La Route fraternelleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 54-55).


UN PASSANT



Cet hôte de la France aux yeux bleus d’améthiste,
Ce septentrional et merveilleux passant,
Sous son air un peu froid et son front un peu triste,
Roule silencieux un rêve éblouissant.

Il marche calme et sûr, car son père l’inspire,
Car Alexandre-Trois n’est pas mort tout entier ;
Son âme habite encor l’empereur et l’empire ;
Et son grand cœur revit en son frêle héritier.

Il marche calme et doux ; la beauté, l’innocence,
Une femme, une enfant, parfumant son chemin,
Cette rose et ce lys, — ineffable puissance —
Lui mettent peu à peu l’olivier dans la main.

Il marche calme et juste ; et s’il règne sur d’autres,
C’est pour eux, non pour lui, qu’au trône il est monté ;
Et venant du pays où prêchent les apôtres,
L’écho de leur doctrine en sa voix est resté.


Il parle dans leur langue… et presque leur langage ;
Et, pèlerin trouvant glorieux le fardeau,
Ce puissant chef d’armée a mis dans son bagage,
Des pacificateurs le sublime credo.

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L’un a nom Nicolas et l’autre a nom Guillaume,
Deux sculpteurs méditant un chef-d’œuvre inégal ;
Le second, belliqueux, ne fabrique qu’un heaume ;
Le premier, lumineux, fabrique un idéal.

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Mais, ô rêveur gaulois, malgré ce rêveur slave,
Crois en Dieu, non en l’homme… et qui peut oublier
La Pologne détruite et la Finlande esclave ?
Et naîtra-t-il jamais l’empereur-chevalier ?…