La Société mourante et l’Anarchie/19

Tresse & Stock (p. 239-268).

XIX

EFFICACITÉ DES RÉFORMES


En traitant la question : Pourquoi nous sommes révolutionnaires, nous avons essayé de démontrer que la misère et le mécontentement engendrés par la mauvaise organisation sociale nous mènent tout droit à la révolte, et que, contraints, par la force des choses, à prendre part à cette révolution, nous avions tout intérêt à nous y préparer. Il y a une autre raison dont nous n’avons parlé qu’incidemment et qui est très importante aussi, car elle explique pourquoi les anarchistes ne s’attardent pas à lutter pour l’obtention de certaines réformes présentées aux travailleurs comme des panacées ou des moyens évolutifs d’arriver graduellement à leur émancipation.

Nous avons à démontrer que, étant donné l’organisation capitaliste, la séparation de la Société en deux classes dont l’une vit aux dépens de l’autre, aucune amélioration ne peut être apportée à la classe exploitée, sans amoindrir les privilèges de la classe exploitante, et que, par conséquent, ou la réforme est illusoire, un appeau dont on se sert pour endormir le travailleur et lui faire user ses forces à la conquête de bulles de savon qui lui éclateront dans les mains chaque fois qu’il voudra s’en saisir, ou bien si vraiment elle pouvait changer la situation, la classe privilégiée qui détient le pouvoir fera tous ses efforts pour en empêcher l’application ou la faire tourner à son profit, et il faudra toujours en venir à cet ultima ratio : la force.


Nous ne voulons certainement pas passer en revue toutes les réformes inventées par des politiciens aux abois, ni faire la critique de tous les canards électoraux couvés par les solliciteurs de mandats : il nous faudrait écrire des centaines de volumes.

Nous pensons avoir suffisamment démontré que les sources de la misère découlaient de la mauvaise organisation économique ; le lecteur comprendra que nous laissions, par conséquent, de côté toutes celles qui ont trait à des changements politiques. Quant aux réformes économiques qui vaudraient la peine d’être discutées, elles sont fort peu nombreuses et faciles à énumérer :

L’Impôt sur le revenu ;

La réduction des heures de travail et fixation d’un salaire minimum ;

L’élévation des impôts sur les héritages et l’abolition de ces derniers pour les collatéraux.

Citons pour mémoire la formation des syndicats et leur transformation en sociétés coopératives de production, et nous aurons énuméré tout le bagage réformateur de ceux qui veulent transformer la Société par évolution. Comme quantité, c’est maigre ; voyons la qualité.


L’impôt sur le revenu ! Il y a longtemps qu’on la préconise cette panacée, mais elle semble avoir perdu un peu de sa faveur. C’est une de celles que les politiciens ont le plus fait miroiter aux yeux des travailleurs ; une de celles aussi qui ont eu le plus de crédit, car elle paraissait vouloir faire supporter aux riches les dépenses de l’État, elle semblait vouloir rétablir l’équilibre entre les citoyens en faisant payer à chacun, pour les dépenses de la Société, selon les services qu’il en reçoit.

Mais il suffira d’étudier le mécanisme de la Société, de rechercher quelles sont les sources de la richesse, pour nous rendre compte que la prétendue réforme ne réformerait rien, qu’elle n’est qu’un leurre grossier destiné à égarer les travailleurs, en leur faisant espérer des améliorations qui ne viendront jamais, tout en les empêchant de rechercher quelles sont les véritables moyens propres à les émanciper.


Eh ! sans doute, il doit bien y avoir quelques bourgeois qui s’effraient réellement au simple énoncé de cette réforme, et se voient déjà « spoliés » au profit de la « vile multitude » ; la bourgeoisie est peuplée de ces trembleurs qui s’effraient au moindre bruit, se cachent à la moindre alerte, mais beuglent comme des veaux lorsqu’on fait mine de toucher à leurs privilèges.

Peut-être y a-t-il aussi, parmi ceux qui la proposent, quelques individus d’assez bonne foi pour croire à son efficacité ? Les criailleries des uns, la naïveté des autres contribuent admirablement à tromper les travailleurs, à leur faire prendre au sérieux l’amusette qui les empêche de tendre l’oreille quand on leur démontre qu’ils n’ont rien à espérer de leurs exploiteurs, que leur émancipation ne pourra être réelle que du jour où il n’y aura plus de privilèges.


Au temps de la Dîme, les travailleurs savaient à quoi s’en tenir sur ce qu’ils payaient à leurs maîtres et tyrans : Tant pour le seigneur, tant pour le curé, tant pour celui-ci, tant pour celui-là. À la fin, ils s’apercevaient qu’il ne leur restait plus grand’chose pour eux. Ils firent une révolution. La bourgeoisie s’empara du pouvoir : le peuple s’étant battu pour abolir la Dîme, il n’aurait pas été politique de la rétablir, la bourgeoisie inventa l’impôt et les contributions indirectes. De cette façon, la dîme est toujours prélevée, mais ce sont les capitalistes, les trafiquants et autres intermédiaires qui font l’avance des sommes prélevées au bénéfice de l’État, quitte à se rattraper royalement sur les poches des producteurs et des consommateurs, et comme ceux-ci n’ont pas affaire directement au fisc, ils ne peuvent se rendre un compte exact de ce qu’ils ont à payer pour leur part, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes bourgeois possibles.

