La Vie de Jésus (Taxil)/Chapitre XXXII

P. Fort (p. 151-158).

CHAPITRE XXXII

LES DOUZE APÔTRES ENDOCTRINÉS

La retraite de sire Jésus s’accomplit en bon ordre. Le divin toqué et ses sept apôtres se replièrent dans la direction du pays gouverné par Philippe.

Mais, affirme l’Évangile, une grande foule le suivit, de Galilée, de Judée, de Jérusalem, d’Idumée et des bords du Jourdain. On se figure difficilement les commerçants quittant leurs affaires pour se procurer le plaisir d’entendre le Verbe ou de lui voir opérer des guérisons. Toutefois, il dut en être ainsi, puisque les livres inspirés par le pigeon le prétendent.

Il vint même des curieux des régions païennes, telles que Sidon et Tyr.

L’affluence fut telle que Jésus, ennuyé d’être accablé par la foule, dit à Pierre :

— J’en ai par dessus la tête. Procure-moi une barque et filons de l’autre côté du lac.

En effet, tous les malingreux, tous les infirmes se jetaient sur lui pour le toucher, persuadés que le simple contact de sa fameuse tunique sans couture allait leur rendre la santé.

Les possédés eux mêmes ne résistaient pas à cet entraînement. Ils tombaient à ses pieds, et les démons, par leurs bouches, confessaient leur infériorité.

Tout cela était certainement très flatteur pour Jésus ; mais à la longue, cela devenait bassinant.

Il y avait des jours où les bras lui tombaient de lassitude, tant la besogne était grande.

Une fois même, dit saint Luc, la fatigue avait été telle que Jésus, le soir venu, se retira dans une montagne et y passa la nuit tout entière à prier.

Les théologiens catholiques ne savent pas le premier mot de cette longue prière ; mais ils connaissent d’une manière très précise la montagne sur laquelle elle a été faite. Ce serait, à leur avis une montagne qui se trouve entre Capharnaüm et Tibériade et qu’aujourd’hui les Arabes appellent les Cornes d’Hattin, par allusion à la double cime d’une colline des environs d’un village ainsi nommé.

Quant à la prière, puisque personne ne la cite, nous allons la donner à notre idée.

— Ô mon père, a dû s’écrier la seconde personne de la Trinité, quelle scie ! quelle scie !… Jamais je n’aurais cru qu’en m’incarnant je m’imposais une pareille corvée. Si c’était à refaire, bien sûr je ne le referais pas. Oh ! là là, quel embêtement ! Je ne pouvais pas m’imaginer qu’en Judée et en Galilée, il y avait tant de possédés et tant de malades que cela. Aujourd’hui encore, j’en ai guéri je ne sais plus combien ; j’en suis à opérer mes guérisons dans le tas : je miraculise à la douzaine, et j’ai peine à y suffire ; j’ai les bras rompus à force d’étendre les mains sur tous ces invalides. Et dire que c’est là le côté rigolo de mon voyage sur terre ! Qu’est-ce que cela va être quand mon heure sera venue, quand je jugerai le moment opportun de me livrer à ces coquins de pharisiens dont le seul désir est de me pendre ? Vrai, mon cher vieux papa Sabaoth, vous devez joliment rire de moi dans votre barbe là-haut. Quelle fichue idée j’ai eue le jour où j’ai décrété de descendre sur cette terre pour y expier les péchés mortels et véniels de toute l’humanité ! Enfin, le vin est tiré, il faut le boire, ouf !

Le lendemain matin, en descendant de la montagne des Cornes, Jésus songea à se décharger d’une partie de la besogne sur ses apôtres. Il lui était facile de leur donner le don des miracles. À huit, on se fatiguerait moins.

Puis, il réfléchit que le nombre de ses disciples ne formait pas un compte rond. Il compléta donc la douzaine en adjoignant cinq nouveaux apôtres aux sept qu’il avait déjà. Matthieu le publicain, fils d’Alphée, offrit deux frères dont il garantit le dévouement. En effet, l’Évangile donne deux des nouveaux compagnons de Jésus, nommés Thaddée et Jacques le Mineur, comme étant fils d’Alphée. Un certain Thomas, décoré du sobriquet de Didyme, un certain Simon, né au pays de Chanaan, et un certain Judas, de Kériot en Judée, appelé pour ce motif Judas Iscariote, acceptèrent également de faire partie de la bande.

