La Révolte des machines (Rolland)/Acte IV

Éditions du Sablier (p. 59-64).


ACTE IV

La glorieuse destruction des Machines
par le génie de l’homme.

Scène I. — On est de nouveau transporté en bas, sur le plateau, au pied des murailles abruptes. Et l’on voit le campement de l’armée des Machines.

Les monstres obligent les hommes, qu’ils ont faits prisonniers, à les servir, huiler, bouchonner, astiquer. Le Président est du nombre. Il lui est enjoint de ramper sous le ventre d’une machine, pour quoi faire ?… Il ne parvient pas à le savoir : car il ne comprend toujours pas… Et son despote d’acier gronde, fume, crache, le secoue rudement. Il ressort à quatre pattes, huileux et noir comme un ramoneur.

C’est à ce moment qu’apparaissent, descendant la pente raide, Marteau Pilon, avec les deux jeunes gens. Les Machines, ses filles, l’accueillent par des barrissements de triomphe.

Chacun des trois hardis compagnons travaille, à sa façon, pour s’emparer de l’ennemi par surprise.

Aviette, après avoir flatté, cajolé, enjôlé de belles machines, se jette hardiment sur la croupe d’une auto emportée et la dompte, avec l’aide de son grand chien qui aboie autour de l’auto et l’affole. (Scène héroï-comique, où la redoutable machine s’épeure des jappements du chien, et fait, par habitude, des embardées périlleuses, pour l’éviter.)

Rominet, sournoisement, dévisse les pièces d’une ou deux machines, sous prétexte de les nettoyer, et les laisse piteusement sur le flanc, furieuses et grondantes, mais impuissantes à se relever.

Quant à Marteau Pilon, les Machines, qui ont besoin de lui et qui connaissent sa force, lui témoignent des marques certaines de considération, mais à distance. Elles se méfient. Il est trop fort !

Marteau Pilon use d’astuce. Il sème la discorde entre elles. Orgueilleuses et bornées, elles s’admirent et sont glorieuses qu’on les admire. Il admire donc les unes, pour exciter la jalousie des autres. Il persuade à celles-là qu’elles sont les plus belles, les plus fortes, qu’à elles appartient l’autorité suprême. Rominet le seconde, en imitant sa tactique dans le groupe des machines jalouses. Bientôt, elles se provoquent. En peu de temps, la guerre est déclarée entre elles. On les voit, hennissant, mugissant, bondissant, ruadant, pétaradant. Elles se ruent les unes contre les autres. Quand la mêlée s’engage, Marteau Pilon détale avec Aviette et Rominet ; et ils se hissent de nouveau le long de la muraille à pic.

Le spectateur se retrouve au faîte de la crête, « au-dessus de la mêlée », pour mieux la contempler.

Avions contre hydravions, tanks et machines de guerre contre machines de paix, laminoirs, scies mécaniques, perforatrices, etc. On les voit s’empoigner, rouler sur le flanc des rocs, culbuter dans les airs, s’éventrer, se fracasser, exploser, couler au fond des mers.

(Au gré du metteur en scène, on pourra passer des airs où les avions s’étreignent comme des abeilles, au fond des océans où les sous-marins se transpercent comme des narvals.)

Et les trois vainqueurs, Marteau Pilon, Aviette et Rominet, ayant remonté la pente, apparaissent au faîte, parmi les acclamations délirantes de la petite humanité survivante et sauvée.