Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 192-193).

IV

LA MAISON DU PÂTRE

Ce soir-là, par un ciel brumeux à l’horizon,
Par un vent qui sans doute apportait du poison,
Au coin du bois, au bord de la mare verdâtre,
Elle était triste à voir, l’humble maison du pâtre !
La grande épidémie, effroi de tout vivant,
Avait emporté l’homme, atteint deux jours avant.
Sa jeune veuve, hélas ! Jeanne la chevrière,
À son tour maintenant reposait dans la bière.
Sous ce toit vieux et sombre, au retour de la nuit,
Elle gisait encor : les voisins avaient fui ;
Seuls, deux petits enfants sur le seuil de la porte
Restaient avec un chien, les enfants de la morte.

Ces innocents riaient, ils prenaient leurs ébats,
Ils provoquaient le chien, qui, lui, ne jouait pas.
Sur la dalle accroupi, d’une voix de détresse,
Il pleurait à la fois son maître et sa maîtresse ;
L’un qui, depuis deux jours, manquait à la maison ;
L’autre, immobile et froide à côté d’un tison,
Et n’ayant plus un trait de cette femme accorte
Qui jadis, l’emmenant comme une bonne escorte,
Au milieu des taillis où tout germe à la fois,
Allait cueillir la mûre et la fraise des bois.