Traduction par Louis Labat.
Édition Pierre Lafitte (p. 223-238).

VI

DANGER.


Le règne de la terreur était à son apogée. Marc Murdo, promu à la dignité de Diacre, pouvait déjà prévoir qu’il recueillerait un jour la succession de Mac Ginty comme Maître. Il était devenu si nécessaire dans les conseils qu’on ne faisait rien sans son avis et son assistance. Cependant, plus il gagnait en popularité près des Hommes Libres, plus les figures se renfrognaient sur son passage dans les rues de Vermissa. Les citoyens, dominant leurs craintes, commençaient à se liguer contre leurs oppresseurs. On avait eu vent, à la loge, de réunions secrètes tenues dans les bureaux du Herald, et d’une distribution d’armes chez les partisans de la légalité. Mac Ginty et ses gens n’en conçurent pas d’inquiétude. Ils étaient nombreux, résolus, forts ; leurs adversaires n’avaient ni cohésion, ni moyens ; tout cela finirait, comme dans le passé, par d’inutiles parlotes, peut-être par d’importantes arrestations. C’était le sentiment de Mac Ginty, de Mac Murdo et des plus audacieux de la bande.

La loge tenait séance tous les samedis. Un samedi de mai, Mac Murdo s’apprêtait à s’y rendre, quand il reçut la visite de Morris. Le brave homme avait l’air rongé par le souci ; sa figure était tirée, défaite.

« Puis-je causer librement avec vous, monsieur Mac Murdo ?

— Bien sûr.

— Je n’oublie pas que je vous ai déjà ouvert mon cœur, et que vous n’en avez rien dit à personne, même quand vous avez eu à subir un interrogatoire du Maître.

— Vous vous étiez confié à moi ; pouvais-je faire autrement que de me taire ? Non pas que je sois d’accord avec vous…

— Je sais. Mais je n’ai que vous à qui me livrer en toute assurance. Je porte là… »

Et Morris se frappait la poitrine.

« … un secret qui me brûle, qui me tue. Ah ! que n’est-ce plutôt le secret d’un autre ! Si je parle, c’est un meurtre ; si je ne parle pas, c’est notre fin à tous. Que Dieu me soit en aide ! Je crois que j’en perdrai la tête ! »

Mac Murdo le regarda ; et le voyant trembler de tous ses membres, il versa du whisky dans un verre, qu’il lui tendit.

« Pour des gens comme vous, fit-il, voilà le remède. Parlez, maintenant. »

Morris but ; un peu de couleur ranima son visage blême.

« Je vous dirai tout en deux mots, reprit-il : un détective est sur nos traces. »

Mac Murdo ouvrit de grands yeux :

« Et c’est là ce qui vous affole ? Ignorez-vous que le pays regorge de policiers et de détectives ? Quel mal nous ont-ils jamais fait ?

— Le détective dont je parle n’est point du pays. Ceux du pays, on les connaît, en effet, ils ne sont guère à craindre. Avez-vous entendu parler de l’agence Pinkerton ?

— J’ai lu quelque part ce nom-là.

— Eh bien ! sachez qu’on ne fait pas le fier pour peu qu’on l’ait à ses trousses. Ça n’est pas une de ces institutions d’État qui opèrent au petit bonheur. C’est une maison sérieuse, travaillant pour des résultats positifs, et n’ayant de cesse qu’elle ne les obtienne. Si Pinkerton a lâché un de ses hommes, nous sommes perdus.

— Tuons-le.

— Parbleu ! c’est votre première idée ! Ce sera celle de la loge ! Ne vous ai-je pas dit que tout ça finirait par un meurtre ?

— Un de plus ou de moins, qu’importe ? Est-ce que cela compte, ici ?

— Certes non. Mais je ne dormirais plus si je désignais la victime. Et pourtant, il y va de nos têtes. Que faire, au nom du Ciel ? »

Dans sa détresse, Morris arpentait fiévreusement la chambre. Ses paroles n’avaient pas laissé d’impressionner Mac Murdo. Il concevait le danger et la nécessité d’y faire face. Prenant Morris par l’épaule, et le secouant :

« Que diable ! s’écria-t-il d’une voix vibrante, vous ne gagnerez rien à vous lamenter comme une vieille pleureuse. Au fait, qui est cet homme ? Où est-il ? Qui vous a renseigné sur lui ? Pourquoi venez-vous à moi ?

