Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 73-74).

XX

LE LONG DES FUTAIES


Baignés d’un air tiède, attentifs au chant
Qui sortait des nids pleins de rouges baies,
Vous en souvient-il ? au soleil couchant,
Nous allions tous deux le long des futaies.

L’air, les eaux, les bois, vous en souvient-il ?
Rayonnaient au loin de lumière blonde.
Je ne sais quel souffle, ardent et subtil,
Courait ce soir-là sur la terre et l’onde.

Dans l’étroit chemin vous me précédiez,
Foulant violette, iris et pervenche ;
Et parfois le vent, caressant vos pieds,
Soulevait un peu votre jupe blanche.


Vous alliez, j’allais. Œil superbe et doux,
Candeur souveraine, innocentes grâces,
Vous alliez, j’allais ; ployant les genoux,
Le divin Corrége eût baisé vos traces.

À vos blonds cheveux, noués en bandeau,
Un lierre enlaçait sa brindille noire,
Et, de son feuillage encor mouillé d’eau,
Frôlait par instants votre cou d’ivoire.

Au bord du sentier, le pas suspendu,
Je fus pris soudain de trop forte ivresse ;
Jamais un chasseur, dans les bois perdu,
Ne crut de plus près voir une déesse.

« Eh bien, dites-vous, ne marchez-vous pas ? »
Le vertige au front, tremblant de poursuivre,
Je vous répondis : « De tous les combats
Le plus redoutable en mon cœur se livre ! »