La Petite-Poste dévalisée/Lettre 14

Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 44-47).


Un Anglois à Mademoiselle Coulé, Danseuse.

Madame,

La grace forte & légère dont vous dansez, mérite beaucoup d’estime & beaucoup plus de passion. Je ressens avec violence tout cela pour vous. Il est coutume dans mon pays, qu’on recherche avec vivacité l’avantage de faire plaisir & profit aux dames de votre talent. On réussit toujours d’une façon ou l’autre. Pourquoi je n’ai pas le bonheur d’être aussi agréable que ces beaux messieurs François qui vous disoient hier au théâtre de si belles choses ? Mais aussi je suis plus solide ; malgré ça vous n’avez point fait réponse à l’épître que je vous ai envoyée l’autre jour. Je suis obligé pour à cette heure par mon amour de vous dire qu’au lieu des boucles que je vous ai offertes, j’ai cinq cens guinées, qui valent autant que cinq cens louis, à votre service avec moi, & que vous pouvez me répondre oui, pour que je vous envoye cet argent tout de suite ; & ensuite j’attendrai le soir pour aller me réjouir avec vous, & je vous porterai un petit présent, sans que vous soyez obligée de me rien rendre. Le monsieur qui vous connoît beaucoup, & qui n’a point de bourse ni de queue à ses cheveux, & à qui j’ai fait part de mon attachement pour vous, vous répondra de ma discrétion. Je lui ai promis de ne faire semblant de rien. Je suis, madame, en attendant, votre très-humble, &c.