La Protection légale des animaux en France/Partie 1


PREMIÈRE PARTIE

DES ANIMAUX CONSIDÉRÉS AU POINT DE VUE DE LA PROPRIÉTÉ



Les animaux dont la destruction est punie se divisent en deux catégories : la première comprend les chevaux ou bêtes de monture ou de charge, les bestiaux à cornes, les moutons, les chèvres, les porcs, les poissons dans des étangs, viviers ou réservoirs et les chiens de garde.

La seconde catégorie embrasse les animaux domestiques qui se familiarisent avec l’homme et vivent autour de lui, tels que les chiens, les chats, les pigeons de volière, les oiseaux de basse-cour.

Pour les animaux de la première catégorie, la loi prévoit deux cas de destruction : celle qui a lieu par empoisonnement, et celle qui est produite par tout autre moyen.

§ I. — Destruction par l’empoisonnement.

Autrefois l’empoisonnement des animaux de la première catégorie était puni de six ans de fers ; d’après le code pénal actuel, la peine est réduite à l’emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 16 francs à 300 francs (art. 452 du code pénal, loi du 6 octobre 1791).

Le délit d’empoisonnement des animaux énumérés dans l’article 452 du code pénal, se compose de deux éléments : le fait de l’empoisonnement et l’espèce de l’animal empoisonné.

Pour qu’il y ait empoisonnement, il faut d’abord l’intention de donner la mort ; il faut ensuite l’emploi d’une substance toxique. L’intention est une condition essentielle de toute action coupable ; ainsi, si celui qui administre un poison croyait de bonne foi donner un remède à l’animal malade, le délit n’existerait pas.

Outre l’intention nécessaire pour constituer le délit, il faut que la substance administrée soit de nature à donner la mort à l’animal. Les substances vénéneuses sont détaillées dans l’ordonnance du 29 octobre 1846, dans un décret du 8 juillet 1850, et dans un décret du 1er octobre 1864.

Le tableau des substances vénéneuses est annexé au décret du 8 juillet 1850, et il appartient aux hommes de l’art, médecins et experts chimistes, de rechercher si la substance employée est ou non capable de donner la mort.

En matière pénale tout est de droit étroit, on ne peut étendre les termes de la loi : nous venons de parcourir l’énumération des animaux dont la loi punit la destruction par l’empoisonnement ; l’article 452 du code pénal ne s’appliquera plus s’il s’agit de l’empoisonnement d’animaux qui ne sont pas compris dans cette énumération.

Ce n’est pas qu’il soit permis d’empoisonner les autres animaux non compris dans cette catégorie, tels que les chiens, les volailles, les pigeons etc. ; mais l’empoisonnement des animaux non spécifiés dans l’article 452 n’est pas toujours un délit : cela dépend du lieu où ces animaux ont été empoisonnés, comme nous allons le voir en examinant l’article 454.

Bien que la nomenclature de l’article 452 soit limitative, il est évident que les espèces des animaux désignés comprennent tous les individus de la même classe, c’est-à-dire les mâles aussi bien que les femelles ; le mot chèvres s’applique aux boucs et aux chevreaux, le mot chevaux s’applique aux juments, le mot moutons s’applique également aux brebis, aux agneaux et aux béliers.

En ce qui concerne les poissons, ils ne rentrent dans les termes de la loi qu’autant qu’ils sont placés dans des étangs, viviers ou réservoirs, parce qu’ils se trouvent sous la main du maître et qu’ils constituent une véritable propriété. Quant aux poissons des fleuves, rivières ou canaux, ils sont protégés par la loi spéciale du 15 avril 1829 sur la pêche ; cette loi punit de trois mois de prison et 200 francs d’amende ceux qui ont jeté dans les eaux des drogues de nature à enivrer ou à détruire le poisson.

§ II. — Destruction par tout autre moyen que l’empoisonnement.

Lorsque la destruction des animaux spécifiés dans l’article 452 du code pénal est produite par tout autre moyen que l’empoisonnement, il y a toujours un délit punissable, mais la peine est moins élevée ; le législateur a pensé que l’empoisonnement supposant la préméditation, le fait devait être réprimé avec plus de sévérité.

