La fille du brigand/Les brigands du Cap-Rouge

Imprimerie Bilodeau Montréal (p. 49-59).

CHAPITRE V

LES BRIGANDS DU CAP-ROUGE


Le Cap-Rouge, à l’époque où notre histoire se passe, était un lieu maudit et redouté de tout Québec ; c’était, suivant l’opinion d’un grand nombre, une forêt enchantée qui enfantait les brigands, et les rejetait ensuite sur la cité pour exercer leurs ravages et leurs rapines ; c’était là que le démon tenait son conseil, qu’il méditait le crime, marquait ses victimes. C’était l’épouvantail dont se servait la superstition pour inspirer l’amour de la vertu et l’horreur du vice.

Tous les soirs, disaient les vieillards, on voyait tout autour du bois des feux souterrains qui s’échappaient du sein de la terre, des fantômes qui se répandaient dans les champs, et s’exerçaient au vol, au meurtre ! Tantôt c’étaient des cadavres que l’on voyait suspendus à tous les arbres et qui semblaient gémir et maudire leurs meurtriers ; tantôt c’étaient des spectres qui prenaient toutes sortes de formes, des bêtes féroces qui s’entre-déchiraient ; et puis on entendait des hurlements, des pleurs, des sanglots, des jurements continuels : tel était le tableau que les bonnes femmes inventaient, dans leurs superstitions, en parlant du Cap Rouge.

Cependant nous dirons que le Cap Rouge avait une réputation si horrible et si effrayante que personne n’aurait osé, sans se faire taxer de folie et d’imprudence, le traverser dans la nuit.

Ce soir-là, le Cap-Rouge était paisible, mais c’était un silence effrayant : on apercevait à travers les branches une petite fumée noire mêlée d’étincelles et qui sortaient d’un tuyau placé sur une espèce de hutte sauvage à moitié creusée dans le roc et recouverte d’arbres secs et de feuillage jauni, qui laissait échapper de l’intérieur une lueur pâle et sombre. Trois hommes fumant dans de longues pipes allemandes, étaient nonchalamment assis sur des bancs de mousse, autour d’une vieille et large souche qui leur servait de table.

Tout autour de ce repaire étaient suspendus des sabres, des échelles, des cordes, des fusils, des pistolets, des couteaux, des crampons de fer et de gros paquets de clés, le tout dans le meilleur ordre possible.

Nos brigands se regardaient de temps en temps sans rien dire et semblaient méditer quelque nouveau forfait.

Après une demi-heure de ce silence, celui qui paraissait avoir le plus d’autorité se leva tout à coup, et, après, avoir regardé par une ouverture pratiquée sur le côté de la cabane, regagna son siège en fredonnant une vieille chanson de nautonier.

— Diable (I), Lampsac, vous chantez comme un oiseau aujourd’hui, dit Mouflard qui venait de laisser sa pipe et paraissait assez disposé à entrer en conversation.

— Oui, Mouflard, et pourtant que l’…-…si j’ai envie de chanter.

— Ouache ! encore quelque fantaisie, je suppose ; vous êtes drôlement capricieux, Lampsac, soit dit entre nous ; hein, Bouleau ?

Ceci s’adressait à notre troisième personnage, qui était entièrement couché sur son banc et poussait de temps en temps de longs bâillements.

— C’est vrai, Mouflard ; mais au fait, vous autres, dit Bouleau en se mettant sur son séant, ne trouvez-vous pas que le père Munro est un peu longtemps ?

— Pas mal, en effet, dit Mouflard. Qui sait ? le vieux aurait peut-être été assez bête pour se faire empoigner.

— Paix ! s’écria Lampsac en appliquant sur la souche un vigoureux coup de poing ; respect au père, imbécile que tu es ; il y a bien assez du gros Jignac qui a manqué de se laisser accrocher. — Oh ! à propos de Jignac, savez-vous qu’il s’est fait attraper à mon goût ?

Lampsac se mit à rire à gorge déployée.

