Aux dépens du Saint-Père (p. 82-Fig).
Leçon XV.  ►
Tome II, Leçon XIV.

La Rhétorique des putains, Bandeau de début de chapitre
La Rhétorique des putains, Bandeau de début de chapitre

LEÇON XIV


ANGÉLIQUE

À présent que nous avons déjeuné, ayez la bonté de continuer à m’apprendre de jolis mots à double entente, et je vous écouterai avec plaisir.

MARTHE

Concierge. Celui ou celle qui a la garde d’un hôtel, d’un château, d’un palais ou d’une prison… Con – cierge ; c’est un con qui demande un cierge ; et certainement le con est l’autel devant lequel on allume le plus de cierges.

Concentre. C’est un mot qui se fait du verbe concentrer ; c’est un terme didactique, qui signifie : il réunit au centre ; par exemple, le grand froid concentre la chaleur naturelle… Con – centre ; c’est le con qui est le centre de tous les désirs, de toutes les affections des hommes ; c’est ce milieu qui les attire, où ils tendent naturellement, comme au lieu de leur repos.

Concitoyen. Citoyen de la même ville qu’un autre… Con – citoyen ; c’est presque la même chose que con – patriote. Comme à présent, après notre étonnante révolution, les titres de prince, de duc, de marquis, de comte, ne sont que de vains titres, et que le titre le plus glorieux, le seul digne d’un Français, est celui d’être citoyen de Paris ; de même chaque fille, chaque femme doit avoir un con vraiment citoyen ; c’est-à-dire zélé, enflammé, porté à soutenir les droits des hommes, et particulièrement de ceux de sa patrie.

Concoction. C’est un terme didactique, il se dit de la digestion des aliments… Con – coction ; signifie que le con est l’endroit le plus bouillant et le plus propre à la coction de certaines humeurs.

Concouru. C’est le participe du verbe concourir, qui signifie : coopérer, produire un effet conjointement avec quelque cause, avec quelque agent ; par exemple, tous nos représentants ont concouru directement ou indirectement, du fond de leur cœur, par politique, ou par force, au bien public… Con – couru ; c’est un con rare, qui est couru, fort recherché.

Condense. C’est rendre plus dense, plus serré ; par exemple, le chaud raréfie les corps, et le froid les condense… Con – danse ; c’est quand, par une conjonction copulative, le con et le vit sautent et dansent.

Condor. C’est un oiseau du Pérou, le plus grand des volatiles ; car il a jusqu’à vingt-cinq pieds d’envergure… Con – d’or ; c’est une fille ou femme fort serviable, d’un commerce aisé et agréable ; on peut dire d’elle que c’est un con qui vaut son pesant d’or. Cela peut signifier aussi, que votre con sera pour vous la plus abondante minière d’or.

Confesse. C’est aller ou être à confesse, pour faire la sottise de dire ses affaires à un prêtre, à un homme comme les autres… Con – fesses ; c’est que le con donne et ressent plus de plaisir lorsque, en même temps qu’on est à l’ouvrage, on laisse manier, et l’on remue alternativement les fesses.

Conformé. Signifie rendu conforme aux volontés, aux inclinations, aux façons de vivre des autres… Con – formé ; c’est quand une fille a sa taille, sa gorge, et par conséquent son con assez formé pour commencer ses études de physique.

Confort. Secours, assistance, aide… Con – fort ; c’est un con robuste, vigoureux qui résiste au travail, à la fatigue ; un con qui ne peut être que de genre masculin.

Confraternité. C’est la relation, le rapport qu’il y a entre des personnes qui sont d’une même compagnie, — d’un même corps… Con – fraternité ; c’est que votre con doit être animé d’une charité fraternelle, et avoir une liaison étroite avec les hommes, les considérant tous comme vos frères. Faites à peu près la même application du mot confrère.

Congelé. C’est le participe du verbe congeler, qui se dit de l’action par laquelle le froid durcit les liqueurs… Con – gelé ; ah ! c’est le mien, mademoiselle !

ANGÉLIQUE

Chacun son tour, ma bonne !

MARTHE

Conjoint, conjouir, conjouissance. Il est trop aisé de tourner ces mots ; c’est pourquoi je ne m’y arrête pas.

Conquête. C’est l’action de conquérir et la chose conquise ; et en termes de galanterie, ce mot signifie la conquête des cœurs… Con – quête ; c’est un con qui est à jeun, et cherche un bon restaurant ; il est vide et cherche à être rempli ; il brûle et cherche à être rafraîchi.

