La Psychanalyse/Dictionnaire

Texte établi par Encyclopédie du monde actuel, coll. Le Livre de Poche,  (p. 37-201).

Dictionnaire

Acte manqué

1. En psychanalyse, on appelle actes manqués un ensemble de phénomènes qui se produisent lorsqu’un individu s’exprime ou agit autrement qu’il n’avait l’intention de le faire. Cette notion englobe des erreurs d’expression (lapsus), de lecture ou d’audition, qui se traduisent par des interversions ou des confusions et qui font souvent dire à un individu le contraire de ce qu’il voulait dire. D’autres phénomènes résultent de l’oubli momentané d’un mot ou d’un projet. Certains enfin se caractérisent par des pertes incompréhensibles d’objets familiers. Ce sont des incidents apparemment insignifiants, qui n’ont guère de conséquence pratique. C’est pourquoi ils ne donnent lieu qu’à de faibles émotions.

2. L’individu peut ne pas s’en apercevoir. Quand il lui arrive de prendre conscience de l’écart existant entre son intention et le résultat obtenu, il l’explique volontiers par son inattention ou par le hasard. Il est possible encore de recourir à des explications d’ordre physiologique. Ainsi les lapsus se produisent souvent quand on est fatigué ou que l’on souffre d’un mal de tête. Cependant Freud a montré dans « Psychopathologie de la vie quotidienne » (1901) qu’il ne s’agit pas simplement d’un fonctionnement défectueux de l’appareil psychique, mais d’actes psychiques complets, dont l’étude peut avoir une portée profonde.

3. Pour Freud, les actes manqués sont des formations de compromis, qui naissent de l’opposition de deux tendances ou intentions concurrentes, dont une est manifeste et l’autre latente. À travers l’acte manqué, l’individu résout ce conflit, en manifestant de façon déformée la tendance latente. Le lapsus peut être ainsi un compromis entre une intention respectueuse relevant de la volonté consciente du sujet, et une intention injurieuse refoulée. Pour cette raison, l’acte manqué est en même temps un acte réussi : il est l’expression d’un désir inconscient. Comme le rêve, il masque tout en rendant explicite quelque chose qu’il est impossible de refouler complètement.

4. Dans la mesure où les actes manqués ont un sens par rapport à l’interférence de deux intentions et non par rapport à des influences d’ordre physiologique (qui ne font que faciliter ces manifestations psychiques), Freud y voit surtout une possibilité de dépasser les limites de la psychologie traditionnelle. Aussi n’hésite-t-il pas à écrire que « les actes manqués, comme tels, nous intéressent peu ». Leur étude est un préalable à l’approche de la psychanalyse. Elle met en avant l’existence de tendances latentes susceptibles d’en perturber d’autres et de mettre en cause l’équilibre psychique du sujet. Elle annonce une conception dynamique des phénomènes psychiques.

5. L’analyse des actes manqués élargit non seulement le champ de la psychologie, mais encore celui de la psychanalyse. D’abord parce que ces manifestations psychiques sont compatibles avec un bon état de santé et sont observables par tous : elles ne relèvent pas en général de la pathologie; ensuite parce qu’on peut les rapprocher d’actes symptomatiques comme les tics ou le fait de chantonner une même mélodie sans motif apparent. Ces anomalies du comportement, qui sont familières à tous, se laissent interpréter de la même manière que les actes manqués. À travers leur étude, la psychanalyse vise la compréhension de l’être humain dans sa totalité.

Voir aussi : Ambivalence.

Acting out

1. L’acting out est une mise à Jour brutale des pulsions, des fantasmes, des désirs inconscients d’un individu. La postposition « out » ayant deux sens en anglais, cette expression indique que ce qui est d’habitude refoulé est, d’une part, extériorisé par le sujet (« out » signifie ici dehors), et, d’autre part, s’exprime à fond (« out » suggère alors l’idée de complétude). Le verbe allemand « agieren », employé par Freud, et l’expression française « mise en acte » n’expriment pas cette double signification. C’est pourquoi les psychanalystes de langue française leur préfèrent le terme anglais « acting out », proposé par Ernst Kris en 1951 dans un de ses articles.

2. Dire que le refoulé s’exprime à fond signifie que le sujet va beaucoup plus loin qu’avec un acte manqué : l’acte manqué est un compromis entre l’activité consciente du sujet et les désirs inconscients qu’il refoule, permettant à ceux-ci d’apparaître de façon plus ou moins voilée (dans un lapsus par exemple). Ici, au contraire, le sujet a une attitude agressive et ne craint pas de mettre gravement en jeu son équilibre psychique en rejetant tout mécanisme de défense. Alors que l’acte manqué est ponctuel, l’acting out est un relâchement systématique et complet du refoulement.

3. Cette agressivité est susceptible de s’exercer aussi bien à l’ encontre de l’individu lui-même que d’une autre personne. Mais, la plupart du temps, le retour du refoulé s’accomplit pendant ou après une séance de cure, en réaction au travail du psychanalyste. Il manifeste alors le refus du transfert de la part du patient. En général, dans la cure, les désirs inconscients du sujet apparaissent d’une manière détournée, par la substitution de la personne du psychanalyste (qui devient l’objet de son désir) à une personne antérieurement connue. C’est ce que Freud appelle le transfert. Il s’agit d’une étape importante qui doit mener le patient à la guérison de ses troubles mentaux. Seulement, il arrive que ce patient exprime ses désirs de façon impulsive, en refusant ce compromis qu’est le transfert. L’acting out marque ainsi la fin brusque de la relation analytique.

4. Jacques Lacan oppose, dans « Réponse au Commentaire de Jean Hippolyte sur la Verneinung de Freud » (1954), acting out et hallucination. Dans les deux cas, ce que le sujet refoulait jusqu’alors réapparaît. Mais tandis que l’hallucination est subie et se présente comme une « passion du sujet », l’acting out suppose que le sujet agit. Ce n’est plus sa perception consciente qui se trouve modifiée, sans qu’il le veuille, c’est lui-même qui apporte des réponses au psychanalyste. Celles-ci, tout en paraissant parfois incongrues, n’en traduisent pas moins la violence de ses pulsions et rendent impossible la poursuite de la cure.

5. Certains psychanalystes emploient le terme d’ « acting in » pour désigner les actes qui se produisent durant la séance analytique et celui d’acting out pour ceux qui se manifestent en dehors d’elle. D’autres auteurs n’établissent pas de distinction entre l’acting out et le « passage à l’acte », bien que cette dernière expression, utilisée d’autre part en clinique psychiatrique, se rapporte plutôt à des actes Impulsifs violents (agressions sexuelles, automutilation, etc. ) n’ayant pas nécessairement un rapport avec le transfert.

Voir aussi : Transfert.

Adler (Alfred)

1. Associé à la naissance du mouvement psychanalytique, dont il devait rapidement se séparer, disciple dissident, puis rival de Freud, Alfred Adler est le fondateur d’une école de psychothérapie dynamique orientée vers l’étude des relations de l’individu avec son milieu social en fonction d’une théorie de la personnalité qui néglige le rôle de la sexualité et de l’inconscient au profit du moi et de l’instinct d’agression.

2. Né à Vienne (Autriche) le 7 février 1870, Alfred Adler devient dès la fin de ses études médicales (1895) l’un des premiers disciples de Freud. Dans une étude sur les rapports entre les déficiences organiques congénitales et les troubles psychiques (1907), il souscrit sans réserves aux thèses freudiennes pour expliquer la tendance de certains névropathes à compenser leur « sentiment d’infériorité » par des manifestations agressives. Dans cette attitude, Adier décèle une protestation virile contre le sentiment de faiblesse lié à la féminité que tout individu porte en lui. Mais il renonce très vite à cette application dogmatique du freudisme pour défendre un point de vue diamétralement opposé.

3. Pour Adler, ce n’est pas la pulsion sexuelle, mais l’aspiration à la perfection qui rend intelligible le dynamisme de la vie psychique. L’hérédité, l’éducation, les hasards sociaux ont déterminé dès l’enfance l’idéal que chaque individu s’efforce d’atteindre par son style de vie. Destinée à compenser le sentiment d’infériorité ressenti initialement par l’enfant face au monde adulte, cette construction psychique protège le sentiment de supériorité qui anime les conduites humaines.

4. Dans la névrose, l’individu fuit le contact d’une réalité décevante pour sauvegarder sa supériorité fictive. L’interprétation adlérienne des symptômes névrotiques recherchera donc les aspirations idéales à demi-conscientes du patient. Elle tentera de lui faire accepter ses véritables « dimensions » pour favoriser sa réinsertion dans la vie sociale. L’analyse adlérienne utilise les mêmes procédés de traitement que les autres doctrines de psychothérapie dynamique (psychanalyse de Freud ou psychothérapie analytique de Jung). C’est la nature des conflits analysés et les schémas d’explication proposés qui font son originalité.

5. Les rivalités personnelles accentuant les oppositions doctrinales, Adler rompt, dès 1911, avec Freud, pour qui d’ailleurs « les enseignements adlériens scientifiquement inexacts, mettent en péril le développement futur de la psychanalyse ». Complexe infantile non liquidé de révolte contre le père, selon les freudiens, l’« affaire Adler » ne semble guère avoir remis en question la suprématie du maître viennois.

6. Après sa rupture avec Freud, Adler poursuit jusqu’à sa mort en 1937 son activité de clinicien et son œuvre théorique. En dépit des oppositions qu’il suscite, sa contribution à la psychopédagogie moderne, telle qu’il l’a exposée dans « La Psychologie de l’enfant difficile » ou « L’Éducation des enfants », ne peut être négligée. Par l’attention qu’il porte aux aspects sociaux des problèmes psychiques, reflet, peut-être, de ses profondes convictions socialistes, sa doctrine est pour certains l’indispensable complément et non l’irréductible antithèse des idées freudiennes.

Voir aussi : Complexe d’infériorité.

Affect

1. Terme particulier du langage psychanalytique emprunté à la psychologie allemande (Affekt), l’affect désigne tout état émotif ou affectif, agréable ou pénible. En psychanalyse clinique, il n’existe que des affects fusionnés ou des « constructions d’affect » (Freud). C’est donc plutôt un terme catégoriel qui regroupe tous les aspects subjectifs et qualitatifs de la vie émotionnelle au sens le plus large (sensations, sentiments, émotions, passions, etc.). Chez Freud, l’affect ne se comprend que par l’intermédiaire de la pulsion, laquelle s’exprime sous deux formes : la représentation et l’affect.

2. Dès 1895, avec les premiers travaux de Freud et Breuer sur la psychothérapie de l’hystérie, la notion d’affect prend de l’importance. Le symptôme hystérique aurait pour origine un événement traumatique auquel n’a pas correspondu une décharge adéquate : c’est I’« affect coincé ». Le processus de remémoration peut alors provoquer la reviviscence de l’affect lié à l’événement et être thérapeutiquement efficace. « Je connais, dit Freud dans « La Naissance de la psychanalyse », trois mécanismes : 1° celui de la conversion des affects (hystérie de la conversion) ; 2° celui du déplacement de l’affect (obsessions) ; 3° celui de la transformation de l’affect (névrose d’angoisse, mélancolie). »

3. Plus tard, dans ses travaux sur l’Inconscient et le refoulement (1915), Freud définit l’affect comme la « traduction subjective de la quantité d’énergie pulsionnelle ». En outre, parlant du « quantum d’affect » (Affektbetrag), il dit qu’il « correspond à la pulsion pour autant que celle-ci s’est détachée de la représentation et trouve une expression adéquate à sa quantité dans des processus qui nous deviennent sensibles comme affects ». À la question posée par Freud : « Est-il légitime de parler d’affect inconscient ? », beaucoup de réponses furent données, mais toutes sont des hypothèses de travail plutôt que des résultats définitifs.

4. Dans l’école anglaise influencée par Mélanle Klein, l’affect disparaît pour laisser place au fantasme. Glover et Brierly (1939) contestent l’importance accordée par Freud à l’élément représentatif de la pulsion et ne reconnaissent que les affects fusionnés. Chez les Américains Heinz Hartmann et Rapaport, le point de vue « topique » de Freud devient « structural et génétique ».

5. L’école française, dominée par les travaux de Mallet et de Bouvet, conçoit l’affect sous son aspect purement « économique » ; ses préoccupations restent beaucoup plus cliniques que théoriques. Critiquant Bouvet, Lacan va jusqu’à nier l’affect et affirme : « Dans le champ freudien, l’affect est inapte à tenir le rôle de sujet protopathique, puisque c’est un service qui n’a pas de titulaire. »

6. Ces divergences tiennent peut-être plus à la complexité et à la difficulté inhérentes au concept même d’affect qu’à des querelles d’écoles. Déjà chez Freud, on rencontre deux pôles de recherches : l’un se référant plus ou moins à l’inconscient, et l’autre qui renvoie à la physiologie et à la psychologie expérimentale. Là, Freud parle même de « reproductions d’événements anciens d’importance vitale et éventuellement préindividuels » et les compare, du point de vue du vécu, à ces « accès hystériques universels, typiques et innés ».

Voir aussi : Refoulement.

Ambivalence

1. Le terme ambivalence a été créé en 1910 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) pour désigner un des principaux symptômes de la schizophrénie : l’impression de ressentir à la fois deux sentiments contraires à propos d’une même représentation mentaie, le désir simultané d’ une chose et de son contraire, l’énonciation de propositions contradictoires. L’ambivalence ne présente pas pour autant toujours un aspect pathologique. Les tragédies classiques montrent ainsi comment peuvent coexister chez une même personne l’amour et la haine envers une autre. C’est pourquoi Eugen Bleuler reconnaissait l’existence d’une ambivalence normale.

2. Freud a emprunté ce terme à Eugen Bleuler (qui fut un de ses premiers adeptes). Il a souligné l’importance de l’ambivalence au niveau du conflit œdipien : l’enfant éprouve à la fois de l’amour et de la haine à l’égard de son père. Cette ambivalence se retrouve dans les symptômes névrotiques, comme il le montre à propos du cas du petit Hans et, durant la cure, dans le transfert négatif. De même, dans la mesure ou elles s’appuient sur des conflits, les formations de compromis comme le rêve ou l’acte manqué peuvent être dites ambivalentes : en elles se manifestent deux pulsions antagonistes de force égale.

3. Dans ce que l’on appelle la première conception de Freud, le terme ambivalence est introduit pour caractériser un moment de l’histoire de l’opposition entre les pulsions du moi et les pulsions sexuelles. Les premières assurent la conservation de l’individu ; c’est avec elles que naît la haine. Les secondes assurent l’obtention du « plaisir d’organe » et sont la source de l’amour. Un des modes de résolution de ce conflit est le renversement de la pulsion sexuelle en son contraire: l’amour se transforme en haine. Mais ce renversement ne s’accomplit jamais en totalité. Les différents stades du développement des pulsions coexistent toujours plus ou moins. Cette situation peut être à l’origine des psychoses et des névroses obsessionnelles.

4. A partir d’« Au-delà du principe de plaisir » (1920), Freud retrouve l’ambivalence dans l’opposition entre les pulsions de vie et les puisions de mort. D’autre part, elle apparaît à un stade intermédiaire entre l’union des pulsions et leur désunion (qui rend simultanément à chaque pulsion son but et son objet, et ne s’observe que dans des cas cliniques limites). Parce qu’elle fait converger les pulsions vers un même objet, mais ne les mélange pas encore, l’ambivalence est une « union qui ne s’est pas réalisée ». En conséquence, elle joue un rôle de plus en plus important dans l’étude de la névrose obsessionnelle.

