La Rançon (1894)
Calmann-Lévy, éditeur (p. 266-281).


XXIV


Désormais Chartrain désespéra. Il ne pouvait nier l’ébranlement moral, l’épuisement physique de Jacqueline, et si ardent qu’il fût à défendre son amour, il se reprochait parfois, douloureusement, l’égoïsme de cet amour même. Vainement, il tenta de se leurrer sur les causes profondes du trouble qu’il constatait, n’y voulant voir qu’une crise passagère. Dans l’âme de Jacqueline, claire pour lui comme le cristal, apparaissait, à travers un chaos de sentiments contraires, la nostalgie de la vie harmonieuse qu’il lui avait fait entrevoir. Oui, Jacqueline avait raison. Qui donc l’avait transformée, sinon Chartrain lui-même ? Il l’avait prise inconsciente et docile, avec une âme d’enfant et, dans le conflit de leurs deux natures, il avait lentement triomphé. Il s’était imposé à l’esprit de Jacqueline comme elle s’était imposée à ses sens, et trop chimérique pour distinguer la maîtresse aimée d’une épouse aimée, il donnait à leur coupable liaison l’idéal même du mariage. Recréant Jacqueline à l’image de la femme qu’il eût choisie, il ne s’apercevait pas qu’en lui présentant un admirable idéal de loyauté, il lui rendrait odieuse la nécessité du mensonge ; qu’en la rapprochant de son enfant, il éveillait en elle un sentiment rival de l’amour ; qu’en s’interdisant toute critique, même fondée, à l’égard du mari, il respectait la chaîne conjugale, solide encore. Et peu à peu, Jacqueline avait connu la tare de son bonheur, la contradiction chaque jour plus évidente.

La maladie de Vallier avait provoqué une crise préparée depuis longtemps et dont les causes remontaient aux premiers incidents suscités par Étienne, dès les débuts de son amour. Dans cette angoisse, Jacqueline avait pris conscience des aspirations et des regrets qui couvaient en elle.

Pendant les heures mornes de la convalescence, quand Vallier, plus grave, lui témoignait le désir de recommencer leur vie dans une harmonie qu’ils n’avaient pas connue, Jacqueline avait senti que cette harmonie, impossible dès le lendemain des noces, est le résultat de lents efforts, d’une constante bonne volonté. Elle peut naître d’un amour éphémère, lui survivre et ne point le faire regretter, car elle développe un sentiment très doux qui n’est ni la passion ni l’amitié.

Jacqueline, puérilement éprise de Vallier pendant les premiers mois de leur mariage, s’était peu à peu désintéressée de lui. Ils avaient vécu sept ans côte à côte, baptisant « amour » leur affection nonchalante, et les plaisirs mondains avaient amusé l’inquiétude du cœur de Jacqueline. Mais le jour était venu où ce cœur avait reçu d’Étienne la révélation de sa destinée. Pendant trois ans, Chartrain et Jacqueline avaient élargi leur tendresse, avec le beau souci d’en faire quelque chose de rare, et la jeune femme s’apercevait que l’adultère les condamnait à l’éternelle contradiction. Trop faible pour se guider elle-même, trop fière pour la dépravation, trop intelligente pour s’abandonner, inconsciente, à la fatalité, elle sentait peser sur elle, de toutes parts, des responsabilités terribles…

Que de fois, en baisant les larmes dont elle ne dissimulait plus la cause, Chartrain prononça le mot de rupture, tremblant d’être exaucé. Une voix criait à tous deux que c’était l’unique solution au problème de la dualité sentimentale ; mais Jacqueline, sentant l’amante agoniser en elle, s’efforçait de la ressusciter par la pitié. Au moment où Chartrain, résigné à vieillir solitaire, bannissait la femme de sa vie, elle avait pris la responsabilité de son bonheur. Les scrupules qu’il avait éveillés en elle, elle les avait endormis en lui. Comment rejeter aux ténèbres celui qu’elle avait appelé à la lumière ? Mieux valait souffrir et se taire et prodiguer la joie qu’elle ne partageait plus.

