La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre/5

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V.

LE 2 DÉCEMBRE.


La situation faite, les événements vont se déduire.

Tandis que la classe nantie jure haine à la république ; que le parti républicain, tombé en constitutionnalisme, donne son désistement, Louis Bonaparte, porté par cinq millions et demi de voix, devient l’organe de la révolution. Ainsi va la logique des choses, que la compétition des partis, le chassé-croisé des intrigues, l’animation des personnalités, ne nous permettent pas de comprendre.

Quel que fût l’élu du 10 décembre, en effet, produit d’une situation révolutionnaire, il était forcé de devenir, à peine d’une prompte déchéance, l’organe de la révolution. La coalition des réacteurs, en appuyant Louis Bonaparte, agit comme si, en s’assurant de l’homme, elle pouvait conjurer la chose ; — la démocratie, de son côté, en persistant après l’élection dans une opposition trop bien justifiée, oublia trop souvent aussi que sa cause ne pouvait dépendre du bon plaisir de celui que la révolution venait de se donner pour chef. Contradiction des deux parts, qui devait en amener une foule d’autres.

J’insiste sur ce principe que j’ai eu l’occasion déjà de rappeler : le chef d’état, même héréditaire, ne représente pas un parti, n’hérite point d’une propriété ; il représente une situation, il hérite d’une nécessité. Les rois de France de la troisième race, qui, avec des tempéraments très-différents, poursuivirent tous, et de main en main, la même œuvre, l’abolition de la féodalité ; de nos jours Robert Peel, qui, chef des torys, ne cessa de combattre la politique des torys, en sont de beaux exemples.

Louis-Bonaparte, indépendamment des sympathies populaires qui l’avaient élevé au pouvoir, était donc, après le 10 décembre, le représentant de la révolution ; par son alliance avec les chefs des vieux partis, au contraire, et par l’opposition des républicains, il était le chef de la contre-révolution. Ce renversement de rôles, qui mettait tout le monde dans une situation fausse, faillit coûter cher au nouveau président. Il était ruiné sans ressource, si dès la fin de 1849 il n’eût désavoué, d’une manière plus ou moins directe et formelle, la politique de la majorité ; si surtout cette majorité ne lui eût ménagé, dans la loi du 31 mai 1850, une branche de salut…

Passons sur les années 1849, 50, 51, et arrivons de suite au 2 décembre.

L’apparition de la démocratie aux affaires n’avait produit en réalité qu’un résultat, c’était de populariser, au moins pour quelque temps, le suffrage universel, en le présentant au peuple comme l’instrument infaillible de la révolution sociale. Or, la loi du 31 mai ayant réduit d’un tiers, et dénaturé par le système des exclusions, le suffrage universel ; la démocratie, de son côté, faisant du maintien de cette loi un casus belli pour 1852, l’occasion était décisive pour Louis Bonaparte. Sa réélection dépendant de sa popularité, et sa popularité de la conduite qu’il allait tenir sur le rétablissement du suffrage universel, toute la question pour lui était de savoir si, en appuyant la loi que ses ministres avaient votée, il se ferait le Monck d’une nouvelle restauration ; ou bien si, en se joignant aux républicains, il deviendrait une seconde fois le chef visible de la révolution. Avec la majorité royaliste, Louis Bonaparte descendait du fauteuil, comme Cincinnatus, Monck, Washington, tout ce qu’on voudra, n’emportant pas même une pension de retraite ; joint aux démocrates, c’est-à-dire au principe démocratique, il était à la tête d’une force supérieure, et sans concurrent possible. La constitution lui donnait congé, sans doute ; mais le peuple le rappellerait !… Que Louis Bonaparte, en vertu de son initiative, proposât donc l’abrogation de la loi du 31 mai, et mît ainsi la cause du suffrage universel sous sa protection : toute sa popularité lui revenait à l’instant ; il devenait, ipso facto, et malgré tout, maître de la position.

Et d’abord il gagnait à cette conduite deux avantages immenses : le premier, de faire voter avec lui, pour lui, quelque répugnance qu’elle en eût, toute la gauche, et par là de se montrer aux yeux du peuple comme le chef de la révolution, puisqu’il était d’accord avec les révolutionnaires ; — le second, de placer la majorité dans la triste alternative, ou d’être entièrement subalternisée, déconsidérée, si elle suivait le Président, ou de donner elle-même le signal de la guerre civile, si elle persistait. À lui le beau rôle, à elle le personnage odieux. Ce dernier parti était le pire, puisque la majorité se prononçant pour le maintien de la loi, sacrifiant à une question de dignité toutes les chances de sa cause, et le Président refusant de prêter main-forte à ses décrets, dans ce conflit entre la monarchie et la démocratie Louis Bonaparte apparaissait à la fois, au peuple comme le défenseur de son droit, à la bourgeoisie comme le protecteur de ses intérêts.