— Le gros Jignac attrapé ! dit Mouflard en l’imitant ; ah ben ! ça doit être diablement embêtant ; ah ! oui, ça doit être une curieuse farce. Contez-nous ça Lampsac ; sur mon âme, ça doit être drôle, hein, Bouleau ?… Mais quand on pense qu’il dort ; que l’gros Charlot m’extermine, c’t’animal-là dormirait dans l’enfer. Mais voyons donc, Lampsac, contez-nous ça ; je donnerais la bague de ma petite Julie pour connaître c’t’histoire-là.

Et Mouflard s’approcha de Lampsac.

— Non, non ; Jignac te la contera lui-même ; tiens, quand il la conte, il peut faire vingt pleureurs sacré gros Jignac, va ! ah !… ah !… ah !…

Lampsac et Mouflard poussèrent un tel éclat de rire que Bouleau s’éveilla en sursaut en criant avec colère : Qu’y a-t-il donc ? Quel vacarme menez-vous, bande de bêtas qu’vous êtes ? S’il y a à dormir, je veux ben que l’enfer m’étrangle ! Mais chut, entendez-vous du bruit, vous autres ?

Bouleau appliqua son doigt sur son oreille et Lampsac se jeta par terre et colla la sienne sur le seuil de la caverne.

— Tu, rêves, Bouleau : tu dors encore, fainéant.

— Allez au diable, j’vous dis que j’entends des pas, moi ; mais je parierais ben tout Québec, s’il m’appartenait, que ce n’est pas l’allure du père Munro ; il va plus pesamment qu’ça, lui, l’vieux. C’est un espion, mille gueux, c’est un espion. Sortons, Lampsac, sortons.

— Ah bien ! oui, ça s’rait assez drôle d’aller bouler la vase pour te faire plaisir, dit Mouflard en riant. J’te dis qu’tu dors, Bouleau. Entendez-vous, Lampsac ?

— Pas plus que sur la main.

— Ni moi non plus.

— Eh bien ! j’vous dis que j’ai entendu moi ; tenez, écoutez.

Malheureusement pour Bouleau, pas le moindre bruit ne se fit entendre.

— Eh bien ! où est-il donc ton espion ? dit malicieusement Mouflard.

Bouleau lui lança un regard de rage et d’indignation ; il venait d’éprouver pour son honneur un fâcheux échec : il passait parmi ses compagnons pour avoir l’oreille d’une délicatesse infaillible, et c’était la première fois qu’il était en défaut ; aussi n’était-il pas encore parfaitement convaincu qu’il s’était trompé ; il déguisa donc sa colère en espérant que le temps viendrait corroborer ses soupçons : cette fois, malgré son peu de courage, il souhaita l’arrivée du “watchman” pour rétablir son honneur.

D’après ce que nous venons de dire, on s’imaginera avec quelle joie et quelle frayeur en même temps, Bouleau entendit quelques moments après des coups précipités à la porte ; il regarda Lampsac et Mouflard d’un œil triomphateur qui semblait leur dire : Eh bien ! êtes-vous convaincus à présent ?

— Aux armes ! dit Lampsac à demi-voix, massacre sur tout le monde ! Puis s’approchant de la porte, il cria de sa grosse voix enrouée : Qui va là ?

— C’est moi, pendards que vous êtes, répondit au dehors une petite voix grêlée et coupée.

Lampsac reconnut cette voix, car il s’empressa d’ouvrir une petite porte épaisse qui roula sur ses gonds rouillés et laissa entrer un homme de moyenne taille, armé d’un poignard et portant un chapeau de paille à bords relevés, un gilet de drap bleu, des pantalons de futaine grise. Malgré ce déguisement, les brigands n’eurent pas de peine à reconnaître leur grand chef ; ils portèrent la main à leur bonnet et lui firent un salut moitié civil, moitié militaire.

Cet homme était maître Jacques, que nos lecteurs ont déjà rencontré à l’auberge du faubourg Saint-Louis.

En entrant, maître Jacques jeta autour de l’antre un regard scrutateur, puis se laissa tomber sur une vieille chaise bourrée qui lui était destinée, et après avoir ôté son gilet, il tira de sa poche une liasse de vieux papiers qu’il se mit à feuilleter avec attention.

