La besace de haine/Où il semble que l’intendant Bigot aura le dernier mot de cette histoire

Éditions Édouard Garand (p. 96-100).

— X —

OÙ IL SEMBLE QUE L’INTENDANT BIGOT AURA LE DERNIER MOT DE CETTE HISTOIRE


Jean Vaucourt et Flambard, après avoir pris congé de Marguerite de Loisel, se dirigèrent vers la rue Saint-Louis.

— Flambard, dit Jean Vaucourt en s’arrêtant tout à coup, à présent que nous savons où se trouve mon petit Adélard, ne vaudrait-il pas mieux aller auparavant le réclamer à ce mendiant, le père Raymond ?

— Nous irons après, capitaine, nous irons avec sa mère.

— Tu es donc sûr que nous pourrons reprendre Héloïse à ses ravisseurs ?

— J’en suis sûr.

— Mais pénétrer dans la maison de Bigot est dangereux ! Ne vaudrait-il pas mieux emmener avec nous quelques gardes ?

— Capitaine, répliqua froidement Flambard, j’ai ma rapière et vous avez la vôtre, cela suffit. Mais j’ai mieux que cela encore, j’ai pleins pouvoirs de M. de Vaudreuil, et je sais que j’aurais tout l’appui du roi, si je pouvais parler au roi !

— Eh bien, allons !

— Car là, dans cette maison, reprit Flambard, nous n’aurons rien à ménager. C’est un repaire de bandits qu’il convient de détruire, il y a là un tas de traîtres qu’il importe de tuer sans pitié avant qu’ils nous livrent tout à fait aux Anglais ! Allons, capitaine, le droit, Dieu et le Roi sont avec nous !

Ils furent bientôt devant la demeure, tranquille à ce moment de la matinée, de l’intendant-royal. Flambard ouvrit la grille et marcha suivi du capitaine vers le péristyle. Les deux hommes montèrent quatre marches de marbre blanc et Flambard d’une main sûre agita le heurtoir.

Au bout de cinq minutes un domestique vint ouvrir.

— Nous désirons avoir un moment d’entretien avec monsieur l’intendant, annonça Flambard sur un ton paisible.

— Si vous voulez attendre un moment, je vais voir si monsieur l’intendant peut recevoir.

Et le domestique referma brusquement la porte.

— Bon ! grogna Flambard, voici une porte qui nous est trop fermée sur le nez ! J’aurais dû m’en douter !

— Qu’auriez-vous fait ? demanda le capitaine.

— J’aurais dû, ou plutôt nous aurions dû entrer avant de faire des politesses avec ce larbin !

— Bah ! il va revenir, sourit le capitaine.

— Il le faut bien, sinon je me verrai dans la nécessité de causer des dommages matériels !

Comme il achevait de parler, la porte s’ouvrit de nouveau et le même domestique reparut, disant :

— Mes gentilshommes, monsieur l’intendant n’est pas encore descendu de ses appartements, mais la femme de monsieur l’intendant recevra ces gentilshommes !

Et le domestique ouvrit tout à fait la porte et s’effaça.

— Ah ! diable ! s’écria Flambard qui oubliait d’atténuer son accent nasillard tant la surprise l’avait presque renversé, depuis quand donc monsieur l’intendant a-t-il femme ?

Le domestique sourit et répondit :

— Depuis hier soir, messeigneurs !

Flambard crut saisir quelque chose d’ironique dans le sourire du laquais, et il pensa :

— Il se passe ici quelque chose d’extraordinaire que j’ai hâte de connaître !

Et il regarda Jean Vaucourt qui était excessivement pâle.

— Entrez, messeigneurs ! invita le domestique sans se départir de son sourire moqueur.

Les deux amis pénétrèrent dans un vaste vestibule, très sombre à ce moment. Le domestique les conduisit vers une porte, à droite, et non à gauche où était ce petit salon que nous connaissons. Et cette porte à droite, une fois ouverte, laissa voir une grande salle richement meublée et ornée de portraits et de statues d’un prix inestimable. Là encore il régnait un demi-jour.