On a, dit-on, 130 à 140 francs d’impôts par tête et par an à payer en France ; qu’est-ce que cela ? Pourquoi se priver du plaisir d’avoir un gouvernement qui s’occupe de votre bonheur pour une si modique somme ; c’est vraiment pour rien et on serait bête de s’en priver. — C’est en effet pour rien, et le travailleur ne s’aperçoit pas qu’étant le seul à produire, il est le seul à payer : il a, non-seulement sa quote-part à solder, mais aussi la quote-part de tous les parasites qui vivent déjà du produit de son travail.


C’est que, quels que soient les sophismes dont les économistes bourgeois ont essayé d’étayer leur système pour justifier l’existence des capitalistes, il est un fait bien certain, c’est que le Capital ne se reproduit pas de lui-même et ne peut être que le produit du travail ; or, comme les capitalistes ne travaillent pas eux-mêmes, leur capital n’est donc que le fruit du travail des autres. Tout ce commerce d’individu à individu, de peuple à peuple, tous ces échanges, tout ce transit, ne sont que le fait du travail, et le bénéfice qui reste aux intermédiaires est la dîme arrachée par les possesseurs du Capital sur le Travail des producteurs.

Est-ce par l’argent dépensé que la terre produit le blé, les légumes, les fruits qui doivent nous nourrir ? le chanvre et le lin dont nous devons nous vêtir ? les pâturages qui doivent engraisser les animaux dont nous tirons notre subsistance ? Est-ce par la force seule du Capital que les mines nous donnent les métaux qui serviront à l’industrie, à fabriquer l’outillage et les ustensiles qui nous sont nécessaires ? Est-ce le capital qui transforme la matière première et la façonne en objets de consommation ? Qui oserait le prétendre ? L’économie politique elle-même, qui a pour but de tout rapporter au Capital, ne va pas jusque-là ; elle essaie seulement de démontrer que le Capital étant indispensable pour la mise en œuvre de toute exploitation, il a droit à une part — la plus forte — pour les risques et aléas qu’il est censé courir dans l’entreprise.


Pour prouver l’inutilité du Capital, qu’il nous suffise de renouveler l’hypothèse tant de fois citée : imaginer la disparition de toutes les valeurs monétaires : or, argent, billets de banque, effets de commerce, traites, chèques et autres valeurs d’échanges, est-ce que pour cela l’on s’arrêterait de produire ? Est-ce que le paysan cesserait de cultiver son lopin, le mineur d’arracher sa subsistance à la mine, l’ouvrier de fabriquer des objets de consommation ? Est-ce que les travailleurs ne trouveraient pas moyen de se passer de numéraire dans l’échange de leurs produits et de continuer à vivre et à produire sans monnaie ?

La réponse affirmative à ces questions nous amène à conclure que le Capital n’est, pour les parasites, qu’un moyen de masquer leur inutilité, de justifier leur intermédiaire qu’ils imposent aux producteurs pour prélever la dîme sur le travail des autres. Aussi, quel que soit le moyen qu’emploiera l’État pour les atteindre dans leurs revenus, ces atteintes retomberont, en fin de compte, sur les producteurs, puisque déjà les revenus ne découlent que du travail.

Plus forte sera la charge dont on les accablera, plus lourdement elle retombera sur les travailleurs, grossie qu’elle sera par les intermédiaires ; et, en fin de compte, la réforme tant vantée se sera transformée, de par le fait de la mauvaise organisation sociale, en un moyen plus grand d’exploitation et de vol.


Après l’impôt sur le revenu qui a eu son heure de succès, la réforme la plus vantée à l’heure actuelle est la réduction des heures de travail avec la fixation d’un salaire minimum.

Régler — en faveur des ouvriers — les rapports du Travail et du Capital, obtenir de ne travailler que huit heures au lieu de douze, semble, à première vue, un progrès énorme, et rien d’étonnant à ce que beaucoup s’y laissent prendre, emploient toutes leurs forces à obtenir ce palliatif, croyant travailler à l’émancipation de la classe prolétarienne.

Mais au chapitre de l’Autorité, nous avons vu que celle-ci n’avait qu’un rôle, défendre l’ordre de choses existant ; par conséquent, demander que l’État intervienne dans les rapports sociaux entre le Travail et le Capital, c’est faire preuve du plus grand illogisme, car son intervention ne peut être que profitable à celui dont il est le défenseur.