L’article 453 du code pénal est ainsi conçu : « Ceux qui, sans nécessité, auront tué l’un des animaux mentionnés au précédent article, seront punis ainsi qu’il suit :… »

Il faut donc trois conditions : la première, c’est que l’animal ait été tué ; on voit immédiatement une lacune échappée aux auteurs du code pénal qui n’ont pas prévu le cas de blessures volontaires faites à l’animal. Heureusement, nous avons, à cet égard, une disposition spéciale dans une loi ancienne, mais qui est toujours en vigueur : je veux parler de la loi du 28 septembre 1791.

Quant aux blessures involontaires, elles sont punies par l’article 479 § 2 du code pénal, et constituent une contravention passible de peines de simple police.

La seconde condition prévue par l’article 453 est que l’animal ait été tué sans nécessité : il n’y aura pas de délit lorsque l’animal aura été tué parce qu’il mettait la vie de l’homme en danger ou qu’il menaçait la sûreté des personnes ; il suffirait même que la vie des autres animaux pût être compromise par un animal furieux pour qu’il y eût nécessité de le tuer.

Mais il ne faut pas aller jusqu’à croire que l’on a droit de tuer tous les animaux qui viennent envahir les propriétés : s’il s’agit d’animaux malfaisants, féroces ou sauvages, nul doute qu’on puisse les repousser avec les armes à feu ; on peut tuer, sur son héritage, les volailles privées qui viennent y faire des dégâts, mais on n’a pas le droit de se les approprier ; il faut les laisser sur place, sauf à demander une indemnité à ceux qui en sont les propriétaires.

Une loi récente du 6 avril 1889 règle ce qui est relatif aux animaux employés à l’exploitation des propriétés rurales ; elle dispose que lorsque des animaux non gardés ou dont le gardien est inconnu ont causé du dommage, le propriétaire lésé a le droit de les conduire au lieu de dépôt désigné par le maire, et de présenter requête au juge de paix pour les faire vendre s’ils ne sont pas réclamés, ou si le dommage n’est pas payé dans la huitaine. Quant aux volailles qui s’enfuient dans les propriétés voisines, elles cessent d’être la propriété de leur maître un mois après la déclaration faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. Pendant l’époque fixée par les préfets pour la clôture des colombiers, les propriétaires et les fermiers peuvent tuer et s’approprier les pigeons qui seraient trouvés sur leurs fonds.

Les vers-à-soie ne peuvent être saisis pendant leur travail ; il en est de même des feuilles de mûrier qui leur sont nécessaires.

Si, au contraire, il s’agit des animaux spécifiés dans l’article 452, qui dévastent une propriété, on n’a pas le droit de les tuer, même sur son propre terrain, on ne peut que se faire payer le dégât.

La troisième condition prévue par l’article 453 est qu’il s’agisse des animaux mentionnés dans l’article précédent : ce sont ceux que j’ai énumérés plus haut en citant l’article 452.

Arrivons maintenant à la destruction des animaux de la seconde catégorie ; ce sont tous les animaux domestiques proprement dits. Sans doute les animaux mentionnés en l’article 452 sont des animaux domestiques en ce sens qu’ils sont consacrés au service de l’homme ; mais dans le langage de la loi, ce mot ne s’applique qu’aux animaux qui vivent dans l’intimité de l’homme, tels que les chiens, les chats, les pigeons de volière, les oiseaux de basse-cour et les animaux apprivoisés, etc. D’après M. Guérin-Ménerville, on en compte quarante-sept espèces, parmi lesquelles il faut comprendre les animaux que l’acclimatation et la naturalisation peuvent ajouter aux espèces ordinaires.

La protection que la loi accorde à ces animaux est indiquée dans l’article 454 du code pénal.

Comme pour les animaux de la première catégorie, la condition constitutive du délit est que les animaux domestiques aient été tués sans nécessité.

La seconde condition est que ces animaux aient été tués sur la propriété même de leur maître, locataire, colon ou fermier.

Dans tout autre endroit, la destruction d’un animal domestique faite sans nécessité ne peut donner lieu qu’à des dommages-intérêts.

Pourquoi cette différence entre les animaux des deux catégories ? C’est que les animaux domestiques ne sont considérés comme une propriété qu’autant qu’ils se trouvent sur le terrain de leur maître ; si celui-ci les laisse divaguer sur le terrain d’autrui ou sur la voie publique, cet abandon est une présomption de renonciation au droit de propriété, le maître est en faute et la loi cesse de le protéger.


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