La nature de la liqueur séminale a été étudiée d’abord physiologiquement ; ici c’est une sorte d’analyse chimique. — Il est épais et blanc. Il est plutôt blanchâtre : mais il est épais et filant, peu près comme l’albumine de l’œuf. C’est dans l’épididyme et dans le canal déférent qu’il est le plus blanc ; il devient grisâtre pour arriver à l’urètre. — Liquide comme l’eau. C’est exagéré ; mais il est vrai qu’il contient neuf dixièmes d’eau. — C’est par le refroidissement. La physiologie moderne ne semble pas avoir porté son attention sur ce point.
  215. Par des jours de glace. Ce sont là des expériences : ce ne sont plus de simples observations. — Ne se congèle pas. En se refroidissant, le sperme dépose des cristaux qui ont la forme de pyramides quadrangulaires. — Du froid. J’ai ajouté ces mots. — Qui sont plutôt terreux. Après que le sperme s’est évaporé dans ses parties aqueuses, il reste un dixième de matière organique jaunâtre, qui ressemble à de la corne. C’est la matière qu’on a nommée spermatine, ou matière organique de la liqueur séminale ; elle entre pour six centièmes dans le sperme : il contient, de plus, divers sels, du phosphate de chaux et de soude. — Il devient tout entier comme de l’eau. Voir le paragraphe précédent. Aristote lui-même fait des objections à cette théorie ; et il voit bien qu’il manque beaucoup d’éléments à l’analyse du sperme.
  216. Où est la difficulté. Cette difficulté ne tient pas aux phénomènes eux-mêmes ; elle ne tient qu’à cette fausse hypothèse qui assimile la liqueur séminale à de l’eau. — Mélange d’eau et de terre. Il y a en ceci un fond de vérité, puisque le sperme contient neuf parties d’eau sur dix, et que le reste est composé de corps plus lourds que l’eau.
  217. Nous n’avons peut-être pas bien analysé. On remarquera la circonspection et la modestie du naturaliste, qui sent bien tout ce qui lui manque. — D’eau et de terre… d’eau et d’air. Ceci se rapporte toujours à la théorie des quatre éléments. — L’écume, Il eût fallu designer spécialement quelque matière particulière ; car il en est beaucoup qui peuvent produire de l’écume. — Mélangée d’air. En effet, on épaissit l’huile en la battant, c’est-à-dire en y faisant entrer de l’air. — Le blanc de plomb. Il serait difficile de savoir à quelle expérience ceci fait allusion ; voir sur la céruse le traité élémentaire de chimie, de V. Regnault, tome III, p. 213, 6° édition. — Et, de noir, il devient blanc. Il semble que ce devrait être le contraire. — Que de l’écume. Sans doute parce qu’elle contient beaucoup d’air ; ce qui la rend à la fois légère et blanche.
  218. C’est également ainsi que l’eau mêlée à l’huile. Ce sont là encore des expériences ; en même temps que des observations. — Y renferme de l’air. Le fait est exact, quoique Aristote, qui ne connaissait pas la composition de l’air, ne puisse pas juger jusqu’où s’étend son action dans ces mélanges. — Il est de l’air. L’expression est trop forte. — Surnage à la surface de l’eau. C’est que l’huile est plus légère que l’eau. — S’épaissit par le froid. Le fait est exact ; mais c’est bien aussi une sorte de congélation qu’elle présente, sans que d’ailleurs la température soit très basse. — Se contracte. Le sens du mot grec peut être douteux.
  219. Par les mêmes raisons. Il est bien possible que ces raisons ne soient pas les vraies ; mais cette analyse, quelque imparfaite qu’elle soit, démontre avec quel soin le philosophe étudiait les phénomènes qu’il voulait comprendre. — Liquide et noir. Liquide est exact ; mais Noir ne l’est pas, il est difficile de s’expliquer cette erreur. — Que l’eau a une petite quantité de matière terreuse. Ces observations sont d’une exactitude étonnante. — Dans le phlegme. On ne voit pas précisément ce que le phlegme peut désigner ici ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. 1, § 9. n., de ma traduction. — Du souffle intérieur. On pourrait traduire aussi : « de l’air » ; mis le mot grec, signifie plutôt la respiration, le souffle du dedans ; et ce qui suit semble confirmer cette interprétation. — C’est qu’il vient de l’eau. On a déjà vu plus haut que la liqueur séminale contient neuf parties d’eau sur dix. Voir plus haut, § 1 et la note.
  220. Ctésias de Cnide. Aristote adresse la même critique à Ctésias, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVII, § 3, de ma traduction. En général, il fait peu de cas de son témoignage ; et il juge sévèrement ses erreurs, et les contes fabuleux qu’il rapporte avec la plus extrême crédulité. — Ce qui est vrai. Il ne paraît pas qu’Aristote eût observé l’éléphant d’une manière spéciale mais la conjecture qu’il propose est fort plausible. — D’élément terreux. La proportion doit rester à peu près la même bien que la masse totale puisse différer beaucoup.
  221. Mélangé de souffle. J’ai conservé le mot de Souffle, à cause de ce qui précède : mais il semble que le mot d’Air serait ici plus convenable. — Hérodote. Voir l’Histoire des Animaux liv. III, ch. XVII, § 1, de ma traduction, où la même erreur est attribuée à Hérodote. — Les dents des Éthiopiens ; Ce ne serait pas un argument suffisant ; et la liqueur séminale pourrait être d’une autre couleur que les dents : mais l’argument pris d’une manière générale, comme il l’est n’est pas sans force.
  222. C’est qu’il est de l’écume. Voir plus haut, § 4. — L’écume est blanche. Elle peut état aussi d’une autre couleur, selon les matières. — Comme on vient de le dire. Voir plus haut § 4. — Les Anciens. Il semblerait qu’on doit entendre par là les Théologues plus encore que les philosophes. Le nom d’Aphrodite appartient à la mythologie, et remonte aux premiers temps de la civilisation grecque, puisqu’il est déjà dans Homère, Iliade, chap, III. v. 374 et passim.
  223. Se trouve résolue la question. La solution n’était pas aussi définitive qu’Aristote le supposait ; mais c’était déjà beaucoup de l’avoir discutée. — L’air ne peut pas geler. C’est l’explication donnée plus haut, § 5, et qui ici n’est que répétée.
  224. N’est point une partie… du jeune. C’est ce qu’on a essayé de démontrer plus haut, ch. II. — Matérielle et corporelle. Le texte n’a que le dernier mot. — Reçoit quelque chose, ou ne reçoit rien. Il semble, d’après tout ce qui précède, que l’action du mâle se borne, d’après les théories d’Aristote, à transmettre le mouvement et la vie, sans donner rien de matériel. — Quant à l’âme… C’est une question déjà posée plus haut, ch. II, § 14. — Et lui vaut cette appellation. L’étymologie est dans notre langue la même que dans la langue grecque : anima, âme ; animé, animal. — La partie sensible. C’est la sensibilité qui constitue primitivement l’animal ; la nutrition est déjà dans la plante, et c’est une faculté commune et non pas spéciale. — Dans le sperme et dans l’embryon. Il s’agit ici de l’embryon dans sa ferme la plus simple et dans ses premiers linéaments. — Et d’où elle vient. Question qui restera toujours mystérieuse et insoluble.
  225. Privé de toute espèce de vie. Cette supposition serait d’autant moins possible que c’est tout d’abord dans l’embryon que la vie apparaît. — Que les graines des plantes. Analogie fort exacte entre la plante et l’animal, qui, à ces premiers moments, ont également la vie sous forme rudimentaire. — De fécondité. C’est bien le sens du mot grec ; mais peut-être vaudrait-il mieux dire : « de développement ». — Ils ont l’âme nutritive. C’est la première et la plus indispensable des facultés, soit dans le plante, soit dans l’animal : la sensibilité, qui constitue l’animal et est refusée à la plante, ne vient qu’après. — Ailleurs. Voir le Traité de l’Âme, liv. II. ch. II, § 4. de ma traduction.
  226. Ce n’est pas d’un seul coup. Il semble que ce serait plutôt tout le contraire : dans les obscurités insondables de la génération, l’espèce est déterminée tout d’abord et en un instant indivisible : c’est un homme ou tel autre animal. Tout le développement postérieur dépend de cette condition initiale, la plus cachée de toutes. — Le complément qui achève l’être. C’est le développement que prend l’être aussitôt qu’il a été conçu. — D’où vient l’intelligence. Ou l’Entendement. C’est là une question toujours pendante, et comme le dit Aristote, une question des plus difficiles. La physiologie peut aborder le problème dans une certaine mesure : mais il appartient surtout à la philosophie.
  227. Qui ne sont pas encore séparés. C’est-à-dire, quand ils sont encore les uns dans le mâle, et les autres dans la femelle. — En puissance.. en fait. Ces formules sont ici mieux placées que partout ailleurs. Le passage de la simple possibilité à la réalité actuelles n’est nulle part mieux marqué que dans le mystère de la génération. L’ovule est un animal en puissance : il ne devient réel que par l’action de l’autre sexe. — Une fois séparés. C’est-à-dire, déterminés et distincts, de manière à former un individu nouveau. — La vie de la plante. C’est bien là en effet la vie intra-utérine — L’âme sensible… l’âme douée d’entendement. Voir le Traité de l’Âme, liv. II et III, de ma traduction.
  228. Les alternatives suivantes. Le texte n’est pas aussi précis : mais j’ai cru devoir prendre cette formule, pour rendre plus claires les distinctions qui suivent. — Toutes ces âmes. C’est-à-dire, l’âme nutritive, l’âme sensible, l’âme locomotrice, l’âme raisonnable on intellectuelle — Se produisent dans l’être. L’expression du texte est aussi vague. — Ou elles y étaient toutes antérieurement. Ces questions peuvent paraître assez subtiles, sous la forme où elles sont présentées ici : mais elles n’en sont pas moins importantes : et le problème se présente toujours à nous, aussi mystérieux qu’il pouvait l’être pour les Anciens. A quel moment l’âme est-elle donnée à l’embryon. — Sans y être apportées par le sperme du mâle. Aristote incline à penser que c’est de l’action du mâle que viennent primitivement le mouvement et la vie, avec toutes leurs conséquences selon les espèces. — Les unes… les autres. Il s’agit toujours des diverses sortes d’âmes, ou plutôt des diverses facultés de l’âme.
  229. C’est là une chose impossible. Si cette assertion peut sembler téméraire, Aristote du moins essaie de la justifier par des arguments qu’il croit irréfutables, et qui ne sont pas certainement sans valeur. — L’action est corporelle… sans le corps. Cette tautologie est dans le texte. Au lieu de Principes, MM. Aubert et Wimmer préféreraient Actions ; et alors il faudrait traduire : « Pour toutes les actions dont l’exécution est corporelle » : les manuscrits n’autorisent pas cette variante. — Il est bien impossible de marcher sans pieds. La marche n’est pas un principe ; et c’est pour ce motif que MM. Aubert et Wimmer proposent une leçon nouvelle. — Dont nous parlons. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté ; ils me semblent indispensables. — Inséparables. Ils sont essentiels à l’être, qui sans eux n’existerait pas. — De façon à devenir du sperme. Le texte n’est pas aussi explicite.
  230. L’entendement seul vient du dehors… il est divin. Voir les mêmes théories dans le Traité de l’Âme, liv. I, ch. IV, § 14, et liv. III, ch. V, 2. p. 104, de ma traduction : voir encore liv. III, ch. VII, § 8. p. 319. Des théories analogues se retrouvent aussi dans la Métaphysique, liv. VII, ch. X, § 15, de ma traduction. — D’un autre corps. L’expression est bien vague. — Plus divin que ce qu’on appelle les éléments. On ne peut pas affirmer plus clairement l’immatérialité de l’âme : et Platon n’a pas mieux dit. — Les éléments. La formule qu’adopte ici Aristote a quelque nuance de dédain, qui relègue la matière au dernier rang des choses. — La nature des éléments ne diffère pas moins. Ceci résulte de l’ordre même dans lequel on range d’ordinaire les quatre éléments : Terre, eau, air, feu, selon leur pesanteur, ou leur ténuité. — La chaleur. Nous ajouterions aujourd’hui : La chaleur animale. Tous les physiologistes modernes traitent le sujet de la chaleur animale, comme un des plus importants de toute la science. — Ce n’est pas tout à fait du feu. La restriction est exacte, quoique le fait de la chaleur dans l’animal puisse être considéré comme une combustion. — Le souffle, ou l’esprit. Il n’y a qu’un mot dans le texte, et MM. Aubert et Wimmer remarquent avec raison que ce mot est bien obscur. — Analogue à l’élément des astres, c’est une pure hypothèse qui peut sembler bien chimérique.
  231. Ne produit-il jamais un animal quelconque ? Le fait est incontestable, en dépit de quelques assertions contraires. — Aucun être ne se forme… Les grandes expériences faites de nos jours sur les générations spontanées, ont démontré la vérité de ce principe. — La chaleur du soleil. L’action de la chaleur solaire ne doit pas tenir de place ici. — La chaleur que possèdent les animaux. Cette chaleur est la seule dont la physiologie ait à tenir compte. — Le principe de la vie. C’est l’expression même du texte. Il n’y a pas de vie possible sans chaleur plus ou moins grande.
  232. N’est pas du feu. Le fait est certain ; et la chaleur animale est fort différente du feu, bien qu’à quelques égards elle lui ressemble, puisqu’elle cause aussi une sorte de combustion. Mais la preuve sur laquelle Aristote appuie son assertion n’est peut-être pas très forte. — En partie séparé du corps. C’est le spiritualisme platonicien, qui reparaît ici dans les théories du disciple empruntées au maître. — Quelque parcelle divine. C’est le Divinae pacticulam aurae, d’Horace. — L’entendement. Ou l’intelligence. — En partie, il n’en est pas séparé. Nous ne connaissons l’âme que jointe à un corps ; et si l’âme se distingue et se saisit elle-même par un acte de conscience, elle ne se sent jamais isolée du corps, auquel elle est unie étroitement dans les conditions de la vie présente. — En souffle et en esprit. Il n’y a qu’un mot dans le texte. Le rôle attribué à la semence génératrice est assez singulier : mais cette théorie revient à ne voir dans le sperme qu’un excitateur, qui ne donne à l’embryon rien de matériel.
  233. Nous venons… d’expliquer. L’explication n’est pas aussi claire, que, sans doute, l’auteur le suppose : mais il faut toujours penser à la difficulté insurmontable du problème, et l’on ne doit pas s’étonner qu’il ne soit pas mieux résolu par Aristote, puisqu’il n’est pas non plus résolu complètement de nos jours. — Le même mouvement que celui qui fait croître. Cette assimilation des deux mouvements n’est pas très juste, puisque l’un ne dure qu’un instant, tandis que l’autre dure pendant la vie entière. — Il se condense. C’est un fait qu’il serait bien difficile de vérifier. — Cette excrétion. C’est-à-dire celle de la femelle.
  234. De même que des parents contrefaits… Le fait est exact ; et la difformité des parents ne passe pas toujours aux enfants. — Une femelle… un mâle. La comparaison dont se sert Aristote n’explique pas suffisamment le fait. — Comme un mâle. Ceci est vrai dans une certaine mesure, puisque le mâle et la femelle sont d’une seule et même espèce. — Mutilé et imparfait. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec. — Le principe de l’âme. Il faut entendre par l’âme le principe vital, avec les facultés qui le constituent, la nutrition, la sensibilité, etc. La suite de ce paragraphe montre bien que c’est le sens donné ici au mot d’Âme. — Un embryon. Qui peut devenir un animal complet.
  235. Dans les matières liquides. Il est évident que tout ce paragraphe est ici absolument déplacé ; on ne saurait dire quelle en serait la véritable place. Il est possible aussi que ce soit une note marginale qui sera passée dans le texte par l’inattention des copistes. La phrase est à rejeter tout entière, et MM. Aubert et Wimmer ont eu raison de la regarder comme apocryphe.
  236. Une organisation moins complète. Ce sont sans doute les ovipares qu’Aristote veut désigner ainsi. — Complète… complet… complet. Ces répétitions sont dans le texte. — Sous le rapport de l’animalité. Le texte n’est pas aussi explicite. — Plus haut. Voir ci-dessus, liv. I, ch. XVII, § 3. — Est complet en ce sens… La restriction est peut-être un peu trop forte ; et l’embryon est, à ce qu’il semble, complet aussi à d’autres égards que le sexe ; il a déjà les organes nécessaires à sa vie et à son développement. — Plus tard. Voir plus loin, liv. III, ch. VIII et suiv.
  237. Les animaux complets. Aristote met les vivipares au premier rang de tous les animaux : et la science moderne est sur ce point capital d’accord avec lui ; voir le paragraphe suivant. — Gardent et nourrissent. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Conçu un œuf. Ce sont les ovipares pris de la manière la plus générale. Dans ce qui suit, Aristote distingue deux classes pour les ovipares : ceux qui produisent au dehors un œuf qui n’a plus qu’à se développer, et ceux qui produisent l’œuf dans leur intérieur, où il se développe avant que le jeune puisse sortir. — Pour l’œuf des ovipares. Les gallinacés par exemple. — Achevé par la matrice. Il semblerait que ce serait plutôt : Dans la matrice — Les sélaciens. Voir plus loin, liv. III. ch. VI ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384 ; mais Cuvier insiste moins que le naturaliste grec sur cette génération particulière des sélaciens.
  238. Premièrement… les premiers… le premier rang. Toutes ces répétitions sont dans le grec. — Sont vivipares. La science moderne dirait. Mammifères ; ce qui revient à peu près au même. — L’homme… le premier de tous. Sur ce point, il y a unanimité ; la seule divergence entre les naturalistes, c’est que, tout en reconnaissant la suprématie de l’homme, on ne le regarde que comme le dernier terme de la série animale, tandis que d’autres naturalistes, mieux inspirés, le regardent comme un être à part. Ce dernier avis peut passer pour être aussi l’avis d’Aristote. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 26, et ch. XII, §§ 3 et 6 ; liv. II, ch. V, § 3 ; liv. IV, ch. IX, § 15 ; liv. VII ; et liv. VIII, ch. 1, de ma traduction. Voir aussi le Traité des Parties, liv. II, ch. X, § 3, de ma traduction. — La respiration. Ou le Souffle. — Aucune autre cause analogue. Qui agirait à la façon de la respiration, retenue et poussée ensuite avec violence.
  239. On a prétendu. On peut croire qu’il s’agit ici de Démocrite ou d’Anaxagore. — De ventouse. C’est-à-dire, par une sorte d’aspiration qui produit le vide. — En accumulant sa respiration. Ou peut-être aussi : « En retenant ». — Quelque mouvement. Plus énergique qu’à l’ordinaire. — Même sans qu’il y ait besoin… C’est un cas pathologique plus ou moins grave, mais qui n’est plus dans l’ordre de la santé. — Sont relâchés. Les causes de ce phénomène sont bien celles qu’indique Aristote. — Pleins de leur sécrétion particulière. C’est souvent l’effet d’une continence excessive. — Dans les plantes. Ici le rapprochement entre les plantes et les animaux n’est pas très exact.
  240. Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, liv. I, ch. III, § 1. — Ce qu’on appelle les veines. Il semble que, dès le temps d’Aristote, le rôle des veines devait être assez généralement connu pour qu’il ne fût pas nécessaire de prendre ces formes de langage. — La grande veine et l’aorte. C’est la veine cave inférieure et l’aorte. — Viennent aboutir aux matrices. Ces descriptions anatomiques sont très insuffisantes ; il est à peine besoin de le faire remarquer. L’aorte sortie du ventricule gauche est thoracique et abdominale. Cette dernière est destinée au bassin et aux membres inférieurs. L’artère utérine en particulier se ramifie dans les parties génitales, matrice, ovaire, trompe, et produit les artères vaginales, qui sont en grand nombre. Ainsi, Aristote ne se trompe pas en disant d’une manière générale que de l’aorte viennent les vaisseaux de la matrice. — Écoulement sanguin ou hémorroïde. Il n’y a qu’un mot dans le texte.
  241. D’époque absolument régulière. Les pensées ne se suivent pas très bien ; et celle-ci ne tient pas à ce qui précède. D’ailleurs, le fait est exact ; le flux menstruel ne revient pas absolument aux mêmes intervalles. — Vers la fin des mois. Il faut se rappeler que, chez les Athéniens, les mois étaient lunaires ; mais ce rapport entre la fin des mois et les menstrues n’existe pas. C’est une croyance vulgaire, que le naturaliste n’aurait pas dû reproduire. — Les fins de mois sont froides. Il n’y a rien de régulier à cet égard ; et il n’est pas probable qu’il en soit autrement sous le climat d’Athènes que sous le nôtre. — De la disparition de la lune. La lune donne si peu de chaleur que son absence et sa présence sont à peu près indifférentes ; elle ne donne guère que de la clarté. — Il sort toujours du sang. Le fait n’est pas exact ; et quand il sort quelques gouttelettes en dehors des époques voulues, c’est le signe d’un désordre morbide, plus ou moins dangereux.
  242. Il sort quelques vestiges blancs très faibles. Ce sont là des cas individuels, qui proviennent toujours d’un mauvais régime. En général, le premier liquide qui s’écoule est plutôt un mucus que du sang proprement dit ; et ce mucus se représente encore à la fin de la menstruation. C’est là sans doute ce qui aura trompé Aristote et les physiologistes de son temps ; voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, pp. 1128 et suiv., 6e édition. — Ces deux genres d’excrétions. Les flueurs blanches et les menstrues. — Une mesure modérée. Quant au flux menstruel, il paraît que la quantité moyenne peut être évaluée à deux cent cinquante grammes ; mais les variations sont nombreuses et considérables. — Les corps s’en trouvent bien… n’ont pas lieu… trop abondantes. Tous ces détails sont exacts. — Elles empêchent la croissance. Ceci encore est d’une exactitude parfaite.
  243. On doit voir. La conclusion n’est pas aussi justifiée que l’auteur semble le supposer. — La coction naturelle. Cette théorie est bien vague, et elle n’explique rien. — Dans les veines. Sans doute les veines, ou les vaisseaux, qui se ramifient dans toute la région génitale. L’hémorragie utérine coïncide avec la maturité et la rupture d’une vésicule de de Graaf. La membrane muqueuse est très tuméfiée, et le sang se fait jour par de petites gerçures ; voir M. Béclard, id., ibid., p. 1130. — Un autre être pareil. Ou plutôt : « De même espèce », soit mâle, soit femelle. — Qui a cette sécrétion. Ou : « Dont il est la sécrétion ».
  244. Toutes les femelles. Le fait n’est pas aussi général qu’Aristote paraît le croire ; voir le traité de Physiologie comparée de M. G. Colin ; tome II, p. 767, 2e édition. Il n’y a guère d’exception que pour les femelles des singes. — Plus que dans toute autre. Le fait est exact. — Antérieurement. Voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 8 et 11. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. IV, § 9, liv. VII, ch. II, §§ 1 et suiv. ; et aussi liv. VI, ch. XVII, § 16.
  245. Dans toutes les femelles. Même remarque qu’au paragraphe précédent. — Chez tous les mâles. Ces observations ne sont pas très exactes ; et il aurait fallu indiquer plus précisément les espèces où l’on signale ces anomalies. — Ces autres animaux. Cette indication est encore trop vague, comme les précédentes. — De la matière fournie par la femelle. C’est la théorie qu’Aristote a toujours soutenue. La femelle fournit la matière, et c’est le mâle qui anime la matière, en lui transmettant le mouvement et la vie.
  246. Dans tous les animaux de ce genre. Ceci semblerait se rapporter plus particulièrement aux insectes ; mais tous ces détails ont le tort d’être trop peu précis. — Toutes les femelles doivent l’avoir. Consulter les paragraphes qui précèdent et les notes. — Est un corps vivant. L’argument n’est rien moins que démonstratif. — Le principe créateur. Ou Générateur. — C’est précisément ce qui fait. C’est en quelque sorte résoudre la question par la question. — Le corps et la masse. Les deux mots sont dans le texte. — Les organes. Donnés par la femelle. — Le principe qui les fait. Donné par le mâle.
  247. Le corps… l’âme… Nulle part cette théorie n’a été plus clairement exposée que dans ce passage. — Est l’essence d’un corps. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. I, § 4, de ma traduction. L’essence se confond ici avec l’entéléchie ; le corps n’existe réellement que par l’âme, qui le fait ce qu’il est. — Les hybrides du renard et du chien… On avait donc fait de ces expériences dans l’Antiquité ; on les a renouvelées de notre temps. — Reprennent la forme de la femelle. Cette observation paraît être exacte. — Les semences des plantes. Ici comme partout, Aristote cherche à montrer les relations du règne végétal et du règne animal. — La matière et le corps. Les deux mots sont dans le texte.
  248. Voilà encore pourquoi. On ne voit pas bien la nécessité de cette conséquence. — Sont susceptibles de s’agrandir. C’est évidemment pour que l’embryon puisse s’y développer et grossir, dans toutes les espèces de vivipares. —
  249. Le plus pur de l’excrétion mensuelle. Aristote ne pouvait connaître les ovules sortis de l’ovaire, et arrivant par les trompes de Fallope jusqu’à l’utérus ; mais cette phrase peut faire croire qu’il les soupçonnait dans une certaine mesure, et qu’à côté de la partie la plus grossière de la menstruation, il entrevoyait la nécessité d’une autre partie plus essentielle. — La plus grande partie est inutile. Il est clair qu’au point de vue de la génération, il n’y a de vraiment nécessaire que l’ovule. — Est très liquide. Ceci est exact, puisque l’eau forme les neuf dixièmes de la liqueur séminale dans l’homme. — La première émission est inféconde. Ceci semblerait concerner les premières émissions de l’animal imparfaitement formé. Trop jeune, l’animal est infécond, comme il le devient par les progrès de l’âge. — Vitale. Le texte dit : « Psychique ».
  250. Chez elles. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — D’excrément inutile. C’est-à-dire, d’excrément qui ne contribue pas à la génération. — Ne produisent de ce liquide que ce qui en reste. L’explication peut être ingénieuse ; mais rien ne prouve qu’elle soit exacte ; il aurait fallu des observations plus précises pour la démontrer. — La force. Le texte dit : « la puissance ». — Introduite dans le mâle… quelques insectes. Voir plus haut, liv. I, ch. XVII, § 4. et ch. XV, § 4.
  251. La liqueur provoquée par le plaisir. C’est le mucus vaginal, qui en effet ne contribue pas à la génération ; voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 7. — Des rêves lubriques. En d’autres termes, des pollutions nocturnes. — Cet accident arrive. Cette réfutation semble péremptoire. — La conception est impossible. Le fait est de toute évidence. — Sans l’excrétion des règles. Dans les espèces où ce phénomène a lieu, et notamment dans l’espèce humaine. — Restant en dedans. Voir plus haut, § 15. — Une abondance suffisante. Pour que la génération puisse avoir lieu.
  252. Sans que le plaisir ordinaire : Le fait paraît certain, bien qu’il soit assez rare. — Aux femmes. Le texte dit d’une manière plus générale : Aux femelles ; mais c’est évidemment des femmes qu’il s’agit. — Les matrices se sont abaissées. Il paraît probable que ceci se rapporte à l’abaissement de l’utérus dans la copulation ; plusieurs physiologistes l’ont constaté ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 163 de leur édition et traduction du Traité de la Génération. — Par cela seul… Ces détails attestent de patientes et attentives observations, pour des faits qu’il est très difficile de bien connaître. — Dans cette disposition des organes. Il s’agit sans doute ici des mucosités et des sécrétions des glandes de Bartholin ; voir, pour des détails plus précis sur les fonctions de ces glandes, le Traité élémentaire de Physiologie humaine, de M. Béclard, p. 1146, 6e édition. — La voie est plus facile. On peut croire que c’est bien là en effet le but que la nature se propose.
  253. L’émission de la femme. Le fait n’est peut-être pas exact ; et il n’y a pas d’émission chez la femme comme chez l’homme. — Quelques naturalistes. L’expression est bien vague ; et l’auteur eût bien fait de nommer les naturalistes qu’il réfute. — La sérosité qui se remarque chez quelques-unes. Cette sécrétion vaginale, analogue à la salive, est plus ou moins abondante selon les sujets ; et ce n’est pas chez toutes les femmes qu’elle se produit. — La liqueur séminale. Après ces mots, il y a, dans la plupart des manuscrits et des éditions, un petit membre de phrase qui signifie : « Si quelque chose vient à suinter ». Il est clair que ce membre de phrase n’est pas à sa place et qu’il faudrait tout au moins le mettre immédiatement après la phrase précédente. MM. Aubert et Wimmer le regardent comme apocryphe, et ne le traduisent pas. — Dans cette condition. C’est-à-dire, l’abaissement de l’utérus, dont il a été parlé plus haut. — Attire le sperme. Le texte est moins précis ; mais le sens ne paraît pas douteux. — Ce qui le prouve. Le fait allégué peut être exact ; mais il peut tenir à de tout autres causes, et, par exemple, à la chaleur animale, qui agit là comme partout ailleurs.
  254. Les oiseaux et les poissons vivipares. Chez les uns et chez les autres, la matrice n’est pas précisément placée sous le diaphragme, comme le dit Aristote ; mais elle est beaucoup plus haut que chez les quadrupèdes vivipares et que chez l’homme. — Par la chaleur qui lui est propre. Cette cause paraît bien peu probable. — L’éruption des menstrues. Ceci se rapporte à l’espèce humaine, et ne se rattache pas très directement à ce qui précède. — Des vases sans bouchon… MM. Aubert et Wimmer trouvent avec raison que cette expérience n’est pas assez clairement exposée. Il semble qu’il s’agit de vases pleins d’eau bouillante qu’on renverserait, et dont on mettrait le goulot dans un bain d’eau froide, qui monterait dans l’eau chaude, où elle serait attirée. Ce qu’il y a de plus curieux dans ce passage, c’est l’essai d’une expérience pour s’assurer d’un fait naturel qu’on cherche à s’expliquer.
  255. Quelques naturalistes. Voir plus haut, § 18, note. — Dans les organes. C’est là un point de physiologie que la science moderne n’a pas éclairci ; on ne sait pas au juste où la liqueur séminale rencontre l’ovule et se met en contact avec lui. — Ceux qui assurent. Même remarque que pour la phrase précédente. — Elles la devraient reprendre. L’argument est décisif. Une opération bien inutile. Puisqu’il faudrait une autre opération en sens contraire. — La Nature ne fait jamais rien en vain. Ce principe incontestable domine toute l’histoire naturelle d’Aristote.
  256. À l’action de la présure sur le lait. Ce n’est là qu’une pure hypothèse : et aujourd’hui même, après tant de recherches, il serait difficile de dire ce qui se passe en ce moment, dans les profondes obscurités de cette partie de l’organisme. La présure fait cailler le lait ; mais ce que la liqueur mâle peut faire sur la liqueur féminine, c’est ce qu’on ignore absolument. D’ailleurs, la comparaison que fait Aristote ne laisse pas que d’être ingénieuse. — Un lait contenant de la chaleur vitale. Rien n’est moins prouvé. L’action de la présure est incontestable ; mais la cause en est inconnue. Comme la présure se trouve dans le quatrième estomac, ou caillette, des animaux ruminants, on peut croire que le lieu même où elle se trouve lui communique une chaleur spéciale. — Est toute pareille. C’est exagéré ; le lait et les menstrues ont certains rapports sans doute ; mais il y a encore plus de différence que de ressemblance.
  257. Corporelle. J’ai conservé le mot du texte. Corporelle équivaut ici à Matérielle. — Il se forme des membranes tout autour. L’analyse, comme on le voit, n’est pas poussée très loin ; il n’y a pas à s’en étonner pour ces débuts de la science. — Des membranes… des chorions. C’est surtout sur l’œuf des oiseaux que, de nos jours comme au temps d’Aristote, on peut faire des observations suivies ; les premiers développements de l’œuf dans l’espèce humaine ne peuvent pas être observés aussi aisément. Dans l’œuf, on distingue bien vite la membrane vitelline, et la membrane qu’on appelle blastoderme. Aristote les avait-il distinguées ? C’est fort douteux ; ce n’est pas cependant impossible. Un peu après que le blastoderme s’est montré, l’œuf se revêt de trois tuniques emboîtées, intérieure, moyenne, et extérieure. La membrane extérieure de l’œuf qu’on appelle le chorion, ne vient qu’un peu plus tard, ainsi que l’amnios. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1170, 6e édition. — Les ovipares… les vivipares. Ce rapprochement est fort remarquable ; et il semble que, dès cette époque reculée, Aristote soupçonne de grandes analogies entre l’œuf des oiseaux et l’œuf des vivipares.
  258. À peu près comme les graines. La vie qui se développe dans la plante n’est pas moins mystérieuse que la vie dans l’animal ; mais elle a été moins étudiée, parce qu’elle est moins compliquée, et plus loin de nous. — Dans les semences elles-mêmes. Peut-être vaudrait-il mieux traduire : « Dans les spermes ». Le mot grec a les deux sens, et l’on pourrait indifféremment adopter l’un ou l’autre. — À se diviser. Ou : « A s’organiser ». Les racines et les tiges se ramifient dans la plante, comme les membres se séparent et se divisent dans l’animal, qui n’est d’abord qu’une masse tout à fait indistincte. — Est près de se manifester. Le texte est aussi vague.
  259. Qui se distingue. Le fait est exact ; et le punctum saliens de l’embryon est le cœur qui commence à battre ; c’est le premier des organes qui se révèle et qui fonctionne. — Dans l’animal. J’ai ajouté ces mots, qui ne sont qu’implicitement compris dans le texte. — Par la réflexion. Qui comprend et qui explique les phénomènes donnés par l’observation sensible. — Comme doit se suffire un enfant. La comparaison est juste ; mais elle paraît d’abord assez inattendue dans le style ordinaire d’Aristote. — Qu’il possède, dès lors, le principe… Autrement, il n’aurait pas la vie, que l’action du mâle a dû lui transmettre. — On peut affirmer qu’il y a nécessité. C’est la raison qui est autorisée à prononcer cette affirmation, indépendamment des faits observés. — Leur croissance et leur mouvement. Il ne faut entendre ici le mouvement que dans le sens de l’accroissement, qui est un genre de mouvement particulier.
  260. Avec Démocrite. L’erreur de Démocrite est évidente ; car on doit croire que sa théorie est fidèlement reproduite par Aristote. — Qui se divisent. Ou : « Qui s’organisent ». — Cela est bon à dire. Le texte n’est pas aussi net. D’ailleurs, la réponse est péremptoire. — D’animaux de bois ou de pierre. Faits par la main d’un artiste. — Apparaît et se distingue. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui est le principe des parties similaires… C’est la même opinion que celle des Modernes, qui voient dans le sang le fluide nourricier de tous les organes, et de toutes les parties dont le corps se compose, liquides ou solides ; voir ma Préface au traité des Parties, p. XV, sur l’analyse du sang, d’après Aristote, et d’après la chimie organique de notre temps.
  261. Il est tout simple, en effet, de supposer. C’est la théorie, guidée par la raison, qui s’explique de cette façon les faits observés au moyen de la sensation. — Et de son organisme entier. Le texte dit : « De son système ». — La nourriture dernière. C’est-à-dire, les aliments ingérés d’abord sous forme grossière, et élaborés successivement par les organes de toute espèce qui se trouvent dans le corps, de manière à devenir le sang qui les nourrit. — Dans l’Histoire des Animaux. Ceci se rapporte à la grande discussion d’Aristote sur l’origine des veines contre Diogène d’Apollonie, Syennésis de Chypre et Polybe, le gendre d’Hippocrate. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, II, III, de ma traduction. — Les Descriptions anatomiques. Malheureusement elles ne sont pas arrivées jusqu’à nous. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 18, de ma traduction, et Préface, CLXVI, et passim.
  262. Étant déjà en puissance un animal. Cette expression est ici mieux placée que partout ailleurs ; et le développement de l’embryon n’est qu’une réalisation successive de la puissance déposée dans le germe. — D’un autre être. Ceci est vrai d’une manière générale pour les ovipares, aussi bien que pour les vivipares. — Comme la plante se sert de la terre. Métaphore très exacte qui, depuis Aristote, a été répétée plusieurs fois par les physiologistes. — Les deux premières veines. Dans le système d’Aristote, c’est l’aorte et la veine qu’il appelle la grande veine, c’est-à-dire la veine cave supérieure ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, § 6. et ch. IV, avec les notes. — Qui se rendent à la matrice. C’est le cordon ombilical qu’Aristote veut décrire, mais qu’il décrit trop sommairement. — Qu’on appelle l’ombilic. MM. Aubert et Wimmer regardent ces mots comme apocryphes, et ils les mettent entre crochets. — Une seule veine… plusieurs veines. On ne peut pas demander plus de précision à l’anatomie aristotélique ; aujourd’hui même, cette anatomie est encore excessivement difficile ; voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive, de M. J. N. Masse. 1858. pp. 353 et suiv., et son Atlas. 1879, pl. LXXVI. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. III et suiv., de ma traduction. — Une enveloppe de peau. Le cordon ombilical se compose en effet d’une gaine avec du tissu cellulaire, des artères et des veines. Il est très apparent dès la fin du premier mois ; sa longueur et sa grosseur varient beaucoup. Il se tord en spirale vers la fin du troisième mois ; voir M. Masse, loc. cit. Il est d’ailleurs évident, par ce passage, qu’Aristote avait fait des observations anatomiques sur le cordon ombilical dans plusieurs espèces d’animaux, outre l’espèce humaine.
  263. Comme des racines. C’est une suite de la métaphore du paragraphe précédent. — Pour se nourrir. Le fait est de toute évidence ; et les développements du poussin dans l’œuf le prouvent assez. — Comme le croit Démocrite. Cette erreur semblerait démontrer que Démocrite était loin d’observer les phénomènes avec toute l’exactitude qu’Aristote essayait d’apporter à ses investigations. — Bien qu’ils soient séparés de la mère. L’argument est décisif, ainsi que nous venons de l’indiquer.
  264. Si la nourriture doit venir du dehors. Un peu plus bas, cette opinion est réfutée ; et l’on suppose que l’embryon lui-même peut d’abord se nourrir, sans rien emprunter au dehors. — Dans l’embryon. J’ai ajouté ces mots, qui sont indispensables pour la clarté de ce passage. — Immédiatement dans l’embryon. Le texte n’est pas aussi développé. — Dans les graines. Nouveau rapprochement entre les plantes et les animaux. Mais le germe dans les végétaux semble se nourrir de lui-même plus clairement que l’embryon animal. — Du fœtus. J’ai ajouté ces mots. — Se fait par le cordon ombilical. Ceci paraît en contradiction avec ce qui précède. Si l’embryon se nourrit par le cordon ombilical, c’est par sa mère qu’il se nourrit, et non par lui-même. — Dans les plantes par les racines. Répétition de la comparaison employée plus haut, § 8.
  265. Nous nous occuperons… Voir plus loin dans ce livre, ch. IX ; et dans le liv. III, ch. II. Peut-être aussi est-il fait allusion ici au traité spécial de la Nourriture, qui n’est pas parvenu jusqu’à nous. — Quelques naturalistes. Sans doute, Démocrite, nommé un peu plus haut, § 8, et qui croit que les membres de l’embryon se moulent sur ceux de la mère. — L’excrétion de la femelle. Il semble que l’auteur fait ici à la mère une part beaucoup plus grande que dans toutes ses théories antérieures. — L’agent et le patient. C’est le mâle et la femelle. — De la manière, dans le lieu et dans le moment. C’est le mystère de la fécondation, qui se produit évidemment par un contact, comme le dit Aristote.
  266. On voit donc… Ce n’est pas la conclusion de ce qui précède mais c’est la théorie ordinaire de l’auteur ; la femelle ne fournit que la partie matérielle ; le mâle fournit la vie. — Dont l’artiste se sert. J’ai ajouté ces mots. — Dans une autre chose. C’est-à-dire, Dans la matière, comme la statue est formée dans le marbre par le sculpteur. — La force de l’âme nutritive. Qui est la première à entrer en action, et qui est la plus indispensable, comme il est dit un peu plus bas. — De la chaleur et du froid. Il semble que c’est la chaleur qui agit à eu près exclusivement. — Dès le début. Il est évident que l’embryon doit être nourri dès le moment même où il a reçu la vie.
  267. Est la matière même. Cette expression ne paraît pas très exacte ; et la force est distincte de la matière, qu’elle transforme. — Le générateur primordial. J’ai admis la leçon proposée par MM. Aubert et Wimmer, et qui seule rend ce passage intelligible. — Qui engendre l’être. C’est exagéré ; la nutrition développe l’embryon ; mais elle ne le produit pas. — Essentiellement inhérente. La faculté nutritive se retrouve en effet dans tous les êtres animés, puisqu’ils ne sauraient vivre sans elle, plantes ou animaux ; c’est une des lois fondamentales de la biologie. — Les autres parties de l’âme. Sensibilité, locomotion, intelligence. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. IV, de ma traduction, et passim.
  268. Dans les végétaux. On comprend sans peine que les Anciens aient ignoré le sexe des végétaux, et qu’ils ne se soient pas rendu compte des fonctions du pistil et des étamines : mais ce qui est plus étonnant, c’est qu’ils n’aient pas constaté la division des sexes dans quelques plantes dioïques fort usuelles, telles que le chanvre. Voir le Traité général de Botanique de MM. Le Maout et Decaisne p. 507. Théophraste ne paraît pas avoir connu le chanvre. — Le mâle a besoin de la femelle. Et réciproquement, la femelle ne peut rien sans le mâle. — La même âme que le mâle. C’est le contraire qu’on a cru au Moyen âge ; et quelques docteurs ont pensé que l’âme de la femme n’est pas l’égale de celle de l’homme. C’est peut-être ce passage d’Aristote qui aura donné lieu à cette étrange théorie. La question que se pose Aristote est d’ailleurs curieuse ; et il était tout simple qu’il se la posât.
  269. La cause en est… Cette explication est d’accord avec toutes les théories Aristotéliques. — Diffère… et s’en distingue. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Le visage, la main. C’est-à-dire, les parties non similaires. — L’âme sensible. Outre l’âme nutritive, qui doit tout d’abord apparaître dans l’animal. — Qu’un cadavre. C’est une comparaison qu’Aristote emploie assez souvent. — Le créateur de l’âme sensitive. L’expression du texte est peut-être un peu moins forte. — Car nous avons vu… du mâle. MM. Aubert et Wimmer croient que ce passage est altéré ; pour moi, je ne le pense pas.
  270. N’est pas sans quelque raison. Cependant, l’exemple des œufs clairs, que cite Aristote, prouve au contraire que cette opinion n’est pas soutenable. — Jusqu’à un certain point. La mesure où la femelle semble pouvoir engendrer à elle seule, est fort restreinte, puisque l’œuf ne produit rien. — Ces œufs-là sont vivants. En effet, ils ne le sont pas ; et l’impuissance de la femelle à pouvoir rien faire par elle seule est prouvée par là. — Les œufs féconds… des choses inertes. La distinction est ingénieusement présentée. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II §§ 6 et suiv., de ma traduction.
  271. Ils avaient antérieurement la vie en partage. Je ne sais si la physiologie moderne accepte cette hypothèse. Si la vie avait été d’abord dans ces œufs, elle s’y serait développée comme dans les autres. — Une âme quelconque en puissance. La supposition est peut-être tout à fait arbitraire. — Quelle est cette espèce d’âme. Il serait bien difficile de le dire ; et supposer que l’âme nutritive est dans les œufs clairs, c’est aller beaucoup trop loin ; comme il n’y a pas d’âme au-dessous de l’âme nutritive, il semble rationnel d’admettre que celle-là même n’est pas dans les œufs clairs. — Doivent avoir l’âme sensitive. C’est résoudre la question par la question ; si l’âme nutritive est déjà dans les œufs clairs, on peut se demander pourquoi elle n’y nourrit pas l’embryon.
  272. Voilà pourquoi. L’explication peut paraître insuffisante. — Ils peuvent devenir féconds. C’est là une question que la science moderne semble avoir négligée. Il est assez peu probable qu’à aucun moment les œufs clairs puissent devenir féconds. — Ultérieurement. Voir plus loin, liv. III, ch. I à VI, consacrés presque tout entiers à la question des œufs en général, et spécialement à celle des œufs clairs, ch. VI. — Qui soit femelle. Il faudrait dire : Hermaphrodite, et non femelle ; car s’il n’y a que des femelles, la génération n’est pas possible. Il y a des animaux qui se fécondent eux-mêmes ; mais ils sont au plus bas degré de l’animalité. — Produire d’eux seuls. Aristote n’avait peut-être pas observé directement des animaux de ce genre ; mais on peut croire que sa sagacité les supposait.
  273. Par des observations dignes de foi. Ceci prouve avec quel soin Aristote contrôlait les observations qu’il pouvait faire. — En ce qui concerne les poissons. Il ne semble pas que le doute soit plus fondé à l’égard des poissons. — Des rougets. L’identification n’est pas sûre ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 5, p. 113, de ma traduction, et la note. — On n’a pas pu encore reconnaître de mâle. On voit que l’observation était très attentive, si d’ailleurs elle n’a pas été heureuse. — Tout à fait concluantes. Même remarque. — Anguilles… muges. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XII, § 1 et n., ch. XV, § 1 ; et liv. VIII, ch. XXIX. On connaît d’ailleurs la génération des muges ordinaires, Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XIV, § 2, de ma traduction.
  274. La femelle à elle seule. Répétition nouvelle de ce qui vient d’être dit déjà plusieurs fois. — La Nature ne fait rien en vain. Grand principe qu’Aristote a formulé le premier, et que la science moderne perd trop souvent de vue. — Achève et complète. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Par l’intermédiaire de la semence. Ceci se rapporte surtout aux poissons, répandant leur laite sur les œufs qu’a pondus la femelle. — Dans les automates bien faits. Aristote s’est souvent servi de cette comparaison ; il est probable que l’ingénieux mécanisme des automates l’avait étonné et charmé : car de son temps, sans doute, ils étaient encore fort nouveaux.
  275. Quelques naturalistes. On peut supposer qu’il s’agit de Démocrite et d’Anaxagore. — Le semblable se porte vers le semblable. La formule est bien vague, si l’on ne cite quelques applications à l’appui ; Aristote semble cependant l’accepter. Il est probable que cette théorie se rapporte à celle qui est déjà critiquée plus haut, ch. VI, § 8, et qui prétendait que les membres du fœtus se moulent sur ceux de la mère. — Le principe de tout le reste. C’est-à-dire, le principe de la vie et du mouvement, communiqué à l’embryon par le mâle, et qui se manifeste en premier lieu par le cœur et ses battements. — Souvent répété. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, § 3, n. et passim. Voir aussi dans le Traité des Parties, liv. II, ch. VI, § 4. et ch. 1, § 16.
  276. Par l’observation sensible. Il faut remarquer une fois de plus combien Aristote attache d’importance à la méthode d’observation. — Au début de l’existence. Le texte dit seulement : « D’abord ». — De la mort. L’expression du texte est plus générale : « de la fin ». — Qui cesse le dernier de vivre. Je ne sais pas si le fait est aussi exact que le croit Aristote ; mais les battements du pouls, en cessant, semblent annoncer que le cœur a été le dernier des viscères à vivre. — Ce qui naît en dernier lieu.., Ces théories sont bien vagues, quoiqu’elles soient vraies pour le cas spécial du cœur, qui est le premier à paraître et le dernier à vivre. — Et revenait à son point de départ. La comparaison n’est peut-être pas très juste ; seulement, le cœur, destiné à manifester la vie dès ses premières opérations, la manifeste jusqu’aux dernières. Aristote explique d’ailleurs clairement ce qu’il entend par « la double course » qu’il attribue à la Nature.
  277. Ainsi qu’on vient de le dire. Dans le chapitre précédent, et aussi dans plusieurs des chapitres antérieurs, sur l’action du mâle constituant l’embryon, en transmettant à la matière qui est dans la femelle le mouvement et la vie. — Les viscères intérieurs… Le fait est exact ; et c’est surtout sur les œufs des gallinacés qu’on peut faire aisément toutes ces observations. — Avant les plus petits. Sans doute, parce que les organes volumineux sont plus nécessaires à la vie. — En membres reconnaissables. Il faut étudier cette évolution merveilleuse dans les ouvrages contemporains de physiologie et d’embryologie.
  278. Cet aspect successif. Le grec n’a qu’un pronom indéterminé. — On distingue un haut et un bas. La distinction est plus frappante chez les insectes, cause de leur conformation même ; l’observation sur la croissance des larves n’est peut-être pas très exacte. — Dans les seules espèces des mollusques. Voir sur les mollusques l’Histoire des Animaux, liv. V. ch. V, § 1, n. — La masse d’en haut. Il faut se rappeler que, dans les théories d’Aristote, le haut de la plante c’est la racine, parce que c’est la racine qui nourrit le végétal ; voir plus haut, ch. XVII, § 5, du liv. I ; et aussi dans le Traité des Parties.
  279. Se déterminent par le souffle. Il est difficile de comprendre ce que l’auteur veut dire par là. MM. Aubert et Wimmer soupçonnent que le mot de Souffle pourrait bien avoir ici quelque sens mystérieux ; c’est peu probable ; et rien dans les théories d’Aristote n’autorise cette hypothèse. Sans doute, l’auteur pouvait s’expliquer plus clairement ; mais on ne peut pas lui attribuer une doctrine secrète, dont il y aurait ici quelque fragment obscur ; voir plus bas, § 5. — Qui les anime. J’ai ajouté ces mots. — Par celui de l’animal lui-même. C’est cependant la seule alternative qui subsiste, après que la première a été repoussée. Il est à croire que ce passage présente quelque altération. — Quelques naturalistes. Voir au chapitre précédent, § 8. — En observant les oiseaux… Ici, comme dans une foule d’autres passages, Aristote a recours à l’observation attentive des faits, pour fonder et justifier ses explications. — Les uns, séparés de la mère. Par exemple, les oiseaux domestiques et particulièrement les gallinacés. — Ils reçoivent l’articulation de leurs membres. Sans que la mère y soit désormais pour rien, comme le poussin des poules. — Ou à l’état d’œuf. Par exemple, les œufs de poissons, sortis du sein de la mère et fécondés par la laite que répand le mâle. — Avant que le poumon… Le poumon ne se forme qu’assez tard dans le développement du fœtus ; et avant qu’il ne soit formé, le fœtus a une circulation et une respiration particulière très compliquée. La vie fœtale a ses conditions propres, que la science, même de nos jours, ne s’explique pas encore complètement. — Ne puisse respirer. Sous-entendu : « l’air du dehors ». Voir, pour ces détails anatomiques, le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, pp. 1173 et suiv., 6e édition.
  280. Tous les quadrupèdes fissipèdes. Cette généralité est exacte. — La qualité et la quantité. La qualité, c’est l’espèce transmise par les parents au jeune qui naît de leur rapprochement ; la quantité, c’est le développement successif que prend l’embryon, une fois qu’il a reçu la vie. — Il se forme deux êtres au lieu d’un. C’est la traduction fidèle du texte ; mais la pensée reste obscure. Le second être qui se forme ici est sans doute le jeune, distinct de la mère.
  281. Un souffle de vie. Voir plus haut, § 3. Le texte dit seulement : « Un souffle ». — Et ce souffle vital. L’expression du texte est tout à fait indéterminée. — Doit être celui… On pourrait traduire encore, et peut-être plus exactement, en disant : « l’un agissant et l’autre souffrant ». C’est la reproduction exacte du grec ; mais j’ai cru devoir être moins concis, afin d’être un peu plus clair. — Quelques-uns des naturalistes anciens. Voir plus haut, § 3, et ch. VII, § 8. Ces anciens physiologies sont probablement Anaxagore, Démocrite. Empédocle. — Sans avoir suffisamment observé les faits. On ne saurait recommander plus nettement la méthode d’observation. Mais quelle que fût l’erreur de ces anciens physiologistes, il est évident qu’ils cherchaient à se rendre compte de la vie du fœtus, et du développement successif de ses différents organes.
  282. Antérieur… a plusieurs sens. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XI, de ma traduction. Ici, cette définition ne paraît pas très nécessaire. — La cause finale prise en général. Le texte n’est pas aussi précis. — De telle chose en particulier. Même remarque. Les formules dont se sert Aristote sont d’une extrême concision, que je n’ai pas cru devoir conserver.
  283. J’entends par là. Le texte grec emploie aussi la première personne du singulier. — Est celle qui fait l’action. Selon la formule aristotélique, c’est l’homme qui engendre l’homme, c’est-à-dire que l’être complet est antérieur à l’être incomplet. C’est le mystère même de la génération. — Comme, par exemple. Peut-être, ces exemples ne sont-ils pas très bien choisis. — Seraient bien inutiles. Aristote s’est encore servi de cette comparaison, dans le Traité des Parties, liv. IV, ch. X, § 14, de ma traduction.
  284. Trois choses à considérer. L’analyse faite ici peut paraître subtile ; mais elle est fort exacte ; et les trois termes que signale le philosophe sont en effet distincts les uns des autres. — Le but, c’est-à-dire… Il s’agit d’abord de l’espèce, qui doit être celle de l’être engendré ; c’est le but supérieur, auquel tout le reste va se subordonner. — En second lieu. J’ai suivi la leçon adoptée par MM. Aubert et Wimmer, d’après un manuscrit et plusieurs éditions. — Ces pourquoi et ces buts. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — D’abord… L’ordre des trois termes est ici changé, parce que la question est considérée surtout au point de vue de la réalité ; et le principe générateur doit être le premier chronologiquement. — L’être total. C’est l’expression même du texte. L’être total est l’embryon, sorti de l’union des parents. — Dont ils ont besoin. Le texte est tout aussi indéterminé ; et le pluriel dont il se sert doit se rapporter ici, comme dans ma traduction, au mâle qui engendre, et à l’embryon engendré par lui.
  285. Quelque organe… c’est cet organe. Le texte est plus vague, et il n’a qu’un pronom neutre. — Naître avant tout autre. Cette conclusion est nécessaire, du moment que le principe produit tout le reste. — En tant que moteur premier. Communiquant le mouvement et la vie à l’embryon, quel qu’il soit. — Les parties organiques. C’est l’expression même du texte. — Elles ont un autre être pour but. J’ai dû conserver la généralité un peu vague du grec. — Ne doivent venir qu’après. Tout ceci ne doit être entendu qu’au sens purement logique. Chronologiquement ce ne sont pas les parties génératrices qui paraissent les premières dans le fœtus.
  286. Il n’est pas facile. Il semble que, dans ces matières, l’embarras de l’auteur ne soit pas moindre que le nôtre, à les bien comprendre. — Un autre être. Le texte n’est pas aussi précis. — Leur but véritable. J’ai ajouté ce dernier mot, qui me paraît ressortir du contexte. — Antérieures à la fin poursuivie. C’est ce qui a déjà été dit, sous une autre forme, dans le paragraphe précédent. — Parties motrices… parties organiques. L’auteur lui-même trouvait la distinction difficile ; elle l’est également pour nous, en l’absence d’explications suffisantes.
  287. Tel organe. Le texte n’a qu’un pronom relatif neutre ; j’ai cru pouvoir être un peu plus précis. — La fin est postérieure… antérieure. Ceci méritait une explication plus claire. — La masse supérieure du corps. On ne voit pas que cette conclusion ait rien de nécessaire. — Voilà aussi comment… Le fait est exact ; et il est certain que la tête et les yeux, chez beaucoup d’animaux, sont d’abord d’une grandeur démesurée. Mais la cause ne peut pas être celle qu’Aristote indique ; le bas peut être fait à quelques égards pour le haut, et les jambes sont faites réellement pour soutenir le corps, placé au-dessus d’elles : mais les raisons toutes logiques qu’on donne de leur petitesse dans les premiers temps de la vie, ne sont pas suffisantes. — Moyen employé. Le texte dit simplement : « du pourquoi ».