Consacré. Un endroit particulier, dédié à Dieu, avec certaines cérémonies, où l’on prétend qu’il réside d’une manière singulière, comme si l’on pouvoit restreindre la présence et la puissance du Très-Haut entre quatre murailles… Un homme consacré à Dieu et au service de ses autels, et en même temps rendu inutile, dangereux même à sa patrie, à toute l’humanité… Un mot consacré par l’église pour faire croire des mystères inintelligibles, quelquefois absurdes, comme consubstantialité, transsubstantiation, etc… Un mot consacré par l’usage, quoiqu’il soit contre les règles de la langue, comme lettres royaux… Con – sacré ; c’est le temple universel, où l’humanité entière offre ses hommages et ses adorations.

Consanguin. En termes de jurisprudence, c’est un parent du côté paternel ou un frère de père… Con – sanguin ; c’est la petite affaire, lorsqu’elle a ses purgations mensuelles.

Consent. Un qui acquiesce, qui adhère à la volonté de quelqu’un ; qui trouve bon, qui veut bien ce que veulent les autres… Con – sent ; c’est lorsqu’il sent une démangeaison inquiétante, une chaleur insupportable, un rafraîchissement agréable, un plaisir excessif : c’est lorsqu’il exhale et répand une odeur suave, qu’il sent bon, étant graissé, frotté avec la pommade de jasmin.

Consolide. Qui rend ferme et solide ; qui affermit une union, ou un traité… Con – solide ; qui a une fermeté capable de résister aux coups réitérés des assaillants.

Consultant. Celui qui donne avis et conseil… Con – sultan ; c’est un con rare, et digne de faire l’ornement le plus beau du sérail d’un sultan.

Contemple. Un qui considère attentivement, soit avec les yeux du corps, soit avec ceux de l’esprit… Con – temple ; c’est comme je vous ai dit au mot consacré, que le con est le temple universel où les hommes, les uns tête levée, les autres tête baissée, quelques-uns même se tramant le mieux qu’ils peuvent, tous vont rendre leur culte, et y faire leurs ablutions.

Contenant. C’est un terme didactique qui signifie : ce qui contient… Con – tenant ; c’est un con vigoureux, comme cet homme qui, dans un tournoi, entreprenait de tenir contre toute sorte d’assaillants, et qu’on appelait Tenant.

Controuvé. C’est un fait qu’on a inventé pour en imposer, pour tromper… Con – trouvé ; c’est lorsque, après bien des recherches, l’on trouve un con à son goût, et l’on s’y fixe. Et si l’on affecte de ne pas bien prononcer ce mot, et que l’on dise : Con – troué, cela signifie un con percé, foutu…

Convaincu. Un homme réduit par le raisonnement, ou par des preuves sensibles et évidentes à demeurer d’accord d’une vérité qu’il ne comprenait pas, ou d’un fait qu’il niait… Con – vaincu ; une dévote ou une prude qui, au moindre mot, au plus petit mouvement lubrique, rougit jusqu’aux yeux, et recule d’horreur, affecte longtemps un air sage, réglé et circonspect dans ses mœurs, dans ses paroles, dans sa conduite ; s’il arrive, — ce qui doit arriver — qu’après plusieurs attaques elle se rende, c’est un con – vaincu.

Converse. Un qui converse avec ses semblables, ou avec les morts, c’est-à-dire avec les livres… Con – verse ; c’est-à-dire la petite affaire, lorsqu’elle verse avec plaisir de la liqueur épaisse et visqueuse, ou qu’elle verse, avec chagrin, le fluide menstruel.

Convive. Celui qui se trouve à un même repas avec d’autres, qui mange à une même table avec d’autres dans un festin… Con – vive. De toutes les nations de l’univers, la nation française est celle qui a paru la plus dévouée à notre sexe. J’aimerais donc qu’aux acclamations de contentement dont toute la France retentit à présent : Vive la Nation, vive la Loi, on ajoutât : Vive le Con. Ce cri de joie marquerait, au moins, que l’on cherche, tout de bon, à rétablir la liberté naturelle et tous les droits de l’homme.

Convie. Un qui invite à un festin, aux noces, au bal, à une assemblée… Con – vie ; c’est le con qui donne, qui soutient, qui ranime la vie des mortels.

Convoi. C’est l’assemblée qui accompagne un corps mort qu’on porte à la sépulture avec les cérémonies funèbres… Con – voie ; c’est que le con est la voie la plus sûre qui conduit au bonheur.

ANGÉLIQUE

Permettez-moi, ma bonne, de vous dire que toutes ces équivoques marquent plus de malice que d’esprit ; néanmoins elles peuvent amuser et rallumer de temps en temps le feu amorti, ou prêt à s’éteindre. Je vous prie de me les donner par écrit, afin que je puisse les apprendre par cœur, pour en faire usage, dans l’occasion.

MARTHE

Vous me donnerez ce qu’il faut pour cela, et je vous satisferai avant de vous quitter. Il faudrait maintenant vous parler des différentes manières dont les hommes peuvent prendre et donner du plaisir en badinant avec les femmes.

