Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 56-57).

XV

PRIÈRE DU MATIN


Sortons : voici le jour ; l’aube perce la nue.
Les cimes, les plateaux, les bois, la roche nue,
Tout revêt ses couleurs, tout s’éclaire à son feu.
La rivière au flot clair brille sous la feuillée.
Des ombres de la nuit la terre dépouillée
Murmure en s’éveillant : « Je crois en vous, mon Dieu ! »

La fleur, dans le ravin qu’une ombre voile encore,
Attend l’heure du jour qui doit la faire éclore.
L’oiseau cherche le grain laissé par le glaneur ;
La plante, pour sa soif, demande une onde fraîche ;
Le taureau, le cheval, des herbes pour la crèche :
Toute cette nature espère en vous, Seigneur !


Du penchant des coteaux, de la plaine fumante
Une tiède vapeur monte ; le sol fermente,
Il frémit sous le pied d’un tressaillement sourd.
Mon âme jette aussi vers vous son étincelle ;
Ô Dieu, père de tout, tendresse universelle,
Le monde entier reçoit et vous rend votre amour !

Oui, tout, l’oiseau qui chante et le vent qui soupire,
Tout vous aime, Seigneur, et tend à vous le dire.
Une voix monte à vous du brin du sénevé ;
Pour mieux vous adorer, il cherche un mot suprême,
Et ce mot, dans mon cœur, je le cherche moi-même,
Et je ne veux mourir qu’après l’avoir trouvé !