La consulte de Caccia et l’élection de Pascal Paoli


LA CONSULTE DE CACCIA
ET
L’ÉLECTION DE PASCAL PAOLI




INTRODUCTION

En 1748 un corps de troupes françaises débarqua en Corse, sous les ordres de M. de Cursay. Il y demeura jusqu’en 1753 et gouverna le pays pendant ce temps. Les commandants des postes établis dans l’île rendaient la justice et percevaient les impôts. La souveraineté se trouvait pour ainsi dire en dépôt entre leurs mains. C’était une situation singulière qui s’expliquait par le rôle d’arbitres et de pacificateurs entre Corses et Génois qu’ils avaient assumé, mais qui ne pouvait durer indéfiniment.

Si la paix se faisait entre les deux ennemis, les Français s’en iraient, et tout se terminerait par l’observation des conditions stipulées. Si, au contraire, ils se retiraient, sans avoir établi un réglement accepté des deux partis, qu’allait-il arriver ? Qui rendrait la justice et percevrait les impôts ? c’est-à-dire, qui serait le maître après cet interrègne ?

Ne voulant pas être pris au dépourvu, le général des Corses, Gaffori, avait provoqué une consulte à Orezza (Juin 1751) et organisé un gouvernement, dont l’autorité devait, le moment venu, se substituer à celle des Français. Les Français présents, ce gouvernement n’existait pas, à proprement parler ; les Français partis, il était prêt à fonctionner.

Ce gouvernement se composait, ou pour mieux dire devait se composer : 1° d’une Cour Suprême jugeant avec autorité souveraine dans toutes les affaires civiles et criminelles et pouvant prononcer la peine de mort, sauf confirmation des Généraux.

2° d’une junte de cinq membres, chargée de veiller sur la conduite des officiers et des magistrats, afin d’empêcher tout abus de pouvoir (Sindicatori).

3° d’une junte des Finances, chargée d’assurer la rentrée des revenus publics : impôt de vingt-six sous par feu, condamnations prononcées par les tribunaux, etc. Le Trésorier général ne pourrait disposer d’aucune somme si elle n’était d’abord ordonnancée par quatre membres sur six qui composaient la junte.

4° D’une junte de guerre : douze membres, ayant sous ses ordres les commandants des pièves.

5° Ces commandants, au nombre de deux par piève, exerçant l’autorité à tour de rôle, se relevaient de mois en mois. Sous leurs ordres étaient les capitaines des paroisses, qui, en dehors des marches ordonnées par la junte, avaient la charge d’intervenir dans toutes les disputes, d’arrêter les délinquants, de faire exécuter les sentences des magistrats, de condamner l’amende les fusiliers qui ne prendraient point part aux marches commandées.

5° Dans chaque piève un auditeur avec chancelier devait juger toutes les affaires civiles ne dépassant pas trente livres, sous réserve d’appel à la Cour Suprême.

6° Pour la répression des crimes on annonçait la promulgation d’une loi rigoureuse, telle que l’exigeaient les circonstances et le désir unanime des populations.

7° Les généraux gardaient le droit de convoquer les Assemblées.[1]

Ce n’était pas compliqué, mais cela suffisait à un esprit vigoureux pour assurer l’ordre et résister à l’ennemi.

En Septembre 1752, quinze mois après la consulte, l’accord entre Corses et Génois était devenu impossible. Gaffori nommait aux charges créées par la constitution d’Orezza, et attendait les événements. Au mois de Décembre, M. de Cursay était désavoué par sa Cour et les troupes rappelées au printemps suivant. L’organisme créé par Gaffori entrait aussitôt en fonction. Les tribunaux se dressaient, les magistrats rendaient la justice ; la junte de guerre ordonnait des marches aussitôt exécutées par les commandants des pièves ; les députés aux Finances recueillaient les impôts. « Principato nascente !  » s’écriait le Commissaire Grimaldi. « Ce n’est encore qu’une ébauche, ajoutait-il, mais les lignes se distinguent nettement, et il sera facile de l’améliorer de jour en jour[2] ». Les améliorations devaient venir, en effet, et l’une des premières fut la création d’un tribunal d’Inquisiteurs chargé de surveiller les relations des Corses avec les villes, et par ce moyen de couper court aux intrigues toujours à craindre des autorités génoises.

