La Source et origine des cons sauvages/02

par Jean de la Montagne (A Lyon) (p. 3-6).



LE PROLOGUE

De l’Autheur.



MOy conſiderant les profits & dommage de ſe marier ou non, & par vne ſtudieuſe & ingenieuſe curioſité, longuement ambigueuz & douteux, lequel on deuoit faire ou laiſſer, ie ma’lay aduiſer d’vne aſpre & difficile demande, autresfois menée entre aucuns Gentilshommes eſtudiant trop douteux, & faiſans difficulté, ſi en ſe mariant ſeroit conuenable de prendre vne vefue, dont en ſourdit vne groſſe queſtion non accouſtumée. Et pour ſatis-faire à ceux qui eſtoient en cette Foreſt des Cons, eſtimant & penſant qu’en multitude de nopces, eſt requis grand nombre de Cons & d’autant que les mariages des vns, n’y les eſpoux, n’y les eſpouſes, ne reſſemblent iamais les vns aux autres, pour cette cauſe & raiſon, ie veux dire & conclure ſelon les differentes nopces & eſpouſes, les Cons ſont auſſi differens. Et pour auoir cognoiſſance de la diſtinction & difference d’iceux, de leurs facheries & delectations : & pour enſeigner à tous hommes, l’eſlection ou reprobation d’iceux, afin qu’ils puiſſent fuir & euiter tant de miſerables maladies & inconueniens qui s’enſuyuent. Et pour ce qu’en liſant ce petit Traicté, aucuns ſe pourroient eſbahir comment i’ay tant voulu peyner à magnifier les mariages des vefues, qui s’appellent ſecondes nopces, & les Legiſtes en ce cas vſent d’vn terme qui s’appelle Con voler. C’eſt une choſe bien ſauuage, que de voir un Con voler, toutesfois pour ces conuolemens les ſecondes nopces ſont reprouuées du Droict Ciuil : & ſemble proprement que les Loix Imperialles tiennent pour profanes, & excommuniées les femmes qui ſe marient deux fois. Car quand elles ſont mariées premierement, & que lon vient au depucelage, que nos Ançiens appellent defloration, leurs mariz ne peuuent auoir auec elles parfaicte delectation voluptueuſe coniugalle, pource que ces tendre fillettes, & qui iamais n’auallerent pillules incarnatiues, quand ce vient à les incorporer ne ſçauent qu’elle font, & eſt vn labeur ineſtimable, que de les froter & eſtriller, iuſques à ce qu’elles ſoyent domeſtiqeument appriuoiſées, à hardiment exercer l’acte de generation : Mais la gaillarde vefue, qui a gouſté & ſouuentes-fois ſauouré le ſupoſitoire barbarique puis a demeuré quelque temps ſan en vſer, quand ce vient aux ſecondes nopces à recommencer, pour gratifier ſon ſecond mary, auſſi pour en prendre vn bon repas ſans peché, dont elle en à longuement ieûné, outre ce à apris en ſes premieres nopces, elle fait quelques geſtes dauantage de ſouppleſſe de corps, plus allegre qu’elle n’auoit accouſtumé. Or le titre de la queſtion ſur laquelle ce preſent Traicté ſe fonde eſt tel car vne ieune femme vefue qui en ſes premieres nopces, aura porté vn enfant auſſi grand qu’vn homme, & puis des petits en après, perdant ſon mary elle demeurera cinq ou ſix ans en vefuage ſans beſongner du meſtier de Nature, à ſçauoir mon s’il eſt poſſible que le Con luy puiſſe bonnement tourner en ſi louable diſpoſition, qu’elle ſente douleur & ledict Con luy cuiſe quand lon recommencera à labourer. Pour la deciſion de ceſte queſtion tant ardente, & pour ſatis-faire aux deſir des Dames & Demoiſelles, & honorables vefues, i’ay eu conference auec beaucoup de venerables & ançiennes prelattes & pudiques matrones, expertes en tels ſecrets, auec leſquelles la diſputation à pluſieurs fois duré aſſez longuement, pour mieux inueſtiguer le fonds de la matrice ſubtile, en fin la reſolution fut telle, comme cy apres entendrez vers la fin de ce preſent Traicté, lequel à l’honneur du deuot ſexe feminin. Dont nous prions affectueuſement, & afin que tous nobles eſprits hommes & femmes, & autre des eſtats deſquels il appartiendra : entendent plus diſtinctement & facillement le contenu d’iceluy, ſeparé & diuisé par chapitres, comme cy deſſous eſt ordonné, vous ſuppliant, mes tres-honorez Lecteurs, prendre en gré mon petit labeur.