Les voilà donc au nombre de douze comme les fils de Jacob, comme les douze tribus d’Israël.

Nomenclature de nos chenapans : — Simon-Pierre et André, fils de Jonas ; Philippe ; le petit Jean et le grand Jacques, fils de Zébédée ; Nathanaël, fils de Tolmaï, dit Barthélémy ; Simon le Chananéen ; Lévi, dit Matthieu, Thaddée et le petit Jacques, fils d’Alphée ; Thomas dit Didyme ; Judas Iscariote.

Quand Jésus les eut ainsi choisis, — et l’on verra plus tard qu’il n’avait pas eu pour tous la main heureuse, — il oublia complètement de leur communiquer le don des mirales, qu’ils reçurent seulement, très longtemps après, du saint pigeon, et, les entraînant avec lui sur sa montagne favorite, il leur débita un grand discours.

— Ah ! s’écria-t-il, vous ne savez pas combien sont heureux les imbéciles ! Ils ne se doutent pas de leur bonheur, et pourtant leur sort est enviable ; car c’est aux pauvres d’esprit qu’appartient le royaume des cieux !… Et les gens qui pleurent, je parie que vous les plaignez ; ils sont pourtant bienheureux aussi, vu qu’ils finiront par être consolés !… Heureux encore ceux qui sont doux comme des moutons, car ils posséderont la terre !… Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, on leur en fourrera jusque-là !… Heureux ceux qui ne gardent

Bienheureux les imbéciles ! le ciel est pour eux, dit Jésus (chap. XXXII)
Bienheureux les imbéciles ! le ciel est pour eux, dit Jésus (chap. XXXII)
Bienheureux les imbéciles ! le ciel est pour eux, dit Jésus (chap. xxxii)
 
pas rancune, car en revanche, quand ils commettront une boulette, personne ne leur en voudra !… Un autre bonheur encore sera de voir Dieu, attendu qu’on ne peut pas rêver plus beau spectacle ; les marionnettes, auprès de cela, ce n’est rien ; mais pour voir Dieu, il est nécessaire d’avoir le cœur pur ; heureux donc ceux qui ont le cœur pur !… Heureux toujours les particuliers qui ne sont pas batailleurs, d’abord parce qu’il y a un proverbe qui dit : « Jeux de mains, jeux de vilains », ensuite parce que, les particuliers au tempérament pacifique seront appelés les enfants de Dieu, et c’est un titre, ça !… Heureux enfin ceux qui sont tarabustés par des tribunaux injustes, car ils auront un dédommagement à ces tracasseries en entrant avec les imbéciles dans le royaume des cieux !

Les apôtres étaient tous contents de l’entendre blaguer ainsi. Jésus avait eu soin de ne pas s’entourer d’autres auditeurs qu’eux. De la sorte, ils avaient la primeur de ce beau sermon que le Verbe devait rééditer dans la suite pour l’usage du vulgaire.

Et notez que ce n’était pas fini.

S’adressant aux apôtres d’une façon toute particulière, il leur dit :

— Mes paroles sont pour les pauvres d’esprit en général et pour vous en particulier. Sous le rapport de l’intelligence, vous n’êtes pas millionnaires, et c’est une rude chance pour vous ! Vous êtes aussi des veinards en ce que vous aurez tous les autres hommes contre vous : on vous turlupinera à plaisir, on dira de vous un mal du diable, on vous jouera toutes sortes de vilains tours, les tribunaux vous en feront voir de grises. Mais réjouissez-vous à cause de cela ; car cela établira une similitude entre vous et les prophètes. Vous savez ce qui est arrivé aux prophètes ? Leurs contemporains se sont toujours appliqué à leur faire une existence de ronces et d’épines : on les a battu de verges, traînés par les cheveux, jetés dans des fosses pleines d’animaux féroces, sciés en deux même ! Eh bien ! tout cela vous attend, c’est là le brillant avenir qui vous est réservé. Savourez-le d’avance, mes amis ; c’est un grand bonheur pour vous, que vous soyez destinés à toutes ces persécutions !…

Nos bonshommes esquissaient une grimace qui ne signifiait pas précisément qu’ils savouraient ce genre d’avenir.

Jésus reprit :

— Faut pas vous chagriner, les camarades. Il est indispensable que les choses se passent ainsi. C’est écrit ; nous ne pouvons rien y changer, ni vous, ni moi. Vous êtes le sel de la terre ; si le sel perd sa force, avec quoi le salera-t-on ?