  288. Sont toujours ce qu’elles sont. Peut-être vaudrait-il mieux dire : « ont été » au lieu de « sont ». L’argument se réduit alors à constater ce que sont les choses, sans essayer d’en pénétrer la cause, en remontant à leur origine. — Et à trouver là toute l’origine. Ou « tout le principe ». En grec, le mot du texte a les deux sens. — Démocrite d’Abdère. Sur les travaux zoologiques de Démocrite, voir la préface à l’Histoire des Animaux, pp. LXI et suiv. Ici, il ne s’agit que d’une théorie métaphysique, par laquelle Démocrite essayait d’expliquer la nature. — Le seul principe. Le texte dit simplement : « le principe ». — C’est rechercher encore le commencement de l’infini. Ici, comme dans bien d’autres passages, nous avons peine à bien comprendre les réfutations qu’Aristote oppose à ceux qu’il contredit ; c’est sans doute parce que nous ne connaissons pas assez bien les opinions auxquelles il répond. Si nous avions sous les yeux les œuvres de Démocrite, comme Aristote les avait, nous verrions mieux le sens des objections, dont la force nous échappe trop souvent.
  289. Qui dispense ces naturalistes… Au fond, c’est là sans doute la principale objection d’Aristote. Dire que les choses sont ce qu’elles sont, ce n’est pas les expliquer ; c’est simplement les voir ; ce n’est plus de la science. — De démonstration possible. C’est la traduction exacte du texte ; mais ici Démonstration est pris pour Explication. — Une des vérités éternelles. Les exemples cités sont empruntés à la géométrie, où les vérités sont plus incontestables que partout ailleurs. — La cause et la démonstration. En fait, la cause et la démonstration se confondent ici. — De ces vérités géométriques. Le texte n’a qu’un pronom indéfini au pluriel. — Il ne faut pas chercher un principe à tout. Autrement, il n’y aurait rien de démontrable. Les principes doivent être indémontrables, pour qu’avec leur aide la démonstration devienne possible. Cette grande théorie est exposée tout au long dans les Derniers Analytiques, liv. I, ch. II, §§ 6 et suiv. de ma traduction, et passim. — Par une tout autre voie. C’est-à-dire, par intuition ; voir les Derniers Analytiques, liv. II, ch. XIX et dernier. — Il n’y a pas pour lui de démonstration. C’est à cette seule condition qu’il est principe. — Immuables. Et éternelles.
  290. Celui d’où part le mouvement. Ceci se rapporte simplement à l’organe qui le premier jouit du mouvement, et qui le communique aux autres organes. — Ainsi que nous l’avons dit. Voir plus haut, ch. VIII, § 9. — De ces dessins. Où il n’y a encore que de simples traits, sans nuances et sans couleurs. Le mot dont se sert le texte est l’étymologie de notre mot Canevas. — Se disposent autour de ces veines. Cette description peut paraître bien générale et bien insuffisante.
  291. Sont produites. L’expression n’est pas très juste ; les parties similaires peuvent s’organiser sous l’action de la chaleur et du froid ; mais ce n’est pas le froid et la chaleur qui les produisent. — Dans d’autres ouvrages. Voir la Météorologie, liv. IV, ch. I et suiv., p. 273 de ma traduction. — Solubles par le liquide ou le feu. Id., ibid., ch. VII, § 15, p. 315. Toutes les questions qui ne sont qu’indiquées ici, sont traitées tout au long dans le IVe livre de la Météorologie.
  292. La nourriture circule donc. Ces idées se suivent peu. — Dans les veines et dans les vaisseaux. La distinction des artères et des veines n’était pas connue d’Aristote. Cependant, celle qu’il fait ici entre les veines et les conduits, ou vaisseaux, atteste qu’il pressentait la différence, sans la comprendre encore. — Dans des tuyaux de poteries sèches. La ramification des veines a été comparée aux irrigations des vergers, dans le Traité des Parties, liv. II, ch. 1, § 16, p. 79, de ma traduction. La comparaison est d’ailleurs toute naturelle ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. V, § 2. — Sous l’action du froid. Rien ne le prouve. — Les ongles, les cornes… L’explication n’est pas acceptable. — Comme les coquilles des œufs. Le fait n’est pas exact : et la coquille des œufs ne se fond pas sous l’action de l’eau.
  293. Les nerfs et les os… Cette explication est purement arbitraire ; et l’on ne saurait voir sur quoi elle s’appuie. — Comme l’argile. Cette comparaison n’est pas non plus fort exacte ; et l’action du feu sur les os est tout autre que sur la terre argileuse. — Comme dans un fourneau. Ces explications toutes hypothétiques se rapprochent trop de celles du Timée de Platon. — Selon le vœu de la Nature. C’est là en effet la vérité ; mais la question est de savoir réellement comment la Nature agit. Au fond, c’est toujours la théorie des conditions d’existence, si admirablement exposée par Cuvier ; voir la préface à l’Histoire des Animaux, pp. CXXIV et CLIX.
  294. La chaleur qui est contenue… Cette théorie sur les effets de la liqueur séminale est absolument hypothétique ; il ne faut pas trop s’en étonner dans une question aussi difficile. Aujourd’hui même, nos physiologistes les plus habiles seraient fort embarrassés de dissiper toutes ces ténèbres. — De chacun des organes. C’est-à-dire, des organes que l’embryon doit avoir, et qui se développeront plus tard. — Pour en tirer nos aliments. La comparaison, pour être familière, n’en est pas plus juste. — La nature du générateur… Dans les espèces d’animaux où les sexes sont séparés. — Qui naissent spontanément. Voir plus haut, liv. I, ch. I, § 5, et passim. — La chaleur de la saison. Ce n’est là qu’une apparence ; et même, sans le secours du microscope, Aristote aurait pu s’en convaincre. — La privation de la chaleur. Ceci contredit le Traité des Parties, liv. II, ch. II, § 18, de ma traduction, où il est établi que le froid n’est pas une simple privation de chaleur, mais que c’est une nature à part et absolue. On pourrait croire que cette phrase : « Quant au froid… de la chaleur », n’est qu’une interpolation.
  295. Ces deux agents. C’est-à-dire : le chaud et le froid. Comme plus haut, toute cette théorie n’est qu’une hypothèse, et un essai d’explication peu vraisemblable. — Chacune des parties… s’organise. C’est au principe vital, plutôt qu’à la chaleur, qu’il conviendrait de rapporter tout le développement de l’embryon. — Devient molle. Ce n’est pas l’action successive de la chaleur et du froid qui peut causer cet effet, non plus que tous ceux qu’on lui prête, sur la formation des muscles et des os.
  296. La peau. Cette explication sur la peau ne vaut pas mieux que les précédentes. — Le visqueux qui n’a pu se vaporiser. Rien dans les faits ne répond à cette théorie et ne la justifie. Il est remarquable que Cuvier, dans son Anatomie comparée, n’ait rien dit de la peau ; voir la 1ere leçon, Économie animale, tome I, édit. de 1800. — Le visqueux est desséché. Ceci n’est pas plus exact que tout ce qui précède. — Comme si la peau venait de cette viscosité. Voir M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, tome II, p. 119, Absorption cutanée, 2e édit. Si ces théories d’Aristote sur la nature de la peau ne sont pas exactes, elles attestent du moins des études bien curieuses.
  297. Nous pouvons le répéter. Ceci peut se rapporter au Traité des Parties des Animaux, liv. I, ch. I, § 9, et à une foule d’autres passages. — Une nécessité inévitable. Mais purement hypothétique ; c’est-à-dire qu’une certaine fin étant à réaliser, les moyens employés pour l’atteindre sont nécessaires ; mais la fin elle-même ne l’est pas. — C’est d’abord la masse supérieure. Voir plus haut, § 1, où ceci a été déjà dit. — Que par de simples contours. Ceci est exact, surtout dans le développement de l’embryon. — Comme si la Nature. L’observation est sagace, autant qu’elle est exacte. — D’abord…. une esquisse et des lignes. C’est une nécessité résultant de la nature même des choses, à laquelle l’art est de nos jours soumis, comme il l’était dans l’Antiquité. La tradition de ces procédés de l’art est utile à recueillir.
  298. Le cœur qui se forme en premier lieu. Ceci est exact ; et le punctum saliens, qui manifeste les battements du cœur, est un des premiers phénomènes qu’on observe dans l’œuf. — Les veines d’en haut. Ce ne sont pas seulement les vaisseaux d’en haut qui aboutissent au cœur : ce sont aussi ceux d’en bas. Voir sur les veines l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, de ma traduction. — Le froid constitue le cerveau. Sur le cerveau faisant contrepoids à la chaleur du cœur, voir le Traité des Parties, liv. III, ch. VII, § 7, de ma traduction. — Avoisinant la tête… leur grosseur… Tous ces détails sont exacts. — Est volumineux et humide. Ceci est surtout vrai dans l’espèce humaine.
  299. Les yeux… semblent énormes. Ceci est vrai dans quelques espèces ; mais ce n’est pas aussi général qu’Aristote paraît le croire. — Qui se montre la dernière. Ceci demanderait plus d’explications, et n’est pas aussi exact que ce qui précède. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard. p. 1175, 6e édition. — La cause de cette disposition. La cause indiquée par Aristote n’est pas fondée sur les faits. — Se fait par des canaux. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote entend par là ; il n’est pas probable qu’il veuille parler des nerfs optiques ; mais on conçoit aisément qu’il se soit trompé dans une analyse aussi délicate que celle de la vision. — Du toucher et du goût. Le goût n’est lui-même qu’un toucher propre à certains organes. — L’odorat et l’ouïe. Ce rapprochement peut paraître assez singulier, parce que l’organisation de ces deux sens est fort différente. — Avec l’air du dehors. Il faut voir, sur les fonctions des sens, le Traité de l’Ame, liv. II, ch. VII et suiv., pp. 208 et suiv., de ma traduction.
  300. Le seul sens qui ait un corps. Ceci ne semble pas tout à fait exact, puisque l’ouïe a bien aussi son appareil spécial, dans l’oreille et dans les autres parties qui sont intérieures. — Le corps est humide et froid. Humide se prend ici dans le sens de Liquide, selon les théories d’Aristote. — Dans le lieu qu’il doit occuper. Il semble qu’il vaudrait mieux dire : « De la grosseur qu’ils doivent avoir ». Mais le texte ne parle que de Lieu. — De l’humidité qui est dans le cerveau. Cette explication n’est pas plus admissible que quelques-unes des précédentes. — Qui s’étendent des yeux à la méninge, ici, il n’y a plus à douter qu’il s’agisse des nerfs optiques, qui en effet se rendent du globe de l’œil à l’encéphale, où ils se ramifient. — La preuve… Cette prétendue preuve n’a rien de solide. — C’est donc une nécessité… La conclusion ne repose pas sur des prémisses démonstratives ; et la froideur du cerveau ne suffit pas à expliquer la grosseur des yeux, dans certains animaux, au début de la vie.
  301. Le même changement se passe pour le cerveau. C’est peut-être trop dire ; mais ce qui est vrai, c’est que la tête est, chez les enfants, beaucoup plus forte proportionnellement qu’elle ne l’est plus tard. — La tête… paraît énorme. Cette observation est exacte. — Qu’il cesse d’être froid et humide. Le cerveau change de dimensions proportionnelles : mais il ne change pas de nature. — Mais surtout dans l’homme. Ces phénomènes se manifestent en effet plus particulièrement dans l’espèce humaine. Sur la grosseur des yeux des petites seiches, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVI, § 5. de ma traduction.
  302. La fontanelle. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VII, VIII et XIII, de ma traduction, et aussi liv. VII, ch. IX, § 8. Aristote semble avoir attaché beaucoup d’importance à ce curieux phénomène ; la science moderne s’en est beaucoup moins occupée. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, VIIIe leçon, Ostéologie de la tête. — C’est que l’homme a le cerveau plus humide. Cette explication n’est pas très satisfaisante. — Plus gros. Le fait est exact. Il est déjà signalé dans l’Histoire des Animaux. liv. I, ch. XIII,, §§ 4 et suiv. de ma traduction. — La chaleur la plus pure dans le cœur. Il serait bien difficile de justifier cette théorie. — Cet heureux équilibre. Le texte dit précisément : « Cette bonne combinaison. » — Le plus intelligent de tous les êtres. Voir l’Histoire des Animaux, liv. 1, ch. I, § 26, de ma traduction, et aussi liv. IV, ch. IX. § 15, et liv. VIII. ch. 1, § 1.
  303. Maîtres de leur tête. C’est une observation que chacun peut faire ; les enfants sont ainsi forcés de marcher à quatre pattes, durant quelque temps. — Régit et domine. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Les parties supérieures du corps. Qui sont les dernières à obéir à la volonté. — Ne sont pas en rapport direct. On n’avait pas encore distingué du temps d’Aristote les nerfs du mouvement et ceux de la sensibilité. — Pour la paupière. L’exemple pouvait être mieux choisi. — Rien d’inutile… rien en vain. Principe auquel Aristote s’est toujours tenu inébranlablement, et que la science moderne perd trop souvent de vue. — Il est clair… La conséquence qu’Aristote indique est d’une évidence absolue. — Par conséquent. La conclusion ne sort pas nécessairement de ce qui précède.
  304. À cause de la coction énorme. C’est une explication purement arbitraire. — Les derniers à se former. Le fait ne paraît pas exact. — Une force bien puissante. L’exagération est évidente ; et les paupières, bien que tout extérieures, ne sont pas si éloignées du cerveau. — Ce qui prouve bien… On peut trouver que la preuve n’est pas péremptoire. Sur les paupières, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VIII, § 3, de ma traduction ; voir aussi le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. XIII. § 1, de ma traduction. — Quelque lourdeur à la tête. On a bien souvent la tête lourde, sans que les paupières le soient ; et réciproquement. La lourdeur des paupières tient surtout au besoin du sommeil.
  305. Nous venons de dire. Voir plus haut, §§ 23 et suiv. — Les derniers de nos organes à se constituer. Ceci n’est pas absolument exact ; et si la vision ne devient tout ce qu’elle doit être qu’assez tard chez les enfants, il en est de même pour d’autres sens, et notamment pour le sens du goût, qui, dans les premières années de la vie, est à peine formé. — Toutes les autres parties. Ou, Organes. — Les plus importantes… La distinction qu’Aristote fait ici entre les diverses parties du corps ne repose pas sur des observations certaines ; et sa théorie reste obscure et confuse dans le genre de celles du Timée. La nourriture n’est ni plus pure ni moins pure selon les parties du corps ; seulement, selon la nature des viscères et des glandes, les sécrétions sont différentes. Mais elles viennent toutes également du sang, qui a les mêmes qualités partout, et qui est modifié par les organes.
  306. Comme un sage économe. La sagesse de la Nature est incontestable ; mais la difficulté est de la bien comprendre ; et la comparaison que fait le philosophe est loin d’être juste dans tous ses détails. — Ne perdre rien. Ceci est vrai, et se rattache au grand principe que la Nature ne fait rien en vain ; mais il n’y a pas, dans la nutrition du corps des animaux, les degrés d’alimentation que peuvent observer les ménages bien réglés. Le sang est partout le même ; et ce ne sont que les appareils sécrétoires qui diffèrent : le suc gastrique, la bile, l’urine, la semence, etc. — L’intelligence du maître… du dehors. On pourrait traduire encore : « Une intelligence extérieure ». — Avec la matière la plus pure, les chairs. Les chairs ne sont pas composées d’une matière plus pure que les autres parties. — Et, avec les déchets. Il n’y a pas de déchets ; seulement, l’élaboration est différente selon les organes.
  307. De là vient… L’explication est purement arbitraire. — Ces parties secondaires. J’ai ajouté l’épithète pour plus de clarté. — Il s’est formé… du superflu. L’expression n’est pas exacte ; ce n’est pas là un emploi du superflu ; c’est un élément nécessaire, sans lequel le corps ne serait pas constitué. — Vient de la sécrétion spermatique. Rien ne prouve que ce soit là l’origine des os. — Les os prennent leur développement… Le texte ne désigne pas spécialement les os, et il se sert d’un pronom indéterminé ; j’ai cru devoir être plus précis ; et tout ce contexte prouve bien que c’est des os qu’il s’agit. — De la nourriture ordinaire. Le grec dit : « La nourriture naturelle ». — Superflues. Cette nuance est implicitement comprise dans l’expression du texte.
  308. Deux degrés de nutrition. Le grec n’est pas tout à fait aussi précis. — L’un servant à nourrir, et l’autre à accroître. Il semble qu’il faudrait renverser cet ordre, et que le premier degré de la nutrition doit servir à la croissance de l’animal ; le second sert uniquement à maintenir, pour un temps plus ou moins long, le développement et les forces de l’animal. — Ce qui procure l’existence. Il serait mieux de dire : « Ce qui entretient l’existence ». — Plus tard. Dans le reste du Traité de la Génération, il ne se trouve rien à quoi on puisse rapporter ce passage. Peut-être l’ouvrage indiqué ici est-il celui De la Nutrition, qui n’est pas arrivé jusqu’à nous. Voir la préface au Traité des Parties, p. IV. — Les nerfs… les os. La théorie n’est pas meilleure pour les nerfs que pour les os. — De l’excrétion spermatique et de l’excrétion nutritive. Même remarque. — De la nourriture accumulée… Ce sont là de pures hypothèses, qui ne s’appuient sur aucune observation. — Soit tirée de la femelle. Chez les vivipares, où le jeune vit plus ou moins longtemps dans le sein de sa mère et où il vit de sa substance.
  309. Jusqu’à un certain point. Cette condition n’est pas particulière aux os ; toutes les parties du corps ont leur limite ; car, sans cela, le corps n’aurait plus les proportions qu’il doit avoir. Aristote le reconnaît dans ce qui suit. — Une limite à leur grosseur. C’est un fait de toute évidence. — Ce sont les os qui posent une limite. Toutes les autres parties du corps en sont là. — Plus tard. Il n’y a rien dans les ouvrages d’Aristote qui réponde à cette indication, si, comme on doit l’admettre, le Traité de la Génération ne vient qu’après l’Histoire des Animaux ; mais, dans ce dernier ouvrage, il a été question des os assez longuement, liv. III, ch. V, et suiv., de ma traduction. Voir aussi le Traité des Parties, liv. II, ch. IX.
  310. Quant aux ongles… ils croissent. Ceci est exact, comme chacun de nous peut s’en convaincre par son observation personnelle. — C’est dans les maladies. Ce détail encore est exact comme ce qui précède. — Les parties maîtresses. L’expression grecque est tout à fait analogue à celle dont se sert ma traduction. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine, de M. Béclard, p. 621, 6e édition. — Pour les os, c’est tout le contraire. Les os une fois arrivés à leur complet développement, vers l’âge de vingt-cinq ans, ne font plus que vivre et s’entretenir comme le reste du corps. La science contemporaine n’est pas encore bien fixée sur ce point, malgré les nombreuses expériences qui ont été tentées. Les os de l’adulte ont une nutrition différente de celle des os du jeune ; voir M. Béclard, loc. cit., p. 624. — Même sur le cadavre. C’est, un peut dire, le dernier effort de la vie expirante.
  311. Les dents. Voir le traité des Parties, liv. III, ch. I, et surtout l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III et IX ; liv. III, ch. VII et IX ; liv. IV, ch. II et suiv., et passim. — À plus d’une question. La science moderne s’est aussi beaucoup occupée des dents ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome III, XVIIe leçon, pp. 103 et suiv., 1ère édition. — C’est des os qu’elles proviennent. Cette indication n’est peut-être pas très exacte ; mais la dent est bien en effet un corps essentiellement osseux. Les dents n’appartiennent qu’aux mammifères, aux reptiles et aux poissons, si ce n’est même à tous, du moins à la plupart. — Viennent de la peau. Le fait est exact, et les ongles se développent aux dépens du derme vasculaire sous-jacent. — Pour les dents, il n’y a rien de pareil. La différence est très réelle. — Elles viennent des os. Il serait mieux de dire : « Elles sont des os ». Cuvier n’a pas étudié spécialement le rapport des dents aux os. — Elles ne cessent de croître. Il est bien probable qu’ici l’expression aura trahi la pensée. Les dents ne croissent pas durant la vie entière ; elles se nourrissent seulement comme toutes les autres parties du corps. Leur croissance proprement dite a des bornes comme celle de tout le reste.
  312. C’est ce qu’on peut voir. L’observation n’est pas bien faite. — Poussent sans cesse. Répétition de la même erreur qu’au paragraphe précédent ; la dent ne croit pas ; elle se nourrit et s’entretient. — Bien vite usées. Ceci est vrai ; et voilà pourquoi elles se renouvellent par la nutrition, ainsi que les os. — Elles perdent plus qu’elles ne gagnent. C’est-à-dire qu’elles vieillissent comme les autres organes, qui s’entretiennent de moins en moins complètement, par les progrès de l’âge. — Par leur croissance. De chaque instant, si l’on veut, mais dans des limites qui ne peuvent être dépassées ; ce n’est donc pas une véritable croissance.
  313. La Nature a très bien combiné les choses. Ici Aristote est fidèle, comme toujours, à son admiration pour la sagesse de la Nature ; et il ne se trompe pas plus sur ce détail que sur les autres. Mais l’hypothèse qu’il fait ensuite n’est peut-être pas très juste. Si la Nature nous eût accordé une existence de dix mille ans, elle aurait organisé nos dents dans une proportion égale ; et relativement, elles auraient duré comme elles durent aujourd’hui. — Beau croître continuellement. Elles se seraient nourries de la même manière qu’elles se nourrissent aujourd’hui, et elles auraient duré davantage. — Voilà donc pourquoi. Ce n’est pas une conséquence aussi nécessaire que l’auteur le croit.
  314. De la même nature que les autres os. Ceci est très exact. Voir Cuvier, sur la structure des dents, loc. cit., p. 104. — Ne vient plus tard que les autres. Tous les os sont en effet dans le fœtus, et ils ne font plus tard que se développer. — Assez tard après la naissance. Non seulement chez l’homme, mais encore chez une foule d’animaux. — Peuvent-elles repousser. Elles ne repoussent qu’une seule fois après la première chute. — Elles proviennent de la nourriture. Les dents sont nourries par le sang, comme le sont toutes les parties du corps ; et comme ces parties diverses, elles ont une sécrétion propre. — La même nature. Ceci n’est pas exact : la composition des dents est tout autre que celle des os ordinaires.
  315. Tous les autres animaux. Cette observation est très simple et très profonde. Il ne semble pas que la science moderne l’ait recueillie. — Beaucoup plus achevés. Il est vrai que les petits des animaux sont, au moment de leur naissance, moins imparfaits que les enfants ; mais en général ils ont encore beaucoup à gagner, et leur développement est plus rapide. — Sans avoir de dents. C’est le cas le plus ordinaire, quoique les exemples en sens contraire ne soient pas très rares. — Nous verrons plus tard. Le ch. VIII du livre V traite en effet des dents, comme l’indique aussi Philopon ; mais ce cinquième livre ne tient guère aux quatre premiers ; voir la Dissertation sur la composition du Traité de la Génération ; voir aussi le ch. I du liv. III du Traité des Parties des Animaux. — Mais comme ces parties… Tout ce passage, jusqu’à la fin du chapitre, ne tient pas à ce qui précède. Les manuscrits ne donnent aucun moyen d’expliquer ce désordre, qui n’a pas été assez remarqué. — Le moins de poils… Ceci est exact d’une manière toute générale ; mais on pourrait citer bien des exceptions ; beaucoup d’animaux plus grands que l’homme ont encore moins de poils que lui. Voir sur les poils l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, et surtout liv. III, ch. X.
  316. Nous venons de dire… La fin du chapitre précédent a été consacrée à des matières qui sont étrangères à la génération. Mais il serait difficile d’isoler ces matières et de les considérer comme n’appartenant pas à ce traité. Ces irrégularités de composition sont assez fréquentes : on doit les signaler ; mais on ne pourrait les corriger qu’à l’aide des manuscrits, s’ils donnaient quelque indication précise. Philopon commente ce nouveau chapitre sans faire remarquer l’incohérence. — Chacun des organes. Voir le commencement du chapitre précédent, et ch. VI, § 4. — Ainsi que nous l’avons expliqué. Voir plus haut, ch. VI, § 7. — Ils projettent l’ombilic. On pourrait dire avec plus d’exactitude que c’est l’ombilic qui va trouver l’embryon. — En guise de racine. La comparaison est fort ingénieuse ; et c’est Aristote sans doute qui l’a employée le premier. Depuis lors, elle a été bien souvent répétée. — Se compose de veines… Ceci est exact, bien que l’analyse anatomique ne soit pas poussée assez loin. Le cordon ombilical se compose d’une gaine, de tissu cellulaire, de gélatine, de deux artères, et de la veine dite ombilicale. La gaine est formée du chorion et de l’amnios ; le tissu cellulaire est en petite quantité, ainsi que la gélatine. Les artères sont très épaisses, et elles servent à rapporter le sang du fœtus au placenta ; la veine apporte le sang de la mère au fœtus ; voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive de M. Masse. p. 353. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII et IX. — Ces veines sont plus nombreuses… Tous ces détails prouvent qu’Aristote faisait des dissections fort attentives. — Il n’y en a qu’une seule. Ceci n’est pas exact ; seulement les vaisseaux sont alors assez ténus pour échapper à l’œil nu ; c’est le microscope qui a fait découvrir la réalité des faits, sans d’ailleurs nous apprendre encore tout ce que nous voudrions savoir.
  317. Reçoivent le sang qui les nourrit. La science contemporaine elle-même n’est pas encore très bien fixée sur les rapports si complexes de la mère au fœtus, et sur la manière dont il se nourrit dans les premiers temps. — Qui n’ont pas une double rangée de dents. Ce sont les ruminants. — Des cotylédons. Les cotylédons sont des agglomérations de vaisseaux ombilicaux ; ils ne communiquent point les uns avec les autres. Ils sont en rapport avec le placenta, et ils contribuent à la nutrition de l’embryon dans les premiers temps. Voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive de M. J. N. Masse, 1858, p. 351. Il est de la dernière évidence qu’Aristote n’a pu connaître les cotylédons de la matrice que par des dissections profondes et très attentives. Ce passage-ci, entre cent autres, suffirait à le prouver. — Auxquels il s’attache. Il serait plus exact de dire que les cotylédons s’attachent au cordon ombilical.
  318. Les veines. Par l’expression de veines, il faut entendre les veines proprement dites et les artères, qu’Aristote ne distinguait pas. — Se répartissent dans toute la matrice. Ceci est exact ; et c’est par l’anatomie seule que ces détails encore pouvaient être constatés. — Que se trouvent les cotylédons. Même remarque. — Dont la partie convexe… Je ne crois pas que l’anatomie moderne puisse admettre ces descriptions. Si ce n’est pas là très exactement la forme des cotylédons, c’est du moins celle du placenta, qui a deux faces, utérine et fœtale. Peut-être est-ce là ce qu’Aristote a voulu désigner. — Entre la matrice et l’embryon… Le chorion vient après la membrane caduque ; ses viscosités initiales se convertissent en vaisseaux pour constituer le placenta ; c’est le chorion qui d’abord sert d’enveloppe à l’œuf. Puis après le chorion, vient l’amnios, avec les eaux qu’il contient et qui doivent protéger le fœtus en l’entourant. L’amnios est une membrane séreuse, dont le tissu cellulaire est assez serré. C’est sans doute l’amnios qu’Aristote veut indiquer en parlant des Membranes. — Les cotylédons deviennent plus petits. Ce détail est fort exact. — C’est en eux que la Nature… Je crois que la physiologie moderne admet toutes ces explications. — Comme elle en prépare… Le texte est un peu moins précis. — Une sorte de floraison. C’est le mot même du texte ; cette comparaison est fort juste.
  319. Les cotylédons sont beaucoup plus gros. Ceci n’est guère qu’une répétition de ce qui précède. — Ils s’affaissent. Voir au paragraphe précédent. — N’ont pas de cotylédons. Je ne sais pas si la science actuelle confirme ces généralités. — Aboutit à une seule veine. Ou plutôt : « Ne se compose que d’une seule veine ». — Qui est fort grosse. Le cordon ombilical, qui se montre très distinctement vers la fin du premier mois, grossit par l’adjonction de la vésicule ombilicale et du corps réticulaire. Sa grosseur est parfois celle du pouce, et sa longueur est de plus de cinquante centimètres ; sa résistance est fort grande. Voir M. J. N. Masse, loc. cit.. p. 353. — Les embryons plus nombreux… Il y a tout l’appareil fœtal pour chacun des fœtus, qui ne peuvent vivre qu’à cette condition. — Dans les figures représentant les Dissections. Ce passage est un des plus positifs sur cette curieuse particularité. — De l’histoire des Animaux. Voir passim dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 18 ; liv. III, ch. 1, § 15 ; liv. IV, ch. I, § 21 ; liv. V, ch. XVI, § 5 ; liv. VI, ch. X, §§ 8 et 18 ; voir aussi la préface de ma traduction, p. CLXVI, etc., etc. Pour les cotylédons en particulier, voir ibid., liv. III, ch. I, § 25 ; et liv. VII. ch. VII, § 3.
  320. Proviennent de l’ombilic. L’expression n’est pas très juste, et il vaudrait mieux dire : « Se nourrissent par l’ombilic ». — De la veine. Voir plus haut, § 2. — L’un à la suite de l’autre. Ceci ne se comprend pas bien. — S’écoulait par un canal. C’est la veine elle-même qui est le canal, et qui porte la nourriture à l’embryon. — On se trompe. On ne sait au juste à qui s’adresse cette critique contre une théorie si étrange. — Se convaincre par l’anatomie. On voit ainsi que non seulement Aristote pratique l’anatomie, mais qu’en outre il se rend parfaitement compte de toute la valeur de cette méthode. — De légères membranes. Cette explication est bien générale ; mais elle est juste. — Et des liquides qui s’y forment. Ce sont surtout les eaux de l’amnnios qui servent, à la fois, à garantir le fœtus et la matrice contre les chocs plus ou moins violents qui peuvent se produire. — Il est de toute évidence. L’exemple en effet est décisif.
  321. L’accouplement est naturel… Ceci ne tient pas à ce qui précède, et il y a sans doute là quelque désordre dans le texte : mais les observations que présente Aristote n’en sont pas moins très intéressantes et très exactes. — De même espèce. C’est le cours régulier des choses. — Dont la nature est très voisine. Les exemples cités un peu plus bas montrent bien ce qu’Aristote entend par là. — De même grosseur… les temps de gestation… égaux. Ces conditions sont indispensables, puisque sans elles l’accouplement serait impossible. — Ces accouplements sont rares. Cette observation n’est pas moins : vraie que les précédentes. — Entre les chiens, les renards et les loups. Il est possible que ces accouplements soient spontanés ; mais des naturalistes curieux de ces études peuvent bien aussi les avoir provoqués, comme on le fait encore aujourd’hui, par manière d’expérience. — Les chiens Indiens… Voir sur cette espèce de chiens l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XXVII, § 11, où toutes les observations présentées ici le sont avec plus de détails, notamment en ce qui concerne les chiens Indiens, qui provenaient à la troisième génération d’un tigre et d’une chienne. Aristote rapporte d’ailleurs ces particularités d’après des traditions auxquelles il n’a pas l’air de croire beaucoup.
  322. Comme les perdrix et les poules. Il aurait fallu préciser la pensée davantage, et indiquer les accouplements hybrides qu’on supposait ; car il ne peut pas s’en produire entre les poules et les perdrix. — Les éperviers d’espèces diverses. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé ce fait, qui d’ailleurs n’aurait rien d’impossible. Les éperviers sont de la famille des faucons, qui comprend aussi les aigles ; leurs espèces sont nombreuses et assez rapprochées les unes des autres ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 333, édit. de 1829. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. V, § 1, de ma traduction, Aristote distingue deux espèces d’éperviers. — On n’a encore observé rien. Preuve nouvelle de l’importance qu’Aristote attache à la méthode d’observation. — Rhinobates. J’ai conservé le mot grec, parce que l’identification est incertaine. — D’une raie et d’une lime. Voir sur ces deux poissons l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 21, de ma traduction ; le fait d’ailleurs n’est rien moins que certain, et Cuvier le réfute, Règne animal, tome II, p. 395, en note, édit. de 1829. La science moderne a conservé le nom.
  323. Le proverbe… dans la Libye. Tous ces détails se retrouvent en termes presque identiques dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XXVII, § 9 et 10. — Qui ne sont pas de la même espèce. Mais qui doivent être d’espèces assez rapprochées, comme il a été dit un peu plus haut, § 6. — De genre identique. La Nature a posé des limites à ces accouplements, qui sont toujours très rares, même en Libye.
  324. Semblent aussi… Le doute est justifié, et cette génération contre nature est bien vite épuisée. — À leur tour produire. La fécondité ne persiste guère au delà de la troisième génération, et c’est à peine si elle va jamais jusque-là. — Mais les mulets. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIX, § 5, Aristote parle des mulets de Syrie comme pouvant se reproduire indéfiniment ; mais il est probable qu’il s’agit d’hémiones, et non de mulets proprement dits. — D’où vient la stérilité. C’est une question fort délicate et fort obscure, même pour la physiologie de nos jours. — L’espèce tout entière. La distinction est juste ; mais c’est que l’espèce des mulets n’est pas naturelle, et la reproduction s’arrête pour eux dès le premier degré.
  325. Plus nombreuses. Sous-entendu : « que chez les mulets », où la cause de stérilité est originelle et unique. — Peut être de naissance. Les exemples sont assez fréquents. — N’ayant pas de poils au pubis. Ce défaut n’est pas un signe péremptoire de stérilité. — N’ayant pas de barbe. Il y a des hommes sans barbe qui n’en sont pas moins féconds, ni moins forts ; mais ce sont, il est vrai, des exceptions. — Dans le cours de la vie. Ceci est exact. — Excès d’embonpoint… trop bien portant. Même remarque. — Par suite de maladie. Et surtout par suite d’abus. — Évacuations viciées. Par exemple, les flueurs blanches.
  326. Bien des hommes et bien des femmes. Tous les détails contenus dans ce paragraphe sont exacts ; mais ils répètent ce qui vient d’être dit sous une autre forme. — Un air masculin… un air de femme. Ceci est également très exact. — Léger et froid. Il serait plus vrai de dire : « aqueux et liquide ». A l’état sain, le sperme doit être assez épais.
  327. Des expériences faites avec de l’eau. Ainsi les Anciens pratiquaient la méthode de l’expérience, aussi bien que celle de l’observation. Les Modernes ont extrêmement développé ces méthodes ; mais ils ne les ont pas inventées. — Se dissout très vite. La densité du sperme est plus grande que celle de l’eau. Il se mêle à ce liquide en proportion du mucus qu’il contient. Chimiquement, il se compose, d’après Vauquelin et Berzélius, de 90 parties d’eau, de 6 parties d’une matière organique appelée spermatine, de 3 parties de phosphate de chaux, et de 1 partie de soude. — Celui qui est fécond tombe au fond. Je ne sais si le fait est exact. Peut-être cette observation s’adresse-t-elle plus spécialement à la spermatine, bien que les Anciens ne pussent pas la distinguer, comme nous le faisons aujourd’hui. — Compact et épais. Cette observation est exacte. — Si la mauvaise odeur… leur haleine. Ceci est exagéré, quoique ce ne soit pas tout à fait faux. — Les couleurs qui cernent leurs yeux. Ces signes sont trop évidents pour que, même dans l’Antiquité, on ait pu les méconnaître. — La couleur de la salive. Ce signe est moins certain que le précédent.
  328. Sont obstrués et bouchés. Il est possible que le désordre des fonctions se manifeste sous d’autres formes ; mais celle-ci peut en être une. — La région des yeux… Tout ce paragraphe contient de précieuses vérités, aujourd’hui banales, mais qui étaient bien neuves du temps d’Aristote. Ce n’est pas d’ailleurs la région seule des yeux qui est affectée ; ce sont surtout les yeux mêmes, et les altérations y sont frappantes pour leur éclat et leur vivacité. — Les yeux le révèlent sur-le-champ. Chacun de nous a pu faire de ces observations, sans avoir besoin d’être médecin ou physiologiste. — Ressemble beaucoup à celle du cerveau. C’est sans doute dire trop ; mais les relations étroites des deux organes sont incontestables. — Aqueuse. L’analyse chimique démontre le fait. — Odeurs… haleine. Il semble que ce paragraphe se rapporte au précédent, qu’il ne fait guère que répéter.
  329. Un peu plus haut. Voir plus haut, ch. IX, § 9. — Quelle est la cause de ce fait. Il semble que la discussion de ce fait, tout curieux qu’il est, n’est pas bien placée ici. — Empédocle et Démocrite. Sur les travaux zoologiques d’Empédocle et de Démocrite, voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, pp. LVIII et LXI. Aristote se borne ici à discuter leurs théories sur la stérilité du mulet. — Et sans faire de distinction. Le texte n’est pas aussi explicite. — Sans être congénères. Comme l’âne et le cheval.
  330. Ainsi, Démocrite assure. Il est probable que cette assertion ne reposait pas sur des observations anatomiques. — Ce phénomène se présente aussi. On ne voit pas comment on avait pu s’en assurer. — Chez d’autres animaux. Il aurait fallu désigner ces animaux plus précisément. — N’en sont pas moins féconds. Le fait est peu probable ; et la génération s’arrête vite chez les hybrides. — Dans les mêmes conditions irrégulières. J’ai ajouté cette épithète. Du reste, la pensée de ce paragraphe n’est pas assez claire, et l’auteur ne l’a pas assez développée. Les mulets sont les plus remarquables des hybrides ; et même aujourd’hui, c’est surtout d’eux qu’on s’occupe dans l’étude des accouplements contre nature.
  331. Quant à Empédocle… La pensée d’Empédocle est beaucoup plus nette que celle de Démocrite ; mais la cause qu’il assigne à la stérilité des mulets n’est pas plus acceptable. Il est vrai que, même de notre temps, on ne connaît pas encore cette cause, malgré beaucoup de recherches. — Fluide et molle. Le texte grec n’a que le dernier mot, qui ne m’a pas semblé suffisant. — Les vides de l’un… Cette explication est tout hypothétique, et Aristote la réfute. — Le cuivre se durcit… Mêlé à l’étain, le cuivre produit le bronze, qui est en effet plus dur que l’un et l’autre pris séparément. Les Anciens faisaient usage du bronze plus que nous. — Une telle cause. Je ne sais si aujourd’hui nous pourrions mieux expliquer cette cause. — Dans nos Problèmes. Les Problèmes, tels que nous les avons maintenant, ne renferment rien qui se rapporte à ce passage. — De faits bien connus. On voit qu’Aristote s’en tient toujours étroitement à la méthode d’observation ; sans la connaissance préalable des faits, il est impossible d’établir des théories vraies.
  332. De vin et d’eau par exemple. Cet exemple vulgaire est choisi à dessein pour bien montrer l’erreur d’Empédocle. — Ceci dépasse notre intelligence. Il y a cette nuance d’ironie dans le texte. — À l’observation sensible. Les Anciens n’avaient point les instruments puissants dont nous disposons aujourd’hui ; mais leur attention n’était pas moins vive à bien observer les phénomènes, avec le simple secours des sens.
  333. D’autre part. Cette objection contre la théorie de Démocrite est très forte, étant donné le principe d’où il part. Pourquoi ce qui se produit pour la génération du mulet ne se produit-il pas pour la génération naturelle des chevaux et des ânes ? — L’un ou l’autre des parents… Il y a cependant une différence entre le mulet et le bardot, que le bardot vient d’un cheval et d’une ânesse, tandis que le mulet vient d’un âne et d’une jument. Le produit n’est pas tout à fait le même ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIV, § 1, et la note. — Sont mous et fluides. Ici encore il n’y a qu’un seul mot dans le texte : voir plus haut, § 3.
  334. Le cheval femelle et mâle. C’est la formule du texte, que j’ai cru devoir conserver. — Une certaine unité. Plus haut, la pensée d’Empédocle est rendue plus nettement ; ce n’est pas une simple unité qui se forme des deux spermes ; mais c’est un mélange qui est dur, tandis que les deux éléments qui forment ce mélange sont mous. — Il faudrait… Ceci n’est que la répétition de ce qui précède, au § 5. — Qu’un seul des deux qui s’accouplât. C’est-à-dire, si c’était le cheval seul qui s’accouplât à l’ânesse, ou si c’était l’âne seul qui s’accouplât à la jument. D’ailleurs, ce passage reste obscur, et MM. Aubert et Wimmer y proposent, et adoptent dans leur traduction, une correction fort ingénieuse, mais qui n’a pas pour elle l’autorité des manuscrits : « que la semence de l’âne est cause que le mulet ne peut engendrer ». — La semence de l’âne… C’est la traduction exacte du texte grec ; mais la pensée reste obscure. — Si c’était celle du congénère. C’est-à-dire, du cheval uni à la jument, ou de l’âne uni à l’ânesse.
  335. Indistinctement aux deux sexes. Ici, les deux sexes sont la mule et le mulet, qui, dans ces théories, doivent être également stériles. — Mais le mâle seul peut engendrer… La même assertion se retrouve dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIV, § 1. — Jusqu’à sept ans. Le texte n’est pas aussi précis ; mais, rapproché du passage de l’Histoire des Animaux, il ne peut avoir que ce sens. — Pourtant, on cite… Le texte est moins développé.
  336. Une explication, toute logique. On voit qu’Aristote ne repousse point le secours de la logique et de la raison : mais il n’emploie cette méthode qu’avec grande circonspection ; et il fait passer les phénomènes en première ligne. L’argument qu’il donne n’est pas sans force ; mais des faits contraires, s’ils étaient constatés, suffiraient à le détruire. — Plus elle s’éloigne… Voilà le motif grave qui doit en général rendre la logique, si ce n’est suspecte, au moins d’un usage rare et difficile. — La voici… Le raisonnement semble juste ; mais ce n’est qu’un raisonnement toujours douteux, si les faits ne le vérifient pas. — Le chien… le lion. L’accouplement du chien et du lion n’a rien de réel : c’est une simple supposition admise pour faciliter le raisonnement.
  337. Par conséquent… Suite de la même hypothèse logique, qui ne repose pas sur les faits, mais qui cherche à les expliquer. — Mâle ou femelle. J’ai imité la formule même du texte ; mais on pourrait traduire aussi : « S’il se produit, soit un mulet, soit une mule ». — Il s’ensuit que le mulet ne peut rien produire. La conclusion n’est pas du tout certaine, comme l’auteur semble le croire. — De la même espèce qu’eux. C’est le fait naturel et constant. — Qui est autre aussi. Ceci est évident ; mais la question n’est pas là, et il s’agit uniquement de savoir pourquoi le mulet est stérile ; c’est le point spécial qu’il fallait traiter.
  338. J’avoue. L’expression du texte n’est pas aussi vive ; mais cette nuance y est implicitement comprise. — Assez vide. C’est la formule dont Aristote se sert assez souvent, contre les théories purement métaphysiques qu’il combat. — Sont vides. La répétition est dans l’original. — Et sans force. J’ai ajouté ces mots. — Ils semblent… Ils n’ont qu’une apparence trompeuse, et ils ne démontrent pas. — Vide et creux. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Ainsi que nous l’avons déjà dit. Il y a, dans tout ce qui précède, une foule de passages auxquels ceci peut s’appliquer. — Il naisse souvent des êtres féconds. Sous une autre forme, c’est le principe même de la perpétuité des espèces.
  339. Ce n’est pas là une méthode à suivre. Il est impossible de se prononcer plus nettement en faveur de la méthode d’observation, dans les sciences en général, et spécialement en histoire naturelle. La logique ne doit être appliquée que dans les questions où l’observation n’est pas possible. — En observant les faits. Aristote ne s’est jamais écarté de cette méthode, qu’il n’a pas créée précisément, mais qu’il a comprise et appliquée aussi bien que nous pouvons le faire. — On se rendra bien mieux compte… C’est le moyen le plus sûr, sans que d’ailleurs il soit absolument efficace. — D’abord, on voit. C’est la constatation des faits les plus frappants. — Un seul petit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, §§ 2 et 3, de ma traduction, et liv. VI, ch. XXIII, §§ 2, 3, 4. — À de longs intervalles. Il faut d’ailleurs que les femelles soient en chaleur.
  340. La plus faible émission. Je ne sais pas si cette observation a été confirmée par la science moderne. En général, l’évacuation mensuelle est très faible chez tous les quadrupèdes. — Lui donnent des coups de fouet. Cette coutume existe toujours dans plus d’un pays ; et elle vient de la cause qu’indique Aristote, c’est-à-dire de la facilité qu’a l’ânesse à perdre immédiatement la semence qu’elle vient de recevoir. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, § 1, et la note empruntée à Buffon. — Un animal froid. Aristote explique lui-même ce qu’il entend par là. — Où l’hiver est trop rude. Ceci est exact. — La Scythie. C’est la contrée au delà du Danube, et la Russie. — Les Celtes, au nord de l’Ibérie. C’est la France, dont le climat, au temps d’Aristote, était sans doute plus rude qu’il ne l’est de nos jours. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII. ch. XXIV, § 1.
  341. Au solstice d’été. L’ânesse portant douze mois, les ânons naissent ainsi en pleine chaleur, vers la fin de juin. — Le cheval et l’âne portent un an. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, § 2, la durée de la gestation de la jument n’est pas fixée avec autant de précision.
  342. Comme on vient de le dire, plus haut, § 11. — Il faut nécessairement… C’est une conclusion peu sûre, tirée d’une simple hypothèse. — Ce qui le prouve. Cette preuve n’est rien moins que concluante. Je ne sais pas d’ailleurs si le fait cité par Aristote est certain. — Parce que sa semence est très froide. Il aurait fallu dire comment ce fait avait été constaté. — Sont plus chaudes. Même remarque. — Le produit qui en sort ne l’est plus. Ce sont là de pures hypothèses.
  343. Le cheval et l’âne. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Les prédispose à être inféconds. On ne soit pas sur quoi repose une semblable assertion. — Ne peut plus engendrer jamais. Ceci est encore une simple hypothèse ; voir sur l’âne l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, p. 376, de ma traduction. Il n’y est rien dit d’ailleurs de ce qu’on avance ici. C’est sans doute une opinion populaire, qu’Aristote aura recueillie. — Il s’en faut donc de bien peu. Cette nouvelle assertion n’est pas moins arbitraire que les précédentes. — Il est disposé… à être stérile. Tout au contraire, le cheval est très prolifique, comme le prouvent les étalons. — Se mêle à celle de l’âne. La même chose à peu près est dite dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, § 2.
  344. L’âne est donc bien près… Ce qui peut justifier en partie cette théorie, c’est le fait des finesses avant tant de peine à garder la liqueur séminale qu’elles viennent de recevoir. — N’est plus naturel. L’accouplement d’où naissent le mulet et le bardot n’est pas selon les lois habituelles de la Nature. — À plus forte raison… C’est un nouvel argument pour expliquer la stérilité du mulet. — Le sera-t-il de toute nécessité. Le fait est certain, si l’explication ne l’est pas.
  345. Ce qui fait… Ici encore, on peut contester l’explication que donne Aristote, bien que cette explication soit fort ingénieuse, ainsi que tout ce qui suit. — D’une année pour les deux espèces. L’observation est très juste. — Avec l’excrétion qui vient de la vessie. Je ne sais pas si la physiologie moderne a vérifié les faits sur lesquels Aristote s’appuie. Il semble supposer que les menstrues de la mule se mêlent à son urine, et que, ne pouvant nourrir son fœtus, elle reste nécessairement stérile. — Ils flairent l’excrétion elle-même. L’explication ne laisse pas que d’avoir de la vraisemblance.
  346. On a déjà observé. Nouvelle preuve de l’attention qu’apportait Aristote à observer exactement les phénomènes, avant de chercher à les expliquer. — Impossible qu’elle nourrisse. C’est tout au moins très spécieux. — Il pourrait sans doute engendrer. Ainsi, Aristote semble imputer la stérilité à la mule toute seule. — Un Ginnos. J’ai dû conserver le mot grec. — Des Ginnos qui viennent du cheval et de l’âne. Ceci semble une contradiction de ce qui vient d’être dit sur le Ginnos, qui semblait ne provenir que du mulet tout seul. — Arrière-porcs. C’est la traduction exacte de l’original. Comme la truie fait beaucoup de petits, il arrive assez souvent que les derniers sont mal conformés. — Qui peut atteindre un fœtus quelconque. Le fait est exact. — Nains ou pygmées. Il n’y a que le dernier mot dans le texte. Voir sur les Pygmées l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XIV, § 3, p. 58, de ma traduction. — On a pu remarquer, dans cette fin du second Livre, que les idées sont souvent confuses, et qu’elles ne sont pas classées avec assez d’ordre. Ce même défaut se retrouve dans plusieurs autres parties de toute l’histoire naturelle d’Aristote. Cette exposition irrégulière peut nous choquer à bon droit. Mais pour la comprendre et l’excuser, il faut se reporter aux conditions dans lesquelles était alors placée l’Antiquité ; la science y est déjà fort avancée, si l’on considère le nombre prodigieux des faits bien observés ; mais le langage de la science n’a pas encore la rigueur et la clarté qu’il a pu acquérir aujourd’hui, après tant de travaux accumulés par les siècles. On doit en outre se rappeler la mort prématurée d’Aristote, qui ne lui a pas permis de mettre la dernière main à ses écrits. Mais son style, malgré les justes critiques dont il peut être l’objet à certains égards, a très souvent une grandeur et une netteté que personne n’a dépassées, même dans du temps beaucoup plus favorisés que le sien. Voir sur ces questions les préfaces à l’Histoire des Animaux, p. CXII ; et au Traité des Parties, p. V, et D. p. CXCIX ; Voir aussi la préface au présent Traité de la Génération des Animaux, où la question a été traitée de nouveau.
  347. On vient de voir. Dans le chapitre précédent, le dernier du second livre. — On a vu aussi. Voir plus haut, liv. II, ch. I, §§ 8 et suiv. Cette question a été également traitée bien des fois, dans tout ce qui précède, mais d’une manière incidente. — Chez les animaux qui se meuvent. Il semblerait résulter de ceci que l’auteur suppose que les ovipares ne se meuvent point ; il est évident qu’il n’en est rien, et que cette hypothèse n’est pas fondée. — Tous ces animaux sans exception. Ovipares aussi bien que vivipares. — Introduit et dépose. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte.
  348. Un œuf complet. L’auteur entend par là que l’œuf contient tout ce qui est nécessaire à la formation du jeune. Au contraire, l’œuf des poissons est incomplet, puisque le mâle doit encore y répandre sa laite, sans laquelle il n’y aurait pas de fécondation, ni de vie. — Dont l’enveloppe est dure. C’est la coquille, formée en grande partie de matière calcaire. — De deux couleurs. Le blanc et le jaune. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, §§ 1 et suiv., surtout le § 11. — Ainsi que nous l’avons déjà dit. Plus haut, liv. II, ch. I, § 16, et aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 1 et suiv. — Se déplace d’un lieu à un autre. Aristote n’entre pas ici dans des détails assez développés ; mais le peu qu’il dit prouve que la reproduction des sélaciens avait frappé son attention ; elle offre en effet des particularités fort importantes. Dans certaines espèces, l’œuf est pondu immédiatement après la fécondation ; mais dans la plupart des espèces, l’œuf reste dans l’utérus, où il subit toutes ses évolutions ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 815 de la trad. franç. — Qui ne soit pas vivipare. La même observation se trouve dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 5 et 12, et liv. VI, ch. X, § 15. — Plus loin. Voir plus bas, ch. III, § 1.
  349. D’une seule couleur. Le fait semble être exact ; mais je ne sais si la science moderne l’a constaté définitivement. L’analogie exigerait que l’œuf des poissons contint aussi un blanc et un jaune. — Leur œuf est incomplet. Il n’a pas la vie quand il sort de la femelle ; il ne la reçoit que par la fécondation venue du mâle. — Par la même cause. Cette théorie est assez obscure, et elle n’est peut-être pas très fondée. En tout cas, Aristote aurait pu s’expliquer plus clairement.
  350. Les matrices… antérieurement. Plus haut, liv. I, ch. III, § 3, et spécialement dans ce même livre, les ch. VII et VIII. — Ainsi, dans les vivipares… Tous ces détails sont exposés plus au long dans les passages du premier livre qui viennent d’être cités. — Elle est en haut. Ceci est bien vague, et on ne voit pas clairement le lieu que l’auteur entend désigner. — Dans l’homme. On comprend bien pour l’homme ce que veut dire l’expression de En bas ; on le comprend moins pour les autres espèces.
  351. Des œufs clairs… Sur les œufs clairs, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. I, § 6, et liv. VI, ch. II, §§ 6 et suiv. — Qui ne volent pas. Ou plutôt, qui volent mal, comme les gallinacés. — L’excrétion est très abondante. Je ne sais pas si la science moderne admet cette explication. — Leur corps est petit. Comparativement a l’envergure des ailes. — L’excrétion mensuelle. On ne voit pas bien comment ce fait vient figurer dans ce passage. D’ailleurs, MM. Aubert et Wimraer, p. 214, font remarquer que ces théories d’Aristote sont tout à fait d’accord avec la science actuelle. — Ne sont que des résidus. C’est exact, bien que la remarque ne soit pas ici à sa place. — Ne peut satisfaire à la fois ces deux besoins. Théorie plus que douteuse.
  352. Par la même raison. C’est-à-dire, parce que la Nature ne peut satisfaire à deux besoins à la fois. — Ni très lascifs, ni très féconds. Les faits sont exacts. — Comme les pigeons. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. II, §§ 2, 3, 4. — Ont beaucoup d’excrétion spermatique. C’est ce qui les rend plus lascifs que les autres oiseaux. — Et les femelles émettent-elles une matière très abondante. L’auteur aurait dû dire comment il avait constaté ce fait.
  353. Tantôt beaucoup d’œufs… tantôt ils en font souvent. Ces différentes observations sont fort exactes. — En font beaucoup en une seule ponte. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XVI, § 2. L’autruche pond de seize à vingt œufs ; c’est le mâle qui les couve presque exclusivement, toutes les nuits et une partie du jour. — L’espèce des pigeons. Le pigeon pond ordinairement deux œufs, et quelquefois trois ; mais il pond très souvent. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. IV, § 1, et aussi liv. V, ch. II, §§ 2 et suiv. — Le milieu… L’observation n’est pas fausse, et les pigeons peuvent passer pour des oiseaux de grand vol, sans qu’ils égalent cependant les oiseaux de proie. — Leur corps est considérable relativement. Il faudrait peut-être ajouter : « à l’étendue de leurs ailes », afin de compléter la pensée. — Ils trouvent facilement leur nourriture, qui se compose en général de menus grains, sans parler des espèces domestiques, dont la nourriture est toujours assurée. § 8. Sont lascifs. Ceci s’applique surtout aux passereaux, et l’observation est très juste. — Les poules Adrianiques. Ou d’Adria. Il est aussi question de cette espèce dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. I, § 2. Adria était une ville d’Italie ; mais on ne sait pas précisément de quelle partie. Les poules Adrianiques étaient de petite taille ; mais elles pondaient tous les jours ; elles étaient méchantes, et mangeaient souvent leurs poussins. — La petitesse de leur corps… Cette explication ne paraît pas bonne. — Les poules les moins courageuses… Toute cette théorie de l’influence de la matière sur l’esprit n’est pas fausse, bien que, dans ce cas-ci, elle soit peut-être exagérée. — Dans des corps ainsi faits. Voir, sur le caractère différent des animaux, les généralités de l’Histoire des Animaux, liv. 1, ch. I, § 25, p. 18, de ma traduction.
  354. La petitesse et la faiblesse des jambes… même chez les hommes. Cette observation est contestable, et l’on ne voit pas bien le rapport qu’Aristote veut établir. Ce qui est vrai, c’est que l’usage trop fréquent des organes sexuels maigrit et affaiblit les jambes et les jarrets plus que toutes les autres parties du corps. Ce serait alors la lascivité qui serait cause de la faiblesse des jambes, et non pas au contraire la faiblesse des jambes qui causerait la lascivité. — Se tourne alors en excrétion spermatique. C’est là une des théories qui semblent le plus chères à Aristote. — Elle l’applique de l’autre. Même remarque. — La crécerelle. Les mêmes faits sont rapportés dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. I, § 4, et VI, ch. II, § 2. — Qui boive… Id., ibid., liv. VIII, ch. V, § 15.