En étudiant la réforme de l’impôt, nous avons vu que le rôle du capitaliste était de vivre aux dépens du producteur ; or, c’est se moquer abominablement des travailleurs que de leur conseiller d’aller demander aux bourgeois de restreindre leurs bénéfices quand ils usent de tous les moyens pour les augmenter. Il a fallu des révolutions pour obtenir de simples changements politiques qui étaient loin d’avoir cette importance.


Si la journée de travail était réduite à huit heures, disent les défenseurs de cette réforme, cela diminuerait les chômages qui proviennent de la trop grande production, tout le monde travaillerait, cela permettrait aux ouvriers de faire augmenter leur salaire par la suite.

À première vue ce raisonnement semble logique, mais rien de plus faux pour qui s’est rendu compte des phénomènes engendrés par l’organisation vicieuse de ce que l’on est convenu d’appeler la Société d’aujourd’hui.

Au chapitre Propriété, nous avons démontré que, si les magasins regorgent de produits, ce n’est pas parce que la production est trop grande, mais bien parce que la plus grande partie des producteurs est réduite à la misère et ne peut consommer selon ses besoins ; le moyen le plus logique pour le travailleur, pour s’assurer du travail, serait, par conséquent, de s’emparer des produits qu’il a fabriqués, dont on l’a frustré, et de les consommer. Nous ne nous étendrons donc pas davantage sur ce sujet ; il ne nous reste qu’à démontrer que ce n’est pas l’application de cette réforme qui apportera aux travailleurs le moindre avantage pécuniaire.


Quand un bourgeois engage ses capitaux dans une industrie, c’est qu’il espère que cette industrie fera fructifier lesdits capitaux. Or, dans l’état actuel, le patron estime qu’il lui faut dix, onze et douze heures, pour tirer d’un ouvrier le bénéfice auquel il l’a taxé. Réduisez la journée de travail à huit heures le patron se trouvera lésé, ses calculs dérangés ; mais, comme il faut que ses capitaux lui rapportent tant pour cent, que son travail à lui, capitaliste, consiste à trouver ce bénéfice, acheter le meilleur marché possible et revendre le plus cher qu’il peut, en un mot, voler tous ceux avec lesquels il opère des transactions (voilà son rôle), il cherchera une combinaison nouvelle pour rattraper ce qu’on aura voulu lui enlever.

Trois moyens se présenteront à lui : ou augmenter le prix de ses produits, ou diminuer le salaire de ses ouvriers, ou bien faire produire à ce dernier, en huit heures, la même somme de travail qu’il produisait en douze.

Les promoteurs de la réforme ont paré à un de ces moyens en demandant la fixation d’un salaire minimum ; il est probable que les patrons ne se baseront guère sur l’augmentation de leurs produits, gênés qu’ils seront par la concurrence ; en tout cas, la cherté des vivres suivant la progression des salaires nous prouve que le travailleur ne tarderait pas à supporter tout le poids de la réforme, et, si le salaire actuel lui était conservé pour huit heures de travail, il serait plus misérable qu’à l’heure actuelle, car l’augmentation des objets de consommation lui rendrait ce salaire inférieur.

L’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, ne sont-elles pas là pour nous prouver que, partout où l’ouvrier est arrivé à se faire payer de forts salaires, les objets de consommation ont augmenté proportionnellement et que s’il est parvenu à se faire payer vingt francs par jour, il lui en faudrait vingt-cinq pour vivre, comme peut vivre un ouvrier gagnant bien sa vie, de sorte qu’il a toujours été au-dessous de la moyenne.

Mais, en ces temps de vapeur et d’électricité, la concurrence ne permet pas de s’attarder : il faut produire vite et à bon marché. Ce n’est donc pas sur l’augmentation de leurs produits que chercheront à se rattraper les exploiteurs. C’est le dernier moyen, produire en huit heures ce que l’on produisait en douze, qui est tout indiqué aux exploiteurs soucieux de sauvegarder leurs « bénéfices ».

Il faudra que le travailleur produise plus vite ; par conséquent, l’encombrement de produits que l’on aura voulu empêcher, les chômages que l’on aura voulu éviter, surviendront comme par le passé, puisque la production sera la même et que le travailleur n’aura pas été mis à même de consommer davantage.


Mais les inconvénients de ladite amélioration ne se borneront pas à cet insuccès, il y en a d’autres plus sérieux : d’abord la réduction de la journée de travail aura pour effet d’activer le perfectionnement de l’outillage mécanique et de pousser au remplacement du travailleur en chair par le travailleur en fer ; ce qui, dans une société bien organisée, serait un progrès, mais se trouve être une aggravation de misère pour le travailleur dans la société actuelle.

De plus, l’ouvrier étant obligé de produire plus vite, il sera obligé, par conséquent, d’activer ses mouvements, de concentrer davantage son attention sur son travail ; tous les ressorts de son être se trouveront ainsi dans un état de tension continuelle, bien plus préjudiciable à sa santé que la prolongation de travail.