La Corse était maîtresse chez elle. Le péril était grand pour la République. Pour le conjurer, Grimaldi[3] ne trouva rien de mieux que de faire assassiner Gaffori. Lui mort, pensait-il, son œuvre périssait. Le nouveau principat était tué dès sa naissance. Il ne se trompait qu’à moitié. L’homme étant difficile à remplacer, on ne le remplaça pas et au lieu d’un chef imposant sa volonté, on eut une Régence de quatre membres qui n’ayant pas d’unité de vues, manquait d’initiative, et devait bientôt manquer d’autorité. L’anarchie éclatait spontanément et se répandait de proche en proche. Le Magistrat Suprême ne savait souvent en quel lieu accourir et n’était pas toujours obéi ; les magistrats des provinces pas davantage. De l’anarchie naissait l’impuissance à lutter contre les Génois, et par suite le découragement. On se fera une idée de l’une et de l’autre en lisant deux extraits de la correspondance de Grimaldi.

Voici d’abord pour l’anarchie :

Fù in Oletta ucciso un fratello del prevosto Saliceti de S. Fiorenzo, accorse il Magistrato per eseguire la giustizia, ma le fù rifiutato l’ingresso, e fù chiamata la Montagna per vendicarne il torto, dalla quale si deliberò una numerosa marchia. Quasi contemporaneamente fù a morte ferito il Tenente Angelo Maria delle Piazzoled’Orezza, Capo ribelle di quelle Comarche, che probabilmente morrà : dal che presesi l’armi dai reciprochi parenti, due uccisioni ne risultorno. Si volle da alcuni Capi, cioè Clemente Paoli, Casabianca ed altri, prima d’intraprendere il castigo del delitto seguito in Montagna, eseguire la marchia nel Nebbio, e perciò furono oomandati anche 300 Balagnini, delli quali soli 100 ubbidirono, per il rifiuto dato dal partito di Giuliani[4]. Inoltratisi i Capi nella destinata marchia, con laquale pretendevano inculcare del timore anche a paesi vicini, non ebbero tutto il seguito che si attendevano, perchè alcune pievi rifiutorno il loro contingente. Ciò non ostante, entrorno nel Nebbio più di 500 persone, che unitesi a 200 Nebbisini formorono una quantità osservabile. Mentre ciò seguiva in queste vicinanze, crebbe in Orezza il tumulto. Da una parte il partito di Ciavaldini e dall’altra quello di Santucci andavano scaramucciando dalle finestre e da siti lontani ; ma finalmente creseiuta da ambe le parti la gente, usciti in campagna, co minciorno ad agire con un livore Corso, incendiando case, esercitando delle barbarie. Otto morti vi restorno irclusi i primi e venti feriti, delle diverse pièvi, che a proporzione delloro genio vi concorrevano. Le pievi che ricevevano questo spettacolo e questo danno, altamente si lamentavano di quelli che erano concorsi a mangiare nel Nebbio, attirati anche da qualche sboro del Capo Corso, mentre pareva a loro giusto che i Capi fossero prima accorsi a spegnere l’acceso fuoco ne’loro paesi e nel cuore del Regno… (4 Marzo 1754).

L’affaire d’Orezza se termina par l’acquittement pur et simple de tous les inculpés. Ce n’était pas de nature à diminuer le nombre des assassinats.

Dans le delà des monts le désordre n’était pas moins grand que dans le deçà : seize assassinats dans le mois de Décembre ; on en prévoyait autant pour le mois de Janvier ; avec cela, des consultes nombreuses, mais d’où les partis s’excluaient réciproquement.

L’union était partout rompue, et il devenait difficile de la rétablir.

Ainsi déchiré à l’intérieur, le pays était forcément incapable de rien tenter contre l’ennemi. On parlait bien d’établir des patrouilles (squadron volante), de séquestrer les dîmes des évêques, de confisquer les biens des Génois, d’exécuter des expéditions. Chansons que tout cela ! disait Grimaldi. « Le passioni non gli permettono una divisa stable. » Au mois de Mai pourtant on essaya d’une attaque contre San Pellegrino et contre Bastia, et l’on envahit le Cap-Corse. De San Pellegrino on fut repoussé à coups de canon. Ceux qui avaient envahi le Cap Corse s’arrêtèrent à Rogliano devant la tour du Lieutenant génois, à Centuri devant la tour qui commande le port, et au bout de peu de jours s’enfuirent devant les secours expédiés par le commissaire général. « Chi fuggiva per terra, chi fuggiva per mare. » Leur retraite précipitée entraînait celle du corps qui attaquait Bastia.

