La Vie littéraire/1/La Reine Catherine

La Vie littéraire/1
La Vie littéraireCalmann-Lévy1re série (p. 267-280).

LA REINE CATHERINE[1]

La dernière fois, en feuilletant les lettres de Marie-Louise, nous avons eu la pénible image d’une âme commune, jetée dans d’illustres conjonctures et remplissant mal une grande destinée. Or, pendant que l’indigne impératrice refusait de partager l’exil de celui dont elle avait partagé le trône, une autre princesse, soumise à de semblables épreuves, les traversait à sa gloire. Donnant l’exemple de la constance dans ces jours qui virent tant de lâchetés, Catherine de Wurtemberg restait fidèle à l’époux déchu et proscrit que l’Europe entière s’efforçait de lui arracher. « Par sa belle conduite en 1815, disait Napoléon à Sainte-Hélène, cette princesse s’est inscrite de ses propres mains dans l’histoire. » Il se trouve qu’en même temps qu’on publiait à Vienne des lettres de Marie-Louise, le docteur August de Schlossberger tirait des archives de Stuttgart la correspondance échangée de 1801 à 1815 entre Catherine et son père. L’occasion est belle de saisir un contraste que nous n’avons pas cherché, d’opposer l’une à l’autre les deux belles-sœurs et de montrer côte à côte la mollesse et la vertu.

Catherine naquit à Saint-Pétersbourg le 21 février 1783. Elle était la deuxième enfant de Frédéric, duc et plus tard roi de Wurtemberg, et de la princesse Augusta de Brunswick.

Elle connut à peine sa mère, qui mourut jeune, et elle fut élevée à Mumpelgard par sa grand’mère, Sophie-Dorothée de Wurtemberg, nièce du grand Frédéric, auprès de laquelle elle resta jusqu’à l’âge de quatorze ans. Elle a dit elle-même, en se reportant à l’époque de son enfance : « Quoique spirituelle et gentille, j’étais cependant très volontaire, très impérieuse et très capricieuse, et il était impossible de m’assujettir ou de m’appliquer à la moindre des choses. » Sophie-Dorothée était, dit-on, une femme instruite et supérieure. Elle donna ses soins à l’éducation de sa petite-fille et « la cultiva comme une jeune plante » . Catherine qui lui en garda une profonde reconnaissance disait : « C’est d’elle que j’acquis le peu de vertus que je possède. » Mais, quelle qu’ait été l’influence de Sophie-Dorothée, il faut reconnaître que sa petite-fille était née avec un cœur droit et une âme généreuse. Catherine avait quinze ans quand elle perdit sa grand’mère. Ce fut sa première douleur. Elle alla vivre alors à la cour de son père, qu’elle trouva marié en secondes noces à la princesse Charlotte-Mathilde d’Angleterre.

Par une disposition d’esprit qu’on sait n’être pas rare, elle refusa son amitié et sa confiance à sa jeune belle-mère, réservant à sa tante et surtout à son père toute la tendresse de son âme ardente. C’était alors une belle jeune fille, dans tout l’éclat de son teint clair, de ses grands yeux bleus et de sa chevelure blonde et bouclée. Elle avait un air mutin qui devait se changer bientôt en un air héroïque. Son père, la voyant riante et fraîche, lui témoignait de l’amitié et jouait volontiers avec elle. Frédéric de Wurtemberg était un soldat. Le cœur des soldats est parfois d’une exquise bonté. Mais c’était aussi un politique, et la tendresse des politiques est toujours courte. Nous verrons que Frédéric fit taire la sienne dès que la raison d’État parla à son oreille. On dit que, lors même de la première jeunesse de sa fille, « ses caresses était celles du lion faisant sentir ses griffes ». Ce lion germanique tenait aussi du renard. Il était violent, mais il était rusé. Les relations de ce petit souverain avec Napoléon rappellent assez certains épisodes du roman populaire que Gœthe mit en vers et dans lequel on voit Noble, le lion, et l’ingénieux Goupil marchant de compagnie. Ajoutons, pour être juste, que le renard souabe ne se tira des griffes du lion qu’à moitié dévoré, lui et son peuple. L’amitié du grand homme était un présent des dieux. Mais ce n’était pas un présent gratuit.