Dans les baisers, dans les pleurs, dans les reproches, l’horrible duel se prolongea. Étienne devint jaloux et tyrannique. Jacqueline connut le supplice des étreintes qui ne galvanisaient plus son cœur malade, ses sens anesthésiés. Les lois secrètes de l’organisme féminin sont incompréhensibles pour l’homme, et il ne peut s’expliquer par quelle relation mystérieuse, chez la femme, l’émotion sentimentale crée ou supprime la volupté. Chartrain souffrait de cette indifférence toute physique qu’il confondait avec la satiété et le dégoût. Mais il s’accrochait aux débris de son bonheur, à cette épave misérable où il avait lié Jacqueline pour flotter avec elle dans l’orage et s’engloutir sans se séparer.

Un après-midi de janvier, averti par une télépathie mystérieuse, Étienne attendait la jeune femme, presque certain qu’elle allait venir. Il avait ouvert sur sa table le coffret qui contenait leur correspondance tout entière, saisi par ce caprice mélancolique de demander au passé les raisons de confiance que le présent ne lui donnait plus.

La clochette soudain résonna. C’était Jacqueline, rose de froid, dans sa jaquette de velours et son frissonnant collier de plumes grises. Sachant combien son ami, depuis quelque temps, s’irritait de ses longues absences, elle était montée chez lui, pour une minute, une minute, pas plus.

— Pas plus ? dit-il d’un air chagrin. En êtes-vous donc à me mesurer les minutes ?… Autrefois…

— Chut ! fit-elle, en mettant un doigt sur ses lèvres. Ne nous querellons pas.

Elle s’assit sur le divan et, vaincue par les supplications d’Étienne, elle enleva sa toque et son manteau. Puis, regardant autour d’elle, elle aperçut le coffret ouvert.

— Nos lettres ?

— Oui, dit Chartrain, j’ai revécu tout notre amour en les lisant.

Il lui donna le coffret, espérant la réchauffer à l’ancienne flamme, mais elle murmura :

— Non, je ne veux pas lire… Cela me ferait mal. Trois ans, trois ans !

— Qu’importe les années, si tu m’aimes ? N’es-tu pas à moi pour toujours ?

Ils se regardaient. Attendrie, Jacqueline posa un doigt sur la tempe de son amant.

— Tu n’avais pas ces touffes grises, là ? Mais je les aime, ces stigmates que le temps et la passion ont laissé sur ton visage ?

— Est-il possible que je te plaise encore ? dit-il avec un triste sourire. Je croyais t’avoir excédée jusqu’au dégoût.

— Oh ! parce que…

— Oui, fit-il, comprenant sa pensée… Parce que tu restes froide, maintenant, entre mes bras… Tu sembles craindre mes baisers, Jacqueline.

— Tu vas dire des folies, encore, murmura-t-elle, d’un air contraint.

Mais il l’étreignit tout à coup, avec une violence passionnée :

— Eh bien, oui, c’est cela, vois-tu, c’est cela qui me manque, ta joie, ton trouble, l’orage que je déchaînais en toi et que j’apaisais, la communion mystérieuse à jamais rompue. Ah ! Jacqueline, quoi que tu me répondes, malgré les explications ingénieuses que te dicte la pitié, je sens, profondément, atrocement, mon impuissance. Je te presse sur mon cœur gros de voluptés et d’angoisses, et je t’étreins sans te posséder, décevante amie qui te dérobes et sembles déserter ta propre chair… Je te lie à moi, je t’embrasse et tu es loin de moi, loin de toi-même, et je te poursuis et je ne puis te saisir… Jacqueline, c’est de cela que je meurs, c’est cet horrible effort vers toi qui m’épuise l’âme et la tue… Tais-toi. Ne réponds pas. Je pressens ce que tu vas dire : que tu n’es pas responsable des caprices de tes nerfs, que ton cœur n’a pas changé, que tu m’aimes. Ah ! ma bien-aimée, l’amour, entre nous, n’a qu’un langage et nous ne nous comprenons plus parce que tu l’as oublié. Les baisers, les caresses ne valent que parce qu’ils expriment ; mais la passion ne s’exprime que par les caresses et les baisers… Écoute, écoute. Tu as cru voir en moi un héros. Je ne suis qu’un homme, un pauvre homme au cœur avide, aux sens troublés, un homme qui aime et qui souffre. Aie pitié. Ouvre-moi tes bras, sans arrière-pensée, sans réticences, docile à l’amour qui accomplira ses miracles, en toi, une fois de plus. Que je t’arrache un frisson, un cri, je te sentirai reconquise et ce sera le renouveau de notre félicité.

