La Vie de M. Descartes/Livre 1/Chapitre 14

Daniel Horthemels (p. 67-76).

Les ambassadeurs de France ayant eu tout le succez qu’ils pouvoient espérer dans la conclusion du traitté d’Ulm, s’embarquérent sur le Danube le sixiéme jour de juillet, et arrivérent à Vienne en Autriche le 20 du même mois. Le Duc De Baviére retira ses troupes de la Soüabe, non pour les licencier, mais pour les mener dans la haute Autriche au service de l’empereur. Mais M Descartes voulut rester à Ulm pendant quelques mois, pour étudier plus à loisir le païs et les habitans. Il paroît que quelques auteurs allemans n’étoient pas assez bien informez de l’histoire de leur pays, lors qu’ils ont écrit que M Descartes fut envoyé en quartier d’hyver à Ulm, incontinent aprés la conclusion du traitté, qu’ils qualifient mal à propos du nom de paix. Il suffit de remarquer deux choses pour se deffaire de cette pensée, I que les troupes bavaroises parmi lesquels M Descartes s’étoit engagé, n’entrérent jamais dans la ville d’Ulm, et sortirent des extrémitez de la Soüabe immédiatement aprés le traitté : 2 qu’on étoit alors au fort de l’êté. Loin de donner des quartiers d’hyver aux troupes, le Duc De Baviére fit marcher les siennes en toute diligence le long du Danube contre les protestans d’Autriche qui s’étoient liguez avec les mécontens de Bohéme contre l’Empereur Ferdinand : et le Marquis D’Anspach par une marche toute opposée, fit avancer les siennes à grandes journées le long du Rhin, pour défendre le palatinat contre le Marquis De Spinola envoié des Pays-Bas avec des troupes espagnoles pour secourir l’empereur.

Il ne resta donc point de troupes soit catholiques soit protestantes dans la Soüabe, moins encore dans la ville d’Ulm, où M Descartes ne prétendoit pas mener une vie de soldat durant le sejour qu’il y vouloit faire. Il y pratiqua des habitudes convenables à un honnête homme, et il y rechercha particuliérement la connoissance des personnes qui étoient en réputation d’habileté pour la philosophie et les mathématiques. Le principal de ceux à qui il rendit visite fut le Sieur Jean Faulhaber, qui le reçût avec beaucoup de civilité, et qui lui donna lieu par ses honnêtetez de le hanter souvent. Faulhaber ayant remarqué dans plus d’une conversation qu’il n’étoit pas ignorant dans les mathématiques, et qu’il en parloit pertinemment lors qu’il en étoit question, s’avisa un jour de lui demander s’il avoit oüy parler de l’analyse des géométres. Le ton délibéré avec lequel M Descartes lui répondit qu’ouy, le fit douter de la chose. Le prenant sur sa réponse précipitée pour un jeune présomptueux, il lui demanda dans le dessein de l’embarasser, s’il se croioit capable de résoudre quelque problême.