  355. Le coucou… Presque tout ce qui est dit ici du coucou se trouve déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. VII §§ 4 et suiv. ; liv. IX, ch. XX, §§ 4 et suiv.; liv. IX, ch. XX, § 81 et suiv.; ibid., ch. XXXVIII, § 6, n.
  356. La classe des pigeons. Ce paragraphe entier n’est guère qu’une répétition de tout ce qui a été dit antérieurement sur les pigeons, dont les mœurs sont faciles à observer dans l’état de domesticité. — Ils en font deux. C’est exact. — C’est-à-dire… Cette explication fort inutile pourrait bien être une interpolation.
  357. En observant les faits. C’est la méthode habituelle d’Aristote, et il la recommande aux naturalistes toutes les fois qu’il en trouve l’occasion. — Même parmi les arbres. Plus haut, § 8, il y a déjà une indication de ce genre, et un rapprochement entre les plantes et les animaux, sous le rapport de la fécondité. — Dépérissent. C’est peut-être exagéré. — Constater ce phénomène sur les végétaux. On ne peut pas douter qu’Aristote ne se fût occupé personnellement de botanique ; c’est lui qui a inspiré les admirables ouvrages de Théophraste, son disciple. — Qui ont des gousses. Peut-être l’expression dont je me sers ici n’est-elle pas très juste ; car le blé n’a pas de gousses proprement dites. Le mot de Gousse s’applique surtout aux légumineuses. Sur le blé, voir la Botanique de MM. Le Maout et Decaisne, pp. 608 et suiv. Les triticées, dans lesquelles est compris le froment proprement dit, forment la treizième tribu des graminées, et elles sont les plus répandues sur la surface de notre terre.
  358. On a vu des poules… Il n’y a rien d’improbable en ceci. — Deux œufs par jour… mortes. Les mêmes faits sont rapportés dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. I, § 2. — Surabondance de l’excrétion spermatique. L’explication est très plausible. — La lionne, à sa première portée… Les mêmes faits relatifs à la fécondité de la lionne sont rapportés dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXVIII, § 3, p. 393, de ma traduction ; seulement, dans ce passage, il ne s’agit que des lionnes de Syrie. Buffon a d’ailleurs réfuté tout au long ces petites erreurs d’un grand homme ; tome XVI, p. 21, édit. de 1830.
  359. Des œufs clairs. Voir plus haut, § 5. — L’on a dit. Id., ibid. — Nous avons également déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. XV, § 7 ; liv. II, ch. VII, § 3 ; et Histoire des Animaux, liv. V, ch. I, § 6, et liv. VI, ch. III, § 15. — Plus abondante… elle l’est moins. Ces observations sont très exactes. — Pour être reconnaissable. Ceci atteste qu’Aristote avait observé les faits très attentivement.
  360. Comme il arrive aussi chez les oiseaux. Il y a copulation chez les oiseaux ; l’erreur est évidente ; et MM. Aubert et Wimmer, p. 218, ont cru pouvoir regarder ce passage comme apocryphe ; on ne peut qu’être de leur avis. — Se montre aux époques fixes de l’excrétion. Il ne semble pas que ceci soit exact, si toutefois j’ai bien rendu ce passage obscur. — Ses proportions complètes… la grosseur. Tout ceci semble se rapporter, chez les oiseaux, à la formation de l’œuf et de sa coquille.
  361. Pour les oiseaux… pour les poissons. L’expression dépasse sans doute ici la pensée de l’auteur ; le rapprochement n’est pas si étroit ; et les différences ont été souvent signalées par Aristote lui-même. — Sous le rapport de la génération. C’est-à-dire que, de part et d’autre, l’œuf ne produit rien sans l’intervention du mâle ; mais le mode de cette intervention est fort différent. — Nous avons déjà expliqué. Voir plus haut, liv. II, ch. I, § 9, et passim. — Les oiseaux de grand vol. Ce sont surtout les oiseaux de proie ; il est d’ailleurs plus difficile de les bien observer, — À la même cause. L’explication est tout au moins fort ingénieuse, si elle n’est pas exacte. — Ils ont besoin du mâle. Ceci ne se comprend pas bien, puisqu’il cet égard les oiseaux de grand vol sont comme tous les autres oiseaux. — Si les œufs clairs. Chez les oiseaux ordinaires, et surtout chez les gallinacés. — Que les œufs féconds. J’ai adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer, p. 220, note. — Moins gros. Ceci n’est pas exact. — Le goût en est moins agréable. Ceci prouve des observations attentives ; mais ces observations n’offraient aucune difficulté. La science moderne n’a pas attaché aux œufs clairs l’importance qu’y attachait le naturaliste grec. — La coction en a été plus complète. Cette explication n’a rien que de plausible.
  362. Qu’il puisse y avoir de conception sans mâles. Comme il s’agit ici des œufs que la femelle peut produire sans le mâle, il semble qu’au contraire le phénomène est bien plus apparent que chez les oiseaux, puisque les œufs sont déposés avant que le mâle ne les imbibe de sa laite. — Dans les rougets par exemple. MM. Aubert et Wimmer mettent ces mots entre crochets, comme étant apocryphes, parce que bien des manuscrits les omettent. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 5, p. 113, de ma traduction. L’identification du rouget n’est pas certaine. Voir aussi ibid., liv. VI, ch. XIII, sur les œufs des poissons en général.
  363. Venus d’une copulation. A l’opposé des œufs clairs, qui sont produits sans que le mâle se soit rapproché de la femelle. — Plusieurs fois de suite. Le fait paraît exact. — Fait remonter la sécrétion des menstrues. L’expression n’est peut-être pas très juste ; mais le fait est vrai, puisque les menstrues cessent dès que la conception a eu lieu ; et l’on peut dire en quelque sorte que les menstrues remontent, puisqu’elles ne sortent plus, et qu’elles vont servir au développement du fœtus. — Et les canaux s’ouvrent. Ceci est obscur ; et l’expression, trop concise. — Ce qui arrive… dans les oiseaux. C’est une théorie plutôt qu’une observation ; mais cette théorie est fort ingénieuse. — En haut sous le diaphragme. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, §§ 17 et 18. — Y fait grossir l’œuf. Le fait est évident. — Par le cordon ombilical. Tous ces rapprochements sont aussi exacts que curieux.
  364. Extrêmement petits. Je ne sais pas si ce fait a été vérifié par la science moderne. — Le reste d’une copulation antérieure. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 6. L’explication était tout à fait fausse par l’excellente raison qu’en donne Aristote ; mais ce passage, entre bien d’autres, prouve que, de son temps, on discutait tous ces faits avec grand intérêt. — Ont eu des œufs. Sous-entendu : Clairs. — Pour les perdrix femelles. Voir le même récit dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III § 14. MM. Aubert et Wimmer ne voient là qu’un conte de chasseurs ; on ne saurait les contredire. Les chasseurs grecs étaient sujets à caution, non moins que les nôtres.
  365. Pour l’espèce humaine. Le cas que cite Aristote est essentiellement pathologique ; et pour qu’il se produise, il faut que les organes soient déjà très affaiblis. — De la vue ou du moindre attouchement. Cela n’est vrai que dans la supposition d’une maladie, ou d’un excessif relâchement des organes et des tissus. L’explication appliquée aux perdrix n’est donc pas exacte, comme l’auteur le croit. — Beaucoup de liqueur spermatique. Le fait paraît certain ; mais il ne porte pas toutes les conséquences qu’Aristote croit pouvoir en tirer. — Un très léger mouvement. C’est l’excitation intime des organes, et non un mouvement venu du dehors. Quelque jugement qu’on porte sur tout ce passage, il prouve toujours combien Aristote était attentif dans ses observations.
  366. Un œuf complet. C’est-à-dire, qui porte tout à la fois le germe du jeune, et les aliments nécessaires pour qu’il se développe et qu’il vive. Il faut ajouter néanmoins que l’incubation achève au dehors ce que le parent a commencé au dedans. — Plus haut, § 17, et passim. — Un œuf incomplet. Parce qu’il faut que le mâle répande sa laite dessus, et que, sans cet acte du mâle, l’œuf à lui seul ne produirait rien. — Tout garder en dedans. Voir des observations analogues dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XII, § 1 et suiv.; et VI, ch. XVI, § 8. — C’est parce que les matrices… L’explication ne suffit pas.
  367. De deux couleurs. Voir l’Histoire des Animaux, où sont donnés de plus amples détails, liv. VI, ch. II, § 11, et ch. III. — N’en ont jamais qu’une. Le fait paraît exact ; mais il est possible que des recherches ultérieures montrent, grâce au microscope, que le phénomène est le même dans les œufs des poissons que dans les œufs des oiseaux. — Intérieure. J’ai ajouté ce mot. — De ce genre. J’ai ajouté également ceci ; et alors, on comprend bien l’observation d’Aristote. Autrement, on devrait croire à une erreur qui serait en contradiction manifeste avec toutes ses théories ; car il y a, même selon lui, une foule d’animaux exsangues qui produisent des œufs ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 222, qui proposent de rejeter toute cette petite phrase ; on peut, je crois, la conserver, si l’on admet l’addition fort légère que j’y fais, et qui me semble justifiée par tout le contexte. — Le sang, on l’a dit de reste. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, §§ 1 et suiv.; voir aussi le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. II, et passim. — La portion chaude. C’est sans doute le blanc, puisque le jaune sert à la nourriture du poussin. J’ai suivi dans ce passage la correction proposée par MM. Aubert et Wimmer. — Matérielle. J’ai ajouté ce mot.
  368. Qui ont deux couleurs. Sur les rapports du blanc et du jaune, voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II et III. — Le principe vivant. Ceci est fort exact, quoique l’expression soit un peu vague. — Une nature plus chaude. Ce sont les oiseaux. — Plus considérable. C’est ce qu’on peut aisément vérifier sur le premier œuf venu. — Chez ceux qui sont moins chauds. Il aurait fallu désigner plus précisément les animaux dont il s’agit. Au paragraphe suivant, Aristote applique cette observation spécialement aux oiseaux de marais.
  369. La portion appelée la Lécithe. Il paraîtrait que cette expression de Lécithe était encore assez nouvelle quand Aristote l’appliquait ; elle se trouve déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, § 16, où elle ne paraît pas signifier autre chose que le jaune de l’œuf dans les œufs à deux jaunes. Ici, il semblerait que Lécithe aurait une signification plus étendue, et que ce serait la partie blanche qui sépare les deux jaunes. — N’ont plus le blanc bien séparé. L’explication est très ingénieuse. — Voilà comment… Je ne sais pas si la science actuelle accepte cette théorie.
  370. Même les œufs clairs. Ce retour sur les œufs clairs n’était pas nécessaire, après tout ce qui en a été dit antérieurement. — Pour complément. J’ai ajouté ces mots, pour rendre toute la force de l’expression grecque. — À un certain moment donné. Ou peut-être : « Si à un moment quelconque… » — Qui causent la double couleur. Il eût été bon de dire par qui cette théorie avait été soutenue. Elle est curieuse ; mais sans doute elle n’a rien de fondé. — Viennent également de la femelle. C’est là ce qui semble évident. — L’un est chaud. C’est le blanc. — L’autre est froid. C’est le jaune.
  371. Elle se sépare. Ou, Elle se divise. Alors, la chaleur formerait, d’une part, le blanc, et le jaune, d’autre part. Dans les poissons, la chaleur ne serait pas assez intense pour pouvoir opérer cette division. — De ces animaux qui ont peu de chaleur. Le texte n’est pas aussi explicite ; mais le sens n’est pas douteux. — Voilà aussi pourquoi. La liaison n’est pas très évidente entre les deux idées. — Blanc et petit. L’observation est juste. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, sur le développement successif de l’œuf et du poussin. — La partie sanguine. L’explication est tout au moins très plausible. — Se met complètement à la circonférence. Le fait est exact ; mais la comparaison qui suit ne l’est pas autant ; elle n’est peut-être qu’une interpolation.
  372. Il a en lui la chaleur, qui lui a été transmise par le contact du mile, qui seul peut donner la vie. — Circulairement. C’est-à-dire qu’il entoure le jaune tout entier. — Et terreuse. Ceci est conforme à toutes les théories aristotéliques, conséquence de la théorie générale des quatre éléments. — Si l’on mêle des œufs dans un plat… L’expérience qu’indique Aristote n’est pas très difficile à faire ; mais elle exige encore assez de précautions, pour que les choses se passent comme on le désire. Quoi qu’il en soit, la description que fait l’auteur prouverait une fois de plus avec quelle attention il observait les phénomènes. Comme c’est ici un phénomène que la science crée tout exprès, c’est une expérience proprement dite ; ce n’est plus une observation. Elle est déjà exposée tout au long, et presque dans les mêmes termes, Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 12, p. 265, de ma traduction.
  373. On a expliqué. Dans le chapitre précédent, et dans les passages assez nombreux auxquels il se réfère. — Une couleur unique. Comme les œufs des poissons. — Deux couleurs. Comme ceux des gallinacés, et des oiseaux en général. — Pour aller vers le point… Aristote ne dit pas comment il a pu s’assurer de ce fait, et la science moderne ne paraît pas non plus s’en être occupée. — La forme des deux bouts devient dissemblable. Cette observation est fort juste, comme chacun le sait. Quel est le but de cette différence ? et d’où vient-elle ? Il est certain qu’elle doit correspondre à quelque nécessité naturelle ; et Aristote a bien fait de se poser la question, quoi qu’on puisse contester l’explication qu’il en donne. — L’œuf est-il plus dur. C’est la coquille plutôt encore que l’œuf lui-même ; mais la coquille et l’œuf se confondent.
  374. C’est aussi pour cette raison. Ici encore, on peut ne pas admettre la théorie du philosophe ; mais on ne saurait le critiquer de sa préoccupation, puisqu’il est persuadé que la Nature ne fait jamais rien en vain, et qu’à cet égard il est impossible de n’être pas de son avis. — La portion ajoutée par le mâle. C’est là un fait qu’il est bien difficile de vérifier. Quelle est la portion de l’œuf qui vient du mate ? Quelle est la portion qui vient de la femelle ? Il ne semble pas que même aujourd’hui personne puisse le dire. — Sur les semences des plantes. Ici encore, le doute est permis ; et ce rapprochement des plantes et des ovipares est bien obscur. — Le principe de la semence… On pourrait trouver qu’il y a dans ce passage une sorte de soupçon du sexe des plantes. La partie ajoutée dans les ovipares et leurs œufs est ajoutée par le mâle ; on en peut conclure que, dans les plantes aussi, la partie ajoutée vient de quelque principe mâle. — Le principe de la graine. Les faits ne sont pas en ceci assez bien observés ; et dans les légumineuses, comme les fèves et les pois, la commissure des valves n’est pas du tout le principe de la plante. Voir le traité général de Botanique de MM. Le Maout et Decaisne, pp. 311 et suiv.
  375. Il est difficile de savoir. L’observation est en effet fort difficile ; et elle l’était particulièrement dans un temps où l’anatomie était peu avancée, et où l’on ne connaissait pas le microscope. — Les animaux. Surtout les quadrupèdes et les vivipares. Sur le cordon ombilical, voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII, §§ 2 et suiv. — Par quoi les œufs la reçoivent-ils ? dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., Aristote ne semble pas faire de différence pour les ovipares. — Les larves. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVII et XIX. — S’il y a quelque organe. Je ne sais pas si la science moderne a porté sur ce point des observations spéciales ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 946, trad. franc. — Comme sort le cordon. C’est là en effet la différence essentielle. Voir aussi la Physiologie comparée de M. Colin, tome II, p. 813, 2e édition. — C’est la coquille circulaire qui se montre. La formation successive de l’œuf est très difficile à observer, et je ne crois pas que, dans ces derniers temps, elle ait été étudiée spécialement.
  376. On fait donc bien… Aristote avait d’autant plus raison qu’aujourd’hui même ces questions ne sont pas encore résolues. — On n’a pas remarqué. Sous cette forme adoucie, Aristote blâme ceux qui n’observent pas avec assez de soin les faits de la Nature. — Une membrane molle. Il avait fallu des observations répétées et très délicates pour arriver à constater ces progrès dans la formation de l’œuf. — Au moment où l’œuf sort. Sur la formation de l’œuf, voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 15. — Elle devient solide. Je ne sais pas si la science moderne accepte toutes ces observations, et si elle les justifie. — L’évaporation rapide du liquide. L’explication est tout au moins ingénieuse, étant données les théories habituelles d’Aristote sur les quatre éléments.
  377. A la pointe de l’œuf… C’est ce qu’il est facile d’observer. — Sous la forme d’un canal. L’observation est fort exacte ; voir la Physiologie comparée de M. Colin, pp. 820 et suiv., 2e édition. — C’est ce qu’on peut observer. Application de la méthode d’observation. — Sortis trop tôt. Suite d’observations précises et fort curieuses. — Se baigne, ou qu’il se refroidit. Le bain refroidit certainement l’oiseau ; mais il peut se refroidir aussi pour toute autre cause. — Le germe paraît encore tout sanguinolent. Ce ne sont pas des expériences préparées par le naturaliste lui-même ; mais il profite des accidents que la réalité peut lui présenter, afin de la mieux comprendre. — Un appareil fort petit. Il s’agit sans doute ici des débris du disque proligère restés à la surface de l’œuf ; mais les détails relatifs à cette première formation de l’œuf ne sont pas encore bien connus. A mesure que l’œuf grossit. La curiosité d’Aristote était évidemment aussi vive que la nôtre peut l’être ; et bien des choses restent encore ignorées pour nous, comme pour lui, bien que l’embryogénie ait fait de grands progrès. — Devient la pointe, qui sort la dernière. — La membrane intérieure. Ici la description d’Aristote supprime beaucoup de faits intermédiaires, et déjà l’œuf est fort avancé quand se forme la séparation du jaune et du blanc, qui sont en effet isolés l’un de l’autre par une membrane. — Le cordon disparaît. Peut-être ici l’expression d’Aristote va-t-elle un peu trop loin ; ce n’est pas un vrai cordon ombilical qui alimente l’œuf au début. Tous ces détails d’ailleurs sont fort difficiles à suivre, et je ne suis pas sur de les avoir bien rendus.
  378. Est tout l’opposé… Le rapprochement ne paraît pas très exact ; mais il est tout au moins fort ingénieux, comme tant d’autres observations dans tout ce qui précède. — Que nous venons de dire. Ceci reste obscur ; car Aristote ne vient pas de parler du principe auquel l’œuf se rattache ; il n’a parlé que des développements successifs de l’œuf.
  379. Sortir de la coquille et naître. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Le phénomène d’ailleurs est décrit parfaitement. — Et mûrit les œufs. Il faut remarquer cette heureuse expression. — La Nature a placé. Aucun naturaliste n’a décrit ces faits plus simplement ni plus exactement. Ces descriptions, qui nous sembleraient banales aujourd’hui, étaient fort neuves du temps d’Aristote. — La matière de l’animal et les aliments, il est impossible d’être plus concis, et en même temps plus exact. — En elle-même. Ainsi que les vivipares. — Une autre partie. On pourrait traduire aussi : « Dans un autre organe ». — Du corps. J’ai ajouté ces mots. — Ce qu’on appelle le lait. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI et ch. XVII ; et aussi, liv. VI, ch. VI.
  380. La Nature fait bien aussi du lait… On voit que la question était posée avant Aristote ; mais c’est lui qui la résout conformément aux faits réels. — Alcméon de Crotone, médecin, disciple de Pythagore, qui passe pour avoir été le premier à disséquer ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 1, ou une de ses erreurs est réfutée ; voir aussi, ibid., liv. VII, ch. I, § 2. — À cause de la ressemblance de la couleur. C’était en effet la première explication, qui se présentait après une observation superficielle.
  381. Ainsi qu’on l’a dit. Ou, Ainsi qu’on vient de le dire, plus haut, § 7 ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 3. — Des quadrupèdes ovipares. Les lézards, les tortues, etc. — Ces animaux. C’est-à-dire, les quadrupèdes, ovipares. — Pondent tous dans la terre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch XXVII, §§ 2 et suiv. Les tortues enfouissent leurs œufs dans la terre ; et les tortues aquatiques les enfouissent près du rivage, après le coucher du soleil. — Pour les protéger. Plutôt encore que pour faire naître les petits, la chaleur du sol étant suffisante pour amener réclusion. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 933, trad. franc.
  382. Absolument de même. C’est peut-être exagéré. — Près du diaphragme. L’explication est la même dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 4. — Intérieurs et extérieurs. Il est évident que, pour voir les phénomènes intérieurs, il avait fallu des dissections. — L’étude de leurs causes. Après l’observation des faits. — Par leur propre force. C’est-à-dire, sans le secours de la mère comme dans les oiseaux.
  383. C’est que la nature semble… C’est un nouvel éloge de la Nature, qu’Aristote ne cesse d’admirer dans toutes ses œuvres ; et ici particulièrement l’instinct de maternité qui éclate dans tous les êtres vivants, est indispensable à la perpétuité des espèces. — Une sollicitude particulière pour les jeunes. On ne saurait dire mieux. — Elle l’a poussée à ce point. Ceci serait surtout vrai pour l’espèce humaine, où les soins des parents sont indispensables beaucoup plus longtemps que dans toute autre espèce. C’est l’origine de la famille, qui ne se formerait pas si les parents n’étaient pas nécessaires aux enfants pendant plusieurs années. — Le plus d’intelligence entre tous, Ceci s’applique évidemment à l’espèce humaine, comme Aristote le dit expressément quelques lignes plus bas. — Une affection, dit simplement le texte ; j’ai ajouté : De famille. — Chez quelques quadrupèdes. On ne saurait dire précisément à quelle espèce de quadrupèdes ceci fait allusion ; mais il n’y a pas d’animaux où l’habitude dure aussi longtemps que pour l’homme, parce que, dans aucune autre espèce, elle n’est aussi nécessaire. — Cet instinct ne va… L’observation est très juste. — Aussi, les femelles… Je ne sais pas si la science moderne partage sur ce point les vues du naturaliste grec. — S’en trouvent-elles assez mal. On ne voit pas comment le fait a pu être constaté par Aristote ; mais il n’en est pas moins exact.
  384. S’y forment plus vite. Ceci est tout à fait exact ; et, par exemple, pour les gallinacés la chaleur en général hâte l’éclosion, qui demande ordinairement les trois semaines ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III § 7, où cette influence de la chaleur est décrite assez longuement. — Œufs d’urine. Ou De queue. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II § 8. — Les vins s’aigrissent. Le fait est certain ; mais on ne voit pas bien comment les œufs peuvent être comparés aux vins. — Le jaune ou la lécithe. Il n’y a que ce dernier mot dans le texte ; voir plus haut, ch. I, § 24, n.
  385. La partie terreuse. Ceci se rapporte à la théorie des quatre éléments, qu’Aristote a vulgarisée, et qui a régné jusqu’au XVIe siècle tout au moins. — La lie vient à s’y mêler. C’est vrai ; mais il est assez étrange de regarder la lie comme une matière terreuse. — La lécithe se mêle au blanc. Il paraît alors que la lécithe serait prise pour le jaune. — Qui pondent beaucoup. La femelle ne peut alors donner une chaleur égale a tous ses œufs.
  386. Deux de leurs œufs. Ceci s’applique aux oiseaux de proie, et surtout à l’aigle ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. VI, § 1, p. 282, de ma traduction. — Le troisième l’est toujours. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote est moins affirmatif ; et selon lui, l’aigle élève quelquefois trois petits. — Leur nature est essentiellement chaude. Le fait est exact ; et la température des oiseaux est supérieure à celle des mammifères. La différence est de quatre à cinq degrés, de 37° à 42°. Entre les oiseaux eux-mêmes, il y en a très peu, que ce soient des oiseaux sauvages, ou que ce soient des oiseaux domestiques. D’ailleurs, la taille de l’animal et son alimentation sont à peu près sans influence. Voir la Physiologie comparée de M. Colin, tome II, p. 905, 2° édition. La chaleur des individus ne varie presque point, quelle que soit la température ambiante. — Ils font en quelque sorte bouillir. La métaphore est très forte ; mais elle n’est pas fausse.
  387. Ont…. une nature contraire. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 11, où les mêmes détails sont déjà donnés, et où les propriétés différentes du jaune et du blanc sont exposées, presque dans les mêmes termes. — Par la coction dans la terre. Pour les oiseaux qui pondent à terre. — Soit par incubation. Qui est le mode le plus ordinaire chez les oiseaux. — Terreux, comme la cire. Il ne faut pas trop s’étonner de cette étrange chimie ; elle a prévalu pendant de longs siècles. — Ils tournent à l’urine. Ou, Ils deviennent des œufs clairs, des œufs de queue. D’ailleurs, l’auteur se trompe évidemment quand il prétend que le jaune ne durcit pas au feu.
  388. Il se liquéfierait plutôt. Les mêmes observations sont déjà présentées dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III § 11, p. 264, de ma traduction. — Antérieurement. Voir plus haut, ch. I, §§ 26 et 27 ; et peut-être aussi, le passage qui vient d’être cité de l’Histoire des Animaux. — Il y devient solide. Le fait est exact et chacun a pu le vérifier. — La coction qu’il reçoit. C’est la chaleur propre de l’animal, qui détermine cette coction intérieure et qui prépare la production du jeune. — Qui constitue l’animal. C’est en effet dans le blanc que se trouvent toutes les parties constitutives du poussin, qui devient successivement assez fort pour se nourrir du jaune. — Sont séparés par des membranes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, § 12 ; voir aussi plus haut, dans ce même troisième livre de la Génération, ch. I, §§ 22 et 23.
  389. Ce qui en est dit dans l’Histoire des Animaux. Cette référence se rapporte aux passages qui viennent d’être cités. — Nous nous bornerons à répéter. En effet, Aristote ne fait ici qu’abréger tout ce qu’il a dit en grands détails dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, § 1 2 et suiv. On en sait beaucoup plus aujourd’hui sur ces questions d’embryogénie ; mais ce qu’en sait le naturaliste grec est considérable, et l’on ne saurait trop rendre justice à de telles observations, qui ont à cette heure deux mille deux cents ans de date. Ce début de la science est prodigieux, comme je l’ai déjà dit bien des fois.
  390. En devenant plus liquide. Plus haut. § 15, Aristote a dit que la chaleur liquéfie le jaune ; c’est une erreur évidente ; mais le texte est formel, et il ne peut avoir un autre sens que celui que j’ai dû lui donner ; voir la note au § 15. — Devienne liquide. Il semble qu’Aristote met ici une théorie abstraite à la place de l’observation des faits. Le jaune est liquide sans doute, afin de pouvoir arriver jusqu’au poussin ; mais ce n’est pas la chaleur qui le liquéfie, puisqu’au contraire elle le durcirait. — La vie du végétal. La vie intra-utérine est en effet une sorte de végétation ; et elle est fort différente de la vie qui attend le jeune à la sortie du sein maternel. — En rapport avec un autre être. Comme les végétaux sont en rapport avec la terre qui les nourrit.
  391. L’autre cordon ombilical. Quelles que soient les lacunes qu’on peut signaler dans ces observations, elles n’en sont pas moins dignes d’attention. Il faut toujours se rappeler qu’après Aristote la science n’a pas fait un pas, et qu’elle ne s’est remise en marche que vers le XVIIe et le XVIIIe siècle. — Il est bien à croire… Il faut remarquer avec quelle circonspection Aristote avance ses explications. D’ailleurs, la théorie qu’il soutient a pour elle toutes les probabilités. — Une certaine partie de sa substance. Puisque c’est de la mère que viennent l’entretien et le développement du blanc et du jaune. — La coquille de l’œuf. C’est une des parties les plus obscures de toutes ces observations. — Comme si l’on entourait. Ceci ne se comprend pas bien ; et l’auteur aurait pu trouver une comparaison plus claire.
  392. L’embryon… Soit dans les vivipares, soit dans les ovipares ; l’observation s’applique également à ces deux modes de génération. — Est dans la mère. A ce point que quelques naturalistes ont dit que la matrice était en quelque sorte un animal dans un animal. — Et à l’inverse. L’opposition n’est peut-être pas aussi grande que la fait Aristote. — Ne se fait pas dans la mère elle-même. Il est certain que la nutrition du poussin se fait, dans l’intérieur de l’œuf, par l’absorption du jaune ; mais sans la mère, qui contient l’œuf et qui le nourrit, le poussin ne se développerait pas. On voit du reste que ces rapprochements entre les vivipares et les ovipares constituent les premiers essais de physiologie comparée.
  393. Le cordon… est le premier à tomber. Preuve nouvelle des observations anatomiques auxquelles Aristote a dû se livrer, que d’ailleurs ces observations soient plus ou moins exactes. — Ne tombent que plus tard. Même remarque. — Dès qu’il est né. Il s’agit de la première apparition de la vie dans l’œuf. — Et vivant. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Entre à l’intérieur avec le cordon. Ceci non plus n’est pas assez clairement exposé.
  394. D’œufs complets. Aristote entend par là les œufs qui, à la condition de la simple incubation, renferment tout ce qu’il faut pour l’éclosion du jeune. Chez les poissons, il faut que le mâle répande sa laite sur les œufs qu’a pondus la femelle ; et en ce sens, les œufs sont incomplets. — Sur les grands animaux. Au temps d’Aristote, la recommandation avait une importance qu’elle n’a plus, depuis que le microscope permet d’observer les êtres les plus petits et les organisations les plus délicates. — Presque invisibles. Aujourd’hui, on pourrait presque se plaindre de voir trop de choses ; et le microscope trompe plus d’un observateur.
  395. Dont la matrice est en bas. Ce sont les poissons ovipares ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 2. Leur matrice est placée vers la queue et à l’extrémité du corps. — Un œuf incomplet. Qui a besoin que le mâle le féconde par sa laite. — Plus haut, ch. I, § 21. — Des sélaciens. La formule même que prend Aristote paraît indiquer que le nom de sélaciens était assez récent dans la langue grecque ; il semble assez probable que c’est Aristote qui l’a inventé ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, § 1, n. ; et aussi liv. III, ch. 1, § 21. Les sélaciens sont en général vivipares. Ce qu’en dit ici Aristote est déjà dans l’Histoire des Animaux.
  396. La grenouille marine. J’ai ajouté, l’épithète pour qu’on ne confondît pas cette grenouille avec la grenouille ordinaire ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 5, et liv. VI, ch. X, § 1. La science moderne ne classe pas la grenouille de mer parmi les sélaciens ; il semble que Cuvier la confond avec la baudroie ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVI, § 7, la note. — La cause de cette différence. Cette même explication est donnée dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 15, p. 300, de ma traduction. L’explication du reste est très probable. — Les œufs des autres sélaciens. Ajoutez : « Qui pondent des œufs ». — Ils sont plus froids que les oiseaux. Voir plus haut, ch. II § 14, ce qui est dit de la chaleur des oiseaux de proie.
  397. L’œuf de la grenouille de mer… Les détails que donne ici Aristote paraissent exacts en général ; ils prouvent tout au moins une observation fort attentive ; voir l’édition de MM. Aubert et Wimmer, Introduction, p. 30, n° 55. Le poisson qu’Aristote décrit est identifié d’ordinaire avec le Lophius piscatorius de Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, tome VII, pp. 269 et 271. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 857, trad, franç. — Par le corps même de la mère. Ceci est général, à ce qu’il semble, pour les vivipares aussi bien que pour les ovipares. — Que pour les œufs. Le texte est moins précis, et son expression est tout à fait indéterminée ; peut-être s’agit-il des sélaciens, en opposition avec l’organisation de la grenouille marine ou baudroie.
  398. Comparativement aux oiseaux. On ne voit pas clairement, d’après le texte, si la comparaison s’applique aux oiseaux et aux poissons en général, ou si elle se borne aux grenouilles marines. L’ensemble du contexte paraît indiquer qu’il s’agit des poissons et de leur genre entier. — Les œufs de poissons. Le texte n’a qu’un pronom indéterminé. — Le second cordon ombilical. Voir plus haut, ch. II, §§ 17 et suiv. — Les œufs des poissons. Ici, le texte n’a pas même de pronom ; il n’a qu’un verbe. — N’ont pas la coquille. C’est exact ; mais les œufs de poissons ne sont pas pour cela dénués de toute protection ; ils sont enveloppés dans une membrane qui leur donne une consistance suffisante. — En second lieu. C’est une seconde différence, qui s’applique sans doute au genre entier des poissons, et non pas seulement à la grenouille de mer. — Du petit des poissons. Ici encore, ma traduction a dû être beaucoup plus précise que ne l’est l’original. — Le bout qui se rattache à la matrice, C’est le petit bout, comme la suite le prouve.
  399. L’œuf se sépare de la matrice. Pour avoir un développement particulier et produire le jeune au dehors, puisque l’œuf contient à la fois le poussin et la nourriture du poussin. — Dans ces animaux-là. Le texte n’est pas plus précis : et cette expression peut s’appliquer tout aussi bien aux poissons en général qu’aux grenouilles de mer en particulier. La même confusion règne dans tout ce passage. Cependant, il semble qu’il est plus spécialement relatif aux grenouilles de mer. A cet égard, Aristote aurait fait plus d’observations que n’en a fait la science moderne, qui ne paraît pas s’être occupée beaucoup de ces singuliers poissons. — Où les œufs se détachent… Tous ces détails anatomiques sont très difficiles à suivre, et je ne suis pas sûr de les avoir bien rendus.
  400. Et celle des poissons. Ici, il n’y a plus de doute ; et c’est des poissons en général qu’il s’agit. La comparaison entre les oiseaux et les poissons est d’ailleurs fort curieuse, quoiqu’elle soit un peu forcée. En réalité, les analogies ne sont pas très frappantes ; mais c’est déjà un pressentiment de la théorie de unité de composition, qui a fait tant de bruit au début de ce siècle. D’ailleurs, les oiseaux et les poissons ne sont comparés ici que relativement à leurs œufs. La même question est traitée dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, §§ 4 et suiv. — D’une seule couleur. Id., ibid., § 3. — Le tout. Par ces mots, Aristote comprend à la fois le germe d’où le jeune doit venir, et la nourriture qu’il doit trouver dans l’intérieur de l’œuf. — En sens opposé… dans son point d’attache. Dans l’œuf des oiseaux, le blanc et le jaune étant distincts, il est facile de concevoir que le développement ne se fait que dans le blanc ; mais dans l’œuf des poissons, le tout étant mélangé, le développement peut avoir lieu indistinctement par toutes les parties de l’œuf. Quel que soit d’ailleurs le jugement que l’on porte sur ces théories, elles attestent une fois de plus l’attention profonde qu’Aristote apportait à toutes ses observations.
  401. Dans certains sélaciens. Aristote revient ici aux sélaciens, et il s’attache seulement à quelques-unes de leurs espèces ; il aurait pu préciser encore davantage et indiquer les espèces qu’il considère. — Sans la quitter. Il est évident que tous ces détails ne pouvaient être connus qu’à la suite de dissections minutieuses. — Pour que le petit sorte vivant. Chez les sélaciens qui sont vivipares. Voir, sur la reproduction des sélaciens, la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 815, trad. franc. Tantôt les œufs sont pondus immédiatement après la fécondation (raies, chiens de mer, etc.) ; tantôt ils restent dans l’utérus, pour y subir toute leur évolution et s’y nourrir par une organisation toute particulière. Aristote doit paraître en ceci étonnamment avancé. — Le cordon venu de la matrice… Le travail de Jean Müller sur les théories d’Aristote en fait bien sentir la haute valeur ; voir M. Claus, id., ibid., p. 816, la note. — Dans les chiens de mer, ou raies plates. Je crois que cette identification est assez certaine. Aristote a parlé des chiens de mer dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, §§ 8 et suiv. ; pour l’organisation de leur matrice, voir id., liv. III, ch. I, § 21.
  402. La génération des poissons, en général, y compris sans doute les sélaciens. — Nous en avons expliqué les causes. Dans tout ce qui précède, et aussi dans l’Histoire des Animaux, passim. — Le second cordon. Plus haut, § 5, il semble qu’Aristote n’admet qu’un seul cordon, et non deux. — La chair. C’est la traduction exacte du texte ; il ne présente pas de variante dans les manuscrits. La chair ne signifie que le jeune déjà formé, et ayant par conséquent une certaine masse de chair.
  403. Comme on vient de le dire. Dans le chapitre précédent, §§ 3 et suiv. — Qui font d’abord… un œuf complet. Ce sont les sélaciens ; voir plus haut, ch. III, § 1. Les sélaciens sont cartilagineux ou chondroptérygiens ; ils se distinguent par la structure de leurs branchies et par leur mode de reproduction ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 815, trad. franc. L’organisation spéciale des sélaciens mérite l’attention qu’Aristote y a toujours donnée, soit dans ce traité, soit dans l’Histoire des Animaux, passim. — A l’exception de la grenouille de mer. Voir plus haut, ch. III § 2, où cette exception est déjà signalée. — Nous venons d’expliquer. Id, ibid. — Des œufs incomplets. C’est-à-dire que les œufs déposés au dehors par la femelle doivent être complétés et fécondés par la laite du mâle.
  404. De la même manière que pour les sélaciens. A première vue, ceci semble contredire ce qui précède ; mais il ne s’agit ici que de l’évolution de l’œuf, qui se passe dans l’intérieur de l’animal. — Leur croissance est très rapide. Ceci s’applique aux jeunes poissons qui sortent de l’œuf ; les œufs sont très petits tout d’abord, et l’être qui en sort prend très vite un développement considérable. — Le bout de l’œuf est plus dur. La zoologie moderne a constaté aussi que les œufs de certains sélaciens sont entourés d’une coque assez ferme, qui a la consistance du parchemin, et qui est quadrilatère ; à chacun des angles, il se trouve un appendice corné qui sert à fixer les œufs sur les plantes marines ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 815. — Dans les larves. On sait qu’Aristote fait une classe à part des animaux qu’il appelle larvipares, à côté des vivipares et des ovipares. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, § 3. La larve se confond quelquefois avec le ver, — Sans emprunter au dehors. Ceci ne se comprend pas très bien, puisque les embryons des vivipares empruntent aussi leur nourriture au dedans ; mais c’est à leur mère qu’ils l’empruntent, tandis que les larvipares la trouvent en eux-mêmes.
  405. À celle qui produit l’ébullition. La comparaison n’est pas très juste, en ce que dans l’ébullition le feu est placé en dehors du liquide, tandis qu’ici le feu, ou plutôt la chaleur animale, est entièrement à l’intérieur, comme l’auteur lui-même le remarque. — La chaleur de l’âme. On pourrait traduire encore : « la chaleur vitale » ; mais j’ai cru devoir conserver la formule du texte. Il est certain d’ailleurs que, dans le Traité de l’Ame, Aristote étudie le principe vital, depuis la plante jusqu’à l’homme, beaucoup plus qu’il n’étudie l’âme proprement dite. — Du suc. On pourrait traduire aussi : « du levain ». Mais ce qui a été mêlé au liquide dans l’ébullition, c’est uniquement la chaleur du feu. — Nécessairement. Par opposition à l’idée du mieux, à laquelle revient Aristote, — Une excrétion et un résidu. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui fermente. Ou : « qui bout ». — En vue du mieux. C’est la doctrine de l’optimisme, qu’Aristote a professée un des premiers.
  406. Il est impossible… L’explication est excellente, et on peut même ajouter qu’elle est de toute évidence. — Des poissons. Le texte n’a qu’un pronom indéterminé ; mais il ne peut y avoir de doute sur le sens. — Les œufs. Ou : « les poissons ». — La matrice est très étroite. Le fait est parfaitement observé. — La race entière ne périsse pas. Cette explication est également fort acceptable, comme les précédentes. — La plupart des embryons. Cette observation est exacte, et il est très facile de la constater. — La Nature combat… Il n’est pas possible de méconnaître en ceci l’intention de la Nature et de la Providence. — L’aiguille… Le même fait est rapporté dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVI, § 8, p. 334, de ma traduction. D’ailleurs, Aristote attribue cet accident à d’autres poissons encore que l’aiguille ; voir MM. Aubert et Wimmer, édition et traduction, p. 31, n° 56, sur ces observations, qui sont fort intéressantes.
  407. Les œufs de ce genre. C’est-à-dire ; les œufs de poissons, que l’auteur a étudiés comparativement aux œufs d’oiseaux. — Et pourquoi ils la prennent ainsi. Voir plus haut, ch. IV, §§ 3 et 4. — Ces poissons. De l’espèce des sélaciens, y compris la grenouille marine. — Un œuf à l’intérieur. Ceci est une preuve nouvelle des observations anatomiques auxquelles Aristote a dû se livrer ; il a fallu des dissections bien attentives pour arriver à constater de tels faits. — Toute la classe des poissons est ovipare. Aristote ne semble pas faire d’exception pour les cétacés, qui sont bien vivipares aussi, mais qui de plus sont mammifères. Les cétacés, vivant exclusivement dans l’eau, rappellent par leur conformation le type des poissons ; mais ils ne sont pas des poissons proprement dits. Linné s’y était trompé : mais Aristote en a toujours fait une classe à part ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 1038, trad. franc. ; et aussi p. 800, sur l’oviparité des poissons en général. — Que si le mâle répand sa laite. C’est le cas le plus ordinaire.
  408. Quelques naturalistes. Il eût été curieux de connaître le nom de ces naturalistes ; il est assez probable que ce sont les physiologues nommés plus loin, dans ce chapitre. — Tous les poissons sont femelles. Cette erreur est tellement évidente qu’on a peine à comprendre qu’elle ait pu être commise. — Est semblable à la différence que présentent les plantes. Dans l’hypothèse même où se placent ces naturalistes, le rapprochement n’est pas tout à fait exact, puisque, dans les plantes, les unes sont fécondes et que les autres ne le sont pas, tandis qu’on fait de tous les poissons de la même espèce des femelles sans exception — Dans la même espèce. J’ai ajouté ces mots, qui sont indispensables, et dont le sens est implicitement compris dans le texte. — L’olivier et le kotinos. J’ai conservé le mot grec de kotinos, parce que l’identification n’est pas absolument certaine. Théophraste, sans être aussi précis que l’est Àristote, oppose aussi le kotinos et l’olivier, et il semble croire également que l’un porte des fruits, tandis que l’autre n’en porterait pas ; Histoire des Plantes, liv. I, ch. VIII, § 2, p. 12, édit. Firmin-Didot. Le kotinos est le sauvageon de l’olivier ; de même que l’érinéos est le sauvageon du figuier. Voir encore Théophraste des Causes des Plantes, liv. I. ch. XVIII, § 4, p. 187, édit. Firmin-Didot, et Histoire des Plantes, liv. II, ch. II, § 12, p. 24. L’érinéos est en latin le Caprificus. — Sauf les sélaciens. Dont ces naturalistes, réfutés par Aristote, faisaient déjà une classe à part, ainsi que lui.
  409. Dans les sélaciens. Je ne sais pas si le fait énoncé ici est parfaitement exact. — Le sperme est émis et répandu. Ici encore, on peut concevoir un doute ; et pour certaines espèces, il y a un réel accouplement. — La saison régulière. Ordinairement, le printemps. — Des matrices. Sur les organes sexuels des femelles dans les sélaciens, voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 815, trad. franc. — De même que, dans la classe des animaux pourvus de crins. Ce sont les équidés (solipèdes), qui se distinguent en effet par une queue tantôt garnie de crins dans toute sa longueur, tantôt garnie seulement à son extrémité. La science moderne ne paraît pas avoir attaché à ce caractère autant d’importance qu’Aristote. — Les mules présenteraient ce phénomène… Tout ce paragraphe, qui vient ici sans que rien le prépare, peut sembler une interpolation. — Les uns ont de la laite. Ce sont les mâles, de même que les femelles ont des matrices. — Le rouget et le serran. L’identification n’est pas certaine ; et en général, les traducteurs se sont contentés de reproduire les mots grecs. L’Erythrinos (rouget) paraît être le Serranus anthias, et la Charme, le Serranus scriba. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 5, et livre VI, ch. XIII § 3, n. Les serrans sont de la famille des perches ou Percoïdes ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 847, trad, franc.; et aussi p. 841, pour l’Erythrinos.
  410. Ainsi… des matrices. MM. Aubert et Wimmer regardent cette petite phrase comme apocryphe ; il semble bien en effet que c’est une simple répétition de ce qui précède. — Si l’on veut bien observer les faits. Ici, Aristote recommande la méthode d’observation, comme il l’a toujours fait ; voir le traité des Parties des Animaux, préface, pp. VIII et suiv. — Ne font jamais un grand nombre de petits. Le fait est exact dans cette généralité ; mais il y a des exceptions, même parmi les quadrupèdes ; voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, §§ 19, 20. — Ne sont jamais aussi féconds. Sous ce rapport, la différence est frappante en effet. — A peu près incalculables. Il y a des poissons sur lesquels on peut compter jusqu’à huit et dix millions d’œufs, il est évident que la plus grande partie de ces œufs est destinée à périr.
  411. Nos naturalistes. J’ai cru pouvoir adopter ce tour un peu familier ; il y a quelque nuance de ce genre dans le pluriel dont se sert le texte. — N’avaient pas encore remarqué. Recommandation nouvelle de la méthode d’observation. — Quelques-uns des sélaciens peut-être, Par exemple, les raies proprement dites et les chiens de mer ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 815, trad. franc. — Ne prend plus aucun accroissement. Le fait est exact. Chez d’autres sélaciens, le développement entier de l’œuf se fait au dedans, et le petit sort ensuite tout vivant. — Font des œufs incomplets. En ce sens, déjà plusieurs fois indiqué, que le mâle doit répandre sa laite sur les œufs pour leur donner la vie. — Même c’est là encore le phénomène… Ceci ne semble pas tenir assez directement à ce qui précède. — Les mollusques et les crustacés. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V. ch. V, §§ 1 et suiv.; et pour les crustacés, liv. V. ch. VI, §§ 1 et suiv.
  412. Dans le genre entier des poissons. C’est une généralité très probable, mais qui souffre peut-être des exceptions. — Chez les vivipares. La distinction des sexes y est de toute évidence. — Ils ne se rendent pas compte. Parce qu’ils n’observent pas la réalité avec assez d’attention. — Quelques cas particuliers. La conclusion du particulier au général est une des causes d’erreur les plus fréquentes. Aristote l’avait signalée déjà dans l’Organon, avant de la signaler en histoire naturelle. — En avalant la semence des mâles. Aristote ne nomme pas ici le naturaliste à qui il faut attribuer cette erreur. Plus bas, § 10. il nomme Hérodote. — On ne réfléchit pas assez. Ou, qu’on observe mal.
  413. Ainsi, c’est à la même époque… Aristote cite un grand nombre de faits pour démontrer combien est erronée la théorie qu’il veut combattre. — La laite s’accumule. Je ne sais pas si le fait a été vérifié par la science moderne. — Mais petit à petit. Le fait est exact — En une seule fois. Évidemment, les mâles ne peuvent venir qu’à la suite des femelles, et l’émission de la laite n’a lieu qu’après la ponte des œufs.
  414. Parfaitement acceptables à la raison. Après la constatation des faits, la raison essaie de les comprendre ; et elle les juge en en tirant les conséquences évidentes qu’ils renferment. — De même ce phénomène… Ceci revient à dire que, si les œufs de poissons pondus par la femelle ne reçoivent pas la laite du mâle, ils restent stériles, comme les œufs clairs des oiseaux. — Dans toutes les espèces de poissons où il y a un mâle. L’auteur a sans doute en vue l’espèce des anguilles ; les Anciens n’y reconnaissaient pas de sexes, et les Modernes restent à peu près aussi ignorants.
  415. Pour les oiseaux… Tout ce paragraphe est extrêmement remarquable, et la science moderne ne saurait dire mieux. — Des œufs complets. Qui cependant ont encore besoin de l’incubation pour arriver au but que poursuit la Nature. Le travail se passe… à l’intérieur. Où le poussin, né dans le blanc, trouve à se nourrir par le jaune. — Des œufs incomplets. L’auteur explique lui-même, dans le reste de la phrase, ce qu’il faut entendre par là. — Sauvés au dehors. C’est-à-dire produisant des jeunes. J’ai adopté l’addition que proposent MM. Aubert et Witnmer, bien qu’elle ne soit pas indispensable. — Tombe et diminue. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte, avec un participe. — Car, toujours les mâles la suivent. Le fait est exact, et facile à observer. — Des mâles et des femelles. C’est la conclusion à laquelle l’auteur voulait arriver ; voir plus haut, § 6.
  416. Ce qui peut contribuer à causer l’erreur. Cette impartialité mérite d’être remarquée, et la critique montre rarement autant de réserve. — Est extrêmement rapide. Le fait est fort exact, et il est clair qu’Aristote s’était donné la peine d’observer les choses de très près. — La plupart des pêcheurs eux-mêmes. Les naturalistes, quoique moins bien placés que les pécheurs, auraient dû ne pas s’y tromper même eux. — Au point de vue de la science. Mot à mot : « En vue de connaître ». MM. Àubert et Wimmer croient qu’à cet égard les Modernes n’ont pas fait grands progrès ; et ils ajoutent en une note en français : « Tout comme chez nous ». — Faire quelques observations. Dans le genre de celles qu’Aristote recommande toujours avec le plus grand soin. — S’accouplent en se frottant. Ceci est vrai pour quelques espèces de poissons osseux ; ce ne l’est peut-être pour les dauphins, qui font partie des cétacés. — Dont la queue est un obstacle. Cette implication paraît la vrai. — Les pêcheurs eux-mêmes. Qui devraient, par leur métier même, connaître mieux la réalité. — Hérodote. Voir plus haut, § 6. On ne trouve rien de pareil dans l’œuvre d’Hérodote telle que nous l’avons ; mais peut-être au lieu d’Hérodote faut-il lire Hérodore, dont il est parlé plus bas, § 15, et aussi dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. V, § 1, et liv. IX, ch. XII, § 3.
  417. On aurait bien dû s’apercevoir… En observant les faits comme Àristote l’a toujours recommandé ; ceux qu’il expose pour réfuter cette erreur sont péremptoires. — Le canal qui part de la bouche. C’est-à-dire, l’œsophage, qui porte les aliments de la bouche à l’estomac. — Parce qu’il y est digéré. L’objection est décisive. — Mais, comme les matrices… ces œufs. Cette petite phrase ne tient pas assez directement à ce qui précède, et, logiquement, il manque ici une idée intermédiaire, pour exprimer que la semence avalée par les femelles des poissons aurait été nécessairement digérée, et, par conséquent, détruite avec le reste des aliments.
  418. Il y a des naturalistes. Ici encore, il eût été bon de nommer les naturalistes qui soutenaient cette étrange théorie. Un peu plus bas, Anaxagore est nommé ; mais les autres demeurent inconnus. — Anaxagore. Voir ma préface à l’Histoire des Animaux, p. LIX, sur les travaux zoologiques d’Anaxagore. L’opinion qui lui est prêtée ici paraît bien peu digne de ce grand esprit. — Par trop naïves et par trop irréfléchies. La critique est sévère ; mais elle est méritée.
  419. Les corbeaux s’accoupler. Cette observation n’est pas plus difficile sur les corbeaux que sur le reste des oiseaux sauvages. — Se becqueter l’un l’autre. Le fait est très exact pour les colombes, qui sont citées un peu plus bas ; je ne sais point s’il est autant pour les corbeaux. — Tous les oiseaux de l’espèce corvide. Les corvidés comprennent, outre les corbeaux, les pies, les geais, les loriots, etc. ; ils forment la première famille des Dentiroslres ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 994, trad. franc. — Aux geais qu’on apprivoise. Les geais sont en effet de la famille des corbeaux, comme on vient de le dire. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XIX, § 5, Aristote distingue quatre espèces de geais, qu’il rapproche aussi des corbeaux. — Sur les colombes. Ce sont surtout ces oiseaux qui semblent se becqueter amoureusement. — On ne leur a pas fait l’honneur. Le texte présente aussi cette nuance d’ironie. — N’est pas lascive. Comme le sont les perdrix et les cailles.
  420. Mais il est vraiment absurde… Ce paragraphe ne fait guère que répéter sous une autre forme ce qui vient d’être dit, § 11. — Ces oiseaux. C’est-à-dire les corvidés, et l’ordre des pigeons, colombes, tourterelles, etc. — Quant à la belette. Voir plus haut, § 12. — D’où l’embryon pourrait-il venir. A cette question, il n’y a pas de réponse possible, et l’argument est péremptoire. — Les transporte souvent dans sa gueule. L’explication est très naturelle et très ingénieuse. — Plus tard. Il ne paraît pas, dans le reste de l’ouvrage, qu’Aristote ait tenu sa promesse en revenant sur ce sujet. — Cette fable absurde. L’expression du texte est peut-être un peu moins forte.
  421. Trochos. J’ai du conserver le nom grec, parce qu’on ne sait pas ce qu’est cet animal. Comme il est joint ici à l’hyène, on peut supposer que c’est un quadrupède comme l’hyène ; ou croit aussi que le trochos est le blaireau. — Hérodore d’Héraclée. Voir plus haut, § 10, la note. — Réunissent les deux organes. Aristote explique un peu plus bas ce qui a pu donner lieu à cette erreur. — Le trochos s’accouple avec lui-même. Le blaireau, en admettant que ce soit le trochos d’Àristote, a en effet sous la queue une poche d’où suinte une humeur grasse et fétide ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 140. De là, vient peut-être qu’on a pris cette poche pour un organe de génération. Le blaireau est de la famille des plantigrades ; sa marche est rampante, et sa vie nocturne. — Monte une année, et est montée l’autre. C’était une conjecture purement imaginaire, qui était la conséquence d’une première erreur. — On a vérifié. En observant les faits avec plus d’attention. — Les hyènes ont sous la queue… Cuvier, Règne animal, tome I, p. 159, édition de 1829, dit : « Au-dessous de leur anus, est une poche profonde et glanduleuse, qui a fait croire à quelques Ànciens qu’elles sont hermaphrodites, » Àristote avait vainement essayé de réfuter cette erreur ; elle a subsisté longtemps. Pline, Histoire naturelle, liv. VIII, ch. XLIV, édition et traduction Littré, p. 335, rapporte cette réfutation d’Aristote ; mais plus loin, liv. XXVIII, ch. XXVII, p. 265, il n’en énumère pas moins toutes les propriétés médicales que les Mages prétendaient trouver dans le corps de l’hyène. — Est plus que suffisant. Loin de là, cette réfutation a suffi si peu que Brunello Latini au XIIIe siècle répète ce conte sur l’hyène ; voir le Dictionnaire de Littré, article Hyène.
  422. Dans les sélaciens. Voir plus haut, ch. V, § 2 et § 3. Il faut louer Aristote de donner tant d’attention aux sélaciens, dont l’organisation est en effet très spéciale, comme les naturalistes modernes l’ont également reconnu. — On ne voit jamais les femelles… Il est bien probable que c’était faute d’observations suffisantes. — Qui ne sont pas vivipares. C’est là la vraie raison ; et les poissons ovipares sont de beaucoup les plus nombreux. — N’est pas du tout féconde. Ainsi que toutes les espèces vivipares, qui généralement font peu de petits. — Les sélaciens mâles… les sélaciens femelles. Le texte n’est pas aussi précis.
  423. De très peu de semence spermatique. Répétition de ce qui vient d’être dit, au paragraphe précédent. — Chez les poissons ovipares. C’est-à-dire, la presque totalité des poissons. — Ont plus de laite qu’il n’en faut. De même que les femelles ont une énorme quantité d’œufs, qui n’arrivent pas tous à éclosion. — C’est que la Nature… L’explication n’est peut-être pas très satisfaisante ; il est bien clair qu’ici comme partout la nature a un but ; mais quel est précisément ce but ?
  424. Comme nous l’avons déjà dit. Voir plus haut, ch. V, § 5, et passim. — Les œufs se complètent en dedans. En effet, quand l’œuf est sorti, il est complet, en ce sens que le poussin y est renfermé avec les aliments nécessaires, et qu’il ne faut plus que l’incubation. — Chez eux aussi… Ceci se rapporte-t-il aux oiseaux ou aux poissons ? Le texte est indécis ; je crois, pour ma part, qu’il s’agit plutôt des oiseaux ; car l’œuf qu’ils font ressemble plus à une larve que celui des poissons, puisque cet œuf se suffit à lui-même, comme la larve. Quelques traducteurs ont cru au contraire qu’il s’agissait des poissons plutôt que des oiseaux. — C’est également le mâle. C’est vrai pour les deux genres ; mais il y a de grandes différences dans la manière dont le mâle intervient. — Seulement. Cette réserve nécessaire est considérable. — Mais, dans ces conditions. Qui sont très diverses sous certains rapports. — Le même phénomène. En ce sens uniquement que, de part et d’autre, il faut la coopération des deux sexes.