Ce fut pourtant ce parti que choisit la majorité. L’histoire flétrira ces intelligences décrépites, ces consciences impures, qui préférèrent à une réconciliation avec la gauche le risque des libertés, et qui, dans une situation aussi nette, pouvant d’un mot annuler la fortune de Bonaparte, travaillèrent de tout leur pouvoir, de toutes leurs roueries, au triomphe de l’homme qu’elles haïssaient.

Du 4 au 30 novembre 1851, l’action marche avec une prestesse militaire. L’Élysée propose, dans son message, le rappel de la loi du 31 mai : la Montagne appuie. L’Élysée s’abstient de voter sur la loi municipale : la Montagne l’imite. L’Élysée, s’emparant du système d’abstention, recommande aux électeurs de ne se pas présenter aux comices de Paris : la démocratie, engagée par ses précédents, s’abstient également. L’Élysée, enfin, repousse la proposition des questeurs : la Montagne vote comme lui. La Montagne et l’Élysée font corps, la fusion paraît complète.

On a critiqué ce dernier vote des Montagnards : à mon avis, c’est sans justice. Déjà ils étaient dominés, absorbés : une volte-face du côté de la majorité n’eût servi qu’à rendre la situation plus compliquée, plus périlleuse, sans rien enlever de ses avantages au Président.

Par la proposition de rappel, ne l’oublions pas, Bonaparte était devenu le défenseur armé du suffrage universel ; la faveur du peuple pour lui, en ce moment, était au niveau du 10 décembre 1848. Lui ôter le commandement de l’armée, et livrer ce commandement au général Changarnier, à la contre-révolution, c’était pour la Montagne une inconséquence qu’expliquait sans doute la haine de l’homme, mais inexcusable devant la logique. Or, c’est la logique qui mène les affaires ; le sentiment n’y est qu’une cause de déception. On a dit que, le Président renversé, la Montagne aurait eu bon marché d’une majorité impopulaire. Peut-être : le 2 décembre a fait voir comment l’armée observe la discipline, et Changarnier, armé d’un décret de l’Assemblée, n’eut pas moins fait de besogne que Saint-Arnaud. Mais qui ne voit que si la Montagne se fût tournée contre le Président, le Président, résolu à ne pas céder, se serait insurgé au nom du suffrage universel contre l’Assemblée, que le peuple se serait joint à celui qui portait le drapeau de ses droits ; que la Montagne n’aurait pu suivre jusqu’au bout les conséquences de son vote, et aurait fini par se rallier à Bonaparte : qu’alors, son inconséquence eût éclaté au grand jour ; et que, victorieuse ou vaincue en compagnie de l’Élysée, elle perdait, avec sa dignité, le fruit de sa tactique ?

Pour moi, je partage entièrement l’opinion exprimée par Michel (de Bourges) et Victor Hugo. Ils ne pouvaient pas, comme ils l’ont dit, armer la loi du 31 mai, la contre-révolution ; ils ne pouvaient, sans abandonner la politique des principes pour celle des personnalités, mettre à ce point leur conduite en opposition avec leurs paroles. Le rejet du rappel de la loi du 31 mai et la proposition des questeurs étaient deux actes solidaires, que le bon sens défendait de scinder. Autant, par la proposition de l’Élysée, on rentrait dans la Constitution, autant, par celle des questeurs, vraie escobarderie, on en sortait. Voter aujourd’hui pour le suffrage universel, c’était prendre l’engagement de voter demain contre l’érection d’une dictature en opposition à la présidence : tout le malheur de la Montagne, dans cette occasion, a été de ne pas embrasser résolument la situation qui lui était faite, d’accepter, telle quelle, son alliance du moment avec l’Élysée, et d’en poursuivre jusqu’au bout les conséquences.

