Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 93-96).

LIVRE DEUXIÈME



PENDANT

QUE

LES MOISSONS MÛRISSENT

I

LA CHANSON DE JUILLET


Je suis l’Été riche et superbe,
Le possesseur du champ vermeil.
Jusqu’au genou, plongé dans l’herbe,
Je me couronne d’une gerbe
Et des rayons de mon soleil.

Je viens, et la gaîté s’allume ;
Je la fais naître d’un coup d’œil ;
Et tout s’en va comme l’écume,
Au ciel ce qui restait de brume,
Au cœur ce qui restait de deuil.


Arrière les soucis moroses,
Et les misères et la faim !
Prodiguant au loin toutes choses,
Aux riches j’apporte les roses,
Aux pauvres j’apporte le pain !

Par moi le banquet recommence ;
J’ai pour nappe les gazons verts :
Venez, convives en démence ;
Je suis, dans ma largesse immense,
L’amphitryon de l’univers !

Dans mes retraites inconnues,
Venez, sans voile sur le sein.
Nymphes des bois, dryades nues !
Sous le regard des chastes nues,
Plongez-vous dans mon clair bassin !

Dans le hallier, dans la charmille,
Que tout se livre à ses amours.
Je suis le Père de famille,
Par qui tout aime et tout fourmille
Et tout bénit l’auteur des jours !