La Vie littéraire/2/Le Grand saint Antoine

La Vie littéraire/2
La Vie littéraireCalmann-Lévy2e série (p. 215-227).


LE GRAND SAINT ANTOINE[1]


M. Henri Rivière vient de réunir en album les aquarelles de cette Tentation de saint Antoine dont il fit, cet hiver, au Chat-Noir, on s’en souvient, un spectacle fort goûté. Il y a un art chatnoiresque. Cet art est à la fois mystique et impie, ironique et triste, naïf et profond, jamais respectueux. Il est épique et narquois avec l’exact Caran d’Ache ; il est suavement et mélancoliquement vicieux avec ce Willette qui est comme le Fra Angelico des cabarets de nuit. Il est symbolique et naturaliste avec le très habile Henri Rivière. Pour moi, je suis émerveillé des quarante scènes de la Tentation. Elles sont d’une couleur vive, d’un goût hardi, d’un bel effet et d’un grand sens. Je mets cela bien au-dessus des diablotins du sec Callot. M. Henri Rivière à voulu que le grand saint Antoine fût assailli, dans sa Thébaïde, de tentations prophétiques par rapport à lui, et contemporaines par rapport à nous. Il a fait sagement, à l’exemple des vieux maîtres, car de la sorte le bon ermite nous intéresse plus vivement ; nous comprenons mieux la grandeur de sa vertu. À cet égard, du moins, l’album de M. Henri Rivière est une œuvre de haute édification. Moderniser les mérites du père des anachorètes n’était pas, sans doute, une œuvre indifférente : le maître du Chat-Noir l’a accomplie avec une heureuse audace. Il a conçu le diable en habit noir, montrant au saint homme notre Paris nocturne et le transportant dans les Halles, qui regorgent de volailles truffées, de galantines, de melons, de chasselas de Fontainebleau et de pêches de Montreuil. Mais ce n’est là que le premier assaut du Maudit. Bientôt, il se fait croupier et pousse Antoine dans un tripot où se taille un bac surnaturel avec des caries vivantes ; il se change en banquier israélite et traîne Antoine à la Bourse, devant la statue du Veau d’or. Je n’en aurais jamais fini de décrire tous les pièges modernes que l’ennemi du genre humain tend au serviteur de Dieu. Il prend successivement pour engins les applications stupéfiantes de la vapeur et de l’électricité, le spectacle du ciel, qui, depuis Galilée, n’a plus l’air chrétien, ainsi que le dit M. Sully Prudhomme ; la reine de Saba, qui représente apparemment les dangers de l’imagination ; un ballet et la mythologie comparée. Dans une de ces dernières épreuves, l’ascète se trouve en face du Bouddha. Il serait curieux d’entendre leur conversation. Car tous deux, le fils du roi de Capilavistu comme le pauvre Égyptien menèrent, de leur gré et par choix, la même vie de renoncement, de misère et de pauvreté. Mais s’ils se conduisaient de semblable manière, c’était pour des fins différentes et même contraires. L’un y voulait gagner la vie éternelle, l’autre le néant absolu. Je suis bien fâché qu’on n’ait pas recueilli leur entretien.

L’hagiographie et la légende ont immortalisé saint Antoine. Il est intéressant de rechercher ce qu’était en réalité ce personnage fameux, et s’il mérite sa gloire en quelque manière. C’est, si vous voulez, ce que nous allons faire tout de suite. Le véritable saint Antoine n’est pas tout à fait inconnu. Sa biographie fut écrite par saint Athanase, qui avait vécu près de lui. Malheureusement, ce petit ouvrage du grand docteur accorde plus à l’édification qu’à la curiosité. Mais le personnage d’Antoine est si étrange, si curieux et ; par un certain côté, si grand, qu’il se dessine de lui-même. Je vais tâcher de le montrer au naturel, sans me flatter toutefois d’atteindre, autre chose que des vraisemblances. Si j’y arrive, ce sera déjà fort beau.

