Éditions Albert Lévesque (p. 159-160).

ÉPILOGUE

Une courte année de bonheur s’est envolée depuis le mariage d’Isabelle Comtois avec Marcel-Pierre Saint-Denis.

Dans le charmant nid qui leur a été aménagé à Outremont, ils ont connu les joies ineffables du véritable amour et la douceur exquise de leur home.

Maintenant Dieu vient de compléter leur bonheur : un fils leur est arrivé !

La jeune maman, pâle et heureuse dans les dentelles de son lit, pose sur son mari, ses yeux bleus agrandis par la souffrance, mais brillants de joie.

— Es-tu content ? murmure-t-elle.

Son regard ému et heureux lui répond, et tandis que la garde se retire, après avoir mis pour la première fois le bébé dans ses bras, le jeune père, avec un doux émoi, presse contre lui ce petit paquet de laine blanche et de chair rose, et posant ses lèvres sur la petite tête soyeuse, il dit à demi-voix :

— Ah cher mignon ! Enfant de notre amour ! Grâce à Dieu, jamais, jamais, tu ne souffriras ce que ton père a souffert !

Et mettant le bébé près de sa mère, il les embrasse tous les deux, le cœur inondé de joie.

Le lendemain, après le baptême, tandis que les invités causaient dans la salle à manger, après avoir pris un verre de champagne à la santé de l’enfant, Marcel s’esquiva et entra doucement dans la chambre de sa femme, quelques roses blanches à la main.

Il lui donna les fleurs et sortit de sa poche un papier où plusieurs lignes étaient tracées au crayon. Isabelle reconnut l’écriture.

— Des vers ! De toi ?

— Non, ces vers ne sont pas de moi ! Je les ai découverts ce matin dans un vieux cahier où marraine conservait des poésies glanées ici et là dans les journaux et les revues. Ils rendent si bien les pensées qui remplissent mon cœur, que l’auteur ne m’en voudra pas de les avoir transcrits pour te les dédier, chère nouvelle petite maman !

La jeune femme prit la feuille et lut ce qui suit :

(J’emprunte ces stances, pour les dédier)
À la mère de mon fils

« Quand je vis près de toi, dans la blancheur des langes.
« Notre premier enfant, pour la première fois,
« J’eus soudain dans les yeux des fixités étranges,
« Des frissons dans la chair, des sanglots dans la voix…
« Et je me demandais comment une âme humaine
« Contient, sans déborder, comme une coupe pleine,
« Tant d’amour pour la mère, tant d’espoir pour l’enfant ! »

FIN
La Maisonnette
Lac des Pins
  août, 1931.
*   Extrait du poème « Le Premier Bébé. »