M Descartes se donnant encore un air plus résolu qu’auparavant, lui dit qu’oui : et lui promit la solution des problémes les plus difficiles sans hésiter. Faulhaber qui ne voioit en lui qu’un jeune soldat, se mit à rire : et pour se mocquer de lui, il lui cita quelques vers de Plaute, pour lui faire connoître qu’il le prenoit pour un gascon aussi brave que ce glorieux fanfaron dont il est question dans la comédie. M Descartes picqué d’un parallele si disproportionné, et sensible à l’injure que lui faisoit cét allemand, luy présenta le défi. Faulhaber qui excelloit particuliérement en arithmétique et en algébre dont il avoit publié peu de têms auparavant un livre en langue vulgaire, luy proposa d’abord des questions assez communes. Voyant qu’il n’hésitoit pas dans ses réponses, il luy en proposa des plus difficiles, qui n’embarrassérent pas le répondant plus que celles de la prémiére espéce. Faulhaber commença à changer de contenance ; et aprés luy avoir fait satisfaction sur les maniéres inconsidérées dont il l’avoit traité, il le pria trés-civilement de vouloir entrer avec luy dans le cabinet, pour conférer ensemble d’un sens plus rassis pendant quelques heures. Il luy mit entre les mains le livre allemand, qu’il venoit de composer sur l’algébre. Ce livre ne contenoit que des questions toutes nuës, mais des plus abstraites, sans explications. L’auteur en avoit usé de la sorte, dans le dessein d’éxercer le génie des mathématiciens d’Allemagne, ausquels elles étoient proposées pour les exciter à y donner telles solutions qu’ils pourroient. La promptitude et la facilité avec laquelle M Descartes donnoit les solutions de celles qui luy tomboient sous la vûë en feüilletant, causa beaucoup d’étonnement à Faulhaber. Mais il fut bien plus surpris de luy entendre ajoûter en même têms les régles et les théorémes généraux qui devoient servir à la solution véritable de ces sortes de questions, et de toutes les autres de même nature. Cette nouveauté luy fit prendre le change : il eut assez d’ingénuité pour reconnoître son ignorance dans la plûpart des choses que M Descartes luy faisoit voir, et il luy demanda son amitié avec empressement.

Il arriva dans le même têms qu’un mathématicien de Nuremberg nommé Pierre Roten fit paroître les solutions qu’il avoit trouvées aux questions proposées dans le livre de Faulhaber. Roten pour luy rendre la pareille, ajoûta au bout de ses réponses d’autres questions nouvelles sans explication : et convia Faulhaber de les résoudre.

Celuy-cy trouvant que la difficulté de ces questions étoit extraordinaire, communiqua la chose à M Descartes, et le pria de vouloir entrer en société de travail avec luy. M Descartes ne put luy refuser cette honnêteté. Le succez avec lequel il le tira d’embarras, acheva de le convaincre qu’il n’y avoit point de difficultez à l’épreuve du puissant génie de ce jeune homme.

On prétend que ce fut dans le même têms que M Descartes découvrit par le moyen d’une parabole l’art de construire d’une maniére générale toutes sortes de problémes solides, réduits à une equation de trois ou quatre dimensions. C’est ce qu’il a expliqué long-têms aprés dans le troisiéme livre de sa géométrie.

Il demeura en Soüabe jusqu’au mois de septembre, sur la fin duquel il prit le chemin de Baviére pour passer en Autriche. Son dessein étoit apparemment de voir la cour de Vienne, et d’y rejoindre la suite des ambassadeurs de France, qui devoient passer en Hongrie pour conférer avec le Prince Betlen Gabor sur les moyens d’un accommodement avec l’empereur.

Cette opinion ne souffre pas grande difficulté, si l’on suppose avec quelques auteurs, que M Descartes renonça entiérement à la profession des armes durant son séjour à Ulm, lorsqu’il eut appris que le Duc De Baviére, nonobstant le traité fait avec les princes correspondans , ne laissoit pas de faire marcher ses troupes contre l’electeur palatin en Bohéme. Mais s’il est vray qu’il s’est trouvé à la fameuse bataille de Prague, comme l’assurent d’autres auteurs, il est croiable qu’au lieu de suivre les ambassadeurs, il sera retourné de la ville de Vienne droit au camp du Duc De Baviére.

Ce prince avoit déja réduit tous les protestans rebelles d’Autriche sous l’obéïssance de l’empereur.

Il étoit entré depuis en Bohéme : et ayant joint son armée avec celle du Comte De Bucquoy, il avoit déja remis dans le devoir quantité de villes et de places, lorsque M Descartes arriva prés de luy.

Il n’étoit pas le seul des jeunes gentils-hommes françois qui eût la curiosité de voir la fin de cette tragique scéne, que devoit représenter le nouveau roy de Bohéme c. Palatin. Plusieurs y alloient pour apprendre le métier de la guerre, particuliérement sous le Comte De Bucquoy. Mais M Descartes qui avoit d’autres vûës, et qui ne cherchoit qu’à connoître le genre humain dans toutes ses catastrophes, se contentoit de vouloir être le spectateur des autres.

