La Vie et l’Œuvre de Maupassant/3.1

I

C’est à une nouvelle que Maupassant avait dû son premier grand succès littéraire[1]. Aussi, avec ce sens de la réalité pratique qui est un des traits de son caractère, abandonne-t-il résolument la poésie et le théâtre pour se consacrer à la nouvelle et au roman. Il suivait en cela l’un des derniers conseils que lui adressait son maître : « Je maintiens que Boule de Suif est un chef-d’œuvre. Tâche d’en faire une douzaine comme ça et tu seras un homme[2] ! » Moins d’un an après, les douze nouvelles étaient écrites, ou peu s’en fallait, et ce fut le recueil de la Maison Tellier.

Pour suffire à une production aussi rapide et aussi abondante, une grande puissance de travail Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/129 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/130 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/131 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/132 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/133 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/134 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/135 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/136 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/137 autour de lui et par des personnages qu’il avait rencontrés dans sa jeunesse.

Plusieurs épisodes d’Une Vie se retrouvent dans les recueils de nouvelles. Ces souvenirs, ces impressions, ces paysages et ces types de la Normandie, qui donnent au roman sa couleur spéciale, occupent à cette époque l’imagination de l’auteur et lui fournissent la matière de ses contes : la Maison Tellier, Mlle  Fifi, qui sont antérieurs à Une Vie, les Contes de la bécasse, qui sont de la même année, Clair de lune et les Sœurs Rondoli, qui paraissent l’année suivante, sont remplis d’histoires normandes, aventures de chasse ou de pêche, farces et paysanneries[3].

Une Vie fut publiée en feuilleton par le Gil Blas[4] ; le succès en fut immédiat et considérable : la maison Havard, qui édita le roman en 1883, mettait en vente le vingt-cinquième mille au commencement de 1884, et cela en pleine crise de la librairie[5]. L’auteur reçut d’Angleterre une première demande

de traduction, bientôt suivie de propositions analogues dans les autres pays de l’Europe[6].

C’est à celle date que commencent vraiment pour Maupassant la fortune et la célébrité ; c’est aussi le moment de sa plus grande fécondité : les recueils de nouvelles et de romans vont se suivre sans aucune interruption pendant six ans ; le nom de l’auteur et son œuvre s’imposaient ainsi presque d’un seul coup au public.

  1. Les Soirées de Médan avaient eu huit éditions en quelques mois.
  2. Correspondance de Flaubert, IV, p. 380.
  3. La Maison Tellier, Histoire d’une fille de ferme (1881), Un Réveillon, le Remplaçant (1882), Ce cochon de Marin, Farce normande, les Sabots, Un Normand, Aux Champs {1883), le Petit fût, le Cas de Mme  Luneau, Un coup d’État, le Loup, Conte de Noël, Une Veuve (publiés dans des recueils de 1884, mais écrits en 1883).
  4. Du 25 février au 6 avril 1883.
  5. Cf. une lettre de l’éditeur Havard à Maupassant (A. Lumbroso, p. 395.)
  6. Cf., même lettre. — Une nouvelle édition d’Une Vie, revue,