5. Après Freud, la notion d’ambivalence a ouvert de nouvelles perspectives. Karl Abraham qualifie les différents stades libidineux de stade préambivalent (stade oral primaire), stade ambivalent (stades sadique oral et sadique anal), stade postambivalent (stade génital) pour préciser l’évolution de la relation de l’individu à l’objet de ses désirs. Pour Mélanie Klein, l’ambivalence apparaît d’emblée avec la pulsion. Il n’existe pas de stade préambivalent. Le dualisme des puisions est inhérent à toute l’évolution humaine. Le problème de la recherche de l’unité apparaît alors comme l’une des pierres angulaires de la psychanalyse.

Voir aussi : Complexe d’Œdipe, Stades.

Angoisse

1. L’angoisse est un état d’attente d’un danger et d’oppression. Elle équivaut à l’anxiété, ces deux mots traduisant indifféremment le terme allemand Angst. Elle se distingue de la nervosité par le fait qu’un individu nerveux peut présenter beaucoup de symptômes sauf la tendance à l’angoisse et qu’inversement un individu anxieux peut ne pas être nerveux. Freud présente l’angoisse comme une impulsion libidinale venue de l’inconscient et inhibée par les mécanismes de défense de l’individu. Des excitations trop intenses convergent pour provoquer une situation traumatisante et déclenchent des affects désagréables.

2. L’angoisse désorganise le comportement sans que le sujet en saisisse la cause profonde. Elle se distingue donc de la peur, créée par un objet déterminé. Freud a été amené à préciser cette distinction en désignant la peur face à un danger extérieur par le terme d’angoisse réelle (Realangst). L’angoisse proprement dite est qualifiée d’angoisse névrotique (morbide) en ce sens que l’individu attend sans cesse un malheur, tout en ne portant son attention sur aucune réalité particulière. Quant à la frayeur et à la terreur, elles sont provoquées par un danger immédiat, auquel le sujet n’était pas préparé ; elles se différencient des deux formes précédentes de l’angoisse parce que c’est précisément pour se défendre de la terreur que l’homme est angoissé.

3. L’individu acquiert l’expérience de l’angoisse dès la naissance. Freud explique ainsi que la naissance est « le premier fait d’angoisse et, par conséquent, la source et le modèle de toute angoisse ». Otto Rank (1884-1939) a développé ce point en précisant que le traumatisme de la naissance est la source et le noyau de l’inconscient. Le cas typique de l’état d’angoisse est celui qu’éprouve un enfant lorsqu’il est laissé seul dans une pièce obscure. Cette situation lui rappelle inconsciemment sa situation intra-utérine. Toute sensation d’angoisse renvoie ainsi à l’angoisse physiologique, respiratoire, qui accompagne la naissance.

4. Lorsque l’individu ne parvient pas à effacer les traces de ce traumatisme de la naissance des troubies névrotiques apparaissent. Ils sont liés alors à une menace en rapport avec une tension sexuelle. L’absence de relations sexuelles (volontaire ou non) ou le coït interrompu, par exemple, peuvent en être la source. En analysant ce mécanisme, Freud a défini une névrose d’angoisse, là où l’on avait coutume de parler de neurasthénie. Il a montré d’autre part que l’angoisse n’était pas seulement une fuite devant la libido, mais aussi une forme d’expression de la libido. Le conflit entre les tensions libidinales et le moi se résout par une décharge de la libido sous forme d’angoisse, sans passer par la médiation d’une élaboration psychique et provoque des troubies somatiques.

5. Il faut distinguer la névrose d’angoisse et l’hystérie d’angoisse. Cette dernière apparaît quand l’angoisse se fixe sur un objet précis, qui sert de substitut à la cause réelle, et évolue en phobie. Les symptômes de l’hystérie d’angoisse remplacent, par association, la reviviscence d’expériences traumatisantes. Ils sont suivis parfois d’une névrose obsessionnelle. Dans la mesure où, à la différence des symptômes de la névrose d’angoisse, ceux de l’hystérie d’angoisse résultent d’un travail psychique de conversion de l’énergie libidlnale, Freud précise que la névrose d’angoisse est le fondement somatique de l’hystérie d’angoisse.

Voir aussi : Libido.

Anthropologie

1. Après avoir été, durant de longs siècles, tributaire de la théologie (l’homme ne pouvant être compris que par référence à son Créateur), l’anthropologie devient, avec Broca (1824-1880) et Quatrefages de Bréau (1810-1892), un prolongement des sciences de la nature. Quatrefages la définit ainsi : « une histoire naturelle de l’homme ». Il s’agit de décrire et de classer les divers caractères morphologiques des êtres humains ; d’analyser leurs variations en milieu naturel. C’est l’anthropologie physique.

2. Ce point de vue est repris dans l’œuvre d’un anthropologue français contemporain : André Leroi-Gourhan. Mais celui-ci y ajoute l’étude des variations en milieu humain. Partant de faits biologiques comme la station verticale et la préhensibilité manuelle de l’homme, André Leroi-Gourhan y relie la technique et le langage. Dans ses œuvres « Milieu et Techniques » (1945) et « Le Geste et la Parole » (1945), il découvre le jeu dialectique entre milieu naturel, biologie humaine et techniques, jeu qui rendrait compte, selon lui, de la diversité des types et des cultures.

3. Pour l’école culturaliste américaine, représentée notamment par Margaret Mead, Ruth Benedict, Eric Fromm, les types de comportements humains sont fonction des modèles culturels (patterns) en vigueur dans le groupe. Margaret Mead a donné de saisissants exemples d’inversion des rôles masculin et féminin selon les valeurs reçues dès la petite enfance dans le groupe social. De même, une tribu aurait vocation de paix ou de guerre pour des raisons culturelles. Il y a des cultures à dominante d’harmonie et des cultures privilégiant la violence. Les faits culturels seraient donc les données anthropologiques fondamentales, mais le fait culturel lui-même doit être, selon cette école, interprété à la lumière de la psychanalyse.

4. C’est également à l’inconscient, mais par un autre chemin, que renvoie l’anthropoiogie structurale de Claude Lévi-Strauss. Appliquant à l’anthropologie les acquisitions de la linguistique structurale, Claude Lévi-Strauss, cherchant à résoudre le problème de la prohibition de l’inceste, découvre des structures de parenté dont toutes les variations résultent de règles simples, qui sont des règles d’échange et qui s’imposent aux individus en vertu d’une logique inconsciente.

5. De même l’étude des mythes montre qu’ils sont structurés comme un langage. Analysant, dans « Le Cru et le Cuit », 187 mythes amérindiens, Lévi-Strauss les traite comme un ensemble à l’intérieur duquel il y a des corrélations, des permutations, des transformations. Toute cette combinatoire est susceptible d’un traitement mathématique. Ainsi l’anthropologie structurale introduirait-elle la notion d’un esprit humain ayant élaboré dès l’origine, de façon inconsciente, tous les systèmes logiques possibles, dont les différents types culturels empiriques ne sont que des cas particuliers.

6. La validité d’une anthropologie est mise en question dans l’interprétation du marxisme par Louis Althusser et dans l’œuvre philosophique de Michel Foucault. Contestant la valeur épistémologique du concept d’homme, ces penseurs voient dans l’anthropologie non une science, mais une idéologie.

{{droite|Voir aussi : « Mœurs et sexualité en Océanie », « La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives ».

« Anti-Œdipe (L’) »

1. La contestation psychanalytique du freudisme trouve son expression la plus radicale dans l’ouvrage du philosophe Gilles Deleuze et du psychanalyste Félix Guattari : « L’Anti-Œdipe » (Éditions de Minuit), publié en 1972. Dès la parution du livre, on se demande si son succès est dû au scandale ou si, par-delà le parti pris de contestation globale, fréquent dans la production philosophico-littéraire contemporaine, il ne recouvre pas une analyse profonde aux effets durables. Écrire dès les premières lignes : « Ça respire, ça chauffe, ça mange, ça chie, ça baise » dénote de la part des auteurs une volonté assez étonnante de renouvellement du langage scientifique.

2. Gilles Deleuze, qui avait habitué ses lecteurs à un tout autre style, n’abdique pourtant pas ses thèmes favoris. Le sens, le signe, la lecture de Nietzsche sont partout présents. L’apport de Félix Guattari, psychiatre révolutionnaire, leur donne une dimension inattendue, mais qui reste cohérente avec les recherches antérieures de Deleuze.

3. Pour venir à bout de Freud et du freudisme, les auteurs renversent totalement la perspective communément admise. « Le premier tort de la psychanalyse, écrivent-ils, est de faire comme si les choses commençaient avec l’enfant. » Or, c’est le père qui est premier par rapport à l’enfant. C’est lui qui projette la culpabilité que le fils intériorisera (« c’est le père paranoïaque qui œdipianise le fils »). Freud, et les psychanalystes en général, sont restés dans le cadre du « familialisme ». Ils n’ont pas vu que la famille n’est jamais déterminante, mais seulement déterminée. Car le désir s’investit dans la communauté du champ social dont la famille n’est qu’une dépendance.

4. Le sujet — que Deleuze et Guattari appellent « machine désirante » — doit être compris selon le matérialisme le plus radical, comme une réalité physique d’ordre moléculaire. Les machines désirantes se trouvent unifiées sur le plan des techniques et des institutions, et forment, au niveau molaire (social), les machines sociales.

5. Le désir est un immense flux qui parcourt tout le champ social. Mais, de machine à machine, de niveau à niveau, il y a des coupures, des connexions, des afflux ou reflux, ou encore des codages, décodages, surcodages. Tout ce que les freudiens appellent refoulement, Œdipe, castration, etc., c’est la représentation imaginaire et pervertie du mouvement éternel du désir et de sa répression.

6. La psychanalyse dissimule, estiment Deleuze et Guattari, la cause du mal : la pression du molaire (c’est-à-dire du social) sur le moléculaire, le blocage du désir par les grandes machines techniques et institutionnelles. Ainsi opposent-ils à la psychanalyse, la schizo-analyse, dont la tâche est de libérer, de faire passer les flux du désir, de « franchir le mur qui nous sépare de la production désirante ». Le schizophrène n’est pas un malade. On le dit et on le rend malade parce qu’il échappe à toute référence œdipienne, familiale. Pour la schizo-analyse, il y a quasi-identification entre schizophrénie et révolution. À l’autre pôle, le paranoïaque désire la répression et aussi sa propre répression. Il s’identifie à l’ordre, à l’État, au capital.

Voir aussi : Paranoïa, Schizophrénie.

Antipsychiatrie

1. Mouvement d’origine anglaise, l’antipsychiatrie est définie par l’un de ses créateurs, le psychiatre londonien D. Cooper, comme une « psychiatrie idéale ». Elle se fonde d’abord sur une critique de la psychiatrie classique, à laquelle elle reproche d’envisager les troubles mentaux dans une perspective strictement médicale. Selon les psychiatres classiques, les altérations des relations du sujet avec son entourage seraient dues notamment à des lésions organiques encore ignorées. Le malade est traité également de façon organique (drogues, électrochocs, etc. ). De plus, il est privé de liberté, de travail, d’amour et même de communication.

2. La psychothérapie institutionnelle, qui tente une réforme thérapeutique fondée sur une communication plus large et une certaine participation du malade, et même la psychiatrie de secteur, qui tente d’éviter l’hospitalisation du patient, soigné le plus possible à domicile, n’échappent pas à la critique des antipsychiatres. Ceux-ci renversent le problème et considèrent que la folie n’est pas une maladie du sujet, mais une conduite utile permettant à l’individu de se libérer des conflits affectifs dont il souffre. Il faut donc créer des structures nouvelles où l’expérience délirante puisse se poursuivre en toute liberté.

3. En 1965, les docteurs Laing, Cooper et Estersen ouvrent trois lieux d’accueil, dont le plus important, Kingsley Hall, va fonctionner pendant cinq ans. Les malades y entrent et en sortent librement. Aucun soin n’y est donné. Chacun y vit selon ses propres règles. Une liberté complète y règne en ce qui concerne la libido. Dans ces lieux d’accueil, le malade se délivrerait de sa psychose, à travers un mouvement psychodramatique auquel participent tous les résidents. Ils accomplissent le « voyage », ce que Ronald Laing appelle la « métanoïa » et qui est un retour en arrière jusqu’à l’époque précédant le conflit pathogène. Certains prétendent remonter ici au-delà de leur naissance.

4. L’antipsychiatrie a pris très rapidement une dimension philosophique et politique. Les antispychiatres organisent en 1967 un « Congrès international de dialectique de la libération », qui se donne pour objet de mettre en évidence la façon dont progresse l’« enfer » dans le monde et de rechercher de nouvelles formes d’action. À ce congrès, qui dure seize jours, participent des philosophes, des économistes, des groupes politiques, Gregory Bateson, Stokeiey Carmichael, Herbert Marcuse, Paul Sweezy, les provos d’Amsterdam, des étudiants de Berlin-Ouest, des représentants des mouvements extrémistes de tous les continents. Le compte rendu des débats est présenté dans un livre intitulé « Counter Culture » ou « La Création d’une Autre Société ».

5. Tant par les idées développées au cours de ce congrès que par leurs ouvrages, notamment « Psychiatrie et Antipsychiatrie » de Cooper, « La Politique de l’Expérience » et « Le Moi divisé » de Laing, les antipsychiatres apparaissent comme les précurseurs de tout le mouvement de contestation théorique et pratique des sociétés industrielles qui s’est développé aux États-Unis, en Allemagne occidentale, en Angleterre, avec les « antiuniversités », les « communes », les « théâtres libres », les radios pirates, les journaux et les cinémas clandestins. Cet idéal de « contre-société » a également exercé une influence en France sur nombre d’étudiants et d’intellectuels à partir de mai 1968.

Voir aussi : Laing (Ronald).

Archétype


1. Dans la philosophie platonicienne, les êtres et les objets sensibles sont les copies imparfaites et périssables des réalités qui subsistent éternellement dans leur essence immuable. Ces réalités originelles, que Platon nomme « idées », sont aussi désignées par le terme d’archétype, qui signifie modèle premier. Déjà mise en difficulté par la critique aristotélicienne, l’explication des choses par le rapport de copie à modèle ne résistera pas à la science moderne, qui élimine toute transcendance dans l’ordre des phénomènes.

2. La notion d’archétype va resurgir dans l’œuvre du psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961). Disciple dissident de Freud, Jung voit dans les archétypes des dispositions héréditaires à réagir qui structurent l’inconscient collectif. Il y a une grande analogie, selon Jung, entre les instincts (tendances innées et non acquises) et les archétypes. Ceux-ci apparaissent en quelque sorte comme les représentations inconscientes des instincts eux-mêmes ; ce sont des modes de comportement instinctif.

3. C’est dans les images archaïques, dans les symboles véhiculés par les mythes que se révèlent les archétypes. Ceux-ci nous rattachent aux époques originaires de l’humanité et constitueraient encore le fond de notre psychisme.

4. Dans la conception de Jung, les archétypes de l’inconscient collectif concordent avec les fantasmes individuels, avec les symboles qui sous-tendent les images de nos rêves. L’individu est ainsi relié à l’espèce et au cosmos par des liens inaccessibles à la raison, car la source de notre psychisme, l’inconscient collectif, demeure indéchiffrable.

5. Au contraire, pour Freud, la notion d’inconscient collectif reste toujours perméable à l’analyse rationnelle. C’est une analyse de ce genre qui, dans « Totem et Tabou », tente de montrer comment le sentiment de culpabilité engendre les tabous fondamentaux du totémisme, celui de la mise à mort du totem et celui de l’inceste. On retrouverait dans le complexe d’Œdipe les mêmes désirs réprimés. Ainsi, le mythe du « meurtre du père » dans la horde primitive ne joue pas le rôle mystérieux d’un archétype inconnaissable. Il éclaire notre propre inconscient ou, comme le dit Jacques Lacan, il « structure son langage ».