Matra si ritirava verso i suoi paesi, e Clemente Paoli passava per le costiere verso il Nebbio. I nostri sortirono dai loro postamenti ad inseguirli : vi restorno alcuni feriti e qualche morto ; si presero dei loro istromenti, stracci e zaïni che indicavano la loro miseria. Si replicò al Giovedi la sortita, e così fecero i Cardinchi e Villesi sopra de’ rimanenti che uscivano dal Capo Corso, fràquali yi restò dei feriti, si presero dei cavalli e miserabili fornimenti, essendo tutti maggiormente intimoriti perchè ad ogno passo credevano incontrare i nostri Paesani e truppa di V. S. S. Frattanto s’amazzavano anche frà di loro, e restovi il prete Fabiani, nepote del Colonello. Crebbero a proporzione le nostre sortite : sicchè alla sera restò sgombrato questo territorio e quello di Biguglia e Furiani… (18 Maggio).

Toute cette lettres qui est longue, trahit une orgueilleuse confiance. L’impuissance des Corses est pour lui manifeste. Les Corses la reconnaissaient eux-mêmes, et renonçant à emporter la ville de vive force, ils recoururent à la ruse.

Ils avaient des intelligences dans Terravecchia (Cucchia, Tartarolo et d’autres), ils se mirent en relations avec les Capucins dont le couvent domine la ville. Mais le commissaire général, que Gaffori avait réduit à une espèce de quarantaine, avait maintenant des communications avec l’intérieur. Une lettre partie de Rostino (21 juillet) accusa le gardien, le Provincial, arrivé fraichement de Rome, et son secrétaire de conspirer avec les chefs Corses. Les signataires, au nombre de quinze, étaient pour une bonne part, des capitaines de paroisses et des commandants de pièves, et l’un d’eux, Pierre Vittini, avait fait récemment partie de la junte de guerre. Ceux qui avaient charge de défendre la Patrie livraient à l’ennemi ses défenseurs les plus dévoués. La situation ne pouvait être plus lamentable. Comment y remédier ?

Le souvenir de Gaffori se présentait à tous les esprits. Il fallait remettre sur l’enclume, pour le retremper, l’instrument forgé par lui pour assurer la justice ; il fallait surtout trouver un homme qui prit la place de Gaffori lui-même avec ses pleins pouvoirs. C’était le sentiment de tous à la consulte de Venzolasca, tenue après l’affaire d’Orezza. « Plus de Régence ! Un général ! »[5] C’était le sentiment des Corses établis à Rome et en Italie, en particulier de Mgr Natali, qui adressait à ses compatriotes des conseils en même temps que des secours.

Est-ce lui qui discerna dans Pascal Paoli le chef désiré, et qui le désigna au choix de ses compatriotes ? Ce serait plutôt son cousin l’abbé Zerbi, si l’on en croit une lettre écrite de Livourne à Bastia et communiquée au Commissaire général. Voici cette lettre, qui contient d’ailleurs des renseignements bien autrement importants.

Vedendo l’abate Zerbi che Clemente Paoli non essere uomo capace ad intraprendere un coraggioso ripiego per impossessarsi di taluna delle piazze di codesto Regno, e che non abbia saputo tanto meno tentarne la sorpresa, a seguela delle instruzioni speditele piu volte del sud° Zerbi : ha pertanto pensato di far passare nel Regno Pasquale Paoli di lui fratello, tenente di granattieri del Reggimento Farnesio a servizio del Rè delle Due Sicilie. Non si poteva effettuare una tale proposizione, se non veniva autorizzata dal Ministro Maltese, onde a 26 dello scorso Marzo arrivò in Livorno il Canonico Matteo Natali proveniente da Roma, e seco condusse non solamente le ulteriori instruzioni per una tale negoziazione, ma anche del contante per proteggerla ed instradarla. Seguì dunque incontanente in casa del Tommasini il congresso segreto, e per vieppù permanere nella profondità del segreto spedirono per un Frate Osservante Francescano Corso in Portoferraio il peculio e gl’ordini, intimandogli di doverli consegnare al tenente Paoli, come seguì. U frate era parente d’un tal capitano Lusinchi, conseguentemente il di lui arrivo colà a Longone non apporto la minima gelosia ne scoperta. Si sente ch’egli (il tenente Paoli) sia passato in Corsica, e che quivi procura d’animare quei popoli all’intrapresa. » [6]