— Je viens à vous parce que, seul, vous pouvez me donner un conseil. Je vous ai dit qu’avant de m’installer ici je tenais un commerce dans l’Est. Je laissais là-bas de bons amis. L’un d’eux est un employé des télégraphes. Voici une lettre de lui, reçue hier. Lisez vous-même, – en haut de la page… »

Et Mac Murdo lut :

— « Comment se portent vos Écumeurs ? La presse s’en occupe à tout propos. De vous à moi, je crois qu’avant peu nous en aurons des nouvelles. Cinq grandes corporations et deux Compagnies de chemins de fer ont pris la chose à cœur. Elles sont bien résolues à n’en pas démordre – et n’en démordront pas, soyez tranquille. Elles sont engagées à fond. Pinkerton se charge de tout mener ; déjà son meilleur agent, Birdy Edwards, est en campagne. Vous ferez bien de prendre vos précautions. »

— Lisez le post-scriptum, à présent.

— « Ce que je vous en dis, je l’ai appris à l’occasion du service, et, bien entendu, cela, ne doit pas aller plus loin. Chaque jour, il nous passe entre les doigts d’interminables télégrammes chiffrés, où il est impossible de rien comprendre. »

Mac Murdo se tut. La lettre tremblait dans ses mains nerveuses. Un brouillard se levait devant lui, et il apercevait l’abîme à ses pieds.

« Avez-vous fait part de ceci à quelqu’un ? demanda-t-il.

— À personne.

— Mais votre ami n’aurait-il pas d’autres correspondants ?

— Un ou deux peut-être.

— Membres de la loge ?

— Sans doute.

— Si je vous le demande, c’est qu’il a pu donner le signalement de ce Birdy Edwards, et qu’avec le signalement nous arriverions à dépister l’homme.

— Je ne crois pas qu’il le connaisse. Il me dit ce qu’il a su lui-même à l’occasion du service ; mais comment connaîtrait-il l’agent de Pinkerton ? »

Soudain, Mac Murdo fit un haut-le-corps.

« Pardieu ! s’écria-t-il, je le tiens ! Quel imbécile j’étais de ne pas m’en aviser plus vite ! Nous avons de la chance, nous ne lui laisserons pas le temps de nous nuire. Voyons, Morris, remettez-vous l’affaire entre mes mains ?

— De grand cœur, si vous m’en débarrassez.

— Entièrement. Vous vous effacez, vous vous en rapportez à moi, je ne prononce même pas votre nom ; je prends tout sous mon bonnet, comme si j’avais reçu la lettre. Cela vous va-t-il ?

— Je ne demande pas autre chose.

— Alors, n’y pensez plus, n’en parlez plus. Je vais à la loge. Pinkerton aura bientôt fait de déchanter.

— Vous tueriez son agent ?

— Moins vous en saurez, ami Morris, plus votre conscience sera paisible et votre sommeil léger. Ne posez pas de questions, attendez les événements. C’est moi que tout ceci regarde. »

Morris, en se retirant, secoua la tête.

« Il me semble tremper mes doigts dans le sang, gémit-il.

— Bah ! répondit Mac Murdo avec un sourire équivoque, ce n’est pas assassiner que de se défendre. Ou lui ou nous. Cet homme nous perdrait s’il restait longtemps dans la vallée, Frère Morris, vous serez un jour notre Maître, car vous aurez sauvé la loge. »

Si Mac Murdo affectait de prendre légèrement l’incident, ses actes ne prouvèrent pas moins combien il en sentait le sérieux. Émoi d’une conscience coupable, sentiment de la puissance que représentait un organisme comme l’agence Pinkerton, ou juste appréciation de l’effort que les grandes Compagnies allaient tenter contre les Écumeurs, quel que fût le mobile auquel il obéit, il se comporta comme un homme qui prévoit le pire. Avant de sortir, il brûla tous les papiers qui pouvaient le compromettre, et quand il les vit en cendres il poussa un soupir de satisfaction. Non pas, pourtant, qu’il fût complètement rassuré, car en se rendant à la loge il s’arrêta devant la maison du vieux Shafter. La maison lui demeurait interdite ; mais il n’eut qu’à taper à la fenêtre pour qu’Ettie apparût au dehors. L’air grave de son amoureux l’impressionna : Mac Murdo n’avait plus dans les yeux une certaine mauvaise flamme irlandaise qu’elle y voyait danser d’ordinaire.