— Étienne !

Elle se débattit, mais d’impérieuses lèvres ouvrirent ses lèvres et son sanglot s’évanouit en baisers. Et peu à peu, sa taille plia, ses paupières se fermèrent, une ivresse ardente et triste l’envahit, et Chartrain, la soulevant comme un enfant, l’emporta, dans une fièvre de victoire.

Soudain un coup de sonnette, suivi d’un infernal carillon, fit tressaillir le couple enlacé. Jacqueline se dégagea et, d’un geste involontaire, s’appuya au guéridon, qui pencha, avec un grand bruit de porcelaine brisée. Tous deux se regardèrent pétrifiés.

— On a entendu du bruit. Il faut ouvrir.

Il hésitait.

— Ouvrez, insista-t-elle. Il est inutile de donner des soupçons.

Chartrain donna un tour de clef à la serrure et disparut dans l’antichambre. Penchée, Jacqueline entendit un bruit de voix confuses, des pas… Et soudain, comme frappée par la foudre, elle chancela et, se traînant jusqu’au lit, enfouit sa tête sous les couvertures. Mais ses sens surexcités percevaient les moindres sons qui parvenaient dans la chambre silencieuse… Une voix bien connue, une voix cordiale répétait :

— Oui, c’est une surprise… Tu ne nous attendais pas !…

— C’est moi qui ai voulu venir, monsieur Chartrain.

Paul !… Georges !… Ils étaient là, derrière le mur. Et c’était l’enfant qui avait voulu venir !… Jacqueline reconnaissait son joli rire. Elle le voyait avec son costume de marin, ses cheveux blonds, ses beaux yeux candides. Il avait sauté au cou d’Étienne d’un élan si joyeux, si naturel ! Ne lui avait-elle pas appris à aimer son maître ? Elle le lui donnait sans cesse comme exemple, comme un modèle à qui Jo, devenu homme, devrait s’efforcer de rassembler… Ah ! triste ironie !

Jacqueline ne pleurait pas. Ses oreilles s’emplissaient de bourdonnements confus ; son cœur dilaté heurtait douloureusement sa poitrine, comme un poing brutal, à coups sourds. Dressée sur le lit, elle écouta :

— Jo voulait te demander l’album que tu lui as promis. Il est très impatient de l’avoir.

La voix d’Étienne répondit, calme en apparence, mais pas assez pour que Jacqueline n’y devinât la fêlure d’une émotion.

— Je vais le lui donner tout de suite.

La porte de la bibliothèque craqua sur ses gonds et la voix argentine reprit :

— Merci, monsieur Chartrain. Ça me fait bien plaisir… Et puis, vous verrez comme je vais bien travailler en Algérie.

— En Algérie ? Votre départ est décidé ?

— À peu près, dit Paul. Je viens d’en causer avec ma belle-mère et j’en parlerai à ma femme, ce soir… Je suis encore très fatigué. Mais comme j’ai du travail pour tout l’hiver, je partirai tranquille.

— Et la Revue ?