6. Élargissant son interprétation, Freud voit dans le meurtre du père et dans les sentiments que ce meurtre provoque chez les fils l’archétype de toutes les croyances religieuses. Dans le mythe chrétien, selon Freud, le péché originel résulte d’une offense envers Dieu le Père. C’est seulement dans le sacrifice de l’un de ses fils que l’humanité trouvera l’expiation de l’acte criminel originel. Le fils réalise en même temps son désir à l’égard du père et devient dieu à côté du père. Et même, la religion du fils se substitue à celle du père. La communion chrétienne, dans laquelle les frères réunis goûtent la chair et le sang du fils, serait, selon l’interprétation de Freud, une résurrection de l’ancien repas totémique.

7. La question de savoir si les symboles archétypaux se transmettent par la voie culturelle ou par l’hérédité ne peut être tranchée, d’autant moins que chaque société et chaque individu opère des transpositions qui altèrent plus ou moins profondément le modèle original.


Voir aussi : Inconscient collectif, Jung (Carl Gustav).
Attachement

1. À la jonction de l’éthologie et d’un nouveau courant anglo-saxon de la psychanalyse, la théorie de l’attachement comme tendance primaire, antérieure à la pulsion sexuelle, bouleverse la psychanalyse traditionnelle et certains concepts essentiels de la biologie. Elle opère également une réorganisation de la psychologie génétique et inaugure une théorie nouvelle de l’affectivité.

2. La théorie freudienne des pulsions, de même que les théories de l’apprentissage, faisaient dépendre toute tendance psychique d’un état biologique préalable. Or, en 1958, l’éthologue américain Harlow et le psychanalyste anglais Bowlby établissent que chez le nouveau-né (le singe ou l’enfant humain), les liens d’affection avec la mère ne sont pas greffés sur la satisfaction du besoin de nourriture. Il s’agit d’une tendance originelle et permanente à rechercher la relation à autrui.

3. Les éthologues, notamment Konrad Lorenz, vont multiplier les observations qui montrent chez l’animal, l’oiseau par exemple, une réaction primaire d’attachement et de tendresse, un besoin absolu d’amour. Ainsi, les choucas se « fiancent » longtemps avant l’union physique et leur mariage dure très longtemps. Harlow, en donnant au bébé singe des substituts de mère, a démontré expérimentalement la prévalence du contact (fourrure, chaleur) sur le besoin de nourriture.

4. On aurait donc un schéma inverse de celui de Freud. Pour les animaux supérieurs et pour l’homme, c’est l’amour qui conduit à la sexualité et non l’inverse. Si l’affection précède en nous la sexualité, la nature sociale de l’homme serait une hypothèse beaucoup plus probable que l’explication de l’être humain par l’individualité biologique qui prime dans le freudisme.

5. Le thème du « socius » que l’on trouve chez Pierre Janet, chez Henri Wallon et son disciple René Zazzo, brisant avec la théorie de l’homme seul et renouant avec la notion marxiste de l’homme social, se trouverait ainsi réactualisé. Mais, selon René Zazzo, il n’y a pas engendrement de la société par les liens interpersonnels d’attachement. L’intégration sociale relève d’un autre plan de réalité et le processus de socialisation est autre chose que le mécanisme biologique d’attachement. Cependant, les conduites d’attachement préparent aux conduites sociales et sexuelles.

6. Toutefois, pour les psychanalystes, mettre l’accent sur la dimension sociale des conduites humaines ne nous dispense pas de nous interroger sur la manière dont ces expériences sont retenues et fixées dans l’organisme. Les travaux modernes sur l’attachement peuvent modifier certains aspects de la théorie psychanalytique, notamment la théorie des pulsions. Mais ils ne mettent pas en cause ses fondements, car ils n’abordent pas les problèmes dont s’occupe la psychanalyse : ceux qui se posent à partir de l’organisation défensive et conflictuelle de la personnalité.

Or, c’est à propos des mécanismes de défense que la théorie de l’inconscient, en rendant compte des processus d’occultation que confirme l’investigation analytique, révèle sa fécondité.

Voir aussi : Libido.

Autisme


1. Employé principalement en psychiatrie pour désigner une forme de psychose infantile de caractère schizophrénique, le terme d’autisme apparaît fréquemment dans le langage des psychanalystes qui, comme Bruno Bettelheim aux États-Unis ou Maud Mannoni en France, soignent les enfants autistiques avec des méthodes analytiques.

2. Les signes de l’autisme, affection relativement rare et dont les causes restent obscures, se décèlent vers douze mois : l’enfant se montre particulièrement passif et indifférent au monde extérieur. Alors que le nourrisson normal fait, dès l’âge de six mois, la différence entre sa mère et toute autre personne, l’enfant autistique n’y parviendra que plus tard. Il aura aussi tendance à se rebeller, appréciant peu, par exemple, d’être pris dans les bras. Devenu plus âgé, il évitera systématiquement de croiser le regard des autres ou manifestera des signes de détresse en présence d’inconnus.

3. Ce comportement asocial s’accompagne généralement de troubles Importants du langage. La compréhension du langage parlé survient chez l’enfant normal vers la fin de sa première année, puis celui-ci apprend et utilise des mots isolés ; enfin, dans le courant de sa troisième année, il commence à relier ces mots entre eux et forme des phrases. L’autistique est presque toujours en retard et s’avère souvent incapable d’une maîtrise courante du langage. Seulement 50% des autistiques parlent à l’âge de cinq ans. Chez presque tous, l’élocution demeure irrégulière ; parfois les mots sont employés à tort et à travers ; parfois l’autistique invente son propre langage. Alors que le sujet normal mémorise mieux les mots doués de signification, c’est l’inverse qui se produit pour l’autistique : habile à recopier certaines formes, à retenir des listes de lettres ou de chiffres dénuées de sens, il restera généralement désemparé devant tout problème réclamant une réflexion.

4. Certaines manies caractérisent aussi cette affection. Un enfant marchera sur la pointe des pieds, un autre agitera continuellement ses doigts devant ses yeux, beaucoup auront de fréquentes et inexplicables attaques d’anxiété, simplement dues à l’inhabituel. L’adaptation aux situations nouvelles est toujours difficile pour ces enfants, ce qui complique encore leur croissance et leur développement dans la mesure où ils peuvent refuser tout changement : alimentation, horaires, etc.

5. Certains autistiques souffrant d’épilepsie, d’autres de graves lésions cérébrales, les recherches se sont orientées vers la physiologie. Responsables de l’hérédité comme du milieu, les parents ont d’abord été accusés d’être causes de l’affection, puis lavés de tout soupçon, car dans la majorité des cas les frères d’autistiques sont normaux.

6. Un Hollandais, l’éthologue Nikolaas Tinbergen, repose autrement la question. Il a mis en évidence chez certaines espèces d’oiseaux des formes de conflits psychiques chez des individus incapables de faire la part de l’amitié et celle de l’agressivité dans l’attitude d’un congénère. Selon cette théorie, l’enfant autistique pourrait avoir été « brusqué » par ses parents à une époque cruciale de son existence, c’est-à -dire pendant les premiers mois de sa vie. Cet accident entraînerait la méfiance, le repliement et le détachement caractéristique de l’autisme.

Voir aussi : Psychanalyse des enfants, Schizophrénie.
Autoanalyse


1. L’autoanalyse est une investigation de soi par soi. À travers les rêves et les associations libres, elle s’efforce d’atteindre les couches profondes de l’inconscient. Bien que l’autoanalyse ait permis à Freud d’approfondir ses découvertes psychanalytiques, elle est depuis tenue en suspicion, sauf en Amérique, où elle connaît une grande faveur.

2. Dans son exposé des fondements de la théorie psychanalytique, Freud utilise à de nombreuses reprises les matériaux de ses propres souvenirs et de ses propres rêves pour confirmer l’existence de mécanismes inconscients. « Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je réponds : par l’étude de ses propres rêves », écrit-il en 1909. Déjà, son ouvrage « L’interprétation des rêves » (1900) se fonde largement sur ses rêves et ses souvenirs d’enfance.

3. Freud y montre que la découverte de la psychanalyse elle-même s’enracine dans sa vie la plus intime, notamment dans ses rapports avec son père et son désir ardent de lui montrer qu’il était capable d’accomplir de grandes choses. Ce sont encore ses propres souvenirs que Freud interrogera lors de sa description du compiexe d’Œdipe.

4. À cette époque (1914), Freud considère que cette forme d’analyse doit être suffisante « pour quiconque est un bon rêveur et n’est pas trop anormal ». L’approfondissement de la notion d’inconscient conduit Freud à admettre de plus en plus l’insuffisance de l’autoanalyse. Il écrit à Ernst Fliess: « Une vraie autoanalyse est impossible, sans quoi il n’y aurait pas de maladie. » L’abîme qui sépare l’inconscient du conscient est si profond qu’il est impossible de parvenir à une élucidation véritable des rêves et des fantasmes qui relèvent de cette instance. Il est nécessaire de recourir à un tiers, l’analyste, qui introduit la médiation de la parole. Freud exigera d’ailleurs que l’analyste soit lui-même analysé et que les conflits qui l’animent soient résolus avant d’entreprendre des cures analytiques.

5. Les dissidents américains du mouvement psychanalytique redonnent un sens à l’autoanalyse condamnée par l’orthodoxie freudienne. Karen Horney, auteur des « Voies nouvelles de la Psychanalyse » (1939) et de « La Personnalité névrotique de notre Temps » (1937), la considère comme un complément nécessaire de l’analyse pour sa préparation et son approfondissement. Une telle revalorisation de l’autoanalyse s’explique par le fait que le mouvement culturaliste, auquel se rattache Karen Horney, remet en question les postulats fondamentaux de la théorie analytique, notamment l’éthiologie sexuelle des névroses et l’existence de l’inconscient. Mais la plupart des analystes orthodoxes voient dans l’autoanalyse un obstacle et un danger pour le bon déroulement de la cure.

6. Si l’autoanalyse a joué un grand rôle dans l’élaboration de la théorie freudienne, il semble qu’elle conduise très souvent à des échecs thérapeutiques graves, avec déclenchement d’angoisse et refoulement secondaire des conflits. Cette forme d’« analyse sauvage » (wild analysis) peut donc apparaître comme l’un des symptômes les plus importants de la résistance du malade et de l’homme normal à la vérité de l’inconscient.

Voir aussi : Culturalisme, Défense.

Balint (groupes)


1. Les premiers « groupes Balint » commencent à fonctionner en divers pays du monde occidental (et notamment en France, où l’on en dénombre une centaine en 1975) à la fin des années cinquante. Ils doivent leur nom au médecin anglais Michael Balint, qui, le premier, a appliqué à l’exercice de la pratique médicale les découvertes de Freud, définissant un nouveau style de relations entre le thérapeute et son patient. À travers des écrits tels que « Le Médecin, son Malade et la Maladie », Balint poursuit jusqu’à sa mort, en décembre 1970, une œuvre appelée à un profond retentissement sur l’évolution de la médecine.

2. Né à Budapest le 3 décembre 1896, diplômé de psychiatrie au terme de ses études de médecine, Michael Balint s’oriente vers la psychanalyse et devient l’un des collaborateurs de Sandor Ferenczi, disciple de Freud. Directeur de l’Institut de psychanalyse de Budapest en 1939, il émigre en Angleterre au début des hostilités et prend du service dans divers établissements hospitaliers. La paix revenue, il s’installe définitivement dans la capitale britannique et sera nommé, en 1969, président de l’Institut anglais de psychanalyse.

3. C’est à la Tavistock Clinic de Londres, où il côtoie tout un monde de praticiens que Michael Balint mesure le mieux les difficultés du corps médical devant certains malades (catalogués « nerveux » ou « imaginaires ») qui ne relèvent pas simplement des thérapeutiques habituelles. Le mouvement psychosomatique, animé par des analystes et des médecins, a bien démontré une corrélation entre maladies organiques et troubles de la personnalité, mais il ne parvient pas à prescrire, sur le plan pratique, des traitements efficaces. Considérant le couple malade-médecin, Balint découvre « le médicament-médecin, remède principal dans la pratique médicale, mais le moins étudié à ce jour, en médecine comme en psychanalyse ».

4. Pour des troubles qui se rapportent plus à des problèmes émotionnels qu’à des causes physiques (comme c’est souvent le cas en rhumatologie, en gynécologie ou en médecine générale), le malade aspire à une relation avec son médecin plus personnelle que le rapide interrogatoire et la prescription classiques. « Il faut que le médecin apprenne à se prescrire soi-même », dit Balint. Mais il ne le peut que s’il a d’abord étudié sa propre attitude vis-à-vis de son patient et éclairé les problèmes inconscients qui l’empêchent de dialoguer avec lui. C’est à cette recherche que s’attachent les « groupes Balint ».

5. Il ne s’agit en aucun cas de psychanalyse de groupe. Une dizaine de médecins réunis en séance hebdomadaire ou bimensuelle exposent en détail un des cas qu’ils ont à traiter en présence d’un analyste (ou « leader »). Celui-ci centre le débat sur les réactions psychologiques du thérapeute en face de ce cas (qui développe inconsciemment ses propres angoisses, sa peur de la mort, son agressivité), laissant à chacun le soin de travailler en conséquence à une modification de sa personnalité.

6. Cette méthode, très exigeante pour le médecin, semble d’une généralisation difficile. De l’avis des analystes, elle est pourtant « la seule capable d’apporter le correctif humain indispensable à l’hypertechnicité anonyme vers laquelle tendent les études et la pratique médicales ».

Voir aussi : Psychosomatique, Mitscherlich (A.).

Behaviorisme


1. Le behaviorisme apparaît comme le plus important des mouvements qui ont bouleversé la psychologie contemporaine après la découverte de la psychanalyse. Officialisé en Amérique, combattu en Europe, il n’en continue pas moins à influencer tous les autres courants psychologiques.

2. En 1919, un jeune psychologue américain, John Broadus Watson, publie un très violent manifeste intitulé : « La Psychologie telle que le Behaviorisme la conçoit ». Malgré sa brièveté, cet article connaît un succès immense. C’est le statut même de la psychologie en tant que science qui est mis en question. Watson montre que la psychologie, telle qu’elle se pratique en Amérique et en Europe, n’a finalement fait aucun progrès depuis son origine et qu’en aucun cas elle ne saurait s’élever au rang des sciences objectives, car « sa méthode comme son objet sont mythiques ». Depuis Aristote, la psychologie s’efforce d’étudier une prétendue réalité psychique intérieure. Qu’on la nomme âme ou conscience, c’est toujours la même illusion : jamais on ne pourra prouver que cet objet existe.

3. Si la psychologie veut devenir scientifique, si elle veut appartenir aux sciences objectives, estime Watson, elle doit renoncer au mythe de la conscience et à sa méthode traditionnelle, l’introspection. Le behaviorisme refuse de s’interroger sur la conscience et ne s’intéresse qu’aux seuls phénomènes observables et susceptibles de faire l’objet d’une expérimentation : les comportements. La psychologie doit devenir exclusivement la science du comportement. Elle doit être une discipline pratique utile à tous, qui permet de prévoir et de modifier le comportement des hommes.