Mais les passions trop animées, les ressentiments trop acres, ne laissaient plus de place à la réflexion. À partir du 17 novembre, les rôles sont complètement intervertis, au détriment de la majorité, et sans bénéfice pour la Montagne. Au lieu de subalterniser la première, l’Élysée traîne à sa remorque la seconde, et comme il n’est l’allié d’aucune, il les domine toutes deux. La gauche sentait parfaitement ce qu’avait de fâcheux pour elle son attitude : ses orateurs et ses journaux n’épargnèrent rien pour établir leur indépendance, se séparer de la politique présidentielle, etc. Ces apologies récriminatoires étaient, dans la circonstance, fort inutiles, par conséquent elles étaient une faute de plus. Les démocrates, suivant leur habitude, par excès de scrupules, se perdaient. En politique, alors surtout qu’on opère sur l’intelligence bornée des masses, alors que les questions multiples et complexes tendent à se résumer en une formule simple, il n’y a que les faits qui comptent, le mérite des individualités est zéro. La Montagne tombait dans le piège où s’était prise la majorité. Au lieu de faire une opposition toute personnelle à Louis Bonaparte, elle n’avait qu’à se taire, et se tenir prête à partager avec lui le fruit de la victoire. Ne valait-il pas mieux, je raisonne ici, comme Thémistocle ou Machiavel, au point de vue de l’utile, que Michel (de Bourges) fût ministre d’état ou président du conseil le 4 décembre, que d’aller à Bruxelles, dans un exil sans gloire, pleurer l’erreur de l’invisible souverain ? Je sais bien que le peuple, sarcastique et goguenard, commençait à traiter les Montagnards de sénateurs, et qu’ils ne pouvaient, sans se démentir, tolérer de si injurieuses suppositions. Leur susceptibilité sera un trait de plus de la bonhomie de notre époque. César s’inquiétait peu des plaisanteries de ses soldats. Restez chez vous, âmes vertueuses ; donnez à vos femmes et à vos enfants l’exemple quotidien de la modestie et du parfait amour ; mais ne vous mêlez pas de politique. Il faut, demandez à ceux de 93, une conscience large, que n’effarouche point à l’occasion une alliance adultère, la foi publique violée, les lois de l’humanité foulées aux pieds, la Constitution couverte d’un voile, pour faire la besogne des révolutions…

Si la pensée du 24 février fut sans comparaison plus grandiose, plus généreuse, plus élevée que la fatalité du 2 décembre, il s’en faut qu’elle portât avec elle un aussi profond enseignement. Qu’un gouvernement s’affaisse sous le dégoût public ; qu’une démocratie se montre à son début pacifique, conciliatrice, pure de violence, de mensonge et de corruption ; qu’elle pousse la délicatesse jusqu’à la minutie ; le respect des personnes, des opinions et des intérêts, jusqu’au sacrifice d’elle-même : tout cela, produit d’une civilisation déjà avancée, matière à poésie et éloquence, comme dit Horace, Ut pueris placeas et declamatio fias, très-bon à rapporter dans la Morale en action, n’a rien de grave pour l’esprit, rien de philosophique.

Mais qu’un homme, dans l’état de délabrement où était tombé Louis-Napoléon avant le 2 décembre, président en partance, n’ayant depuis son élection, absorbé qu’il était ou couvert par ses ministres, rien fait qui fît valoir sa personne, contrarié, contredit, abandonné par ses fidèles ; surveillé par tous les partis, n’ayant de recommandation que celle d’un oncle mort aux îles, il y avait de cela trente-deux ans ! que cet homme, dis je, seul et contre tous, avec des moyens connus, et l’aide de deux ou trois affidés jusqu’alors profondément obscurs, tente un coup d’état et réussisse : voilà ce qui, mieux qu’aucun événement, montre la force des situations et la logique de l’histoire. Voilà sur quoi nous devons, républicains, profondément réfléchir, et qui doit nous mettre en garde pour la suite contre toute politique subjective et arbitraire.

Qu’on répète tant qu’on voudra que le 2 décembre a été un guet-apens, un acte de brigand, où l’armée s’est montrée féroce, le peuple lâche, le pouvoir scélérat : tout cela ne fait qu’embrouiller l’énigme. Certes, il fallait être un peu l’homme de Strasbourg et de Boulogne pour accomplir le 2 décembre ; mais en accordant à l’événement tous les caractères qu’on lui donne, il reste toujours à expliquer ceci : Comment celui qui échoua si misérablement à Boulogne et à Strasbourg, dans des circonstances qui, d’après nos mœurs insurrectionnelles, ne pouvaient que lui concilier une certaine estime, réussit à Paris dans des conditions odieuses ; comment à point nommé, le soldat, si sympathique à l’ouvrier, sous prétexte de discipline s’est montré impitoyable ; comment le peuple a été lâche, plus lâche que le gouvernement renversé par lui en 1848 ; comment, un matin, il s’est pris de haine pour la liberté, de mépris pour la Constitution, et d’adoration pour la force !

Il est certain, quoi qu’on ait dit du courage de l’armée au 2 décembre, que ce courage a été singulièrement excité par la défection complète, disons mieux, par l’adhésion formelle du peuple. Il est certain qu’un moment, le 3 et le 4, il suffit d’une poignée d’insurgés pour rendre douteux le succès du coup d’État, et que si, à cette heure, le peuple, remplissant les rues, avait magnétisé le soldat, la chance tournait contre Louis Bonaparte.

La masse, il faut l’avouer, parce que cela nous est encore plus honorable que de le taire, la masse, en haut et en bas, a été complice, ici par son inaction, là par ses applaudissements, ailleurs par une coopération effective du coup d’État du 2 décembre. Je l’ai vu, et mille autres, aussi peu suspects de bonapartisme, l’ont vu aussi : ce n’est pas la force armée, c’est le peuple, indifférent ou plutôt sympathique, qui a décidé le mouvement en faveur de Bonaparte.