« Il se passe quelque chose, Jack ! s’écria-t-elle. Jack, vous êtes en danger !

— Le danger n’est pas imminent, mon cher cœur ; mais peut-être ferons-nous bien de partir avant qu’il le devienne.

— Partir, dites-vous ?

— Je vous ai promis que je m’en irais un jour ou l’autre : l’heure est venue. J’ai de mauvaises nouvelles. Je prévois des ennuis.

— La police ?

— Un agent de Pinkerton. Ne cherchez pas à comprendre, chérie. Je suis dans une situation d’où il se peut que j’aie à me tirer le plus tôt possible, Vous m’avez dit que vous viendriez avec moi, si je m’en allais.

— Ah ! Jack, ce départ serait le salut pour vous.

— J’ai de l’honnêteté en certaines choses, Ettie. Je ne voudrais pas, pour tous les trésors du monde, toucher à un cheveu de votre tête, ni vous faire descendre une seconde du trône ou je vous ai assise parmi les nuées. Auriez-vous confiance en moi ? »

Elle lui tendit la main, sans une parole.

« Alors, écoutez-moi et suivez mes instructions, car je ne vois qu’un parti à prendre. Des événements vont se produire dans cette vallée. Un instinct m’avertit. Bien des gens dont je suis auront à s’en préoccuper. Si je m’en vais, de nuit ou de jour, il faut que vous m’accompagniez.

— Je m’en irai après vous, Jack.

— Non, non, pas après moi, mais avec moi.

Comment vous laisserais-je dans cette vallée, qui me serait défendue, et où je courrais le risque de ne jamais revenir ? Forcé, peut-être, de me cacher pour échapper à la police, je n’aurais aucun moyen de recevoir de vos nouvelles. Il faut que vous veniez avec moi. Je connais, au pays d’où je viens, une brave femme. Vous habiteriez chez elle jusqu’à notre mariage. Viendrez-vous ?

— Oui, Jack, je viendrai.

— Soyez bénie de vous fier à moi : je serais un démon de l’Enfer si j’en abusais. Donc, au premier signe, vous abandonnerez tout sur-le-champ, vous irez à la gare, et vous y attendrez que je vous rejoigne.

— De nuit ou de jour, au premier signe, Jack. »

Ses préparatifs de fuite ainsi arrêtés, Mac Murdo, un peu soulagé, se rendit à la loge. Les « frères » tenaient déjà séance, et il eut à remplir mille formalités compliquées de passe et de contre-passe avant de franchir le double cordon de gardes qui protégeaient l’accès de l’assemblée. Un murmure de satisfaction et de bienvenue l’accueillit à son entrée. La vaste salle était pleine. À travers un brouillard de fumée, il aperçut la noire crinière broussailleuse du Maître, les traits féroces et hostiles de Baldwin, la tête de vautour du secrétaire Harraway, et la douzaine d’assesseurs qui constituaient le bureau de la loge. Il se réjouit qu’ils fussent tous présents pour délibérer sur la nouvelle qu’il apportait.

« Vraiment, nous sommes heureux de vous voir, frère ! s’écria le président. Car nous avons à trancher un litige qui ne demande pas moins que le jugement d’un Salomon.

— Il s’agit de Lander et d’Egan, lui expliqua son voisin, tandis qu’il prenait un siège. Tous les deux réclament la prime allouée par la loge pour le meurtre du vieux Crabbe, à Stylestown ; lequel des deux a tiré la balle ? »

Mac Murdo se dressa, la main levée. Telle était l’expression de son visage que l’assemblée parut instantanément se figer. Un silence de mort s’établit.