Saint Antoine se retira au désert vers l’an 271, sous le règne d’Aurélien, à la veille des grandes crises qui précédèrent le triomphe définitif de la religion chrétienne. Il avait alors vingt et un ans, étant né en 251, proche Héraclée d’Égypte, dans un village nommé Coman. Cette date est donnée pour certaine. Mais elle peut ne l’être pas, et, à tout bien considérer, il serait merveilleux qu’elle le fût. Ses parents étaient de riches laboureurs qui vivaient des bienfaits du Nil. Ils ne devaient pas être très différents de ces laboureurs qui ensemençaient les mêmes champs quatre mille ans plus tôt et que nous voyons représentés demi-nus, les cheveux épais et noirs, le corps rouge comme la brique, les épaules larges, lai taille mince, dans les hypogées de l’ancien empire. C’étaient de bonnes gens, ignorants et fidèles. Ils étaient chrétiens, comme tous les paysans de la Thébaïde. L’Évangile fructifiait parmi ces âmes simples et résignées ; le doux Égyptien avait passé insensiblement du culte d’Ammon, dieu unique en trois personnes, à la religion de Jésus-Christ. La culture grecque avait sans doute pénétré dans les petites villes voisines d’Arsinoé, d’Aphrodite et d’Héraclée ; mais les plus riches paysans, les anciens des villages, comme étaient les parents d’Antoine, se montraient rebelles à l’esprit hellénique. L’église où, sous le nom de Jésus, ils retrouvaient le vieux, dieu de leurs pères, satisfaisait complètement à leur besoin d’idéal. Antoine, en bon petit copte qu’il était, ne voulut point apprendre les lettres humaines dans les écoles. Contemplatif et sauvage, il restait volontiers enfermé dans la maison. On peut se figurer cette maison comme un petit dé blanc que reflète le Nil à côté d’un maigre bouquet de palmiers. L’intérieur de la demeure est nu, frais et sombre. C’est là que, tout le jour, le petit Antoine se tient accroupi, sur une natte.

À quoi songeait-il ? À Dieu, qu’il se représentait avec une extrême naïveté. Déjà il devait avoir des visions ; mais ces visions étaient très simples, très sèches. Il n’existait pas alors, pour les fleurir, un assez épais rameau de légendes chrétiennes. L’imagination d’Antoine, bien qu’exaltée par la solitude, devait garder à jamais l’aridité du désert. Hors le culte et quelques lambeaux des Écritures, il ne savait rien. Tout l’univers se résumait pour lui en quelques contes de voleurs et de souterrains, tels qu’il en courait en Égypte depuis des milliers d’années et fort semblables, sans doute, à ceux qu’Hérodote s’est donné le plaisir de conter.

Il n’avait pas vingt ans quand ses parents, étant morts, lui laissèrent leurs champs fécondés par les larmes de cette vieille Isis que la sainte Vierge avait chassée. Mais Antoine n’aimait pas la terre ; il n’avait pas les goûts d’un paysan. C’était, dès l’adolescence, un religieux ; il avait le don des choses divines ; il était marqué du signe des voyants ; son tempérament le destinait à la sainteté. Chez ces Orientaux, certaines facultés physiques, soit naturelles, soit acquises, désignaient l’homme divin à la vénération publique. Antoine possédait ces facultés au plus haut degré. Il pouvait demeurer longtemps immobile et à jeun. C’était le grand point. Il avait aussi beaucoup d’intelligence et, dans son ignorance, une grande finesse, une indomptable énergie, un pouvoir irrésistible sur les âmes.