La bataille était gagnée avant d’être livrée. Depuis trois ans la révolution méconnue, outragée, mise en péril, appelait un chef, je veux dire par-là, non plus un écrivain, un tribun, elle en avait de reste ; mais un homme en position de la défendre. Bonaparte n’avait à répondre que ces deux mots : Me voilà ! Eh bien ! ces deux mots, il les a dits, et comme en politique les intentions ne sont rien, les actes tout ; comme depuis un mois, Bonaparte faisait acte révolutionnaire, la révolution l’a pris au mot. Elle lui a donné la victoire, sauf plus tard à compter avec lui.

Comment, direz-vous, le peuple, au lieu de crier : Vive le Roi ou Vive la Ligue, n’a-t-il pas crié : Vive moi-même ? comment, en soutenant d’une main le suffrage universel avec Bonaparte, n’a-t-il pas défendu, de l’autre, contre Bonaparte, la constitution ? — Comment ! Vous connaissez peu la multitude ; l’histoire ne vous a point initié à sa psycologie.

Rien n’est moins démocrate, au fond, que le peuple. Ses idées le ramènent toujours à l’autorité d’un seul ; et si l’antiquité et le moyen âge nous ont transmis le souvenir de quelques démocraties, on trouve, en y regardant de près, que ces démocraties résultaient bien plus de la difficulté de poser le prince, que d’une intelligence véritable de la liberté.

A Athènes et dans toute la Grèce, les annales de la démocratie ne présentent guère qu’Une série d’usurpations, qui, ne parvenant jamais à se légitimer, à fonder des royautés, basiléïas, comme en Orient, étaient appelées tyrannies, dominations.

A Rome, lorsque l’institution antique des patronages et des clientèles eut été anéantie, et que la plèbe, sous la conduite des tribuns, eut triomphé du patriciat, personne n’eut garde de comprendre que ce qui restait à faire, pour assurer la liberté, c’était, après une loi agraire et une autre sur l’usure, une institution de garantie contre le cumul et la centralisation des pouvoirs. Une telle idée était prématurée pour l’époque ; l’humanité était réservée pour d’autres destins. Jules-César, héritier des Gracques, fut donc créé dictateur perpétuel ; et la même dignité continuée, sous le nom de Principal, à Octave et à ses successeurs, la constitution de la république fut remplacée par la constitution impériale. Le peuple eut du pain et des jeux ; mais ce fut fait de la liberté...

Dix-huit siècles se sont écoulés depuis celle révolution, lorsque le peuple français, ayant aboli ses institutions féodales, se trouve dans la même situation que celui de Rome. Que font alors les chefs populaires ? Toujours pleins du même préjugé, ils font décréter, sous le nom de République une et indivisible, un gouvernement plus savamment concentré que l’ancien, et qui taisait dire aux émigrés : « La royauté existe toujours en France ; il n’y manque que le roi. » Aussi la royauté ne se fit pas attendre : après quelques années d’agitation le pouvoir tomba, aux acclamations de la foule, aux mains de Napoléon...

En 1848, la centralisation créée par la république, l'empire et la monarchie constitutionnelle tendait à se dissoudre , quand tout a coup la démocratie se trouva de nouveau maîtresse des choses. Alors, comme si l’analogie des situations devait ramener perpétuellement les mêmes antinomies, l’influence rendue au peuple eut de nouveau pour résultat, non pas de remplir le vœu des classes moyennes, en poussant a la décentralisation, mais de réveiller la pensée d’une dictature. Les journées des 17 mars, 16 avril, 15 mai, n’eurent pas d’autre but ; enfin, aux journées de juin, la dictature fut instituée en la personne du général Cavaignac, l’homme qui l’ambitionnait le moins, contre ceux qui la voulaient le plus. L’exemple, couvert du prétexte de salut public, ne fut pas perdu : en 1849, nouvel essai de dictature, et toujours contre la démocratie, qui dès ce moment, préparant sa revanche pour 1852, ne caressa plus d’autre idée.

A la date du 2 décembre, les masses fatiguées aussi incapables de délibération que d’initiative ; la bourgeoisie inquiète, aimant à se reposer sur un chef complaisant delà garde de ses intérêts ; tous les partis étaient préparés pour cette grandi mesure, dont on espérait des résultats décisifs. Du côté des républicains, ce qui distinguait les hommes d'action des endormeurs, c’est que les premiers voulaient procéder par une dictature énergique, tandis que les seconds prétendaient qu’on se renfermât, quand même, dans la constitution.