Après cet examen silencieux qui dura un bon quart d’heure, maître Jacques se leva et après avoir fait trois ou quatre tours dans la caverne :

— Eh bien ! enfants du diable, dit-il en s’adressant aux brigands, comment va la besogne à présent ? Où est le père Munro ?

— Il est parti depuis ce matin, dit Lampsac en s’inclinant respectueusement.

— Qu’avez-vous fait depuis que je vous ai vus ?

— Pas grand’chose ; nous sommes guettés de tous côtés ; aussi bien, dans le moment que je vous parle, Sichlou, Jeannot et Labrie s’amusent dans la prison.

— Je sais cela, dit maître Jacques d’un air embarrassé ; gare à vous au moins !

Comme il disait ces mots on frappait de nouveau à la porte, et après le cri ordinaire, le père Munro entra.

— Eh bien ! père Munro, dit maître Jacques en allant au-devant de lui, ça va-t-il ?

— Ça va, ça va, signor, dit le père Munro ; puis l’ayant tiré à part il lui parla quelque temps à l’oreille, après quoi maître Jacques se retira en lançant aux brigands un salut de protection.

— Ha ! ha ! quand j’vous l’disais, qu’j’ayais bien entendu, dit Bouleau qui n’avait pas encore oublié son espion ; j’aurais bien gagé…

— Peste de tes gageures, Bouleau, dit le père Munro ; tu n’as qu’ça dans la gueule, sot que tu es ; il s’agit bien de vos différends. Tenez, ajouta-t-il en jetant sur la souche une poignée de pièces d’or que les brigands regardèrent avec une avidité terrible, voilà de quoi mettre sur la piste d’en gagner d’autres. Ah ça ! mes « jars », j’ai une fière affaire à vous proposer.

— Bravo ! bravo ! vive le père ! s’écrièrent les bandits.

— Il s’agit d’abord d’un vol avec effraction chez une personne que nous avons déjà visitée sans profit.

— Ah ! j’comprends, dit Bouleau, chez l’bonhomme Pierre… en effet, ça va être une vieille affaire que de « giffler » c’vieux-là.

— Oui, et un diable de bon coup si nous pouvons faire voler ses piastres, ajouta Mouflard en riant.

— Il faudra l’assommer, le vieux pendard, dit Lampsac, ou que l’tonnerre m’écrase comme une puce.

— Doucement, doucement, poignée de meurtriers, dit le père Munro ; vous y allez rondement vous autres ; attendez un peu, j’ai mes plans.

— Voyons, dit Bouleau avec importance.

— D’abord, dit le père Munro, nous partons d’ici à minuit ; nous nous rendrons tout doucement chez la mère La Troupe ; là nous trouverons la bonne femme Pelouse, le petit Michel, John Mickmac et Louis Ferlampier, à qui j’ai donné rendez-vous.

— Voilà bien du monde pour un vol, dit Bouleau, fâché de ce que, comme à l’ordinaire, on ne l’avait pas consulté.

— Oh ! arrêtez donc, continua le père Munro ; j’oubliais de vous dire le principal : d’abord je me rendrai avant vous à l’auberge : disons vers 7 heures ; je verrai la Pelouse et je lui dirai d’aller faire la malade sur le perron du vieux Pierre ; le bonhomme est avare, mais on le dit assez charitable ; il n’y a pas de doute qu’il fera entrer la bonne femme, et si son mal empire, il la fera mettre au lit ; je sais cela par expérience.

— Bien imaginé, sur mon âme, dit Bouleau avec orgueil ; je n’aurais peut-être pas fait mieux.

— La bonne femme fera semblant de dormir jusqu’à ce que le vieux filou, ronfle lui-même de son mieux ; alors elle se lèvera tout doucement, examinera la maison de son mieux, et aussitôt qu’elle entendra sonner deux heures, elle ouvrira un guichet, et nous fera un signal dont je conviendrai avec elle ; et puis, en avant, mes amis !…

— Bien imaginé, père, bien imaginé, répéta Bouleau en frappant des mains ; mais écoutez donc un peu, si la vieille venait à éveiller quelqu’un ?… vous pouvez penser qu’ils ne dorment pas bien dur depuis l’épouvante que nous leur avons donnée. Ça s’rait une maudite affaire pour nous, oui !