Les affaires des bohémiens baissoient deplus en plus, non seulement par la jonction des deux armées impériale et bavaroise qui faisoient un corps de 50000 hommes vers le midy : mais aussi par la descente que l’electeur de Saxe venoit de faire avec 20000 hommes du côté du septentrion.

Cet electeur qui avoit refusé la couronne de Bohéme aussi-bien que le Duc De Baviere avant qu’on l’eût présentée à l’electeur palatin, avoit été chargé par l’empereur de l’éxécution du ban impérial publié contre les rebelles. Il étoit d’ailleurs mal satisfait de l’electeur palatin, qui n’avoit pas déféré à ses avis, ni à ceux de l’assemblée de Mulhausen, touchant le désistement de cette couronne qu’on luy avoit conseillé. En un mot il étoit le chef des luthériens de la confession d’Ausbourg, qui comme les catholiques ne pouvoient souffrir que les calvinistes se rendissent les maîtres d’un royaume et de trois grandes provinces par voye d’usurpation.

Il avoit déja réduit toute la Lusace, lorsque le Duc De Baviére et le Comte De Bucquoy aprés avoir pris quatorze ou quinze villes de la Bohéme, se mirent sur la route de Prague, parce que la saison déja avancée et fort rude ne permettoit pas qu’ils s’amusassent plus long-tems à former des siéges. Le samedy Vii du mois de novembre, ils se trouvérent à la portée du canon prés de l’armée de Bohéme qui les avoit cotoyez dans leur marche : et ils s’approchérent de la ville de Prague à une demi-lieuë de distance. Le lendemain dimanche octave de la toussaints, l’armée de Bohéme qui s’étoit avancée à un petit quart de lieuë de Prague, se campa sur un poste assez élevé. Le dessein de l’electeur palatin n’étoit autre que de demeurer sur la défensive, parce que ses troupes augmentées de dix mille hongrois que luy avoit envoyez Betlen Gabor, étoient encore beaucoup inférieures à celles des impériaux.

Le Duc De Baviére, et le Comte De Bucquoy en litiére d’une blessure qu’il avoit reçûë le mercredy d’auparavant, voyant l’ennemi campé si avantageusement, et si bien déterminé à se battre, tinrent conseil pour délibérer si l’on présenteroit la bataille. Les avis alloient à ne rien hazarder, lorsque le carme déchaussé qui avoit apporté l’épée benie au Duc De Baviére de la part du pape, entra dans le conseil comme un homme inspiré, et promit la victoire d’un ton aussi assuré, que s’il en eût eu parole de Dieu même. De sorte qu’aprés avoir envoyé reconnoître les avenuës et les passages par où l’on pourroit attaquer, et se dégager selon les besoins, l’armée fut rangée de telle maniére, que le Duc De Baviere tenoit l’aîle droite avec le Baron De Tilly son maréchal de camp général : et le Comte De Bucquoy assis tout armé dans sa litiére tenoit la gauche avec Tieffembach maréchal de camp général de ses troupes. Le corps de reserve aprés l’arriere-garde étoit composé de croates et d’italiens. Mais l’armée étoit sans canons, au lieu que celle des bohémiens en avoit dix.

Le Pére Carme s’étoit mis à la tête de l’avant-garde le crucifix à la main pour animer les soldats. Mais elle fut chargée si rudement par les bohémiens, que les bataillons et les escadrons furent rompus d’abord malgré la prévoyance du Baron De Tilly. Le Comte De Bucquoy voyant le désordre que causoit l’artillerie ennemie sur les bavarois, qui commençoient à plier à l’aîle gauche, sortit de sa litiére tout blessé et tout malade qu’il étoit ; monta à cheval ; dégagea le Baron De Tilly ; remit le courage aux soldats ; changea l’ordre des bataillons ; joignit tous les escadrons en un corps ; se mit à leur tête ; et secondé du Duc De Baviére qui avoit passé à l’aîle droite, il défit l’ennemi entiérement ; prit les dix piéces de canon, 135 enseignes, sans conter le camp entier avec tout le bagage. L’electeur palatin avec plusieurs seigneurs de son parti se sauva dans la vieille Prague, et dés la nuit suivante il sortit avec sa femme et ses enfans pour se retirer en Silésie. Il y eut 5000 hommes tuez sur la place, 2000 noïez dans la riviére de Molde, et plusieurs faits prisonniers. Les deux généraux catholiques qui n’avoient perdu que 400 hommes, firent avancer leur infanterie contre les murailles de la ville sur le soir. Les habitans des trois villes n’osérent se hazarder à soûtenir un siége. De sorte que dés le lendemain ils ouvrirent les portes au Duc De Baviére, et au Comte De Bucquoy, qui aprés une entrée solennelle allérent aux capucins chanter le te deum .