Flambard et le capitaine pénétrèrent dans cette salle, et le domestique avant de se retirer dit d’une voix basse et onctueuse, mais narquoise encore, comme pensa le saisir le spadassin :

— Madame va venir, en attendant que monsieur l’intendant puisse recevoir ses distingués visiteurs !

La porte fut refermée doucement.

— Il me semble, souffla Jean Vaucourt, que nous venons de nous jeter dans l’enfer !

Flambard fit aussitôt un bond vers la porte refermée par le domestique, et il constata que cette porte avait été refermée et verrouillée en même temps du côté du vestibule, il ne put l’ouvrir.

— Vous avez deviné justement, dit-il en souriant et en revenant vers le capitaine.

— Qu’allons-nous faire ? interrogea celui-ci.

— Si nous sommes dans l’enfer, attendre que le diable s’amène, nous verrons toujours à quoi nous en tenir. Pour l’instant il n’y a aucun danger immédiat, et vu que je suis fatigué, je vais m’asseoir sur l’un de ces magnifiques fauteuils.

Il fit comme il disait.

Jean Vaucourt l’imita.

— Nous allons donc nous borner à attendre madame ! se mit à ricaner Flambard.

À la minute même, dans l’angle droit de l’extrémité opposée de la salle une petite porte à demi masquée par une tenture fut ouverte, la tenture doucement écartée, et la silhouette diffuse d’une femme apparut.

Vêtue de blanc, cette jeune femme s’avançait craintivement vers les deux hommes. À mesure qu’elle approchait, ses traits devenaient de plus en plus distincts.

Et tout à coup Jean Vaucourt poussa un grand cri de joie :

— Héloïse ! Héloïse !…

Il bondit et courut à la jeune femme qu’il voulut prendre dans ses bras. Elle le repoussa doucement et dit d’une voix basse et tremblante, une voix qui avait un accent impossible à rendre que Jean Vaucourt ne reconnaissait pas :

— Vous désirez voir mon mari, messieurs ?… Il sera ici dans dix minutes !

Son mari !…

Jean Vaucourt tomba, foudroyé presque, sur un divan.

Flambard s’était approché à son tour et considérait curieusement Héloïse qui, de son côté, observait le spadassin avec des yeux démesurément grands et étonnés.

La jeune femme était si méconnaissable à cause de sa maigreur excessive et du teint livide de son visage que Flambard se demandait si c’était bien là Héloïse de Maubertin, ou si, pour le mystifier lui et Jean Vaucourt, on leur avait envoyé une femme qui eût avec la fille du comte quelque ressemblance étrange.

Mais cette ressemblance était encore trop apparente pour tromper, en étudiant ce masque ovale, ces traits fins et délicats, ces yeux bleus, ces cheveux blonds… oui, oui, pensait Flambard, les cheveux d’Héloïse !

— Son mari !… a-t-elle dit, se murmurait Flambard dérouté et inquiet.

Il interrogea en s’inclinant :

— Madame, comment se nomme votre mari que j’aurai bien du plaisir à connaître ?

— Quoi ! monsieur, je pensais que vous le connaissiez, fit la jeune femme avec un grand étonnement dans son accent et dans ses regards. Il s’appelle Jean Vaucourt !

Jean Vaucourt !…

Le capitaine bondit de nouveau et cria à tue-tête et comme pris de folie :

— Héloïse ! Héloïse ! c’est moi ton mari, c’est moi… tu ne me reconnais donc pas ?

Il tendait ses bras à la fois tremblants et suppliants.

Héloïse s’était reculée pour continuer à regarder Flambard et le capitaine avec ses yeux toujours étonnés.

Puis, tout à coup, elle frissonna, son teint se colora légèrement, ses sourcils se rapprochèrent, et regardant fixement le capitaine, elle dit d’une voix concentrée et légèrement irritée :

— Monsieur, vous dites que vous vous appelez Jean Vaucourt ? Mais c’est une imposture, puisque mon mari est là-haut et qu’il va descendre !

Pour la seconde fois Jean Vaucourt s’abattit sur un siège.

Puis il appela d’une voix méconnaissable :

— Flambard !

— Capitaine ? répondit le spadassin en s’approchant.