On raconte que, six mois après avoir perdu ses parents, il entra dans l’église au moment où le diacre lisait ce verset de l’Évangile : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que vous avez, donnez-en l’argent aux pauvres et me suivez. » Ces paroles firent sur lui une impression profonde, où plutôt elles exprimaient ce qu’il sentait intérieurement. Elles étaient la voix de son cœur. Il y obéit d’autant plus facilement, que c’était obéir à soi-même. Il vendit ses terres à ses voisins et en distribua l’argent en aumônes, ne se réservant que ce qu’il lui fallait pour lui et pour sa jeune sœur. Mais, ayant entendu réciter une autre fois cette parole de Jésus : « Ne soyez pas en peine du lendemain », il se débarrassa du peu qui lui restait et mit sa sœur dans un couvent de vierges. Un sacrifice si religieux avait sans doute coûté fort peu à cette âme exempte de tout attachement. Pourtant il eut, par la suite, quelque inquiétude sur le sort de la pauvre enfant, puisqu’il entendit des voix lui reprocher de l’avoir abandonnée. C’est sa conscience qui lui parlait ainsi, mais il se persuada que c’était un diable, et il cessa de se tourmenter.

Il y avait déjà des ermites en Thébaïde. De tout temps, le sable brûlant du désert a mûri des fakirs, des derviches et des marabouts. Paul était alors le plus célèbre des fakirs chrétiens. Il possédait avec plusieurs autres le grand secret du jeûne et de l’immobilité, et renouvelait au bord du Nil les prodiges des gymnosophistes du Gange. C’est le modèle que se proposa Antoine. En véritable Copte, il n’inventait rien. Il se retira dans le désert tout proche Héraclée et mena la vie d’un saint homme. Il se nourrissait seulement de pain et de sel, avec un peu d’eau. Il ne mangeait qu’une fois le jour après le soleil couché et restait quelquefois deux ou trois journées sans prendre aucun aliment. Il passait souvent la nuit sans dormir, et, s’il se reposait, c’était ou sur la terre nue, ou sur des joncs, ou sur un cilice. C’est là qu’il commença à être tenté. La reine de Saba ne vint point le visiter avec un nombreux cortège. Il n’imaginait rien de semblable, et ses tentations étaient naturellement proportionnées à son esprit. Les démons qui tentent les jeunes paysans sont empreints eux-mêmes de jeunesse rustique. Nous ne savons rien de précis sur les femmes que vit Antoine dans le désert ; mais il est infiniment probable que, vêtues d’une chemise bleue, fendue sur la poitrine, elles portaient, comme les fellahines, une cruche sur la tête. Ces femmes le jetaient dans un grand trouble. Tout ce qui nous est rapporté des tentations du saint homme est d’une simplicité enfantine. Les démons l’abordaient de nuit avec une grande lumière. « Nous venons pour t’éclairer », disaient-ils, et ils ébranlaient la cellule de l’ermite. Puis ils prenaient la fuite et revenaient soudain en battant des mains, en sifflant, en sautant.

Pour le tenter, l’un d’eux lui présenta un pain ; un autre, de l’or. Au nom de Jésus-Christ, ces malins esprits, saisis de fureur, s’entre-frappaient les uns les autres. Un d’eux, comme le génie qui apparaît au pêcheur des Mille et une Nuits, se présenta sous la forme d’un géant dont le front touchait le ciel. Mais Antoine lui cracha au visage, et le géant s’évanouit. Ces hallucinations le fatiguaient beaucoup ; il redoublait d’abstinence pour les combattre, ne se doutant pas que les jeûnes prolongés en fussent la seule cause. Au reste, il ne pouvait être ni très surpris ni même très fâché de vivre dans cette sorte de diablerie. C’était la condition nécessaire du fakirisme, tel qu’on le concevait alors.

Pour s’engager d’un degré de plus dans la perfection, il alla se cacher dans un sépulcre. Le choix d’une telle demeure n’a rien qui doive nous surprendre outre mesure, Antoine avait remarqué sans doute, en s’enfonçant dans le désert, un édicule en forme de cône tronqué, et il avait reconnu un de ces hypogées où les anciens Égyptiens portaient leurs morts illustres. Ce tombeau avait été sans doute violé par quelques-uns de ces brigands nomades contre lesquels la pieuse Égypte avait grand’peine, depuis des siècles, à défendre ses momies. La porte était brisée, et le bon Antoine entra sans difficulté dans la chapelle funéraire. Peut-être était-elle spacieuse et magnifiquement ornée comme celle que le scribe Mirri fit construire pour le roi Ousirtesen Ier. Mirri l’a décrite lui-même dans un texte conservé au Louvre et traduit par M. G. Maspero. « Mon maître, dit le scribe, m’envoya en mission pour lui préparer une grande demeure éternelle. Les couloirs de la chambre intérieure étaient en maçonnerie et renouvelaient les merveilles de construction des dieux. Il y eut en elle des colonnes sculptées, belles comme le ciel, un bassin creusé qui communiquait avec le Nil, des portes, des obélisques, une façade en pierre blanche de Roou ; aussi Osiris, seigneur de l’Amenti, s’est-il réjoui des monuments de mon seigneur, et moi-même, j’ai été dans le transport et l’allégresse en voyant le résultat de mon travail. »