Ajoutons que les idées monarchiques, reproduites chaque jour avec une publicité insultante, aidaient singulièrement à la marche de l’opinion dictatoriale. Le principe d’autorité admis par les royalistes comme nécessaire, par la démocratie comme transitoire, la pensée en ce moment était une : on ne différait que sur les mots. Des deux côtés, le pouvoir personnel, l’autorité d’un seul, apparaissait comme organe logique et moyen indispensable de solution. Aussi bien, sur la fin de 1831, n’était-il plus question de réformes, de créations, d’améliorations quelconques. Il s’agissait, avant tout, de se battre. Tous les partis armaient, fabriquaient de la poudre, captaient la faveur des militaires. Pour les uns le dictateur futur était Changarnier, pour les autres Ledru-Rollin ou n’importe qui. La situation, que tout le monde avait faite, mais avec laquelle personne ne comptait, voulut que ce fut Bonaparte.

Le 2 décembre au malin, une proclamation affichée dans la nuit apprend aux Parisiens à peine éveillés, « que l’Assemblée nationale est dissoute, le suffrage universel rétabli, le peuple convoque dans ses comices à l’effet de déclarer, par oui ou par non, s’il adhère au coup d’Etat, et s’il autorise Louis-Napoléon à faire une Constitution sur les bases de celle de l’an 8, et d’après les principes de 89. » Le tout, appuyé d’un nombre de canons et d’une force armée respectable. Telle est en substance la proclamation. Le surplus, on peut le considérer comme verbiage, eau bénite de cour, phrases de circonstance, parfois même inconsidérées. Le rappel de la constitution de l’an 8, par exemple, trahissait une préoccupation personnelle, et faisait tache au tableau. Mais n’y a-t-il pas de taches au soleil ? Et puis, qu’importait au peuple la constitution de l’an 8, plutôt que celle de l’an 2. plutôt que celle de l’an 3 ? Est-ce que la société écrit ses constitutions ? demandait M. de Maistre. Le peuple ne les lit pas davantage.

Or, voyez comme tout cela tombe d’à-propos :

Bonaparte dissout l’Assemblée par la force : Voila l'homme d’action, le dictateur !

Bonaparte en appelle au peuple : Voilà le SUFFRAGE UNIVERSEL !

Bonaparte s’en réfère aux idées de 89 : Voila la RÉVOLUTION !

Le peuple est logique, non pas à la façon des philosophes qui distinguent et qui argumentent ; il est logique comme le boulet qui sort du canon, comme le marteau de l’horloge, comme l’automate de Vaucanson. (.uniment eût-il pu s’opposer à l’entreprise de Louis Bonaparte ? Il lui aurait fallu, comme à Sganareile, distinguer entre fagots et fagots, accepter le suffrage universel d’une main, repousser de l’autre la constitution de l’an 8 ; applaudir du cœur à la déconfiture de la majorité réactionnaire, et soutenir du vote le principe de la représentation nationale : opération- subtiles dont la masse est incapable.

Ce n’est pas tout. Le Président s’était fait connaître jadis par des écrits socialistes : ses amis conservateurs en avaient presque demandé pour lui pardon au pays. Le peuple, qui juge les hommes d’après lui-même, sait qu’ils peuvent trahir et se vendre, mais qu’ils ne changent pas. Il dit, le mot est historique : Barbès a demandé pour nous un milliard aux riches ; Bonaparte nous le donnera ! Largesse ! comme au temps des rois. C’est tout le socialisme du peuple.

Bientôt on apprend que les généraux Changarnier, la terreur des faubourgs ; Cavaignac, si odieux depuis les journées de juin ; Bedeau, Lamoricière, le colonel Charras, ont été enlevés de leurs domiciles, enfermés à Mazas, pour être de là dirigés sur Ham. Le peuple jouit de la satisfaction donnée à ses haines ; il rappelle le mot de Changarnier aux représentants : Délibérez en paix ! et rit.

L’ne réunion de représentants, ayant à leur tète MM. Berner, O. Barrot, Creton, Vitet, etc., se forme au 10 e arrondissement. Elle est enlevée par la troupe, et conduite, entre deux rangs de soldats, au quai d’Orsay. Les citoyens, sur le passage de cette puissance déchue, se découvrent : le peuple, cruel comme les enfants, sans générosité, insulte à leur désastre : Ils Vont voulu ! Vainement ils invoquent la Constitution ! La Constitution, dit le peuple, vous l’avez les premiers et sciemment violée. C’est un chiffon «’ans une hotte.

Mais la Montagne ! Ses membres les plus populaire, Greppo, Nadaud , Miot, sont arrêtés aussi. C'était le commentaire de certains passages de la proclamation ou le Président, s’adressant à des égoïsmes d’un autre ordre, s’offrait comme sauveur de la société contre les menaces des Rouges, en même temps qu’il se présentait à la multitude comme le procureur de la Révolution. Le peuple, ingrat, infidèle à l’amitié , ne trouve à cette nouvelle que des railleries ignobles sur la perte des 25 francs. Les montagnards étaient dépopularisés, savez-vous pourquoi ? parce qu’ils étaient indemnisés. Le peuple, qui accueille sans sourciller une liste civile de 12 millions, attendu, dit-il, que cela fait aller le commerce, regarde l’indemnité de ses représentants comme un vol fait à sa bourse. 25 francs par jours ! des démocrates !... La démocratie, c’est l’envie.