La durée est moins longue, mais étant dans l’obligation de dépenser beaucoup plus de forces en beaucoup moins de temps, il se fatiguera plus et plus vite.

Si nous regardons l’Angleterre qui nous est donnée en exemple par les partisans de ce projet, où la journée de neuf heures est en vigueur, nous verrons que, loin d’être une « amélioration » la journée réduite est, au contraire, une « aggravation » pour les travailleurs. C’est chez Karl Marx, l’oracle de ceux qui ont mis ce beau projet en avant, que nous irons chercher les preuves à l’appui.


Par exemple, si nous ouvrons le Capital dudit Marx, nous trouvons à la page 105 ce fragment d’un rapport d’inspecteur d’usine : « Pour maintenir notre quantité de produits, dit la maison Cochrane de la Brittain Pottery Glascow, nous avons eu recours à l’emploi, en grand, des machines qui rendent superflus les ouvriers habiles, et chaque jour nous démontre que nous pouvons produire beaucoup plus qu’avec l’ancienne méthode. » … « La loi de fabrique, (loi des neuf heures) a eu pour effet de pousser à l’introduction des machines. »

À la page 180 du même livre : « Bien que les inspecteurs de fabrique ne se lassent pas, et avec grande raison, de faire ressortir les résultats favorables de la législation de 1844 et de 1850, ils sont néanmoins forcés d’avouer que le raccourcissement de la journée a déjà provoqué une condensation de travail qui attaque la santé de l’ouvrier et, par conséquent, sa force productive elle-même. »

« Dans la plupart des fabriques de coton, de soie, etc., l’état de surexcitation qu’exige le travail aux machines, dont le mouvement a été extraordinairement accéléré dans les dernières années, paraît être une des causes de la mortalité excessive par suite des affections pulmonaires que le docteur Grennhown a signalées dans son dernier et admirable rapport. Il n’y a pas le moindre doute que la tendance du Capital à se rattraper sur l’intensification systématique du travail (dès que la prolongation de la journée lui est interdite par la loi), et à transformer chaque perfectionnement du système mécanique en un nouveau moyen d’exploitation, doit conduire à un point où une nouvelle diminution des heures de travail deviendra inévitable. »

Remplacement du travailleur par des machines, augmentation des chances de maladies pour ceux qui restent à l’atelier, annihilation de la réforme au point de ramener la situation à son point de départ — sans compter les aggravations en plus — voilà les avantages de la bienheureuse réforme. Est-ce assez concluant ?


Ici, les partisans du système des huit heures nous disent : « Oui, mais ce progrès du machinisme s’accomplira quand même, tout en travaillant douze heures, et puisque la limitation de la journée doit apporter une amélioration temporaire, en nous permettant de ne rester que huit heures à l’atelier au lieu de douze, c’est un progrès moral dont nous nous contentons en attendant mieux. » — Cela part d’un bon naturel et prouve que les partisans de ladite réforme ne sont pas difficiles à contenter ; mais nous, anarchistes, qui sommes plus exigeants, nous estimons que c’est perdre son temps que de courir après des réformes qui ne doivent rien réformer. À quoi bon se faire les propagandistes d’une chose qui n’est bonne que tant qu’elle n’est pas mise en application, et qui, quand elle y est, doit se tourner contre le but proposé. Certainement le progrès de l’outillage poursuit son œuvre, mais, actuellement, il est entravé par la sainte routine qui va son petit train-train.

On sait quels efforts il faut déployer pour faire adopter une nouvelle invention : les exploiteurs étant mis en demeure de perdre leurs bénéfices ou rompre avec la routine, l’effet sera d’accélérer la marche des événements et d’avancer cette Révolution Sociale que nous sentons proche. Or, comme cette révolution est inévitable, nous ne voulons pas être surpris par elle, nous voulons être prêts à en profiter, au mieux de nos idées, lorsqu’elle se présentera. Nous cherchons à faire comprendre aux travailleurs qu’ils n’ont rien à gagner à ces amusettes et que la Société n’est transformable qu’à condition de détruire les institutions qui la régissent.


Oh ! l’organisation de cette Société d’exploitation, qui nous écrase, est trop bien combinée ; il ne suffit pas de modifier ses rouages, d’améliorer sa manière de procéder, pour croire que l’on en va changer les effets. Nous l’avons vu, toute amélioration nouvelle, tout perfectionnement apporté à son outillage se tourne immédiatement contre ceux qui travaillent, en devenant un moyen d’exploitation pour ceux qui se sont érigés en maîtres de la richesse sociale. Si vous voulez que le progrès profite à tous, si vous voulez que le travailleur arrive à s’émanciper, commencez par détruire la cause des effets que vous voulez supprimer.

