Je souffle dans ma pauvre flûte,
Et la glace, hélas ! ne reflète
Aucun sourire auprès de ma tristesse,
Aucun visage auprès de mon visage.
Je sifflerai puisque le sort l’exige.
Un lilas bleu se fane dans la tasse
Où tu buvais du thé chinois
Dans l’automne embaumé de pommes et de noix.
Il y avait des branches vertes,
Il y avait des feuilles mortes.
Et tu dansais parmi les noires chèvres,
Dans l’herbe jaune en secouant des roses ;
Et tu savais des baisers et des ruses
Qui me laissaient tremblant et les mains ivres.
La nuit, c’étaient les rossignols,
Et la lune glissant sur les bois espagnols.
Ombreuse auberge béarnaise
Que notre tendresse éternise !
Tu fredonnais en frottant la guitare
De sombres airs, graves comme l’orage,
Et les rouliers qui buvaient du vin rouge
Se regardaient et regardaient la terre.
Et je t’aimais éperdument,
(Dis si je mens) comme un jeune homme de roman.
Et derrière je ne sais quelles
Mers orageuses ou tranquilles
Sais-je où tu es ? Mais les toits du village
Fument encor vers les blanches montagnes,
Et les enfants ramassent les châtaignes,
Et le sureau de ses grappes s’allège.
Même décor. Pour n’y changer,
Ne reviendras-tu pas danser dans le verger ?
Ce sont les hêtres et les ormes,
Mais la flûte à l’heure des larmes,
En endormant ma cure et son murmure,
Transformera ma peine en harmonie ;
Et je mordrai dans la rose fanée
Et les rubis de la grenade amère ;
Et de leurs lèvres sur mes yeux
Les Muses sécheront des pleurs délicieux.
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