  425. Ainsi, les œufs clairs. On peut dire que tous les œufs sont clairs avant d’être cochés ; mais on entend ordinairement par œufs clairs ceux qui sont sortis de la mère sans avoir été cochés, tandis qu’une fois cochés dans son intérieur, ils deviennent féconds. Voir sur les œufs clairs l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II, §§ 6 et suiv. — Changent de nature. Je ne sais pas si la science moderne a vérifié tous ces faits ; il semble qu’Aristote les a bien observés, à la manière dont il en parle. — Reprennent très rapidement toute leur croissance. Même remarque. Le fait est très vraisemblable ; mais des observations nouvelles pourraient le certifier. — Avant que le blanc ne se soit séparé du jaune. Ma traduction est plus précise que le texte.
  426. Rien de pareil.., Ceci semble contredire en partie ce qui a été dit plus haut, ch. III, § 8, sur les ressemblances des poissons et des oiseaux, en ce qui est relatif aux œufs. — Se hâtent de répandre leur laite. Voir plus haut, ch. V, § 1. — C’est que les œufs de poissons… L’argument ne paraît pas très bon ; ou du moins, il semble qu’il manque ici quelque idée intermédiaire. L’auteur veut dire sans doute que, les œufs de poissons ne contenant pas de jaune, le jeune ne peut pas s’y nourrir, comme dans les oiseaux, pendant un temps fixe. — La raison comprend ceci… C’est le rôle de la raison d’essayer de comprendre les faits, que les sens nous révèlent par l’observation. — Le principe qui vient du mâle. Ce principe n’est autre que la vie, se manifestant par la sensibilité. — Quant aux œufs clairs. Conçus par la femelle sans l’intervention du mâle. — Comme on l’a déjà dit bien souvent. Voir plus haut, liv. I, ch. XV, §§ 1 et suiv. ; et aussi § 10 ; liv. II, ch. II. — Germe végétatif. Cette vue est profonde ; et aujourd’hui on ne saurait mieux dire. — En tant que germe d’animal, il est incomplet. Car, il n’a pas la vie et il ne peut la transmettre.
  427. Il leur arriverait… C’est une simple hypothèse ; car Aristote ne croit pas qu’il y ait une seule espèce de poissons où il n’y ait pas de mâle ; voir plus haut, ch. V, § 6 ; mais il se trompe en ce qu’il y a quelques espèces de poissons hermaphrodites. — Si toutefois. Cette réserve prouve qu’Aristote en doute, sans d’ailleurs pouvoir affirmer le contraire. — Antérieurement. Plus haut. ch. V, § 4, Aristote, en réfutant les naturalistes qui prétendaient que tous les poissons sont femelles, a dit que leur erreur ne venait que d’une insuffisante observation des faits. — Achève l’œuf en tant que plante. C’est ce qui vient d’être dit à la fin du paragraphe précédent. — N’est pas plante. J’ai conservé cette formule, bien qu’elle soit un peu étrange. Cela revient à dire que le principe essentiel de la vie ne se trouve pas dans la femelle, et qu’il vient uniquement du mâle. — Un autre être vivant. J’ai ajouté l’adjectif. Il ne sort pas davantage du mâle seul, qui a besoin de la femelle autant que la femelle a besoin de lui. — Ce n’est pas d’une plante. Ou, d’un végétal. — D’un animal par accouplement. Il serait difficile d’expliquer ces faits avec plus de netteté et de concision. — Qui résultent de copulation. Ce sont les œufs ordinaires. — Les deux principes. La matière donnée par la femelle, et la vie transmise par le mâle.*
  428. Du genre de la seiche. La seiche fait partie de la première classe des mollusques ou céphalopodes ; il est bien vrai que dans les seiches (sepia), les sexes sont séparés ; mais on ne sait pas s’il y a copulation. Cuvier, Règne animal, t. III, p. 11, édition de 1829, dit qu’il y a lieu de croire que la fécondation se fait par arrosement, comme dans le plus grand nombre des poissons. Mais ce qu’Aristote dit de la seiche et des céphalopodes n’est pas applicable sans exception a l’embranchement des mollusques. Ainsi, le philosophe conclut du particulier au général, erreur qu’il a pris soin de signaler bien souvent, et qu’il commet lui-même ici. — On a vu plus d’une fois. C’est donc encore sur l’observation qu’Aristote prétend s’appuyer. — Que pour ce seul exemple. Un exemple unique ne suffit pas sans doute dans la plupart des cas ; mais pour le fait dont il est question dans ce passage, l’argument est décisif. — Scientifiquement. Le texte dit : Historiquement. Les deux mots reviennent au même ; mais au point de vue étymologique, l’expression grecque est encore plus exacte. — Tous les poissons sont femelles. Voir plus haut, ch. V, § 9, où cette théorie singulière a été déjà réfutée. — Les mollusques viennent d’accouplement. En ce sens qu’il y a mâle et femelle, sans qu’il y ait d’ailleurs de copulation proprement dite, non plus que dans les poissons, chez qui le mâle répand sa laite sur les œufs pondus par la femelle ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 670 ; et pour la seiche, l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XII, § 5.
  429. C’est signe qu’on observe bien mal. On ne peut pas affirmer plus énergiquement la nécessité de l’observation. — Dure plus longtemps que tout autre. C’est vrai pour les insectes ; ce ne l’est pas autant pour les mollusques. On les divise, depuis Cuvier, en six classes, qui offrent toutes les variétés de génération : hermaphrodite, accouplement réciproque, sexes séparés ; Cuvier, Règne animal, t. III, p. 5. — Étant de leur nature froids. Les mollusques ont une circulation double, leur circulation pulmonaire faisant toujours un circuit à part et complet. Chez les animaux à sang froid, la chaleur est toujours un peu plus élevée que celle des milieux ambiants. — Deux œufs apparents. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 21, il est parlé non pas des deux œufs de la seiche, mais de deux poches qui contiennent les œufs. — Les teuthis. La teuthis est le petit calmar, loligo, qui est en effet un céphalopode, comme la seiche. Ses œufs sont attachés les uns aux autres, en guirlande étroite, et sur deux rangs. C’est ce qu’Aristote appelle leurs deux œufs ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 14. — Les polypes n’ont qu’un seul œuf. C’est ce qui est déjà dit dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 21 ; et pour la seiche, liv. V, ch. XVI, § 3. — Des polypes. Il serait difficile de dire de quelle espèce de polypes il s’agit dans ce passage ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. I, § 21. — Des crabes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. VI, § 2. On ne voit pas très clairement comment les crabes sont cités ici.
  430. Que des fœtus incomplets. La suite explique le sens de ces mots. La femelle du crabe, en gardant longtemps les œufs sous sa queue, les soumet ainsi à une sorte d’incubation préliminaire, avant que le mâle ne les asperge de sa laite. — Les crabides. Le mot grec correspond exactement à celui de Crabides, que la science moderne a adopte. Les crabes sont des crustacés décapodes ; voir le Règne animal de Cuvier, tome IV, p. 30, édition de 1830. — C’est pour cela. L’explication est très plausible. — Les mollusques. Sur la génération des mollusques, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVI, § 1, et liv. VI, ch. XII, § 5. — Sur les femelles. Peut-être serait-il plus exact de dire : Dans les femelles ; mais il faudrait distinguer les espèces ; car la fécondation varie beaucoup. — Ce qui les coagule. Le fait n’est pas aussi général qu’Aristote semble le croire, d’après ses observations ; voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVI, § 3.
  431. On n’a rien observé de pareil. Preuve nouvelle de l’attention avec laquelle Aristote observait les faits. — Sous la femelle. Dans certaines espèces de crabes, la femelle a sept segments a la queue, tandis que le mâle n’en a que cinq. — Une peau très dure. Je ne vois pas que la science moderne ait relevé cette particularité. — À l’extérieur comme ceux des poissons. La similitude ne va peut-être pas aussi loin ; et ici encore, il faudrait distinguer entre les espèces. — Quand la petite seiche… dans l’Histoire des Animaux. Il y a en effet de longs détails sur la génération des seiches, dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVI, §§ 3 et suiv., p. 199, de ma traduction : et aussi sur la manière dont la petite seiche se nourrit, comme le poussin se nourrit du jaune de l’œuf. — D’un même côté le derrière et le devant du corps. Ceci ne se comprend pas bien, et aurait demandé une explication plus complète. Je ne trouve rien dans la zoologie moderne qui se rapporte à cela.
  432. La méthode jusqu’à présent suivie. Cette méthode n’est que l’observation exacte des Faits, devant servir de base à la théorie ; Aristote l’a toujours recommandée et pratiquée autant qu’il l’a pu. — Nous avons déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. I, §§ 6 et 7, et passim. — Naissent spontanément. C’est une erreur qui a eu cours bien longtemps. Elle résultait de la difficulté de bien observer des animalcules si petits ; le microscope, qui manquait aux Anciens, a révélé beaucoup de choses aux Modernes, et leur en révélera sans doute beaucoup encore. — Qui font des larves. Voir plus haut, liv. I, ch. IX, § 7 ; liv. II, ch. I, §§ 10 et 19 ; voir aussi, sur les larvipares, l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 7.
  433. Que tous les animaux font des larves. Cette généralité, bien quelle ne soit pas exacte, n’en est pas moins remarquable, en ce sens qu’Aristote essaie d’appliquer une loi unique a toute l’animalité. Aujourd’hui, on sait que tout animal vient d’un œuf, depuis les êtres les plus élevés jusqu’aux plus infimes. — Le fœtus des larves est le plus imparfait. C’est exact. — Prend ensuite sa pleine croissance. C’est en effet ce qu’on peut observer aisément sur les grands quadrupèdes d’abord, et ensuite sur les principaux ovipares. — Plus d’une fois pour les poissons. Voir notamment plus haut, ch. V, § 9.
  434. Pour les vivipares… une sorte d’œuf. On peut admirer ici la sagacité d’Aristote ; il ne connaissait pas les ovaires des vivipares, comme on peut les connaître aujourd’hui ; mais il les devinait en quelque sorte. — La partie liquide est entourée d’une légère membrane. Ceci semble indiquer des dissections déjà poussées fort loin. — D’écoulement. J’ai choisi ce mot pour me rapprocher du texte, autant que possible. — Les insectes qui engendrent. Sous-entendu : « par copulation ». — Sont constitués aussi de cette façon. C’est-à-dire, par de véritables œufs. — Les chenilles. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVII, §§ 5 et 6 ; et pour les araignées, ibid., liv. V, ch. XXII, §§ 1 et suiv.
  435. Pourraient passer pour des œufs. Ce sont bien des œufs en réalité. — À quelques-uns de ceux-là et à beaucoup d’autres. Ceci est bien vague ; il aurait fallu préciser davantage les choses et nommer les espèces auxquelles on fait allusion. — Parce que l’animal change tout entier. Sur la définition essentielle de la larve, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV §§ 3 et 7, et liv. V, ch. XVII, § 22. — D’une certaine partie. Comme le poussin des gallinacés, qui naît du blanc et qui se nourrit du jaune.
  436. Finissent par devenir une sorte d’œuf. Ceci demanderait à être éclairci davantage ; voir plus haut la note du § 2. — L’enveloppe… se durcit. C’est le cas des larves et des chrysalides. — Ils sont immobiles. Voir, sur le développement de l’embryon des insectes, la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 557 et suiv., trad. franc. — Des abeilles, des guêpes et des chenilles. Auxquelles Aristote a consacré de longues et profondes études, dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII, et passim ; pour les guêpes, ibid., ch. XXVIII ; et pour les chenilles, liv. V, ch. XVII, §§ 5 et 6. — La Nature a fait en quelque sorte… Aristote semble ici trouver la nature en défaut, bien qu’il croie toujours à sa profonde sagesse. — Qui a encore beaucoup à croître. Ce serait plutôt : « à se métamorphoser »
  437. Qui ne viennent pas de copulation. Ce sont, comme la suite le prouve, ceux des insectes qui sont tellement petits qu’ils échappaient nécessairement aux moyens insuffisants d’observation qu’avaient les Anciens. — Dans les lainages. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XXVI, § 1, où Aristote consacre une étude spéciale à ces animalcules. — Comme s’il sortait d’un œuf. La comparaison est fort juste. — À sa troisième métamorphose. L’expression du texte est formelle, et Aristote, qui indique ici une troisième transformation de la larve, aurait dû indiquer aussi les deux premières. Voir le paragraphe suivant, et aussi l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. I, § 7, n.; ch. XVII, §§ 5 et 22. La science moderne distingue également trois états dans les métamorphoses des insectes : larve, nymphe, état parfait. Voir Cuvier-Latreille, tome IV, pp. 314 et 315, édition de 1829. — La plupart… sont ailés. Ceci est très exact. Les ailes dans les insectes sont un caractère essentiel, qui sert à les classer ; Linné surtout en a fait usage. Parmi les ordres divers des insectes, on peut citer les coléoptères, les orthoptères, les hémiptères, les hyménoptères, les rhipiptères, les diptères, etc. Voir le Règne animal, loc. cit. p. 323. Après les ailes, ce sont les pieds qui ont le plus souvent servi à classer les insectes.
  438. On a de justes motifs d’admirer… C’est la théorie habituelle d’Aristote, qui s’applique aux insectes, aussi bien qu’au reste des êtres animés. Voir Cuvier-Latreille, Règne animal, t. IV, p. 314, où les auteurs admirent également l’instinct des insectes. — Les chenilles… Tous ces détails sont exacts, et la science moderne n’a guère eu qu’à les reproduire ; voir Cuvier-Latreille, loc. cit., p. 315. — Comme on les appelle quelquefois. Le mot de chrysalide était sans doute nouveau du temps d’Aristote ; aujourd’hui, il est consacré par un long usage. — Des nymphes. Même remarque. — Elles n’ont plus à se nourrir. J’admets ici l’explication de Philopon, qui est approuvée aussi par MM. Aubert et Wimmer. Le fait est exact ; et c’est là un phénomène qui mérite l’attention ; d’ailleurs, il se représente dans la germination des plantes, où la vie végétative peut subsister presque indéfiniment dans la graine. — Mais d’abord il grossit… Il est assez probable qu’il y a ici quelque lacune ; autrement ce serait une contradiction évidente avec ce qui précède, si par les Œufs il fallait entendre, comme on l’a cru quelquefois, les chrysalides. Mais il n’en est rien ; et Aristote oppose simplement les œufs ordinaires des oiseaux à la constitution particulière des nymphes. L’œuf grossit depuis le moment où il est fécondé jusqu’au moment où il sort de la femelle ; la chrysalide, au contraire, est immobile.
  439. Il y en a qui… et les guêpes. Tout ce passage paraît suspect à MM. Aubert et Wimmer ; et je ne puis que partager leur avis. Les variantes fort légères qu’offrent les manuscrits ne peuvent aider à éclaircir ces obscurités. — Telles sont les abeilles et les guêpes. MM. Aubert et Wimmer trouvent que cette petite addition rompt le cours de la pensée. — Les chenilles. Qui se nourrissent de la feuille des végétaux. — Trois sortes de générations. Voir plus haut, § 6 ; il s’agit toujours des trois états par lesquels passent les larves de certains insectes. — Nous avons expliqué. Dans tout ce chapitre. D’ailleurs, les explications peuvent sembler moins complètes que l’auteur ne le croit. — Il y a des insectes. Cette dernière phrase, jusqu’à la fin du chapitre, peut paraître ici peu à sa place, et ce résumé n’était pas nécessaire. On ne saurait non plus le placer ailleurs.
  440. De la génération des abeilles. Il faut rapprocher tout ce chapitre de la longue étude consacrée aux abeilles dans le IXe livre de l’Histoire des Animaux, ch. XXVII ; et aussi liv. V, ch. XVII, XVIII et XIX. Aristote est revenu, en outre bien souvent, sur le travail admirable des abeilles et des insectes de même ordre. Ce qui en est dit ici n’est guère qu’un résumé et un souvenir- — Sans accouplement. Il n’y a pas en général d’accouplement proprement dit parmi les poissons ; car le mâle ne touche pas la femelle, et il ne fait que répandre sa laite sur les œufs qu’elle a pondus. — Dont les abeilles se reproduisent. Cette question, qui est encore fort controversée, n’a pas été traitée dans l’Histoire des Animaux aussi complètement qu’elle l’est ici ; et l’on peut voir que du temps même d’Aristote les théories étaient déjà fort différentes. Les abeilles ont beau être domestiques, l’observation reste toujours difficile. — Du moins d’après l’apparence. Ces réserves attestent beaucoup de modestie. — Quelques naturalistes. Qu’Aristote aurait bien dû nous faire connaître. Il ne nomme non plus personne dans l’Histoire des Animaux. — Le couvain… Soutenir que le couvain vient du dehors, cela revient à dire qu’on n’a pas pu observer directement ce qui se passe dans la ruche. — Que les abeilles elles-mêmes le produisent. Dans cette forme générale, le fait est exact. — Il y a des naturalistes. Même remarque que plus haut sur l’omission des noms de ces naturalistes. — Je veux dire que, par exemple… Toutes ces hypothèses sont contraires aux faits. — Ou bien encore. Ces nouvelles hypothèses ont plus de fondement que les autres. La vérité paraît être que la société entière des abeilles est composée de trois espèces d’insectes : les ouvrières ou mulets, dont le nombre va quelquefois jusqu’à trente mille ; les bourdons ou faux bourdons, dont le nombre va de six ou sept cents à mille, et d’une seule femelle, appelée Roi chez les Anciens, et Reine cher, les Modernes. Il paraît que la faculté dont les reines sont douées dépend surtout de la nourriture qu’elles reçoivent quand elles sont à l’état de larves. Les ouvrières pourraient aussi devenir reines, si elles recevaient la nourriture convenable. L’accouplement des bourdons et de la reine se fait hors de la ruche, au début de l’été. Une seule fécondation suffit pour que la reine ponde des milliers d’œufs, que les ouvrières ont le soin de couver et d’enfermer dans des cellules qu’elles bouchent. Les nymphes s’en dégagent au bout de douze jours ; voir Cuvier-La-treille, Règne animal, tome V, pp. 361 et suiv.
  441. Les unes sont mâles… C’est exact, et ce sont les bourdons. — Les bourdons sont les femelles. La réalité est juste le contraire ; mais il n’y a pas trop à s’étonner de ces erreurs, au commencement d’observations si délicates. — Toutes ces assertions sont insoutenables. Non pas toutes sans exception ; mais la plupart. — D’après les faits. C’est là le véritable critérium ; mais il n’est pas toujours facile de bien observer. Il faut du reste remarquer encore une fois l’insistance du philosophe, recommandant sans cesse l’observation des faits la plus exacte possible.
  442. D’abord, si les abeilles… Cette première objection est très forte ; et en effet la prétendue explication ne fait que reculer la difficulté, sans la résoudre. — C’est un animal pareil qui viendrait de celui-là. Cette seconde objection est aussi forte que l’autre ; mais on peut trouver que c’est faire trop d’honneur à ces théories que de les discuter si sérieusement. Pour excuser cette discussion, il faut se reporter à l’époque où elle était engagée.
  443. En second lieu, on comprend bien… Cette seconde objection est aussi solide que la première. — Puisqu’il est leur nourriture. Je ne sais pas si la science moderne a ratifié cette théorie ; ce qui est certain, c’est que les larves ne sont pas nourries du miel par les ouvrières, et qu’elles ont une nourriture spéciale. — C’est absurde. L’expression du texte n’est pas moins forte. — Tous les animaux qui s’occupent de leur progéniture. Il n’y a presque pas d’exception ; et cela se conçoit bien, parce que le jeune, qui n’a ni la force ni l’expérience nécessaires, a besoin de la protection des parents. C’est là une question qui aurait mérité d’être traitée à part dans l’Histoire des Animaux ; Aristote s’est contenté d’y faire quelquefois allusion.
  444. On ne peut pas soutenir… C’est là au contraire la vérité ; et c’est le philosophe qui est complètement dans l’erreur. — A aucune femelle des armes de combat. Cette généralité n’est pas tout à fait exacte ; et les femelles ne sont pas aussi dénuées d’armes que l’auteur le pense. — Les bourdons n’ont pas de dard. Le fait est exact ; mais la conséquence qu’on en tire n’est pas rigoureuse. — Il n’est pas possible davantage. Ici Aristote rentre dans la vérité. — Ordinairement. La réserve est nécessaire, puisqu’il y a des espèces d’animaux où le mâle s’occupe des jeunes au moins autant que la femelle.
  445. Le couvain des bourdons semble se produire. La restriction qu’Aristote fait ici est nécessaire ; et ce serait une erreur de croire que les bourdons se produisent autrement que le reste des abeilles. Suivant les observations de Huber, le fils, quelques ouvrières, nées au printemps, s’accouplent en juin avec des mâles provenus de la reine, et ne pondent que des bourdons, destinés à féconder des femelles ; voir Cuvier-La-treille, Règne animal, tome V, p. 557, édition de 1829. — Sans les rois. Nous disons actuellement les reines, et avec plus de raison, puisque ce sont les reines qui pondent le reste des abeilles. — Est apporté du dehors. La conséquence était rigoureuse ; mais le fait sur lequel elle s’appuya il n’était pas exact. — Ne viennent pas d’un accouplement. Au contraire, les uns et les autres viennent d’accouplement ; mais ce fait n’avait pas été bien observé, au temps d’Aristote ; et même pour nous, il est encore aujourd’hui d’une observation très difficile. — Mais il est également impossible. Ici Aristote, guidé par son génie personnel, revient à la vérité, que ses contemporains méconnaissaient.
  446. Parmi les abeilles. En effet, les abeilles proprement dites sont toutes des femelles ; les bourdons seuls sont des mâles. — Il y a toujours de la différence. Et toutes les abeilles se ressemblent. Sur les rapports généraux du mâle et de la femelle, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, §§ 1 et suiv. ; et aussi, liv. IX, ch. I, § 5. — En supposant même qu’elles s’engendrassent toutes… Ce qu’Aristote est loin de croire, sans savoir précisément comment elles se reproduisent. — Des chefs, comme on les appelle. Ici le texte prend le mot de Chefs au lieu de celui de Rois. La dénomination n’était pas sans doute encore bien fixée.
  447. Une objection qu’on peut faire. Cette objection est uniquement tirée des faits, sans que d’ailleurs ces faits soient bien observés. — On n’a jamais observé. Ceci prouve qu’on essayait de bien observer les mœurs des abeilles ; mais l’on se trompait, à cause de la difficulté même des observations ; on n’avait pas alors de ruches en verre, comme nous pouvons en avoir aujourd’hui. — On les aurait vus bien des fois. La curiosité scientifique ne manquait pas ; mais elle était impuissante à pénétrer le mystère des choses. — Il reste donc cette hypothèse. Cette hypothèse se trouve être la vraie. — Les rois qui engendrent. C’est la reine-abeille qui engendre, fécondée par les bourdons ; mais l’accouplement a lieu en dehors de la ruche, et voilà pourquoi il est plus difficile de l’observer. — Les bourdons naître. En y regardant encore de plus près, on aurait vu, comme les Modernes l’ont constaté, que les bourdons naissent d’abeilles accouplées aux anciens bourdons. — Qu’il n’est possible qu’elles le produisent… C’est là au contraire le phénomène réel.
  448. Une autre hypothèse. On remarquera avec quelle ténacité le philosophe poursuit l’explication qu’il cherche. — Comme quelques espèces de poissons. Est-ce une allusion à la génération des anguilles ? — Sans accouplement. L’hypothèse est fausse, et il y a bien un accouplement ; voir plus haut la note du § 6. — Comme les végétaux. Il semble bien d’après ceci qu’Aristote soupçonnait l’existence des sexes dans les plantes, sans savoir quels en étaient les organes particuliers. L’hermaphrodisme est plus évident chez les plantes que partout ailleurs. — Elles ont des instruments de combat. C’est leur dard, qui pouvait les faire prendre pour des mâles ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII, § 30 ; et aussi liv. IV, ch. II, § 10. — Distinct et séparé. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Il y a évidemment nécessité… Cette conséquence n’est pas aussi rigoureuse que l’auteur semble le croire. — Aux rois. Les reines viennent d’accouplement comme toutes les autres abeilles ; seulement, après être nées semblables aux autres, elles sont nourries tout autrement ; et c’est là ce qui leur donne la prééminence.
  449. Sans les rois. Le couvain ne peut pas se produire sans les reines, puisque ce sont elles seules qui pondent. — Ce qu’assurent les gens… Ainsi, le naturaliste grec avait non seulement observé lui-même toute l’organisation des abeilles ; mais il avait en outre consulté les éleveurs, qui, sans avoir autant de sagacité, étaient à même d’observer incessamment les choses. — Les rois s’engendrent eux-mêmes. Il est certain qu’il n’en est pas ainsi. — Qu’ils engendrent également les abeilles. Les reines pondent, il est vrai, les abeilles ; mais c’est après avoir été fécondées par les bourdons. — Des insectes à part. De nos jours, l’admiration pour le travail des abeilles n’est pas moins grande qu’au temps d’Aristote. — Leur génération. Nous ne sommes pas encore fixés complètement sur cette question. — Ce qui se passe chez bien d’autres animaux. Il y a en effet des espèces hermaphrodites ; mais Aristote y ajoutait sans doute, dans sa pensée, les espèces qui, selon lui, naissent spontanément. — Les rougets… les serrans. Comme l’identification n’est pas sûre, plusieurs traductions ont conservé les mots grecs ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 5. Les noms de rougets et de serrans sont probables plutôt que certains.
  450. Comme les mouches. Dont l’accouplement est de toute évidence. — Elles naissent d’un genre qui est différent. Il est positif que la reine n’est pas absolument du même genre que les abeilles qu’elle pond ; elle a été nourrie autrement qu’elles ; et c’est de là que vient toute la différence. — Quoique congénère. Ceci est parfaitement exact ; mais Aristote ne savait pas combien sa théorie était vraie. — Elles naissent des chefs. La plus simple observation démontrait ce fait incontestable. — Quelque chose d’analogue. Ceci n’est peut-être pas aussi vrai, du moins sous cette forme générale ; il y a une restriction nécessaire, dans le paragraphe suivant et dans la fin de celui-ci.
  451. Sous ce rapport. A d’autres égards, les ouvrières différent des reines. — Pareils en grosseur. Ceci n’est pas absolument exact. — Qu’il y ait quelque différence. La principale différence consiste en ce que les unes sont stériles, et que les autres sont fécondes. — La même espèce… Il paraît bien que l’espèce est absolument la même ; mais c’est l’alimentation qui est différente. — Par une faculté de produire. Ceci est inexact ; c’est la reine seule qui est féconde ; les ouvrières ne le sont pas. — S’ils avaient un aiguillon… Cela ne suffirait pas ; il faudrait encore qu’ils fussent féconds. — C’est le seul point qui reste encore douteux. On voit, par l’état actuel de la science, qu’on est loin de connaître tout ce qu’on voudrait connaître sur les abeilles ; à plus forte raison, du temps d’Aristote. — Les chefs ressemblent… aussi gros. Ce n’est qu’une répétition du paragraphe précédent. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 665 et 666, trad. franc. MM. Aubert et Wimmer regardent comme une interpolation toute cette fin du paragraphe.
  452. Il faut qu’ils s’engendrent eux-mêmes. Ceci est faux, et c’est une pure déduction logique qui amène Aristote à commettre cette erreur. — Elles ne sont pas très nombreuses. Les bourdons sont à peine au nombre de sept ou huit cents pour une ruche de quinze ou vingt mille ouvrières. — Qui est celle des bourdons. Cette génération réciproque est vraie jusqu’à un certain point ; seulement, comme dans toutes les autres espèces, la femelle peut produire des femelles ou des mâles. — Ne s’engendrent pas elles-mêmes. Le fait n’est pas douteux ; les abeilles ne sont produites que par la reine après qu’elle s’est accouplée avec les bourdons, dans une partie très élevée de l’air ; ce qui rend les observations presque impossibles.
  453. Admirablement ordonné. Aristote n’a jamais varié sur ce point essentiel ; et s’il n’eût pas cru à la sagesse de la Nature, il aurait été beaucoup moins curieux de la connaître. — Et c’est là en effet ce qui est. Le fait est fort exact ; les faux-bourdons fécondent la reine ; mais ils ne produisent rien eux-mêmes. — À son troisième degré. Il semble qu’Aristote entend par là que les bourdons ou faux-bourdons sont un troisième degré après les ouvrières et les reines ; mais il semblerait aussi accorder par là aux ouvrières une fécondité quelles n’ont pas. — La Nature a parfaitement combiné les choses… C’est incontestable ; et dans les abeilles en particulier, les générations se succèdent, sans que nous sachions précisément comment le phénomène se passe dans tous ses détails.
  454. Beaucoup de miel… beaucoup de couvain. Je ne sais pas si la science moderne a vérifié tous ces faits. Par le beau temps, on conçoit que les abeilles puissent fabriquer plus de miel ; mais il n’est pas aussi sûr que les temps de pluie aient pour résultat la multiplication des couvains. — L’humidité. L’explication n’est pas trop bonne ; et le beau temps, en favorisant l’éclosion des fleurs, favorise aussi le butin des abeilles. — Plus besoin du beau temps. C’est vrai ; mais ce n’est pas à cause de leur petitesse. — Pour produire les petits. Ici, Aristote comprend parfaitement le rôle des rois ou des reines ; ce sont elles qui produisent les jeunes. — Également… inactifs. C’est le cas en réalité ; et l’explication n’est pas inadmissible.
  455. De proportions moyennes. L’observation ne semble pas très juste ; et MM. Aubert et Wimmer. trouvent que ce passage est corrompu. — Travaillant énergiquement. C’est la ce qui leur a fait donner le nom d’ouvrières. — Nourrir les enfants et les parents. Les abeilles ont bien réellement ces fonctions ; mais elles en ont aussi plusieurs autres, telles que la construction des alvéoles, l’élaboration de la cire, etc. — Elles obéissent à leurs rois. Les ouvrières obéissent aux reines dans une mesure restreinte, puisqu’en certaines circonstances elles la forcent de sortir de la ruche, pour essaimer ailleurs. — Elles châtient. C’est le sens précis du texte. — Ceux qui n’ont rien à faire. D’après ce qui précède, cette sévérité des abeilles envers les faux-bourdons pourrait s’étendre aux rois, dont Aristote vient de dire aussi qu’ils ne font rien.
  456. Si les rois… la génération des lions. Tout ce paragraphe peut sembler bien suspect. Le rapprochement entre la génération des reines des abeilles et celle du lion est fort étrange et ne sert point à éclaircir la question posée dans tout ce chapitre. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXVIII, § 3, on trouve les mêmes assertions sur la réduction excessive des portées de la lionne. Buffon a réfuté tout ce passage d’Aristote, tome XVI, p. 21, édition de 1829. — Les chefs… se reproduisent. Ceci est inexact, comme on a pu le voir plus haut. — Ce que la nature leur ôte en nombre. Cette formule, qui est souvent vraie, ne paraît pas bien appliquée ici.
  457. Le raisonnement et les faits observés. Ce sont les deux conditions essentielles de la science. Les faits étant bien observés, la raison essaie de les comprendre ; d’une part, la Nature ; et de l’autre, l’esprit de l’homme. — On n’a pas encore assez bien observé. La science moderne elle-même ne saurait avoir plus d’exigence. — S’en rapporter à l’observation sensible. Il est très sage de se délier du raisonnement, qui est sujet à s’égarer quand il se lie trop à ses propres forces ; il est bon de le rappeler à la réalité, sur laquelle il doit toujours s’appuyer. — Que si elles sont d’accord avec les faits observés. Que pourrait-on dire de mieux aujourd’hui.
  458. Ce qui prouve bien… L’argument n’a rien de décisif. — Ont cet accouplement fort long. Aristote applique cette observation aux mouches, dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. VII, § 2. — Les frelons et les guêpes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXIX, 5 et 6, ou Aristote semble moins affirmatif sur l’accouplement et la génération des frelons. — Ils n’ont rien de divin comme elles. L’expression est très forte, surtout au temps où Aristote l’emploie ; mais elle est juste ; et l’admiration des hommes, qui a commencé sitôt dans l’Antiquité, ne cessera jamais. — Les mères. En d’autres termes, les reines. — Observé leur accouplement. Ceci ne semble pas tout à fait d’accord avec ce qui précède. Si l’on avait vu si souvent l’accouplement des abeilles, on aurait eu moins de doutes et de discussions.
  459. Dans les descriptions de l’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII à XXX sur les abeilles, les guêpes, les frelons et les bombyles. Une remarque qu’on doit faire sur ce chapitre IX tout entier, c’est que l’auteur ne s’y est occupé absolument que de la génération des abeilles, sans se laisser aller à aucune considération étrangère ; il n’a fait aucune digression, et il s’est tenu rigoureusement à la seule question qu’il devait traiter.
  460. Celle des testacés. D’après les classifications adoptées généralement par la science moderne, on aurait traité des insectes après les testacés, et non des testacés après les insectes ; mais il n’importe guère, et les faits consignés dans le présent chapitre n’en sont pas moins bien observés. Sur les testacés, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 4, et ch. IV, § 1. ch. VIII, XI ; liv. V, ch. XIII et XIV. — Comparativement… des plantes… des animaux… On peu ! trouver ceci fort exagéré, même pour les testacés immobiles ; ce ne sont pas des zoophytes. — Venir d’un germe. L’expression du texte n’est pas moins vague. — Ils naissent spontanément. Ce n’est guère que de nos jours que cette erreur a été définitivement réfutée ; il a été prouvé qu’il n’y a pas de génération spontanée, et que la vie vient toujours d’un être vivant ; la vie est transmise après avoir été une fois créée ; mais elle n’a pas été créée à tout instant. — Ou ils s’engendrent d’eux-mêmes. C’est l’hermaphrodisme. — De cette façon… de l’autre. Les acéphales, quatrième classe des mollusques, se fécondent eux-mêmes ; et les testacés, qui sont le premier ordre des acéphales, et le plus nombreux de beaucoup, sont presque tous aquatiques ; voir le Règne animal de Cuvier, tome III, pp. 115 et 117, édition de 1830.
  461. Correspond à celle des plantes. Voir le paragraphe précédent. — Celle des colimaçons. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 39, place le colimaçon parmi les gastéropodes pulmonés, premier ordre des mollusques gastéropodes ; les escargots sont aussi dans cet ordre, ibid., p. 40, édition de 1830. Les gastéropodes, qui sont tous hermaphrodites, sont terrestres et aquatiques. — Les espèces de cette sorte sont fort rares. C’est exact ; la plupart des testacés vivent dans l’eau. — A l’inverse. C’est l’opposition des végétaux comparativement aux testacés ; voir plus haut le § 1. — L’on pourrait presque dire. C’est exagéré ; car il y a beaucoup de végétaux aquatiques. — Ou toutes les plantes. Même remarque.
  462. Si, à quelques égards… Dans ce paragraphe, l’auteur revient sur ce qu’il a dit un peu plus haut ; et il voit qu’il est allé trop loin en comparant les testacés avec les plantes. — Plus de vie que celle des plantes. Le fait est de toute évidence. — Sont au liquide… Cette espèce d’équation et de proportion n’a rien d’exact. — Les végétaux… des coquillages terrestres. Ces métaphores sont très exagérées ; mais il faut reconnaître qu’elles sont bien rares dans Aristote. — Comme des plantes aquatiques. L’auteur lui-même sait qu’il faut faire quelque restriction à ce qu’il dit. — C’est aussi pour la même cause. La pensée n’est pas très claire ; et l’on ne voit pas bien l’identité de cause que l’auteur veut établir. — Bien plus de formes différentes. Voir plus haut, § 2. Je ne crois pas que ceci soit fort exact ; et, par exemple, les variétés des seuls insectes semblent, dans l’état actuel de la science, dépasser le nombre des espèces d’animaux aquatiques ; mais ces généralités sont toujours trop vastes pour n’être pas douteuses.
  463. Le liquide se modifie. Ceci commence une digression, qui se poursuivra jusqu’à la fin du § 7. Il est possible qu’elle ne soit qu’une interpolation : on l’a pas assez remarqué. — La terre sèche. J’ai ajouté l’épithète, qui ressort de tout le contexte. — Autant de corps. C’est l’expression grecque elle-même. — Des liquides de la mer. L’eau de mer est en effet beaucoup plus lourde que l’eau douce. — Aussi. La raison n’est pas trop bonne ; et l’explication reste toujours à donner. — Comme les testacés. Ce retour sur les testacés ne touche pas à leur génération, qui est cependant la seule question dont il s’agisse. — Ils viennent dans les baies. Les faits sont exacts ; mais ils ne sont pas ici ai leur place. Voir sur les migrations des poissons l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XV, §§ 1 et 2, et ch. XX, § 9.
  464. L’eau de mer. Suite de la digression, qui tient de moins en moins au sujet. Sur l’eau de mer, voir dans la Météorologie, liv. II, les trois premiers chapitres donnés à cette question. — Toutes les parties ou les éléments. C’est exagéré, même si l’on admet la théorie des quatre éléments, la seule que connût l’Antiquité. — Les plantes… les animaux. Ces répartitions des êtres vivants ne sont pas très exactes. — Il faut bien admettre… Pensée assez obscure et incomplètement exprimée.
  465. On voit, du reste… Suite de la digression, qui se justifie de moins en moins. — Il y a bien quelque chance. L’expression du texte a également une nuance de familiarité, comme ma traduction. D’ailleurs, la pensée est assez bizarre, puisqu’elle suppose que des êtres peuvent vivre dans le feu, comme les autres vivent dans l’air ou dans l’eau. — Le quatrième des corps élémentaires. Cette théorie, qui remonte au moins à Empédocle, a régné jusqu’à la Renaissance, et n’a été définitivement renversée que par les progrès de la chimie moderne. — Il est dans un des autres corps. C’est exact, puisque le feu n’est possible qu’à la condition d’un combustible. — De la vapeur d’eau. Le mot du texte n’est pas plus précis. 7. Dans la lune. Cette pensée est encore plus étrange que les précédentes ; on peut croire que c’est une interpolation. — Pour un autre ouvrage. On ne trouve rien de pareil dans les ouvrages d’Aristote parvenus jusqu’à nous.
  466. Quant aux testacés. La digression finit ici, et l’auteur revient au véritable sujet. — A lieu spontanément. C’est une erreur, comme on sait ; mais pour les êtres les plus petits, les moyens d’observation manquaient à l’Antiquité. — Et qu’ils émettent d’eux-mêmes. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; peut-être Aristote veut-il faire allusion à l’hermaphrodisme de quelques espèces. — Bien que souvent aussi… Cette comparaison ne se comprend pas bien. — Avec celles des plantes. C’est ce qui a été dit déjà un peu plus haut, § 2. D’ailleurs, ces rapprochements sont fort curieux, et ne sont pas sans quelque fondement ; c’est ainsi qu’Aristote a été amené à faire une classe des zoophytes. — Se reproduisent les moules. Les moules sont des acéphales testacés et forment la tribu des mytilacés. Cuvier remarque aussi que la moule commune se suspend en longues grappes, aux rochers, aux pieux, au flanc des vaisseaux, etc., Règne animal, tome III, p. 136, édition de 1830. C’est par le byssus que les moules s’attachent aux corps étrangers, ou les unes aux autres. — Les buccins, les pourpres. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote joint presque toujours les pourpres et les buccins, comme il le fait ici ; ces coquillages sont en effet de la même famille. — Qu’ils font de la cire. Ou des alvéoles. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XIII, § 2, la note. — Des liquides muqueux. Le fait est exact ; et Cuvier le cite aussi, Règne animal, tome III, p. 91. — De nature spermatique. L’assimilation est très juste.
  467. On ne peut pas croire. Cette réserve est fort sagace ; et cette humeur visqueuse que sécrètent les branchies des gastéropodes pectinibranches, n’est pas de la liqueur spermatique, bien qu’elle renferme les œufs. — Avec les plantes… déjà expliqué. Voir plus haut, § 2. — Il suffit qu’un seul de ces êtres… Parce qu’ils sont hermaphrodites ; et c’est ce qu’Aristote entend quand il dit « que les animaux peuvent se produire spontanément ». — Quand il y a des premiers parents. Peut-être, pour que la pensée fût complète, faudrait-il ajouter : « En grand nombre ». — On comprend bien, en effet… Aristote s’efforce d’expliquer comment les testacés se multiplient ; mais son explication est loin d’être aussi claire qu’il paraît le supposer. Il aurait du citer les faits observés plutôt que de donner sa théorie. — On peut supposer. C’est donc une hypothèse à la place des observations nécessaires ; il est vrai que, dans ces animaux, les faits eux-mêmes sont fort obscurs, et qu’il est extrêmement difficile de les bien constater. — Qui font des alvéoles. Ou, De la cire ; voir plus haut, § 8.
  468. Se produisent spontanément. C’est-à-dire qu’ils sont hermaphrodites ; mais Aristote ne le savait pas, et il croit plutôt que ces êtres naissent du concours de certains éléments, parmi lesquels l’eau joue le principal rôle. — Avec la corruption. Ou, Avec des matières corrompues. — La partie douce. C’est là encore une explication toute logique, une pure théorie. — Puisse venir de la corruption. Cette restriction est bien remarquable ; et le génie d’Aristote le pousse à douter de l’explication qu’il donne, à défaut d’une meilleure. — De la coction. Cela revient au même, la coction ne pouvant se faire sans la prétendue matière corrompue.
  469. Ne l’est pas de la totalité. Cette remarque, qui est vraie, aurait dû avertir l’auteur de la fausseté de cette théorie. — De la matière. J’ai ajouté ces mots, dont l’idée est implicitement comprise dans le texte. — Dans les œuvres que l’art produit. Aristote se plaît souvent à rapprocher l’art de l’homme et la Nature. — L’art enlève. Ceci semble se rapporter surtout à l’art de la sculpture, où en effet l’artiste doit dégrossir la matière qu’il emploie. — La Nature les enlève. Le procédé de la Nature est tout intérieur, tandis que celui de l’artiste est tout extérieur. — Parce qu’il y a de l’eau. Aristote ne savait pas qu’il y a aussi des germes. — D’âme et de vie. Il n’y a qu’un mot dans le texte. On remarquera qu’Aristote semble adopter ici la théorie des atomes de Démocrite.
  470. Ne tardent-ils pas à se constituer. C’est vrai ; mais c’est parce qu’il se trouve, dans l’eau et dans l’air, des germes qui n’ont plus besoin que d’une sorte d’incubation, venant du milieu où ils se trouvent. — De bulle d’écume. C’est le développement du germe, qui grandit pour vivre. Les transformistes de nos jours ne verraient la que la cellule. — Les différences… Cette remarque, qui est exacte, aurait dû faire voir à Aristote qu’il y avait là autre chose que des éléments matériels. Il y a un germe, un principe qui diffère pour chaque espèce, tandis que les matériaux extérieurs sont identiques. — Dont le principe vital. Le texte dit : « le principe de l’âme ». Mais peu importe l’expression ; la différence est déjà dans le germe ; et voilà comment elle se retrouve ensuite dans l’être formé par la coction. — Et le corps qui possède la vie. C’est le germe du nouvel être.
  471. Beaucoup de terreux. C’est-à-dire que l’eau de mer étant plus lourde que l’eau douce, on suppose que ce qui fait son poids c’est l’élément de la terre, qui est censé représenter la lourdeur. — Le terreux se durcissant tout à l’entour. Les coquilles se produisent en général dans l’épaisseur du manteau ; et c’est l’animal lui-même qui en sécrète la matière. Ces coquilles sont symétriques, de plusieurs pièces, ou non symétriques ; leurs formes varient à l’infini ; beaucoup sont en spirale, et dites turbinées, quand la spire est saillante. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 31 et suiv., édition de 1830. — Les os et les cornes. Ceci est très exact. — Ne les fait pas fondre. Le feu en général les calcine, c’est-à-dire qu’il les convertit en chaux.
  472. Dont on ait observé l’accouplement. L’observation est très facile sur le colimaçon, parce qu’il se trouve très souvent sous nos yeux. — On ne sait pas très bien. Cette circonspection est tout à fait scientifique. — Si c’est de cet accouplement. C’est que, dans la classe des gastéropodes, les uns ont les sexes séparés, les autres sont hermaphrodites, et que d’autres encore ont besoin d’un accouplement réciproque. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 34 et 40. — La partie qui se constitue. Ce sont sans doute les organes de la génération que l’auteur veut désigner par là. — Des autres espèces. Dans lesquelles les sexes sont séparés. — L’achèvement. C’est toute la théorie exposée plus haut, liv. I, ch. XIV, 17 et 18.
  473. Où trouver quelque chose de pareil ? Aujourd’hui même, toutes ces observations sont encore très difficiles, malgré les ressources sans nombre dont nous disposons. — Qui doit se trouver dans le mâle. Il semble résulter de ceci qu’Aristote a bien vu que, chez les testacés, il n’y a point de mâle ni de femelle, et que les deux sexes sont réunis dans le même individu. — Par l’effet de la nourriture ingérée. C’est là une loi qui est absolument générale ; et sans les aliments dont l’animal se nourrit, il ne serait pas possible qu’il pût rien reproduire. — La chaleur même de l’animal. La chaleur animale est indispensable à la transmission de la vie ; mais il y a bien d’autres conditions à côté de celle-là. — Le résidu, principe du fœtus. Le fait ainsi présenté est exact, puisqu’il faut toujours un certain temps, et quelquefois des années, pour que l’animal puisse devenir fécond. — De même pour les plantes. Où d’ordinaire les deux sexes sont réunis, comme ils le sont dans les testacés. — Dans la plupart des animaux. Où les sexes sont séparés, comme chez tous les quadrupèdes. — A besoin encore de quelque chose de plus. C’est-à-dire, de l’accouplement de la femelle et du mâle,
  474. La terre et l’eau. Ceci se rapporte à la génération spontanée, telle que la supposait Aristote, erreur qui a subsisté jusqu’à la Renaissance, et qui a encore quelques partisans, en dépit de la science. — Par la chaleur de la saison. En d’autres termes, la chaleur solaire échauffant toute l’atmosphère. — Dans le milieu ambiant. C’est l’air. — Le produit qu’elle digère. Il est inutile d’insister sur la fausseté de cette théorie ; ce qui l’excuse, c’est l’impossibilité où étaient les Ancicus d’observer les choses aussi bien que nous pouvons le faire aujourd’hui. — Du principe vital. Ou Du principe de l’âme, comme le dit précisément le texte ; j’ai préféré l’expression que j’adopte, comme plus claire et non moins exacte. — Et y dépose en outre. C’est une pure hypothèse. — La formation des plantes. L’Antiquité ne connaissait pas plus les sexes des plantes que les sexes de certains animalcules. — D’une certaine partie. L’expression du texte est tout aussi vague ; et je n’ai du être plus précis. — Il y a le principe. La physiologie végétale était bien peu avancée, à l’époque d’Aristote ; ce passage le prouve ; mais il n’en est pas moins vrai de dire que, dans la plante, on peut distinguer deux choses essentielles, le principe même de la plante, et la nourriture qui sert à le développer.
  475. Qui viennent de larves. C’est la troisième classe qu’a distinguée Aristote sous le rapport de la génération, vivipares, ovipares et larvipares : voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 1, 3, et § 8, où l’auteur renvoie ses explications au traité même de la Génération des Animaux. — Qui ne viennent pas d’animaux. Ou, D’êtres vivants. — Les muges. L’identification n’est pas sûre, et la plupart des traducteurs ont conservé le mot grec de Kestres ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 24, et la note. — Les anguilles. Dont on ignore aujourd’hui même la reproduction, comme l’a ignorée toute l’Antiquité. — Ils sont pourvus d’un cœur. Ce qu’on ne pouvait connaître que par des dissections. — Les matières… C’est une simple hypothèse logique ; il n’y a pas de fait observable qui l’appuie. — Entrailles de terre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XV, consacré tout entier à la reproduction des anguilles, expliquée par les Entrailles de terre : voir aussi la note des 3 et 4.
  476. Sortis de la terre. La question était donc posée dès les temps les plus anciens ; mais le mystère n’est pas encore éclairci ; tout ce qu’on peut affirmer sans hésitation, c’est que les choses n’ont pas commencé à l’origine comme elles commencent aujourd’hui sous nos yeux. — Quelques naturalistes. Lesquels ? — Issus d’une larve primitive. Ce serait alors quelque chose qui ressemblerait à la Cellule du Transformisme ; mais la question n’en est pas plus résolue. D’où vient la larve, qui contient déjà la vie ? D’où vient la cellule, qui contient tous les développements ultérieurs ? — Sortis d’un œuf. Mais l’œuf lui-même a dû sortir de quelque autre être. — La larve est un germe de ce genre. La nature singulière de la larve paraît avoir préoccupé Aristote plus qu’elle ne préoccupe nos naturalistes modernes. — De la mère qui les a produits. Comme dans les vivipares et les mammifères, — Ou d’une certaine partie. Comme le jaune de l’œuf, ainsi que l’auteur le dit au paragraphe suivant.
  477. Ne puisse venir de la terre. Pour les animaux ; mais elle en vient pour les plantes. — D’une partie même de l’embryon. C’est le jaune, par exemple, dans les œufs des gallinacés. — Selon nous. Et selon la réalité. — Une création primitive. A cet égard, le doute n’est pas possible ; il y a eu un moment créateur, comme l’a si bien dit Littré ; voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, p. CLVI. — Qu’un seul qui soit possible. Il est évident qu’Aristote incline à la génération spontanée d’une larve ; mais la création de la larve n’est pas plus intelligible que celle de l’œuf, qu’il repousse. — La génération par les œufs. Parce que cette génération suppose nécessairement une mère d’où l’œuf est sorti ; ce qui ne fait que reculer la difficulté. — Se produise de cette manière. L’expression est insuffisante ; il faudrait ajouter : « Primitivement, ou à l’origine », puisque tout œuf vient d’un parent. — L’autre mode de production. C’est-à-dire, le mode par une larve.
  478. C’est bien ainsi. C’est-à-dire, par génération spontanée. — Ils se développent… comme les larves. Rien n’est moins prouvé. — Vers le haut et vers le principe. Ceci atteste qu’Aristote avait observé les transformations des larves d’aussi près qu’il l’avait pu. — Il y a bien quelque ressemblance. Le fait est exact ; mais cette phrase ne paraît pas être ici très bien à sa place ; elle pourrait bien être une interpolation. — Dans les fœtus des larves. Observations très attentives de ces faits obscurs. — La partie d’en bas se forme. Il est difficile de savoir comment le naturaliste grec avait pu constater toutes ces évolutions. — Inférieure au diaphragme. C’est la partie abdominale, au-dessous de la partie thoracique.
  479. On n’a qu’à observer. Recommandation nouvelle de la méthode d’observation, qui seule peut conduire à la vérité. — Les abeilles. On connaît la grande étude qu’Aristote a consacrée aux abeilles, Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII. — Les testacés… se développent. Ces rapprochements peuvent paraître un peu forcés. — Sur les turbines… Cuvier, Règne animal tome III, pp. 31 et 32, fait des remarques analogues sur les hélices, ou spires, des gastéropodes. — Qu’on appelle la tête. Cette prétendue tête est très engagée sous le manteau ; voir Cuvier, loc. cit., p. 30.
  480. Qui naissent spontanément. C’est-à-dire, tous ceux dont les Anciens ne pouvaient observer la production, qui aujourd’hui nous est connue au moyen du microscope. — Se produisent d’une manière spontanée. C’est une erreur, et l’on sait que les testacés sont hermaphrodites. — Ils se montrent sur les parois des vaisseaux. L’argument n’est pas aussi clair que le croit Aristote ; et comme ce n’est pas le bois des navires qui pouvait produire ces animaux, il fallait en conclure qu’ils venaient d’ailleurs. — Des moules. Ce serait peut-être plutôt des huîtres. Le mot du texte signifie proprement : « huîtres de marais »; et voilà pourquoi j’ai adopté le mot de moules. Il n’importe guère d’ailleurs ; et il est exact que le flanc des navires se couvre bien vite de coquillages. — La place. C’est le flanc des vaisseaux. — C’est ainsi qu’à Rhodes. L’observation avait été faite dans ce port, très fréquenté par les marchands ; mais on aurait pu le faire aussi partout ailleurs.
  481. Rien qui soit prolifique. Ces animaux sont prolifiques par eux-mêmes, puisqu’ils ont a faculté de se féconder sans accouplement. — De Pyrrha dans l’île de Lesbos. Il y avait aussi une ville de ce nom en Thessalie ; voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. X, § 3, n.; et ch. XII, § 14, n. — Elles grossirent beaucoup. On sait que les huîtres grossissent beaucoup dans les parcs où on les dépose. C’était aussi un parc qu’avaient fait les pécheurs de Chios, qui avaient apporté des huîtres de Lesbos.
  482. Les œufs prétendus… Il paraît bien qu’Aristote se trompe en ceci, et que ce sont des œufs réels que portent les testacés ; c’est de la graisse sans doute ; mais cette graisse contient les éléments de la reproduction ; ce n’est pas seulement un signe de bonne santé. — Ont un goût excellent. Il y avait donc en Grèce des gourmets d’huîtres, comme il y en a chez nous. — Les pinnes, les buccins, les pourpres. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 5, et liv. V, ch. XIII, § 10, n. Dans ces passages, et notamment liv. V, ch. XIII, §§ 2 et 3, Aristote semble croire que les pourpres ne naissent pas spontanément, puisqu’il parle de leur ponte, soit à terre, soit dans les filets même où on les prend. — Au printemps. Qui est généralement l’époque du frai. — Les peignes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 3, n.; et V, XIII, 10 et 11. — Les moules et ce qu’on appelle les huîtres de marais. Ainsi, Aristote distingue les moules proprement dites de ce qu’on appelait de son temps huîtres de marais. Un peu plus haut, § 22, j’ai cru pouvoir confondre ces deux expressions en une seule ; mais « les huîtres de marais » seraient plutôt nos huîtres ordinaires, les huîtres parquées.
  483. Les téthyes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VI, §§ 1 et suiv. — Nous renvoyons à l’Histoire des Animaux. La référence est exacte ; Aristote est revenu souvent sur les testacés ; voir Histoire des Animaux, notamment liv. IV, ch. I, § 4 ; ch. IV, § 9 ; ch. II, §§ 1 et suiv.; liv. V, ch. XIII, §§ 1 et 31 ; liv. VIII, ch. I, § 6 ; ch. III, § 4 ; ch. XVI, § 2 ; ch. XX, § 19 ; et ch. XXIX, § 1. C’est une description étendue des testacés.
  484. De tous les animaux. L’expression est peut-être trop générale, même en se bornant aux animaux qui étaient connus d’Aristote. — De commun… de spécial. C’est la distinction qu’Aristote a toujours faite, soit dans l’Histoire des Animaux, soit dans le Traité des Parties. — Les plus parfaits des animaux. L’espèce humaine et les quadrupèdes. — Animaux ou plantes. Il semblerait résulter de ce passage qu’Aristote connaissait et admettait des sexes dans les végétaux. — Du mâle et de la femelle. Le texte n’emploie qu’un pronom indéterminé ; mais le sens ne peut faire de doute.
  485. Les animaux sont encore incomplets. C’est-à-dire, à l’état de fœtus. — Sont parfaitement distincts. Ceci est exact, et prouve que les observations sur les fœtus avaient été poussées fort loin. — Dans le sein de la mère… encore antérieure. Même remarque. — C’est là une question douteuse. La difficulté est pour nous la même que pour les Anciens ; seulement la question nous préoccupe moins, tout intéressante qu’elle est, — D’Anaxagore, dont Aristote a toujours fait la plus grande estime. — Et de quelques autres naturalistes. Anstote ne les nomme pas, parce qu’il n’en tient pas autant de compte. Dans les paragraphes suivants, il nomme Empédocle et Démocrite. — La liqueur spermatique… la place. C’est exact ; mais ce n’est pas tout. — Le mâle vient de droite… Ce ne sont là que des conjectures sans fondement.