M Descartes suivoit les victorieux par tout : et quoy que nous ne sçachions pas s’il avoit contribué à cette victoire, nous ne pouvons douter qu’il n’y ait eu part, conservant toûjours sa qualité de soldat volontaire sous le Duc De Baviére. Aprés l’entrée des victorieux, on tint les portes des trois villes fermées pendant six jours, pour faire la recherche des principaux auteurs de la rebellion : et on ne leur accorda que la vie. Les luthériens de la confession d’Ausbourg y furent maintenus comme les catholiques : mais on ôta aux picards ou picardites, c’est-à-dire aux calvinistes, le libre éxercice de leur religion, et on travailla d’autant plus à les humilier, qu’ils avoient paru plus zélez que les autres dans l’élection du palatin. Les villes de Bohéme qui restoient au nombre de quarante du côté des rebelles, vinrent apporter leurs clefs à l’envi. Il ne demeura que celles de Tabor et de Piltsen, où le bâtard de Mansfeld commandoit avec de fortes garnisons. On établit le Baron De Tilly pour commander dans Prague avec six mille hommes. Les généraux voyant qu’il ne se présentoit plus d’ennemi à combattre, se retirérent avec leurs troupes, aprés que les principaux seigneurs de la couronne de Bohéme eurent prêté le serment de fidélité et d’obéïssance à l’empereur, entre les mains du Duc De Baviére, qui sortit de Prague le dix-huitiéme jour de décembre, pour venir passer le reste de l’hiver à Munich. Il ramena une partie de ses troupes en Baviére, et laissa l’autre dans la partie méridionale de Bohéme, pour y prendre des quartiers d’hiver.

L’espace de six semaines pendant lesquelles l’armée impériale séjourna dans Prague, fut plus que suffisant à Monsieur Descartes pour rechercher et visiter ce qu’il y avoit d’habiles gens dans cette ville. Le têms que les autres soldats et les officiers employoient à s’enrichir sur les rebelles abandonnez à leur pillage, fut pour luy une occasion de loisir et de liberté plus grande, pour vaquer à des plaisirs plus honnêtes, qu’il trouvoit dans la conversation des curieux et des sçavans du lieu. La mémoire du fameux Tyco-Brahé y étoit toûjours vivante, et sa réputation y avoit été maintenuë jusqu’alors dans un état aussi florissant, qu’elle étoit au têms de sa mort, par les soins de ses héritiers, et particuliérement de son illustre disciple Jean Képler mathématicien de l’empereur. Monsieur Descartes ne trouva rien de plus agréable durant ce séjour, que la conversation de ceux qui l’informérent des particularitez de la vie de ce grand astronome, qui étoit venu autrefois de Danemarck s’habituer à Prague avec toute sa famille. Si nous en croyons quelques auteurs, il prit un plaisir sensible à entendre parler de ses belles inventions, et à voir ses grandes machines que ses héritiers luy permirent d’éxaminer tout à loisir.