Il n’y avait pas jusqu’à la hardiesse du coup de main qui n’amusât le peuple. On trouvait charmant d’avoir été prendre au lit ces hommes qui la veille parlaient de mettre Bonaparte a Vincennes, et d’en finir avec la république. Bravo ! bien touché, disaient les faubouriens. Aucune victoire de l’Empereur ne les impressionna plus vivement.

Cependant l’acte du 2 décembre n’en restait pas moins un attentat au premier chef contre la constitution et contre l’assemblée, partant contre la république elle-même. L’appel au peuple ne pouvait le couvrir : l’appel d’un individu au peuple ne peut prévaloir contre le droit écrit du peuple. Pour que l’appel au peuple put être pris en considération, il aurait fallu , au préalable, remettre les choses in statu quo. Au point de vue de la légalité, Bonaparte était donc coupable, passible de l’article 68 de la Constitution. Bien vrai était-il que cette Constitution avait été mainte fois violée par ceux qui parlaient maintenant de la défendre. Mais enfin elle était la loi, le monument de la révolution et de la liberté ; loin qu’il fallût déchirer le pacte, la démocratie n’avait d’appui que là.

Le peuple ne voulut rien entendre. Le peuple est toujours pour qui l’appelle ; et par cela seul que Bonaparte se soumettait à sa décision, il était sur d’être absous.

L’avenir dira, à vue des actes de Louis-Napoléon, si le coup d’état du 2 décembre fut, je ne dirai pas légitime, il n’y a point de légitimité contre la loi, mais, au point de vue de l’utilité publique, excusable. Tout ce qu’il m’appartient de l’aire, c’est d’en rechercher les éléments, la signification, la fatalité ; c’est, en rendant justice à ceux qui s’armèrent pour le combattre, de sauver l’honneur national.

La Montagne a fait noblement son devoir. Elle a scellé de son sang une cause juste, mais désespérée. Ce sang, celui de plusieurs milliers de citoyens, la proscription en masse du parti démocratique, ont lavé la patrie, et régénéré la révolution. L’Empereur à Sainte-Hélène disait, parlant des Espagnols : « Ma politique exigeait que l’Espagne entrât dans mon système : le changement de sa dynastie était nécessaire. Le peuple espagnol s’est soulevé ; c’était pour lui une question d’honneur : je n’ai rien à dire. » Qu’il me soit permis en ce moment de m’emparer des paroles de l’Empereur. Le salut de la patrie, je veux le croire, et la politique de Louis-Napoléon, politique de progrès, sans doute, exigeaient qu’il obtînt, à tout prix, une prorogation et une extension d’autorité. Les républicains ne pouvaient, sans lâcheté et sans parjure, permettre cette usurpation. Ils se sont immolés : honneur à eux ! Qu’on repousse leur principe, qu’on condamne leurs théories , qu’on proscrive leurs personnes, à la bonne heure ! Que les sycophantes de la tribune, de la presse et de la chaire reçoivent le prix de leurs calomnies : c’est de droit. La postérité rendra une pieuse justice aux vaincus, la France citera leurs noms avec orgueil.

Après l’héroïque Baudin , après Miot , qui seul entre ses collègues a retenu le privilège de la déportation, on cite, parmi les protestants les plus énergiques, Victor Hugo, le grand poète ; Michel (de Bourges), le profond orateur ; Jules Favre, le Cicéron républicain ; Charamaule, Madier-Montjau, Victor Schœlcher, Marc Dufraisse, le colonel Forestier, la rédaction du National, Le journal qui représentait plus spécialement la Constitution de 1848 ne devait pas y survivre : pourquoi les haines qu’il soulevait jadis ne sont-elles pas restées avec lui sous la barricade ?...

Que l’étranger, mieux instruit sur l’état de notre pays, la question posée en février, le degré d’intelligence des masses, le jeu des situations, la marche des partis, nous condamne à présent, s’il l’ose ! La nation française, qui a accompli déjà de si grandes choses, n’a pas atteint sa majorité. Des préjugés vivaces. une éducation superficielle, donnée par la corruption civilisée plutôt que par la civilisation ; de romanesques légendes, en guise d’instruction historique ; des modes plutôt que des coutumes ; de la vanité plutôt que de la fierté ; une niaiserie proverbiale, qui servait déjà, il y a dix-neuf siècles, la fortune de César autant que le courage de ses légions ; une légèreté qui trahit l’enfantillage ; le goût des parade- et l’entrain des manifestations tenant lieu d’esprit public ; l’ admiration de la force et le culte de l’audace suppléant au respect de la justice : tel est, en raccourci, le portrait du peuple français. De toutes les nations civilisées, c’est encore la plus jeune : que fera cet enfant devenu homme !... Toujours nous avons suivi nos maîtres, et nos querelles d’écoliers nous divisant en une multitude de bandes, toujours nous avons succombé dans nos protestations contre l’autorité, quand nous n’avons pas eu pour auxiliaire une fraction de l’autorité elle-même.

