Michel Lévy frères (p. 181-183).


XXVII

NOTRE-DAME DE PARIS


Le jour était venu quand Rosine eut signé d’une larme son dernier adieu.

Elle agrafa son châle et mit son chapeau.

— C’est la dernière fois que je me regarde, dit-elle en se reconnaissant dans la glace de la cheminée. Il me semble déjà voir une morte !

Elle alla rue des Lavandières et pria une voisine d’appeler sa mère ou sa sœur.

Ni sa mère ni sa sœur n’étaient à la maison.

— Eh bien ! se dit Rosine, nous nous reverrons là-haut.

Et elle alla prier Dieu à Notre-Dame.

Cette fois elle avait deux sous pour payer le droit de s’agenouiller devant une chaise.

Elle n’osa pas demander à un prêtre de l’écouter.

Elle se confessa à demi-voix, comme si elle eût parlé à Dieu lui-même.

— Seigneur, dit-elle en élevant son cœur à Dieu, pardonnez-moi ma vie et pardonnez-moi ma mort !

En sortant de l’église, elle donna son dernier sou à un pauvre.

Elle rencontra sur le parvis une de ses camarades de théâtre, une grande coquette, qui allait au quai aux Fleurs et qui voulait prier Dieu au passage.

— C’est aujourd’hui ma fête, dit la grande coquette à Rosine. J’ai voulu voir des fleurs, car l’Odéon n’est pas le pays de la galanterie. Mais puisque je passe devant Notre-Dame, je vais prier un peu. C’est égal, si on nous rencontrait toutes les deux en si bonne compagnie, on ne nous prendrait pas pour des comédiennes.

— Je suis si peu comédienne ! dit Rosine.

— Taisez-vous ! les ingénues ne sont que trucs et trappes. On nous promet une comédie qui aura pour titre : les Roueries d’une ingénue.

— Eh bien ! je ne jouerai pas dans celle-là.

— Adieu, ma belle ! car je perdrais mon quart d’heure de dévotion. N’ayez pas l’air si triste. Viendrez-vous à la répétition ?

— Non, répondit Rosine en serrant la main de la grande coquette, je sais mon rôle.