— Ouache, Bouleau, je vous croyais plus expédient qu’ça, dit le père Munro d’un air dédaigneux.

Bouleau grinça les dents de honte et de colère.

— Si la Pelouse éveille quelqu’un, qui l’empêchera de dire qu’elle est malade, qu’elle s’est levée pour quelque cause ? Enfin t’nez, j’connais la vieille, elle est fameuse pour les histoires : elle en fera une qu’ils goberont comme du sucre du pays. Quant à nous, si nous n’entendons pas de signal, notre plus court parti sera de décamper, quitte à recommencer un autre jour et d’une autre manière.

— Bravo, bravo ! s’écrièrent tous ensemble Lampsac, Mouflard et Bouleau.

— Et combien y aura-t-il à gagner dans cette affaire ? demanda Lampsac.

— Bah ! la menue bagatelle d’une couple de mille louis en argent et peut-être autant en effets ; c’est toujours ça d’pris en s’amusant.

— Bravo ! bravo !

— Vous y êtes donc ?

— Nous y sommes.

— À merveille ! Lampsac, du rhum, mille flambes ! du rhum, buvons à notre nouvelle entreprise. Vive, vive maître Jacques, notre bon chef !

Et les brigands répétèrent : Vive maître Jacques, notre bon chef ! et firent de si nombreuses libations qu’ils tombèrent bientôt à la renverse et dormirent aussi profondément que s’ils venaient de faire une bonne action.

Nous profiterons de ce temps pour donner une idée de leurs portraits et de leurs caractères.

Le père Munro avait environ cinquante ans. Ses cheveux blanchis trop tôt par le vice et le libertinage, descendaient en longues mèches sur son large front où l’on apercevait les traces de la décrépitude la plus basse, l’empreinte de l’ivrognerie la plus dégoûtante. Sa poitrine creuse et velue faisait continuellement entendre un râle sourd et pulmonaire. Ses traits étaient contractés par une audace effrénée, une cruauté révoltante ; ses grands yeux bleus, quoique à demi-fermés, ne portaient que des regards farouches et égarés, ses lèvres blanches laissaient apercevoir en s’entr’ouvrant des mâchoires nues et serrées l’une contre l’autre par l’habitude d’une férocité brutale ; ses longues mains décharnées et toujours fermées indiquaient des muscles et des nerfs d’acier toujours tendus avec violence.

Après maître Jacques, qui s’occupait et dont la seule charge était de conduire la troupe et de régler les comptes, si nous pouvons nous servir de cette expression, le père Munro était le premier, l’âme de cette société infernale. Rien ne se faisait sans lui. Se présentait-il un coup de maître à faire, une entreprise épineuse et pleine de dangers à mettre à exécution, un meurtre horrible à commettre, un vol combiné à exécuter, le père Munro était toujours le premier à l’œuvre. Il avait vieilli dans le crime ; personne plus que lui n’en connaissait les dangers, les hasards, les différentes phases.

Le père Munro avait tout éprouvé : la prison, la marque, le pilori, le fouet étaient pour lui des punitions familières ; enfin il avait évité trois fois le gibet en se sauvant de son cachot.

D’après ce qui précède, on doit penser que le père Munro jouissait auprès de ses semblables d’une réputation à toute épreuve. On sait que, dans une armée, un général qui est couvert de blessures, qui a affronté tous les hasards et les dangers, qui a bravé la mort et lui a échappé souvent, est élevé jusqu’aux nues par tous ses inférieurs ; que plus il est brave, plus sa réputation est brillante : il en est de même avec les brigands ; avec eux aussi, plus on est scélérat, plus on est estimé.

Passons à Lampsac.

Lampsac est le bras droit du père Munro. Il est comme lui, hardi, féroce, entreprenant, actif, et lorsqu’il sera à son âge, il aura acquis la même renommée. Lampsac n’a que trente ans.