Ces deux circonstances rapportées par le Sieur Borel, paroîtront assez plausibles à ceux qui se contenteront de juger du fait par la seule curiosité de Monsieur Descartes. Mais on les trouvera plus que douteuses, lorsqu’elles seront éxaminées sur la vérité de l’histoire. Il est difficile que Monsieur Descartes ait pû se procurer des conférences doctes et curieuses avec les enfans, ou les parens de Tyco, s’il est vray qu’il n’en restoit point alors qui fussent en état de répondre à sa curiosité, ou qui demeurassent actuellement à Prague. Tyco avoit laissé en mourant six enfans qui se portérent tous pour héritiers : et ils eurent soin de publier quelques-uns de ses ouvrages posthumes, et de les dédier en leur nom aux empereurs Rodolphe et Ferdinand en mil six cent deux, et mil six cent vingt-six. Mais nous apprenons d’un mathématicien saxon nommé Wilhelmus Johannis, que dés l’an mil six cent quinze, aprés avoir fait toutes les enquêtes possibles dans la ville de Prague sur les fils et les filles de Tyco-Brahé, il n’avoit trouvé personne qui eût pû luy en dire des nouvelles.

Monsieur Descartes aura-t-il été plus heureux dans ses recherches ? Il y avoit alors un fils de Tyco richement pourvû en Bohéme : mais il demeuroit en Province. De sorte qu’il ne pouvoit rester à Prague que le Baron De Tengnagel gendre de Tyco, que Monsieur Descartes pût voir sur les sciences. Aussi Tengnagel étoit-il homme de lettres, et mathématicien : mais je doute qu’étant demeuré fidelle à l’Empereur Ferdinand durant les troubles, il fût demeuré dans Prague parmi les rebelles.

Il est encore moins certain que Monsieur Descartes ait eu la satisfaction de voir les machines et les instrumens de Tyco. La triste destinée de ces machines ne nous permet presque pas de le croire.

Tyco les avoit fait transporter de Danemarck à Prague, et de Prague au château de Benach. Il les avoit fait remener ensuite à Prague dans le palais de l’empereur, d’où on les avoit fait passer dans l’hôtel de Curtz. Aprés la mort de Tyco, l’empereur Rodolphe craignant qu’on n’en fit quelque aliénation, ou quelque mauvais usage, voulut en avoir la propriété pour le prix de vingt-deux mille écus d’or, qu’il paya aux héritiers de Tyco. Et il y commit un garde à gage, qui tint ce grand trésor si bien renfermé dans l’hôtel de Curtz, qu’il ne fut plus possible à personne de le voir, quelque qualité, quelque mérite, et quelque recommandation qu’on pût apporter pour cela. C’est tout dire que Képler même, tout privilégié qu’il étoit de la part de l’empereur, de la part de Tyco, et du côté de sa profession, s’est plaint amérement de n’avoir pas été plus favorisé qu’un autre en ce point. Ces machines demeurérent ensevelies de la sorte jusqu’aux troubles de Bohéme.

L’armée de l’electeur palatin croyant mettre la main sur un bien qui étoit propre à la maison d’Autriche, les pilla comme des dépoüilles ennemies ; en brisa une partie ; et en convertit une autre à des usages tout différens. Le reste fut tellement distrait, qu’on n’a point pû sçavoir depuis ce que sont devenus tant de précieux monumens. Cette désolation étoit arrivée dés l’an mil six cent dix-neuf, de sorte que Monsieur Descartes, qui n’entra dans Prague qu’en mil six cent vingt, ne pourroit avoir vû ces machines que par une avanture miraculeuse, dont nous demanderions un autre garant que le Sieur Borel.

Il est vray qu’on vint à bout de sauver le grand globe céleste qui étoit d’airain : mais ce ne fut qu’en le retirant de Prague, d’où il fut emporté sur l’heure à Neissa en Silésie, où on le mit en dépôt chez les jésuites. Il fut enlevé treize ans aprés par Udalric fils de Christiern roy de Danemarck, conduit à Coppenhague, et placé dans l’académie royale. Il falloit donc mieux concerter la fiction touchant la curiosité de Monsieur Descartes à Prague, pour la rendre plus vray-semblable.

Mais pour dire de luy des choses plus certaines, nous allons retourner à ce qui se passa dans son esprit sur la fin de l’année précédente.