4. Le behaviorisme va donc se définir tout d’abord par une série de négations: négations des « faits psychiques », de la conscience, de la volonté, des instincts et de l’inconscient. Tout comportement se comprendra à partir du couple stimulus-réponse, étudié par le physiologiste russe Ivan Pavlov (1849-1936). La personnalité elle-même ne sera qu’un vaste système d’habitudes qui s’articulent en trois domaines: habitudes viscérales, habitudes manuelles et habitudes laryngées. La pensée ne serait qu’une parole intériorisée et devenue silencieuse, sans aucun lien avec une réalité intérieure. Watson refuse d’accorder une importance excessive à la physiologie. Toute sa conception des réflexes fonctionne par arcs entiers. Il ne se passe rien au niveau cortical. Le behaviorisme ne reconnaîtra qu’une seule méthode valable, l’expérimentation, sans pour autant devenir une partie de la biologie : celle-ci étudie, selon Watson, le comportement propre à l’espèce, le behaviorisme ne s’intéresse qu’aux comportements individuels.

5. Les attaques contre le behaviorisme ont été aussi violentes que ses négations. La Psychologie de la Forme (Gestalt-theorie), de Köhler, Wertheimer et Koffka en a ruiné l’influence, en dénonçant la simplicité de ses présupposés et l’impossibilité d’une expérimentation totale. Le behaviorisme n’a pas pour autant disparu. Si sa négation de la conscience a été abandonnée, les principes de méthode qu’il énonce appartiennent désormais à toute psychologie scientifique.

Voir aussi : « Critique des fondements de la psychologie ».
Catharsis

1. Le mot grec catharsis, qui signifie purgation ou purification, appartient au vocabulaire de la psychothérapie et à celui de la dramaturgie. Il désigne l’effet produit par la décharge émotionnelle que peut provoquer la réapparition dans la conscience d’un souvenir traumatisant oublié. Aristote pensait que « par le moyen de la crainte et de la pitié la tragédie purifie les passions du spectateur », ce qu’il nommait catharsis. Le psychodrame, inventé par le psychologue américain Jacob Moreno, se fonde sur la catharsis pour résoudre les conflits intérieurs à travers le jeu dramatique. A ses débuts, la psychanalyse emploie la méthode cathartique pour traiter certains malades.

2. Après Joseph Breuer, Freud y a recours pour le traitement des hystériques. Il considère alors que le symptôme hystérique se développe quand un processus psychique ne peut atteindre le niveau de la conscience et qu’il est dévié sous forme de trouble corporel. En évoquant les événements qui sont à l’origine de ses souvenirs pathogènes, le malade se libère dans une abréaction (décharge émotionnelle) qui entraîne la catharsis.

3. La méthode cathartique est d’abord associée à l’hypnose, qui permet de faire resurgir plus rapidement les souvenirs refoulés. Puis Freud se borne à utiliser la simple suggestion et finalement la seule méthode des libres associations du sujet (le psychanalyste lui demande de dire « tout ce qui lui vient à l’esprit » ; qu’il s’agisse d’images, de souvenirs ou de mots, leur choix est toujours significatif, il renvoie à l’histoire et à la personnalité profonde du sujet).

4. L’évolution des techniques employées pour obtenir la catharsis a entraîné des modifications dans la théorie de la cure analytique. À l’origine, il s’agit surtout d’analyser les contenus inconscients, mais progressivement la psychanalyse attache une importance croissante à l’analyse du Moi et des mécanismes de défense. Il devient nécessaire d’aborder la résistance (qui s’oppose à la connaissance par le malade de son inconscient) avant le contenu inconscient.

5. La prise en considération des résistances et du transfert, la place de plus en plus grande accordée au processus de dépassement des résistances et à l’élaboration psychique ont conduit à n’attribuer qu’un rôle secondaire à la catharsis dans la cure psychanalytique.

6. La catharsis continue toutefois d’être au centre de nombreux types de psychothérapie. Certains en font même leur objectif principal, tels le psychodrame et la narcoanalyse. Utilisée surtout pour traiter les névroses traumatiques, celle-ci provoque à l’aide de drogues des effets analogues à ceux que Breuer et Freud obtenaient par les méthodes hypnotiques.

7. En limitant la place de la méthode cathartique dans la cure analytique, Freud a souligné les dangers que peuvent présenter pour le malade les décharges émotionnelles trop fortes. Certaines thérapeutiques à base d’expression corporelle et décrites comme des succédanés de la psychanalyse exigent d’être abordées avec prudence quand elles ne sont pas totalement inefficaces.


Voir aussi : Hypnose, Hystérie, Psychodrame.

Complexe de castration

1. Le complexe de castration naît d’une crainte inconsciente apparaissant chez l’enfant lorsqu’il découvre la différence anatomique des sexes et formule l’hypothèse d’un seul et même appareil génital (de l’organe mâle chez tous les êtres humains). Il est lié aux théories sexuelles infantiles. Il se traduit par un ensemble de représentations ou de souvenirs en général inconscients, chargés d’une forte valeur affective. Selon Freud, le garçon interprète l’absence de pénis chez la fille comme une menace de sanction (que renforce parfois une menace paternelle réelle) pour ses activités auto-érotiques.

2. Dans la mesure où l’auto-erotisme est lié au complexe d’Œdipe, le complexe de castration annonce pour le garçon la fin de la phase œdipienne. La fille de son côté ressent l’absence de pénis comme une frustration qu’elle cherche à nier ou à compenser en prenant son père comme objet d’amour. Chez elle, le complexe d’Œdipe est précédé et préparé par les séquelles du complexe de castration.

3. Freud n’a accordé une place fondamentale au complexe de castration dans le développement de la sexualité infantile qu’en 1923. Il lui a fallu pour cela dégager l’existence d’une phase phallique, dans laquelle l’objet de la castration a une égale importance pour le garçon et pour la fille. D’autre part, il a remarqué l’importance du complexe de castration pour l’étude du narcissisme. La représentation de la perte du phallus entraîne en effet une dépréciation du moi chez l’enfant, une « blessure narcissique », qui contribue à l’édification du surmoi : l’enfant, renonçant à la satisfaction de ses désirs œdipiens, transforme son investissement sur les parents en identification aux parents. Il intériorise l’interdit qui frappe son auto-érotisme.

4. En tant que moment de l’évolution de la sexualité infantile, le complexe de castration se rencontre chez tous les individus. Cependant i! peut être à l’origine de déviations sexuelles, quand la crise est mal surmontée. Chez le garçon, l’horreur de la femme et la prédisposition à l’homosexualité découlent de la conviction que la femme n’a pas de pénis. Ses parties génitales évoquent une menace qui provoque du dégoût au lieu du plaisir. Chez la fille, le refus d’accepter le fait de sa castration peut développer un « complexe de masculinité », qui fait d’elle une rival de l’homme. Il peut aussi favoriser la sexualité clitoridienne (par la masturbation).

5. Pour Freud, le primat du phallus est confirmé par la biologie : le clitoris est un petit pénis qui ne grandit pas et joue dans l’enfance de la femme le rôle d’un réel substitut du pénis. Mais après lui Mélanie Klein s’est refusée à tenir l’envie du pénis pour irréductible. Elle a estimé que la première relation de l’enfant au sein maternel et l’expérience de la séparation orale jouaient un rôle plus important que le complexe de castration. D’autre part, des analystes modernes, comme Maria Torok, récusent les notions de stade phallique, d’envie du pénis chez la femme et expliquent que la référence à la biologie masque un « phallo-centrisme ». L’application de la notion de complexe de castration aux deux sexes pose à la fois le problème de la sexualité féminine et celui de l’attitude de Freud à son égard.

Voir aussi : Homosexualité, Instances, Stades.
Complexe d’infériorité

1. Entré dans le langage courant et devenu un lieu commun, le concept de complexe d’infériorité appartient à la théorie psychanalytique d’Alfred Adler. Il désigne la crainte de paraître inférieur aux autres qui entrave et trouble l’action. Cette crainte a pour origine soit une infirmité réelle, soit une éducation déficiente. Dans le complexe d’infériorité — Adler parle plus précisément de sentiment d’infériorité — l’individu cherche à compenser ces déficiences et, selon le résultat de cet effort de compensation, il devient soit un génie, soit un malade mental, avec tous les stades intermédiaires.

2. Alfred Adler était passé de l’ophtalmologie à la psychothérapie après sa rencontre avec Freud, dont il sera l’un des principaux disciples. Cependant, il ne tarde pas à se séparer de son maître lorsque celui-ci lui demande d’accepter sans discussion ses théories sur la sexualité. Il est le premier à démissionner de la Société de psychanalyse. Quatre conférences (« Critique de la théorie de Freud sur la sexualité comme base de la vie psychique ») et un livre (« Étude sur l’infériorité des organes et leur compensation psychique », 1907) le conduisent à fonder une nouvelle école dite de « psychologie individuelle » (1911).

3. Dans « Le Sens de la Vie », Adler résume sa théorie du sentiment d’infériorité en une phrase: « Être un homme, c’est se sentir inférieur. » Ce serait un sentiment universel, auquel nul n’échappe à un degré ou à un autre. Le complexe d’infériorité a, pour Adler, trois sources différentes : une infériorité organique, les gâteries et les négligences dans l’éducation. Les lésions organiques ont une telle importance qu’elles finissent par affecter la structure du psychisme et pousser le sujet soit vers des réalisations extraordinaires, soit à la névrose. Adler cite les cas de Démosthène (bègue), de Beethoven (sourd), de Monet (mauvaise vue), qui sont devenus respectivement orateur, musicien et peintre de génie. C’est la loi de la compensation qui en donnerait l’explication.

4. De même, l’enfant excessivement « gâté » présente des troubles dans son comportement social en se sentant à l’ombre d’une autre personne. Au contraire, un enfant « négligé » ou « haï » (orphelins, enfants hors mariage, etc. ) se sentira délaissé et aura tendance soit à se décourager facilement, soit à la domination et à la volonté de puissance. Quelques auteurs modernes, comme Daniel Lagache, ont essayé de voir une parenté entre le sentiment d’infériorité et le sentiment de culpabilité défini par Freud, mais il semble qu’il existe une différence structurelle entre les deux.

5. Freud a vivement critiqué la psychologie individuelle d’AdIer et souligné son caractère partiel et pauvre. Pour lui, « un enfant se sent inférieur s’il remarque qu’il n’est pas aimé, et il en est de même pour l’adulte. Le seul organe qui est réellement considéré comme inférieur est le pénis atrophié, le clitoris de la fille ».

6. Malgré son existence incontestable, le complexe d’infériorité ne paraît pas avoir, toutefois, l’importance primordiale que lui donne Adler dans notre vie psychologique. Mais sa découverte comme ses conséquences thérapeutiques sont une appréciable contribution à la théorie psychanalytique.

Voir aussi : Adler (Alfred).
Complexe d’Œdipe

1. Le complexe d’Œdipe ou stade œdipien définit un moment fondamental de l’existence de l’enfant, caractérisé par une violente tendresse pour la mère et une affectivité ambivalente pour le père. Freud reconnaît en lui le « complexe nucléaire » (Kernkomplex), source de toutes les névroses.

2. En effectuant sa propre auto-analyse, Freud en vient à s’interroger sur l’origine des sentiments qui l’avaient agité étant enfant, notamment une forte agressivité à l’égard de son père. L’analyse et la guérison d’un petit garçon de cinq ans (« Le Petit Hans »), qui exprime et transforme cette agressivité en phobie des chevaux, lui confirme l’importance de ce stade dans la formation de la personnalité. Lorsque Freud cherche à caractériser les sentiments de l’enfant envers ses parents, il prend pour symbole la tragédie de Sophocle « Œdipe Roi », qui traduit dans son paroxysme le désir de tuer le père et de réaliser l’Inceste avec la mère.

3. L’étude des névroses permet à Freud de décrire la formation de ce complexe, qui diffère selon le sexe mais non quant à sa structure. Primitivement, le premier objet d’amour pour tout enfant est sa mère. Tout en aimant son père, il en vient à souhaiter sa mort, pour l’éliminer comme rival. C’est ce mélange de haine et d’amour que Freud nomme ambivalence. Mais l’enfant craint que ses souhaits de mort soient partagés par son père. Cette peur se manifeste sous la forme de l’angoisse de la castration. Le petit garçon va alors renoncer à la mère comme premier objet de son désir.

4. Pour la fille, le complexe de castration ne marque pas la fin du complexe d’Œdipe, mais son commencement. Lorsqu’elle découvre la différence des sexes, elle en éprouve un profond dépit et en rend sa mère responsable. Cette haine à l’égard de la mère va la pousser vers le père. Le désir de posséder un pénis se transforme en désir d’avoir un enfant du père. En renonçant à ce désir, elle accède à une sexualité adulte (stade génital).

5. Il arrive que l’enfant ne renonce jamais à la mère comme premier objet de son désir. La fixation du garçon à la mère peut conduire à l’homosexualité ou à la névrose obsessionnelle. Celle de la fille au père peut entraîner une culpabilisation générale de la sexualité sous forme d’hystérie ou de frigidité.

6. Depuis la mort de Freud, la théorie du complexe d’Œdipe a subi de nombreuses attaques des ethnologues, qui l’accusent de n’être qu’un mythe européen. Malinowski (1884-1942), dans son ouvrage « La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives », démontre qu’il n’existe pas dans les cultures mélanésiennes fondées sur le matriarcat.

7. Cette critique a été en partie détruite par Ernst Jones, élève de Freud, qui établit que la structure du complexe, décrit comme universel, demeure dans les rapports de l’enfant et de son oncle maternel. La psychanalyse actuelle retient l’idée que la force du complexe et son expression varient avec les formes d’organisation de la famille d’une société à l’autre.

Voir aussi : Ambivalence, « La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives ».
« Critique des fondements de la psychologie »

1. Publiée pour la première fois en 1928, la « Critique des fondements de la psychologie » n’atteint le grand public que quarante ans plus tard. Le destin de Georges Politzer (1903-1942) qui délaisse bientôt l’activité philosophique pour se consacrer à des tâches militantes au sein du Parti communiste français, avant d’être fusillé par les Allemands sous l’occupation, explique en partie ce décalage.

2. Georges Politzer ne voit dans la psychologie de son temps, qu’elle soit subjective ou objective, qu’elle applique la méthode traditionnelle de l’introspection ou les méthodes modernes de l’expérimentation, qu’une mythologie perpétuant sous de nouvelles formes le culte de l’âme. Il reproche à la psychologie classique d’entretenir la religion de la vie intérieure. Les psychologues expérimentaux eux-mêmes ne font que traduire en formules scientifiques les idées des psychologues de l’introspection. La psychologie ne se dégage pas de l’abstraction notionnelle qui ne traite que de la vie en général et de l’homme en général.

3. Trois tendances, selon Georges Politzer, annoncent cependant la dissolution de la vieille psychologie et la possibilité d’une psychologie nouvelle: le behaviorisme, la Gestalttheorie et la psychanalyse. Mais les deux premières ne réussissent pas à se libérer des préoccupations de la psychologie classique. Seule la psychanalyse lui paraît déboucher sur une connaissance authentique de l’homme concret.

4. Cette orientation vers le concret, l’auteur en voit la confirmation dans la théorie freudienne du rêve. Le rêve est la réalisation d’un désir du sujet qui l’a rêvé. La compréhension des faits psychologiques, non plus en termes de fonctions psychiques isolables et généralisables, mais en termes de drame personnel, telle est, selon Politzer, la tâche du psychologue. Le fait psychique est toujours l’acte singulier d’un sujet singulier. La méthode du psychologue se rapproche de celle du critique dramatique. Elle ne peut être de pure et simple observation, elle comporte nécessairement l’interprétation, c’est-à-dire la recherche du sens. L’événement prend son sens lorsqu’il est intégré à la totalité d’une vie, la vie de l’individu.