— Je continuerai, là-bas, ma collaboration. Je pense même écrire un roman… Une idée qui m’est venue après la fameuse discussion sur l’adultère ! Je veux écrire le roman du mariage, sans drame, sans événements extraordinaires, la simple histoire de simples gens qui s’aiment, qui s’entr’aident, qui élèvent leurs enfants. La femme est un peu coquette, le mari jaloux… Ils se querellent quelquefois et se raccommodent et tout s’arrange parce que ce sont de braves cœurs… On dira peut-être que ce n’est pas un sujet palpitant. Mais j’en ai assez, des snobs et des cocottes !

— Tu feras quelque chose de très bien, j’en suis sûr.

— Nous verrons… Je veux le dédier à ma femme, ce roman… À ce propos, ne la trouves-tu pas changée, ma femme ? Elle m’inquiète beaucoup.

Jacqueline n’entendit pas la réponse d’Étienne. La voix cordiale s’attrista :

— Ah ! les femmes ! Quelles drôles de mécaniques !… La mienne que je croyais résistante et solide, délicate avec des nerfs d’acier, cette femme qui dansait des nuits entières et se levait fraîche comme une rose, le lendemain, elle a maintenant des vapeurs, des crises de nerfs, des mélancolies… Elle mange à peine, dort mal et pleure pour des riens… Le médecin accuse le surmenage de la vie parisienne. Moi je crois que Jacqueline se ressent encore des émotions de ma maladie… Pauvre petite ! Elle est si dévouée ! Elle m’aime tant ! J’espère beaucoup du voyage en Algérie pour la distraire et la reposer… Et toi, qu’en penses-tu ?

— Suis le conseil du médecin.

— Oh ! il n’y a pas de temps à perdre. Je voudrais partir avant un mois.

Vallier se leva :

— Allons, nous te laissons travailler. À bientôt, mon cher. Georges, embrasse ton ami !

Les pas se perdirent dans le couloir… Une minute après, Étienne entra dans la chambre.

Jacqueline était assise au bord du lit… Le jour déclinant éclairait mal son visage. Les deux amants se regardèrent en silence… Puis elle dit, lentement :

— Voilà une scène que Paul n’a pas prévue… Ça ferait bien dans son roman, dans ce roman du mariage qu’il veut me dédier…

Chartrain voulut s’approcher. Elle eut un geste de recul si violent, qu’il en comprit le sens terrible et il tomba, accablé, dans un fauteuil.

Jacqueline, sous les rideaux, sanglotait.

Et devant l’évidence qui s’imposait, devant le devoir suprême dont il ne pouvait plus retarder l’accomplissement, Étienne fléchit… Il cria de douleur comme s’arrachant l’âme… Oui, c’était fini, non pas de sa tendresse pour Jacqueline, non pas de sa passion même qui sortait déchirée, saignante et vivante, de tant de batailles — mais c’était fini du bonheur… Étienne ne voulait plus accepter le sacrifice de Jacqueline, posséder ce corps qu’elle sentait souillé, meurtrir ce cœur qu’il avait fait si tendre et qu’il voulait si heureux… Il ne pouvait, sans se déshonorer moralement, sans mentir à toute sa vie, interposer son égoïsme entre les hontes du présent et les expiations de l’avenir… « Oui, Jacqueline a droit au repentir, au rachat, au retour vers la vie régulière… Et moi qui lui ai montré la beauté de cette vie, je dois me soumettre et me retirer… Qu’elle soit libre ! Qu’elle redevienne maîtresse de son corps… Mieux vaut le malheur noblement supporté que le bonheur mutilé et lamentable. Mieux vaut le renoncement qu’une volupté non partagée, non consentie et dégradante pour tous deux !… Encore un effort !… Nous pourrons nous estimer encore si nous ne pouvons plus nous aimer… »