Au 2 décembre, après une campagne de 30 mois de l’Assemblée législative contre les institutions qu’elle était chargée de défendre, Te pouvoir exécutif, maître de l’armée, appuyé du clergé, de la bourgeoisie, d’une partie considérable de la classe moyenne , qu’effrayaient les éventualités de 52 , tente un coup d’Etat. Comme Charles X au 25 juillet 1830, le gouvernement partage la représentation nationale et les classes élevées : reste le peuple. Mais tandis que Charles X, en violant la Charte, attaquait la Révolution ; Bonaparte se réclame de la Révolution, et ne déchire le pacte, il le dit du moins, que pouf arriver au. partis royaliste ! : dès ce moment la multitude, si elle n’es ! pas pour lui tout entière, décent neutre. Les blouses de Saint-Antoine refusèrent nettement de marcher : la Montagne les trouva jouant au billard, et n’en put même obtenir un asile pour délibérer. Sur le boulevard, près de la mairie du 5 arrondissement, un poste ayant été enlevé par des insurges, ceux-ci furent assaillis par une bande d’ouvriers, et contraints de faire usage de leurs armes contre cet étranges alliés du pouvoir. Dans le quartier Saint-Marceau et la rue Mouffetard, on se fût attiré un méchant parti, en arrachant seulement un pavé. Ailleurs, le peuple fraternisait avec la troupe contre l’émeute et lui fournissait des vivres : on eût dit des compères du coup d’Etat. Des bourgeois, chiffonniers parvenus, fusillés par des soldats ivres jusque dans leurs foyers, n’en applaudissaient pas moins à la répression des brigands, dont le Constitutionnel et la Patrie leur racontaient les sinistres exploits. Dans quelques départements, si l’on en croit les relations officielles, le mouvement eut plus de gravité : cela tint à l’enrégimentation formée de longue main par les sociétés secrètes. Les paysans, en quelques endroits, étaient descendus sur la ville, avec leurs femmes et des sacs : ne dirait-on pas les hommes de Brennus ? Mais à peine la nouvelle se répand qu’à Paris les Rouges ont le dessous, ile les paysans se retirent et se prononcent pour Bonaparte. Le véritable Amphitryon est l’Amphitryon où l’on dîne ! Il n’y a pas de gens plus à leur aise, dans les moments critiques, que nos Sosies gaulois.

Étonnez-vous, après cela, des 7,600,000 voix données le 20 décembre à Louis-Napoléon. Oh ! Louis-Napoléon est bien réellement l’élu du peuple. Le peuple, dites-vous, n’a pas été libre ! le peuple a été trompé ! le peuple a eu peur ! Vains prétextes. Est-ce que des hommes ont peur ? est-ce qu’ils se trompent en cas pareil ? est-ce qu’ils manquent de liberté ? C’est nous, républicains, qui l’avons répété sur la foi de nos traditions les plus suspectes : La voix du Peuple est la voix de Dieu. Eh bien ! la voix de Dieu a nommé LouisNapoléon. Comme expression de la volonté populaire, il est le plus légitime des souverains. Et à qui vouliez-vous donc que le peuple donnât ses suffrages ? Nous l’avons entretenu, ce peuple, de 89, de 92, de 93 : il ne connaît toujours que la légende impériale. L’empire a effacé, dans sa mémoire, la république. Est-ce qu’il se souvient du comte de Mirabeau, de M. de Robespierre, de son ami Marat, du Père Duchesne ? Le peuple ne sait que deux choses, le Bon Dieu et l’Empereur, comme jadis il savait le Bon Dieu et Charlemagne. Si les mœurs du peuple se sont incontestablement adoucies depuis 89, sa raison est restée à peu près au même niveau. En vain nous avons expliqué à ce monarque imberbe les Droits de l’homme et du citoyen ; en vain nous l’avons fait jurer par cet adage, la République est au-dessus du Suffrage universel. Il prend toujours ses houseaux pour ses jambes, et il pense que le mieux battant est celui qui a le plus raison.