  486. Tels qu’Empédocle. Aristote n’a pas parlé d’Empédorle dans l’Histoire des Animaux ; mais il en parle plusieurs fois dans le Traité des Parties, liv. I. ch. I, §§ 15. 18, 36 ; liv. II, ch. I, § 2, n.; ch. II, § 8 ; liv. III. ch. I, § 9 ; et presque toujours pour le réfuter. — Dans une matrice chaude… froide. Hypothèse pour hypothèse, celle-là n’est pas la plus invraisemblable. — C’est l’écoulement des menstrues. C’est là encore une pure supposition ; et dans ce cas, on ne saurait comment constater le degré de chaleur plus ou moins forte.
  487. Démocrite d’Abdère. Aristote en parle peu dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVI, § 7, à propos du fil des araignées ; mais il en parle très souvent dans le Traité des Parties des Animaux, et le plus ordinairement, avec grande estime. — La prédominance de l’un des deux spermes. L’hypothèse a pour elle la vraisemblance.
  488. La moins fondée. On voit qu’Aristote prend ces théories pour ce qu’elles valent — Une différence très grande entre les organes. La chaleur plus ou moins grande ne saurait en effet expliquer cette différence essentielle. — Comme dans un four. Aristote fait cette hypothèse irréalisable pour démontrer encore plus clairement la fausseté de cette théorie ; et comme il le dit lui-même un peu plus bas : « C’est une impossibilité évidente ».
  489. Démocrite a peut-être mieux vu les choses. Même aujourd’hui, ce sont encore là pour nous des mystères à peu près impénétrables. — C’est une autre question. Aristote aurait du se prononcer pour ou contre la solution donnée par Démocrite, et ne pas laisser la question en suspens. — En admettant même… C’est la théorie d’Empédocle ; ce n’est plus celle de Démocrite, si on l’applique à la différence des sexes ; mais c’est celle de Démocrite, si on l’applique à la différence des organes. Il y a d’ailleurs dans le texte l’espèce d’obscurité que j’ai dû conserver dans ma traduction. — La génération du mâle… Et non plus la simple production des organes différents. — Ce n’est pas une petite affaire. Il y a cette nuance de familiarité dans l’original. En somme, il semble qu’Aristote blâme Démocrite de n’avoir pas dit que la différence des organes sexuels provient uniquement, dans son système, de la différence de température.
  490. En dire encore autant. En d’autres termes, la différence des organes sexuels tient, comme la différence même des sexes, au degré de chaleur qu’éprouve le germe. — Comme nous l’avons déjà montré. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 4, et passim. — On a observé bien souvent. L’argument est ici d’autant plus fort qu’il est tiré d’observations plusieurs fois répétées. — Vérifié le fait par l’anatomie. Ceci prouve de la manière la plus péremptoire qu’Aristote disséquait, et il est clair que, pour ces travaux délicats, il recherchait les occasions les plus favorables, comme peuvent le faire les anatomistes les plus habiles de notre temps. — Soit terrestres, soit aquatiques. Ainsi, les dissections d’Aristote avaient bien pour objet la physiologie comparée. — Si Démocrite n’a pas vu ces faits. C’est la supposition la plus probable. — Mais s’il les a observés. C’est toujours à l’observation des faits qu’Aristote veut s’en tenir, et qu’il ramène ses adversaires, qu’il réfute. — Il est absurde de croire. L’expression du texte n’est pas moins forte.
  491. Démocrite dit encore. Le mot dont se sert le texte pour exprimer « le développement des organes sexuels » n’est pas très précis ; ma traduction n’a pas pu l’être davantage. — À mesure que l’animal se forme. Ceci semble se rapporter à l’époque de la puberté. — Divisés et différents. Il n’y a qu’un mot dans l’original. — Dans leurs dimensions même. L’auteur veut sans doute indiquer l’accroissement de grosseur des organes au moment du rapprochement sexuel. — Beaucoup trop à dire. Il est regrettable qu’Aristote n’ait pas exposé sa propre théorie sur ce point obscur. — Qu’une pure rêverie. Il était d’autant plus nécessaire de s’expliquer soi-même, pour dissiper les erreurs d’autrui. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 6, et passim.
  492. Nous avons dit nous-mêmes. Voir plus haut, liv. I, ch. II et suiv. — Vienne du corps tout entier. Aristote s’est appliqué à réfuter longuement cette théorie, id., ibid. — À Empédocle, à Démocrite. On ne voit pas très bien comment cette objection peut s’adresser a ces deux systèmes. — Qui partageraient leurs opinions. Qu’Aristote vient de combattre. — Empédocle, quand il dit… La citation que fait Aristote est tronquée ; et telle qu’il la donne, elle ne semble pas porter la conséquence qu’il en tire. Mais peut-être faut-il entendre par Membres les organes sexuels. Ce qui porte à le croire, c’est que, dans ce fragment que d’autres auteurs citent plus complètement qu’Aristote ne le fait ici, la femme est opposée à l’homme ; voir les Fragments d’Empédocle, édition Firmin-Didot, p. 10, vers 326 et 327. — Selon qu’une partie l’emporterait sur l’autre. Voir plus haut, § 4, cette théorie de Démocrite.
  493. Vaut encore mieux. Aristote donne encore ici la préférence à la théorie de Démocrite contre celle d’Empédocle. — Sans plus de réflexion. L’original a aussi cette nuance de critique et de dédain. — À la chaleur toute seule. Voir plus haut, § 3, cette théorie d’Empédocle. — De la chaleur et de la forme. J’ai ajouté ces mots pour que la pensée fut plus claire ; mais le sens ne peut être douteux, quoique l’expression du texte soit très générale et très indéterminée. — Parce que les parties se rapprochent. Tout ce passage reste obscur, et l’original lui-même est trop peu précis pour qu’on puisse voir très clairement la pensée. — L’un des parents. On pourrait également traduire : « L’une des parties », en d’autres termes, un des organes sexuels.
  494. Il n’est pas plus raisonnable de croire. Si les organes sexuels peuvent changer ainsi, pourquoi le reste du corps ne changerait-il pas de même ? — Et tout d’abord les veines. On ne comprend pas bien l’importance qu’Aristote donne ici aux veines ; les os du squelette forment, sous ce rapport, une base bien plus solide pour supporter les chairs. — Autour d’une esquisse. Aristote s’est déjà servi de cette comparaison, Histoire des Animaux, liv. III, ch. V. § 2, n. — La raison nous dit… Après l’observation des faits, c’est à la raison de les comprendre et de les juger. — Qui modifient la matrice. Le fait est exact, et la menstruation suffirait à elle seule pour le prouver. — Les veines le sont avant la matrice. C’est évident, quoique Aristote ne fît pas de distinction entre les artères et les veines. Le sang est porté par les artères du cœur à tous les organes. — C’est une nécessité inévitable. Toute cette phrase peut paraître une addition faite après coup, si ce n’est une interpolation. La pensée d’ailleurs est bien aristotélique.
  495. Il est bien certain. L’examen le plus superficiel et la simple vue suffisent pour constater le fait. — Le germe ne s’en produit pas moins. J’ai adopté ici la correction de MM. Aubert et Wimmer, et qui consiste à remplacer la leçon ordinaire de sperme par celle de produit ou de fœtus. Mais on doit avouer que cette correction même ne dissipe pas les obscurités de ce passage. Aristote y veut sans doute faire allusion aux œufs clairs de gallinacés, qui se forment dans la femelle sans que le mâle l’ait cochée ; si c’est bien là sa pensée, elle aurait dû être exprimée plus nettement.
  496. Quant à l’opinion. C’est l’opinion d’Anaxagore et de quelques autres naturalistes ; voir plus haut, § 2. — Les mêmes arguments. Quoi qu’en dise l’auteur, les arguments ne sont pas les mêmes, comme le prouve la suite de ce paragraphe. — Matériellement. C’est la femelle qui, dans ces théories, fournit à elle seule la matière ; le mâle ne communique que le mouvement. — N’a plus le moindre fondement. Ici encore, l’argument peut ne pas sembler péremptoire. — Comme on le prétend. Il est difficile de savoir quel rôle était attribué au mâle dans les systèmes que combat Aristote ; il faudrait ici plus de détails qu’il n’en donne. — Celui d’Empédocle. Voir plus haut, § 3.
  497. La même erreur. La réfutation pèche toujours ici par une concision excessive ; pour la bien comprendre, il faudrait avoir sous les yeux les ouvrages auxquels elle s’applique, comme sans doute Aristote les avait lui-même. — De la droite et de la gauche. Voir plus haut, § 2. — Ils puissent voir. En observant les faits avec quelque attention. — Ainsi que nous l’avons dit. Voir plus haut, § 7, où est cité l’exemple de deux jumeaux se trouvant dans la même partie de l’utérus. — On a déjà observé. Ce n’est qu’en disséquant qu’on pouvait faire cette observation difficile. — Ce n’est pas une fois seulement. Ainsi, l’on ne se liait pas à une observation unique ; on répétait les observations jusqu’à ce qu’on se crût sûr d’avoir obtenu la vérité.
  498. Certaines gens. Il n’est pas nécessaire de les désigner autrement, tant la théorie elle-même est singulière et fausse. — Léophane. Ce naturaliste n’est nommé que cette seule fois ; et sans cette citation d’Aristote, il serait parfaitement inconnu ; voir la préface à l’Histoire des Animaux, p. LIV. — D’autres prétendent. Ce sont là des expériences douteuses, que la science moderne n’a pas confirmées. — N’est pas plus exact que le reste. C’est-à-dire, les théories diverses qui viennent d’être réfutées. — On se risque, d’après les apparences. Nous ne pourrions pas aujourd’hui critiquer plus sévèrement des observations mal faites. — L’on voit à l’avance ce qui n’est pas. C’est l’imagination qui se substitue à l’observation patiente et réfléchie. — Ne sont absolument pour rien. Ceci est de toute évidence, puisque le même individu, dont les organes ne changent pas, produit tantôt un mâle, ou tantôt une femelle. — Sans avoir de testicules… les poissons et les reptiles. Voir Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 4, n.; et aussi liv. V, ch. IV, § 5. Contrairement à ce que dit Aristote, les poissons et les reptiles ont des testicules.
  499. Il faut convenir cependant. Il semble qu’Aristote veut revenir sur ce qu’il a dit un peu plus haut, et atténuer la sévérité de ses critiques. Il est possible aussi que tout ce paragraphe soit une addition faite par quelque main étrangère. — La partie droite du corps est plus chaude. C’est une théorie indiquée déjà plus haut, dans divers passages. — Le plus capable de féconder. Le fait paraît certain ; et la liqueur séminale dans l’homme est d’autant plus féconde qu’elle est plus épaisse. — En poussant ces théories à l’excès. Le texte n’est pas plus précis. — Tirer des faits… les conclusions. C’est la méthode d’observation dans toute sa rigueur et son utilité. — Qui se rapprochent des premières causes. La science humaine ne peut pas aller au delà ; elle se rapproche des causes premières, sans pouvoir les comprendre absolument. La modestie lui sied bien.
  500. Antérieurement et dans d’autres ouvrages. Il semblerait d’abord que c’est le Traité des Parties des Animaux qu’Aristote veut désigner ; mais il n’y a rien dans ce traité qui se rapporte à ce qui est dit ici ; c’est bien plutôt de l’Histoire des Animaux qu’il s’agit, liv. I, ch. II, § 3 ; liv. IV, ch. XI. Les autres ouvrages auxquels Aristote fait allusion ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Voir dans ce traité même de la Génération, plus haut, liv. I, ch. II, § 5. — Le principe de l’espèce. Je crois que les théories les plus récentes ne sont pas en désaccord avec celle-ci. — Du principe qui donne le mouvement initial. Il est bien possible que l’action du mâle n’aille pas plus loin. — L’être qui reçoit le sperme. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 4, la définition de la femelle et du mâle.
  501. Les animaux mâles. Il ne paraît pas que la différence des sexes fasse une différence sensible dans la chaleur animale ; du moins, n’a-t-on pas fait cette distinction dans la science actuelle. Cependant, ou a reconnu que le sexe n’est pas sans influence sur la température de Tanimal ; voir le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome II, p. 915, où il s’agit surtout de l’action du sexe au moment du rut. — Dans certains lieux de son corps. Ce sont les divers organes où le sang s’accumule, avant de sortir par les menstrues.
  502. La femelle a plus de chaleur. D’une manière générale, ce n’est pas exact. Le sang est chaud. Cette première vue des sources de la chaleur animale était plausible ; et ce n’est que par les expériences de Lavoisier, il y a un siècle, qu’on a su qu’il se produisait dans le poumon une véritable combustion, par le contact de l’oxygène de l’air avec l’hydrogène et le carbone ; la chaleur est produite par l’action chimique des éléments organiques et de l’oxygène. Il paraît d’ailleurs que la chaleur se produit, non pas seulement dans le poumon, mais dans toutes les parties du corps où il y a nutrition et sécrétion ; voir M. G. Colin, loc. cit. y p. 933 et 934. — Pour les excrétions du ventre. Ceci n’est pas assez clair, faute de développements. Les selles peuvent avoir une certaine influence sur la température du corps ; mais ces détails n’ont pas été suffisamment observés. — Une excrétion plus grande. Très souvent, la surabondance de l’excrétion tient à un état pathologique. — De même que, dans les opérations naturelles. On ne sait pas très bien même aujourd’hui comment les fruits mûrissent ; au temps d’Aristote, on l’ignorait bien davantage encore. — Qu’un résidu insignifiant. Ceci n’est pas faux ; mais on ne voit pas bien comment cette théorie se rapporte à la chaleur animale.
  503. Ce résidu est le sang. On peut bien dire en effet que le sang est un résidu ; mais le sang lui-même fournit les matériaux à une foule de sécrétions, et spécialement à la liqueur séminale, qui importe seule à la génération. — C’est le fluide qui y correspond. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I. ch. III, § 2, p. 23, de ma traduction. — Tout à fait pur. On peut voir de longues considérations sur le sang des divers animaux. Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV ; voir surtout la théorie et l’analyse du sang, Traité des Parties des Animaux, liv. II, chapp. III, IV, V p. 98, de ma traduction. — Tel autre ne le peut pas. Aristote fait allusion sans doute aux animaux qu’il appelait exsangues, et que nous nommons plus justement Animaux à sang blanc. — Un organe. On pourrait dire aussi d’une manière plus générale : « un instrument ». — De Puissance et d’Impuissance Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XII, §§ 1 et suiv. — Il faut. C’est une nécessité purement logique. — Le périnée. J’ai conservé le mot du texte, et je l’ai expliqué par une addition que je me suis permise, pour plus de clarté. Le périnée est précisément l’espace compris entre l’anus et les parties sexuelles, les seules qu’Aristote veuille désigner dans ce passage.
  504. La Nature… il est mieux. C’est toujours l’admiration d’Aristote pour la Nature, et l’optimisme du philosophe. — Les mêmes lieux. J’ai conservé l’expression du texte, bien qu’elle ne soit pas très juste ; c’est plutôt : « les même organes » qu’il aurait fallu dire. — De même que la vision… le ventre. La comparaison n’a rien de bien frappant ; et elle ne sert pas à éclaircir les phénomènes. — La vessie. Quelques commentateurs ont pensé qu’ici Aristote voulait attribuer la sécrétion de l’urine à la vessie ; je ne crois pas qu’il ait jamais commis cette erreur ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, §§ 13 et suiv. Ces passages ne laissent presque aucun doute, p. 94 de ma traduction. Voir surtout le Traité des Parties des Animaux, liv. III, ch. VII, § 13, où la sécrétion de l’urine est formellement attribuée aux reins. — Ne peut venir que de la matière. C’est la traduction exacte du texte ; mais il est évident que l’expression est impropre.
  505. On peut ajouter. C’est là une digression peu nécessaire. — Ainsi que nous l’avons déjà expliqué. Cette indication est bien vague ; mais une théorie de ce genre se retrouve très souvent dans la Métaphysique, liv. V, ch. VII tout entier ; et liv. IX, ch. III, § 7. L’être, passant de la simple puissance à la réalité, vient en quelque sorte du contraire, comme le dit ici Aristote. — Outre ces deux principes. Le texte n’est pas aussi précis. — Le passage au contraire. Du blanc au noir, par exemple ; ou d’une manière plus générale, de l’être au non-être. — Ce qui n’est plus dominé. Ma traduction est littérale ; mais elle a dû rester aussi vague que le texte lui-même. — On verra peut-être un peu plus clairement. On voit qu’Aristote sent aussi le besoin de sortir de ces obscurités. — Le principe formateur. C’est l’action du mâle qui donne la vie. — Amener l’être à sa propre espèce. Cette théorie revient à celle qu’Aristote a critiquée plus haut, § 4, dans Démocrite, attribuant la différence du sexe à la prédominance de l’un des deux spermes.
  506. Leur faculté et leur force. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Un organe différent. Voir plus haut, § 20. — Il suffit. Voir la même pensée plus haut, liv. I, ch. II, § 7. — Spéciale et essentielle. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — Chez les eunuques. Déjà Aristote a exprime des considérations analogues, Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11, et liv. IX. ch. XXXVII. § 3. — De celle d’une femme. C’est là une observation qui a été bien souvent répétée depuis Aristote. — Certains organes sont des principes. L’expression, tout insuffisante qu’elle est, ne laisse pas de doute sur le sens. — Une foule de ses conséquences… L’assertion est incontestable, et l’exemple auquel Aristote l’applique est décisif.
  507. Est un principe d’un certain genre. On pourrait en dire autant de la femelle, puisque, sans elle, le mâle ne peut rien non plus. — Opérer la coction de cette nourriture définitive. Il semble qu’ici la coction dont il s’agit, est celle de la liqueur spermatique, et non pas simplement celle du sang, comme il est dit un peu plus bas. — De la chaleur vitale. Le texte dit précisément : de la chaleur psychique, ou de la chaleur de l’âme. — Il y a nécessité. Le mot est peut-être trop fort. — Et que ce qui se produit. Il est bien singulier de faire venir la différence des sexes de l’influence du cœur ; c’est une théorie qui ne s’appuie sur aucun fait démontrable.
  508. Le principe de la femelle et du mâle. L’explication est bien insuffisante ; mais on excuse aisément de telles erreurs, au début de la science. — Il y a femelle et mâle. Cette explication n’en est pas une ; car elle résout la question par la question. — Par un organe quelconque. C’est évident ; mais cela ne sert pas à résoudre la difficulté.
  509. Ce que nous avons déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. X, XI et XII, toute une longue étude sur la liqueur séminale, sa nature, son origine et son action. — Le résidu dernier de la nutrition. Voir liv. I, ch. XII, § 13. — Le fluide porté à chaque organe du corps. Ce fluide ne peut être que le sang, sécrété à son tour par certains organes, pour devenir du sperme, fluide indispensable à la génération. — Le fœtus engendré ressemble… Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, § 7. — Il importe fort peu. Au contraire, plus haut, ch. I, ch. II, Aristote attache grande importance à prouver que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps. — De dire que le sperme… Le texte est indécis, et l’on pourrait croire qu’il s’agit du sang aussi bien que de la liqueur séminale, si l’on ne se rappelait les théories formelles qui viennent d’être citées. — Le sperme du mâle. Ici le texte est précis. — Le sperme de la femelle. Le sens ne peut pas faire de doute ; et par « le sperme de la femelle », il faut entendre le flux menstruel.
  510. Si le sperme masculin l’emporte. Cette théorie est purement logique ; et elle ne peut s’appuyer sur aucun fait. — Il attire l’embryon à lui. C’est supposer que l’embryon est déjà dans la femelle ; mais Aristote ne pouvait savoir combien cette supposition était juste ; il ne connaissait pas les ovaires ni les spermatozoïdes, que le microscope seul pouvait révéler, avec les progrès de l’anatomie. — Et le fait à son image. J’ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l’expression grecque, et aussi pour me conformer aux théories d’Aristote sur les causes de la ressemblance des enfants aux parents. — Vaincu et dominé. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — En son contraire. Alors, l’embryon est femelle. — Et l’être n’est femelle… Toutes ces explications, qui ne sont pas acceptables, prouvent seulement la sollicitude d’Aristote pour ces grandes questions. — La Nature assure. Il n’y a pas de phénomènes où la sagesse de la Nature se montre plus visiblement que dans tous ceux qui concernent la génération. — Or le sperme n’est qu’un résidu. Ces idées ne se suivent pas très bien, quoique l’observation soit exacte. — Un résidu et une excrétion. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — En quantité considérable. Aristote remarque dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII ch. II, § 8, que c’est l’homme qui, proportionnellement à son corps, a le plus de liqueur séminale. — Aussi, les organes… Cette conséquence n’est pas rigoureuse. — Comme la coction n’a pas lieu chez elles. Il n’y a pas de différence appréciable entre la température des femmes et celle des hommes ; la coction se fait tout aussi bien chez elles ; seulement elle est autre. — Elle n’est pas élaborée. La coction qui produit le lait est aussi complète que celle qui produit le sperme chez le mâle. — De la matrice. Nous dirions plutôt : L’utérus. — C’est cet organe spécial. Le fait est tellement évident qu’il était à peine besoin de l’énoncer.
  511. On vient d’expliquer. Ces théories pouvaient suffire à l’Antiquité ; aujourd’hui elles sembleraient tout à fait superficielles. — Les faits sont la confirmation. Aristote croit rester fidèle à la méthode d’observation, qu’il a recommandée sans cesse. — Quand ils sont jeunes. Je ne crois pas que la science moderne regarde ces faits comme avérés. — Dans un âge plus avancé. Même remarque. — Plus humides et plus féminins. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. X, §§ 1 et 3, et passim. — Au défaut de chaleur naturelle. Cette cause ne peut être vraie, puisque les températures ne diffèrent pas sensiblement.
  512. Quand le vent souffle du nord. C’était là une opinion vulgaire, dont rien ne prouve l’exactitude ; mais ces détails ne laissent pas que d’être curieux. — Les organes élaborent plus d’excrétions. Le fait n’est pas tout à fait faux ; mais la conséquence qu’en tire Aristote n’est pas exacte. — Plus la coction en est difficile. Ceci est plus vrai. Il n’y a pas à douter d’ailleurs que le milieu ambiant n’exerce une grande influence sur l’organisation entière des animaux. — Plus abondantes à la fin des mois. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 1 et suiv., Aristote semble ne pas partager la crédulité populaire. — Par suite de la décroissance… La lune a très peu d’influence sur la température de l’air, précisément parce qu’elle emprunte sa chaleur au soleil, et qu’elle n’en a pas par elle-même. — Durant l’année entière… dans le cours d’un même mois. Le rapprochement est ingénieux ; mais il n’est pas exact. — Mais à la lumière. Qui vient du soleil, ainsi que la chaleur.
  513. Les bergers assurent. Ainsi, Aristote laisse aux bergers toute la responsabilité de ces observations. Il est toujours bon d’écouter les gens du métier, sauf à contrôler leurs assertions. — Regardent vers le midi. Il semble bien que ceci doit être un conte populaire, et il est très possible qu’un calcul d’intérêt se mêlât à ces dires des bergers ; ils trouvaient sans doute moyen d’exploiter par là la crédulité de leurs dupes. — Le moindre déplacement. Ceci est exagéré, sans être faux ; car il est certain que la température varie selon qu’on est à l’ombre ou au soleil ; le moindre déplacement suffit alors comme l’auteur le dit. — Qui déterminent la génération et le sexe. Rien n’est moins prouvé.
  514. De très grandes différences selon… Dans ces limites, le fait est vrai ; il y a des hommes qui n’ont que des filles, et d’autres qui n’ont que des garçons. — Nous avons expliqué. Beaucoup moins que l’auteur ne le croit, et pas plus ici que dans l’Histoire des Animaux. Il n’y a du reste rien qui doive nous étonner ; le mystère est profond, et la science humaine, qui l’étudié depuis tant de siècles, ne le pénétrera sans doute jamais. — Un certain rapport proportionnel. Ne serait-ce que le rapport de l’espèce, sans parler de tant d’autres rapports. — De l’art ou de la Nature. C’est un rapprochement qu’Aristote se plaît à faire bien souvent. — Si elle est en excès… par trop défaut. Toutes ces remarques sont parfaitement justes. — D’une proportion moyenne. L’expression est bien vague.
  515. Parfois, cette proportion… Le texte n’est pas aussi formel ; mais le sens n’est pas douteux ; j’ai cru pouvoir rendre ma traduction plus précise. — De même. Le fait qui sert de comparaison est très exact ; mais il est bien difficile de comparer la vie à quoi que ce soit ; elle n’est comparable qu’à elle-même, parce qu’elle est essentiellement Sui generis. — Une proportion convenable pour la copulation. Le point difficile serait de déterminer cette proportion elle-même. — En s’unissant à d’autres. Ce fait est incontestable, et il a été vérifié bien des fois. — La jeunesse et la vieillesse. Ceci n’est pas moins exact. Selon l’âge des parents, le sexe des enfants peut varier. — Des garçons ou des filles. Le texte dit d’une manière plus générale : « des mâles ou des femelles ».
  516. D’un pays à un autre pays. L’observation est exacte. — Une autre eau… Il est également certain que le liquide absorbé a une grande influence ; et c’est ainsi que l’instinct des animaux les pousse à préférer une eau à telle autre, qu’il repousse invinciblement. — La qualité de la nourriture. Cette influence est encore plus manifeste. — Air ambiant… aliments ingérés… l’eau qu’on boit. Nous ne saurions aujourd’hui mieux dire qu’Aristote. Il est vrai qu’Hippocrate avait déjà exposé des théories analogues dans le fameux Traité des Airs, des eaux et des lieux ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liν. VIII, ch. XXVIII, §§ 1 et suiv. — Et qu’on retrouve. Cet aperçu, je crois, ne serait guère contredit par la science moderne. — Les eaux trop dures et trop froides. Ceci est sans doute fort exagéré ; mais la nature de l’eau qu’on boit influe beaucoup sur toute l’organisation.
  517. C’est… par les mêmes causes. Cette formule est bien concise ; et il ne serait pas facile de montrer comment les explications qui précèdent éclaircissent la question des ressemblances. D’ailleurs, les détails dans lesquels entre Aristote sont exacts et très finement observés. — Ressemblent à leurs parents. La ressemblance aux parents est peut-être le fait le plus ordinaire ; mais elle n’est pas constante. — Leur personne… une partie du corps. Parfois, c’est l’allure entière qui ressemble, tantôt le geste, le regard, etc. — Aux premiers venus. Parfois, la ressemblance est toute fortuite, et il faut de bien longues années pour rencontrer la personne à qui l’on ressemble, sans avoir avec elle le moindre degré de parenté. — Ressemblent davantage au père. Ceci n’est pas aussi fréquent que l’auteur le pense ; et, tout au contraire, les fils tiennent généralement de leur mère, et les filles tiennent de leur père. — À personne de la famille. Cela se voit en effet ; mais c’est assez rare. — À l’homme en général. J’ai ajouté les deux derniers mots, pour préciser davantage la pensée. — Des monstres. La question des monstres n’était pas aussi neuve, au début de notre siècle, que le croyaient ceux qui l’ont agitée, du reste au grand profit de la science. Sur les ressemblances des enfants aux parents, voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv.
  518. Une sorte de monstruosité. C’est exagéré. — A dévié de l’espèce. Il est évident qu’on peut être très naturellement de la même espèce, sans se ressembler du tout. — La première déviation… L’idée n’est pas très juste, puisqu’il faut des femelles aussi bien que des mâles pour perpétuer l’espèce ; mais il est vrai que les Modernes doivent avouer que la question est aussi obscure pour eux que pour les Anciens. — Cette déviation est de toute nécessité. Ce n’est donc pas une déviation proprement dite. — Que la race se continue. Aristote se contredit un peu lui-même ; et il aurait pu voir par là qu’il était allé trop loin en parlant de déviation. C’est simplement une différence naturelle et indispensable. — Ne l’emporte pas. Voir plus haut, ch. II § 27. — Sa jeunesse… sa vieillesse. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv. — Qu’il se produise une femelle. Ce n’est là qu’une théorie, qui n’est appuyée sur aucun fait observable.
  519. Le monstre n’a rien de nécessaire. La science moderne ne saurait dire mieux. — Au point de vue du hasard. C’est seulement ainsi que nous pouvons nous expliquer les monstres ; mais au fond, ce n’est qu’un aveu d’ignorance ; car le hasard n’explique rien. — L’excrétion spermatique. Sous-entendu : « venue du mâle ». — La coction complète. C’est la traduction littérale du texte ; mais ces théories, qui ont prévalu dans l’Antiquité, sont aujourd’hui tout à fait abandonnées. — Conforme au mâle lui-même. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens ne semble pas douteux. — Sans la moindre différence. C’est trop dire. — Qui fait développer. Cette théorie est exacte ; et c’est toujours la force vitale, transmise par le mâle originairement, qui provoque tous les développements successifs, comme il est dit quelques lignes plus bas. — C’est toujours de mouvement qu’il s’agit. Les choses peuvent très bien être considérées sous ce point de vue.
  520. Si c’est le mâle qui l’emporte. Voir plus haut, § 2. — Il fera un mâle. Il n’y a rien de moins sûr que cette théorie, dont Aristote semble ne pas faire le moindre doute. — Ressemblant à son père. Plus haut, § 1, il a été dit que l’enfant peut très bien ne ressembler à aucun des parents. Le père engendre un fils ; et en ce sens, le mâle l’emporte ; et cependant le fils ne ressemble en rien à celui de qui il a reçu la vie. — Voici ce que j’entends. Cette explication n’était peut-être pas nécessaire ; car la pensée est assez claire par elle-même. — Coriscus. C’est un nom banal dont Aristote a l’habitude de se servir, ainsi que de celui de Socrate ; voir ma traduction de la Métaphysique, t. I, p. CCLXVIII. — De plus, il est homme. A côté de l’individualité, il y a toujours l’espèce.
  521. De cette même manière. Ici encore, l’expression est bien vague. — En tant qu’il a la faculté d’engendrer. Et de faire un nouvel être de la même espèce que lui. — Telle autre qualité accidentelle. Qui peut ne pas venir de la Nature, et qui est acquise, ou même fortuite. — D’être instruit en grammaire. L’observation est exacte ; la science des parents ne se transmet pas ; et les enfants ont à l’acquérir par eux-mêmes, avec plus ou moins d’efforts. — En ce qui regarde la génération. La suite fait bien comprendre ce que l’auteur veut dire. — La qualité propre. Qui distingue le père, ou la mère, de tous ses semblables. — Homme et animal. Homme est l’espèce ; Animal est le genre, plus étendu que l’espèce. Toutes les explications qui suivent sont excellentes, et nous ne saurions guère aujourd’hui y ajouter quelque chose de vraiment essentiel.
  522. De ces forces et de ces puissances. Il n’y a qu’un mot dans le texte. Ces forces sont les différents degrés de parenté ou les différentes générations, père, grand-père, arrrière-grand-père, etc. ; ce sont aussi les degrés de généralité des êtres engendrés, individuel, spécifique, générique : Coriscus, homme, animal. — Les mouvements qui sont dans les spermes. C’est une simple hypothèse, qu’il serait impossible de vérifier. — Les mouvements des ancêtres. C’est la suite très logique de la même hypothèse ; et il est bien certain qu’il doit rester dans le père quelque chose du grand-père, pour que l’enfant ressemble à ce grand-père, par-dessus lequel la génération paraît avoir sauté. Le naturaliste fait bien d’essayer de pénétrer ces mystères ; mais ils n’en restent pas moins obscurs à la science humaine. — Coriscus ou Socrate. Dans la Métaphysique, liv. I, ch. I, §§ 6 et 9, c’est Callias au lieu de Coriscus, accouplé au nom de Socrate. — Tout va à son opposé. En passant le plus ordinairement par des nuances récessives, la Nature ne faisant pas de saut. — Passer à son contraire. Qui est la femelle ; ici, il n’y a pas d’intermédiaire possible. — Le générateur et le moteur. Les deux mots sont dans le texte.
  523. Vaincu. J’ai ajouté ce mot, qui est en accord avec tout ce qui précède. — Qu’il est vaincu. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens est très clair. — Mais à la mère. C’est une conséquence régulière de toutes les théories précédentes ; mais elle ne vaut pas plus qu’elles. — C’est une mère individuelle qui lui est opposée. La formule est assez obscure ; mais elle se comprend fort bien. — Toutes les puissances subséquentes. Voir plus haut, § 4, et aussi la note du § 6. Ce sont les degrés ascendants de parenté. — Qui est le plus rapproché. D’abord, le père du père ou de la mère, c’est-à-dire, le grand-père et la grand-mère ; puis, l’arrière-grand-père, etc.
  524. Actuels… en puissance. On connaît trop ces formules aristotéliques pour qu’il soit utile d’y insister. — Des universaux. C’est la traduction littérale de l’expression grecque. — Les mouvements de la femelle. On ne comprend pas bien cette exception ; il semble que la coopération de la femelle, quelle qu’elle soit d’ailleurs, est aussi actuelle et aussi indispensable que celle du mâle ; l’un des deux ne peut rien sans l’autre. — Ceux des ancêtres. Ceci du moins est exact. — Se résolvent dans les mouvements voisins. Cette conséquence ressort de toutes les théories précédentes ; et la suite le prouve bien. — Et ainsi de suite, dans les ascendants. Ce sont là des observations faciles, qu’on peut faire très fréquemment.
  525. L’engendreur. Ce mot n’est pas admis par l’Académie française ; mais Voltaire l’a employé, et il répond ici parfaitement à l’expression grecque. — Vainqueur ou vaincu. Vainqueur, s’il reproduit son propre sexe ; vaincu, s’il produit l’autre. Le texte ordinaire est : Vainqueur et vaincu. MM. Aubert et Wimmer ont mit ou ou lieu de et ; la correction me paraît indispensable. — Car, Socrate est bien tel être individuel. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme une interpolation ; il est certain qu’elle ne se comprend pas bien et qu’elle interrompt la pensée ; mais je croirais plutôt à une lacune, et il semble qu’il faudrait la remplir en disant : « et en même temps, Socrate est homme ». De toute façon, le texte est insuffisant tel qu’il est. — Mais c’est là ce qui fait. La conséquence n’a rien de fondé ; et ce n’est pas là expliquer la ressemblance des enfants aux parents. — En général. Avec cette restriction, on peut admettre avec Aristote que les garçons ressemblent aux pères. — Le déplacement de nature. C’est la traduction littérale du mot grec ; mais on pourrait dire aussi : « Le changement ou la modification de nature ».
  526. Si le mouvement venu du mâle l’emporte. Toute la théorie qui est exposée ici n’est qu’une hypothèse ; l’explication peut être ingénieuse ; mais rien ne la justifie, non plus que toutes les explications qui suivent. Ce qui peut excuser celles que donne Aristote, c’est qu’aujourd’hui même il est impossible de bien expliquer ces variations dans les ressemblances. — Si les mouvements sont rompus. La suite fait comprendre ce que ceci signifie. Le mouvement est direct quand la ressemblance passe du père à l’enfant ; le mouvement est rompu quand la ressemblance vient du grand-père, et saute une génération. — Si ce même mouvement se rompt. Pour la mère, au lieu du père.
  527. Pour les différentes parties du corps. Si la théorie était vraie pour la personne entière, elle ne le serait pas moins pour les parties du corps. Il est bien certain que la ressemblance est souvent partielle, et que, par exemple, elle se borne aux yeux, au regard, à la main, au pied : mais l’explication est aussi impossible pour la partie que pour le tout. — Déjà dit plus d’une fois. Aristote fait ici la distinction qu’il fait toujours entre l’acte et la puissance, la réalité et la simple possibilité ; il n’y a pas à citer une référence particulière.
  528. Quelques hypothèses générales. L’auteur sent lui-même que, dans un tel sujet, l’hypothèse tient la plus grande place. D’ailleurs, celles qu’Aristote se permet ici sont dignes de sa profonde sagacité, et elles seraient soutenantes sous plus d’un rapport. — L’être qui est vaincu. Soit le père, soit la mère, le mâle ou la femelle, procréant un jeune d’un sexe différent. — Au mouvement le plus éloigné. C’est-à-dire, à la ressemblance du grand-père, de l’arrière-grand-père, de la grand’mère, de l’arrière-grand’mère, etc. — Se confondent à ce point. Cette dernière hypothèse est la conséquence régulière de toutes les autres, et elle explique comment la ressemblance vient à cesser. — Il est simplement homme. Ce qui au fond est la ressemblance essentielle, pour la perpétuité de la race. Les autres sont purement superficielles.
  529. La qualité d’homme. C’est la qualité qui constitue la race. — Un terme général, un universel. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Que les mouvements ne soient pas rompus. Voir plus haut, § 10. — C’est que l’agent… L’argument ne semble pas décisif, bien qu’il soit vrai de dire que toujours l’agent subit quelque influence de la part du patient, comme le montre la suite du contexte. — Le moteur premier. Qui est lui-même immobile, et qui donne le mouvement qu’il porte en lui. — Ce qui pousse est poussé. Ce sont des principes incontestables.
  530. Parfois même, il arrive… Ces détails peuvent paraître un peu prolixes, parce qu’ils ne tiennent pas d’assez près à la question de la génération. L’auteur s’en aperçoit lui-même, puisqu’il les renvoie à un autre de ses ouvrages. — Dans le traité de l’Action et de la passion. Dans le catalogue de Diogène Laërce, il y a un ouvrage qui porte ce titre, en un livre ; il est possible que ce soit celui-là qu’Aristote désigne ici ; voir M. Valentin Rose, Aristoteles pseudepigraphus, p. 12, n° 25 ; voir aussi les Catégories, ch. IV, § 2, p. 59, de ma traduction, et ch. IX,§ 1, p. 107 ; et la Métaphysique, liv. V, ch. XXI. — Quels sont les êtres. Cette indication, qui est sans doute unique, est précieuse en ce qu’elle rappelle une des théories particulières de cet ouvrage perdu. — Le patient sort de son état naturel. On peut supposer que ceci est un résumé de l’ouvrage qu’Aristote vient de citer.
  531. Selon que l’agent domine. On peut croire encore que ces pensées sont une réminiscence de l’ouvrage précité ; mais on peut trouver aussi que la digression se prolonge beaucoup, bien qu’elle ne soit pas sans intérêt ; elle ne tient pas assez directement à la question. — Aux athlètes. La digression s’éloigne de plus en plus du sujet. Les détails donnés sur l’alimentation excessive des athlètes sont curieux et vrais ; mais ils ne sont point à leur place ici, puisqu’ils ne se rapportent en rien à la question de la génération. — Une forme toujours pareille. Ce sont les parties les plus exercées qui se développent davantage. — Qui deviennent tout autres. C’est exagéré ; elles se déforment ; mais elles ne deviennent pas autres. — D’en être méconnaissables. C’est également trop dire. — Le Mal du satyre. Il est bien probable que ceci se rapporte surtout aux traits de la physionomie, qui peut en effet devenir presque bestiale. — D’un autre animal C’est la leçon que donnent quelques manuscrits, et que j’adopte avec MM. Aubert et Wimmer. D’ailleurs, la leçon ordinaire « De Fanimal » est fort acceptable. C’est la bestialité qui domine dans ces physionomies abruties par l’excès des efforts et de l’alimentation.
  532. Nous venons d’expliquer. Résumé assez exact de tout ce qui précède, §§ 1 à 12.
  533. Il y a des naturalistes. Ce sont sans doute ceux dont Aristote a déjà parlé, Démocrite, Anaxagore, Empédocle ; il les nomme de nouveau, un peu plus bas. — Deux façons d’exposer. La première est résumée dans ce paragraphe ; la seconde le sera dans les §§ 19 et 20. — Le sperme… est plus considérable. Cette explication se présente tout d’abord ; mais elle n’est pas exacte, parce que la qualité de la liqueur séminale importe beaucoup plus que sa quantité. Sur ce point, la physiologie moderne n’a plus le moindre doute. — Venait de toutes les parties du corps. Théorie qu’Aristote s’est appliqué à réfuter ; voir plus haut, liv. I, ch. II. — S’il n’est pas exact. C’est l’opinion qu’Aristote a toujours soutenue. — Cette erreur est évidente. L’évidence n’est pas aussi grande que l’auteur le pense. — Il est clair aussi. La conséquence est rigoureuse en partant des principes qu’Aristote a posés. — Et puis… Cet argument est décisif.
  534. L’opinion d’Empédocle et de Démocrite. Voir plus haut, ch. I, §§ 3, 4 et suiv. — Quand on prétend. Même remarque. Ainsi, le sexe peut paraître expliqué suffisamment ; mais la ressemblance ne l’est pas. — Comment la fille ressemble à son père. Ceci semble une répétition de ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent. — Des deux à la fois. C’est de toute évidence.
  535. Très fréquemment à ses ascendants. Voir plus haut, § 8. — Sur ce point comme sur d’autres. Le texte n’est pas moins général ; il aurait été bon de spécifier ces autres points. — L’explication qui nous reste à examiner. Dans les paragraphes suivants, 20 et 21. — Beaucoup plus près de la vérité. Sans être encore tout a fait vraie, selon Aristote, qui la contredit en partie au § 21. — Il y a des naturalistes. Ici non plus, Aristote ne les nomme pas. Est-ce Anaxagore, Démocrite, Empédocle ?
  536. Si l’on mêle des sucs divers. Il est probable que c’était là le raisonnement de ces naturalistes, non désignés spécialement. Ceci, du reste, constitue une véritable expérience ; elle n’est pas difficile sans doute ; mais c’est un phénomène que l’on prépare à son gré pour arriver à éclaircir un phénomène naturel, qu’on ne comprend pas par la simple observation. — Les choses, disent-ils. Ainsi Aristote entend bien reproduire la pensée de ses prédécesseurs, et peut-être même les termes par lesquels ils l’exprimaient — Se passent de même pour la semence. On conçoit que cette explication ne satisfasse pas le philosophe ; l’analyse du sperme n’était pas à cette époque assez avancée pour justifier de semblables théories. — Venue de l’un des parents. C’était une simple hypothèse.
  537. N’est pas des plus claires. Il y a cette nuance d’ironie et de familiarité dans l’original, dont l’expression est peut-être plus forte que ma traduction. — Cette multiplicité indéfinie des germes. Le mot grec est précisément : « Panspermie ». — En l’un de ces deux sens. Aristote admet sans doute ici l’explication par la simple puissance, et il repousse l’idée d’acte. — Cette théorie est impossible. C’est-à-dire que les germes ne sont pas actuellement et effectivement dans la liqueur séminale, à l’état de sexes définis, ou de ressemblances avec les parents. — À une seule espèce de cause. Soit l’acte, soit la puissance, considérés séparément. — Que nous citions tout à l’heure. Voir plus haut, § 16.
  538. Il nous paraît. Cette nuance de doute n’est pas précisément dans l’expression grecque ; mais elle ressort de tout le contexte, où Aristote semble ne pas croire, et, avec toute raison, aux prétendues monstruosités qu’on allègue si légèrement. — Quand les mouvements sont rompus. Voir plus haut, § 12. — Et qu’ils s’affaissent. J’ai ajouté ces mots, — Que la matière n’est pas dominée. Sous cette formule obscure, Aristote veut sans doute indiquer la matière venue de la femelle et de ses menstrues, aussi bien que de la liqueur séminale venue du mâle. La matière n’est pas dominée en ce sens que les parents ne peuvent transmettre, ni leur ressemblance personnelle, ni leur sexe, ni la ressemblance des ascendants. Il ne reste absolument que l’espèce, ou l’animal. — On assure bien… Mais c’est une énorme exagération ; et la réalité se réduit à une similitude plus ou moins éloignée. — Une tête de bélier ou de bœuf… Aristote se garde bien de partager en ceci la crédulité vulgaire. — Que nous venons d’indiquer. C’est-à-dire, par de simples analogies. — Il n’y a rien de réel. La réprobation est aussi formelle que possible ; mais quoiqu’elle vînt d’Aristote, elle n’a pas empêché Pline de répéter et d’accueillir bon nombre de ces fables ; voir Pline, Histoire naturelle, liv. VII, ch. III, p. 284, édition E. Littré. — Que de simples ressemblances. Voilà le vrai.
  539. Ainsi, bien souvent… Ces exemples sont très bien choisis ; et chacun peut les vérifier. — Il suffit qu’un physiognomiste. On sait que, dans les œuvres d’Aristote, on a conservé un traité de Physiognomie, qui contient des théories tout à fait pareilles à celles qui sont exposées ici ; voir Aristote, édition de l’Académie de Berlin, p. 805, b, 15 et suiv. — A force de le répéter… On peut voir par ce passage que la crédulité humaine a toujours été ce que nous la voyons de nos jours. Il est certain que la répétition des choses les plus étranges suffit à persuader bien des gens. — Un animal se changeant en un autre animal. C’est cependant ce que Pline affirme sans hésiter, en assurant que l’on a bien des exemples d’hommes changés en femmes, et réciproquement, Histoire naturelle, liv. VII, ch. IV, p. 285, édition E. Littré. C’est là aussi ce qu’affirment nos transformistes contemporains ; voir ma préface au Traité des Parties des animaux, p. CLXI et suiv. — L’énorme différence des temps de la gestation. L’argument est décisif ; mais les Darwinistes essaieraient d’y échapper par les évolutions qu’ils prêtent à la Cellule. Aristote a fait une étude fort intéressante des temps de la gestation chez les diverses espèces, Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVI à XXIX.
  540. Telle est une des formes. Cette première forme de monstruosités est d’espèce à espèce ; et Aristote la déclare absolument impossible. La seconde forme est au contraire réelle, et elle est même assez fréquente ; mais c’est plutôt une difformité qu’une monstruosité proprement dite. — Des membres en surnombre. Vulgairement, ce surnombre s’appelle aussi une monstruosité. — Plusieurs pieds ou plusieurs têtes. Ce ne sont que des cas rares ; mais ils sont très réels. — Les explications… Ainsi les Anciens avaient à cet égard, comme à bien d’autres, autant de curiosité que nous. — Qui ne sont que contrefaits. Les deux questions en effet se tiennent d’assez près. — N’est guère qu’une difformité. C’est, je crois, la théorie qui est aujourd’hui généralement admise.
  541. Démocrite… MM. Aubert et Wimmer pensent que tout ce passage est corrompu ; et ils ont l’air de douter que Démocrite ait jamais adopté cette théorie. Le témoignage d’Aristote serait irrécusable cependant, à moins qu’on ne nie l’authenticité de ce paragraphe. Pour ma part, je n’y vois pas de sérieux motif. — Se rencontrant dans la matrice. Ce n’est là qu’une conjecture, qui marque bien néanmoins le désir qu’on avait d’éclaircir cette question des monstres. — Y trouble tout l’ordre des membres. L’explication ne laisse pas que d’être ingénieuse, toute hypothétique qu’elle est. — Il cite les oiseaux. Quel que soit l’auteur de ce passage, il est clair qu’il devait avoir sous les yeux le livre de Démocrite. — Le plus court chemin. On peut traduire encore : « la ligne droite ».
  542. Se réunissent simultanément. Cette explication, qui paraît personnelle à Aristote, ne vaut pas mieux que celles qu’il réfute. — Dans la semence du mâle. Voir plus haut, §§ 20 et 21. — Bien plus probable. Il faut louer cette circonspection dans une question aussi obscure. — Dans la matière. Ceci désigne peut-être le flux menstruel, qui, selon les théories du philosophe, fournit la partie matérielle, tandis que le mâle apporte la vie et le mouvement. — Qui ne font qu’un seul petit. Le motif est fort plausible ; mais je ne sais si la science moderne est de cet avis. — Surtout fréquent chez les oiseaux. Peut-être e fait paraît-il être plus fréquent par cette unique raison qu’il est plus facile d’observer les oiseaux domestiques, par exemple les gallinacés. — Chez les poules. Ceci confirme la conjecture précédente. — Des œufs doubles. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, § 16, où Aristote parle d’une poule qui faisait constamment des œufs doubles.
  543. Ils se soudent… aux fruits des végétaux. Ces explications sont fort ingénieuses, et les observations sont fort exactes ; car il y a très souvent des monstruosités végétales. Ces questions de botanique ont été reprises au début de notre siècle, et particulièrement par M. de Candolle. — Toutes les fois que les jaunes… Tous les faits rapportés dans ce paragraphe sont exacts, et les explications données sont parfaitement plausibles. De notre temps, on a cru trop généralement que la question des monstres était toute neuve. On voit ici que les Anciens l’avaient aussi agitée longtemps avant nous. — Ont quatre pattes et quatre ailes. Ces monstruosités ne sont pas très rares. — N’a paru que plus tard. Ceci est bien vague et n’explique pas d’assez près la monstruosité dont l’auteur vient de parler.
  544. Un serpent à deux têtes. Ce phénomène n’a rien d’impossible, à l’état de monstruosité ; mais le reptile ainsi constitué n’a pas dû vivre. — Le serpent est ovipare également. Et l’on en conclut que, dans cette espèce, il peut se produire des monstruosités pareilles à celles qu’on observe chez les oiseaux. — À la forme de sa matrice. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 23. — À la suite les uns des autres. Il en est bien à peu près ainsi même chez les oiseaux, où les œufs forment en général un chapelet. — Pour les abeilles… des alvéoles séparées. On pourrait croire que toute cette phrase est une interpolation ; et ceci est d’autant plus probable que l’auteur se hâte de revenir à l’exemple des poules, qu’il citait avant de parler des serpents. — C’est tout le contraire. Ceci n’est pas assez clair, et il aurait fallu indiquer plus précisément la différence des gallinacés comparés aux reptiles. — Dans la matière. Voir plus haut, § 26 et la note. — Beaucoup de petits. Même remarque.
  545. Moins souvent chez l’homme. Le fait est exact ; mais l’explication qu’en donne Aristote n’est peut-être pas suffisante ; je ne sais si la science contemporaine la ratifierait. — La femme… ce jeune. Le texte est moins précis, et il se sert d’expressions indéterminées. — Les femmes sont très fécondes… en Egypte. La même observation est consignée dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 9, p. 425, de ma traduction. — Sont plus féconds. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XIX, §§ 1 et suiv. — Fissipèdes. C’est la traduction littérale du mot grec. La science moderne admet aussi ce caractère ; mais elle le modifie quelque peu, et au lieu des fissipèdes, elle reconnaît les digitigrades, tels que les chiens, les chats, etc. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 142 et 149, édition de 1829. — Ceux de la chienne. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, § 6, sur les portées des chiennes. — Qui naissent aveugles. L’expression est peut-être trop forte ; les petits chiens ont seulement les yeux fermés ; mais ils ne sont pas aveugles. — Plus tard. Voir plus loin, ch. VI, § 2, ce qu’Aristote dit encore des petits naissant aveugles, et § 3. sur les porcs.
  546. La Nature prépare en quelque sorte… Ceci fait exception à l’habitude d’Aristote qui en général admire la Nature presque sans restriction ; et l’accusation ne paraît pas très bien justifiée. La dissemblance ne peut à aucun degré être confondue avec la monstruosité. — Comme des dissemblances. L’idée n’est pas juste autant que l’auteur le croit ; car tout alors serait monstrueux dans la Nature, puisqu’il n’y a rien d’identique. — Dont nous venons de parler. Les fissipèdes, au paragraphe précédent. — Des arrière-porcs. Voir sur cette expression l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVIII, § 3, p. 351, de ma traduction. — Une sorte de monstres. Dans l’Histoire des Animaux, c’est plutôt un accident qu’une monstruosité ; mais il est vrai que souvent la monstruosité est causée par un accident. — Quelque chose de trop ou quelque chose de moins. Il ne paraît pas que ce soit le cas des petits pourceaux ; seulement, ils sont faibles et mal venus.
  547. Contre la Nature prise absolument. La distinction est fort juste ; on ne peut pas dire que le monstre ne soit pas dans la Nature ; car il n’est que là comme tout le reste ; seulement, il est contre ses lois les plus ordinaires ; et c’est en cela qu’il nous étonne comme extraordinaire. — La Nature éternelle et nécessaire. Reflet de Dieu lui-même, ou de l’Être infini, que l’homme essaie de comprendre. — De telle façon… d’une façon tout autre. La distinction est profonde, et Aristote l’a faite bien des fois ; c’est l’éternel opposé au périssable. — Ce n’est jamais au hasard. La science moderne a cru, comme Aristote le croit ici, qu’on peut soumettre à des règles la production même des monstres. — Contre nature… encore naturel. C’est une répétition ; mais le fait n’en est pas moins exact. — Qui fait l’espèce et la forme. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui a les deux sens.
  548. Précisément comme des monstres. Cette restriction est nécessaire. — Dont nous venons de parler. Voir plus haut le § 30 et la note. — Le péricarpe des fruits. Voir plus haut, § 27. Les monstruosités de ce genre se forment plus aisément dans les plantes que chez les animaux. — La Fumeuse. J’ai traduit le mot du texte au lieu de le reproduire simplement, comme l’ont fait plusieurs traducteurs. Kapnéos est très près de Kapnos, et je ne doute pas que l’étymologie ne soit la même. L’orthographe varie, Kapnéos, Kapnéos, Kapnios ; voir le Thésaurus d’Henri Etienne. Théophraste, Histoire des Plantes, liv. II, ch. III, § 2, édition Firmin Didot, dit à peu près la même chose qu’Aristote ; et comme lui, il trouve qu’il n’y a rien là de monstrueux. Dans le traité des Causes des Plantes, liv. V, ch. IIII, § 1, Théophrasle répète les mêmes considérations, et il ajoute que les devins eux-mêmes ne voient plus là de monstrueux présages, « attendu que ce qui est habituel n’est plus monstrueux ». On remarquera combien sont rapprochées les théories du maître et du disciple. C’est une preuve de l’authenticité parfaite des deux ouvrages. — Le plus habituellement. Je ne connais pas dans nos climats de vigne qui présente ces alternatives. — Tout à fait contre nature. Dans ce cas particulier, le phénomène ne serait en rien contre nature, puisqu’il est ordinaire. — À cause de cette fécondité même. La raison donnée par Aristote est très solide, et elle paraît vraisemblable. — Elle empêche les mouvements générateurs. C’est la traduction littérale ; mais on peut trouver que l’expression est bien vague, quoique la pensée soit assez claire. Voir plus haut, paragraphe 8.
  549. D’où vient la fécondité. Il serait bien difficile de découvrir la cause de ce phénomène ; il faut se borner à le constater. Sur ces variations dans la fécondité, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. X, XI et XII ; liv. VI, ch. I, IV et XIX. — Des membres en surnombre. C’est un cas assez fréquent, même dans les espèces unipares. — Telle espèce fait peu de petits. Cette question spéciale rentre dans la question générale des variétés dans la fécondité plus ou moins grande, selon les genres et même selon les individus. — Des membres entiers font défaut. On voit qu’Aristote n’avait négligé aucune des nuances de la monstruosité. — Plus de doigts qu’il ne faudrait. Cette difformité n’est pas très rare.
  550. Des deux sexes. Des exemples de ce genre se présentent toujours, bien qu’ils soient peu nombreux. — Tragœnes. J’ai reproduit le mot grec ; mais on pourrait traduire aussi : Les chèvres-boucs, ou les boucs-chèvres. — La corne était placée sur la jambe. Il n’y a rien là d’impossible ; il s’agit seulement de savoir si le fait est certain. — À l’intérieur du corps. Ainsi, Aristote poursuit cette étude des monstruosités aussi loin qu’on peut le faire ; et ces nouvelles observations sont essentiellement anatomiques. Aristote a du disséquer beaucoup. — Manquer… difformes… surnombre… changés de place. Voilà bien à peu près toutes les nuances des difformités plus ou moins monstrueuses. — Qui n’eût pas de cœur. Sous-entendu : « Dans les espèces qui doivent en avoir un ». La chose est de toute évidence, et si le cœur ne peut manquer, c’est qu’il est indispensable à la vie. — Qui n’ont pas de rate. Parce qu’en effet la rate ne semble pas aussi nécessaire que le cœur. — Qu’un seul rognon. Il est parlé aussi de ces déplacements monstrueux dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — Le foie ne manque jamais. Parce que, selon Aristote, le foie est aussi indispensable que le cœur. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 10 ; et Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. VII, § 8, et liv. IV, ch. II, § 8.