La vie que menait Catherine dans la petite cour de Stuttgart se traînait monotone et triste, sans douce chaleur, sans joies intimes. La jeune princesse, repliée sur elle-même, s’occupait de lectures, d’ouvrages de femme et de musique. S’exerçant à chanter, elle voulut apprendre l’italien, comme la langue la plus musicale, et commença à jouer de la mandoline. Mais elle n’était pas de nature à se laisser ravir tout entière par l’illusion des arts. Ses instincts de générosité positive la retenaient dans la saine réalité de la vie. Le rêve tint peu de place en son âme toujours présente aux choses. Elle portait jusque dans l’enjouement de la jeunesse une certaine gravité. À vingt-deux ans, on l’appelait l’abbesse. Elle se disait vieille fille alors, et elle ajoutait avec une gaieté sérieuse : « Je m’en console et prendrai mon parti en grand capitaine ; comme je n’aurai jamais de mari, c’est une honnête retraite pour une vieille fille qu’une abbaye. »

Deux ans plus tard, elle recevait un mari des mains de son père. C’était en 1807. Napoléon victorieux venait de dicter le traité de Tilsitt. De la Hesse-Cassel et des possessions prussiennes à l’ouest de l’Elbe, il avait formé le royaume de Westphalie, qu’il donnait à son frère Jérôme. Celui-ci, âgé seulement de vingt-trois ans, s’était déjà marié quatre ans auparavant, à l’insu du chef de la famille, avec la fille d’un négociant de Baltimore, mademoiselle Paterson. Mais le premier consul, à qui ce mariage déplaisait, l’avait fait casser comme contracté par un mineur. Jérôme était redevenu libre et il fallait une reine à la Westphalie. Napoléon choisit la princesse Catherine. Il la demanda au roi de Wurtemberg, qui n’avait ni l’envie ni le pouvoir de la refuser à son puissant allié. Mais, quand Frédéric s’ouvrit de ses projets à sa fille, elle y opposa une résistance énergique.

Nous savons, par son propre aveu, qu’elle était alors « occupée d’autres projets ». Elle ne céda qu’au bout d’une année. Cependant, la guerre avait éclaté ; Jérôme commandait avec Vendamme une armée sur le Rhin. L’empereur écrivait de Saint-Cloud au roi Frédéric : « Je crains que les noces ne soient un peu dérangées ; n’importe, d’autres moments viendront où nous referons mieux ce que l’on aura fait en bottes. »

Catherine était résolue à chercher dans ces liens que la politique avait seule formés, la satisfaction du devoir accompli. On voit par sa correspondance que, durant le voyage qu’elle fit pour rejoindre le prince, sa seule inquiétude était de ne pas plaire au mari qui ne la connaissait encore que par un portrait. Sa beauté ne la rassurait point. Elle écrivait à son père avant la rencontre :

Ce n’est pas sans un serrement de cœur que je pense à cette première entrevue ; j’en ai une peur que je ne puis décrire. »

Cette entrevue tant redoutée eut lieu aux Tuileries le 22 août 1807. Catherine en rendit compte à son père le lendemain en ces termes :

« J’ai fait ma toilette pour recevoir le prince. Je ne puis vous exprimer combien j’ai été émue en le voyant, quoiqu’il ait été très poli ; mais il paraissait en proie à un si grand embarras que cela augmentait naturellement le mien. »

C’est ce jour-là que le contrat fut signé. La princesse apportait au roi une dot de cent mille florins et des bijoux pour une somme égale. L’éditeur allemand, dont nous avons le travail sous les yeux, a soin de remarquer que cette somme n’était pas petite, eu égard au temps et aux circonstances. Quant au trousseau, il était à la mode de Wurtemberg et ne put servir. L’empereur et Jérôme le remplacèrent gracieusement.

Où elle n’avait prévu que le devoir, Catherine trouva le bonheur. Son mari était jeune, brave, amoureux ; elle l’aima tout de suite et pour la vie.