5. Mais s’il reconnaît à la psychanalyse ta supériorité méthodologique, Georges Politzer met en cause sa charpente théorique. Il reproche à Freud d’avoir réintroduit les notions de la psychologie abstraite dans les explications qu’il va donner des faits psychanalytiques. L’hypothèse de l’inconscient, en particulier, lui paraît une concession à la psychologie classique. C’est le besoin de réaliser des entités psychiques, souvenirs, récits, etc., qui conduit à affirmer l’existence de phénomènes psychiques inconscients. Au contraire, l’inspiration concrète de la doctrine freudienne devrait l’amener à envelopper dans une même condamnation le conscient et l’inconscient, pour ne s’attacher qu’au drame vécu.

6. Dans cette recherche d’une psychologie nouvelle, qu’il laisse lui-même inachevée, Georges Politzer n’a guère de continuateurs. Mais cette œuvre de jeunesse n’a cessé d’animer des débats entre philosophes et psychanalystes.

Voir aussi : Behaviorisme, Rêve.
Cuernavaca

1. Un « monitum » du Saint-Office du 15 juillet 1961 mettait en garde le clergé contre une formation psychanalytique préalable des « candidats au sacerdoce ou à la profession religieuse ». Il interdisait aux prêtres, religieux et religieuses de « consulter des psychanalystes sans la permission de l’Ordinaire ».

2. Cet avertissement semblait viser surtout le monastère bénédictin de Sainte-Marie-de-la-Résurrection de Cuernavaca (Mexique), où une expérience psychanalytique était en cours. Une décision d’un tribunal cardinalice du 18 mai 1967 a interdit la poursuite de cette expérience.

3. Depuis 1961, le prieur de ce monastère, dom Grégoire Lemercler, avait introduit des séances de psychanalyse de groupe pour tous les membres de la communauté. « La psychanalyse en monastère, écrivait dom Grégoire en septembre 1965,… recherche impitoyablement toutes les tares du sentiment religieux et fait découvrir peu à peu les tromperies et mensonges pour ne laisser que ce qu’il y a d’authentique. » Ainsi la psychanalyse, en même temps qu’elle guérirait des tendances névrotiques susceptibles de perturber la vie monastique, permettrait de dépister les fausses vocations.

4. Le monastère en psychanalyse, par la technique des séances de groupe et par la nécessité où se trouvaient les candidats de travailler pour couvrir les frais encourus, faisant assumer à la religion « toutes les valeurs humaines », devenait « un monastère œcuménique… œcuménisme non seulement chrétien mais humain et divin. C’est l’œcuménisme d’un cloître fermé sur soi qui s’ouvre peu à peu sur Tout ».

5. Cette tendance œcuménique allait s’affirmer dans la création, le 25 avril 1966, du « Centre psychanalytique Emmaüs ». Le monastère n’acceptait plus de postulants au stade des préalables psychanalytiques, ceux-ci entraient au centre « ouvert aux patients sans aucune distinction de religion ou de croyance philosophique ». Son autonomie (il est soutenu par le travail des membres) crée les meilleures conditions de guérison psychanalytique. Pour les postulants, dit le prieur, « cette communauté de vie avec des jeunes qui ne se destinent pas à la vie monastique ne fera qu’assainir et affermir leur vocation ».

6. L’expérience de dom Grégoire suscite des enthousiasmes et la méfiance de la hiérarchie catholique. Ce qui déclenche un procès à épisodes très embrouillé. Finalement, le 18 mai 1967, une commission spéciale constituée au Tribunal de la Rote (qui sert de cour d’appel dans l’Église), interdit au père Lemercier « sous menace de destitution » de parler psychanalyse « en public et en privé ».

7. La décision ne touche pas au problème de l’attitude de l’Église vis-à-vis de la psychanalyse car la sentence, rigoureusement personnelle, se place sur le plan disciplinaire. Pour sauver son expérience, le prieur et ses moines (excepté trois) ont demandé, en juin 1967, une dispense de leurs vœux pour « créer une communauté absolument originale… qui continuera son œuvre d’ouverture œcuménique et d’union de tous sans distinction de race, d’idéologie ou de religion ».

Voir aussi : Dynamique de groupe.

Culturalisme


1. Lors de la seconde guerre mondiale, les disciples de Sigmund Freud émigrés aux États-Unis se trouvèrent confrontés à une série de problèmes nouveaux dont la solution semblait absente des écrits de Freud. Il s’agissait notamment de savoir comment étendre la psychanalyse à l’échelle d’un continent et comment la concilier avec les résultats contradictoires de l’anthropologie. Cet effort fut principalement l’œuvre du mouvement culturallste américain. Refusant les dogmes freudiens, les culturalistes affirmèrent que seule une confrontation permanente avec les données de l’anthropologie pouvait assurer à la psychanalyse un fondement authentique. Leurs recherches ont abouti à une transformation radicale de la psychanalyse.

2. La nécessité de reformuler certaines théories freudiennes était apparue notamment à la lumière des travaux ethnologiques de Malinowski, Ruth Benedict et Margaret Mead, qui démontraient la diversité des structures mentales selon les sociétés et l’impossibilité de les ramener à un seul type. Dans son livre « La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives », Maiinowski, le précurseur du mouvement culturaliste, relatait en particulier comment l’absence du complexe d’Œdipe chez les habitants des îles Tobriand coïncidait avec une structure sociale matrilinéaire ne reconnaissant pas le rôle du père dans la procréation. Pour cette société, l’enfant est conçu par la mère et l’esprit de l’ancêtre. La place que détient le père dans la culture occidentale y demeure toujours vide. La figure qui intervient comme loi et pouvoir d’interdiction est celle de l’oncle maternel. Sur celui-ci se concentre toute la haine de l’enfant. Parallèlement à ce déplacement, les désirs d’inceste de l’enfant auront pour objet la sœur et non la mère. Méconnaissant la diversité des cultures, Freud avait donné à la sienne le privilège de l’universalité.

3. La confrontation des thèses freudiennes aux données de l’anthropologie en vue d’en éliminer le caractère dogmatique s’est poursuivie avec Erich Fromm, Karen Homey et Sullivan. Dans son ouvrage « La Personnalité névrotique de notre temps », K. Horney s’attaque au « biologisme » de Freud et cherche à restituer aux rapports de l’individu et de la société toute leur complexité. Refusant de reconnaître la sexualité comme l’unique source des névroses, elle met aussi l’accent sur l’angoisse et la solitude des foules. Ce n’est plus dans le passé infantile du névrosé qu’elle recherche la source de ses conflits, mais dans ses rapports avec les autres. Il n’est que le « souffre-douleur de la civilisation ».

4. Erich Fromm rejette le pessimisme de la thèse développée par Freud dans « Le Malaise de la civilisation » qui dénonce la société comme la cause principale des troubles névrotiques, par la contrainte, la culpabilité et les refoulements qu’elle provoque. Pour Fromm, la société n’est pas seulement l’origine de toute répression, elle est aussi le lieu où l’individu doit se réaliser.

5. Adapter chacun au rôle qu’elle lui destine, c’est là la mission que le culturalisme américain assigne à la psychanalyse. Cette conception a été violemment attaquée par Herbert Marcuse dans son ouvrage « Eros et civilisation », qui accuse les culturalistes américains d’avoir transformé la psychanalyse en nouvelle idéologie.

Voir aussi : Anthropologie, Fromm (Erich), Klein (Méianie), Marcuse (Herbert), « Mœurs et sexualité en Océanie », « La Sexualité et sa répression dans les sociétés primrtives ».
Défense


1. La défense est l’ensemble des procédés, le plus souvent inconscients, utilisés par le moi, pour maintenir son unité et son intégrité contre les dangers externes ou internes qui les mettraient en cause.

2. Les dangers extérieurs sont ceux qu’entraînerait la satisfaction de désirs proscrits par des interdits sociaux. Les dangers intérieurs concernent les agressions de la pulsion sexueiie ou de la pulsion de mort, et les représentations qui leur sont liées. Dans la conception freudienne, la notion de défense intervient surtout dans l’analyse des rapports du moi et des puisions. Le moi se défend contre les pulsions du ça en se guidant sur les impératifs du surmoi.

3. Le moyen qu’utilise la défense est le plus souvent le refoulement. Mais il existe auparavant des défenses primaires, comme la transformation des puisions en leur contraire, la régression, l’introjection. D’autre part, Anna Freud (née en 1895) a montré que la défense peut porter non seulement sur les pulsions, mais encore sur d’autres sources d’angoisse, comme les exigences du surmoi. Elle doit donc recourir à des mécanismes variés, comme la sublimation ou le fantasme. Mélanie Klein y a ajouté l’identification projective, le déni de la réalité psychique, le contrôle omnipotent de l’objet.

4. Si le moi ne parvient pas à mobiliser à temps assez de réserves énergétiques pour maintenir l’équilibre psychique, l’accroissement des tensions internes, par exemple des excitations sexuelles, peut provoquer des troubles somatiques. C’est ainsi qu’apparaît la « névrose actuelle » (actuelle parce qu’elle concerne la vie sexuelle présente, et non passée, de l’individu), dans laquelle Freud inclut la névrose d’angoisse, la neurasthénie et l’hypocondrie, La cure psychanalytique peut apporter au moi une aide extérieure pour rétablir l’unité perdue du psychisme.

5. Si la défense peut être à l’origine de la maladie, la maladie peut être un moyen de défense. Freud a innové dans l’étude de l’hystérie en montrant que l’absence de décharge émotionnelle qui caractérise l’hystérie pouvait être liée à une activité de défense du sujet contre des représentations dépiaisantes. Il a d’abord introduit la notion d’hystérie de défense, à côté de celle d’hystérie hypnoïde et d’hystérie de rétention. Par la suite, il a abandonné la distinction de ces trois formes d’hystérie pour montrer que toute hystérie met en jeu un mécanisme de défense.

6. De la même manière, lorsqu’il regroupe sous le terme de psycho-névroses les affections exprimant symboliquement des confiits infantiles et y rattache l’hystérie, la phobie, l’obsession et certaines psychoses, Freud distingue une psycho-névrose de défense. Puis, lorsqu’il découvre la fonction essentielle de la défense, il généralise cette notion à l’ensemble des psycho-névroses.

7. Ce type de défense pathologique apparaît comme l’ultime rempart du moi contre les excitations internes déplaisantes lorsqu’il n’a pas pu apprendre à inhiber le déplaisir par des « investissements latéraux ». Le même phénomène peut s’observer dans la cure psychanalytique ; la défense prend alors le nom de résistance.

Voir aussi : Instances, Pulsions, Refoulement.
« Dialectique du moi et de l’inconscient »


1. Édité pour la première fois en 1934, ce livre condense vingt-huit années d’expérience psychologique et psychiatrique. Jung y entreprend la description du processus par lequel l’inconscient dans ses rapports avec le moi déclenche une évolution de la psyché. Cette évolution est étudiée à deux niveaux, celui de l’individu et celui du monde collectif.

2. Jung ne partage pas la théorie freudienne selon laquelle l’inconscient serait uniquement constitué par les tendances infantiles refoulées. Tout en admettant que ces tendances sont celles qui surgissent avec le plus de relief, il affirme que l’inconscient comporte d’autres dimensions. Il comprend des matériaux qui, sans être refoulés, n’ont pas atteint le seuil de la conscience. Analysant les rêves de ses patients, il y découvre des traces de représentations archaïques qui lui paraissent indépendantes de toute acquisition personnelle. Il les appellera des archétypes revivifiés et emploiera à leur sujet la notion d’inconscient collectif.

3. Ces contenus psychiques suprapersonneis exercent, selon l’auteur, une grande fascination sur le conscient. Les représentations collectives sont à la source des slogans comme des expressions poétiques et du langage religieux. Certaines modifications brusques de la personnalité comme les conversions inattendues proviendraient de l’attraction d’une image collective. Ainsi, pour Jung, l’esprit humain est un phénomène à la fois individuel et collectif.

4. Pour parvenir à une véritable individuation, ce que Jung désigne par la « réalisation de son soi », il est nécessaire d’opérer une libération à l’égard des fausses enveloppes dont s’entoure la personnalité et aussi à l’égard de la force suggestive des images inconscientes. Chez l’homme adulte, l’influence de l’image parentale tend à être remplacée par celle de la femme. L’image de la femme est héréditairement fixée, selon l’auteur, dans l’âme de l’homme. Elle constitue la partie féminine inconsciente de sa psyché, son anima. L’homme ne parvient à se différencier de l’anima qu’au prix des plus grands efforts, parce qu’elle est invisible et difficilement discernable.

5. À l’inverse de l’homme, la femme revêt comme élément de compensation un caractéré masculin, l’animus. Celui-ci est une sorte de condensation de toutes les expériences accumulées par la lignée ancestrale féminine au contact de l’homme ; mais c’est aussi un être créateur, capable de féconder le côté féminin de l’homme. L’anima et l’animus ne sont, estime Jung, que des complexes personnifiés. Ils doivent être reconnus et acceptés en tant que personnalités parcellaires relativement indépendantes.

6. Ce qui est vraiment nous-même, le soi, n’est, selon Jung, qu’une essence inconnaissable. On pourrait dire qu’il est « Dieu en nous ». Le moi qui a parcouru son individuation se ressent comme l’objet d’un sujet inconnu qui l’englobe. Il est indispensable, pour Jung, d’aller, dans le domaine psychologique, au-delà de ce qui est scientifiquement connu. En définitive, il perçoit le soi comme quelque chose d’irrationnel auquel est adjoint le moi et autour duquel celui-ci tourne comme la Terre autour du Soleil. Celui qui parvient à cette perception aurait atteint le but de l’individuation.

Voir aussi : Archétypes, Inconscient collectif, Jung (C.G.).
Dichter (Ernest)


1. Ernest Dichter révolutionne, après la guerre, la publicité commerciale américaine en y introduisant la psychologie scientifique et les méthodes de la psychanalyse. En quelques années, ses succès et l’habileté avec laquelle il les exploite en font un des hommes les plus écoutés et l’un des meilleurs inventeurs de slogans de Madison Avenue, le grand centre de la publicité aux États-Unis. En 1953, il fonde à Harmon, près de New York, l’Institut des motivations de masse, devenu aujourd’hui l’Institut des recherches de motivations (Institute for Motivationnal Research) qui effectue des études pour les clients les plus divers.

2. Autrichien, né en 1908, psychiatre diplômé de l’Université de Vienne, Ernest Dichter émigré en 1938 et importe aux États-Unis l’analyse freudienne appliquée au domaine commercial. Il affirme que la publicité doit se fonder sur le désir du consommateur (qu’il convient de découvrir, car il est le plus souvent refoulé) bien plus que sur les avantages de la marchandise offerte.

3. Au début de sa carrière, Dichter prétend que la plupart des motivations sont sexuelles et qu’une fois découvert le désir inconscient de l’acheteur, il devient facile de mettre au point le slogan unique et correct qui y répond. Pour vendre des briquets, il souligne le symbolisme sexuel de la flamme.

4. Dichter multiplie ces études et de nombreux clients se déclarent satisfaits de l’efficacité des résultats. Les compagnies aériennes, qui fondaient leurs campagnes sur la sécurité, insistent sur la vitesse quand elles découvrent que l’influence des épouses est décisive et qu’elles pousseront leur mari à prendre l’avion afin qu’il rentre plus vite au foyer. Pour une marque d’autos, il demande que la campagne publicitaire se fonde sur l’assimilation voiturefemme (une voiture de sport est une maîtresse, une conduite intérieure une épouse sérieuse).

