Stock (p. 230-231).
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XLI


Charles avait perdu au service ses façons sournoises ; il était à présent gentil envers tout le monde et suffisamment expressif, et il s’exprimait bien mieux que nous.

Les premiers temps, il riait même de ce que nous causions trop mal.

— Je trouve ça bête, disait-il, de parler ainsi. Dès qu’on est en présence de gens au langage correct, on se trouve gêné ; on ne peut rien dire, ou bien l’on dit fort mal des bourdes qui les font se ficher de nous. Je ne vois pas que ce soit une raison, parce qu’on est paysan, de s’exprimer en dépit du bon sens.

— Ça serait drôle, dit Rosalie, si nous nous mettions à causer comme la dame du château… On se ferait vite remarquer ; tout le monde dirait : « Entendez ceux-là, comme ils cherchent à faire des embarras ! »

— Ce sont des imbéciles qui diraient cela, reprenait Charles, et, quand on se sent un peu intelligent, on doit mépriser les appréciations des imbéciles. Au fait, je ne demande pas qu’on adopte le genre de Mme Lavallée ; je voudrais seulement qu’on écorche moins les mots, qu’on ne dise plus, par exemple, ol, pour il, nout’, pour notre, soué, pour lui, voué, pour c’est, bounne, pour bonne, souère, pour soif, adret, pour adroit, ch’tit, pour chétif, et ainsi de suite.

Sans doute, les paroles de Charles étaient fort raisonnables ; mais il ne put, bien entendu, nous habituer à changer de langage ; ce fut lui, au contraire, qui en arriva peu à peu à reprendre quasi entièrement son parler d’autrefois.