Il serait nécessaire de vous instruire sur cela, pour que vous fussiez toujours disposée à les contenter, de quelque manière que ce soit. Un seul mets, toujours le même, mais assaisonné de différentes façons, se multiplie, en quelque sorte, il donne plus d’appétit, et le tient toujours ouvert. Mais vous pourriez m’épargner cette peine, si vous vouliez vous donner celle de lire, à votre aise, monsieur Aretino.

ANGÉLIQUE

Ah ! ma bonne, ne me refusez pas le plaisir de les entendre de votre bouche : elles auront plus de grâce, j’en suis sûre ; vous leur donnerez un air de nouveauté, et cela restera plus gravé dans mon esprit.

MARTHE

I. — Lorsque l’homme trouve que la femme est de la même taille que lui, pour faire voir son habileté en ce jeu-là, il la fait tenir debout ; il lui lève la jupe et la chemise, l’embrasse étroitement, la prie d’écarter un peu les cuisses, et, se tenant, lui aussi, sur ses pieds, il fait l’ouvrage. On appelle cela : Passer la rivière à pied sec.

II. — Si la femme est de petite taille, l’homme vaillant la prie de se jeter à son cou, et de croiser ses jambes derrière lui ; il l’élève au niveau, et la tenant dans ses bras, la serre et en est serré. On appelle cela : La Ligne horizontale.

III. — Si la femme a les reins faibles, elle s’appuie contre une muraille ; l’homme adroit lui lève une jambe, et soutient la cuisse sur un de ses bras, tandis qu’avec l’autre main, il lui manie les fesses et travaille. On nomme ce badinage : La Grue en sentinelle.

IV. — L’homme s’amuse quelquefois à tenir la femme appuyée contre quelque chose de solide, à lui lever les deux jambes, et en soutenir les cuisses sur ses bras, tandis qu’avec les deux mains il lui manie les fesses de manière à les pousser et repousser alternativement, à mesure qu’il s’avance ou qu’il recule. On nomme cela : Le Flux et le Reflux.

V. — L’homme prie la femme de lui tourner le dos, d’appuyer ses mains et ses coudes sur une table ou sur une chaise, de se plier, et de lui ouvrir les deux portes, celle de devant et celle de derrière. Si l’homme fait son entrée par la porte de devant, cela s’appelle : La Danse allemande.

VI. — Si l’homme entre d’abord par la porte de derrière et s’y amuse quelques instants, mais que revenant de son égarement, il rebrousse chemin, et pousse par la porte de devant, on appelle cela : Le Passe-Partout.

VII. — Si, sous prétexte de tenir le chemin le plus étroit, il ne veut entrer que par la porte de derrière, on appelle cela : La Danse florentine.

VIII. — Lorsqu’il n’y a rien sur quoi, ou contre quoi s’appuyer, l’homme supplie la femme de se plier de manière à soutenir son corps sur ses mains et sur ses pieds. C’est : Le Saut du bélier.

IX. — L’homme se donne quelquefois un plaisir infini à faire marcher la femme à quatre pattes, à manier et serrer ses tétons, et à marcher avec elle, sur elle, et dans elle. C’est : Le Monstre à six pieds.

X. — L’homme s’assied sur une chaise, sur un banc, sur une escabelle, etc., il met la femme à cheval sur ses cuisses, il l’embrasse, la baise et travaille. C’est : Asseoir la statue sur son piédestal.

XI. — La femme s’assied sur l’homme, qui est assis, mais de manière que l’homme l’embrasse et la serre d’une main, et de l’autre lui lève et soutient les deux jambes. On fait l’ouvrage, et c’est : Bercer l’enfant sur ses genoux.

XII. — L’homme est assis, la femme lui tourne le dos, s’assied sur ses cuisses, et tient les pieds à terre. On s’amuse, et on appelle cela : Asseoir son jugement.

XIII. — La femme s’assied ; elle écarte ses jambes et ses cuisses ; l’homme entre et fait son devoir. C’est : La Chaise à porteurs.

XIV. — La femme reste dans cette posture, et l’homme varie son amusement ; à chaque coup qu’il porte, il fait bouger la chaise, et avant que l’ouvrage soit fini, on a fait le tour de la chambre. On appelle cela : La Chaise roulante.

XV. — On met la chaise à quelque distance de la muraille ; la femme s’y assied ; l’homme lui prend les jambes et les élève sur ses bras : la chaise branle et le dossier va tomber contre la paroi. C’est : La Voiture renversée.

XVI. — L’homme se tient debout ; il jette la femme sur un lit, mais de manière qu’elle a les jambes à terre ; il tire doucement contre lui, avec ses deux mains, les deux lèvres de la bouche d’en bas ; il les manie, il les chatouille pendant qu’il travaille. C’est : Se chauffer à la nouvelle mode.