  551. Très bien formés d’ailleurs. Et qui n’ont que cette difformité. — Qui n’en vivent pas moins. Par exemple, des doigts en surnombre, soit aux pieds, soit aux mains. — De vésicule biliaire. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, § 7, où cette observation est déjà consignée. — Des déplacements… Tous ces faits sont réels ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — Comme on vient de le dire. Cette répétition à quelques lignes de distance paraît bien inutile ; c’est peut-être une glose qui, de la marge, sera passée dans le texte. — Un grand trouble, qui revêt les formes les plus diverses. C’est une observation profonde et très vraie.
  552. Reste encore assez faible. Suite d’observations excellentes. — Les organes essentiels à la vie. La science actuelle ne saurait mieux dire. — Une seule et même cause. La question est en effet fort obscure ; et elle n’est pas plus éclaircie pour nous qu’elle ne l’était dans l’Antiquité.
  553. Qu’un seul petit. Il n’y a rien en cela que de régulier et de naturel, tandis que les autres cas cités par Aristote sont de réelles monstruosités ; il est donc à croire que les causes sont différentes, et que la cause ne saurait être unique. — Les animaux les plus grands. L’observation est très juste ; mais l’homme, qui est beaucoup plus petit, est aussi en général unipare. — Les fissipèdes. Ou digitigrades ; voir plus haut, ch. III, § 29. — Si ce n’est le porc. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVII et ch. XVIII, §§ 2 et suiv. ; et aussi liv. II, ch. III, § 3. — Un très grand nombre. Il n’est pas rare qu’une truie ait jusqu’à douze petits.
  554. Il serait tout simple. Ces secrets de la Nature sont à peu près impénétrables pour l’homme. — Ils sécrétassent plus de sperme. Ceci est vrai ; mais la quantité n’importe guère. Pour que le nombre des petits fût plus considérable, il faudrait que l’organisation de la femelle fût tout autre. — C’est précisément… on ne s’en étonne plus. La remarque, qui peut être exacte dans bien des cas, ne l’est pas ici ; car l’étonnement peut toujours durer, et le philosophe le partage, puisqu’il pose la question. — C’est leur grosseur précisément. Voilà le vrai motif. — Est utilisée… pour la croissance. Et aussi, pour la production plus abondante de la liqueur spermatique, d’après ce qui vient d’être dit. — Fait profiter la sécrétion spermatique. La liqueur séminale n’est peut-être pas plus abondante ; mais le nombre des petits est beaucoup plus grand, comme Àristote le remarque au paragraphe qui suit.
  555. En plus grande quantité. La conséquence n’est pas rigoureuse, et il ne paraît pas que cette proportion existe dans la Nature. Ce n’est donc là qu’une hypothèse. — Le nombre et la petitesse. La réunion de ces deux conditions peut s’observer surtout chez les insectes. — Le nombre et la grosseur… La remarque est très juste, et la raison en a été donnée plus haut. L’organisation de la femelle s’oppose, quand elle est grande, à ce qu’elle ait plusieurs petits à la fois. — La fécondité moyenne dans les moyennes grandeurs. Cette loi paraît en effet assez fréquente ; mais elle n’est pas sans exception, comme le prouve l’exemple du porc, cite plus haut. — Antérieurement. Je ne trouve rien dans les autres ouvrages d’Aristote où cette question ait été traitée avec quelque développement. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote se contente de dire que les dimensions des êtres animés sont différentes, liv. I, ch. I, § 5 ; et ch. V, § 13, il compare les animaux privés de sang avec ceux qui ont du sang, les animaux aquatiques et les animaux terrestres, sous le rapport de la grandeur. C’est peut-être à ce dernier passage qu’il est fait allusion ici. — Telle espèce… les solipèdes. Toutes ces observations sont exactes.
  556. De fécondité. J’ai ajouté ces mots pour plus de précision. Le texte est plus vague. Peut-être ici faudrait-il renverser les pensées, et dire que les différences de fécondité se règlent sur la grandeur des corps. L’auteur le sent bien lui-même ; et, dans la phrase qui suit, il revient à la pensée que nous indiquons. — Et cette fécondité ne dépend pas… Il serait possible que tout ce passage ne fut qu’une interpolation et une critique passée de la marge dans le texte, comme il est arrivé plus d’une fois. — L’éléphant… est fissipède. La science moderne n’admettrait pas cette classification. L’éléphant a cinq doigts à chaque pied ; ces doigts sont parfaitement distincts dans le squelette ; mais sur l’être vivant, ils sont tellement encroûtés dans la peau calleuse qui entoure le pied qu’ils n’apparaissent au dehors que par les ongles, attachés sur le bord de cette espèce de sabot ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 237, édit. de 1829 ; voir aussi Histoire des Animaux, liv. III, ch. IX, § 6. — Le chameau… a le pied fourchu. Comme les autres ruminants ; mais l’organisation de son pied est un peu différente ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 256. — C’est par la même raison. Cette raison n’a pas été donnée très clairement. — Les plus grands ont peu de progéniture. Voir plus haut, § 6. — Dans les végétaux. On doit remarquer cette habitude d’Aristote de rapprocher les végétaux et les animaux, aussi souvent qu’il le peut. C’est déjà de la biologie. Ce point de vue se trouve développé dans le Traité de l’Ame, qui n’est qu’une théorie du principe vital, exposé depuis la plante jusqu’à l’homme. — Qui donnent le plus de fruits. Ceci n’est peut-être pas très exact.
  557. Voilà donc… Aristote a plutôt constaté les faits qu’il ne les a expliqués ; il n’y a point à lui en faire un reproche ; car ici comme partout les causes sont fort obscures. — Celle-ci l’est davantage encore. On doit reconnaître dans ces questions la curiosité ardente dont le philosophe était animé. — Suffit-il d’un seul accouplement. La réponse à cette question est aujourd’hui plus facile, du moment qu’on sait ce que renferment les ovaires des femelles et les testicules des mâles. Mais ces découvertes sont même pour nous fort récentes ; et les Anciens n’ont pas pu connaître les faits qu’elles nous révèlent. — Le sperme du mâle… Cette théorie, qu’Aristote réfute, a prévalu jusque dans ces derniers temps ; et elle a peut-être même encore de nombreux partisans. — Il coagule et anime. Cette théorie se rapproche beaucoup des théories nouvelles, dont on peut dire qu’Aristote a eu le pressentiment. — Comme la présure agit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, § 11 ; voir aussi plus haut, liv. I, ch. II et suiv., sur le sperme et son action. — Un seul et unique fœtus. L’organisation, aujourd’hui bien connue, des ovaires, répond en partie à cette question.
  558. N’agit-il pas comme la présure. Ceci aurait dû avertir e naturaliste que la comparaison n’est pas très juste, et que la liqueur séminale est tout autre chose que la présure, dont l’action est purement matérielle et chimique. Voir plus loin, § 14. — Dire que ce sont… Ces théories, réfutées ici par Aristote, étaient peut-être celles de Démocrite, d’Empédocle ou d’Anaxagore. — Les cotylédons. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 25, et liv. VII, ch. VII, § 3. Il est difficile, dans cette partie si compliquée de l’organisation humaine, de savoir précisément ce qu’Aristote entend par les cotylédons de la matrice ou de l’utérus. Pour la physiologie actuelle, les cotylédons sont les lobes charnus du placenta, formé dans l’épaisseur de la membrane caduque ; ils s’y engrènent et s’y développent aux dépens du chorion. Mais quel que soit le sens qu’Aristote peut donner au mot de Cotylédon, il est évident qu’il avait poussé fort loin l’anatomie de ces parties, que l’on a aujourd’hui encore tant de peine à bien connaître. — Sont plus d’un. Ces mots sont déclarés inintelligibles par MM. Aubert et Wimmer. — Il y a deux fœtus. L’argument présenté comme il l’est ici n’est pas assez clair ; et voilà sans doute pourquoi l’auteur renvoie ses lecteurs à ses dessins anatomiques. — Se convaincre par l’Anatomie. C’est une preuve, après cent autres, de l’attention qu’Aristote apportait à ses dissections ; il cherchait à les fixer par des dessins, comme nous fixons aujourd’hui les nôtres par la photographie.
  559. Un développement régulier. On peut dire en effet que c’est là une loi de l’animalité ; le développement a des limites précises ; mais cependant il semble que, dans quelques espèces de zoophytes, la croissance n’a pas de bornes. — L’embryon qui sort de la matière spermatique. Ceci semblerait indiquer que les investigations d’Aristote le mettaient sur la voie de la découverte des spermatozoïdes. — Qu’il puisse se former d’une quantité quelconque. La quantité en ce sens n’est pas indéfiniment petite ; mais elle est tellement ténue qu’il est très difficile de l’apprécier.
  560. Il en résulte… Le sujet, au point de vue où se place Aristote, ne comporte évidemment que des conjectures ; mais il ne paraît pas que la quantité plus ou moins grande de liqueur séminale soit la cause de la multiplicité des fœtus. C’est la première solution qui se présente à l’esprit ; mais ce n’est pas la plus vraie. — Que le comportent les grandeurs régulières, que les fœtus doivent prendre dans le sein de la mère. — Que ce qui a été réglé par la Nature. Aristote s’en rapporte ici, comme il le fait partout, à la sagesse de la Nature. C’est ce que l’on peut faire de mieux, en suivant son exemple ; mais il reste toujours bien des obscurités impénétrables. — Il en est encore de même… plus de sperme. Toutes ces théories sont purement hypothétiques ; elles font voir seulement l’ardent désir qu’a l’auteur de percer ces ténèbres.
  561. N’échauffe pas l’eau de plus en plus. Au contraire, puisqu’il réchauffe jusqu’à la vaporiser. — Il y a une limite à la chaleur. Les Anciens pouvaient le croire, parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’observation que nous possédons ; mais aujourd’hui on peut affirmer que la chaleur n’a pas de limites, comme Aristote le suppose ; par suite, la comparaison qu’il établit ici n’a rien de solide et de démonstratif. — Elle s’évapore. C’est exact, et ceci aurait dû prouver au philosophe que la chaleur est sans borne. — Il semble donc… La conséquence n’a rien de rigoureux. — D’une certaine proportion. C’est bien vague, quoique au fond l’idée ne soit pas fausse. — Par suite. Ici encore, la conséquence ne paraît pas du tout rigoureuse. — Le lancent en un instant. Il ne paraît pas non plus que ceci soit exact d’une manière générale ; car bien des espèces font exception, ne serait-ce que l’espèce canine, qui est multipare.
  562. Indiquée plus haut. Voir § 10. — N’est pas très exacte. Il faut louer Aristote de revenir avec tant de soin sur ses propres théories et de les rectifier par un nouvel examen. — Certain volume… certaine qualité. La distinction est très juste. La qualité, c’est ici l’espèce et le sexe. — Une pure et simple quantité. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Aristote sent bien que, dans le phénomène de la génération, il y a le principe de la vie, qui n’apparaît pas dans l’action de la présure. La comparaison n’est donc pas possible.—D’une quantité quelconque. Ceci est hypothétique, et il n’y a aucun moyen de vérifier le fait. — À la puissance du patient. L’idée de Patient semble se rapporter au germe qui est dans la femelle, et qui reçoit la vie de l’action du mâle. J’ai du traduire le texte littéralement, sans être sûr de l’éclaircir.
  563. Dans les animaux unipares. C’est-à-dire l’espèce humaine particulièrement, et en général les quadrupèdes les plus grands. — Bien que l’excrétion soit abondante. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII. ch. II, § 8. — Qui vient d’une certaine quantité est d’une certaine quantité également. Le texte est tout aussi obscur que ma traduction. — Pas plus qu’il ne faut. Il semble au contraire que la liqueur séminale est surabondante, et que la moindre partie de cette liqueur suffit à la fécondation. — Les raisons que nous en avons données. Voir plus haut, § 11. — Est calculée par la Nature. Ce n’est pas la quantité de sperme qui détermine l’uniparité ; c’est la constitution même de la femelle, qui ne pourrait se prêter à la conception multipare, du moins dans la plupart des cas, comme Aristote lui-même le remarque, à la fin de ce paragraphe. — Pour des monstruosités. Ce ne sont pas des monstres précisément ; mais ce sont des cas extraordinaires.
  564. Quant à l’homme… Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 7, où des considérations de ce genre sont déjà présentées. — Que quand le corps est humide et chaud. Rien ne prouve l’exactitude de cette théorie. — Par suite de ses dimensions corporelles. Cette observation est exacte. — Il ne procrée qu’un seul petit. Dans la presque totalité des cas. — Les temps de la gestation soient irréguliers. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Qu’un seul temps. Le fait est très exact. — Bien qu’ils vivent moins souvent. Toutes ces observations sont vraies. Dans le traité hippocratique, intitulé : « Des chairs », l’auteur dit que les enfants nés à huit mois ne vivent jamais, édition Littré, tome VIII, p. 613. Dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., § 9, Aristote dit que c’est sur-tout en Egypte que les enfants nés à huit mois peuvent vivre, comme les autres ; en Grèce, il était plus difficile de les conserver.
  565. Les Problèmes. Voir les Problèmes, inédits, édition Firmin-Didot, section II, prob. 85, p. 307 ; Aristote ne parle dans ce passage que des enfants de sept, neuf et dix mois ; mais il ne s’occupe pas de ces variations particulières, et il ne parle que de la voix des nouveau-nés.
  566. Qui produit les jumeaux… les membres en surnombre. Peut-être le rapport qu’Aristote établit entre la génération gémellaire et les membres en surnombre, n’est-il pas très fondé. La science actuelle a d’autres théories, qui reposent sur des faits exacts. La génération gémellaire paraît tenir à ce que plusieurs vésicules de Graaf sont mûres en même temps, et que plusieurs ovules s’engagent simultanément dans les trompes. On peut supposer aussi qu’il y a plusieurs ovules contenus irrégulièrement dans une seule vésicule ; voir le traité élémentaire de Physiologie humaine, par M. Béclard, sixième édition, p. 1158. — Cette cause se trouve dans les germes. Il ne faut pas trop s’étonner de ces erreurs, et l’on doit se rappeler que les Anciens n’avaient pas le secours du microscope, qui nous a appris tant de choses, sans nous apprendre encore tout ce que nous désirons savoir. — Il arrive alors. Peut-être valait-il mieux constater simplement les faits, et ne pas chercher à les expliquer.
  567. C’est la division du sperme. Ce n’est là encore qu’une hypothèse, assez ingénieuse sans doute, mais que rien ne prouve. — Dans les cours d’eau. La comparaison est très claire ; mais il reste à montrer qu’elle s’applique aussi à la liqueur séminale. — Il en est tout à fait ainsi pour les embryons. C’est ce qu’il aurait fallu démontrer par l’anatomie ; mais les recherches de dissection n’étaient pas assez avancées du temps d’Aristote. Aujourd’hui même, notre science a les plus grandes peines à se rendre compte de toutes les évolutions que peut subir le sperme, ou que subissent les vésicules de Graaf et les ovules sortis des ovaires. — Ils se soudent plus aisément. Le fait est incontestable ; mais comment les embryons se sont-ils multipliés et sont-ils si près les uns des autres ? — Surtout quand la matière… Tous ces détails sont fort obscurs, et il est bien difficile de voir à quoi ils se rapportent dans la réalité. Je n’ai pas pu rendre ma traduction plus claire.
  568. Dans les cas… sont réunis. C’est l’hermaphrodisme, qui est toujours fort rare. — Est toujours bien conformé. Ce n’est pas toujours le cas, et il paraît qu’en général ni l’un ni l’autre de ces organes ne sont ce qu’ils devraient être, selon l’ordre naturel. — Que comme les plantes parasites. La comparaison n’est pas exacte de tous points ; la plante parasite est dans la Nature, tandis que l’organe dépareillé n’y est pas. — Quoiqu’elles ne soient pas naturelles. Au contraire, la nature de ces plantes est d’être parasites, et elles ne vivent pas séparément. — Les deux organes pareils. Deux organes mâles ou deux organes femelles. Mais il semble qu’il y a ici quelque confusion ; car alors les organes ne sont pas réunis, et ils sont sur des individus isolés. — Est absolument vainqueur. C’est-à-dire que le mâle produit un mâle. — Absolument vaincu. Quand le mâle produit une femelle. — L’un des organes est femelle. Ici au contraire, l’auteur semble parler d’organes différents, qui sont réunis irrégulièrement dans le même individu.
  569. La cause… peut s’appliquer… à tout l’animal. La pensée n’est pas assez développée pour être parfaitement intelligible ; mais il est certain que l’animal tout entier peut être affecté de monstruosité, comme l’est une de ses parties. Ce sont là les vrais monstres. — Une extrémité. Un pied, une main, déformations qui sont encore assez fréquentes. — La même cause qu’à l’avortement. Ceci ne saurait être exact, et les causes de l’avortement ne sont pas du tout les mêmes.
  570. Le surnombre des membres. C’est une monstruosité, tandis que le surnombre des petits est loin d’être aussi anormal. — Les monstruosités diffèrent. Aristote a bien raison de faire ces distinctions ; mais la science actuelle ne croit pas que les monstruosités tiennent généralement à de simples soudures. Il est une foule de phénomènes qui ne peuvent pas s’expliquer par là. — Ou symphyses. J’ai ajouté ce mot, qui n’est que la reproduction du mot grec. — Dans des organes plus grands et plus importants. Il n’a pas été question d’organes plus petits, et on ne voit pas assez nettement sur quoi porte la comparaison. — Les déplacements d’organes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — À des mouvements… à une matière. Ce sont là des explications bien vagues. — C’est au principe qu’il faut remonter. Ici, le principe n’est pas autre que le cœur. S’il n’y a qu’un cœur, c’est que l’animal est unique ; s’il y a deux cœurs, c’est qu’il y a plusieurs animaux.
  571. Souvent il arrive… Ces difformités ne sont pas précisément des monstruosités, puisque parfois on peut les guérir, comme l’indiquent les exemples cités plus bas. — Certains canaux. L’expression est bien vague ; mais la suite la précise davantage. — Se dérangent. Ou, Dévient. — On a observé des femmes. Preuve nouvelle de l’exactitude qu’Aristote apportait dans ses observations. — Spontanément ouvert… fendu par les médecins. Ces cas de difformité, soit congénère, soit adventice, ne sont pas très rares. — D’autres femmes sont mortes. Il est probable qu’Aristote avait été lui-même témoin de quelques-unes de ces catastrophes. Hippocrate, qui a fait un traité spécial sur les maladies des femmes, n’a pas parlé de ces difformités, et il ne s’est occupé que de pathologie ; voir Hippocrate, édition Littré, t. VIII, p. 339. L’opération dont parle Aristote est toujours fort délicate, et bien souvent elle est dangereuse, en cas d’atrésie.
  572. Mais plus bas. Cette difformité est très réelle, quoique assez rare. — Ils s’accroupissent. Comme le font toutes les femelles. Par Enfants, il faut entendre des Garçons — Les moutons par exemple. Il n’est pas sûr que cette affection morbide soit plus spéciale à la race ovine qu’à tout autre ; mais l’observation est plus facile sur des animaux domestiques. — A Périnthe. Ville de Thrace, sur la Propontide, ou mer de Marmara.
  573. Voilà… sur les monstruosités. Résumé exact des deux chapitres III et IV. Toutes ces théories sur les monstres sont sans doute critiquables dans bien des détails ; mais on ne saurait trop admirer l’étendue des observations d’Aristote ; il n’a omis aucune des parties de son sujet. La question de la génération comprend évidemment l’étude des monstres. On a cru de nos jours que cette étude était toute neuve ; on voit qu’il n’en était rien, et que les Anciens nous avaient tracé la route, à cet égard comme a bien d’autres. Voir ma Préface sur cette grande controverse.
  574. Il n’y a jamais de superfétation. Cette assertion est peut-être trop générale ; mais quoi qu’il en soit, cette nouvelle étude prouve qu’Aristote n’a négligé aucune partie de son sujet, traitant de la superfétation après la monstruosité. La science moderne s’est peu occupée de la superfétation, bien que quelques observateurs se soient consacrés à l’étude spéciale de ces phénomènes. MM. Aubert et Wimmer citent avec grand éloge l’ouvrage de M. Kussmaul (1859) ; ils citent aussi celui de M. Cassan, Paris, 1826. La superfétation tient peu de place dans les traités ordinaires de physiologie comparée. — Sont unipares. C’est là en effet la cause la plus générale, parce que l’animal étant organisé pour n’avoir habituellement qu’un seul petit, la superfétation devient fort difficile. — Chez les solipèdes. Les chevaux et les ânes, par exemple. — Toute l’excrétion est employée. Cette explication est toute logique. Sur la superfétation dans l’espèce humaine, voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, §§ 4 et suiv.
  575. De la grosseur d’un veau. L’observation est très vraie ; mais il faut sous-entendre, comparativement au veau, qu’il ne s’agit pas d’un veau qui vient de naître, mais d’un veau parvenu à toute sa croissance spéciale ; car autrement le petit de l’éléphant est beaucoup plus gros que le veau, au moment où le veau sort de la vache. — Parce que, du moment. Cette explication n’en est pas une à proprement parler ; et ici Aristote résout la question par la question. — Comme l’homme. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Une seconde copulation. Il paraît bien que les causes de la superfétation sont encore différentes de celle-là, et elles tiennent surtout à la disposition des ovules. En général, la superfétation s’explique par une copulation multiple ; mais il est des cas où cette explication n’est pas admissible, par exemple le cas où, après avoir accouché régulièrement, une femme accouche encore à trois, quatre ou cinq mois, d’un enfant à terme comme le premier. On suppose alors que la femme avait un double utérus, ou qu’il y a eu dans un des fœtus un arrêt de développement ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, p. 1159. — Plus d’une fois. Ces cas sont toujours très rares.
  576. Est celle que nous avons indiquée. C’est-à-dire, une seconde copulation. — A été plus abondant. Ce ne peut être là qu’une simple conjecture. — En se divisant. Même remarque ; mais ces erreurs sont bien excusables, quand on songe aux obscurités du sujet. — En dernier lieu après les autres. Le fait est exact ; mais ce n’est pas une explication du phénomène. — Le premier embryon a pris quelque croissance. C’est le cas supposé dans la note du paragraphe qui précède. — La matrice se referme. L’expression dont Aristote se sert ici n’est peut-être pas fort exacte. Mais le fait est exactement indiqué ; la matrice subit des changements considérables après la copulation. Cependant ces changements de l’utérus et de la matrice ne constituent pas une fermeture, surtout « jusqu’au temps de l’accouchement ». La matrice s’élève et refoule les organes contenus dans le ventre et la masse intestinale ; voir M. Béclard, loc. cit., p. 1197. — Si le fait se produit. L’expression est bien vague, et l’auteur veut sans doute parler d’une seconde copulation. — Les fausses-couches. Il est difficile de comprendre ce passage, qui aurait dû être plus développé ; on ne voit pas quelle est la différence entre ι fausse-couche et le phénomène qu’indique Aristote.
  577. Tourne tout entière au développement du premier embryon. Ceci n’est pas exact, à ce qu’il semble ; et dans les unipares, les deux jumeaux peuvent être également forts ; le second est tout aussi bien nourri que le premier. — Le fait se produit également. C’est-à-dire, sans doute, que l’excrétion spermatique tourne tout entière au développement du premier embryon ; du moins, c’est là le seul sens que présente le texte ; mais la pensée reste obscure, et l’on ne se rend pas compte assez nettement de la différence que l’auteur prétend établir entre les unipares et les multipares. — A déjà pris quelque croissance. Ceci est encore plus obscur que ce qui précède. — Qui naturellement pourrait être multipare. Ceci ne paraît pas du tout exact, et l’homme est au contraire essentiellement unipare. La génération gémellaire, sans être contre nature, est toujours très rare. — Ne puissent nourrir un second embryon. Ceci contredit la supposition de la multiparité humaine, dont l’auteur vient de parler. — Il en résulte… La conséquence n’a rien d’évident. Voir dans l’Histoire des Animaux. Ην. IX, ch. I, § 7, le portrait peu flatteur qu’Aristote fait de la femme.
  578. C’est la raison qu’on vient de dire. L’auteur n’a pas donné la raison de la prétendue lascivité de la femme ; peut-être veut-il seulement faire allusion à l’uniparité dans l’espèce humaine ; mais la jument est également unipare. — La rigidité de sa nature. Ceci aurait eu besoin de plus d’explication. Le mot dont se sert Aristote est assez obscur, et le commentaire qu’en donne Philopon ne l’éclaircit pas beaucoup ; il comprend que la matrice des juments est tellement épaisse que le flux menstruel a de la peine à passer. — Plus d’un embryon… un autre complètement. Ces théories sur la matrice de la jument supposent des observations anatomiques fort attentives. Aristote paraît en avoir tiré cette conséquence que la matrice de la jument, tout en pouvant contenir plus d’un embryon, ne peut pas cependant en contenir deux. — Très lascive. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, §§ 2 et suiv. — Parce qu’elle est soumise… Il n’est pas probable que ce soit là la vraie cause des ardeurs de la jument ; l’ânesse, qui a un cuir tout à fait analogue à celui de la jument, n’a pas les mêmes excitations sexuelles. — N’ont point d’évacuation purifiante. Le fait n’est pas faux ; mais il n’est pas non plus parfaitement exact, comme l’auteur lui-même le fait entendre, quelques lignes plus loin. — Ce que le rut est pour les mâles. Je ne crois pas que la science moderne puisse accepter cette assimilation. — À tissu rigide. Ceci s’explique par ce qui a été dit un peu plus haut. — Dans un état fort semblable à celui des mâles. Ceci est exagéré. — Une sortie de sperme. Même remarque. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. X, § 3, et ch. XIII, § 9 ; liv. II, ch. V, § 6.
  579. Aussi, les femmes… L’observation consignée dans ce paragraphe est très juste. — La sécrétion spermatique. Peut-être cette expression appliquée à la femme n’est-elle pas exacte. — Ces désirs, qu’elles ne pouvaient dominer. La physiologie actuelle ne pourrait que confirmer ces théories. — Parce qu’elles ont la matrice placée sous le diaphragme. Cette explication ne semble guère admissible. Voir sur la position des matrices l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 18. — Leurs testicules. Sur les testicules des oiseaux et des ovipares, voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 8, et liv. VI, ch. VIII, § 5. — Les matrices descendent… les testicules s’élèvent. Sur l’accouplement des oiseaux, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. II, § 3, et liv. VI, ch. I, § 5.
  580. On doit comprendre… on doit voir. Le résumé est exact ; mais les questions qu’agite l’auteur ne sont pas résolues aussi complètement qu’il semble le croire. Il n’y a pas d’ailleurs à s’en étonner, quand on se rappelle combien ces questions sont encore obscures.
  581. La superfétation est possible. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, § 4. — La seconde copulation… Ce cas se présente quelquefois dans l’espèce humaine. Après un premier accouchement régulier, il peut y en avoir un second non moins régulier, à trois, quatre ou cinq mois de distance. Il est évident que c’est le résultat d’un second rapprochement. — Et qui peuvent avoir plusieurs petits. Ceci est applicable aussi à notre espèce, bien que ce soit par exception. — Elles peuvent en avoir plusieurs à la fois. Bien que d’ordinaire elles n’en aient qu’un seul. — Leur corps n’est pas très gros. C’est encore le cas de l’espèce humaine. — Pour nourrir l’embryon. Il serait plus exact de dire ? « Un seul embryon ». — Peuvent concevoir de nouveaux embryons. Sans d’ailleurs les concevoir nécessairement.
  582. Ne se ferment pas. Il n’est pas facile de voir à quel fait réel ceci peut faire allusion. Aristote veut sans doute parler de la continuation des menstrues, même après la cohabitation. — Ce curieux phénomène. J’ai ajouté l’épithète, dont l’idée est implicitement comprise dans les mots du texte. — On en a vu… Le fait n’est pas très rare ; mais il se produit toujours aux dépens du fœtus, comme Aristote le dit, — Les espèces dont on vient de parler. C’est-à-dire, dans celles qui sont multipares ; voir le paragraphe précédent. — Chez les lièvres. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. II, § 2. — Qui présentent toujours des superfétations. Le fait n’est pas toujours constant ; mais il est très fréquent. — Il fait beaucoup de petits. Buffon, t. XIV, p. 427, édition de 1830, insiste aussi sur cette fécondité extraordinaire du lièvre. — Les fissipèdes sont en général très féconds. La science moderne n’est peut-être pas d’accord sur ce point avec le naturaliste grec.
  583. Il a beaucoup de sperme. C’est pour cela qu’il est si fécond. — Qui est vraiment extraordinaire. Il est très exact que l’organisation du lièvre a des singularités très remarquables. — Il est le seul animal… Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 217, édition de 1829, qui fait la même remarque : « L’intérieur de leur bouche et le dessous de leurs pieds sont garnis de poils, comme le reste de leur corps. » Buffon dit la même chose, loc. cit., p. 429 ; mais Aristote a la priorité sur Buffon et Cuvier. — Une sécrétion abondante. Je ne sais si physiologiquement ceci est bien exact. — Parmi les hommes… C’est une opinion assez répandue ; mais elle n’en est pas peut-être plus exacte. — Bien souvent des fœtus incomplets. Ceci tient sans doute à la lascivité des femelles et des mâles. Buffon, loc. cit, y a beaucoup insisté, en décrivant l’étrange organisation de cet animal.
  584. Des petits incomplets. L’expression est bien vague ; mais a suite montre qu’Aristote entend surtout par là que les petits naissent avec les yeux fermés ; voir le § 2. — De complets. Qui non seulement ont les yeux ouverts, mais dont tous les membres sont bien formés dès l’origine. — Les solipèdes. La zoologie actuelle a fait une famille des solipèdes sous le nom d’Equidés ; les sous-genres sont le cheval et l’âne, avec l’hémione, l’onagre, le zèbre, etc. Les équidés marchent sur l’extrémité du doigt du milieu, qui est entouré d’un large sabot ; voir M. Claus, Zoologie française, trad. franc., p. 1016. Le rhinocéros et le tapir sont du même ordre. — À pieds fourchus. Comme les cochons et les sangliers qui ont à tous leurs pieds deux doigts mitoyens, longs et armés de forts sabots, et deux latéraux, beaucoup plus courts, et ne touchant presque pas terre. Ce sont aussi les ruminants dont les quatre pieds sont terminés par deux doigts et deux sabots, qui se regardent par une face aplatie, en sorte qu’ils ont l’air d’un sabot unique qui aurait été fendu ; de là, le nom de pieds fourchus, ou bifurques ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254, édition de 1829. — Le plus souvent font deux petits. C’est particulièrement le cas des chèvres. — Il est plus facile. Le fait est évident, bien que la Nature ait assuré presque aussi bien l’existence des petits très nombreux des multipares. — Ces animaux les rejettent. Il ne semble pas que cette observation s’applique plus spécialement aux pieds fourchus. Chez tous les vivipares sans exception, le jeune sort du sein de la mère, quand il y a pris tout son développement, et qu’il ne peut plus y demeurer. — Qui pondent des larves. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 3 et 7 ; et liv. IV, ch. II, § 7.
  585. Sont à peine indiqués. C’est exagéré. — Qui naissent aveugles. Les petits ne sont pas précisément aveugles, puisqu’ils ont tous les organes de la vue ; mais leurs yeux sont fermés, et le restent plus ou moins longtemps. — La laie… elle a beaucoup de petits. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVIII, § 2, p. 350, de ma traduction, Aristote dit que la truie fait jusqu’à vingt petits, mais qu’elle ne peut les élever tous. La laie doit être dans le même cas, puisque le sanglier est l’origine de notre cochon domestique. Pour le temps de la gestation et le nombre des petits, Aristote assimile tout à fait la laie et la truie ; Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXV, § 3. — Il est solipède également, du moins dans quelques contrées. Le fait est tout au moins extraordinaire, et Aristote aurait dû nommer les contrées où il se produisait.
  586. Le porc a beaucoup de petits. Voir la note du paragraphe précédent. — Parce que la nourriture… La raison n’est pas très bonne ; car beaucoup d’autres animaux ont besoin aussi d’une nourriture très abondante, et ils n’ont pas autant de petits. — En tant que solipède. En supposant qu’en effet il y ait des cochons et des sangliers solipèdes. — Est assez équivoque. Ainsi, l’auteur lui-même reconnaît qu’il est bien douteux que le cochon soit un solipède. — Qu’un seul petit… Le cas doit être excessivement rare, et Aristote aurait dû le préciser davantage. — Le plus ordinairement. C’est en effet aux phénomènes les plus ordinaires qu’il faut s’attacher, pour en tirer des caractères vraiment scientifiques. — Qu’elle amène à terme. Ceci contredit en partie ce que dit Aristote dans l’Histoire des Animaux, au passage cite dans la note précédente, liv. VI, ch. XVIII, § 2. — Comme une terre grasse. La comparaison est assez juste. Cette forme de style est d’ailleurs fort rare dans Aristote.
  587. Et aveugles. En ce sens qu’au moment de la naissance les yeux ne sont pas ouverts, et qu’ils restent fermés quelque temps encore après. — La pie. Pour la pie en particulier, Aristote dit qu’elle fait jusqu’à neuf œufs, Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XIV, § 1. Je suppose que la Kitta des Grecs est notre pie. — C’est là ce qui explique… Les idées ne semblent pas se suivre très bien. — Si l’on crève les yeux à de jeunes hirondelles. On retrouve la même assertion dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. V, § 2. Je ne sais pas jusqu’à quel point le fait est exact.
  588. En général. L’explication est certainement ingénieuse, si elle n’est pas absolument exacte. — De les sustenter. J’ai pris le mot le plus indéfini possible ; mais il est clair qu’il s’agit de la nutrition intra-utérine. — En observant les enfants qui naissent à sept mois. La comparaison n’est pas tout à fait juste, en ce que la naissance à sept mois est contre nature, tandis que la difformité de certains jeunes à leur naissance est tout à fait naturelle. — Sans avoir certains canaux ouverts. Ceci prouve une grande curiosité d’observation ; mais il n’est pas sûr que les faits aient été bien observés. Il est douteux que les oreilles et les narines soient fermées, comme le croit Aristote.
  589. Il y a plus de mâles contrefaits. J’ignore si les statistiques médicales de notre temps confirment le fait énoncé ici ; dans l’Antiquité, il était bien plus difficile de recueillir ces renseignements ; et l’on ne devrait pas être trop surpris qu’Aristote se fût trompé, comme le croient MM. Aubert et Wimmer, note de la page 338. — Le mâle diffère beaucoup de la femelle. Le fait n’est pas exact ; et la chaleur naturelle des femmes est sensiblement égale à celle des hommes. J’ai conservé les mots de Mâle et de Femelle, pour me rapprocher davantage du texte. — Les fœtus mâles s’agitent beaucoup plus. C’est en général vers le cinquième mois que la mère sent remuer son enfant, parce qu’à ce moment les muscles du fœtus ont pris la force nécessaire au mouvement. Ce mouvement est d’ailleurs tout à fait automatique ; mais les physiologistes modernes n’ont pas remarqué que les fœtus mâles remuassent plus que les autres. Il est probable cependant qu’Aristote a raison, les garçons étant habituellement plus forts.
  590. C’est encore la même cause. C’est la différence des sexes qui, selon Aristote, cause cette différence de développement, — Ne se développent pas comme les mâles. C’est là un point que la science moderne paraît n’avoir point étudié ; il méritait cependant de l’être, et Aristote a eu grande raison de s’en occuper. Pour constater ce fait, il avait fallu faire beaucoup d’observations anatomiques, aux diverses époques de la grossesse. — Il faut plus de temps à la femelle qu’au mâle. Le phénomène est important, et il ne serait pas difficile de le vérifier. Je n’ai rien trouvé à ce sujet dans les ouvrages de physiologie que j’ai pu consulter. — Tout arrive chez les femelles. Il est certain que les petites filles sont toujours plus avancées que les garçons, à âge égal, — Plus faibles et plus froides. C’est incontestable qu’elles sont plus faibles ; mais elles ne sont pas plus froides. — Une infériorité. On pourrait traduire encore : « Une infirmité » ; et cette traduction serait peut-être plus exacte.
  591. Tant que le fœtus. Sous-entendu « Femelle » — À cause de sa froideur. Il n’est pas exact que la chaleur animale soit moindre chez les femmes que chez les hommes. L’assertion d’Aristote est donc purement hypothétique, et il ne dit pas sur quoi il prétendait la fonder. — Une sorte de coction. Cette comparaison n’est pas absolument fausse, puisque la vie est entretenue par une combustion continuelle d’oxygène. — La chaleur qui fait cuire. Le fait est exact ; mais il aurait fallu dire comment il s’applique à l’organisation humaine. — Ce qui est plus chaud cuit plus aisément. Même remarque. — Toute sa floraison. Le mot de Floraison ne répond pas tout à fait à l’expression grecque, qui signifie plutôt Pointe, Sommet. — La vieillesse. Ceci ne fait que répéter en partie le paragraphe précédent. — Parvient à son complément beaucoup plus tôt. Aristote a sans doute en vue les insectes et les animaux les plus petits, qui se forment en effet plus vite, parce qu’ils vivent moins longtemps. — Dans les œuvres que l’art produit. La comparaison est exacte d’une manière générale ; mais l’artiste, qui recherche la perfection et la beauté, peut aussi mettre plus de temps à des œuvres plus petites.
  592. C’est là aussi ce qui explique… La physiologie actuelle n’accepterait pas cette théorie ; mais elle est la conséquence de celles qui précèdent, sur la différence de chaleur entre le mâle et la femelle. — Les jumeaux mâle et femelle vivent plus rarement. Les Anciens, et Aristote en particulier, faisaient donc de la statistique médicale, moins exacte que la nôtre sans doute, mais analogue à la nôtre, dans son but et ses traits essentiels. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, § 3. — Dans les autres espèces. Il faut ajouter : Multipares. — Leur formation. Dans le sein de la mère ; voir les deux paragraphes précédents. — Ce phénomène n’est pas contre nature. Dans les multipares en effet, le nombre des mâles et des femelles est généralement à peu près le même. D’après des statistiques citées par MM. Aubert et Wimmer, le nombre des jumeaux des deux sexes n’est tout au plus que le tiers de celui des jumeaux d’un seul sexe.
  593. Est en parfaite santé. Il est bon de remarquer aussi que l’on observe les animaux de moins près que les hommes ; mais il est vrai que les bêtes de somme ne travaillent pas moins énergiquement pendant la gestation ; on emploie les juments et les ânesses jusqu’au dernier jour ; ce qui ne veut pas dire qu’elles ne souffrent pas. — À leur vie habituelle. L’observation est profondément vraie, et les femmes de la campagne accouchent d’ordinaire beaucoup plus aisément que celles des villes, précisément à cause du travail auquel elles se livrent. — Est moins apparente. Le fait est facile à vérifier. — La fatigue dissout les sécrétions. On peut facilement observer cet effet sur les changements que cause la gymnastique dans le tempérament de ceux qui s’y livrent. — Sont trop sédentaires. La même cause est indiquée dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VIII, § 3. — Les sécrétions s’amassent aussi. Ceci n’est peut-être qu’une interpolation, qui ne tient pas assez directement à ce qui précède. — La douleur exerce la respiration. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit., p. 443 de ma traduction. Au moment de l’accouchement, la femme peut seconder la Nature par l’effort qu’elle fait sur elle-même, pour expulser son fruit. La respiration joue son rôle dans cet effort ; mais ce rôle n’est pas aussi important qu’Aristote semble le croire.
  594. Ainsi qu’on l’a dit. Ceci se rapporte sans doute au passage de l’Histoire des Animaux qui vient d’être cité. — De douleur. J’ai précisé l’idée un peu plus que ne le fait le texte. — Pour ce qui concerne cette fonction. Même remarque. — Très faible… l’évacuation la plus abondante. Déjà, dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 6 et 7, Aristote a consigné des observations toutes semblables, quoique moins développées. Elles sont fort exactes ; et depuis lors, presque tous les auteurs les ont répétées. — Éprouvent un grand trouble. Tous les physiologistes ont constaté les mêmes faits, qui sont incontestables. — Elle tombe malade. On sait ce que sont les pâles couleurs chez les jeunes filles. — Surtout dans les premiers temps. C’est surtout un trouble nerveux, qui annonce les commencements de la grossesse ; puis viennent les nausées et les vomissements, le défaut d’appétit, la répugnance pour certains aliments, des perversions de goût, etc. Voir M. Béclard, Traité élémentaire de Physiologie, 6e édition, p. 1196. — Peut empêcher les évacuations. Ceci n’est pas faux ; mais la présence et l’accroissement du fœtus agissent surtout sur l’utérus, qui se développée ! qui gêne tous les organes voisins. La suppression des règles est en général le premier symptôme de la grossesse. — Il allège d’autant la mère. Sous le rapport qui est indiqué ici, on peut dire en effet que le fœtus allège la mère ; mais sous plusieurs autres, il rend sa situation de plus en plus pénible. Dans les dernières semaines de la gestation, les femmes sont fatiguées et presque épuisées, parce que les globules du sang ont, à ce qu’il paraît, beaucoup diminué en nombre.
  595. Dans les autres animaux. Cette comparaison de l’espèce humaine aux autres espèces constitue bien ce que nous appelons la physiologie comparée. — Tout à fait en rapport. C’est une simple conjecture ; mais elle est fort ingénieuse. — Les choses se passent… les oiseaux. Cette petite phrase pourrait bien être une interpolation ; peut-être, une note passée de la marge dans le texte. — Si, après que les fœtus sont déjà grands… L’explication peut paraître très plausible, et il est évident que la nutrition du fœtus doit empiéter de plus en plus sur celle de la mère. — La sécrétion ordinaire. C’est-à-dire, venue du flux menstruel. — Il y a peu de femmes. Ceci est parfaitement exact, bien que d’ailleurs les femmes soient plus ou moins troublées par la grossesse selon leur tempérament. — Ce sont celles… Cette explication est plausible, comme les précédentes. Dans l’édition d’Hippocrate donnée par Littré, le huitième volume presque entier est consacré à un Traité des Maladies des femmes ; une partie du septième est remplie du même sujet. Mais ces deux ouvrages ne sont pas d’Hippocrate ; ils ne sont pas même de l’école de Cos ; et le savant éditeur et traducteur les croit plutôt Cnidiens ; ils sont du reste fort curieux. Voir l’exposé de la doctrine hippocratique sur la génération, dans ma préface, t. I.
  596. Une môle. Dans le Traité hippocratique des Maladies des femmes, il est deux fois, et dans les mêmes termes, question de la môle, tome VIII, pp. 148 et 446, édition Έ. Littré. L’auteur attribue cette affection à l’accumulation des menstrues, et il regarde ce cas comme excessivement dangereux. Il ne paraît pas d’ailleurs qui ait poussé l’étude de ce singulier phénomène aussi loin qu’Aristote le fait dans ce chapitre. — Se produit quelquefois. Le cas est effectivement assez rare ; mais il vient toujours d’un rapprochement des sexes. — De ce qu’on nomme une môle. Cette formule, répétée deux fois dans ce paragraphe, semble indiquer que l’observation était alors peu connue. L’étymologie du mot dans les trois langues se rapproche beaucoup, et est presque identique ; il serait assez difficile de la justifier, puisqu’elle fait allusion à la forme d’une meule de moulin. — On a observé. Aristote ne dit pas que cette observation lui soit personnelle. — Trois ou quatre ans. Hippocrate, loc. cit., ne parle que de deux ou trois ans. — Un morceau de chair. Il y a une sorte d’organisation dans les môles et comme une végétation ; mais elles restent toujours informes, et les fœtus n’y ont jamais de membres distincts.
  597. On a même observé… Il n’y a rien d’impossible dans le fait qui est rapporté ici ; et du moment que le temps de la gestation a été dépassé, il n’y a pas de raison pour qu’il cesse. Les auteurs citent des exemples de môles portées pendant trente et quarante ans ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, édition et traduction du Traité de la Génération, p. 342 ; voir aussi leur Introduction, p. 20. — On a peine à les couper avec le fer. D’après des observations récentes, cette assertion n’aurait rien d’exagéré. — Dans les Problèmes. On ne trouve pas dans les Problèmes de passage qui confirme cette référence ; mais tout ce qui est dit ici de la môle est répété, presque mot pour mot, dans le Xe livre (apocryphe) de l’Histoire des Animaux, chapitre dernier, p. 216 et p. 410 de l’édition Firmin-Didot, troisième volume d’Aristote. — Que nos mets et nos aliments. La comparaison, sans être absolument fausse, est au moins singulière. — Une insuffisance de chaleur. La comparaison une fois admise, cette restriction peut sembler assez motivée. — Réduite à l’impuissance. C’est évident, et en effet l’œuvre est inachevée. — De là vient. La conséquence n’est pas nécessaire. — Vieillit avec la malade. La durée des môles n’a rien de régulier. — Entièrement achevée… absolument étranger. Cette description est ingénieuse, et elle fait assez bien comprendre la nature de la môle. — Une sorte de crudité. La crudité ne peut pas se confondre avec la dureté.
  598. On peut se demander. La question est en effet assez naturelle ; mais, comme le dit Aristote, elle est insoluble, non par elle-même, mais faute d’observations. Je ne sais pas si la science moderne a suppléé à cette lacune, que le philosophe signalait déjà, il y a plus de deux mille ans. — Faute d’observations. Il faut remarquer ce passage, appuyant une fois de plus les recommandations constantes d’Aristote. — La cause qu’on peut supposer. A défaut des observations qui manquent, Aristote essaie d’y suppléer par une hypothèse, dont il ne s’exagère pas la valeur. Cette hypothèse est très spécieuse, et elle incline à la négative, comme on le voit dans la fin de ce paragraphe. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 6 et 7, Aristote avance que, proportion gardée, la femme a des menstrues plus abondantes qu’aucune autre femelle. — Ce singulier produit. Le texte est moins précis. — Qu’on appelle la môle. Voir plus haut § 1 et la note. — Uniquement. Le fait n’est pas certain. La môle, d’ailleurs, se distingue chez la femme des grossesses extra-utérines. Ces grossesses sont généralement fatales ; mais il arrive aussi quelquefois, quoique très rarement, qu’on peut extraire l’enfant vivant du sein de la mère, par une opération chirurgicale.
  599. Le lait. Ce sujet nouveau ne tient pas directement à ce qui précède, et il est probable qu’il y aura eu ici quelque désordre dans le texte. On peut trouver que ce désordre se continue dans le cinquième livre jusqu’à la fin de l’ouvrage. Voir la Dissertation sur l’authenticité du traité de la Génération. La question du lait a été déjà exposée tout au long dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI ; liv. VI, ch. XVIII à XXVIII ; et liv. VII, ch. VI et X. — Vivipares en eux-mêmes. Voir, sur cette distinction entre les vivipares, l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, § 2. — Qu’à l’époque de la parturition. Le fait est de toute évidence. — De l’extérieur. C’est-à-dire, de leur mère. — Elle s’arrange de façon… Nouvel éloge de la sagesse de la Nature. — Et qu’il ne soit pas non plus jamais en retard. Si c’est bien là le sens du texte, on peut dire que le fait n’est pas aussi constant qu’Aristote semblerait le croire. Le lait est quelquefois en retard, et alors il est fort gênant. — La coïncidence est régulière. Le phénomène est exactement décrit, et ceci confirme le sens que j’ai adopté ; quelques commentateurs ont cru qu’il s’agissait d’une surabondance de lait et non d’un retard. Parfois, le lait de la mère est de deux ou trois jours en retard sur la naissance de l’enfant ; et c’est là, selon moi, ce qu’Aristote veut indiquer.
  600. Il n’y a qu’un seul temps pour la gestation. Le fait est certain, tandis que, dans l’espèce humaine, il y a trois ou quatre époques, sept mois, huit mois, neuf mois et même dix mois ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 8. — Dès le premier moment. En général, la différence est tout au plus de quelques jours, comme je viens de le dire. — Avant le septième mois. Parce que les enfants qui naissent au-dessous de sept mois ne sont pas viables. — Bon et nourrissant. Le texte dit simplement : Utile, — On comprend bien. C’est là une nécessité, puisque autrement l’enfant périrait dans presque tous les cas. Il ne semble pas, d’après tout ceci, que les Grecs aient employé l’allaitement factice pour les enfants, quoique la mythologie ait fait de la chèvre Amalthée la nourrice de Jupiter, dans l’île de Crète,
  601. Employée tout entière à développer le fœtus. Il faut entendre ici non pas la sécrétion proprement dite du lait, qui ne vient que plus tard, mais les menstrues qui, supprimées au dehors, doivent nourrir le fœtus au dedans. Elles ont un grand rapport avec le lait, puisqu’elles ne paraissent plus durant tout le temps de la lactation. Quand la mère n’allaite pas, le lait diminue peu à peu et disparaît en six semaines ; le flux menstruel recommence alors ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de Physiologie humaine, 6e édition, p. 1204. — Devienne salé, et de mauvais goût. En effet, le premier lait de la femme, ou colostrum, n’a pas toutes les qualités qu’il acquiert plus tard, et au bout d’un mois ; il a quelque chose d’acide et de purgatif, qui aide à la santé du nouveau-né. La chimie de nos jours a exactement analysé le lait, qui contient neuf dixièmes d’eau à peu près, du sucre, du beurre, du caséum et des sels insolubles. C’est un aliment complet, avec des éléments azotés et non azotés. — La sécrétion surabondante. La portion des menstrues employée à nourrir le fœtus se réduit de plus en plus, et le lait commence à s’élaborer pour sustenter l’enfant, dès qu’il est né, et qu’il peut sucer le sein maternel. — N’est plus retranchée. Parce quelle ne va plus à l’embryon. — Il y a un terme au progrès du fœtus. Ce terme est le moment de la parturition.
  602. À cet instant qu’il sort du sein maternel. Autrement, la vie de la mère serait en danger. Ainsi, la Nature a tout combiné admirablement. — Il change de vie. Le changement est considérable de la vie intra-utérine à la vie extérieure ; mais Aristote ne pouvait savoir combien ce changement est étendu. Ce n’est que dans des temps récents que la science a pu faire, si ce n’est achever, les études nécessaires. Tous nos physiologistes décrivent longuement ces transformations merveilleuses, qui permettent au nouveau-né, sortant du sein maternel, de s’accommoder de l’air extérieur. — Selon l’ordre primitif de l’organisme. C’est-à-dire que le flux menstruel réparait dans ses conditions normales de régularité, pour que la mère retrouve toute sa santé. — La partie principale… changer de lieu à leur gré. Toutes ces observations sont très exactes ; mais elles ne paraissent pas être très bien à leur place dans ce passage. — Puissent changer de lieu. C’est là une pensée très profonde, qui, depuis Aristote, a été répétée bien des fois par les plus grands naturalistes ; c’est la différence essentielle des animaux et des plantes ; voir Cuvier, Introduction au Règne animal, tome I, p. 18, édition de 1829 : « Leurs racines, ne pénétrant « point la terre, ils devaient pouvoir placer en eux-mêmes des provisions d’aliments et en porter le réservoir avec eux. » C’est toute la théorie aristotélique.
  603. C’est, en outre,… La digression continue, sans profit pour la pensée principale ; et l’auteur ne fait que se répéter, comme il le remarque lui-même, en se référant à ses études antérieures. — Dans nos études préliminaires. Voir liv. I, ch. X et suiv. — Le résidu spermatique… les menstrues. Aristote a déjà fait plusieurs fois ce rapprochement entre le sperme et les menstrues. Cette relation n’est pas fausse ; mais elle n’est pas aussi grande que l’auteur semble le croire. — De la nature du sang. C’est de toute évidence pour le flux menstruel ; mais si la liqueur séminale vient en effet du sang, comme tout le reste des sécrétions, elle subit une élaboration spéciale qui l’en distingue absolument. — L’origine du sang et des veines… Voir dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, et aussi même livre, ch. II, toute la théorie d’Aristote sur le sang et les veines. — Qui se trouve de même… Le cœur est en effet placé dans la partie thoracique du corps, entre les deux poumons, et cette partie est supérieure à la partie abdominale. — Le changement que produit cette sécrétion. Toutes les observations qui vont suivre sont d’une exactitude frappante. Sans doute, elles ne sont pas difficiles à faire ; mais Aristote semble être le premier qui les ait faites. Depuis lui, elles ont été répétées par tous les physiologistes qui se sont occupés du même sujet. — Le principe de la voix. Ces relations sont étroites, et Aristote les a déjà signalées en traitant de la castration, Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 8. — Son moteur… J’ai conservé la formule du texte, qui, d’ailleurs, est très claire, quoique un peu étrange.
  604. Se gonfle… Comme le dit l’auteur, le gonflement est sensible chez les garçons ; mais il l’est bien davantage chez les filles. Il n’est personne d’entre nous qui ne se rappelle les sensations douloureuses qui, à cette époque, se produisent dans les seins. — L’excrétion se porte abondamment en bas. L’explication est tout au moins très plausible ; mais il ne s’ensuit pas que le lieu des mamelles se vide. Il est vrai qu’Aristote peut répondre que ce lieu, tout en se vidant, se gonfle cependant en devenant spongieux. L’organisation des mamelles chez la femme est très compliquée et excessivement délicate : voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1203, 6e édition. Voir aussi des observations du même genre que toutes celles-ci dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. I, §§ 2 et suiv. — Dont les mamelles sont placées en bas. C’est-à-dire, sous le ventre, comme dans la plupart des mammifères quadrupèdes. — Se remarque dans tous les autres animaux. Ceci est de la physiologie comparée, et ces observations sont fort exactes. — Les connaisseurs dans chaque espèce. Il est assez probable qu’il y avait en Grèce des éleveurs, comme il y en a chez nous, et qu’ils étaient déjà fort habiles. — Surtout chez l’homme… Parce que l’observation est plus facile et plus sûre ; voir Histoire des Animaux, loc. cit.
  605. Cela tient… On peut admettre qu’il y a aussi d’autres causes que l’abondance des sécrétions ; mais, les théories d’Aristote étant données, l’explication est conséquente et presque nécessaire. Je ne sais pas d’ailleurs si la comparaison entre l’espèce humaine et les autres espèces est bien exacte, et si la science moderne peut l’accepter, par la vérification des faits. — Est le flux menstruel… c’est le sperme… Assimilation qu’Aristote fait toujours ; voir plus haut, § 5. — Ne reçoit plus… l’empêche.. de sortir. Il semble qu’il y a dans ceci quelque contradiction. — Qui sont vides. Voir le paragraphe précèdent. — Placés sur les mêmes canaux. Sans doute, ceci fait allusion aux canaux galactophores et aux canalicules qui s’y rendent ; Aristote ne les connaissait pas ; mais il pouvait les soupçonner. Les menstrues ne sortant pas, elles se reportaient et remontaient jusqu’aux mamelles. Cette anatomie physiologique n’est peut-être pas très exacte ; mais elle est fort ingénieuse, et il y a certainement des communications entre les mamelles et tout l’appareil génital.
  606. Est précisément dans ce cas. Ceci est trop vague ; mais j’ai du laisser ma traduction dans la même indécision. — Il y a deux causes. Les deux causes qu’Aristote indique ici, comme dans bien d’autres passages, c’est d’une part l’idée du mieux, et l’idée de la nécessité d’autre part. Il insiste, d’ailleurs, uniquement sur la seconde de ces idées. — En ce point. Ici encore l’expression est trop générale, et elle reste obscure. Il s’agit toujours des mamelles. — Toute sa coction. C’est-à-dire, son élaboration définitive, qui est bien, si l’on veut, une sorte de cuisson, portant les choses à toute leur maturité. Voir la théorie de la coction dans Hippocrate, Traité de l’Ancienne médecine, pp. 615 et 617, édition et traduction de Littré. — Une cause contraire. C’est-à-dire, par la diminution de la sécrétion, au lieu de son augmentation. — Prenne plus de nourriture. C’est un fait évident et de toute nécessité. — La coction est d’autant plus rapide. Il semble qu’il faudrait plutôt dire : « plus parfaite ».
