La flamme qui vacille/01/12

Éditions Édouard Garand (p. 14-15).

XII

LA RÉCOMPENSE DU HÉROS


Ce n’est qu’en mars 1919, que les jeunes gens, dont les fiançailles avaient si largement reçu l’épreuve du malheur, purent réaliser leur rêve. Leur union, contractée à la mairie de la rue Pronot, fut bénie en l’église de La Trinité.

Après l’immense joie de l’armistice, Cécile avait dû passer encore de longs jours dans l’attente de son fiancé. Enfin, la nouvelle lui parvint, par dépêche, qu’il était en Angleterre, au sanatorium militaire de Brighton, pour y réparer les ravages qu’avaient causés en lui, les misères et l’ennui de la captivité.

Folle d’inquiétude à son sujet, elle obtint sans peine de sa tante la permission d’aller le voir. Elle le trouva très changé, pâle, amaigri et fort déprimé, présentant des symptômes caractéristiques de neurasthénie. Il prétendit même lui rendre sa liberté, pris de scrupule en se voyant lui-même si vieilli et physiquement amoindri, auprès de cette jeune fille, belle comme le jour, que l’émoi de le retrouver rendait plus attrayante encore. Dans l’ardeur de son amour, la jeune fille se révolta. Ne lui avait-elle pas promis d’être sa compagne et son alliée, de partager ses joies et ses peines ? Sans vouloir l’inquiéter sur son état de santé, elle lui déclara avec fermeté que, quelque malade qu’il fût, elle ne renoncerait pas au bonheur de le soigner et de le guérir. Et ce fut elle, en effet, qui par son courage et sa fidélité dans le malheur, fut l’agent principal de sa guérison. Elle avait pris pension, pour quelques jours, dans une institution religieuse du voisinage et venait, chaque après-midi, passer de longues heures auprès de lui. Un jour, il lui présenta le médecin-chef de l’hôpital, qu’elle crut devoir remercier de ses soins envers son fiancé. Le médecin éclata d’un bon rire en s’exclamant :

— Mes soins n’y sont rien, mademoiselle. C’est vous qui êtes un docteur miraculeux. Vous ne voyez donc pas quel changement s’est opéré en lui depuis votre première visite ? Vous lui avez donné la volonté de guérir, sans laquelle tous les médecins du monde sont impuissants.

— Dans combien de temps pourra-t-il… entrer dans la vie ? s’enquit anxieusement la jeune fille.

Le major ne répondit pas de suite à cette question. Il essuya les verres de ses lunettes, avec une moue de perplexité. Enfin, il se décida :

— Vous êtes tous les deux assez courageux pour connaître la vérité. Je réponds de l’avenir, mais actuellement… »

Et comme il semblait hésiter encore, soucieux du secret professionnel, Julien Merville intervint :

— Je vous prie instamment de dire toute la vérité. Ma fiancée doit la connaître.

— Vous êtes un honnête homme, capitaine, et je vous approuve. Sachez donc que vous présentez une légère lésion au poumon gauche. Ne vous frappez pas. Je vous garantis que dans deux mois, vous pourrez vous marier sans arrière-pensée, sans vain scrupule.

La franchise de cette déclaration rassura plutôt les jeunes gens. Tous deux étaient suffisamment instruits des choses médicales pour savoir qu’une lésion au poumon n’est pas forcément incurable, qu’au contraire, un traitement sérieux et précoce permet souvent d’espérer une cicatrisation complète.

La réalisation du diagnostic s’accomplit parfaitement et quand, deux mois après, Cécile prononça le « oui » sacramentel, son compagnon était en parfaites conditions physiques et morales.

Quelques jours après le couronnement de leur roman d’amour, ils prirent congé de l’excellente madame Coubès, qui pleurait à la fois de la tristesse de les voir partir et de la joie de les voir parfaitement heureux.

Sur le pont du « Scotian », les passagers ne pouvaient s’empêcher de remarquer et d’admirer ce couple idéal, qui allait vers l’avenir avec joie et confiance.