Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 71-72).

XIX

EMBLÈME


On dit que, loin de nous, aux plages de ce monde
Qui du marin génois attira le vaisseau,
Pays où la nature, éclatante et féconde,
Des âges primitifs a conservé le sceau,

On dit qu’au fond des bois fermés à l’œil profane,
Où passe à peine un cerf allant à l’abreuvoir,
Au milieu des gazons qu’aucun hiver ne fane,
Il existe une fleur miraculeuse à voir.

Sa pareille ne croît sur aucune pelouse ;
Dans ses jardins royaux Paris l’attend encor ;
Et le jardin qu’Isaure entretient à Toulouse
N’ose lui comparer ses églantines d’or.


Tant que l’astre du jour luit sur sa tige verte,
La fleur, par un secret qu’ignore tout savant,
Aspire la lumière en sa corolle ouverte,
Et des rayons captifs devient l’écrin vivant.

Puis la magique plante, à la nuit revenue,
Brille de tous les feux recueillis dans le jour,
Et l’homme qui peut voir la merveille inconnue
Songe infailliblement à son plus cher amour.

Il contemple, ravi, ce calice qui semble
Un astre détaché du lointain firmament,
Cette fleur qui, parfums et vifs rayons, rassemble
Tout ce que Dieu pour l’homme a fait de plus charmant.

Ah ! faut-il soulever l’allégorique voile ?
Réponds-moi, le faut-il, ô mon bien le meilleur !
Fleur qui répands sur moi les clartés d’une étoile,
Étoile qui répands les parfums d’une fleur !