Comprendrons-nous, enfin, que la république ne peut avoir le même principe que la royauté, et que prendre le suffrage universel pour base du droit public, c’est affirmer implicitement la perpétuité de la monarchie ? Nous sommes réfutés par notre propre principe ; nous avons été vaincus, parce que, à la suite de Rousseau et des plus détestables rhéteurs de 93, nous n’avons pas voulu reconnaître que la monarchie était le produit, direct et presque infaillible, delà spontanéité populaire ; parce que, après avoir aboli le gouvernement par la grâce de Dieu, nous avons prétendu, à l’aide d’une autre fiction, constituer le gouvernement par la grâce du Peuple ; parce que, au lieu d’être les éducateurs de la multitude, nous nous sommes faits ses esclaves. Comme à elle, il nous faut encore des manifestations visibles, des symboles palpables, des mirlitons. Le roi détrôné, nous avons mis la plèbe sur le trône, sans vouloir entendre qu’elle était la racine d’où surgirait tôt ou tard une tige royale, l’oignon d’où sortirait le lys. À peine délivrés d’une idole, nous n’aspirons qu’à nous en fabriquer une autre. Nous ressemblons aux soldats de Titus, qui, après la prise du Temple, ne pouvaient revenir de leur surprise, en ne trouvant dans le sanctuaire des Juifs ni statue, ni bœuf, ni âne, ni phallus, ni courtisanes. Ils ne concevaient point ce Jéhovah invisible : c’est ainsi que nous ne concevons pas la Liberté sans proxénètes !

Qu’on pardonne ces réflexions amères à un écrivain qui joua tant de fois le rôle de Cassandre ! Je ne fais point le procès à la démocratie, pas plus que je n’infirme le suffrage qui a renouvelé le mandat de Louis-Napoléon. Mais il est temps que disparaisse cette école de faux révolutionnaires, qui, spéculant sur l’agitation plus que sur l’intelligence, sur les coups de main plus que sur les idées, se croient d’autant plus vigoureux et logiques, qu’ils se flattent de mieux représenter les dernières couches de la plèbe. Et croyez-vous donc que ce soit pour plaire à cette barbarie, à cette misère, et non pas pour la combattre et la guérir, que nous sommes républicains, socialistes et démocrates ? Courtisans de la multitude, c’est vous qui êtes les embarreurs de la révolution, agents secrets des monarchies que balaye la liberté, et que relève le suffrage universel.

Qui donc a nommé la Constituante, pleine de légitimistes, de dynastiques, de nobles, de généraux et de prélats ? — Le suffrage universel.

Qui a fait le 10 décembre 1848 ? — Le suffrage universel.

Qui a produit la Législative ? — Le suffrage universel.

Qui a donné le blanc-seing du 20 décembre ? — Le suffrage universel.

Qui a choisi le Corps législatif de 52 ? — Le suffrage universel.

Ne peut-on pas dire aussi que c’est le suffrage universel qui a commencé la réaction le 16 avril ; qui s’est éclipsé derrière le dos de Barbès le 15 mai ; qui est resté sourd à l’appel du 13 juin ; qui a regardé passer la loi du 31 mai ; qui s’est croisé les bras le 2 décembre ?…

Et je le répète, lorsque j’accuse ainsi le suffrage universel, je n’entends nullement porter atteinte à la Constitution établie, et au principe du pouvoir actuel. J’ai moi-même défendu le suffrage universel, comme droit constitutionnel et loi de l’État ; et puisqu’il existe, je ne demande point qu’on le supprime, mais qu’il s’éclaire, qu’il s’organise et qu’il vive. Mais il doit être permis au philosophe, au républicain, de constater, pour l’intelligence de l’histoire et l’expérience de l’avenir, que le suffrage universel, chez un peuple dont l’éducation a été aussi négligée que le nôtre, avec sa forme matérialiste et héliocentrique, loin d’être l’organe du progrès, est la pierre d’achoppement de la liberté.

Pauvres et inconséquents démocrates ! Nous avons fait des philippiques contre les tyrans ; nous avons prêché le respect des nationalités, le libre exercice de la souveraineté des peuples ; nous voulions prendre les armes pour soutenir, envers et contre tous, ces belles, ces incontestables doctrines. — Et de quel droit, si le suffrage universel était notre règle, supposions-nous que la nation russe fût le moins du monde gênée par le tsar ; que les paysans polonais, hongrois, lombards, toscans, soupirassent après leur délivrance ; que les lazzaroni fussent pleins de haine pour le roi Bomba, et les transtéverins d’horreur pour monsignor Antonelli ; que les Espagnols et les Portugais rougissent de leurs reines dona Maria et Isabelle, quand notre peuple à nous, malgré l’appel de ses représentants, malgré le devoir écrit dans la Constitution, malgré le sang versé et la proscription impitoyable, par peur, par bêtise, par contrainte ou par amour, je vous laisse le choix, donne 7,600,000 voix à l’homme que le parti démocratique détestait le plus, qu’il se flattait d’avoir usé, ruiné, démoli, par trois ans de critiques, d’excitations, d’insultes ; quand il fait de cet homme un dictateur, un empereur ?…