Avec des sanglots dans la voix et des larmes dans les yeux Jean Vaucourt demanda :

— Mon ami, mon ami, que se passe-t-il ? Suis-je devenu fou ? Ou bien, dites-moi que nous faisons un rêve monstrueux !

— Capitaine, répliqua gravement Flambard, nous ne rêvons pas et vous n’êtes pas fou. Voici bien votre femme, voici bien la fille du comte de Maubertin… mais elle est morte !… On a tué son intelligence !

— Horreur ! horreur ! sanglota Jean Vaucourt, ma femme… ma femme si adorée est folle !

— Oui, gronda Flambard, c’est le crime le plus horrible que des monstres humains puissent accomplir. Oh ! mais cette fois, par les deux cornes de Satan ! nous allons voir du sang !

Puis, brusquement il tira sa rapière et clama de sa voix de stentor et nasillarde :

— Holà, Bigot, infâme sacripant d’enfer ! Holà, voleur maudit ! Holà, monstre d’ignominie !…

Au centre du mur de l’extrémité opposée de la salle une immense porte, à deux panneaux, s’ouvrit tout à coup, chaque panneau paraissant s’enfoncer en glissant silencieusement dans les murs, et de l’autre côté de cette porte apparut une petite salle, sombre et sans mobilier, dallée de pierre. Et dans cette salle apparaissait un homme, un garde, armé d’une longue rapière qu’il brandissait tout en esquissant de ses lèvres un sourire moqueur.

Flambard jeta un cri de surprise.

— Par l’enfer et satan ! jura-t-il, est-ce que je ne reconnais pas ce garde que j’avais pendu dans le logis du père Vaucourt ?

À ce moment, au fond de cette petite salle obscure, un second personnage paraissait et s’arrêtait immobile près du mur, et ce personnage était enveloppé d’un large manteau noir avec un capuchon qui couvrait, sa tête et cachait entièrement son visage.

— Ah ! tiens, dit Flambard en ricanant, voilà Lucifer ! Mais c’est ce garde… ah ! ah ! mon gaillard, je te reconnais bien !

— Tant mieux, répondit l’autre avec un rictus sinistre. Je suis bien ce garde, en effet, Verdelet, pour vous servir, maître spadassin de l’enfer !

Il brandissait encore sa rapière.

— Ah ! ah ! tu veux rire, gronda Flambard, eh bien ! nous allons rire de suite et tous les deux, avant que j’aille rire ensuite avec ce fantôme que j’aperçois derrière toi !

Et Flambard fondit, la rapière au poing, sur Verdelet au moment où celui-ci venait de pénétrer dans la grande salle.

Au premier choc des épées, Héloïse tressaillit fortement. Puis elle courut se pendre au cou de Jean Vaucourt, criant et gémissant à la fois :

— Ils vont le tuer !… Ils vont le tuer…

Jean Vaucourt voulut l’apaiser… Mais il se sentait à demi fou, se demandant sans cesse s’il n’était pas le jouet, ainsi que Flambard lui-même, d’un songe affreux.

Oh, tandis que Flambard se jetait contre Verdelet, la porte latérale qui donnait sur le vestibule s’ouvrit doucement, si doucement que Jean Vaucourt n’entendit pas ; car s’il avait entendu et regardé de ce côté il aurait vu qu’un domestique ouvrait en même temps la porte d’entrée donnant sur le péristyle, puis il aurait vu plus loin, traversant le jardin, une troupe de gardes et de cadets, l’épée au poing ! Il aurait vu encore, la seconde d’après, un mendiant franchir la grille du jardin et hurler :

— Les Anglais !…

Puis il aurait vu le même mendiant, armé d’un bâton noueux, se frayer un chemin au travers des gardes pris par surprise, bondir jusqu’au péristyle, pénétrer dans le vestibule, se ruer dans la grande salle et crier avec un accent de désespoir impossible à dépeindre :

— Flambard !… Flambard !…

Mais non, Jean Vaucourt n’avait pas vu, il n’avait pas même entendu ce cri du mendiant, qui n’était autre que le père Croquelin essoufflé, ahuri, épouvanté, tant il était occupé à regarder Flambard en train de croiser le fer avec Verdelet. Et Héloïse, qui venait de quitter Jean Vaucourt pour se rapprocher de Flambard et de Verdelet, n’avait pas vu ni entendu non plus ! Et Flambard lui-même n’avait pas entendu cet appel désespéré du père Croquelin.