La misère des travailleurs provient de ce qu’ils sont forcés de produire pour une foule de parasites qui ont su détourner à leur profit la meilleure part de substances. Si vous êtes sincères, ne perdez pas votre temps à vouloir concilier des intérêts antagonistes, ne cherchez pas à améliorer une situation qui ne peut rien produire de bon : détruisez le parasitisme. Mais comme on ne peut attendre cela de la part d’individus qui ne sont que des parasites eux-mêmes, que ce ne peut être l’œuvre d’une loi, voilà pourquoi il faut détruire le système d’exploitation et non l’améliorer.


En dehors de ces deux réformes, il en est une troisième à laquelle quelques esprits, éclairés pourtant, attachent quelque efficacité, c’est l’augmentation de l’impôt sur l’héritage en ce qui concerne les collatéraux.

Augmentez cet impôt, les mêmes effets que nous avons constatés pour l’impôt progressif, ne tarderont pas à se produire. D’ailleurs, la mesure ne serait guère possible que pour la propriété terrienne, mais rendue parfaitement inutile par le développement que l’on ne manquerait pas de donner aux sociétés anonymes, et au système d’actions au porteur. Les bourgeois en seraient quittes pour renoncer aux domaines familiaux, pour se contenter pour leurs châteaux, hôtels et terres de chasse, d’en être les locataires, pendant que les associations anonymes se monteraient pour organiser la location desdits immeubles, et faire la nique à l’État.

On comprend très bien qu’avec ce système, la part des héritages où l’État pourrait avoir contrôle serait fort réduite et rendrait la loi inutile. Par conséquent, leur suppression entre collatéraux serait de même fort restreinte, vu qu’une masse de dispositions antérieures, entre celui qui veut léguer et ceux qu’il veut favoriser, peuvent accorder à ces derniers des droits sur la fortune du premier, autrement que par voie d’héritage.

Pour empêcher cela, il faudrait des centaines de lois qui interviendraient dans tous les actes, toutes les relations des individus, leur ôtant la libre jouissance de leur fortune, et encore, avec un système aussi inquisitorial, ne serait-on pas sûr d’y parvenir. Il faudrait une révolution ou un coup d’État pour faire accepter des mesures aussi vexatoires. Révolution pour révolution, ne vaut-il pas mieux la faire pour aller de l’avant que pour établir des mesures vexatoires ?


Puis, en admettant que ces lois eussent quelque influence sur le régime de la propriété, en quoi cela modifierait-il la situation du travailleur ? — La propriété, encore une fois, changerait de mains, mais on ne la mettrait pas entre les mains des travailleurs. L’État deviendrait propriétaire. L’État se transformerait en syndicat d’exploitation, et nous avons vu, en traitant de l’autorité, qu’il ne fallait rien attendre de sa part en faveur des travailleurs.

Tant que l’argent sera le nerf de l’organisation sociale, ceux-là qui le possèdent sauront la diriger à leur profit. Que l’État exploite directement les propriétés qui lui tomberaient entre les mains, qu’il les sous-loue à des particuliers, ce sera toujours au profit de ceux qui possèdent déjà. Mettons même, et ce pourrait être, que ce soit au profit d’une caste nouvelle ! En tout cas, ce ne serait qu’au détriment de la généralité.


Mais, pour admettre la possibilité de l’application de cette réforme, il a fallu admettre cette autre hypothèse : la bourgeoisie, qui a érigé en dogme l’inviolabilité de la Propriété individuelle, la bourgeoisie dont tout le code pénal n’est basé que sur la légitimité de cette propriété, et en vue de sa défense, aura donc laissé porter atteinte à cette organisation propriétaire qu’elle prétend, au contraire, immuable.

Voudrait-on nous dire combien de temps il faudrait pour amener la bourgeoisie à admettre ce qu’elle considérait comme une atteinte à « ses droits », combien de temps il faudrait ensuite pour reconnaître, après son application, que ladite réforme n’a rien transformé du tout, et, enfin si le temps perdu n’égalerait pas, en durée, celui que l’on juge nécessaire à la réalisation de « nos utopies » ?


Inutile de faire ici, la critique des sociétés de production et de consommation ; nous avons démontré que nous poursuivions l’affranchissement général et l’affranchissement complet, intégral de l’individu ne peut s’effectuer que par l’affranchissement intégral de tous, que nous importent les petits moyens d’affranchissements particuliers. Au reste, la concentration des capitaux, le développement continuel de l’outillage mécanique demandant toujours de plus en plus, la mise en œuvre de capitaux énormes, ces moyens mêmes d’affranchissement de petits groupes d’individus se brisent entre leurs mains avant d’avoir rien produit.


D’autres réformistes cherchent à apporter leur quote-part à l’œuvre de l’émancipation humaine, en poussant au développement de la branche de connaissances qu’ils ont adoptée ; mais, bientôt emportés par l’âpreté de la lutte, les difficultés à résoudre, ils finissent par transformer leur idée fixe en dada auquel ils prêtent toutes les qualités, en dehors duquel ils ne voient plus rien d’acceptable, et qu’ils présentent comme une panacée qui devra guérir tous les maux dont souffre notre malheureuse patraque sociale.