Il est d’une grandeur athlétique, d’une force démesurée, d’une agilité peu commune. Il n’a pas une figure tout à fait désagréable ; différent du père Munro, il ne porte pas sa férocité sur sa figure ; au contraire ses yeux bleus expriment un air de mélancolie et de bonté ; il sourit avec assez de grâce, mais il s’exprime avec rudesse, le son de sa voix est rauque et enroué ; sa démarche est pleine de noblesse et d’aisance.

Bouleau a bien la mine la plus insignifiante qu’il soit possible d’imaginer : un front bas et plat, couvert de cheveux crêpés qui lui descendent jusque sur le nez, de gros yeux gris, morts dans leurs orbites, un gros nez épaté sur lequel on peut faire tenir un verre plein, une bouche fendue d’une manière démesurée et encadrée dans des lèvres épaisses et rougies par le rhum ; des joues enflées et couvertes de favoris roux et hérissés, un air béat et imbécile, un sourire niais et forcé, une démarche nonchalante, des manières gênées : voilà Bouleau quant au physique.

Cependant Bouleau est l’homme de cabinet de la société ; c’est lui qui, ordinairement, trame et prépare les entreprises ; c’est l’homme de consultation par excellence : on ne fait rien sans demander l’opinion de Bouleau ; on ne fait rien sans qu’il ait donné son approbation. Pourquoi cela ? parce que Bouleau est un homme de tête rare, un homme d’un jugement sain, d’un esprit juste et solide, d’une conception vaste ; parce qu’il n’a jamais failli dans ses décisions ; parce que ses conseils ont toujours porté fruit.

Mouflard n’est encore qu’un apprenti, mais un apprenti qui a du talent pour le métier, comme dit le père Munro. « Ce muffle-là, dit-il souvent en s’adressant aux autres, vous montera bientôt sur le dos, mes enfants. » Il n’en faut pas plus pour encourager notre jeune scélérat. Mouflard a quinze ans ; il est court et trapu et assez mal proportionné. Il a une figure des plus expressives, un esprit vif et bouillant, un caractère moqueur et satirique ; c’est l’enfant gâté du père Munro.

Mouflard a commencé son apprentissage sur les marchés : c’est là que le père Munro l’a pris, au milieu d’une troupe d’enfants dénaturés et fainéants qui y croupissent tous les jours dans l’inaction et la misère, et qui finiront par avoir le même sort. N’est-il pas désolant de rencontrer tous les jours des petits garçons avec des paniers ou des chiens, tout couverts de haillons, jurant, insultant tout le monde et passant des journées entières à courir les rues pour un misérable douze sous, tout au plus ? N’est-il pas honteux d’y voir même des hommes, jusqu’à des vieillards, partageant cette infâme paresse, étendus, couchés dans les auberges, à moitié ivres, et donnant ainsi le plus terrible exemple aux enfants ? Et ces hommes ont des femmes, des enfants qui languissent dans la misère, qui pleurent, qui leur demandent du pain ! Et ces enfants ont des parents, mais des parents, nous le dirons sans hésiter, des parents trop lâches, trop criminels pour les arrêter, trop insouciants pour les élever, et souvent eux-mêmes trop misérables pour leur inspirer la vertu.

Qu’arriver t-il ? Ces enfants, laissés à leur volonté, commencent par sauter la première barrière qui les sépare du vice ; ils en sautent une seconde, une troisième ; font le premier pas dans le chemin du crime qui leur paraît semé de roses, finissent par le parcourir jusqu’au bout, et meurent sur l’échafaud en maudissant leurs parents !

Et ceci se passe au sein, sous les yeux de la population la plus respectable et la plus religieuse ! dans une ville où l’on se vante de faire un grand nombre d’améliorations ; dans une ville où la loi et la justice n’épargnent rien, dit-on, pour conserver les bonnes mœurs et les faire fleurir !

Nous ne ferons plus qu’une seule réflexion, trop heureux si elle peut être goûtée.

Si la loi met tant de soins, tant d’empressement à dévoiler et à punir le crime, que n’en met-elle donc autant à le prévenir et à l’empêcher ? La chose en serait, selon nous, plus noble et plus méritoire………