Il tourna la tête vers le lit et son désespoir éclata… Ah ! sa résolution était sincère, et ferme sa volonté ; mais son cœur, son faible cœur d’amant se révoltait sous la souffrance. Vivre seul, dormir seul, mourir seul ! Renoncer aux baisers de la femme, au refuge de ses bras, à son sein où tout s’oublie ; détruire l’œuvre de tant de jours, l’intimité créée si lentement et qu’il proclamait éternelle !… Éternelle ? Pauvre homme ! Il n’est rien d’éternel que la misère humaine, que la solitude du cœur peuplée un instant d’amitiés et d’amours fragiles… Il n’est rien d’éternel que la mort. Et ces déchirants adieux que l’on dit à ce qu’on aime, ces ruptures, ces transformations de nos sentiments qui se renouvellent si bien qu’on ne les reconnaît plus, autant de morts successives et innombrables. L’amant dit : « Je ne changerai point ! » Et il devient l’ami. Et l’ami devient un étranger et l’étranger un adversaire. Hélas ! on ne peut rien retrancher à l’absolu sans le détruire, et l’amour, c’est l’absolu. Il est dans les sens et dans l’âme. Supprimer la possession n’est pas supprimer la tendresse, mais la moitié de l’amour n’est plus l’amour.

« Eh bien, adieu l’amour ! pensa-t-il en laissant couler ses larmes. Que la tendresse demeure, et que le principe de nos douleurs et de nos fautes en soit extirpé à jamais. Je sors de ce rêve où je me débats depuis trois mois, mais le coup de tonnerre qui me réveille me laisse à moitié foudroyé. J’ai vécu mon dernier jour de jeunesse. Je vieillirai dans la solitude et le veuvage où se pétrifiera mon cœur. »

Une voix faible s’éleva dans l’ombre comme un gémissement :

— Tu pleures ? Ô mon Étienne, est-ce vrai ?

Il vint s’asseoir au bord du lit. Et Jacqueline, qu’il distinguait à peine, l’entoura soudain de ses bras.

— Tu pleures !… Oh ! quoi que je doive souffrir, je ne puis supporter ta souffrance. Je t’aime encore. Oublie, si tu peux oublier.

— Non, dit-il, non, c’est impossible… Je te chéris, je te désire, mais il y a trop de choses entre nous… Nous ne pouvons plus oublier… et je ne le veux plus. Notre amour sombrerait dans des scènes affreuses… Un jour, l’instinct, plus sincère que ta volonté même, te soulèverait d’horreur à mon approche. Je ne resterais ton amant qu’en devenant ton bourreau…

Elle sentit qu’il disait vrai et que ces paroles répondaient à toutes les pensées qui l’obsédaient sans qu’elle osât jamais les dire… Mais dans la femme, l’amante protesta :

— Que veux-tu faire ?… Renoncer à moi ?… Le pourrais-tu, malheureux ? Et moi, accepterais-je de te savoir plus seul, plus désespéré, plus misérable que le jour où tu pleurais ta mère et où mon amour t’a consolé ? Je te l’ai dit, je ne puis me reprendre. Si je souffre, qu’importe ? N’y pensons pas ! Jouis du pauvre bonheur que je puis te donner. Je ne veux pas du repos, ni de la vertu que j’achèterais en t’abandonnant… Ah ! vivre sans toi !…

Elle l’étreignait avec une ardeur farouche :

— Vivre sans toi !… Ne plus revenir ici !… Non, mille fois non !… Mieux vaut mourir ensemble !

— Mourir ? dit-il… Tu n’en as pas le droit. Ni ta mort, ni ta vie ne m’appartiennent. Suis le vœu de ta conscience. Retourne à ton foyer. Vis pour l’enfant.

— Et toi ?

Il répondit tout bas :

— Ne crains rien… Je vivrai… pour que tu aies la force de vivre.

— Malheureux que nous sommes !… Oh ! malheureux !…

Elle attira sa tête inclinée et, dans les cheveux de Jacqueline, au contact de cette poitrine de femme, dans cette étreinte qui le berçait, Étienne, ramené aux immenses chagrins, à l’immense faiblesse de l’enfance, éclata en sanglots déchirants.

Il faisait nuit. Jacqueline ne parlait plus, et, dans la chambre où les amants avaient vécu les jours heureux, on n’entendait plus que ces sanglots qui semblaient demander grâce.