Et parmi ces fanatiques d’une idée préconçue, combien de sincères ; parmi ces fatras d’idées, combien de bonnes, en effet, qui pourraient produire d’excellents résultats en faveur de l’humanité, si on les appliquait dans une société sainement constituée, mais qui, appliquées isolément dans une société corrompue, ne donnent que des résultats contraires à ceux attendus, quand elles ne sont pas étouffées en germe, avant d’avoir pu être appliquées.

Parmi ces soldats convaincus d’une idée fixe nous pouvons en citer un, qui est typique par la conclusion que nous voulons en tirer : c’est M. G. Ville avec son système d’engrais chimiques.


Nous ne voulons pas entrer ici dans l’explication complète de ce système. Qu’il nous suffise de dire que, M. Ville, ayant fait l’analyse des plantes, a trouvé qu’elles étaient invariablement composées de quatorze éléments — toujours les mêmes dans chaque plante, mais variant en quantité dans chaque famille. — Analysant ensuite l’air et la terre, il a trouvé que la plante pouvait y trouver dix des éléments dont elle se compose, qu’il ne restait donc, à lui fournir, sous forme d’engrais, que les quatre autres éléments manquants et qui sont, la chaux, la potasse, le phosphore et l’azote, et il établit là-dessus toute une série d’engrais chimiques basés sur les terrains à cultiver, sur la plante à produire.

Citant des chiffres, montrant des résultats, il démontre qu’en l’état des connaissances actuelles, on peut — avec une dépense moindre d’engrais, comparativement au fumier — faire rendre de quatre à cinq fois plus au même terrain, élever beaucoup plus de bétail, tout en employant beaucoup moins de prairies, et faire baisser ainsi le prix de la viande. Mais, aussitôt, il part de là pour conclure que c’est dans l’amélioration de l’agriculture que réside la solution de la question sociale. « Les produits alimentaires étant rendus abondants, dit-il, chacun y trouvera avantage ; les propriétaires, en faisant des récoltes que leur abondance permettra de vendre à bas prix ; les travailleurs, en payant bon marché, pourront vivre largement et économiser sur leur salaire pour devenir capitalistes à leur tour…, et tout sera pour le mieux dans la meilleure des sociétés possibles.


Nous sommes persuadés de la sincérité de M. Ville ; autant que nous permet d’en juger le peu de connaissances que nous avons, son système nous paraît absolument rationnel, nous ne nions donc pas les bons effets que devrait apporter, dans la situation des travailleurs, l’application générale de sa méthode, si les travailleurs pouvaient bénéficier de quelque chose dans la société actuelle. Ses chiffres, au contraire, viennent à l’appui des anarchistes lorsque ceux-ci affirment qu’avec les données de la science actuelle on pourrait, avec beaucoup moins de travail, rendre les produits tellement abondants qu’il n’y aurait pas besoin de les rationner, que chacun pourrait puiser au tas, au caprice de ses besoins ou de sa fantaisie, sans avoir à redouter la disette, comme semblent le craindre certains esprits moroses qui ne voient qu’eux de pondérés dans l’humanité, vous font la concession d’avouer qu’eux se passeraient certainement de toute autorité, mais qu’elle est nécessaire pour réprimer les mauvais instincts dont est animé le restant des humains.


Dans une petite brochure, Les produits de la terre un de nos amis a démontré, chiffres officiels en mains, que, dans l’état d’enfance où est encore l’agriculture, la production universelle a un excédent formidable de kilos sur la consommation ; M. Ville prouve qu’avec l’emploi raisonné des produits chimiques, sans plus de travail, on peut faire rendre à la terre quatre et cinq fois plus qu’elle ne rend actuellement. N’est-ce pas la confirmation éclatante de ce que nous avançons ?

Mais, il se trompe, quand il voit dans son système la solution de la question sociale et croit que les produits étant rendus tellement abondants, seront à si bon marché que les travailleurs pourront vivre en dépensant peu et économisant beaucoup. Si M. Ville avait lu les économistes bourgeois, entre autres M. de Molinari, ils lui auraient appris « que la surabondance des produits sur le marché avait pour effet d’amener une baisse telle, sur le prix de ces produits, que leur production n’étant plus assez rémunératrice pour le capitaliste, éloignait les capitaux de cette production jusqu’à ce que l’équilibre fût rétabli et les choses ramenées à leur point de départ. »

Si M. Ville, moins absorbé par ses calculs de savant, s’était un peu rendu compte du fonctionnement de la Société, il aurait vu qu’actuellement, quoiqu’il y ait un excédent énorme de la production sur la consommation, il y en a qui crèvent absolument de faim ; il aurait vu que les calculs théoriques les meilleurs se trouvent détournés de leur but, dans la pratique sociale actuelle. La nature, aidée de l’intelligence et du travail humain, peut bien arriver à produire, à bas prix, de quoi nourrir l’humanité : le commerce et l’agiotage, le propriétaire et le capitaliste sauront bien arriver à prélever leur dîme, à raréfier les produits pour les vendre très cher, et, au besoin, à en empêcher la production pour hausser encore leurs prix fictifs et les maintenir au taux fixé par leur rapacité et leur besoin de lucre et de parasitisme.