Le père Croquelin, cependant, allait s’élancer vers Flambard… mais un garde à cet instant pénétrait vivement dans la grande salle et d’un coup de poing fortement asséné envoyait rouler le vieux sur le parquet.

À cette seconde les rapières des deux combattants cliquetaient vivement, car Flambard attaquait avec une extrême violence et une rapidité vertigineuse. Puis il disait :

— Ah ! vermine, j’aurais bien dû te laisser la corde au cou ! Voilà comment tu me récompenses, chien !

Verdelet n’attaquait pas. Il retraitait vers la petite salle où demeurait toujours immobile et impassible en apparence le personnage vêtu de noir. Flambard suivait le garde pouce à pouce essayant de le frapper à mort, pour arriver plus tôt à cet autre personnage qu’il croyait deviner. Et Verdelet allait sûrement être embroché par la rapière de Flambard, bien qu’il réussit, par sauts et par bonds, à esquiver les coups du spadassin, lorsque soudain un gong invisible retentit.

Verdelet poussa un cri, mais c’était un cri de joie, un cri de délivrance !

Flambard poussa également un cri, mais un cri de surprise !

Et un cri poussèrent aussi Vaucourt et Héloïse, mais un cri de terreur !

Car au bruit du gong, à l’instant même où Flambard mettait les pieds dans la petite salle obscure, une corde tenue par une main invisible descendit au-dessus de la tête de Flambard, et cette corde, avec son extrémité en nœud coulant, s’enroula autour du cou du spadassin !

D’un bond gigantesque Verdelet se précipitait sur Flambard qui venait d’échapper sa rapière et ajustait la corde… Mais au même instant le personnage en noir au fond de la petite salle, faisait un geste…

Sous les pieds de Flambard le plancher s’enfonça, s’effondra, et le spadassin disparut dans un gouffre avec la corde enroulée autour de son cou et en poussant un cri affreux !

Mais un autre cri non moins terrible répondit à celui de Flambard, et ce cri venait d’être jeté par Verdelet…

Au moment, à la seconde même, pour être plus juste, puisque cette scène n’avait duré en tout que quelques secondes, où le spadassin s’engouffrait dans le trou… un abîme où l’on pouvait voir des flammes ardentes rugir et se tordre… un trou qui ressemblait à l’enfer, Flambard avait happé un bras de Verdelet et l’avait entraîné avec lui !

À la même seconde encore, Héloïse, qui se trouvait presque sur le seuil de la porte séparant les deux salles, ramassa rapidement la rapière de Flambard demeurée sur le bord du trou et d’un coup sec trancha la corde qui s’était attachée au cou du spadassin.

Puis, elle se recula dans un bond… Il était temps : les deux panneaux de la porte, glissaient de nouveau dans les murs et se refermaient avec un bruit d’acier.

À ces bruits divers, à ces cris, le père Croquelin s’était relevé et s’était rué vers Jean Vaucourt qui demeurait comme statufié.

— Holà, capitaine ! rugit l’ancien mendiant, que faites-vous ici dans cet enfer… fuyez !

Jean Vaucourt, le front inondé de sueurs, blême comme la mort, frémit longuement, puis il promena autour de lui des regards égarés. Il aperçut dans la porte latérale ouvrant sur le vestibule des gardes et des cadets de Bigot l’épée nue à la main.

Il fit entendre un rugissement, et, avant de bondir sur l’ennemi qui semblait là le narguer, il voulut prendre son épée… il s’aperçut avec surprise qu’elle manquait au fourreau.

Il jeta autour de lui un nouveau et rapide regard, et il vit Héloïse qui s’éloignait de lui, emportant son épée… Héloïse qui s’était approchée sans qu’il la vît et qui avait à son insu fait glisser l’épée hors du fourreau.

— Héloïse… que fais-tu ? Mon épée…

Il la regarda un moment avec une indicible émotion, puis il marcha vers elle.