XVII. — Dans cette posture, la femme lève ses jambes et ses cuisses, et soutient avec les mains ses deux pieds contre ses fesses élargies, tandis que l’homme, éloigné de deux pas, vise avec attention l’endroit où il veut porter le coup ; il court et frappe ; puis il se retire ; il mire encore son but et s’approche de nouveau pour frapper. C’est un fort joli amusement, et on l’appelle : Les Flèches de l’amour.

XVIII. — Je me rappelle que, lorsque j’étais dans mon printemps, un jeune abbé me mettait souvent dans l’une ou dans l’autre de ces deux postures dont je viens de vous parler. Tantôt, d’une vitesse étonnante, il me frottait avec son membre l’orifice du vagin, ce qui me donnait un chatouillement délicieux ; et quand il se sentait tout prêt à décharger, il faisait tomber sur mon ventre sa liqueur. Il nommait cela : L’Arrosoir.

XIX. — Tantôt, il entrait tout à fait, et y restait dans un mouvement continuel, jusqu’à ce que je lui dise : « C’est assez ». Alors il sortait ; je branlais avec promptitude et vitesse son membre, en le serrant tendrement : il m’assurait, sul petto sacro, que j’avais une main très heureuse, et qu’il ressentait plus de plaisir à cette manière, que lorsqu’il faisait l’ouvrage tout entier avec quelque femme mariée. Il appelait cela : Le Jet d’eau.

XX. — D’autres fois ce tendre amant, cet amant unique, me plaçait sur une petite chaise ; il découvrait mon sein, il me serrait tendrement les deux tétons, entre lesquels il mettait son membre. Il ne faisait cela que dans des circonstances critiques. Il disait que quand la rivière inonde la plaine, il est beau de se promener sur les collines. Quelques instants après, une liqueur chaude, épaisse et visqueuse arrosait agréablement ma poitrine. Il nommait cela : La Cascade de Saint-Cloud.

XXI. — Et afin que je ne demeurasse point à jeun, il me prenait sur ses genoux, il mettait le plus gros de ses doigts dans ma petite affaire, et la frottant en haut, en bas, et de tous les côtés, il me donnait un plaisir inexprimable, tandis qu’il me suçait alternativement les deux tétons. C’était, selon sa façon de penser : Manger les pommes d’Adam.

ANGÉLIQUE

Mais qu’avez-vous, ma bonne, vous paraissez tout émue ?

MARTHE

Ah ! mademoiselle, toutes les fois que ce doux souvenir s’offre à ma pensée, mon âme éprouve la plus violente agitation. Voilà l’homme, me dis-je en moi-même, voilà l’homme par excellence ! C’est lui, et lui seul qui m’a toujours aimée de bonne amitié, et qui n’aimait que ma personne. J’étais encore fille ; il se moquait d’un vœu que son cœur n’avait pas prononcé, et que Dieu n’avait point reçu. Mais il respectait, jusqu’à un certain degré, les préjugés des hommes fous qui font consister l’honneur dans une chose qui contrarie le premier vœu de la nature. Il était constamment maître de sa passion et de lui-même, et savait toujours prendre et donner un plaisir pur et raisonné. Voilà le seul homme que j’aime et que j’aimerai autant que je vivrai.

ANGÉLIQUE

Je l’admire et je l’estime ; vous serez heureuse avec lui.

MARTHE

Ah ! mademoiselle, je puis compter sur ses sentiments à mon égard, mais il n’est plus ici. C’est lui qui, par son esprit éclairé et par ses écrits populaires, a posé, le premier, les fondements de cette nouvelle révolution qui fait souvenir au clergé que son règne n’est point de ce monde. Par conséquent, persécuté par ses confrères, ministres de charité, il a été contraint de chercher ailleurs un asile où terminer en paix et en liberté sa carrière.

ANGÉLIQUE

Vous allez pleurer, ma bonne. Je vous prie de vous donner un peu de relâche. Après dîner, vous me donnerez la dernière leçon.

MARTHE

Je m’en vais donc, mademoiselle, et je viendrai cette après-midi.

ANGÉLIQUE

Non, non, ma bonne. Je suis encore maîtresse de moi ; je veux que nous dînions ensemble.

MARTHE

Bon dieu ! que vos manières sont obligeantes ! Je ne refuse pas votre offre, d’autant plus que ce sera peut-être la dernière fois que j’aurai un tel honneur.

ANGÉLIQUE

Vous m’offensez, si vous doutez de mes sentiments et de mon affection pour vous.

MARTHE

En attendant, j’irai donc vous écrire ces mots à double sens, que je vous ai promis.


La Rhétorique des putains, Vignette de fin de chapitre
La Rhétorique des putains, Vignette de fin de chapitre

La Rhétorique des putains, figures
La Rhétorique des putains, figures