Prenons, par exemple la houille, voilà un produit tout fabriqué ; il n’y a qu’à l’extraire du sol, les gisements en sont tellement abondants qu’ils se trouvent répandus sur toute la surface du globe, et peuvent répondre à un besoin illimité de consommation. Et pourtant, son prix se maintient à un taux relativement élevé, tous ne peuvent se chauffer selon les besoins de la température, son abondance ne l’a pas rendue plus accessible aux travailleurs.

C’est que les mines ont été accaparées par des compagnies puissantes qui en limitent la production et qui, pour éviter la concurrence, ont ruiné ou acheté les petites concessions, préférant les laisser inexploitées plutôt que d’encombrer le marché et baisser les prix, ce qui réduirait leurs bénéfices.


Ce qui arrive pour les charbonnages est en train de se produire pour la terre. Est-ce que, tous les jours, le petit propriétaire rongé, pressuré par l’usure n’est pas exproprié au profit du capitaliste ? Est-ce que la grande propriété ne va pas tous les jours se reconstituant ? Est-ce que l’emploi en grand de la machine agricole n’aura pas pour effet de pousser aux syndicats agricoles et d’établir là ces puissantes compagnies anonymes qui sont déjà la dominante dans le monde usinier, comme elles sont la règle invariable dans le monde minier ?

Si on arrive à faire produire quatre et cinq fois plus à la terre, on réduira les terrains de production d’autant, et le reste sera transformé en terrains de chasses, en parcs d’agrément pour nos exploiteurs. Cela commence à se faire en France, c’est un fait accompli par les lords anglais en Écosse, en Irlande dont les populations sont refoulées et décimées au profit des cerfs et des renards dont l’agonie mouvementée servira de passe-temps à un public select semblable à celui qui applaudissait au cours où M. Georges Ville débitait les tirades philanthropiques dont nous avons fait mention plus haut.

Ah ! c’est que la Société est ainsi constituée que celui qui possède est le maître du monde ! La circulation des produits ne se faisant qu’à l’aide des capitaux, c’est l’argent qui est leur seul dispensateur. Toutes les améliorations, tous les progrès que créent le travail, l’industrie et la science vont toujours s’accumulant entre les mains de ceux qui possèdent déjà, devenant un moyen d’exploitation encore plus dure, faisant peser une misère plus effroyable sur ceux qui ne possèdent rien.

Les perfectionnements de la production rendent les travailleurs de moins en moins nécessaires au capitaliste, augmentent la concurrence parmi eux, les forcent à offrir leurs services à plus bas prix. Et voilà comment, en rêvant de rendre service aux travailleurs, l’organisation sociale arrive à vous faire travailler à leur exploitation, à river de plus en plus la chaîne qui les accable de son poids formidable.


Certes, monsieur G. Ville, vous avez fait là un beau rêve : travailler à multiplier les produits en sorte que tout le monde ait à manger à sa suffisance, faire que le travailleur puisse économiser quelques sous afin de parer aux incertitudes du lendemain ce n’est pas là tout l’idéal humain, mais on ne peut demander davantage à celui que sa situation n’expose pas à souffrir des privations physiques et morales qui accablent le déshérité. Cela est déjà beau, mais ce n’est qu’un rêve, hélas ! tant que vous n’aurez pas brisé le système d’exploitation qui rend décevantes et illusoires toutes ces promesses. Le capitalisme a plus d’une corde à son arc, et, en admettant que la multiplicité des produits les abaissât à un prix tellement modique, que l’ouvrier puisse économiser sur son salaire, il interviendrait, ici, un autre facteur que vous avez cité vous-même : l’augmentation de la population.

À l’heure actuelle, le marché industriel est encombré de produits, le développement de l’outillage mécanique augmente, chaque jour, le nombre des inoccupés. Ceux-ci, pour trouver à s’employer, sont forcés de se faire concurrence et de travailler à bas prix ; or, comme le progrès continue son œuvre et va toujours croissant, comme chaque homme peut actuellement produire pour dix, quand la population aura doublé, la production aura vingtuplé et ce bien-être que vous aurez cru créer pour les travailleurs ira grossir les bénéfices de l’usinier qui paiera d’autant moins ses esclaves qu’ils seront plus nombreux sur le marché.