Elle écrivait le 25 août :

« Le prince, mon mari, depuis deux jours, paraît véritablement s’attacher à moi ; c’est réellement un homme charmant, rempli d’amabilité, d’esprit, de bonté. Vous devriez voir les attentions, la délicatesse, la tendresse dont il comble votre fille. Déjà il commence à me gâter ; car il est impossible de mettre plus de grâce, plus de franchise, plus de confiance dans ce qu’il me fait pour me faire plaisir ; aussi je ne pourrais plus être heureuse sans lui. »

Et elle disait trois jours après :

« Je ne pourrais plus vivre sans lui. »

Elle acheva l’année à Saint-Cloud et à Paris, avec la cour impériale, et se rendit ensuite dans le royaume que Napoléon lui avait taillé avec son épée. Le 1er janvier 1808, elle fit son entrée à Cassel, où elle devait rester six ans, au milieu des épreuves qui montrèrent l’inébranlable fermeté de son caractère. Catherine, épouse et reine, eut doublement à souffrir. La campagne de 1809 lui enleva son mari.

Elle écrivait le 25 mars à son père :

« Je puis vous assurer que j’attends les événements sinon avec une entière sécurité, du moins avec le courage et la force d’âme qui me conviennent. Si mon mari va rejoindre l’armée, ainsi que cela est probable, je ne m’opposerai pas, par une faiblesse déplacée, à un plan si sage, mais j’espérerai des bontés de la Providence le succès de ses soins et de ses exploits militaires. »

Le royaume de Westphalie, formé par le tranchant du fer de lambeaux pour ainsi dire encore saignants, s’agitait en des convulsions terribles. Catherine et Jérôme, entourés d’assassins, risquaient d’être égorgés dans leur palais. Une formidable insurrection de paysans éclata au printemps de 1809. Dans ces conjonctures, la princesse écrivait à son père : « Je vous supplie d’être tranquille. Je le suis moi-même, je vous assure. »

Elle ne quitta Cassel qu’à la dernière extrémité, quand les troupes autrichiennes envahirent la Westphalie soulevée. Et, si elle consentit alors à partir, ce fut pour ne pas obliger plus longtemps le roi à employer une portion de ses forces à la garder.

Nous ne retracerons pas ici les vicissitudes de cette royauté de six années, il faudrait, pour cela, suivre pas à pas les Mémoires du roi Jérôme, publiés de 1861 à 1866. Nous nous bornons à relever, dans la récente publication de Stuttgart, quelques traits de la vie et du caractère de la reine Catherine.

Nous retrouvons cette princesse dans sa capitale en 1811. Le 25 novembre, un incendie dévore son palais. Elle écrit le lendemain de la catastrophe, dont elle a failli être victime :

« Je puis dire que je ne me suis pas effrayée une minute et que je n’ai perdu ni mon calme ni mon sang-froid dans la terrible catastrophe d’hier. Je n’ai frémi qu’à l’idée du danger que le roi a couru. »

Appelée à Paris, à la fin de l’année 1809, pour les cérémonies du mariage de l’empereur avec Marie-Louise, elle trouva Napoléon tout occupé de l’attente de l’archiduchesse. Les lettres anecdotiques qu’elle écrivit dans cette circonstance sont des plus curieuses. On y trouve cet enjouement paisible et cette bonne humeur que les contemporains aimaient en elle.

« Vous ne croiriez jamais, mon cher père, combien il (l’empereur) est amoureux de sa femme future ; il en a la tête montée à un point que je n’aurais jamais imaginé et que je ne puis assez vous exprimer ; chaque jour, il lui envoie un de ses chambellans, chargé, comme Mercure, des missives du grand Jupiter ; il m’a montré cinq de ses épîtres, qui ne sont pas tout à fait celles de saint Paul, il est vrai, mais qui sont réellement dignes d’avoir été dictées par un amant transi ; il ne m’a parlé que d’elle et de tout ce qui la concerne ; je ne vous ferai pas ici l’énumération des fêtes et des cadeaux qu’il lui prépare, dont il m’a fait le détail le plus circonstancié ; je me bornerai à vous rendre la disposition de son esprit, en vous rendant ce qu’il m’a dit, que, lorsqu’il serait marié, il donnerait la paix au monde et tout le reste de son temps à Zaïre. » (17 mars 1810.)

