La Petite-Poste dévalisée/Lettre 12

Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 40-42).


Un Procureur à sa Cliente.


Vous avez été reçue froidement, dites-vous, madame ; & cela vous fait redouter le jugement de votre procès. Je vous l’ai déja dit, & tous mes confrères auroient pensé de même : lorsqu’on est assez heureux pour avoir une jeune & jolie fille, & qu’on a des sollicitations à faire, on en agit autrement que vous. Non, madame, ce n’est pas là une piéce à cacher ; il faut en faire la production. Votre partie adverse changeroit bien aujourd’hui tous ses neveux contre une niéce aimable ; & il ne la laisseroit pas s’ennuyer seule chez lui. Qui vous dira, madame, qu’on n’a pas appris dans le monde, que vous êtes arrivée ici avec un petit prodige, & qu’on ne vous sçache pas mauvais gré d’en faire un si grand mystère ? Essayez de la mener avec vous, & vous verrez si ses yeux ne feront pas fondre la glace dont vous vous plaignez. Au bout du compte, le bien que vous revendiquez, doit un jour appartenir à mademoiselle votre fille. Quel mal y a-t-il qu’elle contribue à vous en mettre en possession pour le lui conserver ? Je vous l’ai déja dit, votre affaire n’est rien moins qu’indubitable. Votre Avocat & moi nous avons épuisé tous les moyens de notre art : il faut frapper le dernier coup, madame ; il faut que mademoiselle votre fille suive toutes les Audiences, qu’elle voie tous vos Juges : un mot de sa bouche fera des merveilles. Vous avez fait beaucoup de frais, j’ai reçu peu de chose à compte ; il nous faut une bonne taxe de dépens.

J’ai l’honneur d’être, &c.