Les apôtres se regardèrent étonnés. Ils ne comprenaient pas.

— En vérité, en vérité, je vous le dis, il ne faut pas que le sel perde sa force ; sans quoi on ne trouverait plus rien pour le saler. Du sel qui ne serait pas salé, voyez-vous, cela serait tout au plus bon à jeter aux balayures !

Je n’invente rien. Ces paroles sont de Jésus-Christ. Lisez saint Matthieu, chapitre V.

— Vous êtes le sel, recommença le Verbe ; mais vous êtes en même temps la lumière du monde. Quand une ville est située au sommet d’une montagne, ce n’est pas comme si elle était au fond d’un vallon, hein ? Au fond d’un vallon, on ne la voit pas, tandis qu’au sommet d’une montagne il est impossible de la cacher. Et voilà !… Une autre comparaison : quand vous avez allumé votre lampe, vous ne la recouvrez pas avec un vase, ce ne serait pas la peine de l’avoir allumée. Que faites-vous ? vous mettez votre lampe sur un chandelier, et comme cela la lumière éclaire la maison. Eh bien, vous qui êtes la lumière du monde, il ne faut pas que vous vous mettiez sous des vases, mais au bout de vos chandeliers.

Simon-Pierre et les autres se grattaient l’oreille.

— Encore quelques mots, poursuivit Jésus. Les mauvaises langues diront que je suis venu pour détruire la loi de Moïse et infliger des démentis aux prophètes. Ce n’est pas vrai ! il n’y a pas de meilleur juif que moi. Moïse a dit : « Tu ne tueras point. » Moi, je vais bien plus loin. Non seulement je vous dis de ne pas tuer : mais j’ajoute : « Maudit soit celui qui dira à son frère Raca ! » Appelez-le comme vous voudrez ; traitez-le de cornichon, si cela vous convient ; mais ne lui dites pas Raca… C’est comme pour les procès, n’en ayez jamais ; cela ne profite qu’aux juges. Quand vous avez une assignation sur les bras, mettez-vous d’accord avec votre adversaire ; sans cela, votre adversaire vous livrera au juge, et le juge vous collera de la prison. Croyez-moi, ce sont des bons conseils d’ami que je vous donne là… Autre histoire : Moïse défend l’adultère, ce n’est pas assez. Moi, je vous engage à ne jamais regarder la femme de votre voisin, qu’elle soit jolie ou laide ; et, si vous vous apercevez que votre œil droit s’obstine malgré vous à regarder la femme de votre voisin, ne faites ni une ni deux et arrachez votre œil droit. Les moyens radicaux, je ne connais que ça !… De même si vous éprouvez de violentes démangeaisons et que votre main droite vous scandalise, pas d’hésitation, coupez-moi votre main droite !…

— Bigre ! comme il va ! pensaient les apôtres.

— Puisque nous sommes sur le chapitre des femmes, causons-en encore un brin. Moi, je ne vous le cache pas, je suis pour les femmes. Chez nous, dès que monsieur est dégoûté de madame, vlan ! sous n’importe quel prétexte il lui flanque du balai. Eh bien, ce n’est pas chic ! Il n’y a que lorsque madame en fait porter à monsieur, que monsieur a le droit de congédier madame ; mais votre épouse deviendrait-elle plus acariâtre qu’une belle-mère, prendrait-elle plaisir à sucrer vos côtelettes et à saler vos confitures, vous verserait-elle le matin le pot-à-l’eau sur la tête soi-disant pour vous réveiller, vous administrerait-elle même des volées de coups de bâton, vous devez la garder.

— Ça lui est facile à dire, murmura le grand Jacques à l’oreille de Thaddée : il ne connaît la femme que sous son plus agréable aspect : toutes les noceuses de Capharnaüm raffolent de lui. Il chanterait une autre antienne, s’il avait goûté une seule fois d’une maîtresse grognon ou méchante !