« Vénérable Maître, dit-il, je réclame l’urgence.

— Frère Mac Murdo réclame l’urgence, dit Mac Ginty. Au terme des règlements, la priorité est de droit. Frère, vous avez la parole. »

Mac Murdo prit la lettre dans sa poche.

« Vénérable Maître, et vous, frères, dit-il, je vous apporte aujourd’hui de mauvaises nouvelles. Mais il vaut mieux les connaître et les discuter tout de suite que de recevoir inopinément un coup dont nous ne nous relèverions pas. Je suis informé que les plus riches, les plus puissantes organisations de cet État se sont coalisées pour nous abattre. À cette heure même, un détective de Pinkerton opère dans la vallée, recueillant des témoignages qui, pour beaucoup d’entre nous, signifient la corde, et, pour le reste, la prison, Telle est la question pour laquelle j’ai demandé l’urgence. »

De nouveau, un grand silence plana sur la salle.

« Frère Mac Murdo, dit le président, où avez-vous la preuve de ce que vous avancez ?

— Dans cette lettre, » dit Mac Murdo.

Il lut tout haut le passage dénonçant les intentions des Compagnies, puis il ajouta :

« Je suis tenu d’honneur à ne vous donner aucun détail sur cette lettre et à ne pas m’en dessaisir entre vos mains ; mais je vous affirme qu’à part ce que je viens de lire elle ne présente rien d’intéressant pour la loge. Tel j’ai eu le renseignement, tel je vous le livre.

— Monsieur le président, dit l’un des anciens, j’ai entendu parler de ce Birdy Edwards : c’est le meilleur agent que Pinkerton ait à son service.

— Quelqu’un le connaît-il de vue ? demanda Mac Ginty.

— Moi, » répondit Mac Murdo.

Un murmure d’étonnement courut dans l’assemblée.

« J’ai idée que nous le tenons dans le creux de la main, continua-t-il avec un sourire de triomphe. Agir bien et vite, c’est le moyen de prévenir tous les désagréments. Fiez-vous à moi, aidez-moi, et vous n’aurez pas grand’chose à craindre.

— De toute façon, que pourrions-nous avoir à craindre ? Qu’est-ce que cet individu peut savoir de nos affaires ?

— Vous auriez le droit de tenir ce langage si, tout le monde était aussi sûr que vous, conseiller. Mais cet individu a derrière lui les millions des capitalistes. Croyez-vous que dans toutes nos loges il ne se rencontre pas un frère capable d’une défaillance et susceptible de se laisser acheter ? Birdy Edwards se procurera certainement nos secrets, s’il ne les possède déjà. À cela il n’y a qu’un remède.

— C’est qu’il ne sorte jamais de la vallée, » dit Baldwin.

Mac Murdo fit un signe d’assentiment.

« À la bonne heure ! frère Baldwin, dit-il. Vous et moi pouvons n’être pas toujours du même avis ; mais, ce soir, vous avez trouvé le mot de circonstance.

— Où donc est cet homme ? Comment le reconnaître ?

— Vénérable Maître, continua Mac Murdo, laissez-moi vous représenter que cette affaire est d’importance trop capitale pour que nous la discutions en réunion plénière. Dieu me garde de jeter la suspicion sur aucun de nos frères ici présents ! Mais il suffirait de la moindre indiscrétion pour anéantir nos chances de réussite : je demande à la loge de constituer une commission, dont vous serez, par exemple, monsieur le président, avec frère Baldwin et cinq autres membres. Alors, je dirai librement ce que je sais et ce que je conseille. »

La proposition fut adoptée séance tenante, et la commission nommée. Outre le président et Baldwin, on désigna, pour en faire partie, Harraway, le secrétaire à face de vautour, Tigre Cormac, la jeune brute sanguinaire, Carter, le trésorier, et les frères Willaby, deux criminels endurcis, également fermés à la crainte et aux scrupules.

La petite fête qui terminait habituellement les réunions de la loge fut brève et manqua d’entrain. Tous les cœurs étaient assombris. Pour la première fois, ces hommes voyaient se lever, sur un ciel longtemps serein, le nuage menaçant de la loi. Ils vivaient dans un état d’abomination d’où la pensée du châtiment était à ce point exclue qu’elle les prenait à l’improviste, Ils se retirèrent tôt pour laisser délibérer leurs commissaires.