5. Son institut de recherches établit les lignes directrices d’une campagne pour n’importe quel produit grâce aux analyses d’interviews en profondeur avec un échantillonnage de consommateurs, aux tables rondes et même aux psychodrames. Il emploie 500 enquêteurs et une soixantaine d’analystes. Mais on critique souvent les outrances de ses théories.

6. L’école sociologique américaine soutient que les désirs d’un acheteur se définissent plus souvent par rapport au groupe social dont il fait ou veut faire partie que par des complexes remontant à son enfance. On lui reproche aussi d’employer des méthodes compliquées pour parvenir au même résultat qu’un bon publicitaire intuitif.

7. Dichter est convaincu du rôle éducatif que la publicité doit jouer dans la société et affirme que, bien utilisée, elle favoriserait le progrès des pays sous-développés. En effet, dit-il, elle contribue à éveiller les désirs de mieux-être et à élever le niveau des aspirations individuelles. Elle provoque un « mécontentement constructif ». il propose d’appeler les agences de publicité « compagnies de construction de désirs » (Desire Engineering).

Dora


1. Publiée en 1905, l’observation du « cas Dora » que Freud eut à traiter en 1899 illustre les principes dégagés dans « L’Interprétation des rêves ». Cet exposé se propose de montrer l’intérêt de l’analyse onirique comme moyen d’accès au matériel psychique refoulé dans I’Inconscient et la signification des manifestations morbides névrotiques comme substituts d’une vie sexuelle normale.

2. Conduite par son père chez Freud — qui l’avait soigné avant son mariage pour une affection nerveuse d’origine syphilitique — Dora, âgée de dix-huit ans au début de la cure, présentait depuis des années des symptômes caractéristiques de « petite hystérie » : gêne respiratoire, toux saccadée, crises d’aphonie et de migraines, états dépressifs, agressivité vis-à-vis des siens allant jusqu’à l’expression d’un dégoût, jugé peu sincère, de la vie. Prédisposée à la névrose par son hérédité paternelle, elle avait en outre connu une adolescence perturbée par la désunion de ses parents. Dominée par la personnalité du père, sa famille reproduisait une situation typiquement œdipienne. Sa mère recherchait une compensation affective dans un surcroît d’activité ménagère et de tendresse vis-à-vis de son fils tandis que son père, aux côtés duquel Dora s’était rangée sans réserves, avait noué une liaison durable avec la femme d’un couple ami : les K. Le mari, M. K., la courtisait assidûment et avait tenté de la séduire. L’analyse suggérait une profonde ambivalence de sentiments vis-à-vis du père d’abord soutenu comme un complice, puis jugé comme un délinquant, après la tentative de séduction de M. K.

3. La réaction hystérique provoquée par une occasion d’excitation sexuelle révèle, bien qu’elles soient masquées par l’attachement au père, les pulsions refoulées du sujet : amour jadis conscient, puis condamné par la morale sociale, pour M. K., sentiments homosexuels non moins profonds éprouvés par Dora pour l’épouse de celuici. Mettant en lumière la simultanéité des tendances les plus diverses, l’analyse éclaire les phénomènes de localisation des symptômes névrotiques dans les zones érogènes extragénitales, sans raison organique décelable. Elle montre comment cette complaisance somatique, par conversion des éléments psychiques refoulés en manifestations corporelles, apporte au névrosé une certaine forme de satisfaction sexuelle.

4. Mais c’est essentiellement l’Interprétation des rêves qui permet de confirmer le bien-fondé de ces hypothèses. Si, dans un premier rêve plusieurs fois répété, Dora fuit avec son père une maison en feu où sa mère essaie de la retenir, c’est pour se détourner d’une réalité meurtrissante et retrouver, en rejetant son existence présente, l’apaisement d’une enfance sans conflits. Par la suite, en revanche, la rencontre d’un jeune homme inconnu dans la ville étrangère où elle vient d’apprendre la mort de son père, signifierait plutôt son désir de réinsertion dans sa vie actuelle.

5. Le cas Dora marque également les limites de la thérapeutique freudienne. En raison d’un transfert mal maîtrisé, Dora aurait en effet « rejoué » avec son médecin la rupture qu’elle avait tenté d’imposer à son père. Elle interrompit brutalement la cure, pour être « reconquise » à la vie selon Freud, mais plus vraisemblablement, aux dires du praticien qui la suivit par la suite, pour ne jamais connaître de véritable épanouissement.

Voir aussi : Hystérie, Transfert.

Dynamique de groupe

1. La dynamique de groupe est une technique psychologique qui étudie les réactions provoquées à l’intérieur d’un groupe restreint d’individus (réunis généralement à l’occasion de l’expérience) par un expérimentateur (psychologue ou thérapeute). En amenant les membres du groupe à parler de leurs problèmes les uns devant les autres et en proposant éventuellement une interprétation psychologique de leurs discours et de leurs attitudes, on crée au sein d’un groupe des structures significatives qui éclairent la personnalité de ses membres.

2. Née aux États-Unis vers 1940 avec les travaux du psychologue Kurt Lewin, la dynamique de groupe est utilisée aujourd’hui en Europe tant par les sociologues pour les recherches de psychologie sociale que par les psychiatres et les psychanalystes dans un but thérapeutique (psychothérapie de groupe). Jugés précaires par certains, ses fondements théoriques reposent selon quelques auteurs sur une analogie entre la structure atomique et le monde socio-psychique des groupes.

3. Dans les deux cas, des énergies antagonistes d’attraction et de répulsion se manifestent et contribuent à la réalisation d’un équilibre dans une situation donnée. Inspirée de la théorie de la relativité, la notion de « champ psychologique » a été introduite avec l’idée que les groupes parviennent par ajustements successifs à la solution la mieux appropriée à la situation dans laquelle ils se trouvent (d’où le terme de « dynamique » ).

4. Les applications les plus récentes de la méthode accordent une attention accrue aux facteurs affectifs et inconscients ainsi qu’à la personnalité de l’expérimentateur, bien que certains groupes fonctionnent sans animateur ( « leaderless groups » ). La dynamique de groupe ainsi conçue débouche sur une théorie du changement social. Les structures de groupe (rôles sociaux, normes de comportement) résulteraient du type de communications qui s’établissent entre ses membres. À un modèle différent de communications (autorité, dépendance, etc.) correspondrait une structure de groupe différente. Cette relation a été mise en lumière par l’étude du leadership (libéral, démocratique ou autoritaire).

5. Si les recherches de dynamique de groupe ont permis de déterminer certaines variables, telles que la cohésion, et surtout de découvrir les liaisons entre les structures et les communications, beaucoup d’entre elles sont contestées du fait qu’elles tendent à démontrer la supériorité de certaines formes de rapport (notamment quand le financement des travaux est assuré par des sociétés privées dans le cadre de la formation du personnel).

6. Des critiques ont fait aussi valoir que la théorie a été élaborée à partir de groupes artificiels sans tenir compte des tâches sociales à accomplir. Enfin, l’impossibilité d’appliquer la méthode à des groupes importants (la complexité de leurs structures interdisant les manipulations expérimentales) réduit son intérêt dans le domaine de la psychologie sociale. Sur le plan médical les avantages de la dynamique de groupe semblent beaucoup moins sujets à caution.

Voir aussi : Cuernavaca.

École freudienne de Paris

1. L’histoire du mouvement psychanalytique français est dominée par la personne de Jacques Lacan. Après avoir participé à la première organisation de psychanalystes français, la Société psychanalytique de Paris, il est à l’origine des différentes scissions qui ont marqué ce mouvement : d’abord à l’intérieur de la Société psychanalytique de Paris, qui devait donner naissance, en 1953, à la Société française de psychanalyse, puis au sein de cette dernière, qui fait place en 1963 à l’Association psychanalytique de France et à l’École freudienne de Paris, la plus importante, que dirige J. Lacan et qui publie depuis 1968 la revue « Scilicet ».

2. Créée en 1926 par des chefs de clinique de l’hôpital Sainte-Anne, la Société psychanalytique de Paris, à laquelle sont étroitement liés les noms des docteurs Angelo Hesnard (1886-1969) et Sacha Nacht, diffuse ses travaux dans la « Revue française de Psychanalyse ». La création d’un Institut de psychanalyse provoque un conflit entre la société et plusieurs membres, regroupés autour de Daniel Lagache et de Jacques Lacan. Ces derniers reprochent à l’institut de donner aux analystes une formation plus professionnelle que théorique et d’accorder trop d’importance au statut social que leur confère le titre de psychanalyste.

3. En 1953, les praticiens qui suivent Daniel Lagache et Jacques Lacan quittent avec eux la Société psychanalytique de Paris et fondent la Société française de psychanalyse, qui publie la revue « Psychanalyse ». Mais cette nouvelle organisation éclate à son tour. Lors d’un exposé au Congrès international de psychanalyse de Rome (1953), ses membres s’opposent au sujet de l’apport des sciences humaines à la pensée de Freud. En effet, Jacques Lacan se réfère de plus en plus aux travaux du linguiste Ferdinand de Saussure (1857-1913). D’autre part, en 1962, l’Association psychanalytique internationale n’accepte de reconnaître la Société française de psychanalyse qu’à la condition que Jacques Lacan, dont elle désapprouve les travaux, n’y apparaisse plus comme le principal dirigeant. La querelle, qui prend une tournure passionnelle, aboutit à la dissolution de la Société française de psychanalyse. En 1963, Jacques Lacan fonde l’École freudienne de Paris. Les autres membres de la société, en petit nombre, se regroupent dans l’Association psychanalytique de France, qui obtient son affiliation à l’Association psychanalytique internationale et passe sous l’obédience de la Société de Chicago, où elle installe son siège.

4. Ces scissions ne sont qu’un aspect particulier de l’histoire de l’ensemble du mouvement psychanalytique. Depuis Freud, les analystes sont pris dans une contradiction : respecter son œuvre et innover. Des divergences d’appréciation apparaissent alors nécessairement sur la manière dont chacun d’eux tente de concilier ces deux exigences. L’entreprise de Jacques Lacan est du même ordre : référence systématique à la pensée de Freud, relecture de textes jusque-là méconnus, mais aussi investigations nouvelles tenant compte des progrès des sciences humaines.

L’École freudienne de Paris fait souvent scandale par l’utilisation d’un style qui rend la lecture de ses textes ardue, voire selon certains impossible, et par le fait qu’elle est la seule société psychanalytique à admettre en son sein des personnes qui ne sont pas psychanalystes.

Voir aussi : Forclusion, Lacan (Jacques).

Fantasme

1. On distingue en psychanalyse trois sortes de fantasmes : conscients, inconscients et originaires. Il s’agit dans tous les cas de représentations imaginaires, où le sujet est présent et qui s’opposent plus ou moins à la réalité. En ce sens, le fantasme se rattache au mécanisme du rêve, bien qu’il semble encore plus profond et plus archaïque.

2. Freud est le premier à reconnaître ces formations psychiques inconscientes. Il les comprend tout d’abord comme des oppositions au principe de réalité. Celui qui ne peut trouver dans le monde réel la satisfaction de ses pulsions est contraint d’avoir recours à des formations substitutives qui s’enracinent dans la vie imaginaire. Aussi dans son essai « Formulations sur les Deux Principes des Fonctions psychiques » (1911), Freud identifie-t-il les fantasmes aux satisfactions symboliques. L’exploration de l’inconscient devait l’amener rapidement à reconnaître la spécificité du fantasme. Celui-ci n’est assimilable, ni à un souvenir déformé, ni à une simple négation de la réalité ; c’est une entité autour de laquelle s’articule l’inconscient, et que fait surgir l’analyse.

3. Il faudrait donc admettre que l’inconscient possède un certain nombre de « schémes structurants » qui transmettent des bribes d’histoire, transcendent tout vécu personnel d’une manière quasi héréditaire. C’est ainsi que l’on pourrait rendre compte de l’étonnante similitude des fantasmes découverts par l’analyse. Ces images archétypiques, transmises par l’inconscient coliectif, s’articuleraient ensuite en termes de désirs, dans la problématique individuelle du sujet. Cette conception aboutit à reconnaître l’existence de fantasmes originaires.

4. Ce fut l’analyse d’un névrosé obsessionnel, « L’homme aux loups », qui confronta Freud à l’existence de ces fantasmes. Le plus important sera celui de la « scène primitive » (Urszene). Il s’agit d’une scène de rapports sexuels entre parents dont l’enfant aurait été témoin dans ses premières années et qui semblerait avoir conservé une force traumatisante décisive dans l’apparition d’une névrose ultérieure. Freud devait, après de nombreuses recherches, reconnaître que cette scène était toujours reconstruite fantasmatiquement et non réellement vécue.

5. C’est encore chez les obsessionnels qu’il rencontre le célèbre fantasme masochiste et sadique de fustigation, désigné par l’expression : « On bat un enfant » (titre d’un essai publié en 1913). Le sujet ne peut jamais dire qui est l’enfant que l’on bat, ni qui est le tortionnaire. Il est probable que ce fantasme joue un rôle décisif dans la genèse de l’homosexualité, sans qu’il soit possible d’en préciser l’articulation exacte.

6. Depuis Freud, la psychanalyse s’est efforcée d’avancer plus profondément encore dans l’étude du fantasme. Les travaux de Mélanie Klein et de Jacques Lacan, constituent une nouvelle approche du fantasme. Celui-ci serait déterminant dans l’apparition des plus graves parmi les maladies mentales, les psychoses.

7. Certains auteurs orthographient « phantasme » le fantasme inconscient pour le distinguer du fantasme conscient (rêveries, fiction), mais cette distinction s’avère souvent arbitraire.

Voir aussi : L’Homme aux loups, Psychoses, Symbolique.
Fétichisme

1. Le fétichisme, au sens premier du terme, désigne une conduite magique dans laquelle des objets fonctionnent comme des êtres dotés de pouvoirs surnaturels. Une pierre, un bâton, etc., ont la propriété de rendre le sort favorable ou d’exorciser les forces mauvaises. Il ne s’agit pas, comme dans l’idolâtrie, d’images de la divinité adorées en lieu et place de la divinité, mais d’une puissance qui gît dans le chaos et leur confère la maîtrise du destin humain.

2. C’est à ce sens que se réfère, chez Marx, la notion de « fétichisme de la marchandise ». Dans le système capitaliste, la marchandise, selon Marx, impose sa loi comme le fétiche dans les sociétés primitives. Comme l’objet fétiche dissimule la réalité des rapports de l’homme à la nature, la marchandise fétiche voile la réalité des rapports entre les hommes. Ceux-ci prennent la « forme fantastique de rapports entre les choses ».

3. Le terme de fétichisme sera repris par Freud pour une déviation très particulière de la sexualité qui consiste à remplacer l’objet sexuel par un autre objet nullement approprié au but sexuel normal. Il s’agit généralement d’une partie du corps (cheveux, pieds, etc.) ou d’un objet inanimé qui touche de près l’être aimé et de préférence son sexe (linge intime). Freud estime que cette pratique suppose un certain fléchissement de la tendance vers le but sexuel normal et même une déficience fonctionnelle de l’appareil génital.

4. En raison de ce que Freud appelle la « surestimation de l’objet sexuel », il note qu’un certain degré de fétichisme se retrouve dans l’amour normal, surtout dans la période qui précède la satisfaction du but sexuel. Le désir se porte sur un vêtement ou sur une partie accessible du corps de l’être aimé. Il y a fétichisme caractérisé lorsque le fétiche se détache d’une personne déterminée et devient à lui seul l’objet de la sexualité. Le besoin de fétiche se fixe et se substitue définitivement au but normal. On est passé d’une simple variation de la pulsion sexuelle à l’aberration pathologique.