S’embarquer sur un ordre apporté par un Franciscain, cela suppose qu’il y avait partie liée entre les deux prêtres et Pascal Paoli. À Longone, celui-ci était pour ainsi dire en vedette et dans l’attente d’une décision. Aussitôt prévenu, il partit. Il était en Corse avant la fin d’Avril[7]. Le commissaire Doria parle dans la même lettre de la consulte de Caccia et de ce jeune homme, dont le crédit augmente chaque jour dans l’esprit des Rebelles. À peine débarqué, il seconde son frère dans ses expéditions, établit une poudrerie, fait valoir les avantages qu’on pourrait tirer de l’exploitation des mines, et se flatte qu’on le proclamera général[8]. Sa candidature est posée. On parle avec admiration des sommes d’argent qui sont venues de Rome. J. B. Galeazzini revenant de Caccia, où son frère est piévan, déclare qu’il a vu de ses yeux vingt-quatre mille livres in tanti zecchini del Papa…

L’élection se fit le 13 juillet à S. Antoine de la Casabianca. Seize pièves en tout y prirent part. Les délégués déclarèrent qu’ils voulaient un général et votèrent pour Pascal de Paoli. Celui-ci fut donc proclamé Général du Royaume avec autorité absolue, sauf en un point. Il ne pouvait toucher aux matières d’État sans le concours de l’Assemblée. La crainte des responsabilités qui l’assaillit au dernier moment, faillit tout compromettre ; mais cédant aux injonctions de l’Assemblée, il accepta et prêta serment[9]. La Corse avait trouvé le chef qu’elle cherchait.

Trois mois plus tôt, les 21 et 22 Avril, une consulte avait été tenue à Caccia[10], dans la sacristie du couvent à huis clos. Ce qu’il faut en retenir, ce sont les « établissements, règlements et décrets » qui y furent promulgués. À ce point de vue, son œuvre apparaît comme la continuation et l’achèvement de la consulte d’Orezza. Ce qui fut ébauché là-bas est ici mené à terme.

L’exercice de la justice est réglé dans tous ses détails : procédure à suivre dans les jugements, principes à observer, cas de nullité, etc. Le fonctionnement en est assuré dans chaque piève par un juge rétribué mais révocable en cas de prévarication. Au-dessus sont les tribunaux des provinces et le Magistrato Supremo corps judiciaire et politique à la fois. La loi rigoureuse, annoncée à Orezza pour la répression des crimes, fut publiée à Caccia, et rien ne montre davantage le lien qui existe entre les deux consultes. La seconde tint les promesses de la première, et ce sont vraiment des lois rigoureuses qu’elle édicta. L’assassinat n’était pas seulement puni de mort, comme on le demandait en 1730, mais la honte devait accompagner le châtiment (sia strascinato a coda di cavallo) ; et l’assassin exécuté, sa famille devait être chassée du Royaume sans espoir de retour.

Mais en même temps qu’un Code, ces « établissements » présentent un enseignement moral et civique. En des formules précises ils montrent le mal qu’est l’assassinat, le dommage qu’il fait à la société, l’abjection qu’encourt celui qui le commet « non è bra vura, ma vero brutalità ». Ils s’attaquent au point d’honneur et aux préjugés dont il se couvre pour justifier ces vengeances qui ensanglantent les provinces, abaissent et détruisent les familles, et déshonorent le pays aux yeux de l’étranger qui nous tient pour des barbares. C’est la consulte qui parle ainsi. Par ces enseignements et par les sanctions établies, elle s’efforce d’empêcher, d’abolir, pour ainsi parler, l’homicide et de ramener dans le pays l’union, sans laquelle ni l’indépendance ni la civilisation ne sont possibles. De ces principes, devaient s’inspirer les paceri, amiables compositeurs ou arbitres criminels, institués dans chaque piève pour prévenir le mal et l’arrêter à ses débuts.

À la suite des paceri, pour veiller à la sûreté publique qui n’importait pas moins que la sûreté privée, la consulte instituait un tribunal d’Inquisiteurs, renouvelé de Gaffori, mais sur des bases différentes. Naturellement, il jugeait selon des règles déterminées (un tribunal suppose des lois) et sur des dépositions jurées, mais il agissait en secret pour mieux surveiller les factieux (il y en avait) et déjouer leurs menées criminelles.

Pour exécuter les sentences des Magistrats, pour garder le château de Corte et la tour de l’Île Rousse[11], la consulte avait décrété la création d’une troupe soldée, soumise à une discipline régulière. Elle ne dérogeait pas pour cela au principe qui faisait de tout

Corse un soldat. Les levées étaient maintenues ; des règles étaient tracées pour les rassemblements et pour les marches, et des peines étaient spécifiées contre ceux, officiers ou soldats, qui ne répondraient pas à l’appel. Mais la troupe soldée avait cet avantage d’être prête à toute réquisition. Les populations se trouvaient déchargées d’autant, et l’on parait aux désordres qui accompagnaient trop souvent les levées improvisées.