Il est infiniment probable que le tombeau où s’en alla vivre Antoine était composé, comme les autres, de la chapelle dont nous parlons, d’un puits et d’un souterrain où reposait le mort. On ne nous dit pas si Antoine descendit par le puits jusque dans ce souterrain et vint troubler le sommeil du vieil Égyptien embaumé. Il est plus probable qu’il s’installa dans la chapelle, et il n’est pas impossible qu’il y ait vu des peintures représentant des scènes de voyage et de vie rustique. Il s’y établit à peu de frais, après avoir dépossédé une nichée de chacals. Les diables l’y poursuivirent, et il y fut encore plus tourmenté qu’auparavant. Sa jeunesse était loin d’être éteinte, et les démons en prenaient avantage sur lui. Si l’on avait un journal du séjour d’Antoine dans l’hypogée, un élève de M. Charcot ne manquerait pas de constater chez le saint homme une suite logique de désordres nerveux. Mais les documents qui nous ont été transmis sont des plus vagues. Nous voyons seulement qu’à l’hallucination chronique s’ajoutait parfois l’état cataleptique. Car, un matin, l’homme qui lui portait à manger le trouva immobile, ne donnant pas signe de vie. Il le traîna dans l’église du plus proche village. Antoine y recouvra peu à peu l’usage de ses sens. Revenu à lui, il conta que des diables l’avaient battu toute la nuit et demanda qu’on le remit tout de suite dans son sépulcre.

Il y demeura jusqu’à l’âge de trente-cinq ans ; après quoi, il s’enfonça dans les montagnes qui ferment, du côté de l’Orient, l’étroite vallée du Nil. Ayant rencontré un château en ruine que les Égyptiens avaient construit autrefois pour se défendre contre les incursions des nomades, il s’y établit dans une telle solitude, qu’il ne souffrait même pas la vue de ceux qui lui apportaient à manger. Il exigeait que son pain lui fût jeté par-dessus le toit. On pense bien que les diables le suivirent dans cette citadelle. Ils persistèrent à se conduire comme des rustres, croyant l’étonner par des bousculades et des vociférations.

Ils lui firent pourtant, un jour, une réflexion assez juste. « Ce château, lui dirent-ils, n’est pas à toi. » Mais Antoine ne fut pas sensible à cette remontrance. Il méprisait trop les biens de ce monde pour avoir, le sentiment exact de la propriété.

Les démons lui apparaissaient sous des figures de lions, de tigres, de bêtes affreuses qui menaçaient de le dévorer. Il ne les craignait point : Pourtant il souffrait souvent de cruelles blessures qu’il attribuait de bonne foi à la dent et aux griffes de ces démons. On peut supposer sans invraisemblance qu’il se blessait ainsi en tombant foudroyé par les accès de la terrible maladie que les médecins du vieil empire memphite nommaient la maladie divine et qu’on appelle aujourd’hui l’épilepsie. Mais, il, était payé largement de ses misères et de ses épouvantes.