Jésus était en train. Il dégoisa de plus belle :

— La loi de Moïse vous dit encore : « N’invoquez jamais le nom de Dieu en vain. » Ça, c’est bien ; mais ce n’est toujours pas suffisant. Que font les malins quand ils veulent fourrer leur monde dedans ? Ils font leur serment sur la Bible, sur le Temple, sur la cité sainte de Jérusalem ; on s’imagine que c’est sérieux, que ça va tenir. Je t’en fiche ! une fois le serment juré de la sorte, ils ne le tiennent pas. Entre nous, c’est de la haute fumisterie, cela. On ne doit jurer sur rien du tout. Vous n’avez pas même le droit de jurer sur votre tête, vu que vous n’avez pas le pouvoir de rendre un seul de vos cheveux blanc ou noir, à moins d’y mettre de la teinture. Quand on vous demandera un renseignement quelconque, dites simplement : « C’est ceci », ou : « C’est cela », et si on ne vous croit pas sur parole, et si on vous demande un serment, répondez : « Zut ! »

» Et la loi du talion, voilà qui est cruel. « Œil pour œil, dent pour dent », commande Moïse. Ma foi, je ne suis pas de cet avis. Il est un million de fois plus beau d’accepter toutes les méchancetés. Une supposition : un ennemi vient sur vous dans la rue, vous marche sur le pied et vous donne une giffle ; au lieu de la lui rendre, tendez-lui l’autre joue ; c’est votre ennemi qui sera bien attrapé ! Si quelqu’un ayant envie de votre tunique, vous intente un procès pour l’avoir, dites-lui : « Ma tunique vous plaît ? la voilà, et par dessus le marché, je vous fais cadeau de mon manteau. » Vous en serez quitte pour aller en chemise ; l’été, on est plus au frais. S’il prend à un particulier la fantaisie saugrenue de vous obliger à faire avec lui mille pas, répondez-lui : « Comment donc ? Non seulement nous allons faire ensemble les mille pas que vous désirez ; mais encore nous en ferons après deux mille autres ! »

» Moïse veut que l’on aime son prochain et que l’on haïsse son ennemi. Cela me paraît bien baroque. Mettons que l’on doit aimer qui vous fait du mal. Un individu vous persécute, vous calomnie, aimez-le comme votre meilleur ami. Ce sera neuf.

» Et les aumônes ? Voilà une question délicate. Les hypocrites, eux, ne peuvent pas donner un sou, sans se faire précéder d’une trompette qui sonne leurs bienfaits. Pas de ça chez nous ! S’il nous arrive jamais de rendre service à un malheureux, agissons en secret ; que notre main gauche ne sache pas ce qu’aura fait notre main droite.

— Pardon, dut observer Simon-Caillou. Ce précepte est très beau ; mais quand l’appliquerons-nous ? Jusqu’à présent, c’est toujours nous qui avons demandé l’aumône aux autres, et comme notre métier actuel est loin d’être lucratif, je ne vois pas trop le moment où nous pourrons exercer notre générosité d’une manière discrète.

— Cela ne fait rien, répliqua sans doute le Verbe ; puisque je vous prêche, il faut bien que je dise quelque chose !

Ce court colloque n’est pas rapporté par l’Évangile, et cela est vraiment regrettable. Il y a néanmoins probabilité qu’il a été tenu. En effet, dans son grand sermon sur la montagne, Jésus débita quelques bons préceptes empruntés aux philosophes nés de nombreux siècles avant lui et qui durent bien étonner ses disciples ; car de telles paroles n’étaient certes pas en rapport avec les actes de la bande apostolique.

Reprenons la suite de ce grand speech, qui résume en quelque sorte la doctrine chrétienne, cette doctrine dont les passages moraux et honnêtes, rares perles au milieu du fumier, n’ont jamais été mis en pratique par les prêtres et autres calotins.

— Quand il vous arrivera de faire une prière, continua le Verbe, ne la faites pas tout haut et debout ; c’est bon pour les prêtres hypocrites qui tiennent à être vus de tout le monde. Au contraire, renfermez-vous dans votre chambre, et que personne ne vous aperçoive. Ensuite, souvenez-vous que les prières les plus courtes sont les meilleures. Pensez un peu que la terre est habitée par des milliards d’individus, et demandez-vous s’il est possible que Dieu entende tout ce monde. Une prière de trois quarts d’heure a toute chance de ne pas être écoutée.

» La plus simple, la voici ; retenez-la.