Il y avait de ce fait une augmentation d’impôts : deux livres par feu au lieu des vingt-six sous fixés à Orezza. Mais quel peuple au monde ne payait des impôts plus lourds ? Ici les fonctions publiques étaient temporaires, et les chefs c’est à dire les hommes influents, les remplissaient à tour de rôle sans rétribution. Grâce à leur dévouement, les Corses avaient une administration qui ne leur coûtait guère. Raison de plus pour qu’on exigeât rigoureusement la taxe établie. Les garnisaires triompheront, s’il le faut, de la mauvaise volonté des contribuables. Mais le bilan des recettes et des dépenses, qui se publiera tous les six mois, fera connaître à tous le bon emploi des deniers publics.

Ainsi, finances, armée, police, justice prompte et sévère, la consulte de Caccia avait tout organisé. Le nouveau gouvernement recevait, pour accomplir son œuvre, un instrument tel qu’aucun gouvernement n’en avait possédé avant lui. Le principat, que Grimaldi avait voulu tuer, vivait encore et Pascal Paoli, avait en mains ce qui était nécessaire pour panser ses blessures et l’orienter vers de nouvelle destinées.

Car le passé est fini. Gênes considérait les Corses comme des sujets, et ceux-ci jusqu’à présent n’y contredisaient qu’à moitié. « Sudditi naturali », disaient les Génois. « Sudditi convenzionati », ripostaient les Corses. On discutait sur ces deux adjectifs. La consulte de Caccia changea la question. « Nous transférons, dit-elle, le domaine de l’île au Magistrat Suprême, (c’est-à-dire à la représentation nationale). Les membres qui le composent, en quelque lieu qu’ils se réunissent, forment le corps de la nation et ont le domaine de l’île toute entière ». La Souveraineté Nationale était affirmée, et tout vasselage aboli. Au lieu de marcher à la suite de la Sérénissime République, la Corse suivra désormais sa propre voie.

Le Commissaire Génois devina-t-il l’importance de ces délibérations ? Toujours est-il que c’est lui qui nous les a conservées. Le 6 juillet 1755 il adressait au Sénat copie des « établissements » publiés à Caccia, « ricavati dallo stesso originale che mi sono procacciato, che è convenuto tirarlo dalle mani del Présidente Buttafuoco ». (Archivio Segreto, filza No 2077). L’original fut promptement restitué mais nousbénéficions aujourd’hui de la copie qui en fut faite.

Dom Ph. Marini
0. S. B.
  1. Voir le document : Consulte d’Orezza.
  2. quantunque la statua non sia che abozzata, già vi si distinguono i lineainenti. Non v’ha dubbio che di giorno in giorno il lavoro andrà perfezionandosi (23 aprile 1753).
  3. Jean-Jacques Grimaldi fut commissaire général de La Républiquie en Corse du mois de Juillet 1751 au mois d’août 1754. Il fut à cette époque remplacé par Joseph Marie Doría.
  4. Clément Paoli voulut quelque temps après les châtier de cette désobéissance ; mais ce ne fut pas sans effusion de sang. Entre Areggno et Avapessa vi restorno 20 morti e 17 feriti, tutti montagneri.
  5. Tutti i discorsi furono in detestare l’elezione del Magistrato. Conveniva eleggere un Generale, mentre in teanpo di Gafforisi vedeva pronta amministrazione di giustizia, e non si sentivano gl’inconvenienti che sono seguiti dopo la sua morte (d’une lettre adressée Grimaldi, 9 Mars 1754).
  6. 5 Mai 1775, Ferd° Moretti à George d’Angelis, consul de France à Bastia.
  7. On l’y attendait depuis longtemps : « Si attende il figlio di Giacinto Paoli. » (Doria, 16 février).
  8. Va acquistando del concetto nella mente dei Ribelli. Si lusinga detto giovane e viene lusingato di dover essere eletto generale dei Ribelli. Dicesi piero le verrà, contrastata tale elezzione, atteso che le pievi delle marine saranno per pretenderne altro delle loro Comarche (Doria 14 Mai 1755).
  9. Voir le document : Élection de Paoli.
  10. La piève de Caccia correspond au canton de Castifao ; et le couvent, depuis longtemps en ruines, se trouve entre les villages de Castifao et Moltifao.
  11. Les Corses n’avaient que ce port pour communiquer avec l’Italie ; ils avaient vainement essayé de s’emparer des tours de la Padulella et de San Pellegrino, « per non essere costretti il far passare tutto per l’Isola Rossa, con molto loro incommodo. » (G. M. Doria, 14 Mai 1755).