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« Pour vous prouver à quel point l’empereur est occupé de sa femme future, je vous dirai qu’il a fait venir tailleur et cordonnier pour se faire habiller avec tout le soin possible et qu’il apprend à valser ; ce sont des choses que ni vous ni moi n’aurions imaginées. » (27 mars 1810.)

Voilà un Bonaparte que nous ne soupçonnions guère, même après les documentations copieuses de M. Taine. Les hommes sont plus divers en réalité qu’on ne se les imagine, et il faut désormais nous faire à l’idée d’un Napoléon valseur. Ces deux fragments de lettres, que nous venons de citer, sont plus importants pour la psychologie du grand homme que pour celle de sa belle-sœur. Mais ils nous ont semblé piquants et d’un tour agréable. Ils tranchent par leur vivacité sur le ton généralement grave de la correspondance de Catherine.

Les papiers publiés à Stuttgart ne nous fournissent aucun document important relatif aux années 1810 et 1811. À la date du 17 janvier 1812, rien (Catherine l’attestait solennellement) n’avait encore « altéré le repos et le bonheur » de son foyer. Mais les jours de sa royauté étaient désormais comptés.

L’empereur méditait la campagne de Russie et préparait, avec la ruine de son empire, celle des petits États qui en étaient les satellites. Jérôme avait tenté en vain d’ouvrir les yeux du conquérant sur les difficultés et les périls de cette entreprise démesurée. Napoléon lui avait fermé la bouche d’un mot.

— Vous me faites pitié, lui avait-il dit. C’est comme si l’écolier d’Homère voulait lui apprendre à faire des vers. (Voy. Schlossberger, p. 5.)

La guerre étant déclarée, Jérôme dut se rendre à Glogau. Catherine s’attendait à cette nouvelle séparation. Elle écrivait le 24 février à son père :

« Je serai séparée du roi… j’aurai à trembler pour un mari et pour un frère. Cependant, ne croyez pas, mon cher père, que je me montre en cette circonstance égoïste ou pusillanime ; je sens trop combien il est essentiel à la gloire des princes, et peut-être à leur existence présente et future, de se montrer dans des instants pareils et de prendre une part active à leur propre cause, pour ne retenir en aucune façon le roi. »

Le 17 mai, elle se rendit à Dresde et y arriva en même temps que Napoléon. Elle espérait y embrasser son mari.

— Sire, dit-elle à l’empereur, ne faites-vous pas venir Jérôme ici pour que je puisse le voir ?…

Il lui répondit brusquement :

— Oh ! oh ! vous allez voir que je ferai déranger un de mes généraux d’armée pour une femme !… (Loc. cit., p. 22)

Catherine rapporte ce dur propos et elle ajoute : « Je ne pus cacher quelques larmes qui m’échappèrent à cette réponse. »

Régente de Westphalie en l’absence du prince, ce n’est pas sans inquiétude qu’elle avait accepté ces hautes fonctions.

« J’ai voulu prouver au roi, par cette soumission, dit-elle, que je ne désire que ce qui peut lui être agréable et utile. Me voilà donc lancée dans les affaires, moi qui les ai toujours détestées… C’est le plus grand des sacrifices que je puisse faire au roi, moi qui n’aime qu’une vie tranquille, calme, paisible, qui adore la lecture, l’ouvrage, la musique, enfin toutes les occupations des femmes. » (Loc. cit., p. 9.)

Son père, inquiet des dangers qu’elle courait et disposé déjà à séparer secrètement la cause de sa fille de celle des Bonaparte, la pressa de quitter Cassel et de se rendre auprès de lui. Elle lui répondit : « Mon cher père, je me rappellerai toujours de vous avoir ouï blâmer la princesse héréditaire de Weimar pour avoir quitté son pays au moment où elle aurait dû y rester. »

Mais les événements se précipitaient. Nous touchons à la phase héroïque de la vie de Catherine.

La sixième coalition mit fin au royaume de Westphalie. Catherine sortit de Cassel, pour n’y plus rentrer, le 10 mars 1813. À Leipzig, la cavalerie wurtembergeoise passa à l’ennemi sur le champ de bataille. Le roi Frédéric, jusque-là vassal de la France, était devenu son ennemi.

