La Peinture en Belgique/Joos Van Wassenhove (Justus de Gand)

G. van Oest (volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai.p. 107-108).

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Joost uan Wassenhoue (Justus de Gand)

On ne sait rien des débuts de sa carrière. Reçu franc-maître à Anvers en 1460, puis à Gand le 6 octobre 1464, il partit pour l'Italie en 1474. Le florentin Vespa- siano da Bisticci raconte que le célèbre duc d'Urbin, Frédéric de Montefeltre, fit venir de Flandre des tapis et un peintre, — et il ajoute que Frédéric manda le maître flamand parce qu'il ne trouvait en Italie aucun peintre se servant bien de la peinture à l'huile. Ce maître, que da Bisticci ne désigne point par son nom, est sans aucun doute Justus de Gand. On conserve dans la Galerie d'Urbin une Cène de dimensions considérables que maître Justus exécuta pour la corporation des frères du Corpus Christi, de l'église de Sainte-Agathe. L'œuvre a été fort retouchée et nous ne pouvons plus guère l'appré- cier qu'au point de vue de l'ordonnance. La composition a pour décor un choeur d'église qui fait penser à Jean van Eyck, mais le groupement qui montre le Christ allant d'apôtre en apôtre pour tendre l'hostie, est d'une singulière hardiesse, et le peintre obtient un effet remarquable en opposant aux assistants qui ont reçu la nour- riture divine et sont plongés dans une profonde méditation, ceux qui attendent encore la chair du Seigneur... Les types font penser à Hugo van der Goes et à Thierry Bouts, — et le groupe curieux formé par Frédéric de Montefeltre et les envoyés turc* à la cour urbinate, sont d'un portraitiste de la grande lignée eyckienne.

On a restitué à Justus de Gand une série de portraits représentant des philo|08 LES PRIMITIFS FLAMANDS

sophes et des écrivains que l'on attribuait jadis à Melozzo da Forli (Louvre et col- lection Barberini à Rome) (i). Nous sommes également convaincu que les tableaux du Trivium et du Quadrivium, donnés faussement à Melozzo (la Dialectique et VAstro- nomie à Berlin; la Musique et la 'Rhétorique à Londres), sont de la main de Justus. Il faut même y voir l'œuvre maîtresse du peintre flamand, précisant avec soin les formes, revêtant ses figures allégoriques de superbes costumes italiens, unissant à la facture patiente de nos primitifs flamands du xv^ siècle, on ne sait quelle bravoure qui annonce nos italianisants du xvi'.

De ce maître à qui les artistes italiens du xvii' siècle rendaient encore hommage, nulle oeuvre certaine n'est conservée en Belgique. On lui attribue une Bénédiction (fig. LXXIII) du Musée d'Anvers. Un pape qui serait Paul II (élu en 1464 et mort en 1471) tourne le dos à un autel surmonté d'un retable à compartiments et nous présente l'ostensoir avec la sainte hostie, tandis que deux anges thuriféraires au premier plan balancent de beaux encensoirs gothiques. L'attribution à Justus de Gand ne nous choque point et cette œuvre atteste un désir de simplifier les formes et d'adoucir les teintes où l'on peut voir des traces italiennes.

Les succès de Justus de Gand à la cour de Frédéric de Montefeltre sont un signe éclatant de cette admiration que l'Italie princière et artistique du xv'^ siècle ne cessa de témoigner à nos artistes; mais d'autre part, les œuvres de Justus laissent apparaître les premières avec netteté, cet amour de l'Italie qui bientôt allait posséder tous les artistes des Flandres.

(t) On attribue encore i Melouo da Forli. dam la galerie Barberini, le portrait de Frtdiric de Montefeltre et de ion fils Guidobald qui nous temble bien de la même maiti que les figures de saint Grégoire, saint Ambroiae, Moïse et Salomon que l'on consent à attribuer à Justus.