La Vie du Bouddha (Herold)/Partie I/Chapitre 16

L’Édition d’art (p. 71-74).



XVI


Or, un matin, le héros, ayant pris le vase à aumônes, entra dans la ville de Râjagriha. Les passants qui le croisaient admiraient sa noblesse et sa beauté, et ils se demandaient : « Quel est cet homme ? On dirait un Dieu, Çakra ou Brahmâ lui-même. » Bientôt, le bruit se répandit par la ville qu’un être merveilleux la parcourait en mendiant ; tous voulaient voir le héros. On le suivait. Les femmes se précipitaient aux fenêtres. Lui allait toujours, d’un pas grave ; sur la ville il y avait une clarté singulière.

Un homme courut prévenir le roi qu’un Dieu, sans doute, mendiait par les rues de la ville. Le roi Vimbasâra monta sur la terrasse du palais, et il vit le héros. Il fut ébloui de sa splendeur. Il lui fit porter une aumône abondante, et il ordonna qu’on le suivit et qu’on découvrit sa retraite. Le roi sut ainsi que le mendiant superbe habitait près de la ville, sur le penchant de la montagne.

Le lendemain, Vimbasâra sortit de la ville ; il s’en alla vers la montagne ; il descendit de son char, et, sans suite, il marcha vers un arbre à l’ombre duquel était assis le héros. Il s’arrêta quand il fut près de l’arbre ; et, muet d’admiration, avec un respect suprême, le roi contempla le mendiant.

Ensuite, il s’inclina humblement, et il dit :

« Ma joie est extrême de t’avoir vu. Ne reste pas sur la montagne déserte ; il ne faut plus que tu couches sur la terre dure ; tu es beau, tu resplendis de jeunesse ; ne quitte pas mon royaume, mais viens dans la ville ; je t’y donnerai un palais, et tu pourras satisfaire tes désirs, quels qu’ils soient.

— Seigneur, répondit le héros, d’une voix douce, seigneur, puisses-tu vivre longtemps ! Les désirs ne m’importent guère ; je mène la vie des ascètes ; je connais le calme.

— Tu es jeune, reprit le roi, tu es beau, tu es ardent : sois riche. Pour te servir, je te donnerai des femmes, les plus charmantes de mon royaume. Ne t’en va pas. Sois mon compagnon.

— J’ai abandonné de glorieuses richesses.

— Je te donne la moitié de mon royaume.

— J’ai abandonné le plus beau des royaumes.

— Satisfais ici tous tes désirs.

— Je connais la vanité des désirs. Les désirs sont pareils au poison. Les sages les méprisent. Je les ai rejetés comme on rejette un fétu de paille sèche. Les désirs passent comme les fruits des arbres, ils sont mobiles comme les nuages du ciel, ils sont perfides comme la pluie, ils sont changeants comme le vent ! Des désirs naît la douleur ; jamais un homme n’a satisfait tous ses désirs. Mais ceux qui cherchent la sagesse, qui méditent la loi vénérable, ceux-là vivent dans le calme. Qui boit de l’eau salée augmente sa soif ; de celui qui fuit les désirs la soif est apaisée. Je ne connais plus les désirs. Je veux connaître la bonne loi. »

Le roi dit :

« Quel est ton pays, ô mendiant ? Où est ton père ? Où est ta mère ? Quelle est ta caste ? Ta sagesse est grande. Parle.

— Peut-être, ô roi, connais-tu le nom de la ville de Kapilavastou ? Elle est prospère entre toutes. Mon père Çouddhodana y règne. Je l’ai quittée pour errer et mendier. »

Le roi répondit :

« Bonheur à toi ! Je suis heureux de t’avoir vu. Une ancienne amitié nous lie aux tiens. Sois bienveillant pour moi, et quand tu connaîtras la loi, daigne, ô maître, me l’enseigner. »

Par trois fois, il salua le héros, et il rentra dans Râjagriha.

Le héros apprit que, près de Râjagriha, vivait un ascète illustre, Roudraka, fils de Râma, qui enseignait la loi à de nombreux disciples. Il alla écouter ses leçons ; mais, non plus qu’Arâta Kâlâma, Roudraka ne connaissait la vraie loi, et le héros ne s’attarda pas auprès de lui.

Il alla sur la rive de la Nairañjanâ. Cinq disciples de Roudraka s’étaient attachés à lui : Kaundinya, Açvajit, Vâshpa, Mahânâman et Bhadrika.