5. S’interrogeant sur l’origine de cette aberration, Freud a d’abord partagé l’opinion d’Alfred Binet selon laquelle le choix du fétiche manifeste la persistance d’une impression sexuelle ressentie dans l’enfance. Il invoque également une association d’idées de caractère symbolique et généralement inconsciente. Ainsi le pied serait un symbole sexuel très ancien attesté dans la mythologie. Par association, le soulier ou la pantoufle symboliseraient les parties génitales de la femme.

6. Revenant ultérieurement sur le problème du fétichisme, Freud abandonne l’explication associationniste. La psychanalyse montre que derrière le premier souvenir se rapportant à la formation du fétiche se cache une phase oubliée du développement sexuel, un « souvenir écran ». Selon Freud, dans le choix du fétiche, l’amour refoulé des odeurs excrémentielles jouerait un rôle important. Ainsi, note-t-il, dans le fétichisme du pied, ce sont les pieds sales et malodorants qui fonctionnent comme objet sexuel. Dans une dernière analyse, Freud attribue le fétichisme du pied au refoulement de la « pulsion du voir ». Celle-ci, recherchant les parties génitales, est stoppée par des interdits et se fixe sur le pied ou le soulier. Pour l’enfant, le pied remplace le pénis dont il n’accepte pas l’absence chez la femme.

Voir aussi : Pulsions, Refoulement.
Fixation

1. La notion de fixation peut être comprise en un sens psychologique ou en un sens psychanalytique. Tous deux sont présents dans l’œuvre de Freud. Pour la psychologie, la fixation est un moment du fonctionnement de la mémoire : d’abord comme inscription d’une trace mnésique, ensuite comme subsistance anachronique de cette trace, lorsqu’un souvenir manque et qu’elle le remplace. Pour la psychanalyse, la fixation est une conséquence des propriétés des processus inconscients ; elle n’est pas fixation d’une représentation, mais fixation de la libido à une représentation, à un objet, à un stade de la sexualité.

2. Tout être humain connaît la fixation, au sens de stagnation de la libido, dans la mesure où elle est la première phase du refoulement : le représentant psychique de la pulsion reste fixé à la pulsion et se voit refuser l’accès au conscient.

3. La fixation est un « refoulement primaire ». Le refoulement proprement dit intervient lorsque ce qui a été refoulé par fixation exerce une attraction sur d’autres représentations et met en danger le conscient en faisant une forte impression sur lui. La fixation permet, dans un premier temps, d’échapper à l’angoisse que provoque l’incertitude quant au destin des pulsions et l’approche du passage d’un stade sexuel à un autre.

4. Quand la fixation n’est pas dépassée, elle devient pathogène. C’est ainsi que des personnes ne peuvent détacher leur attirance sexuelle de leurs parents et connaissent des troubles névrotiques. Dans de tels cas, outre les causes liées à l’économie des pulsions, interviennent des facteurs extérieurs, comme les inhibitions provoquées par la famille et la société, ou la disparition d’un des parents, qui fait reporter tout l’amour de l’enfant sur l’autre. À cela, Freud ajoute des considérations biologiques à propos des troubles génétiques et plus généralement de l’« inertie de la vie organique ».

5. Dans la mesure où les expériences infantiles jouent un grand rôle dans le phénomène de la fixation, elles peuvent avoir un retentissement dans la vie adulte et provoquer une régression. L’individu tend à retourner à un état antérieur de son développement psychique et libidinal. Le choix d’un partenaire sexuel qui fait revivre l’image du père ou de la mère relève ainsi de la régression. Il en est de même chez l’enfant quand, après la naissance d’un frère ou d’une sœur, il se met à « parler bébé » ou à mouiller son lit. Mais, le plus souvent, le souvenir d’une scène infantile se contente de revenir par le rêve.

6. Les symptômes de la régression sont visibles dans les névroses, les psychoses et les perversions sexuelles. Mais, comme la fixation, la régression n’est pas un simple phénomène pathologique. Elle est liée à une tendance inhérente à tout organisme vivant, qui le pousse à reproduire un état antérieur, auquel il avait été obligé de renoncer sous l’influence de facteurs extérieurs. C’est pourquoi Freud recourt non seulement à l’étude de cas cliniques, mais encore à la biologie et à l’analyse de mythes (comme le mythe de l’androgyne, rapporté par Platon, d’après lequel à l’origine les deux sexes ne faisaient qu’un seul être et tendent, par l’accouplement, au retour à l’unité).

Voir aussi : Libido, Refoulement.
« Fonction de l’orgasme (La) »

1. Premier ouvrage important de Wilhelm Reich, « La Fonction de l’orgasme » est à la fois le résultat de ses observations cliniques, durant les années où l’auteur est assistant au Dispensaire psychanalytique de Vienne, et le début d’une nouvelle recherche essentiellement orientée vers les problèmes de l’équilibre sexuel, considéré comme le garant de la santé mentale des êtres humains. Rédigé en 1926 et publié en 1927 en allemand, le livre a été réédité et légèrement remanié par Reich aux États-Unis en 1942. Il est le point de départ de ce que l’auteur nomme l’« économie sexuelle » et qu’il ne cessera de développer jusqu’à son incarcération et sa mort en prison en 1957.

2. Wilhelm Reich a conscience d’aborder dans cet ouvrage un sujet explosif. Pour lui, une sous-estimation de la fonction sexuelle est (au moment où il écrit) bien plus probable et plus dommageable qu’une surestimation. Son propos est d’élaborer une théorie unitaire des névroses, en montrant que les conflits sexuels au sens étroit : inhibitions, refoulements et fragmentations de tendances génitales sont la cause du symptôme névrotique et jouent un rôle dynamique dans l’établissement de la réaction névrotique de base, sur laquelle le conflit névrotique s’édifie. Reich commence ainsi par donner une description détaillée de ce qu’il appelle la puissance orgastique et des troubles qui peuvent l’affecter.

3. La puissance orgastique est l’aptitude à atteindre l’orgasme. Comme référence clinique, Reich donne une courbe (ou modèle) qu’il divise en quatre phases typiques : 1) phase du contrôle volontaire de l’excitation ; 2) phase des contractions musculaires involontaires et de l’accroissement automatique de l’excitation ; 3) phase de la montée soudaine et abrupte vers l’acmé, avec un sommet qui correspond à l’orgasme ; 4) phase de relaxation. Chacune de ces phases correspond à l’un des quatre grands types des troubles de l’orgasme. Les individus atteints de l’un de ces troubles sont dits orgastiquement impuissants et présentent des symptômes névrotiques.

4. « L’angoisse, écrit Wilhelm Reich, peut être l’expression de la libido refoulée (névrose actuelle) ou le signe d’une défense contre elle (phobie), ou les deux à la fois. » Critiquant les interprétations traditionnelles de l’angoisse (Rank, Reik ou Alexander), il insiste sur la « stase libidinale » dans la symptomatologie et souligne que la libido génitale a, tant du point de vue organique que psychique, une spécificité irréductible. La libido est, selon lui, inséparable des zones génitales.

5. Reich en arrive alors à critiquer la morale sexuelle de son temps. Elle rabaisse l’expérience sexuelle, en l’assimilant à quelque chose de bestial et contribue ainsi à favoriser les troubles psychiques qui ont des conséquences sociales « désastreuses ». De même, le mariage monogamique ne peut aboutir qu’à une « anémie de la génitalité » et le plus souvent à la névrose. Marqué par les thèses de Freud sur l’étiologie sexuelle des névroses et la « morale sexuelle des civilisés », « La Fonction de l’Orgasme » se situe pourtant au-delà du freudisme, en raison des préoccupations sociales de son auteur. Désormais, pour Reich, psychanalyse et révolution ne font qu’un, et il ne tardera pas à devenir marxiste.

Voir aussi : Reich (Wilhelm).
Forclusion

1. La forclusion appartient à l’origine au vocabulaire juridique. Elle signifie la clôture d’une action judiciaire dès que l’une des parties ne respecte pas les délais légaux pour accomplir certaines formalités. La partie concernée est exclue du droit de discuter dans le cadre d’un litige, faute de n’avoir pas respecté ces délais ; elle est « a foro exclusio », d’où le mot forclusion. Jacques Lacan a introduit ce terme en psychanalyse. Il traduit ainsi en français le mot allemand Verwerfung, employé par Freud dans son « Extrait de l’Histoire d’une Névrose infantile : l’Homme aux loups » (1918). La forclusion désigne alors le rejet par le sujet de représentations qu’il ne peut supporter. Il leur interdit le droit à la parole.

2. Ce rejet se fait par l’intermédiaire d’hallucinations. Il s’inscrit dans un mécanisme de défense propre, la psychose, maladie mentale où le rapport entre le sujet et la réalité extérieure est perturbé. Le principal texte de Jacques Lacan expliquant ce qu’il entend par forclusion s’intitule « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose ». Il y montre par exemple que la forclusion est un moyen pour le sujet de surmonter la peur de la castration, peur provoquée très tôt chez le garçon par la constatation que la fille n’a pas de pénis.

3 Cependant, la forclusion n’est pas synonyme de refoulement, mode particulier de défense qui maintient des représentations déplaisantes hors de la conscience. Le sujet doit pouvoir les oublier. Alors que le refoulement les rejette dans sa vie intérieure, la forclusion au contraire suppose que le sujet se délivre de ces représentations en les projetant à l’extérieur de lui-même, dans le réel. C’est ainsi qu’apparaissent les hallucinations, propres à la psychose. Le refoulement censure ; la forclusion transforme. Ce qui est refoulé appartient à l’inconscient ; ce qui est forclos appartient à la perception consciente, sous une forme hallucinatoire.

4. Dans sa « Réponse au commentaire de Jean Hippolyte sur la Verneinung de Freud », Jacques Lacan s’élève contre la traduction habituelle du mot allemand Verwerfung par « Jugement qui rejette et qui choisit ». En proposant le mot « forclusion », il sous-entend qu’il le distingue de la dénégation (Verneinung) qui, elle, résulte d’un jugement. Jacques Lacan s’appuie sur la démonstration de Freud au sujet de la crainte de la castration et du rejet de sa représentation par « l’homme aux loups » : « Aucun jugement n’était par là porté sur la question de son existence, mais les choses se passaient comme si elle n’existait pas. » La forclusion consiste à ne pas symboliser ce qui aurait dû l’être (ici la castration) et à produire en échange des hallucinations pour faire diversion. Mais le mécanisme psychique se déroule sans que le sujet ait besoin de prendre une décision réfléchie.

5. L’expérience de la réalité d’un objet nécessite deux opérations simultanées : il doit être imaginé et symbolisé. Le manque de l’une de ces fonctions permet de comprendre le caractère particulier du « réel » psychotique. Chez le schizophrène, la fonction imaginaire est altérée et le sujet vit dans un monde symbolique qui devient progressivement purement abstrait et hermétique. Chez le délirant paranoïaque, la réalité est expérimentée sur un mode purement imaginaire. La perte de la fonction symbolique empêche la distance par rapport aux choses. La réalité devient image.

Voir aussi : L’Homme aux loups, Psychoses.

Freud (Sigmund)

1. Sigmund Freud, aîné d’une famille juive qui comptera huit enfants, voit le jour le 6 mai 1856 à Freiberg, petite ville de Moravie (région de l’actuelle Tchécoslovaquie). Son père, négociant de condition très modeste, s’installe en 1860 à Vienne. Freud y passera toute sa vie, sauf quelques séjours à l’étranger et, après l’Anschluss, une année d’exil à Londres, où il s’éteindra le 23 septembre 1939.

2. Après avoir envisagé de se consacrer à la philosophie, il opte pour la médecine. Docteur en 1881, il est trop pauvre pour poursuivre des études à l’université et va travailler à l’hôpital de Vienne, où il se spécialise peu à peu dans la neurologie. En 1885, l’attribution d’une bourse qui lui permet de se rendre à Paris dans le service de psychiatrie de Charcot, va transformer sa vie. L’éminent professeur, qui jouit d’une célébrité mondiale, accueille avec sympathie le jeune étranger et l’initie à ses recherches. Freud se familiarise avec l’hypnose et les problèmes psychiatriques. Il quitte Paris le 28 février 1886 ayant acquis une remarquable expérience clinique.

3. L’enseignement de Charcot incite Freud à élargir ses investigations. L’étrange histoire d’Anna O., que lui raconte, à son retour à Vienne, son ami le docteur Joseph Breuer, décide de son orientation définitive. Ses observations sur les hystériques le conduisent à découvrir le rôle de la sexualité infantile dans la genèse des névroses et à construire les premières bases de la psychanalyse.

4 « La vie de Freud, écrit Stefan Zweig, fut enfermée derrière la porte sévère d’un immeuble viennois. » Bien connue aujourd’hui par la biographie écrite par son ami et disciple Ernest Jones, elle frappe par son calme et son harmonie. Fiancé pendant cinq ans à Martha Bernays (1861-1951), Freud l’épouse en 1886. Il trouve en elle une compagne fidèle de toutes ses luttes, bien qu’elle soit restée étrangère au mouvement psychanalytique. Elle lui donnera quatre garçons et deux filles, au milieu desquels Freud mènera une existence patriarcale.

5. La plus grande partie de la vie de Freud s’identifie avec l’histoire de la psychanayse et la longue lutte qu’il doit livrer pour faire admettre ses vues. Dans la Vienne rigoriste, les théories freudiennes font scandale. Freud doit combattre sur tous les fronts, dans une misère constante. Peu à peu cependant, ses idées atteignent un public plus vaste. Bientôt se regroupent autour de lui ses premiers disciples. Le mouvement psychanalytique est né.

6. À la fin de sa vie, le chercheur viennois voit enfin la gloire arriver. Le Prix Goethe lui est décerné en 1936. Freud a alors quatre-vingts ans. Son œuvre, traduite partiellement en plusieurs langues, est connue maintenant dans le monde entier. Il est devenu l’ami de Romain Rolland, de Thomas Mann et d’autres écrivains célèbres. Mais les dernières années à Vienne sont assombries par la maladie. Depuis longtemps, Freud est atteint d’un cancer à la mâchoire qui le ronge lentement. En 1933, la Société allemande de psychanalyse tombe entre les mains des nazis, qui condamnent les théories freudiennes comme « décadentes et juives ». Jusqu’en 1938, Freud refuse obstinément de quitter Vienne. Le 4 juin 1938, il doit se réfugier en Angleterre avec les siens, après des tractations officielles entre Washington et Berlin qui lui permettent d’échapper à la Gestapo.

Freudo-marxisme

1. Les rapports entre marxisme et psychanalyse ont fait l’objet de recherches et de prises de position dans les années qui suivent la première guerre mondiale, à la fois parmi les disciples de Freud et dans les milieux marxistes. Ces rapports ont donné lieu soit à une hostilité déclarée de l’un des types d’explication à l’égard de l’autre, soit à une influence scientifique réciproque, soit à des tentatives de synthèse, auxquelles on a donné le nom de freudo-marxisme.

2. L’une des tentatives les plus notables est celle de Wilhelm Reich. En 1929, dans « Matérialisme dialectique et Psychanalyse », il s’attache à montrer que la psychanalyse est le noyau à partir duquel peut être développée une psychologie matérialiste dialectique. Il nie la possibilité de tirer de la psychanalyse une sociologie, mais il admet que la psychanalyse permet, grâce à sa méthode, de découvrir les racines pulsionnelles de l’activité sociale. Selon Reich, la libido sublimée devient, comme force de travail, une force productive.