« Parlez, maintenant, Mac Murdo, » dit Mac Ginty.

Les sept hommes sur leurs sièges semblaient des statues de pierre.

« Je vous ai dit que je connaissais Birdy Edwards, expliqua Mac Murdo. Inutile d’ajouter qu’il n’est pas ici sous son vrai nom. C’est, assurément, un gaillard plein de courage, mais non pas un sot. Il se fait appeler Steve Wilson, et il loge à Hobson’s Patch.

— Comment le savez-vous ?

— Un hasard m’a fait causer avec lui. Je ne me méfiai de rien tout d’abord, et je n’y aurais plus pensé sans cette lettre. Mais, à présent, je n’ai aucun doute. Par le plus singulier hasard, je le rencontrai mercredi à l’occasion d’un petit déplacement. Il me dit qu’il était journaliste, et je commençai par le croire. Il désirait se renseigner, pour la New York Press, sur les Écumeurs et ce qu’il appelait « leurs excès ». Il me posa toutes sortes de questions, comme pour documenter son journal. Vous pensez si je soufflai mot. « Je payerais largement, dit-il, de quoi satisfaire mon directeur. » Je lui contai tout ce que je pus inventer pour lui être agréable, et il me remit un billet de vingt dollars, en me promettant vingt fois cette somme si je lui procurais tout ce qu’il cherchait.

— Et alors ?

— Alors, je lui débitai mille fables.

— Comment avez-vous su que ce n’était pas un journaliste ?

— Voilà. Il descendit à Hobson’s Patch ; moi aussi. J’entrai d’aventure au bureau du télégraphe comme il en sortait. « En vérité, me dit l’employé, une dépêche pareille devrait payer double taxe. » Le fait est que le texte remplissait toute la formule, et, pour ce que nous en tirâmes, il aurait pu aussi bien être rédigé en chinois. « C’est chaque jour comme ça, » ajouta l’employé. – Oui, répondis-je, il envoie des informations spéciales à son journal, et il craint qu’on ne les lui vole. » C’était l’idée de l’employé, comme la mienne. Je pense différemment aujourd’hui.

« Pardieu ! vous devez avoir raison, dit Mac Ginty, mais que faire ?

— Nous en débarrasser, proposa quelqu’un.

— Et le plus tôt ne sera que le mieux.

— Je ne balancerais pas un instant si je savais où le trouver, dit Mac Murdo. Il vit à Hobson’s Patch, mais j’ignore son domicile. J’ai d’ailleurs mon plan tout tracé, si vous me donnez carte blanche.

— Expliquez-vous.

— Je vais demain matin à Hobson’s Patch. Grâce à l’employé du télégraphe, qui connaît, j’imagine, l’adresse de mon individu, je le découvre. Je lui dis que je suis un Homme Libre. Je lui offre, contre bon argent, les secrets de la loge. Il saute sur ma proposition. J’ajoute que j’ai chez moi tous les papiers, mais que ce serait risquer ma vie que de le laisser venir à une heure où des gens rôdent encore dans les rues. Il me comprend sans peine. Je le prie donc de venir le soir à dix heures, et je lui promets qu’il verra tout. Il viendra, soyez tranquille.

— Bien. Mais la suite ?…

— La suite se devine. J’habite une maison écartée. Ma propriétaire, la veuve Mac Namara, est une personne sans méfiance, et d’ailleurs sourde comme un pot. Il n’y a au logis que Scanlan et moi. Si Birdy Edwards accepte de venir, je vous le fais savoir, et vous arrivez tous les sept à neuf heures. Nous le tenons. Ou il ne sortira pas vivant de nos mains, ou il pourra longtemps parler de sa chance.

— Je me trompe bien, dit Mac Ginty, s’il n’y a, d’ici peu, un emploi vacant chez Pinkerton. Entendu, Mac Murdo : demain soir, à neuf heures, nous sommes des vôtres. Sitôt l’homme introduit, vous refermez la porte. Et nous nous chargeons du reste. »