  607. Que le lait… nous l’avons déjà dit. Voir toute la théorie du lait dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, §§ 1 et suiv., et aussi liv. VI, ch. XVII et suiv.; liv. VII, ch. VI, § 1, et ch. X, §§ 1 et 2. — D’une seule et même matière. Cette théorie est trop générale, et l’expression n’est pas suffisamment exacte. C’est bien le sang qui sert à toutes les sécrétions sans exception ; mais selon les organes et les parties, l’élaboration est essentiellement différente. Ainsi, le sang forme les parties solides aussi bien que les parties fluides, les os aussi bien que le lait, etc. — Le liquide sanguin. Appelé par excellence le fluide nourricier ; voir le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. II, III et IV ; et aussi ma préface à ce traité, p. XIII. — Qui a reçu toute sa coction. Il semble que ceci n’est pas spécial au lait, et qu’on pourrait en dire autant de toutes les autres sécrétions. — Et non pas du sang corrompu. Aristote a ici absolument raison dans sa critique contre Empédocle. — Du pus de couleur blanche. L’erreur est de toute évidence, et le pus ne serait qu’un poison, au lieu d’être une nourriture. — Au dixième jour du huitième mois. Cette indication, donnée par Empédocle, sans doute d’après ses observations propres, est assez exacte ; mais elle ne remonte peut-être pas assez haut. Dès la seconde moitié de la grossesse, vers le cinquième mois, il se produit un changement notable dans les mamelles ; voir les Fragments d’Empédocle, p. 10, v. 336, édition Mullach, Firmin-Didot. — Sont choses toutes contraires. C’est évident. — Dont la coction est parfaite. La preuve, c’est qu’il nourrit l’enfant.
  608. Pendant que les femmes allaitent. Toutes ces observations sont exactes, et elles n’ont rien de particulièrement difficile. — Elles ne conçoivent pas non plus. Ceci n’est pas parfaitement exact, si on prend cette assertion dans toute sa généralité ; et l’auteur le sent si bien qu’il la corrige dans ce qui suit. Si la conception a lieu, le lait cesse. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. X, § 2. — Est au fond la même. Le texte dit simplement : La même. J’ai fait une légère addition pour plus de clarté. — La Nature ne peut pas… La plupart du temps, au contraire, Aristote loue la Nature de sa fécondité, qu’il admire. Il a, d’ailleurs, ici parfaitement raison, et la lactation ne peut se faire en même temps que le flux menstruel a lieu. — Quelque violence. Qui vicie et détruit les lois posées par la Nature.
  609. Un accident contre nature. Dans le genre des monstres, dont Aristote s’est occupé précédemment. — A des temps parfaitement déterminés. C’est à une question qui est traitée tout au long dans l’Histoire des Animaux, liv. VI. Il n’y a que pour l’espèce humaine que l’époque de la naissance peut varier. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, §§ 8 et 9. — À fournir la nourriture nouvelle. Quand l’enfant est sorti du sein maternel. — Dont ce qu’on appelle le cordon ombilical. Voir, sur l’organisation du cordon ombilical, l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII, §§ 1 et suiv. — C’est à ce moment… Cette description est exacte dans ses grandes lignes.
  610. La sortie naturelle du fœtus est par la tête. Cette disposition est surtout visible dans l’espèce humaine, et tous les physiologistes la décrivent de la même manière ; voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1196, 6e édition. — Au-dessus du cordon. C’est tout le thorax, terminé par le cou et la tête ; les parties au-dessous du cordon sont l’abdomen et les jambes. — Dans une balance. La comparaison est fort claire, et il est possible que ce soit le poids qui détermine la position du fœtus. Mais le poids n’en est pas la seule cause, et la dimension y est sans doute aussi pour beaucoup. Une fois que la tête de l’enfant a passé, tout le reste passe aisément, par l’ouverture vulvaire, qui s’est agrandie à mesure que les ligaments de la symphyse pubienne se relâchaient. Quand l’enfant se présente par les pieds, l’accouchement est excessivement pénible. Il faut faire alors la version de l’enfant, ce qui exige des mains fort habiles dans l’opérateur.
  611. Le plus ordinairement. C’est une réserve fort sage que le naturaliste doit toujours faire, parce qu’il n’y a pas de loi sans exception. — En rapport avec la durée de la vie. La question a été bien souvent agitée par la science moderne. — Les développements. Le grec dit précisément : Les générations. — La cause de la durée de la gestation. Le texte n’est pas aussi explicite ; j’ai cru devoir être plus clair dans la traduction, et il me semble que le contexte indique le sens que j’ai adopté : voir plus bas, § 3. Peut-être ne s’agit-il que de la durée de la vie. — Vivent longtemps. C’est vrai d’une manière générale, sans que ce soit vrai dans tous les cas.
  612. Si l’on en excepte l’éléphant. Voir plus bas, § 4, ce qui est dit de la durée de la gestation de l’éléphant. — Sérieusement. Le texte dit exactement : « D’une manière digne de foi ». Ceci prouve une fois de plus avec quelle attention Aristote observait les faits. — Que les animaux à queue. Il me semble que c’est la meilleure traduction de l’expression grecque ; certains traducteurs n’ont fait que la reproduire sans l’interpréter. — Bien d’autres espèces encore. Par exemple, parmi les animaux marins, qui sont les plus grands de tous. — L’air ambiant. C’est la traduction exacte ; j’aurais pu dire aussi : « Le milieu ». — De parler plus tard. Je ne sais pas dans quel ouvrage Aristote a pu revenir sur ce sujet. Dans le liv. VIII de l’Histoire des Animaux, il a traité, ch. XX, de l’influence des saisons sur les animaux, et ch. XVIII, de l’influence des lieux.
  613. C’est la grosseur des produits. L’explication est excellente ; et en effet, plus le produit est gros, plus il lui faut de temps pour se former. — Pour les êtres animés. Que sans doute Aristote compare, dans sa pensée, à la croissance des plantes, qui est aussi d’autant plus longue que la plante est plus grande. — Les chevaux. Qui font partie des animaux à queue, dont il est parlé au paragraphe précédent. — Les espèces congénères. La science moderne a fait une famille des équidés. — Une gestation plus longue. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, § 7, et liv. V, ch. XII, § 13. — Un an entier. Par exemple, la chamelle ; mais Aristote se contredit sur elle, lui donnant une gestation tantôt de douze mois, tantôt de dix. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 22, et liv. VI, ch. XXV, § 1. En fait, la chamelle porte un an.
  614. Pour l’éléphant. Il paraît certain que l’éléphant porte deux ans ; voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 28. Dans le liv. VI, ch. XXV, § 2. Aristote semble moins sûr de la durée de la gestation de l’éléphant, puisqu’il parle de dix-huit mois ou de trois ans. Il y a des naturalistes modernes qui croient que l’éléphant porte vingt mois et demi. L’observation est très difficile dans nos climats ; elle ne devrait pas l’être dans l’Inde et en Afrique, et l’on devrait savoir très exactement ce qu’il en est. — C’est sa grosseur prodigieuse qui l’exige. L’explication est très plausible.
  615. De la gestation, des naissances, et des existences. Dans l’Antiquité, on ne pouvait tenir des statistiques bien exactes, qu’aujourd’hui même nous avons tant de peine à obtenir ; mais c’était déjà beaucoup que d’en sentir le besoin. — Les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont beaucoup plus frappantes que celles du soleil, et voilà comment, chez les Grecs et chez bien d’autres peuples, elles ont servi à mesurer le temps. — Le mois est une période commune. C’est-à-dire que le mois est employé de part et d’autre ; mais il n’a pas la même durée. Les relations des deux astres n’ont pas été bien connues par l’Antiquité.
  616. De qui elle emprunte sa lumière. On sait de reste que le fait est exact, et que la lumière de la lune n’est qu’un reflet de celle du soleil ; mais cette notion devait être encore bien neuve au temps d’Aristote. On ne la trouve pas dans son Traité du Ciel ; voir ma traduction, liv. II, ch. XI, XII et XIII. — Un soleil plus petit. La comparaison n’est pas absolument juste ; car si la lune est en effet plus petite, elle n’a pas de lumière, ni de chaleur, par elle-même, comme le soleil. — Elle agit. L’action de la lune n’est pas nulle sans doute ; mais elle n’a pas toute l’influence que l’auteur semble lui attribuer ici. — Déterminent les naissances et ensuite les morts. Ceci serait évidemment fort exagéré, si l’on prenait ces expressions du texte au pied de la lettre ; mais il s’agit uniquement de la mesure du temps par les périodes de ces deux astres, ainsi qu’Aristote le dit lui-même, dans la fin de ce paragraphe. Mais dans le paragraphe suivant, il semble revenir aux superstitions vulgaires sur l’influence des astres.
  617. De même qu’on voit la mer… Cette comparaison est dénuée de toute justesse, et l’on peut s’étonner qu’Aristote se la soit permise. — Que les vents soufflent ou sont en repos. Ce sont bien les vents en effet qui soulèvent les flots ; mais il ne paraît pas aussi exact que les vents soient soumis à l’action du soleil et de la lune. Ils tiennent à d’autres causes qui ne sont pas encore très bien étudiées. — Qui en viennent. Ceci est obscur ; mais c’est la traduction exacte du texte. — Ressentir ce qui se passe dans ces astres. C’est le sens le plus probable ; mais l’expression du texte est équivoque. — Les périodes des choses inférieures. C’est-à-dire, tous les phénomènes qui se passent sur la terre, regardée comme inférieure à la lune et au soleil. — Une sorte de vie. Avec cette réserve, la métaphore n’est pas trop fausse.
  618. Il est possible… Non seulement le philosophe devait trouver la chose possible ; mais il pouvait la trouver nécessaire. — La révolution circulaire. C’est le sens du mot grec, décomposé selon son étymologie. — La Nature tend toujours… Une paraît pas que la pensée soit très juste ; c’est l’homme qui mesure par les révolutions des astres la durée plus ou moins longue de tous les êtres ; mais la Nature n’intervient pas dans ces supputations, qui ne sont qu’à nous. — L’indétermination de la matière. Ceci n’est peut-être pas très aristotélique, et le philosophe n’a jamais compris ainsi l’indétermination de la matière ; elle n’est pour lui que l’aptitude à recevoir indifféremment toutes les formes. — De la multiplicité des principes. Même remarque. — D’accidents contre nature. Les monstres, par exemple, sans parler de bien d’autres phénomènes, oui sont contraires au cours habituel des choses.
  619. Voilà tout ce que nous avions à dire. C’est un résumé assez fidèle de tout ce traité qui semble finir ici. Voir la Dissertation préliminaire sur la composition et l’authenticité du Traité de la Génération des animaux. Le cinquième livre ne tient pas à celui-ci.
  620. Il nous faut étudier maintenant. Il est de toute évidence que les matières traitées dans ce cinquième et dernier livre ne se rapportent en rien à la génération ; et il n’est pas moins clair qu’elles peuvent faire une suite très naturelle aux quatre livres du Traité des Parties des animaux. On en doit conclure que ce cinquième livre appartient à ce dernier ouvrage, et non point à celui-ci. J’ai exposé cette question, et je l’ai discutée tout au long dans la Dissertation spéciale qui suit la Préface, et à laquelle je prie le lecteur de vouloir bien se référer. MM. Aubert et Wimmer ont bien remarqué la différence des matières qui sépare le cinquième livre des quatre précédents ; mais ils n’y ont pas insisté, p. 354. — Les parties diverses des animaux. Les expressions même qu’emploie ici l’auteur indiquent assez que ceci se rattache étroitement au Traité des Parties. — J’entends, par exemple… Les exemples cités ici sont très clairs, et ils annoncent exactement tout ce qui va suivre sur la vision, sur le pelage des animaux, sur leur voix, et sur leurs dents. C’est toujours de la physiologie comparée ; mais la question de la génération n’y apparaît plus.
  621. À des espèces tout entières. La division que propose Aristote est très exacte, et les différences qu’il veut étudier se présentent en effet, soit dans l’espèce, soit dans les individus. — D’autres sont réparties au hasard… surtout… dans l’espèce humaine. Il serait bien difficile certainement de dire pourquoi tel homme a les yeux bleus et pourquoi tel autre les a gris, ou bruns, ou jaunâtres. — Que l’âge amène. L’action du temps se fait sentir sur tous les êtres sans exception ; mais elle agit différemment, selon les circonstances et les individualités. — La voix et la couleur des poils. Ce sont les questions qui rempliront en partie les chapitres suivants.
  622. Immédiatement après la naissance. Cette nouvelle division n’est pas moins exacte que les précédentes ; elle est déjà étudiée, en ce qui concerne le pelage des animaux, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 1 et suiv. — Qu’avec l’âge et la vieillesse. Ainsi, la puberté ne vient qu’à une certaine époque ; les cheveux de l’homme blanchissent avec l’âge. — Soit la même. Il est clair que la cause est différente ; mais c’est à la science de constater les effets et d’expliquer la cause, si elle le peut. — Ce n’est pas en vue de quelque fin… qu’elles se produisent. C’est alors ce que l’auteur vient d’appeler le hasard, dans le paragraphe précédent. — L’œil a une fin très précise. C’est la vision qui est la fin de l’œil, quelle que soit sa forme ou sa couleur. — À moins que cette affection ne s’étende à toute une espèce. Cette restriction ne semble pas très bien justifiée ; et la différence s’étendrait à toute une espèce que la cause n’en serait pas plus explicable pour nous, dans bien des cas.
  623. À la définition et à l’essence. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais il a les deux sens que je donne dans ma traduction. — Dans la matière et le principe moteur. Ceci aurait peut-être demandé quelque développement. — En commençant ces études. Il serait bien difficile de dire précisément à quoi ceci se rapporte ; il n’y a rien dans le Traité de la Génération qui réponde à cette référence, ni même dans le Traité des Parties des Animaux, si ce n’est peut-être le fameux passage où Aristote réfute l’opinion d’Anaxagore sur la main de l’homme, Traité des Parties, liv. IV, ch. X, § 14. L’homme a des mains, parce qu’il est intelligent ; mais il n’est pas intelligent, parce qu’il a des mains. — Le développement de l’être est la suite de son essence. La science moderne ne saurait mieux dire ; souvent même elle s’écarte de ce principe, qui est le vrai, et qui suppose dans la Nature l’action d’une intelligence infinie et créatrice.
  624. Les anciens Naturalistes. Il s’agit sans doute ici, comme dans bien d’autres passages, de Démocrite, d’Empédocle, d’Anaxagore. Empédocle est nommé particulièrement un peu plus bas, § 14. — Aux deux seules causes. Aristote répète ces mêmes critiques contre ses prédécesseurs, dans la Métaphysique. liv. I, ch. III, §§ 7 et suiv., et ch. VI. § 19. — Ils ne les ont comprises que confusément. Voir la Métaphysique, loc. cit. — De la définition essentielle et de la fin. Ce sont les deux causes auxquelles Aristote a toujours attaché le plus d’importance. — Complètement échappé à leur attention. C’est peut-être exagéré. — C’est par cette cause. Il est évident que tout ce qui précède la fin et la rend possible est moins considérable que la fin elle-même ; elle résume tous les développements antérieurs. — Dans le mouvement et le développement. Ce sont les actes successifs qui tendent au même résultat, c’est-à-dire, à la fin que l’être doit atteindre et représenter. — Ainsi, l’animal… Les exemples cités ne semblent pas très bien choisis, ni assez clairs. — Cette nécessité n’est pas la même. Ceci encore méritait une explication plus nette.
  625. Ces points une fois fixés. Ces points ne sont pas fixés aussi solidement que l’auteur le pense, et les conséquences qu’il en tire ne semblent pas en sortir rigoureusement. — Le plus souvent endormis. La loi indiquée par Aristote est juste, sans être tout à fait générale ; elle souffre des exceptions assez nombreuses ; mais il est vrai que, dans plusieurs espèces, les jeunes naissent avec les yeux fermés. — Même dans le sein de la mère. La vie intra-utérine n’a été bien étudiée que dans ces derniers temps ; mais on voit par ce passage que cette question préoccupait déjà l’Antiquité. Voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, pp. 1182-1192 ; voir aussi M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, 2e édition, tome II, pp. 861 et suiv. — À dormir. Le fait est exact. — Après avoir reçu la sensibilité. Les physiologistes modernes ont observé de très près l’organisation successive du système nerveux dans le foetus ; elle commence de très bonne heure, sans qu’on puisse préciser le moment ; mais le système nerveux semble exercer très peu d’influence sur la vie foetale. C’est après la naissance qu’il tient une si grande place. — On peut se demander. La curiosité des Anciens n’était pas moins vive que la nôtre. — Sont éveillés avant de dormir. C’est là une question que nous pouvons toujours nous poser. D’une manière générale, la vie du foetus est un perpétuel sommeil ; et l’on peut dire que le foetus s’éveille au moment de la naissance. — C’est-à-dire dans le sommeil. L’argument est ingénieux.
  626. Passer par l’état intermédiaire. C’est-à-dire, par un état qui n’est, ni la mort, ni la vie. La pensée est ici incomplètement exprimée ; mais la suite l’éclaircit. — Il est sur les confins de la vie et de la mort. Nous ne pourrions dire mieux. Du reste, la comparaison est tout indiquée, et Homère, en parlant du sommeil, le fait souvent le frère de la mort. Voir l’Iliade, chant XVI, V. 682. — Qu’il n’est pas ou qu’il est. La remarque est frappante. — À cause de la sensibilité qu’elle nous rend. C’est en effet le signe principal de la vie, bien que l’insensibilité ne suppose pas absolument la mort. — Ait essentiellement la faculté de sentir. C’est là, entre l’animal et la plante, la différence essentielle. Aristote a bien des fois insisté sur ce phénomène, qui sépare profondément les deux règnes. — C’est aussi l’état de toutes les plantes. Les plantes ont la vie et l’organisation ; mais elles ne sont pas sensibles, et les mouvements que quelques plantes éprouvent sont purement réflexes ; on ne peut pas dire qu’elles sentent réellement.
  627. Ils ont la vie du végétal. C’est fort exact ; mais la suite l’est moins. — Il est bien impossible que les plantes puissent sommeiller. Au contraire, il est prouvé que les plantes ont un sommeil qui leur est propre ; et bien des faits, qu’il était assez facile d’observer a l’approche de la nuit, pouvaient montrer ce qu’il en est. — Pas de sommeil sans réveil. L’objection est spécieuse : mais les plantes ont leur réveil particulier, comme elles ont leur sommeil. — Les jeunes animaux doivent dormir. Ceci peut se vérifier aisément sur les enfants, bien que l’explication que donne Aristote ne soit peut-être pas très juste. — Dans d’autres ouvrages. Voir le Traité du Sommeil et de la Veille, Opuscules psychologiques, p. 165 de ma traduction, ch. III, § 7. Les explications données dans ce traité, tant sur le sommeil des enfants que sur la différence de la plante et de l’animal, sont tout à fait semblables à celles qu’Aristote donne ici. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. X, et liv. VII, ch. IX, § 7, sur le sommeil des enfants.
  628. Semblent être éveillés. Il paraît prouvé que le foetus n’est jamais éveillé, et que les mouvements qu’il peut avoir dépendent bien plus du point où est arrivé son développement qu’ils ne dépendent de lui-même ; ils sont purement réflexes. — Par l’Anatomie. Nouvelle preuve, entre cent autres, qu’Aristote demandait à l’anatomie exactement ce que nous lui demandons. — Pour les petits des ovipares. Ceci est sans doute une allusion à l’étude qu’Aristote avait faite de l’œuf des gallinacés. — Aussitôt après leur naissance. Ceci n’est peut-être pas très exact. — Et ils s’affaissent de nouveau. On ne voit pas bien à quel phénomène réel ceci se rapporte. — C’est pour cela aussi. La conséquence n’est pas rigoureuse. — Ils dorment presque tout le temps. Le fait est certain. — Les enfants ne rient pas encore. On peut trouver que ces idées ne se suivent pas très bien, quoique en effet les enfants ne rient guère avant six semaines. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Même quand ils dorment. Ce sont les rêves, qu’on peut observer sur les animaux, comme chez l’homme. — Qui se lèvent en dormant… C’est le somnambulisme ; voir le Traité des rêves, Opuscules psychologiques, p. 181 de ma traduction. — Sans rêver le moins du monde. Ou plutôt, sans conserver le moindre souvenir de leurs actions.
  629. Se lèvent et marchent. Ce sont surtout les enfants et les personnes très nerveuses qui sont sujettes au somnambulisme. — Les yeux tout grands ouverts. On a pu faire assez souvent ces observations sur des personnes avec qui l’on vit. — Ce qui se passe autour d’eux. Les somnambules évitent en effet bien des obstacles, sans d’ailleurs savoir ce qu’ils font. — Ils ne sont pas éveillés… Toutes ces remarques sont fort exactes, et la science moderne n’a pu que répéter ce qu’Aristote dit ici. — Les enfants semblent en quelque sorte ignorer… Ceci n’est pas moins exact que tout ce qui précède, et cette ignorance fait en grande partie le charme de l’enfance. — De sentir et de vivre en dormant. Ceci est peut-être exagéré. — Grâce à leur croissance. Dans les débuts de la vie, c’est la partie haute du corps qui l’emporte ; mais, avec le temps, la partie inférieure prend le dessus, et elle acquiert assez de force pour que l’homme prenne la station droite, qui est son privilège exclusif. — Pendant plus en plus de temps. Dans la santé ordinaire, l’homme donne un tiers au sommeil et deux tiers à la veille. — Plus endormis que tous les autres animaux. Ceci n’est pas tout à fait exact. — Les plus imparfaits. Il y a beaucoup de jeunes dans les vivipares qui ne naissent pas plus parfaits que l’homme ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch ; III, §§ 9 et 10 ; et liv. VII, §§ 1, 2, 3.
  630. Les yeux sont plus bleus. C’est un fait que tout le monde a pu observer. — Ils changent ensuite. Ceci n’est pas moins exact. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VIII, § 3 ; et Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. VIII. Il est remarquable que, dans ces deux ouvrages, Aristote s’est peu occupé des yeux. La science moderne n’y a pas non plus donné grande attention. — Ne sont pas aussi apparents. L’explication d’Aristote est juste ; mais cela tient aussi à ce que nous observons les animaux beaucoup moins que nos semblables. — Les bœufs ont des yeux noirs. Je ne sais si le fait est absolument exact. — Les moutons… Même remarque. — De la couleur des yeux du bouc. C’est-à-dire, d’un jaune noirâtre.
  631. Chez les hommes. Comme les yeux de l’homme sont plus faciles à observer, ce qu’Aristote en dit est plus exact. — D’autres sont jaunes. Le fait est vrai, quoique les yeux de cette couleur soient assez rares. — Les deux yeux ne diffèrent pas. C’est le cas le plus ordinaire, en ce qui concerne la couleur ; car pour la force de la vision, il n’arrive presque jamais que les yeux soient parfaitement égaux. — Le cheval. Il paraît bien qu’en effet cette disposition des yeux est fréquente dans l’espèce des équidés. Comme le cheval est un animal domestique, il est presque aussi facile à l’observer que d’observer l’homme.
  632. On ne remarque rien de pareil. Le fait n’est peut-être pas aussi général que le dit Aristote ; mais, les animaux sauvages nous fuyant, il est bien difficile de les observer avec la constance nécessaire. — Il y a quelques hommes. Le cas est certainement fort rare ; et pour moi, je n’ai vu qu’une seule personne qui eût les yeux de couleur dissemblable. Cette différence produit un effet singulier sur toute la physionomie. — En cherchant à s’expliquer pourquoi. C’est toujours la recherche de la cause qui préoccupe le philosophe. — Une raison suffisante. Ce n’est pas à dire, par conséquent, que c’est la seule raison ; il peut y en avoir d’autres. Je ne sais pas si la physiologie moderne a fait des études sur ce point curieux. — Que les yeux des enfants soient plus bleus. Chacun de nous a pu faire cette observation. — Cela tient… Est-ce bien la cause véritable ? — La couleur bleue est une sorte de faiblesse. Pour le temps d’Aristote, la remarque peut sembler bien profonde. Dans le spectre solaire, il est certain que la couleur verte, qui est si répandue dans la Nature, tient le milieu, et qu’elle est la plus douce ; le bleu vient immédiatement après.
  633. Rechercher… la cause. C’est pour Aristote la préoccupation essentielle et la plus constante. Il a raison de chercher la cause, bien qu’ici elle nous échappe nécessairement. Il est amené par là à discuter les opinions de ses devanciers. — On ne saurait admettre. L’explication d’Empédocle est insuffisante ; mais celle qu’on essaie d’y substituer ne l’est pas moins. — Les yeux bleus sont ignés. On doit croire tout le contraire ; car en général les yeux bleus sont plus doux, et n’ont pas les éclairs qui peuvent faire penser au feu. — Ont plus d’eau que de feu. C’est une hypothèse purement arbitraire. — Les yeux bleus voient moins bien… les yeux noirs… Il n’y a rien de moins prouvé, et Empédocle semble faire ici une simple supposition. — N’est pas du tout exacte. Aristote a raison, sans que peut-être sa théorie vaille mieux que celle qu’il réfute. — La vue n’est pas du feu, mais de l’eau. Les humeurs de l’œil sont liquides ; et sous ce rapport, l’objection d’Aristote est parfaitement vraie.
  634. Trouver encore une autre cause. Aristote n’est donc pas si satisfait de son explication qu’il ne puisse en admettre une autre. — Dans le Traité des Sensations. Dans le Traité de la Sensation et des choses sensibles, Opuscules psychologiques, ch. II § 4, p. 28, de ma traduction, Aristote réfute l’opinion d’Empédocle et celle de Platon dans le Timée, l’un et l’autre croyant que la vue vient du feu. Dans ce passage, Aristote cite tout au long les vers d’Empédocle, comparant l’œil à une lanterne d’où sort la lumière. Il combat aussi Démocrite, bien qu’il reconnaisse que la vue est de l’eau. — Dans celui de l’Âme. Il n’y a rien de pareil dans le Traité de l’Âme, bien que la théorie de la vision y soit exposée tout au long, liv. II, ch. VII, p. 210 de ma traduction. Aristote y réfute encore Démocrite, § 6, p. 214 ; mais c’est sur un autre point relatif à la vision dans le vide. D’ailleurs, le Traité de l’Âme vient avant le Traité de la Sensation, ainsi que l’indique ce dernier ouvrage lui-même. — C’est là aussi la cause. La conséquence n’a rien de rigoureux ; mais parmi les hypothèses qu’on peut former sur un fait inexplicable, celle d’Aristote est aussi admissible qu’une autre.
  635. Ont plus d’eau. Ce n’est pas impossible. — Sont noirs. L’accumulation de l’eau ne change pas la couleur, et il y a des eaux très profondes qui sont d’une limpidité parfaite. — Sont peu diaphanes. C’est vrai d’une manière générale ; mais il y a bien des exceptions. — Les yeux qui ont peu d’eau sont bleus. L’explication est ingénieuse, si d’ailleurs elle n’est pas fort exacte. — Pour la mer. La couleur de l’eau tient plutôt à sa composition qu’à sa profondeur ; l’Océan n’est jamais bleu comme la Méditerranée, qui cependant n’est pas moins profonde. — Sa profondeur est insondable. Les Anciens avaient essayé de constater les diverses profondeurs des mers, comme nous l’essayons encore nous-mêmes. — Elle est noire. Ce n’est pas à la profondeur qu’est due la couleur noire ; car il y a des eaux qui ont cette couleur tout en étant très peu profondes.
  636. Les yeux bleus… les yeux noirs. Voir plus haut, § 14 ; c’est la réfutation de la théorie d’Empédocle dans sa seconde partie. — Sont plus agités par l’effet de la lumière. La composition de l’œil étant admise telle que l’expose Aristote, il s’ensuit qu’en effet une moindre quantité de liquide doit être plus agitée qu’une quantité plus grande. — Du liquide et du diaphane. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VII, pp. 210 et suiv. de ma traduction ; la théorie du diaphane y est longuement exposée. — En tant que diaphane. Tout ce passage est obscur, et le Traité de l’Âme n’est pas plus clair sur ce point. — À cause de la quantité d’eau… Ceci est bien la conséquence de ce qui précède, et l’explication est fort ingénieuse. — La lumière de la nuit. L’expression n’a rien que de correct ; car il n’y a jamais dans la nuit une obscurité absolue. — A beaucoup de peine à se mouvoir. On comprend que la lumière étant plus faible pendant la nuit, l’œil en reçoit moins d’impression et de mouvement. — Parce qu’un mouvement plus fort. La remarque est juste ; mais on ne voit pas bien comment elle s’applique ici.
  637. On cesse de voir. C’est une observation que chacun a pu faire bien des fois sur lui-même. L’explication n’est pas précisément celle que donne Aristote ; mais le phénomène tient tout entier au jeu de la pupille, qui se rétrécit, ou qui se développe, avec moins de rapidité qu’il ne convient ; au bout de peu de moments, la vision redevient tout ce qu’elle doit être. — Quand on passe de l’éclat du soleil aux ténèbres. C’est au fond le même phénomène, quoique en sens inverse ; la pupille n’est pas immédiatement dans l’état où elle doit être pour que la vision soit complète. — Le mouvement violent qui est dans l’œil. C’est la contraction ou la dilatation de la pupille, qui ne s’accomplit pas aussi vite qu’il le faudrait. — Ni une vue forte ni une vue faible. On ne peut pas assimiler ces deux sortes de vue autant que le fait Aristote ; l’une et l’autre ne se comportent pas également à l’égard des objets lumineux. — La partie liquide de l’œil. Les humeurs de l’œil en forment la partie liquide et y tiennent une place considérable, l’humeur aqueuse, l’humeur vitrée, etc.
  638. Les maladies… Les deux affections dont Aristote va parler sont bien en effet des maladies. — Le glaucome. On entend par glaucome l’épaississement de l’humeur vitrée qui trouble profondément la vue. — La nyctalopie. C’est l’affaiblissement de la vue pendant le jour, et le renouvellement de sa force pendant la nuit. Il n’est pas prouvé que l’une de ces maladies attaque plus particulièrement les yeux bleus, et l’autre les yeux noirs. — Une sécheresse des yeux. Il était possible, dans l’état des connaissances médicales au temps d’Aristote, de trouver que le glaucome était une sécheresse. — Surtout aux vieillards. L’observation est exacte, et il est bien rare qu’avec l’âge la vue ne s’obscurcisse pas. — Cette partie du corps se dessèche. Le phénomène est réel. — La nyctalopie… Je ne sais pas si la nyctalopie est attribuée par la science moderne à la cause qu’Aristote indique. — Le cerveau est chez eux plus liquide. Dans la jeunesse, toutes les sécrétions se font mieux que dans la vieillesse ; et, à mesure qu’on avance en âge, la constitution s’épuise et toutes les fonctions s’affaiblissent. Hippocrate et son école n’ont pas parlé du glaucome ; mais la nyctalopie leur était connue ; voir Hippocrate, tome V, pp. 193 et 333, et tome IX, pp. 65. 67 et 159, édition et traduction E. Littré. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote entend par glaucome, ainsi que le remarquent MM. Aubert et Wimmer.
  639. La vue la meilleure… La science moderne aurait peut-être de la peine à se prononcer sur cette question ; la puissance de la vue dépend tout à la fois de la nature des humeurs de l’œil et de sa forme. La combinaison de ces deux éléments est excessivement délicate, et la vision est plus ou moins bonne selon que l’un ou l’autre domine. — Le mouvement des couleurs. Qui viennent du dehors faire impression sur l’organe. — C’est aussi la nature de la peau. C’est là en effet un élément considérable dans tout l’appareil optique. L’anatomie de l’œil n’était pas assez avancée du temps d’Aristote pour qu’il se rendit compte de tous ces détails, comme nous pouvons le faire ; mais il a très bien compris de quelle importance ils pouvaient être. — Cette peau… C’est la cornée transparente, suivie de l’humeur aqueuse et de l’iris, qui colore l’œil de diverses nuances. La cornée est en effet d’une transparence parfaite, ainsi que l’indique Aristote. — Mince, blanche et bien unie. Ce sont bien là en effet les conditions que la cornée doit remplir pour que ses fonctions soient aussi efficaces que possible.
  640. Elle doit être mince. La cornée transparente n’a pas plus d’un millimètre d’épaisseur ; l’humeur aqueuse en a deux fois plus. La rétine et la choroïde, placées au fond de l’appareil, ont à peine un cinquième de millimètre. Le cristallin en a sept, et le corps vitré en a plus de douze ; voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, p. 818. M. Béclard emprunte lui-même ces données à M. Krauser. — En se plissant. Ceci semblerait indiquer qu’au lieu de dire Unie, il vaudrait peut-être mieux de dire Tendue. Il n’y a pas d’ailleurs à supposer que jamais ces parties de l’œil puissent se plisser. — Vient à se rider. Il avait fallu des observations anatomiques bien délicates pour constater ce fait. — Et s’épaissit avec les années. Il est certain que les meilleures vues s’obscurcissent avec les années ; mais il est possible que cet affaiblissement de la vision tienne encore à d’autres causes que l’épaississement des membranes. — Parce que le noir n’est pas diaphane. La raison est excellente, bien qu’Aristote ne connût pas la composition de la lumière. Le noir en effet absorbe tous les rayons lumineux, et c’est ainsi qu’il est la négation de toute lumière. — Les lanternes. On ne sait pas au juste de quelle matière se servaient les Anciens pour rendre leurs lanternes transparentes. C’était, à ce qu’on croit, des vessies ou de la corne ; plus tard, ce fut du verre. Voir le Dictionnaire de Rich, article Laterna. On a trouvé des lanternes dans les fouilles d’Herculanum et de Pompéi.
  641. Toutes ces causes réunies. La cause principale, c’est l’affaiblissement général que l’âge amène toujours avec lui. — Ont au début les yeux bleus. Voir plus haut, § 13. — Il y a peu d’eau dans leurs yeux. C’est la théorie propre d’Aristote ; il n’est pas sûr qu’elle soit la vraie. — Et les chevaux qui ont des yeux bleus. Les observations sur le cheval étaient déjà très nombreuses au temps d’Aristote, comme le prouvent les ouvrages de Xénophon ; voir ma préface à l’Histoire des Animaux, p. LXIX ; mais je ne sais pas si l’observation spéciale que fait ici Aristote est bien exacte. — Qui fait que les hommes blanchissent. Il est peu probable que la cause soit la même de part et d’autre. Le cheval peut blanchir, avec les années, dans une certaine mesure ; mais il ne devient jamais blanc comme l’homme ; et quelle qu’en soit la cause, ce n’est pas elle qui fait que le cheval a parfois des yeux bleus.
  642. Sont un signe de faiblesse. On peut voir que bien des gens, tout en ayant des yeux bleus, sont très forts et de la plus vigoureuse santé ; mais Aristote veut peut-être indiquer une faiblesse topique exclusivement. La suite de ce paragraphe semble le prouver. — Dans l’humidité du cerveau. Il n’est pas à croire que la composition de la masse encéphalique ait une action décisive sur la couleur des yeux. — En la cuisant dans les deux yeux. Cette expression, assez singulière, est bien celle qui convient à la théorie aristotélique sur la coction en général. Cette théorie remonte tout au moins à Hippocrate ; et elle n’est pas tout à fait fausse, en ce sens que les sécrétions peuvent être plus ou moins parfaites, et que les humeurs peuvent avoir plus ou moins de maturité, ou être plus ou moins crues. — L’un des deux yeux. C’est revenir à ce qui a été dit plus haut, § 13, sur la dissemblance de coloration dans les deux yeux ; ce n’est plus de la couleur bleue de l’iris qu’il s’agit.
  643. Certains animaux… les autres. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote parle de la vue perçante de l’aigle de mer, liv. IX, ch. XXIII, § 5 ; et de la vue très mauvaise des cigales, liv. V, ch. XXIV, § 5. — De deux manières. MM. Aubert et Wimmer remarquent que ces distinctions sont fort importantes en ophtalmologie. — Et la différence que nous remarquons. Le texte n’est pas aussi explicite. D’ailleurs, la théorie est parfaitement exacte ; car la vue n’est pas seule à être plus ou moins vive ; l’ouïe l’est également plus ou moins, ainsi que l’odorat. Aristote aurait pu en dire autant du goût et du toucher, en un mot de tous les sens. — Pouvoir distinguer les moindres détails. La vue alors est plutôt fine que perçante ; mais il est probable que, dans la langue grecque, c’était toujours le même mot qui servait à exprimer les deux facultés. — Qui abrite ses yeux avec la main. C’est le sens précis, à ce que je crois, de l’expression peu ordinaire dont se sert le texte. — Regardant par un tube. C’est le premier élément des lunettes, et l’on voit que, dès le temps d’Aristote, on cherchait à rendre la simple vue plus puissante. — Dans des trous ou dans des puits. Qui font en quelque sorte l’office du tuyau de la lunette, et du télescope, inventé plus tard.
  644. Des yeux très proéminents. L’observation est très fine et très juste ; mais le texte peut avoir encore un sens autre que celui que je lui donne dans ma traduction : « Si un animal a devant la vue un abri quelconque ». Il semblerait, d’après la fin de la phrase, que ce second sens serait préférable, quoiqu’un abri se comprenne bien pour l’homme et ne se comprenne guère pour les animaux. — Que l’eau qui est dans la pupille. C’est l’humeur aqueuse surtout, sans compter les autres humeurs, qui ne sont pas moins nécessaires pour la vision. — En rapport avec le mouvement venu du dehors. Il faut que l’organe puisse supporter la lumière, plus ou moins vive, qui lui vient des objets, et qu’il se mette en une certaine relation avec eux. — Si la peau de la surface n’est pas mince. MM. Aubert et Wimmer font remarquer que, dans ces conditions, la vision est impossible, et ils rejettent la petite phrase incidente : « Comme s’il était près ». Sur ce dernier point, je ne saurais partager leur avis. — Et bien recouverte. C’est-à-dire, ayant la peau de la surface très mince, comme Aristote l’indique quelques lignes plus haut.
  645. C’est dans l’œil même… Cette explication est très juste, quoique Aristote ne pût pas savoir sur la constitution de l’organe de la vue tout ce qu’en sait la physiologie moderne ; il est certain que la forme seule de l’œil suffit pour que la vue soit plus ou moins bonne ; et c’est précisément l’altération de cette forme qui affaiblit la vue avec l’âge, bien que d’ailleurs l’œil reste parfaitement sain. — De même que, sur un vêtement… Peut-être eût-il été possible de trouver une comparaison plus frappante. — Dans une vue très pure. C’est sur la rétine, qu’Aristote ne connaissait pas, que se peignent toutes les nuances des objets perçus par la vision. — C’est la position seule des yeux. Ceci n’est pas tout à fait exact. La position des yeux telle que l’entend l’auteur n’est pas indifférente sans doute ; mais c’est surtout la composition même de l’œil qui importe. — Arrive jusqu’à l’œil. Plus précisément : Jusqu’à la rétine. — Ceux qui ont les yeux saillants ne voient pas… Le fait n’est pas aussi général que le croit Aristote, et il y a des yeux très saillants qui voient très bien de loin. — Ne s’égare pas dans la largeur. Le renfoncement des yeux fait alors l’office d’un tube, et le rayon lumineux ne dévie pas. — S’il n’y a rien au devant des yeux. L’expression est trop vague, et l’auteur aurait pu être plus précis. — Le mouvement de la lumière. L’expression du texte est tout à fait indéterminée.
  646. Quelques naturalistes. Il eût été bon de nommer ces naturalistes. — La vision vient de l’œil… par le mouvement venu des choses. Dans le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VII, pp. 208 et suiv. de ma traduction, Aristote a fait la théorie générale de la vision : mais il n’a pas parlé des théories opposées à la sienne. Au § 6, loc. cit., p. 214, il réfute une opinion de Démocrite, qui croit qu’on pourrait voir tout aussi bien, et même mieux, dans le vide. Aristote soutient au contraire, et avec raison, qu’il faut un milieu pour que la vision soit possible. — La vue vient toujours d’un mouvement. Ceci est exact. — On verrait le mieux possible… C’est le pressentiment du télescope et des services qu’il peut rendre. C’est là aussi ce qui fait qu’on allonge de plus en plus les télescopes, quelque grandes que soient les difficultés de construction. — Une sorte de tuyau continu. On doit remarquer que ce desideratum remonte jusqu’à l’Antiquité. — Plus les choses seraient loin. C’est la conséquence rigoureuse de ce qui précède ; mais le fait n’est pas exact, et la science de l’optique ne l’admet pas. MM Aubert et Wimmer croient aussi qu’il faudrait ici dire tout le contraire. C’est aux physiciens qu’il appartient de juger.
  647. Pour l’ouïe et pour l’odorat. Voir plus haut, § 24, au chapitre précédent. — Aussi exactement que possible… de loin. C’est toujours la même distinction que pour la vue : la netteté et la portée. Ces différences sont très réelles. — C’est l’organe lui-même… comme pour la vue. Voir plus haut ch. I. § 26. — Si cet organe est sain. C’est-à-dire, s’il remplit toutes les conditions nécessaires à la perception complète. — La méninge. Ou la membrane. J’ai préféré conserver le mot grec, qui est le même pour l’œil et pour l’encéphale, tandis que, dans notre langue, il ne s’applique guère qu’à l’encéphale tout seul.
  648. Dans le Traité des Sensations. C’est le petit Traité de la sensation et des choses sensibles, qui ouvre les Opuscules psychologiques, les Parva naturalia ; voir ma traduction, ch. 12 et 13 ; mais dans ce passage, la théorie n’est pas la même que celle qui est exposée ici. C’est surtout le goût et le toucher qu’Aristote rapporte au cœur, les autres sens se rapportent au cerveau ; l’auteur y fit en propres termes que l’œil est une partie de l’encéphale. — L’organe qui sent l’air. Voir le traité de la Sensation et des choses sensibles, loc. cit., § 11. Dans la théorie d’Aristote, chaque sens semble devoir se rapporter à un des éléments ; mais cette théorie se heurte à cette difficulté qu’il n’y a que quatre éléments, tandis que les sens sont au nombre de cinq. — Le souffle naturel produit le pouls.. C’est seulement quand la physiologie a bien connu les fonctions du cœur qu’on a pu se rendre compte exactement du phénomène du pouls. — C’est par cet organe aussi. Cette petite phrase peut sembler une interpolation, et elle fait presque double emploi avec ce qui suit.
  649. Autant il est entré de mouvement… La pensée est fort ingénieuse, et le fait est rigoureusement vrai ; cela revient à dire qu’on répète ce qu’on a entendu. — Une seule et même impression. C’est un peu exagéré ; mais le phénomène est bien rendu. — Quand on bâille… on entend moins bien. C’est fort exact, et chacun de nous a pu en faire l’épreuve. — Se trouve sur la partie respiratoire. Il ne serait pas possible de justifier anatomiquement cette assertion ; mais il est certain qu’une gêne quelconque dans la circulation agit vivement sur le sens de l’ouïe ; par exemple, quand on éternue, on n’entend plus rien. L’explication que donne Aristote n’est pas admissible ; elle atteste uniquement une vive curiosité, qui cherche à se rendre compte des choses. — Dans les saisons… humides. Le fait est incontestable ; mais on peut l’expliquer autrement ; c’est la nature de l’atmosphère qui est changée ; ce n’est pas l’organe.
  650. Est sain et pur. Il n’y a dans le texte que le dernier adjectif ; j’ai cru devoir ajouter l’autre pour plus de clarté. — Ne sont pas moins manifestes que ceux de la vue. L’observation est très juste ; et, à cet égard, les trois sens se ressemblent absolument ; il y a des ouïes fines ou obtuses, et de même pour les odorats. — Sentir ou ne pas sentir de loin. Tel individu sent les odeurs, ou perçoit les sons, de plus ou moins loin que tel autre individu, de même que la vue varie également, et qu’elle est plus ou moins longue. — Des espèces de canaux. Qui font alors pour l’odoration ce que les tubes peuvent faire pour la vision. — Qui s’étendent loin dans ces parties. Ainsi, les chiens ont le museau plus ou moins allongé, et l’olfaction varie chez eux avec ces conditions mêmes. — Peuvent sentir de très loin. Au lieu de Sentir, on pourrait traduire : Odorer. — Les chiens de Laconie. On en faisait très grand cas dans toute la Grèce, et les chasseurs y tenaient beaucoup. Aristote en parle plusieurs fois dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, §§ 1 et suiv. ; liv. VIII, ch. XXVII, § 11 ; et liv. IX, ch. I § 4, n. Voir aussi ma préface, p. LXXI, à propos de l’étude de Xénophon sur les chiens de chasse. — Qui ont de longs nez. C’est l’organisation ordinaire des chiens de chasse. — Mais ils arrivent tout droit. On ne pourrait pas répondre de l’exactitude parfaite de cette explication. — Quand on se fait une ombre. Voir plus haut, ch. I, §§ 24 et suiv.
  651. Qui ont de longues oreilles. L’assimilation des deux sens est fort exacte, et les oreilles jouent, sous ce rapport, à peu près le même rôle que les narines. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote a dit quelques mots seulement des oreilles, liv. I, ch. IX ; et il n’a parlé que des oreilles de l’homme. Dans le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. XI, §§ 1 et suiv., il a dit quelques mots très concis des oreilles des quadrupèdes et de leur position. Les détails qu’il y donne sont exacts ; mais ils ne sont pas aussi développés qu’ici. — Quand ils ont à l’intérieur une longue spirale. Ceci indique évidemment des observations anatomiques et des dissections sur les organes de l’ouïe ; seulement, l’analyse n’a pas été poussée assez loin ; mais on sait qu’aujourd’hui même on a encore beaucoup d’études à faire sur l’organe auditif. — Prennent le mouvement à grande distance. L’image est très juste, et l’on conçoit très bien que de plus longues oreilles doivent recueillir plus de son, quand elles sont droites et larges. — Le moins bien organisé. C’est peut-être exagéré ; mais il est certain que bon nombre d’animaux ont l’ouïe plus fine que nous. — Les différences des choses. Sans doute parce qu’il est le seul à les comprendre. — Le moins terreux. Ceci répond à la théorie des quatre éléments, adoptée par Aristote et par toute l’Antiquité, jusqu’à la Renaissance. — Et le moins matériel. Mot à mot, Corporel. — La peau la plus fine. Ceci peut être exact, avec la réserve qu’y ajoute l’auteur.
  652. La Nature… Ici, comme dans cent autres passages, Aristote admire la sagesse infinie de la Nature. — Le phoque. Tout ce que l’auteur va dire de l’organisation du phoque est exact ; mais il peut sembler que c’est là une digression peu nécessaire. — N’a pas d’oreilles. Il faut sous-entendre : « à l’extérieur », puisque l’animal a les conduits auditifs. On peut voir des détails analogues dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 5. — N’aurait aucune utilité. On peut approuver complètement toutes ces explications ; et, en ceci, l’intention de l’auteur des choses est de toute évidence.
  653. Voilà ce que nous voulions dire ici. Ce résumé partiel est fort exact ; mais les études sur la vue, l’ouïe et l’odorat, ne se rapportent plus à la question de la génération ; voir la Dissertation préliminaire sur la composition du Traité de la Génération, t. I, à la suite de la Préface.
  654. La chevelure. Aristote a dit quelques mots de la chevelure de l’homme, en même temps qu’il traitait des poils en général, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 8 et 9, et aussi liv. I, ch. I, § 9, sur les poils des animaux. Il n’en a dit qu’un mot dans le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV, § 5. Ici l’étude est plus complète. — Selon l’âge. La calvitie et la blancheur sont, dans le cours des années, les deux principales affections de la chevelure humaine. — Elle en présente aussi. Dans notre langue, le mot de chevelure s’applique spécialement à l’homme ; dans la langue grecque, au contraire, le mot peut s’appliquer tout à la fois à l’homme et aux animaux. — Presque tous… Il y a en effet des exceptions assez nombreuses. — En guise de poils. L’idée est ingénieuse, et on peut la trouver vraie ; Aristote l’a déjà exprimée dans l’Histoire des Animaux liv. III, ch. X, § 4. — Et de quelques autres vivipares. Ils sont peu nombreux.
  655. Les différences des poils… Toutes ces observations sont exactes ; la science moderne y a donné moins d’attention. — La rudesse ou la douceur. Ces différences peuvent être remarquées dans notre espèce et dans toutes les autres, notamment chez les animaux domestiques, comme les chiens, les chats, etc. — Par les couleurs. La couleur du pelage est la plus frappante de ses qualités. — Simplement de l’âge. Ceci peut se voir surtout chez les enfants, dont la chevelure prend d’année en année une couleur plus foncée.
  656. C’est surtout dans l’homme. Les différences sont sans doute plus marquées dans notre espèce ; mais c’est là aussi qu’on peut les observer le plus aisément. — A mesure que l’homme vieillit. Ou plutôt : « Prend des années » à partir de l’enfance ; car plus tard, quand l’homme vieillit réellement, il perd peu à peu ses cheveux. — Enfant… calvitie… les femmes. Ces observations sont déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11. — Les cheveux blanchissent. C’est le cas le plus ordinaire de beaucoup ; il y a cependant des exceptions. — Pour ainsi dire. La restriction est nécessaire, et il y a des animaux qui, sans blanchir précisément, perdent leur couleur avec l’âge. — C’est le cheval. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8.
  657. Le devant de la tête… ceux des tempes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 9. — Jamais. C’est peut-être dire trop. Il y a dans ce genre des cas exceptionnels. — Des plumes… des écailles. Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 8, Aristote rapproche aussi les plumes et les écailles ; ici il fait les écailles et les plumes analogues aux poils. L’idée est profonde ; mais je ne sais pas si la science moderne peut l’accepter. — Subissent également quelques changements. Ces modifications sont évidentes chez les carpes qui vieillissent dans les viviers. — À peu près de même. La réserve que fait ici Aristote est indispensable, parce que, chez les animaux, les changements sont bien moins sensibles.
  658. Antérieurement… en traitant des Parties des Animaux. Dans le Traité des Parties, Aristote n’a consacré que quelques lignes à cette question, et il ne l’a pas étudiée longuement, comme on pourrait le croire d’après cette référence ; voir le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV, § 5. Aristote a bien exprimé son admiration pour la sagesse de la Nature dans une foule d’autres passages ; mais ce n’est pas dans celui-là. C’est indirectement qu’il s’y occupe de la chevelure de l’homme, à laquelle il ne s’arrête même pas ; et c’est à propos des cils et de la queue des animaux qu’il en dit quelque chose. — L’objet de la présente étude. Elle semble en effet être annoncée dans le Traité des Parties, loc. cit., § 6.
  659. C’est surtout la peau. Cette même théorie est développée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 2 ; et là aussi, Aristote fait dépendre la nature des poils de celle de la peau. — La peau. Ces variétés de la peau selon les espèces sont évidentes. — C’est la différence d’humidité. Cette même cause est indiquée d’un mot dans l’Histoire des Animaux, loc. cit. ; elle est très réelle. — Quelque chose de terreux. Ceci se rapporte à la théorie des quatre éléments, où la terre est regardée comme la matière de tout ce qui a quelque solidité. — Solide et terreuse. Même remarque.
  660. Les parties correspondantes. Les plumes et les écailles, d’après ce qui vient d’être dit plus haut ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 8. — Ne viennent pas de la chair… mais de la peau. La distinction est juste ; les poils ne vont pas jusqu’à la chair, et leur bulbe ne dépasse point l’épiderme. — Les poils épais. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 2, où cette explication est déjà donnée. — Les poils s’épaississent. C’est une répétition de ce qui précède. — La largeur des canaux. Il s’agit ici des vaisseaux capillaires, qui nourrissent la racine bulbeuse des poils. — Par l’étroitesse même des vaisseaux. Si l’on repousse cette théorie, il n’en faut pas moins rendre justice aux efforts que fait l’auteur pour bien comprendre les phénomènes.
  661. En général. En posant cette généralité, Aristote voit bien qu’elle souffre beaucoup d’exceptions, et il en indique lui-même une dans ce qui suit. — Les porcs… Dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, §§ 5 et 13, Aristote établit que le porc a des poils répandus sur tout le corps ; mais ces poils sont très peu nombreux. — Relativement aux bœufs. Cette différence est réelle, puisque le bœuf est couvert de poils ; mais elle ne l’est pas relativement à l’éléphant, qui n’a guère plus de poils que le cochon. — La même cause. C’est-à-dire, l’épaisseur de la peau. — Est la plus épaisse. Je ne sais pas si cette observation est parfaitement exacte, et il y a peut-être encore quelques autres parties du corps où la peau est au moins aussi épaisse, si ce n’est même plus épaisse. — Plus poreuse. Même remarque.
  662. Sont longs ou qu’ils sont courts. Il est probable que la dimension des poils tient encore à d’autres causes, notamment à la santé de l’animal. — L’humidité qui se vaporise. Il n’est pas présumable que la physiologie de notre temps accepte cette théorie ; mais je ne sais pas si elle a sur ce point des théories bien arrêtées. — Qui sont les plus longs. C’est parfaitement exact ; mais la cause reste toujours obscure. — L’encéphale, qui est humide et froid. Voir dans le Traité des Parties des Animaux les fonctions du cerveau, liv. II, ch. VII, §§ 14 et 15, et aussi liv. II, ch. X, § 5. Selon Aristote, le cerveau est essentiellement froid, et son rôle principal est de refroidir le corps tout entier, et notamment le cœur.
  663. Selon l’évaporation qu’ils contiennent. Cette théorie n’est pas acceptable. — De nature fumeuse. Voir ces distinctions de l’évaporation, ou exhalaison, dans la Météorologie, liv. I, ch. IV, § 2, et liv. III, ch. VII, § 4 ; voir aussi ma Préface à ce traité, p. VIII. L’exhalaison fumeuse vient de la terre ; l’exhalaison humide vient de l’eau ; c’est l’évaporation proprement dite. — Elle fait friser le poil. Il ne faut pas juger trop sévèrement ces théories ; peut-être aujourd’hui, l’explication de ce phénomène n’est-elle pas plus avancée. — Le terreux se dirige en bas. On ne voit pas trop comment ce mouvement peut se produire. — L’igné se dirige en haut. Ceci se rapporte toujours à la théorie des quatre éléments. Il y a, selon Aristote, de la terre et du feu tout à la fois dans le poil. — C’est là ce qui cause la frisure. L’auteur ne semble pas lui-même très sûr de cette explication, puisqu’il en donne encore une autre dans le paragraphe suivant.
  664. Mais il se peut aussi… Cette seconde explication ne semble pas meilleure que la précédente, et elle se fonde à peu près sur les mêmes arguments. — Par l’air ambiant. Il est certain que l’air ambiant a une grande influence sur les cheveux et sur les poils ; mais il y a des personnes qui ont les cheveux frisés naturellement, et le milieu n’y fait rien ; les cheveux, bien qu’éprouvant certaines impressions, n’en restent pas moins toujours frisés. — Sur un cheveu qu’on brûle. L’expérience est vraie ; mais elle n’explique rien pour la frisure naturelle. — Qui se trouve dans l’air environnant. Ceci n’explique pas la frisure naturelle, qui est cependant la plus importante. — La preuve, c’est que… Cette preuve n’a rien de décisif.
  665. Tous les animaux qui ont beaucoup d’humidité. C’est bien vague, même après tout ce qui précède. Qu’est-ce que l’auteur entend par l’humidité dans les animaux ? Nous dirions aujourd’hui : Lymphatiques. — La liqueur… sort en s’écoulant. L’auteur ne dit pas sur quelles observations s’appuie cette théorie. — Les Scythes du Pont et les Thraces. Ce sont les peuplades cosaques qui habitent encore les bords de la mer d’Azoff et les contrées au nord de la mer Égée, et sur les rives du Danube. Les connaissances des Anciens sur ces régions n’allaient pas plus loin, et elles étaient fort peu précises. Même au temps de Strabon, la Grèce ne paraît pas en savoir plus sur ces peuplades qu’au temps d’Homère, qui nomme les Thraces ; voir Strabon, liv. VII, ch. III, p. 246, 5, édition de Firmin Didot. La Thrace était plus rapprochée de la Grèce, puisqu’elle était en deçà du Danube, et que Philippe, père d’Alexandre, en fit la conquête ; la Scythie était beaucoup plus éloignée, et ses limites étaient encore plus indécises. En général, toutes ces populations étaient nomades, comme elles le sont encore en grande partie. — Ont les cheveux plats. C’est encore aujourd’hui un des signes caractéristiques de ces races. — L’air où ils vivent l’est comme eux. Cette circonstance n’est pas aussi générale que l’auteur semble le croire. — Les Éthiopiens. Ce sont les nègres. — Ont les cheveux crépus. C’est là une observation que tout le monde a pu faire ; mais au temps d’Aristote, les nègres étaient fort peu connus des Grecs ; et c’était par l’Égypte surtout qu’ils pouvaient les connaître. — Leur cerveau est sec. Sans doute par Cerveau il faut entendre le crâne ; car l’encéphale n’a rien à faire ici.