En 1814, après la chute de l’Empire, il invita sa fille à suivre l’exemple de Marie-Louise et à se séparer de son mari. La politique, selon lui, pouvait délier un lien qu’elle avait seule formé.

Catherine, indignée et résolue, fit cette fière réponse :

« Sire, le mari que vous m’avez donné, je ne le quitterai pas déchu du trône. J’ai partagé sa prospérité. Il m’appartient dans son malheur. »

Elle était alors réfugiée à Trieste avec son mari. Lorsque Napoléon, sorti de l’île d’Elbe, reparut en France et que l’aigle vola de clocher en clocher, Jérôme résolut de rejoindre son frère. Trompant la surveillance des autorités autrichiennes, Catherine l’aida à fuir sous un déguisement. Il parvint à gagner la France, fit la campagne de 1815 et fut blessé à Waterloo.

Pendant ce temps, sa femme restait exposée aux outrages d’une police inquiète et brutale, qui allait jusqu’à mettre des échelles contre ses fenêtres pour l’observer chez elle. Chassée bientôt de Trieste, elle se trouva sans asile, ne sachant où reposer sa tête dans l’Europe entière, conjurée pour la séparer de son mari. Elle pensa obtenir chez son père un refuge pour Jérôme et pour elle : elle n’y trouva qu’une prison. Ce qu’elle souffrit dans le château d’Ellwangen lui fit cent fois souhaiter la mort.

Mais l’exil, la captivité et la persécution ne lassèrent pas sa fidélité. Du moins, elle goûtait, au milieu de ces épreuves, des joies qui avaient été refusées à ses jours prospères. Elle avait souhaité ardemment d’être mère. Elle le devint pour la première fois en 1814, d’un fils qui devait lui survivre peu de temps. Elle eut encore deux enfants : la princesse Mathilde et le prince Napoléon.

Cette vie, dont le printemps fut si pur et l’été tout brûlant de généreuses ardeurs, ne connut point la paix d’un long soir. Catherine de Wurtemberg, dont la santé avait toujours été délicate, mourut près de Lausanne, d’une hydropisie de poitrine, dans la nuit du 29 au 30 novembre 1835, dans sa cinquante-deuxième année. Ses derniers moments, dignes de sa vie entière, offrent un spectacle d’une grandeur antique.

À huit heures du soir, les médecins déclarèrent à Jérôme que la reine n’avait plus que quelques heures à vivre. Il alla chercher ses enfants et les fit entrer dans la chambre de leur mère. En les voyant agenouillés devant son lit, Catherine, qui avait conservé toute sa connaissance, mais qui ne croyait pas que la mort fut si proche, demanda quelle était cette bénédiction qu’on lui réclamait.

— Il est sage que tu bénisses ainsi tes enfants tous les soirs, lui dit son mari, parce qu’un malheur est toujours possible.

Catherine comprit à ces mots qu’elle touchait à ses derniers moments. Elle bénit ses enfants et dit avec calme : « Je vois que la mort approche, je ne la crains pas. Ce que j’ai aimé le plus au monde, c’est toi, Jérôme. » Et, en disant ces paroles, elle portait à ses lèvres la main de son mari.

Elle ajouta : « Je suis prête… J’aurais voulu vous dire adieu en France… » Jérôme et son fils aîné restèrent près de la mourante. Napoléon et Mathilde, qui avaient l’un treize ans et l’autre quinze, furent emmenés dans une maison voisine. À dix heures, Catherine perdit connaissance. À deux heures et demie du matin, elle avait cessé de vivre.

Elle laissait en mourant une belle mémoire, le souvenir d’une âme qui marchait toujours droit et haut au devoir, parce qu’elle avait deux guides qui n’égarent jamais quand ils vont ensemble : le courage et l’amour.



  1. Briefwechsel der Kœnigin Katharina und des Kœnigs Jérôme von Westphalien so wie des Kaisers Napoleon I mit dem Kœnig Friedrich von Würtemberg. Herausgegeben von Doctor August von Schlossberger. Stuttgart, 2 vol. in-8o.