3. Dans ses travaux ultérieurs et notamment dans « Psychologie de masse du fascisme » (1933), Reich applique la psychanalyse à la recherche marxiste en histoire et en politique. Ainsi explique-t-il le comportement social de masses ouvrières gagnées au fascisme par des mécanismes inconscients qui agissent à titre de médiations entre l’être social et les réactions des individus. La dépendance matérielle et autoritaire à l’égard des parents dans l’enfance, le refoulement des désirs sexuels, rend l’individu fortement attaché à l’ordre bourgeois, incapable de le critiquer, suscite l’angoisse et le besoin du chef, etc. Mais des phénomènes comme le capitalisme, le fascisme lui-même, la grève, etc., ne relèvent pas pour Reich d’une interprétation analytique mais de la théorie sociale, c’est-à-dire, à ses yeux, du matérialisme historique classique.

4. Erich Fromm, au début des années 30, se pose lui aussi le problème d’une psychologie analytique appliquée à l’histoire et à la société. Le fait que les pulsions sexuelles soient interchangeables et décalables revêt une très grande importance sociale, estime Fromm. Ce fait permet que soient offerts aux masses les satisfactions souhaitées par la classe dominante. Les comportements irrationnels qui s’expriment dans la religion, l’éducation, la politique ont leurs fondements dans les structures de l’inconscient. Celles-ci sont conditionnées par les relations affectives typiques nouées au sein de la famille et renvoient à son arrière-plan social de classe, à la structure sociale dont elle provient. En incluant l’appareil pulsionnel de l’homme dans la série des conditions naturelles qui font partie des infrastructures du processus social, la psychanalyse peut enrichir la conception d’ensemble du matérialisme historique.

5. Se voulant à la fois disciple de Freud et de Marx, Herbert Marcuse développe dans son « Eros et civilisation » (1963), la thèse selon laquelle le principe de réalité, dans lequel Freud a vu la base du développement culturel de l’humanité, devient, dans la société industrielle, sous l’autorité de la classe dominante, un principe d’auto-frustration des individus. Une ère de travail mécanisé pourrait libérer les forces de l’énergie pulsionnelle. La sublimation ne cesserait pas, la société ne tomberait pas dans un pansexualisme. Mais l’énergie érotique libérée deviendrait une force créatrice de culture.

Voir aussi : Fromm (Erich), Marcuse (Herbert), Reich (Wilhelm).

Fromm (Erich)

1. Psychanalyste, philosophe social, historien et anthropologue, Erich Fromm s’est tourné de plus en plus vers des tâches pratiques en vue d’aider à la création d’une « société saine », fondée sur les besoins humains, et à l’établissement de relations harmonieuses entre les hommes et les peuples qui trouveraient leur « Moi originel », cette « liberté positive qui consiste dans l’activité spontanée de la personnalité humaine ».

2. Descendant d’une longue lignée de rabbins, Erich Fromm est né à Francfort, le 23 mars 1900. Il passe son enfance dans une atmosphère de dévotion, mais très vite ses tendances humanistes l’orientent vers des préoccupations plus philosophiques. Ainsi il lit Spinoza, Goethe, Freud et Marx. La première guerre mondiale est un choc pour lui ; il dit qu’elle était « le début d’un processus de brutalités qui continue jusqu’à nos jours ». Il obtient un doctorat en philosophie à Heidelberg en 1922 et s’initie à la psychanalyse à l’Institut psychanalytique de Berlin. Très tôt, il rompt avec l’orthodoxie freudienne qui néglige les facteurs socio-économiques et renonce, à l’âge de 26 ans, au judaïsme.

3. En 1925, Fromm commence à pratiquer la psychanalyse sans avoir reçu de formation médicale. Il devient membre de l’Association internationale de psychanalyse. Puis, de 1929 à 1932, il enseigne à l’institut de psychanalyse de Francfort. C’est à cette époque qu’il écrit son premier essai « Le Développement du Dogme du Christ ». Il se trouve à Genève quand Hitler accède au pouvoir. Invité à Chicago, il se rend aux États-Unis en 1933 et décide de s’y installer en optant pour la citoyenneté américaine. Après quelques difficultés, il réussit à se frayer une voie et s’impose par ses vues originales sur l’homme et la société. De 1934 à 1961, il enseigne dans diverses universités américaines. Il est nommé professeur de psychiatrie à l’Université de New York en 1962.

4. Dans son best-seller « La Peur de la Liberté » (plus de 25 éditions) Fromm suit le développement de la liberté depuis le Moyen Âge jusqu’aux temps modernes. À la fois analyse psychologique, histoire intellectuelle et esquisse de philosophie politique, cet ouvrage conclut à la nécessité d’éliminer les possédants pour que l’homme puisse participer à l’organisation du travail, créer et retrouver son véritable moi. En 1956, il publie « La Société saine », l’un de ses écrits les plus célèbres et les plus influents, où il se réfère explicitement et pour la première fois aux écrits du jeune Marx. Ce livre qui constitue une tentative de synthèse de Freud et de Marx, critique l’homme aliéné dans la société capitaliste et rejette le « robotisme » des sociétés industrielles pour aboutir à un « humanisme communautaire socialiste », fondé sur la participation à la direction des entreprises, qui anéantira le conflit capital-travail.

5. « L’Art d’aimer » (1956) est consacré à démontrer que « l’amour est la seule réponse saine aux problèmes de l’existence humaine ». « La Conception marxiste de l’Homme » (1961) développe une interprétation humaniste de Marx fondée sur les « Manuscrits de 1844 », que Fromm continuera dans « Au-delà des chaînes de l’illusion ».

Voir aussi : Culturalisme, Freudo-marxisme.

Hans (Le petit)

1. Freud publie en 1909 le premier compte rendu d’une analyse infantile. Le petit Hans, dont il relate et commente longuement le cas, est un enfant de cinq ans. Ses parents sont des adeptes de Freud, qui a soigné la mère. Quelques mois après la naissance d’une petite sœur, Hans manifeste une violente phobie des chevaux. Il refuse de sortir de chez lui de crainte qu’un cheval ne le morde. Au terme d’une analyse dont le père du petit Hans avait pris la direction, Freud établit le lien entre la névrose de l’enfant et son complexe d’Œdipe, assurant du même coup sa guérison.

2. Freud ayant estimé que seul le père pouvait, dans ce cas, jouer le rôle de l’analyste, celui-ci avait entrepris, selon une méthode non moins inhabituelle, de questionner son fils. Hans est exceptionnellement intelligent et coopère activement au traitement. Il sait que son père rend compte de leurs entretiens à Freud et il espère qu’avec l’aide du « docteur » il guérira. Malgré ces conditions très favorables, les progrès de l’analyse sont lents. Freud demande au père d’avancer avec la plus grande prudence dans l’interprétation des matériaux que lui livre l’enfant. Une seule fois au cours de l’analyse Freud est présent. Hans tente d’expliquer qu’il a peur des chevaux parce qu’on lui a dit qu’ils mordaient. Un jour, il a vu deux grands chevaux attelés à un camion, tomber et se débattre et il en a éprouvé une grande frayeur. Mais Freud lui affirme qu’il faut chercher d’autres raisons à sa phobie.

3. L’explication psychanalytique est en effet toute différente. Comme tous les enfants, Hans a une grande curiosité sexuelle. Il s’intéresse beaucoup à son pénis (qu’il appelle son « fait-pipi » ) et croit que tout le monde en possède un. Il s’imagine que le tout petit « fait-pipi » de sa petite sœur poussera plus tard. Il a vu le pénis de son père et remarqué qu’il était plus grand que le sien. Mais les chevaux ont un pénis encore beaucoup plus grand. Pour Hans, qui voudrait être le seul à bénéficier de l’amour de sa mère, les chevaux sont donc encore plus menaçants que son père, car celui qui l’emportera dans cette rivalité sera celui qui a le plus grand pénis. Le cheval fait l’objet d’un déplacement. La peur que le petit Hans ressent en raison de sa jalousie à l’égard de son père est reportée sur les chevaux.

4. La cure réussit parfaitement. Son issue favorable est facilitée par le transfert positif que le petit Hans fait sur la personne de Freud à qui il a accordé sa confiance. Quinze ans plus tard, Freud verra avec surprise un grand et solide jeune homme frapper à sa porte en déclarant : « C’est moi le petit Hans. » Freud s’étonne seulement d’apprendre que Hans n’a conservé aucun souvenir de son analyse.

5. Malgré le succès qu’il avait obtenu dans le traitement du petit Hans, Freud continua de penser que la psychanalyse des enfants n’était pas généralisable. Ce fut sa seule intervention thérapeutique dans ce domaine, et encore ne s’était-elle effectuée qu’indirectement, par l’intermédiaire du père de l’enfant. Sa fille, Anna Freud, et Mélanie Klein devaient au contraire développer, dans des voies divergentes, cette technique psychanalytique particulière, largement appliquée aujourd’hui, en particulier aux États-Unis.

Voir aussi : Klein (Méianie), Psychanalyse des enfants.

Homme aux loups (L’)

1. Écrite de 1914 à 1915, la relation par Freud de l’analyse de l’« homme aux loups » suit les dissidences de Jung et d’AdIer. Contre ses deux anciens disciples, Freud veut confirmer la réalité clinique des faits qu’il a déjà exposés dans l’analyse du petit Hans : l’origine sexuelle des névroses. Le cas de l’ « homme aux loups » ne cessera d’alimenter les polémiques entre les tenants des diverses écoles psychanalytiques.

2. Quand il vient consulter Freud, l’« homme aux loups » est un jeune homme de 22 ans, fils d’un très riche avocat d’Odessa. Il souffre d’une grave névrose qui le rend totalement incapable de se livrer à la moindre tâche. Il ne peut même pas s’habiller seul. Après avoir suivi sans succès les traitements des psychiatres les plus réputés d’Europe, il entend parler de Freud et se rend à Vienne pour lui demander son aide.

3. Freud remarque tout de suite qu’il est en présence d’un cas exceptionnellement difficile. De fait, l’analyse durera près de quatre ans sans qu’aucune amélioration sensible de l’état du malade ne se produise. Freud décide alors d’user d’un stratagème condamné par les règles habituelles de l’analyse. Il fixe une date pour la fin du traitement. Aussitôt l’analyse s’accélère. Les résistances finissent par céder. Freud peut enfin interpréter un rêve que le jeune homme avait fait à l’âge de quatre ans et qu’il avait raconté dés le début de la cure, mais dont le sens avait jusque-là échappé à Freud.

4. Dans ce rêve, l’enfant est couché dans un lit, les pieds tournés vers une fenêtre. Celle-ci s’ouvre, découvrant une nuit d’hiver où se dresse une rangée de noyers. Sur les branches six loups blancs sont perchés, totalement Immobiles, les oreilles dressées par l’attention. Ils ont de grandes queues comme des renards. L’enfant hurle de peur et s’éveille. Il a été si frappé par l’apparence vivante des loups qu’il lui faut un long moment pour être convaincu, par sa bonne accourue auprès de lui, qu’il a rêvé.

5. S’aidant de tout le matériel qu’il a recueilli durant la cure, Freud réussit à interpréter le rêve des loups. L’enfant avait entendu son grand-père lui lire des contes de Grimm où un tailleur coupe la queue d’un loup avec ses ciseaux. Par un processus inconscient de renversement, les longues queues des loups signifiaient l’absence de queue, la castration. Par un processus de déplacement, le regard fixe du rêveur était devenu celui des loups. Un autre renversement conduisait à interpréter l’immobilité comme un mouvement : celui que l’enfant avait observé vers l’âge de dix-huit mois pendant le coït de ses parents. Cette « scène originaire », qu’elle soit un souvenir vécu ou un pur fantasme, occupe une place importante dans les théories freudiennes, car elle apparaît à l’enfant comme une agression du père et se relie à ses propres excitations sexuelles.

6. Traité pour d’autres névroses une seconde fois par Freud et deux autres fois par Ruth Brunswick, une élève de Freud, l’« homme aux loups », devenu l’un des personnages les plus célèbres de l’histoire de la psychanalyse, finit par se rétablir complètement. Certains psychanalystes, en particulier Otto Rank, estiment que son rêve s’est déroulé durant l’analyse et contestent de ce fait l’argument que Freud en a tiré en faveur de ses thèses sur les névroses infantiles.

Voir aussi : Névroses, Rêve.

Homme aux rats (L’)


1 Publié en 1909, un an après la fin de la cure, l’exposé du cas de l’ « Homme aux rats » relate la guérison d’une névrose obsessionnelle grave. Elle ébauche également les premiers fondements de la théorie freudienne sur l’analogie des névroses avec l’activité mentale des primitifs.
2 Âgé d’une trentaine d’années, l’ « Homme aux rats » avait dû renoncer, en dépit d’une vive intelligence, à toute vie pratique. Inhibé par un doute paralysant il était la proie de ruminations obsessionnelles morbides qu’il tentait de conjurer par l’accomplissement de rites complexes, il avait été bouleversé par le récit d’un supplice chinois dans lequel on renversait sur les fesses du supplicié un bocal plein de rats qui cheminaient en lui après lui avoir dévoré l’anus. Persuadé que son amie et son père, mort pourtant depuis des années, risquaient de subir ce traitement, il ritualisait à l’infini ses moindres actions pour le leur épargner. Il éprouvait par ailleurs une satisfaction manifeste à exécuter successivement des actes contradictoires, révélant ainsi la double nature antagoniste de son « moi » divisé.
3 Dans la névrose obsessionnelle, en effet, le refoulement dissocie les éléments du schéma infantile de la maladie. La représentation de l’incident pathogène subsiste dans la mémoire consciente, mais sa charge affective est refoulée dans l’inconscient. Elle se manifeste par des troubles non pas corporels, comme dans la conversion hystérique, mais psychiques. Agissant sous l’effet d’une force intérieure contraignante mais inaperçue (compulsion), l’obsédé établit des rapports de causalité illusoires entre ses actions et leurs motivations supposées.
4 Ayant reçu de son père, dans sa petite enfance, un châtiment corporel à la suite d’un méfait d’ordre sexuel, l’ « Homme aux rats » s’était révolté contre une autorité qui s’opposait à la satisfaction de ses désirs érotiques et avait conçu à son égard des sentiments ambivalents. Refoulée dans l’inconscient, mais inaltérablement liée à cet épisode, sa libido s’était réveillée au récit du supplice des rats évoquant avec une composante sadique, l’érotisme anal de la petite enfance. La reviviscence d’une haine coupable vis-à-vis du père avait engendré un état de remords paralysant et le besoin d’exécuter, à l’occasion des moindres actions, des rites conjuratoires, apportant au malade une forme de satisfaction érotique infantile. Dissociée de la conscience, cette forme libidinale était de nature à s’emparer progressivement de sa personnalité totale et à commander ainsi tous ses actes.

5 Préservant le psychisme infantile dans son intégralité, la névrose obsessionnelle évoque étrangement les mécanismes mentaux des primitifs. Comme les hommes des premiers âges, les obsédés projettent dans la réalité extérieure des rapports de causalité n’existant que dans leur esprit. La « perception endo-psychique » du névrosé permet ainsi de mieux comprendre la genèse des superstitions. Peu soucieux de certitude expérimentale, l’obsédé manifeste sa prédilection pour les questions incertaines comme la religion et la vie surnaturelle. Attribuant à ses pensées de haine et d’amour un pouvoir tout-puissant, comme dans la magie, il manifeste souvent une véritable obsession de la mort. Ébauchant le thème anthropologique développé dans « Totem et Tabou », Freud suggère que l’aptitude névrotique est liée au développement de la civilisation.


Voir aussi : Névrose obsessionnelle.

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