LA VIEILLE ROMANCE.




à claudia.


Connais-tu la romance
Qui fait toujours pleurer,
Que le cœur recommence
Sans se désespérer ?

Carl aimait Madeleine :
Il eût baisé ses pas ;

Il buvait son haleine :
— Elle ne l’aimait pas.

Elle aimait un beau pâtre
Qui passait sans la voir ;
Et souvent, près de l’âtre,
Elle pleurait le soir.

Le pâtre en la vallée
Avait mis son amour ;
Son âme désolée
Gémissait nuit et jour ;

Car son amour immense
N’était pas partagé,
Et parfois la démence
Brûlait son sang figé.

Et tous, pâles et sombres,
Ils allaient par les champs,

Quand la nuit met ses ombres
Sur les coteaux penchants ;

Ils erraient, solitaires,
Sans oser espérer ;
Et les chênes austères
Les regardaient pleurer.

Et quand la mort sordide
À leurs yeux vint s’offrir,
Chacun croyait, candide,
Être seul à souffrir.

 

Oh ! la vieille romance
Qui fait toujours pleurer ;
Que le cœur recommence
Sans se désespérer.