La Route fraternelleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 53).


MESSIDOR

Au poète Achille Paysant.



Quand je naquis, agreste enfant du Dauphiné,
Messidor rayonnait dans l’immense nature,
Comme pour m’inviter à la moisson future…
J’ai plus de quarante ans et n’ai rien moissonné !

Et je ne serai pas le glaneur couronné
Ou de prospérités ou de progéniture :
L’épi d’Amour m’a point de sa fine torture,
La Gloire a fui mes doigts, coquelicot fané.

Mais après tout, qu’importe ?… En ton sillon modeste,
Ô fils de laboureurs, fais l’atavique geste,
Et, pleine de grains purs, laisse ta main s’ouvrir ;

À moi le rôle utile et non le lot superbe :
J’irai vers le tombeau sans avoir fait ma gerbe,
Mais sans avoir semé, je ne veux pas mourir !