La jeune femme brisa l’épée et en jeta les deux tronçons sur le tapis.

— Oh ! qu’est-ce que cela signifie !… murmura le père Croquelin plus horrifié maintenant qu’effrayé.

Sans mot dire, mais frissonnant, Jean Vaucourt ramassa un bout de l’épée brisée, en assujettit la poignée dans sa main droite, et, tel un lion blessé et furieux, il se jeta contre les gardes.

— Place, laquais d’enfer ! rugit-il en même temps.

Les gardes reculèrent précipitamment, ils reculèrent et s’effacèrent pour livrer passage à un autre personnage qui s’avançait vers Jean Vaucourt, qui le reconnut et s’arrêta, tremblant : c’était Bigot !

— Que signifie toute cette comédie ? cria Jean Vaucourt. Parlez, monsieur !

D’une voix suave mais autoritaire et dominatrice Bigot répondit :

— Ce n’est pas une comédie, monsieur, je suis Jean Vaucourt et voici ma femme !

— Votre femme !… ricana follement Vaucourt.

— Et vous êtes mon prisonnier ! acheva l’intendant avec un sourire terriblement ironique.

Jean Vaucourt allait peut-être se jeter contre l’intendant, lorsqu’un bruit de musiques guerrières retentit tout à coup sur la rue Saint-Louis : c’était un régiment d’infanterie qui défilait et gagnait son poste de bataille et ses retranchements dans la campagne.

Le père Croquelin, obéissant à un instinct, se rua vers une croisée, enfonça un carreau, passa sa tête par l’ouverture et cria d’une voix terrible :

— À l’aide !… à l’aide !…

Le régiment s’arrêta net. Son chef, qui montait un superbe coursier noir, donna des ordres rapides.

L’instant d’après la maison était entourée par les soldats de ce régiment, et celui qui le commandait pénétrait dans la grande salle, où se trouvaient encore des gardes et Jean Vaucourt avec Héloïse qui, enfin, s’était jetée à son cou.

Et ce chef, c’était M. de Bougainville !

— Ah ! colonel ! s’écria Jean Vaucourt, sauvez-nous !

Il voulut lui désigner Bigot… Mais l’intendant n’était plus visible ! À l’instant même des clameurs s’élevaient de toutes parts dans la cité :

— Les Anglais !… Les Anglais !… disaient ces clameurs.

— Au fait, dit Bougainville en regardant le capitaine, avant-hier on nous informait que la flotte anglaise était en vue de la Rivière-Ouelle…

— Et aujourd’hui, interrompit le père Croquelin, elle apparaît devant l’Île d’Orléans !

Bougainville allait parler encore, lorsqu’une clameur partant cette fois de l’intérieur de la maison, s’éleva : c’étaient les gardes de l’intendant Bigot qui criaient, éperdus :

— Au feu !… Au feu !… On s’apercevait pour la première fois que toute la maison était en flammes.

— Sauve qui peut ! hurla un garde.

Jean Vaucourt enleva sa femme dans ses bras, et précédé de Bougainville, suivi du père Croquelin, il gagna rapidement le jardin.

Là, tous quatre s’arrêtèrent. Les soldats du régiment de Bougainville demandaient des ordres pour éteindre l’incendie.

— Non, répliqua Bougainville en branlant la tête, laissez faire, mes amis. J’aime mieux cela ; peut-être que les canons anglais auraient manqué d’effacer cette lèpre que le feu dévorera en entier !

— Oui, c’est vrai, appuya le père Croquelin, c’est la maison du diable !

— Mais Flambard… ce pauvre Flambard ! soupira Jean Vaucourt.

De nouveaux cris couvrirent sa voix, des cris montant dans la rue même :

— Les Anglais !… Les Anglais !…

Jean Vaucourt s’aperçut alors que sa femme était évanouie dans ses bras.

— Père Croquelin, à la maison ! cria-t-il.

Et, serrant sa femme contre sa poitrine, le capitaine s’élança dans une course rapide vers sa petite maison, suivi du père Croquelin, qui ne cessait de répéter :

— Pauvre Flambard !


FIN