Il avait des extases ; tout à coup, le comble de l’édifice s’ouvrait, une clarté céleste environnait le saint homme. « À cette lumière, dit son biographe, il reconnaissait la présence de son Sauveur. » Alors il s’écriait, avec la tendresse exquise, la familiarité naïve et les doux reproches des mystiques qui parlent à leur dieu : « Où étiez-vous, mon bon Jésus ? où étiez-vous ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu plus tôt guérir mes plaies ? »

Sous les aspects que je viens d’indiquer, Antoine ne se distingue pas bien nettement des autres solitaires de la Thébaïde, comme lui végétariens et visionnaires. Le fakirisme chrétien devait faire, à quelques années de là, des tours de force beaucoup plus merveilleux. Qu’est-ce que les pratiques d’Antoine auprès de celles de saint Siméon Stylile, qui passa la plus grande partie de sa vie sur une colonne et égala en immobilité les religieux contemplatifs de l’Inde ?

Saint Antoine n’était pas un contemplatif pur. Il travaillait et priait tour à tour, il faisait des nattes de feuilles de palmier. Ses austérités étaient tempérées. Quand il fut vieux, ses disciples obtinrent qu’il leur permît de lui apporter tous les mois des olives, des légumes et de l’huile.

Ce qui fait l’originalité et la grandeur de sa vie, c’est qu’on y rencontre un extraordinaire mélange d’extatisme et d’activité ; contraste qui se retrouve, à treize siècles de distance chez sainte Thérèse. Le vieil ermite inerte, le visionnaire étranger au monde, est en même temps le plus actif, le plus pratique, le plus entreprenant des hommes. Il mène à la fois la double vie du mystique et de l’homme d’affaires. C’est un grand organisateur et un administrateur excellent. Il fonde, il dirige des monastères innombrables et déploie le prompt et clair génie d’un grand conducteur d’hommes. Ce même vieillard qu’on croit occupé tout entier à lutter avec des diablotins stupides, fonde par toute la Thébaïde de vastes établissements et peuple le désert. Il établit à Pispir, sur la rive droite du Nil, cinq mille moines. C’est le moindre des couvents qu’il ait fondés. Ceux de Memphis, ses fils aînés, renferment plus de vingt mille religieux. Cet homme seul commande une innombrable armée, une armée obéissante, ignorante et féroce, trois fois invincible. Son coup d’oeil embrasse les vastes ensembles et pénètre les moindres détails. Cet extatique sait le prix du temps aussi bien qu’un bon fonctionnaire romain. Il donne audience à tout le monde ; mais il a soin de se faire renseigner d’avance sur les affaires des solliciteurs. Ses disciples sont dressés comme des commis, et l’aident à éconduire les importuns. Ils lui disent : Ce visiteur est un Égyptien ; on l’expédie lestement. Cet autre est un Iérosolymitain, alors on l’écoute. « Iérosolymitain », c’était le mot de passe. Ce solitaire est un politique. Du fond de sa retraite il tient les fils de toutes les grandes affaires ecclésiastiques, correspond avec les évêques et les docteurs, reçoit des lettres de l’empereur Constantin et de ses fils, conduit, règle tout dans la catholicité. Nu sur une natte, dans sa montagne sauvage, ce paysan illettré est le chef vénéré de l’Église.

C’est le Mâhdi des chrétiens. Son activité est prodigieuse : deux fois il fond à Alexandrie comme l’aigle, pour soutenir les fidèles persécutés et pour combattre l’hérésie arienne. Vivant, il est déjà le grand saint Antoine. Et il mérite ce nom. C’est par le caractère qu’il est grand. La fermeté du cœur lui tient lieu de science et de talent. Il est de fer, mais son énergie est enveloppée de douceur et d’aménité. Tous ceux qui l’approchent admirent sa sérénité, sa grâce, sa patience. Il garde dans l’extrême vieillesse la gaieté des petits enfants. Il est joyeux et recommande l’allégresse comme une vertu. « L’arc trop tendu se rompt, » dit-il. Tel est le vrai saint Antoine : un des hommes les plus extraordinaires que le monde ait jamais vus. « Il rendit son esprit à Dieu, dit son pieux biographe, le 17 janvier de l’an de Jésus-Christ 356 et de son âge le cent cinquième. »



  1. La Tentation de saint Antoine, féerie à grand spectacle, en deux actes et quarante tableaux, par Henri Rivière. Plon et Nourrit, éditeurs.