« Notre Père, qui êtes aux cieux »… Je ferais peut-être mieux de dire : « qui êtes partout », mais passons… « Que votre nom soit sanctifié »… De vous à moi, le nom de Dieu a été sanctifié depuis belle heure te, et il n’y a plus utilité à souhaiter qu’il le soit de nouveau ; c’est comme si l’on posait deux cataplasmes l’un sur l’autre… Enfin ne nous arrêtons pas à ce détail… « Que votre règne arrive »… Ça, par exemple, oui, il faut le souhaiter, et vivement ; car mon avis est que le triomphe de Dieu sur le diable se fait un peu trop attendre… Maintenant, demander à Dieu lui-même ce triomphe, ce n’est pas ce qui le fera arriver plus tôt ; cependant, il n’en coûte rien de rafraîchir la mémoire à ce vieux papa Sabaoth !… « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel »… Vous allez me dire que cette demande-là est une bêtise du plus fort calibre, et qu’il est absolument idiot d’inviter quelqu’un de tout-puissant à faire ce qui lui fait plaisir ; je ne vous contredirai pas. C’est vrai, cette phrase est bête comme tout, je n’en disconviens point ; mais elle va très bien au milieu des autres ; maintenons-la… « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour »… Songeons au solide, hein ?… « Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent. » Ça, c’est du même tonneau que la générosité discrète dont je vous parlais tout à l’heure. Comme personne ne nous doit rien, il nous est très facile de nous poser en créanciers qui laissent tranquille leurs débiteurs, et, au nom de cette grandeur d’âme, qui ne nous coûte pas grand’chose, demandons hardiment que l’on nous remette ce que nous devons, puisque partout où nous avons passé nous avons vécu en faisant des dupes… « Et ne nous induisez pas en tentation »… Voilà une demande qui paraîtra sans doute étrange : prier Dieu de ne pas nous induire en tentation, de ne pas nous faire succomber au péché, quelle hérésie !… Autant dire tout de suite que Dieu est l’auteur du mal… Eh bien, oui, puisque rien ne se fait sans sa volonté… Donc, prions Dieu de ne pas jouer vis-à-vis de nous le rôle de Satan… « Mais délivrez-nous du mal »… Cette phrase est le complément de la précédente. « Amen. »

Telle fut la doctrine exposée par Jésus sur la montagne. Ce grand sermon, que je ne me sens pas le courage de donner in-extenso (de crainte d’ennuyer mes lecteurs), contient l’essence même de l’Évangile. Il tient trois chapitres tout entiers de saint Matthieu : les chapitres V, VI, VII.

Si peu agréable qu’en soit la lecture, on ne doit pas cependant manquer de la faire. On ne saurait trop se convaincre de l’hypocrisie et de l’immoralité de la religion.

Hypocrisie ; car les quelques bons préceptes qui sont jetés çà et là dans la doctrine du Christ ne s’y trouvent que pour faire passer le reste et ne sont jamais mis en pratique. Voyez les catholiques de tout temps. Sont-ils discrets dans leurs aumônes ? Non, leurs œuvres de charité ont des bulletins imprimés qui publient les moindres dons faits par eux. Ont-ils le mépris des richesses ? Non, leurs églises ne contiennent que métaux et objets précieux, leurs évêques se couvrent de bijoux, leur pape se fait entretenir avec des millions annuels. Pardonnent-ils les injures ? Non, il n’est sur terre aucun être plus rancunier qu’un calotin : dites sur un prêtre seulement le quart de ce que vous savez, vous serez accablé de procès.

Immoralité ; car la seule partie de la doctrine chrétienne qui est pratiquée est contraire à la morale naturelle. Jésus a enseigné à ses apôtres le mépris du travail, qui est cependant ce qui ennoblit l’homme : aussi les successeurs des apôtres ont-ils, à toute époque, été des fainéants.

Un passage du fameux sermon, passage par lequel je terminerai ma citation, est sur ce point très caractéristique.

« Considérez les oiseaux du ciel, dit le fils du pigeon ; ils ne sèment point, ils ne moissonnent point, et ils n’amassent rien dans des greniers ; c’est Dieu qui les nourrit. Considérez aussi les lis des champs ; ils ne travaillent point, ils ne filent point ; c’est Dieu qui leur donne leur vêtement. Vous ne devez donc pas vous inquiéter de votre nourriture ni de votre vêtement comme font les païens ; tout cela vous sera donné par Dieu. »

N’est-ce pas là l’apologie de la fainéantise ? et que deviendrait l’humanité si tout le monde suivait ces ignobles préceptes ? ne serions-nous pas vite retournés à l’état sauvage ?

Ceux qui ont inventé la légende du Christ et qui ont placé de semblables enseignements dans la bouche de ce personnage imaginaire, créé pour les besoins de leurs vices, sont des professeurs d’hypocrisie et d’immoralité.