Vous dites que les réclamations des travailleurs sont justifiées, dans une certaine mesure, tant qu’elles ne prennent pas la forme violente ; mais avez-vous réfléchi qu’ils luttent depuis des milliers d’années ; que ces revendications toujours stériles prennent jour en même temps que la période historique ! Sachez que si elles revêtent la forme violente, c’est qu’on leur refuse toute satisfaction. Faut-il qu’ils continuent à s’agenouiller en demandant : Merci ! quand ils n’ont jamais rien obtenu qu’en couchant leurs maîtres à leurs pieds et en prenant les libertés qu’il leur fallait ? Nos maîtres, dédaigneux, croyant parler à des esclaves, peuvent nous dire : « Formulez poliment vos demandes, je verrai si je dois y faire droit » ; mais ceux qui voient dans l’affranchissement des travailleurs un acte de justice et non une concession, ceux-là diront : « Nous voulons ! » Tant pis pour les petits-maîtres que ce langage peut offusquer.


Tout s’enchaîne dans le système qui nous écrase ; il ne suffit pas d’être animé de bonnes intentions pour obtenir le résultat désiré ; il n’y a d’amélioration possible qu’en détruisant ce système. Il n’est établi que pour l’exploitation et l’oppression. Nous ne voulons pas améliorer l’exploitation et l’oppression, mais les détruire. C’est la conclusion où aboutiront, fatalement, tous ceux qui, sachant s’élever du point de vue étroit où ils se sont placés, sauront envisager la question dans son ensemble et comprendre que les révolutions ne sont pas le fait des hommes seuls, mais des institutions qui se mettent en travers du progrès ; que, par conséquent, les révolutions sont fatales et nécessaires.

Que tous ceux qui veulent sincèrement travailler à l’avenir de l’Humanité comprennent une fois pour toutes, que pour réussir dans leurs conceptions particulières, il ne faut pas qu’ils médisent de la Révolution et essaient de l’entraver ; elle seule peut leur permettre d’atteindre leur but, en empêchant le parasitisme d’étouffer le Progrès dans son germe ou le détourner à son profit.


Réformes ! réformes ! quand voudra-t-on reconnaître que les peuples y ont usé le meilleur de leurs forces, sans jamais rien obtenir, qu’ils sont las de lutter pour des utopies plus pernicieuses que celles de leur affranchissement intégral, puisque le seul reproche que l’on puisse faire à ce dernier, c’est d’être irréalisable, ce qui est une affirmation toute gratuite, puisqu’on ne l’a jamais tentée, tandis qu’il suffit de la réalisation d’une réforme pour en démontrer l’inanité.

On a reproché aux anarchistes d’être une entrave à l’émancipation pacifique des travailleurs, de s’opposer aux réformes. Double erreur, les anarchistes ne sont nullement les adversaires des réformes, ce ne sont pas les réformes elles-mêmes qu’ils combattent, ce sont les mensonges de ceux qui veulent les faire envisager comme un but aux travailleurs, sachant qu’elles ne sont que des replâtrages, quand ce n’est pas mensonges.


Que ceux qui croient aux réformes travaillent à leur réalisation, nous n’y voyons pas de mal, au contraire : plus la bourgeoisie en essaiera, plus les travailleurs verront que, plus ça change, plus c’est la même chose. Où nous nous insurgeons, c’est quand on vient nous les présenter comme des panacées et dire aux travailleurs : « Soyez bien sages, soyez bien doux, bien calmes, et alors nous verrons si nous pouvons faire quelque chose pour vous ! »

Alors, nous qui avons compris que les réformes étaient illusoires, que les exploiteurs occupaient une place usurpée, nous disons : « Travailleurs, on vous berne, ces réformes promises ne sont que des leurres, et par-dessus le marché on veut vous les faire demander comme une aumône, tandis que, virtuellement, vous avez le droit d’exiger beaucoup plus. Libre à vous d’essayer des moyens que l’on vous présente, mais sachant d’avance qu’ils ne produiront rien pour votre émancipation, ne vous attardez pas dans le cercle vicieux où l’on veut vous entraîner, organisez-vous donc pour vous emparer de ce qui vous est dû ; laissez les retardataires s’amuser à ces tromperies, la révolution est là, qui s’avance, formidable, engendrée par la mauvaise organisation sociale, qui vous entraînera, malgré vous, à prendre les armes pour faire valoir votre droit de vivre. Une fois les armes à la main, ne soyez pas assez simples pour vous contenter des réformes qui laisseraient subsister la cause de vos maux. Voilà ce que l’on vous a pris, voilà l’idéal où vous devez tendre ; à vous de ne pas vous attarder aux papotages et de savoir donner le coup d’épaule qui mettra bas cet édifice vermoulu, qui craque de toutes parts, et que l’on ose encore nommer la Société ! Ne l’étayez pas, en rebouchant les trous avec les replâtrages que l’on vous propose ; faites place nette, au contraire, pour ne pas être entravés dans la reconstitution d’une société meilleure. »