  666. Il y a des pachydermes. C’est le mot même du texte ; mais l’auteur semble un peu plus bas comprendre les moutons parmi les pachydermes ; on les comprend aujourd’hui parmi les ruminants, qui, il est vrai, sont très voisins des pachydermes ; voir Cuvier, Règne animal, t. I, pp. 236 et 254, édit. de 1829. — Un peu plus haut. Voir plus haut, §§ 7 et 8. — Plus leurs vaisseaux sont fins. Il n’est pas probable que cette raison soit la bonne ; voir plus faut, § 7, où déjà cette théorie est annoncée. — De là vient… Ceci implique qu’Aristote avait étudié d’assez près l’anatomie du mouton. — A des poils très fins. Les poils de la laine ne sont pas très fins, du moins dans nos climats. — Par exemple, le lièvre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 20, où Aristote parle de la disposition particulière des poils chez le lièvre, mais non de leur finesse. Il est certain d’ailleurs que le poil du lièvre est beaucoup plus fin que la laine du mouton. — Qui est le déchet du lin. Je crois que c’est la force du mot grec.
  667. Dans les climats froids… Dans l’Histoire des Animaux, Aristote cite plusieurs faits pour prouver l’influence que le climat exerce sur les moutons, liv. III, ch. I, § 19. — Ont les cheveux doux. Je ne sais pas jusqu’à quel point le fait est exact ; mais il semble assez peu probable. — Sauromates. Les peuples qui portaient ce nom habitaient les bords du Tanaïs, le Don, au nord des Palus Méotides ; les Grecs les connaissaient à peine, comme le remarque Strabon, liv. VII, ch. II, p. 245, 3, édition Firmin Didot, et aussi liv. II, ch. V, p. 106, 33. — Chez tous les animaux sauvages. Cependant, ils ne vivent pas tous dans des climats froids. — Terreux et durs. Voir plus haut, § 10. — Leur vie en plein air. Cette cause est bien plus réelle que l’action spéciale du froid.
  668. Dans les oursins de mer. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. V, §§ 3 et 4. — Qu’on emploie comme remède. Cette petite phrase pourrait bien être une interpolation ; elle interrompt assez inutilement la suite des idées. — À soixante brasses… C’est plus de cent mètres. On voit que les Anciens avaient songé aussi à l’exploration des grands fonds ; seulement, les moyens dont ils disposaient étaient beaucoup moins puissants que les nôtres. — La grandeur des piquants… L’explication n’est guère admissible ; mais elle est tout à fait conforme aux théories habituelles d’Aristote. — Ne proviennent que de résidu. Toutes les matières de sécrétion viennent du sang et des glandes, qui l’élaborent de tant de façons merveilleuses. — Par le froid et la gelée. C’est aller chercher bien loin l’explication d’une cause qui est beaucoup plus simple. L’animal produit ses piquants, comme tout le reste de son organisation, par le travail sécrétoire qui lui est propre.
  669. C’est de la même manière… les plantes. Aristote rapproche la plante et l’animal, toutes les fois qu’il en trouve l’occasion. — Celles des bas-fonds. Ou : Des vallées. — Elles ont… plus froid. Ceci est vrai pour certaines plantes, mais ce n’est pas vrai pour toutes. — La chaleur et le froid durcissent également les choses. L’assimilation est exacte jusqu’à un certain point, non pas seulement pour le durcissement, mais aussi pour d’autres modifications des corps. — Le froid agit indirectement. Ceci n’est pas assez clair, bien que la suite l’explique en partie. L’auteur veut dire sans doute que le froid, avant d’agir, doit d’abord chasser la chaleur. — Condense… dilate. Ces faits sont exacts, et au temps d’Aristote ces observations étaient neuves. Voir la Météorologie. liv. IV, ch. II, p. 280 de ma traduction.
  670. Avec les progrès de l’âge. Le fait est exact en général ; mais la disposition des poils dépend aussi beaucoup de la santé, qui influe au moins autant que l’âge. — Les plumes et les écailles. L’action des années se fait beaucoup moins remarquer sur ces matières, qui sont moins faciles à observer. — La peau devient plus dure. C’est bien là en effet le résultat de l’âge ; chez les enfants, la peau est toujours plus souple et plus douce. — Le mot même de Vieillesse. Il est vrai qu’en grec les deux mots se ressemblent, bien que, selon toute apparence, leurs étymologies n’aient pas le moindre rapport. — En grec. J’ai dû ajouter ces mots — L’humidité lui manque avec elle. Au paragraphe précédent, il a été dit qu’il n’y a pas d’humidité sans chaleur.
  671. C’est évidemment l’homme… On pourrait même dire que l’homme est le seul animal qui devienne chauve. — Parmi les plantes. C’est forcer les choses que de trouver que la chute des feuilles est une calvitie pour les plantes. La métaphore ne serait exacte que si la chevelure repoussait à l’homme chaque année, comme la verdure revient aux arbres. Voir plus bas, § 23. — Perdent également leurs plumes. Ce n’est pas davantage de la calvitie, puisque les plumes repoussent aussi. On peut trouver une admirable étude sur l’hibernation dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XVI à XIX. — Ce n’est que petit à petit… Ceci est comme une atténuation de ce qui vient d’être dit d’excessif. — Qui reviennent au même. C’est exagéré.
  672. Humidité… graisse,… plantes grasses. Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’insuffisance de ces théories ; pour les excuser, il ne faut que se rappeler à quelle époque elles appartiennent. Au début de la science, les erreurs sont inévitables, et nous ne devons pas être trop surpris de celles qui sont commises ici. — Le plus souvent. La restriction est justifiée ; car par exemple, toute la famille des cupressinées, qui a des feuilles persistantes, ne présente pas de plantes grasses. — Dans d’autres ouvrages. On ne sait précisément à quels autres ouvrages d’Aristote ceci fait allusion ; mais on peut croire d’après le texte que ce sont des ouvrages de botanique. Aristote s’était occupé aussi de cette science, bien qu’il en eût laissé l’étude à son élève Théophraste. — Il y a aussi d’autres causes. Ceci prouve que l’auteur ne s’abuse pas sur la valeur des théories qu’il vient d’exposer. — Pour les végétaux. Du moins, pour la plupart, si ce n’est pour tous. — Sur les animaux qui hibernent. On peut voir dans l’Histoire des Animaux toute une étude sur l’hibernation des animaux divers, liv. VIII, ch. XVI à XX, de ma traduction. A ce propos, je fais remarquer que le Dictionnaire de l’Académie française n’admet, ni le mot d’hibernation, ni celui d’hiberner ; ce sont cependant des mots indispensables et bien faits. Les mots d’hivernage et d’hiverner n’ont pas le même sens. — Et moins de chaleur naturelle. La température ordinaire de l’homme étant de 37°, beaucoup de mammifères ont plus de chaleur que lui. Quant aux animaux à sang froid, leur chaleur ne s’élève guère au-dessus de celle des milieux où ils vivent. Ainsi, l’on ne peut pas dire que les animaux aient moins de chaleur naturelle que l’homme, même ceux qui hibernent.
  673. Les hommes ont un hiver et un été. La métaphore est très juste si on la prend dans toute sa généralité ; la vie a ses saisons, moins marquées que celles de l’année, mais qui sont encore très sensibles, bien que les limites en soient moins déterminées. — Après avoir joui des plaisirs sexuels. Voir la même remarque dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11. — Qu’on les goûte davantage. Observation très exacte, qui est banale pour nous, mais qui était neuve au temps d’Aristote. — Le plus froid de tous les organes. La science moderne a fait beaucoup de recherches sur la température des diverses parties du corps ; mais je ne crois pas qu’elle se soit occupée spécialement de l’encéphale, où la température serait en effet très difficile à constater, pour ne pas dire impossible. On ne voit pas sur quel fait réel Aristote pouvait appuyer sa théorie. — L’acte vénérien refroidit. Le fait est incontestable, et l’observation est facile. — C’est le cerveau. Ceci est également fort exact, et il est certain que les passions du corps portent au cerveau et à la raison une atteinte d’autant plus forte qu’elles sont plus immodérées. — Le cerveau lui-même a peu de chaleur. C’est plus une hypothèse qu’un fait. — La peau… les cheveux. Le degré de chaleur est bien difficile à constater pour toutes ces matières. — Les libertins… Cette observation est fort exacte, comme toutes les précédentes. Voir sur la chaleur animale M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, 2e édition, tome II, pp. 904 et suiv.
  674. C’est aussi cette même cause. On ne comprend pas assez clairement quelle cause veut désigner l’auteur. — Que sur le devant de la tête. Voir plus haut, §§ 3 et 4. — C’est là qu’est le cerveau. Anatomiquement, ceci est inexact, et l’on peut dire que l’encéphale remplit tout l’intérieur de la boîte osseuse, puisque le cervelet y tient si peu de place. — Le plus considérable. Proportionnellement à la grandeur de son corps. Voir le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. VII, §, 10-15, de ma traduction. — Les femmes ne deviennent jamais chauves. C’est exact d’une manière générale ; mais il y a des exceptions. — Les unes et les autres… Cette assimilation des femmes aux enfants n’est pas exacte, sous le rapport qu’indique Aristote.
  675. L’eunuque non plus… Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11, où se trouvent des observations analogues. — Presque changé en femme. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII, § 3. Ces changements dans l’eunuque sont très réels. — Qui ne sont pas de naissance. Cette distinction est déjà faite dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8. Il n’y a guère de poils qui soient tout à fait de naissance ; mais il y en a qui viennent presque aussitôt après, et d’autres qui ne poussent que plus tard. — La mutilation… d’un homme en femme. Cette petite phrase ne fait que répéter ce qui précède ; et l’on pourrait la prendre pour une interpolation.
  676. Si les animaux qui hibernent… Aristote apporte ici quelques restrictions dans les ressemblances qu’il établit entre l’homme, les animaux et les plantes. Ces restrictions sont justifiées. — Les cheveux des chauves ne repoussent jamais. C’est exact ; et c’est que sans doute l’action qui fait tomber les cheveux, pénètre jusqu’au bulbe capillaire et le détruit. — Les phases. Ou : Les modifications. — Distinguer l’hiver, et l’été. Voir plus haut, § 18, où cette métaphore a été déjà employée. — Les âges divers ne reviennent pas. C’est là dans l’homme la grande différence, qu’on ne peut jamais perdre de vue. — Bien qu’au fond la cause soit la même. On peut le contester.
  677. Sur ces premiers changements du pelage. Dans ce chapitre, en effet, il est parlé de la position et de la nature des poils, de leur chute et de leur persistance. Dans le chapitre suivant, il sera traité de leur couleur. Voir plus haut, § 2, et aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, p. 267, de ma traduction, où il y a déjà une étude assez longue des poils chez les animaux. Tout ceci est très loin de la théorie de la génération, la seule dont il devrait être question dans le présent ouvrage.
  678. Quant aux couleurs. Ce sera le sujet unique de tout ce chapitre. Il est aussi question de la couleur du pelage dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8 ; il n’en est rien dit dans le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV. — À la nature de la peau. Il n’est pas probable que ce soit la peau qui, à elle seule, soit cause de la couleur des poils ; il y a sans doute, sous la peau elle-même, un certain pigment qui détermine la nuance. — Ce n’est pas la peau. Le texte est beaucoup plus concis ; mais le sens n’est pas douteux. — Par la vieillesse… à la suite de quelque maladie. La distinction est très exacte, et la cause dans les deux cas est très différente. — La lèpre blanche. Ou : Albinos ; j’ai préféré la première expression, afin de me rapprocher davantage du texte. — Devienne blanche aussi. Comme elle le devient chez les albinos. — Viennent et poussent. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Par cette cause. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Une maladie du cheveu. Ou plutôt : « du cuir chevelu ».
  679. Un affaiblissement. C’est la défaillance successive que l’âge amène toujours avec lui. — Un défaut de chaleur. Ce n’est pas probable ; la chaleur ne diminue pas, et l’individu qui a des cheveux blancs de très bonne heure, conserve toutes ses forces et tout son calorique. Ce sont souvent des causes morales qui font blanchir la chevelure. — C’est au refroidissement qu’il incline. Il est vrai qu’on dit vulgairement : Le froid de l’âge, les glaces de l’âge ; mais on ne doit pas prendre ces expressions dans le sens strict. La chaleur proprement dite ne diminue pas chez les vieillards ; mais c’est le système nerveux qui s’émousse, et qui moralement les rend plus calmes et plus sages. C’est une froideur d’un tout autre genre. — La chaleur propre à chaque organe. Il est certain que, dans la vieillesse, toutes les fonctions se ralentissent, notamment celles du sexe ; mais ce n’est pas une diminution de chaleur. — Ne peut plus agir. C’est plutôt une atténuation du principe général de la vie. — Dans le Traité de la Croissance et de la Nutrition. Nous n’avons plus ce traité, et c’est une grande perte. Le Traité de la Nutrition ou de l’Alimentation est cité dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 3, et aussi dans le Traité du Sommeil et de la Veille, ch. § 2, de ma traduction. — Alors plus de détails. Parce que l’auteur traiterait spécialement ce sujet. La nutrition est une des fonctions principales qu’étudie la physiologie.
  680. A peu de chaleur. On ne voit pas par quel moyen on pourrait s’assurer du fait. — À la coction. C’est-à-dire, à la parfaite élaboration du produit. — Par la chaleur du lieu. Il est certain que l’afflux trop considérable et trop fréquent du sang au cerveau, échauffe jusqu’au dehors de la tête et contribue à la calvitie. — Toute corruption, toute putréfaction. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Mais non pas de la chaleur naturelle. La restriction est nécessaire ; car la chaleur naturelle doit conserver plutôt que corrompre. — Dans d’autres ouvrages. Peut-être est-ce la Météorologie, liv. IV, ch. I § 7. p. 276, de ma traduction. — La vapeur terreuse. C’est-à-dire, l’évaporation de matières laissant un résidu terreux, au sens où l’entend la théorie des quatre éléments. — La moisissure. Quelle que soit la valeur de cette explication, il faut louer Aristote de la curiosité qui le porte à se rendre compte des moindres faits. — S’y pourrit. Ce n’est peut-être pas exactement le fait ; mais il se passe certainement dans le bulbe capillaire quelque transformation qui l’altère profondément. — Le grisonnement des cheveux. Je n’ai pas trouvé dans notre langue un mot meilleur que celui de Grisonnement ; mais le Dictionnaire de l’Académie ne l’admet pas, bien qu’il se trouve dans nos vieux auteurs, comme Olivier de Serres ; voir, à ce mot, le Dictionnaire de Littré.
  681. La lèpre blanche et la moisissure. Le rapprochement peut sembler un peu inattendu, bien qu’au fond peut-être il ne soit pas tout à fait faux. — Elles contiennent beaucoup d’air. C’est sans doute par une sorte d’assimilation à la mousse et à l’écume, où il y a en effet beaucoup d’air. — Toute vapeur terreuse. Voir la note du paragraphe précédent. — Vient à se congeler. Ceci peut s’appliquer au givre, mais non à la moisissure, qui est tout autre chose. D’ailleurs tous ces phénomènes, quelque fréquents qu’ils soient, sont assez obscurs. — Sont à la surface des corps. Ceci est exact ; mais c’est à peu près le seul rapport entre la moisissure et le givre. — La vapeur n’est jamais que superficielle. Ceci n’est pas exact d’une manière générale. Il ne s’agit, à ce point de vue, que de la vapeur qui s’attache à quelques corps par un refroidissement subit.
  682. Aussi, les poètes. On ne saurait dire à quel poète comique on doit attribuer cette métaphore, qui est en effet assez plaisante. — Le givre de la vieillesse. L’expression est neuve et n’est pas fausse ; on dit souvent : « il a neigé sur sa tête », en parlant de quelqu’un qui a les cheveux blancs. L’image est naturelle. — L’un en genre, l’autre en espèce. La distinction peut paraître subtile, et au fond elle n’est pas très exacte. La moisissure n’est pas une vapeur, et le givre n’est pas une putréfaction. — Ce qui le prouve bien. Cette preuve n’est pas aussi décisive que le croit l’auteur ; mais le fait qu’il rapporte est exact ; et souvent les cheveux repoussent plus noirs, après une maladie qui d’abord les a fait tomber. — Avec le rétablissement de la santé. Ces cas ne sont pas très rares.
  683. Manque de la chaleur naturelle. Ceci n’est pas tout à fait exact, puisque, dans bien des maladies, la fièvre augmente la chaleur, loin de la diminuer. — Souffrent de ce malaise général. Au contraire, ceci est d’une exactitude parfaite ; toutes les parties du corps sont solidaires, et elles souffrent toutes en même temps. — Une masse… de sécrétion. Cet excès de sécrétion se produit dans quelques maladies, mais non pas dans toutes. — Le défaut de coction. Il faut entendre par là un défaut réel d’élaboration, qui rend la fonction insuffisante dans ses résultats. — De vieux, ils redeviennent jeunes. C’est l’effet de la convalescence et de la guérison. — Changent en même temps qu’eux. C’est exact.
  684. On a… raison de dire. C’était sans doute un dicton vulgaire, plutôt qu’une théorie physiologique. — Vieillesse accidentelle… maladie naturelle. Dans certaines limites, le rapprochement n’est pas faux, et le motif que l’auteur en donne est en effet très sérieux. Quelques maladies vieillissent beaucoup les personnes qu’elles atteignent. — Ce sont les tempes… Les idées ne se suivent pas bien ; d’ailleurs, le fait est exact. Ceci a déjà été dit dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. IV, 9. — Il n’y a pas d’encéphale en elles. On dirait qu’Aristote a complètement omis le cervelet ; et même sans le cervelet, le cerveau est au derrière de la tête presque autant qu’au devant. — La fontaine. Ou : Fontanelle, au sommet de la tête ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. III, § 2 ; ch. VIII, § 1 ; et ch. XIII, § 5. — Assez peu d’humide… une assez forte quantité. Le texte n’est pas tout à fait aussi net ; j’ai tâché d’être plus précis dans ma traduction. — En dehors. C’est l’expression même du texte.
  685. Telle est la cause… En résumé, c’est la constitution du cerveau, telle que la comprend Aristote, qui fait que les cheveux de l’homme blanchissent. Je ne sais pas quelle est la théorie actuellement acceptée par la science. — Ce changement aussi sensible. Aristote semble donc admettre qu’il y a toujours changement chez les animaux ; le fait n’est pas absolument exact, et beaucoup d’animaux meurent sans que leur poil ait grisonné ou blanchi. — Les animaux ont peu de cerveau. Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 3, il a été établi que c’est l’homme qui, de tous les animaux, a proportionnellement l’encéphale le plus gros. La science moderne admet aussi cette théorie. — N’est pas impuissante… Ceci n’explique pas suffisamment le fait. — C’est le cheval. La même observation est déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8, mais avec moins de détails. — L’os le plus mince. Je ne sais pas si l’anatomie de notre temps a sanctionné le fait ; elle s’est beaucoup occupée des dents du cheval, et beaucoup moins des os de sa tête. — Un coup léger. Il en est de même de l’homme ; un coup léger à la tempe peut lui être fatal, parce que, dans cette partie de la tête, l’os est très mince, comme Aristote le dit du cheval. — Aussi Homère… Iliade, chant VIII, vers 83. — L’humidité s’écoule aisément. Il n’est pas prouvé que les os soient aussi perméables que l’auteur semble le croire.
  686. Les cheveux roux. L’observation pouvait être plus exacte dans le climat de la Grèce que dans le nôtre, où il ne paraît pas que les cheveux roux aient ce désavantage de blanchir plus vite. — En quelque sorte une maladie du cheveu. C’est exagéré, et à ce compte les cheveux noirs seraient seuls en santé. — On dit que les grues. C’est une simple observation populaire, que reproduit Aristote, sans se prononcer lui-même. Le fait paraît assez exact, et il se trouve indiqué déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 18 L’explication que donne Aristote est fort contestable.
  687. D’une sorte de pourriture. Le mot est peut-être trop fort ; mais l’altération est évidente, et il est clair que c’est un affaiblissement dans la sécrétion. — Comme on l’a dit. Il est difficile de savoir à qui l’on doit rapporter cette théorie. — Blanchissent plus vite. Le fait est exact. — L’air. Mot à mot : « Les vents » — Mélange d’eau et d’huile. Chez nous, c’est l’huile seule qu’on emploie, et surtout les pommades. — Préserve et fortifie. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — L’eau refroidit. Ceci dépend beaucoup de la température. — Empêche qu’il se dessèche. Il semblerait qu’il s’agit ici d’une sorte de pommade, où le mélange se maintient plus longtemps. — Poussent blancs tout à coup. Ce n’est pas une raison pour que le changement brusque ne soit pas une dessiccation. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8. — Rien de ce qui est desséché. Il faudrait ajouter : « Et qui est mort de sécheresse ».
  688. C’est par le bout… Même observation consignée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8 ; elle paraît exacte. — Il y a moins de chaleur. La sève qui nourrit les cheveux se porte avec moins de force aux extrémités. — Quand les poils blanchissent. Les animaux chez lesquels le poil blanchit sont en petit nombre. — C’est la peau qui détermine les couleurs. Dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, Aristote a étudié les rapports de la peau et des poils ; mais il n’a pas dit que ce c’est la peau qui déterminât les couleurs ; seulement, la peau est ordinairement de la même couleur que le pelage. — Chez l’homme. L’exception est exacte ; mais il est vrai que, sur l’homme, l’observation est plus facile que sur le reste des animaux.
  689. La peau la plus mince. Ceci est dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 5, et presque en termes identiques. Cette observation n’a guère été faite que par Aristote, seul entre tous les naturalistes. — Aucune influence sérieuse. En supposant que l’explication ne soit pas tout à fait exacte, elle doit tout au moins paraître fort ingénieuse. — Parce qu’elle est faible. Cette expression du texte est bien vague. — Le soleil et le vent. C’est une observation que chacun peut faire. — Fait l’effet d’une terre. Le mot dont le texte se sert n’a pas un sens très précis ; l’auteur a sans doute voulu dire, par cette métaphore, que l’épaisseur de la peau nourrit les poils comme un sol gras nourrit les plantes. — Leur peau ne change pas. Peut-être, est-ce faute d’observations suffisantes qu’on suppose que la peau des animaux ne change pas. En y regardant de plus près, on verrait sans doute le contraire.
  690. Certains animaux n’ont qu’une seule couleur. Ceci est vrai des espèces entières, et le naturaliste fait bien de constater tous ces phénomènes, quoiqu’ils soient d’importance secondaire. Il ne semble pas que la physiologie comparée se soit beaucoup occupée de la couleur des animaux. — Les lions, qui sont tous de couleur fauve. Cuvier fait la même remarque, Règne animal, tome I, p. 161, édition de 1829. — Espèces d’oiseaux et de poissons. Où tous les individus sont de la même couleur. — Le bœuf, qui peut être tout blanc. Nos climats ont aussi des espèces de ce genre, comme en avait la Grèce.
  691. Qui ont des couleurs diverses. Les couleurs peuvent être nombreuses dans l’espèce entière et sur chaque individu, comme sur le paon, où elles sont en effet très variées. Elles le sont aussi sur le léopard, qui a des rangées de taches, et sur la panthère, où les taches prennent la forme de roses, Cuvier, Règne animal, tome I, p. 162. On peut voir les mêmes variétés sur nos chats domestiques. — Des thrattes. On n’a pu identifier ce poisson. C’est peut-être une sorte de perche. — Les individus ont cette diversité. C’est ce qui arrive dans la plupart des espèces, comme toutes celles des espèces que cite Aristote.
  692. Les animaux à couleurs entières. C’est-à-dire, les espèces où tous les individus offrent une seule et même couleur ; mais alors ceci se confond avec ce qui suit. Les deux mots du texte sont fort rapprochés l’un de l’autre, et il est difficile de se rendre compte de la distinction qu’Aristote prétend faire. Peut-être, par Couleurs entières, faut-il entendre des couleurs bien prononcées, et le contexte pourrait sembler justifier cette interprétation. D’après le commentaire de Philopon, il faudrait comprendre par Couleurs entières les espèces où tel individu est noir, par exemple, et tel autre blanc, comme le bœuf ; et par Couleur unique, les espèces où tous les individus, sans exception, n’ont qu’une seule et même couleur, comme les lions qui sont tous fauves. — Ils changent du tout au tout. Aristote aurait dû citer expressément quelques espèces, afin de rendre sa pensée plus claire. Dans sa langue, les mots dont il se sert sont composés d’une façon presque identique ; ce qui ne laisse pas que d’obscurcir encore la pensée. — Une seule et unique couleur. Dans tous les individus. — L’espèce alors peut aisément… Un exemple, pris sur une espèce quelconque, aurait rendu tout ce passage beaucoup plus intelligible.
  693. Pour les espèces qui n’ont qu’une seule couleur. La couleur unique se retrouve alors dans tous les individus de l’espèce ; ou plutôt, ce n’est pas une couleur unique, c’est plutôt une couleur uniforme. Les exemples cités à la fin de la phrase justifieraient ce dernier sens ; la perdrix et le moineau ne sont pas d’une seule couleur ; mais tous les individus sont colorés de la même manière. Il est vrai que tous les corbeaux sont noirs. — Un ours de couleur blanche. C’était peut-être un ours blanc amené par quelque hasard en Grèce, où il aurait causé une grande surprise ; mais dans cette hypothèse, ce ne serait plus un ours qui aurait changé de cou-leur ; ce serait un ours qui aurait gardé sa couleur propre. — Ces accidents se produisent. Cette phrase, où l’on revient indirectement au sujet de la génération, pourrait bien avoir été interpolée ; elle ne tient pas suffisamment, soit à ce qui précède, soit à ce qui suit.
  694. Une couleur entière. Il y a des manuscrits qui disent : « une seule couleur » au lieu de « couleur entière ». J’ai conservé la première variante comme l’ont fait MM. Aubert et Wimmer, p. 390. — À cause des eaux qu’ils boivent. Cette influence prétendue des eaux, sur la couleur des animaux, est signalée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 19, où l’auteur cite quelques cas singuliers, et même tout à fait impossibles. Ici, il va moins loin ; mais les propriétés qu’il attribue à l’eau, selon qu’elle est chaude ou froide, ne sont pas plus réelles. — Fait devenir le poil blanc. Voir la note dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., p. 280, de ma traduction. Ces idées étranges sur l’action des eaux subsistaient encore dans toute leur force du temps de Strabon, qui semble les partager, malgré son bon sens ordinaire. — Même aux végétaux. Le fait n’a rien d’exact. — L’eau chaude contient plus d’air. Peut-être pourrait-on traduire : « Les corps chauds », au lieu de l’eau chaude ; l’expression du texte est indéterminée ; et, grammaticalement, elle semble se rapporter aux eaux plutôt qu’aux corps en général ; mais il est bien singulier de dire que l’eau chaude contient plus d’air que d’eau. Ce qui est vrai, c’est que le liquide se vaporise par l’action de la chaleur.
  695. Par maladie… par nature. La distinction est très réelle, et la différence est considérable dans ses effets, comme dans son but. — La cause est également tout autre. C’est là la vraie raison. Dans un cas, la nature est dans son action régulière et pleine ; dans l’autre cas, elle est altérée. — L’air qui y est renfermé. C’est, sans doute, le fait de l’écume qui a donné lieu à cette théorie ; dans l’écume, il y a en effet beaucoup d’air ; mais dans la vapeur sortie de l’eau chaude, il y a de plus la chaleur qui cause le phénomène.
  696. Cette observation explique. Cette explication n’est pas aussi décisive que l’auteur semble le croire, puisque les animaux sont blancs sur le dos presque aussi souvent que sous le ventre ; mais l’observation n’en prouve pas moins une grande attention à constater les faits. — Toutes les bêtes blanches. L’expression du texte est encore plus générale, et il dit : « Toutes les choses blanches ». — La coction donne de la douceur. C’est pour cela que l’on fait cuire les viandes, au lieu de les manger crues. — C’est la chaleur et le froid. Ce n’est pas prouvé, et il y a évidemment bien d’autres causes que la température. — Chacune des parties du corps a sa chaleur propre. Le fait est exact, et il est facile de l’observer. La science moderne s’est occupée de ces différences, et elle a poussé ses analyses beaucoup plus loin que les Anciens n’avaient pu le faire. Le thermomètre a été porté jusque dans les parties intérieures du corps, et appliqué aux diverses parties extérieures. La chaleur diminue toujours du centre à la périphérie. La différence peut s’élever parfois de quatre, cinq et même six degrés. On sait que le sang artériel est plus chaud que le sang veineux, que l’abdomen est plus chaud que le cœur, que le cœur gauche est plus chaud que le cœur droit, etc., etc. Voir le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome pp. 906 et suiv., où cette étude est approfondie.
  697. La langue. Par la Langue, il faut sans doute entendre, non pas seulement la langue proprement dite, mais encore le palais, dont les couleurs varient également selon les espèces et selon les races, comme on le voit chez les chiens. — Comme une des parties extérieures du corps. Cette remarque est ingénieuse et juste. — Dans le cas de la main ou du pied. Ceci aurait demandé un peu plus d’explication ; mais on voit suffisamment ce que l’auteur a voulu dire. — La peau qui recouvre la langue. Et l’on pourrait ajouter : « Et le Palais ». Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 13, il a été dit quelques mots de la langue de l’homme ; et dans bon nombre d’autres passages, il y a des détails sur la langue des divers animaux ; mais il n’y est pas question de la couleur de la langue, non plus que dans le Traité des Parties des Animaux, bien que ce dernier traité s’occupe assez longuement de la langue, notamment liv. II, ch. XVI et XVII.
  698. Qui changent de couleur selon les saisons. Ces changements sont très réels, et Aristote les a signalés dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 18 et 19 ; il a indiqué aussi les illusions que causent parfois ces changements, liv. IX, ch. XXXVIII, §§ 3 et 5. On croit à de nouvelles espèces, tandis que c’est le plumage seul qui est changé. — L’âge… selon la saison. L’assimilation n’est pas très exacte, et l’auteur lui-même l’atténue dans ce qui suit. La saison n’a qu’une influence passagère, tandis que celle de l’âge est constante. — Sont bien plus profondes. Voilà le vrai. — Qui sont omnivores. Ceci semblerait donner à la nourriture des animaux une influence que sans doute elle n’a pas. — Abeilles… frelons… guêpes. La nourriture de ces insectes n’est pas aussi variée que ce passage pourrait le faire croire ; l’abeille, en particulier, se nourrit toujours des mêmes fleurs. — Si c’est la nourriture qui cause le changement. C’est là précisément la question ; on ne peut pas nier d’ailleurs que les aliments n’exercent une action considérable sur tout l’organisme ; mais ils ne changent pas la couleur.
  699. Sur les couleurs de la peau et des poils. Cette étude ne paraît pas avoir été reprise sur une large échelle par la science moderne ; elle n’est pas cependant sans intérêt, et il doit y avoir de secrètes harmonies entre la couleur des animaux et le milieu où ils vivent, et leur organisation générale. Ces études sont à faire.
  700. La voix des animaux. L’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, contient une admirable étude sur la voix des animaux ; le présent chapitre ne fait guère que répéter ce que l’auteur a déjà dit, tout en le complétant par des développements nouveaux. — De tant de diversités. Ces diversités ont été énumérées avec concision dans ce paragraphe ; mais les principales y sont indiquées ; et cela prépare ce qui suit.
  701. Tient à la même cause. Cette théorie n’est peut-être pas très exacte ; il est bien vrai que l’âge a une grande influence sur la voix ; mais l’âge ne suffit pas pour expliquer à lui seul tous les changements. Au même âge, sur des individus de même espèce, le timbre de la voix peut être fort différent. — Une voix plus aiguë. Le fait est certain ; ce qui n’empêche pas que les voix sont toujours très diverses. — Excepté les veaux. L’observation peut paraître exacte, bien que le beuglement des bœufs et des vaches soit aussi bien grave. — Entre les mâles et les femelles. Cette différence est très sensible dans l’espèce humaine, comme Aristote le remarque très bien, quoique l’explication qu’il en donne ne soit pas fort juste. — Le seul animal qui ait le langage. Aristote a déjà dit dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 15, que le langage est le privilège exclusif de l’homme ; je crois qu’il est le premier à avoir fait cette remarque essentielle. — La voix des femelles qui est plus grave. J’ai conservé la formule du texte ; j’aurais pu dire : « Des vaches ». Voir la même observation dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9 ; cette observation est d’ailleurs exacte.
  702. Pourquoi les animaux ont-ils une voix ? La question peut sembler assez singulière au premier abord ; mais cependant, elle est assez naturelle, et bien qu’il ne soit pas facile d’y répondre d’une manière générale, il y a des espèces, et notamment l’espèce humaine, où l’objet de la voix est manifeste ; elle est chargée de communiquer la pensée d’un individu à un autre. Mais chez les animaux ce but est moins évident, bien qu’il le soit encore dans certains cas. — Le bruit. Aristote a distingué avec grand soin le bruit et la voix ; Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 1. Il a même distingué le langage du bruit et de la voix. — Dans le Traité de la Sensation. Voir ce traité dans les Opuscules psychologiques, ch. I, § 10, p. 24, de ma traduction. — Dans le Traité de l’Âme. Voir ce traité, liv. III, ch. XIII, § 3, p. 351, de ma traduction. Du reste, dans ces deux ouvrages, la question n’a été touchée que très incidemment.
  703. La gravité du son… longueur du mobile. Cette théorie est fort exacte, et c’est un des principes fondamentaux de l’acoustique. Les cordes de la lyre, chez les Anciens, suffisaient pour le faire comprendre. Il faut se rappeler en outre, que dans l’École d’Aristote, on avait fait beaucoup de musique théorique, qu’Aristote lui-même avait fait un livre sur la musique, Catalogue de Diogène Laërce, n° 116 ; et qu’Aristoxène était un de ses élèves. Il est vrai qu’il y a loin des cordes de la lyre aux cordes vocales de l’organisme humain. — Il n’est pas plus facile… C’est une conséquence rigoureuse du principe qui vient d’être posé. J’ai adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer. — Le son grave de la voix… Il n’est pas sûr que tous les auditeurs soient de cet avis, et il y en a beaucoup qui préfèrent le ténor au baryton. — Semble supérieure. C’est la suite de ce qui précède ; mais il semble résulter de ce passage que les Anciens ont connu l’harmonie, au moins dans l’accord des voix chantant sur des tonalités différentes. — Est une suprématie. On pourrait, à l’inverse, en dire tout autant du son aigu.
  704. Autre chose que la force ou la faiblesse. Ce principe n’est pas moins vrai que les précédents, et il mérite aussi d’être remarqué. — Fortes… très faibles. Toutes ces observations sont très justes. — Pour les timbres moyens. Le principe en effet s’applique tout aussi bien aux tons médians qu’aux tons extrêmes, en haut et en bas. — Grosseur… petitesse du mobile. Ceci répète ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent ; mais la petitesse et la grosseur du mobile, ou de la corde qui vibre, a moins d’importance que sa longueur plus ou moins grande. — Une voix grave et une forte voix… Une voix aiguë et une voix faible. Cette théorie paraît irréprochable, bien qu’Aristote la combatte dans ce qui suit.
  705. Cette théorie nous paraît erronée. La distinction que fait l’auteur ne paraît pas décisive, pour démontrer l’erreur qu’il réfute. — Peuvent être pris en un double sens. C’est exact, puisqu’on peut considérer la chose en elle-même et isolément, ou dans son rapport à d’autres choses. — Consiste uniquement. Ceci n’est peut-être pas très vrai ; il est bien certain que la comparaison fait ressortir la différence ; mais les choses ont en elles un caractère propre, indépendamment de leurs relations.
  706. Si la force du mobile… C’est la traduction exacte ; mais peut-être vaudrait-il mieux dire : « la masse ». De toute façon, l’expression du texte n’est pas très juste ; car si le mobile l’emporte sur le moteur, il n’y a pas de mouvement, et le mobile ne reçoit aucune impulsion. — Le moteur, quand il l’emporte. Le texte n’est pas aussi net ; mais le sens ne peut être douteux. D’ailleurs, tous ces principes sont vrais, et les lois du mouvement indiquées ici ne peuvent être que le résultat de longues études. — Un poids au-dessus de leur force. Ceci ne doit pas être pris à la lettre ; car autrement, si la résistance dépasse le mouvement, il n’y a qu’immobilité. Mais il est certain qu’à force égale, si le mobile est léger, le moteur, tout faible qu’il est, peut déterminer un mouvement très rapide.
  707. Ce sont là les causes. Aristote essaie d’appliquer les principes qu’il vient de poser à la diversité des organes ; mais ces causes ne sont pas aussi évidentes qu’il le croit, et les variétés de la voix tiennent à la constitution du gosier et de tout l’appareil respiratoire. — Les animaux jeunes… Selon les espèces, la tonalité de la voix est différente ; mais en général la voix devient plus grave avec l’âge. La vieillesse agit fortement sur la voix ; mais elle ne va jamais jusqu’à en changer le timbre. — Dans la maladie, on a la voix aiguë. Je ne crois pas que cette observation soit très exacte ; mais comme la diète est une conséquence assez générale de la maladie, la voix devient plus claire, parce que l’estomac n’est pas surcharge d’aliments, et que tout l’appareil respiratoire se ressent de cette disposition de l’organe voisin. Il se peut que le mot d’Aiguë doive avoir ici le sens de Claire. Mais le mot grec n’exprime bien que l’acuité. — Quand on se porte bien. La voix est alors plus claire en effet ; mais elle n’est pas plus aiguë. — On prend de plus en plus une voix aiguë. Il arrive souvent qu’avec l’âge la voix devient moins forte et moins grave, surtout elle est moins assurée. — C’est à cause de leur faiblesse. Cette cause n’est pas la seule, et la conformation générale des organes y est pour beaucoup. — La vitesse est précisément… Cette théorie est juste, biens qu’Aristote ne connût pas les vibrations dont le larynx est le siège.
  708. Les veaux et les vaches. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9, Aristote a remarqué que la voix des vaches est plus grave que celle des bœufs. — Remuant beaucoup d’air. Sans doute à cause du volume de leur corps ; mais l’organisation vocale de l’espèce bovine est très imparfaite, et c’est là ce qui fait que le bœuf n’a qu’un beuglement. — Les autres. L’expression est insuffisante ; mais je n’ai pu la préciser davantage. Il s’agit sans doute ici des autres animaux d’une manière générale. — Le vaisseau par lequel l’air entre. C’est le larynx et la trachée artère. — Se fortifie de plus en plus. C’est exact ; mais ce n’est pas l’âge seul qui fortifie les organes ; c’est l’exercice général du corps, et plus particulièrement l’exercice spécial à tel organe déterminé. — Ils changent du tout au tout. C’est exagéré ; le changement est sensible ; mais il n’est pas aussi grand que l’auteur semble le croire. — Les taureaux ont une voix plus aiguë. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9, où la même observation est déjà faite.
  709. Dans les muscles. Le texte dit précisément Nerfs ; mais j’ai cru pouvoir adopter le mot de Muscles, parce que celui dont se sert Aristote signifie également nerfs, muscles, tendons. Il est certain qu’au temps d’Aristote l’anatomie ne distinguait pas encore ces trois sortes d’éléments physiologiques ; elle les confondait sous une appellation commune ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. V, § 1, n. — Ceux qui sont à la fleur de l’âge. L’observation est très exacte, et elle est, du reste, de toute évidence. — La tension des nerfs. Ou, Des muscles. J’ai repris ici le mot de Nerfs, pour reproduire la confusion que fait Aristote. — Chez les vieux, elle se relâche. L’image est très juste ; mais l’affaiblissement spécial des muscles tient à l’affaiblissement général que l’âge amène toujours. — Hors d’état de produire le mouvement. L’expression est trop vague, et elle devrait se rapporter plus précisément à l’organe de la voix ; le sens d’ailleurs est très clair. — Excessivement musculeux. Mot à mot, Nerveux. — Tendue comme une corde à boyau. Ceci exprime très bien la réalité, et la métaphore est si naturelle que la physiologie moderne parle aussi de cordes vocales. Ce passage, malgré les erreurs qu’il contient, prouve qu’Aristote avait disséqué des bœufs. — On y trouve un os. Le même fait est rappelé dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XI, § 4, n. Il est exact, quoique très rare.
  710. Quand on les châtre. Aristote a étudié cette question en général dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXXVII. L’influence de la castration était trop considérable pour que le physiologiste pût l’oublier. — Ils inclinent à la nature féminine. De là, le singulier aspect des eunuques ; et aussi, l’horrible pratique des castrats, qu’on mutile pour leur conserver la voix féminine de soprano. — Ce relâchement se produit alors… dans la corde… La comparaison est ingénieuse ; mais il est bien difficile de savoir précisément ce qui se passe alors dans les muscles. — Les tisserands… C’est encore la pratique de nos tisserands dans la campagne. Le texte ne dit pas précisément : Tisserands, mais : « les femmes qui tissent les toiles ». Il paraîtrait par là que, dans l’Antiquité, c’étaient plutôt des femmes qui faisaient le métier de tisserands. — Des laïes. J’ai dû conserver le mot grec, parce que notre langue n’a pas de mot spécial. — Suspendus, relativement aux canaux spermatiques. Je ne crois pas que l’anatomie de nos jours ratifie ces théories ; et surtout, les organes génitaux ne sont pas en rapport « avec la veine qui va du cœur au larynx » ; mais quelle que soit l’erreur anatomique qui est commise ici, la relation des organes génitaux avec la voix n’en est pas moins certaine, de quelque manière qu’elle soit établie. — Qui met la voix en mouvement. C’est le larynx et la trachée artère.
  711. Vers l’âge… Cette question est déjà traitée dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, §§ 4 et suiv. — Cet organe change en même temps. Le changement est frappant, même pour les gens les moins attentifs, et la mue de la voix des enfants n’échappe à personne. — Une voix de bouc. J’ai dû rendre le mot grec tel qu’il est dans le texte ; peut-être est-ce l’expression de voix chevrotante qu’il aurait fallu adopter. Ce mot de notre langue se rapproche du mot grec. — Rauque et inégale. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. I, §§ 2 et suiv. Le fait est représenté assez, exactement. — A la suite de ce changement. C’est, en effet, après la mue que la voix prend définitivement le timbre qu’elle doit garder toute la vie. — À peu près comme la corde. Ceci ne fait guère que répéter ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent ; on peut croire que c’est une interpolation, une glose, qui de la marge sera passée dans le texte.
  712. Se rapprochent du sexe femelle. Autre répétition du § 11 ci-dessus. — Par le son de la voix… leur conformation. Ceci est surtout vrai des eunuques. — Sa vigoureuse tension. C’est la virilité, qui se fait sentir dans tous les organes, et qui imprime au corps entier une allure particulière. — Certains naturalistes. Il est à regretter qu’Aristote ne les ait pas nommés. — La connexion de plusieurs principes réunis. Cette expression n’est pas assez claire. — Les moindres déplacements. Toutes ces théories sont très justes ; le plus léger changement dans le principe peut entraîner les plus graves conséquences. Voir plus haut, liv. 1, ch. § 7, les mêmes idées. — Peuvent avoir une puissance énorme. Ceci peut s’appliquer spécialement à la génération ; le principe n’est rien comme grandeur matérielle, et il donne naissance à des développements considérables. — Entendre par principe. Voir pour la définition du principe la Métaphysique, liv. V, ch. I, p. 84, de ma traduction.
  713. Du milieu. Le texte dit précisément : Du lieu. La suite prouve qu’il s’agit uniquement de l’influence de l’air ambiant, et non pas de l’organe, comme quelques traducteurs ont pu le croire. Outre l’influence exercée directement sur l’organe, il est certain que l’air, selon sa composition, ne transmet pas toujours le son de la même manière. La voix semble varier, et c’est alors bien plutôt l’air qui varie. — Qui ont une respiration plus chaude. Peut-être vaudrait mieux dire : Une haleine. On sait que la flûte était un des instruments les plus cultivés par les Anciens. — À la façon des gens qui gémissent. MM. Aubert et Wimmer, p. 400, rapprochent de ce passage un passage de l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 19, où est employée la même expression. — L’organe par lequel passe la voix… Ceci semble indiquer des observations fort attentives sur la constitution du larynx et de la trachée-artère. On en peut dire autant des observations qui suivent.
  714. Quelque humidité. Ou peut-être mieux : « Quelque liquide ». — Par suite de maladie. L’influence de la maladie sur la voix est aussi incontestable que celle de l’air ambiant. — Inégale. On peut remarquer que, quand il fait froid, les articulations de la voix sont beaucoup plus difficiles. — De ce que l’organe est moelleux ou dur. Cette action est certaine ; mais il faut tenir encore plus de compte de la volonté, qui agit davantage encore, comme le prouve le talent de quelques chanteurs habiles. — Prendre mille intonations. Les artistes grecs devaient être, à ce qu’il paraît, aussi habiles que les nôtres. Cette culture de la voix humaine peut être, dès l’origine, poussée très loin. — Moelleux et flexible. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Passer de l’air que ce qu’il veut. Les modulations du chant tiennent en effet au rétrécissement et à l’élargissement alternatifs du larynx ; mais la nature de l’organe n’agit pas seule, et il y a toujours l’intervention plus ou moins complète d’une volonté intelligente.
  715. Dans le Traité de la Sensation et des choses sensibles… Voir ce traité, ch. VI, §§ 9 et 10, de ma traduction, où il n’est dit que quelques mots, et le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VIII, §§ 9 et suiv., où la théorie est plus développée. Pour savoir où en sont aujourd’hui ces questions dans notre physiologie, il faut lire le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, pp. 755 et suiv., sur la voix et la parole, et pp. 800 et suiv., sur la voix dans la série animale ; voir aussi le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome I, pp. 482 et suiv., sur la phonation des mammifères et des oiseaux. Au reste, ce qu’Aristote a déjà dit dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, et ce qu’il dit ici, doit être considéré comme le début véritable de la science. On a eu tort quelquefois de ne vouloir remonter qu’à Galien, et de ne point regarder à ce qu’avait fait son prédécesseur, cinq siècles auparavant. Galien, malgré tout son mérite, n’a été qu’un écho et un continuateur, ainsi que nous le sommes nous-mêmes.
  716. Antérieurement. Ceci peut se rapporter à la fois, soit au liv. II, ch. VIII, § 35, soit à l’Histoire des Animaux, où il a été traité tout au long des dents et de leurs usages, liv. II, ch. III, §§ 12 et suiv. et passim ; soit enfin au Traité des Parties, liv. II, ch. III et IX, et liv. III, ch. I et passim, de ma traduction. — Nous avons dit… Ces questions diverses ont été discutées en effet plus haut, liv. II, ch. VIII, §§ 35 et suiv., et dans les ouvrages que nous venons de citer. — Pour le même usage. Le fait est évident, et la denture du lion ne doit pas avoir la même destination que celle des ruminants ; les carnassiers ne peuvent pas avoir les mêmes dents que les herbivores. — Chez d’autres encore. Le langage n’appartient qu’à l’homme et est son privilège, Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 15. — Appartenir à des études sur la génération. Il semble, au contraire, que la question des dents n’a aucun rapport avec la théorie de la génération. Je croirais donc que ce passage n’est qu’une interpolation, à l’aide de laquelle on essaie de rattacher le cinquième livre à ceux qui le précèdent. Mais ce lien est très insuffisant ; il est clair que les sujets sont parfaitement différents.
  717. Démocrite. Avant Aristote, Démocrite était le philosophe qui s’était occupé le plus d’histoire naturelle ; son témoignage est fréquemment invoqué et discuté dans l’Histoire des Animaux ; voir ma Préface, pp. LXI et suiv. — La chute des dents. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 16, de ma traduction. — A l’entendre… Le texte a cette nuance de critique, parce qu’Aristote reproche à Démocrite de n’avoir pas su observer les faits assez attentivement ; voir la Préface à l’Histoire des Animaux, pp. CXIV et suiv., et aussi Traité des Parties des Animaux, liv. I, et ma Préface à ce traité, p. VIII. — Parce qu’elles poussent trop tôt. L’explication est tout à fait fausse. — Parce que les animaux tètent. Même remarque ; loin de blâmer la Nature de faire téter les animaux et de leur donner le lait pour première nourriture, il faudrait au contraire l’admirer, pour cette prévoyance tutélaire. — Que le porc, qui tète, ne perd pas cependant ses dents. Voir la même observation dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 16 et 19. — À dents aiguës. Ceci sans doute se rapporte surtout aux incisives et aux canines. — Comme le lion. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 13, et liv. VI, ch. XXVIII, §§ 1 et suiv. — Sans avoir observé suffisamment. Aristote n’a cessé de recommander avant tout l’observation des faits.
  718. Est néanmoins indispensable. Il faut remarquer cette insistance.— Et, quand on parle d’une manière générale… Il serait impossible à toute notre science de dire mieux, et de poser des règles plus rigoureuses et plus pratiques. — La Nature n’est jamais en faute. C’est un des principes les plus vrais et les plus nécessaires. Voir dans la Préface au Traité des Parties des Animaux, p. CXI, les théories d’Agassiz sur la pensée divine, qui éclate dans le monde ; voir aussi dans ce même Traité, liv. II, ch. VII, § 2, n. et passim. Sur ce point fondamental, Aristote n’a jamais varié. — Après avoir sucé le lait. C’est cette succession nécessaire des phénomènes que Démocrite paraît n’avoir pas bien comprise. — Des organes pour élaborer leurs aliments. C’est l’évidence même.
  719. Comme le veut Démocrite. Ceci nous fait connaître un peu plus précisément quelles étaient les théories de Démocrite. — Aurait négligé quelque chose. C’est ce qu’Aristote ne peut admettre, à aucun prix. C’est l’homme qui est en défaut ; ce n’est pas Dieu ; mais l’orgueil humain ne se rend pas toujours ; et l’homme substitue trop souvent son infirmité à la puissance infinie, qu’il ne comprend pas. — Serait absolument contre nature. Cet argument est invincible. — Y opposer bien d’autres objections. Celles-ci suffisent ; mais il eût été bon cependant de ne pas taire les autres.
  720. Pour deux raisons. Les deux raisons que donne Aristote ne sont peut-être pas aussi décisives qu’il le suppose. Les incisives poussent, il est vrai, plus tôt que les molaires ; mais elles restent seules pendant quelque temps, quoique l’office des molaires ne soit guère moins nécessaire que le leur ; broyer les aliments n’est pas moins utile et hygiénique que les diviser. — Diviser précède broyer. Sans doute, mais c’est dans la position des unes et des autres ; la pousse des incisives pourrait coïncider dans le temps avec celle des molaires, puisque plus tard la fonction de toutes les deux doit être connexe. — En second lieu, ce qui est plus petit. Cette explication est toute logique. — S’écoule aussi plus de nourriture. Ceci aurait demandé un peu plus de développement ; ce n’est pas assez clair.
  721. Téter n’a ici aucune influence. Aristote a en ceci toute raison contre Démocrite, dont l’erreur est manifeste. — La chaleur du lait… Il ne semble pas que cette cause assignée par Aristote soit beaucoup plus exacte que celles qu’indique Démocrite. — Les enfants qui tètent un lait plus chaud. Je ne sais pas si la science moderne a justifié cette observation ; mais le fait n’a rien d’impossible ; et la chaleur, amollissant les gencives, peut faciliter l’éruption des dents. Il est probable que cette remarque physiologique venait des nourrices. — En vue du mieux. C’est le premier des principes qu’Aristote applique a l’étude de la Nature ; c’est le fondement de l’optimisme. A l’idée du mieux, est opposée celle de la nécessité ; mais dans les théories d’Aristote, la nécessité est purement hypothétique. — Attendu que la pointe s’émousse. Ce n’est pas là la vraie raison qui fait tomber les premières dents ; le fait réel, c’est qu’elles sont chassées par celles qui les remplacent. — S’émousser… s’usent. Ceci revient à peu près au même ; mais il est certain que les molaires ne s’émoussent point, en ce sens qu’elles n’ont pas de pointe. — Toutes lisses… Les protubérances disparaissent peu à peu, et la surface devient plus unie.
  722. Doivent nécessairement tomber… L’explication n’est pas bonne ; car les incisives qui repoussent ne tombent pas comme les premières, bien qu’elles soient placées de même sur la mâchoire. Il y a donc une autre raison ; mais il est peut-être bien difficile de la trouver. — Parce que l’os pousse encore. On peut objecter que l’os où sont insérées les molaires ne pousse pas moins. — Ce qui le prouve. La preuve n’est pas évidente. — Les dernières. Il s’agit sans doute de celles qu’on appelle dents de sagesse. — À l’âge de vingt ans. Le plus souvent, c’est même plus tard. — Parce que la nourriture… Cette explication aussi peut paraître contestable.
  723. Au contraire. Ceci répète en partie ce qui vient d’être dit, au paragraphe précédent, et n’y ajoute presque rien. — À la croissance qui lui est propre. Cette généralité est exacte ; mais pour voir quels progrès a faits la science depuis Aristote, il faut lire dans Cuvier, Anatomie comparée, tome III, XVIIe leçon, 1ère édition, toute l’étude sur les dents, leur structure, leur développement, les diverses sortes de dents chez les mammifères, chez les reptiles et chez les poissons, la substance qui remplace les dents chez les oiseaux et les tortues, et quelques autres parties qui font l’office de dents. Depuis Cuvier, la question n’a pas été, je crois, traitée d’une manière plus complète. D’ailleurs, il serait juste de joindre à ce qu’Aristote dit ici ce qu’il a déjà dit des dents dans toute la série animale, Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, IX et XII ; liv. III, ch. VII et IX ; liv. IV, ch. II, IV et V ; liv. VI, ch. XXI, XII et XXVIII ; liv. VII, ch. IX ; et liv. IX, ch. XXXVII. Au fond, la vue d’Aristote est aussi large que celle du naturaliste français ; mais Cuvier a l’avantage de venir deux mille ans après.
  724. Oublie et néglige. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — À une simple nécessité. Aristote a toute raison ici contre Démocrite. Il a autre chose que la nécessite dans la Nature ; il y a une intelligence, que notre esprit fini et borné ne comprend pas toujours, mais qui doit avoir les attributs essentiels d’une intelligence, c’est-à-dire, le libre choix de ses buts et de ses moyens. — À réaliser le meilleur. C’est le fondement de l’optimisme. — Par les motifs indiqués. J’ai conservé en partie l’indécision du texte, qui est plus grande encore que celle de ma traduction. — Alléguées par Démocrite. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté ; le sens ne peut être douteux, et c’est bien aux théories de Démocrite que se rapporte le pronom indéterminé dont le texte se sert dans ce passage.
  725. L’air et le souffle vital. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui peut avoir les deux sens. D’ailleurs, la pensée de l’auteur n’est pas très nette, et l’expression en est trop vague. Il aurait fallu spécifier quelques-unes des œuvres de la Nature où le souffle vital joue un rôle. — Qui servent à plusieurs fins. On ne voit pas que les exemples cités soient très justes ; le marteau et l’enclume ont des usages déterminés, et ils n’en ont pas plusieurs ; l’un sert à frapper, et l’autre à recevoir les coups. — L’air peut servir à bien des usages. Il aurait fallu indiquer précisément ces usages. — À une pure nécessité. J’ai ajouté l’épithète. — Au profit du bistouri. On peut trouver la comparaison un peu bizarre. Au fond, l’auteur veut dire que c’est commettre une grande erreur que de ne voir dans la Nature que la matérialité du fait, sans remonter jusqu’à la cause.