La Peinture en Belgique/Ambrosius Benson

G. van Oest (volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai.p. 160-161).

XX

Ambrosius Benson.

Il existe au Musée d'Anvers une œuvre de haut intérêt et d'assez grande dimension qui relève de la manière de Gérard David : la "Deipara Virgo annoncée par les prophètes et les sibylles, (Fig. CXXIII) et l'on trouve dans le même Musée une variante de l'une des figures féminines de ce tableau : le pseudo-portrait de Jac- queline de Bavière qui servit de point de départ à Waagen pour la fausse identification de l'œuvre de Mostaert. MM. Friedlânder et Justi ont restitué un nombre d'œuvres assez considérable au Maître de la "Deipara Virgo d'Anvers et comme l'un des tableaux de cet artiste, une Sainte Famille du Musée germanique de Nuremberg, est mono- gramme A. B et daté de 1527, M. Hulin a proposé d'identifier l'auteur avec Ambrosius Benson, le seul peintre brugeois de quelque importance qui portât ces initiales à cette époque. Benson serait né en Lombardie. Reçu franc-maître à Bruges le 21 août tSiç, il figure en qualité de « vinder » parmi les membres du Serment de la Confrérie de Saint-Luc en i52i, iSSg et 1545, devient gouverneur en 1540 et connaît deux fois les honneurs du doyenné (i537 et i543), — fait rare qui ne se présente, au XVI' siècle, que dans les carrières de Gérard David et Jan Prévost. « Ambrosius Benson paraît régulièrement aux foires de Bruges et est cité dans divers actes. Encore vivant le 6 août 1547, il est déjà décédé le 4 août i35o, date d'un acte dans lequel est citée sa veuve. Nous n'avons pas trouvé son nom dans le registre des peintres LES PRIMITIFS FLAMANDS t6l

d'Anvers ; ce doit être par suite d'une omission, car son fils Jan Benson y fu» reçu comme fils de maître (i) ».

Les caractéristiques des œuvres groupées sous le nom de Benson ont été fort bien définies par M. Bodenhausen (2) : modelé accentué des figures, doigts exceptionnel- lement longs et fins, disposition rythmique et systématique des chevelures, suivant le style du Maître des demi-figures de femmes avec lequel le peintre de la Leipara d'Anvers a les plus grandes affinités, prédilection pour les vêtements féminins de velours pourpre relevés d'hermine également comme le Maître des demi-figures. Le paysage accuse l'influence de Gérard David par la forte individualisation des arbres. Les principales oeuvres de cet artiste sont la Sainte Famille du Musée germanique de Nuremberg, une très décorative Madone trônant entre deux saintes de la collection Martin Le Roy à Paris, une Madeleine lisant de la même collection, un Hepos en Egypte du Palais Durazzo à Gênes (mal conservé) ; cinq beaux fragments de retable : la Vie de sainte Anne, conservés au Prado et provenant d'un couvent de Domini- cains de Santa-Cruz à Ségovie, quelques autres œuvres de moindre importance dispersées en Espagne, enfin les deux tableaux du Musée d'Anvers.

La Deipara Virgo ornait jadis la Chapelle Rockox à l'ancienne église des Rédemptoristes d'Anvers (Fig. CXXIIl). La Vierge dans la partie supérieure se détache sur un nuage chrome qui va se fondre dans des tonalités rubescentes et cet effet semble emprunté au Maître de Moulins, lequel est en outre rappelle assez vivement par les anges disposés autour de Marie. Les prophètes ont le teint bistré et les barbes sombres de bien des personnages de Gérard David ; leurs visages sont d'un relief remarquable. Les figures de sibylles rappellent les modèles du Maître des demi-figures au point de croire qu'elles en sont le prototype. Quant à l'influence lombarde que l'on a signalée chez le Maître de la "Deipara d'Anvers, si tant est que Benson a peint cette œuvre, et si Benson est bien né en Lombardie, elle peut s'expliquer par des souvenirs du milieu originaire de l'artiste. Mais l'influence italienne, et particulière- ment lombarde, devenait générale dans notre art à cette époque et nous l'avons déjà relevée d'îns les œuvres de Gérard David.

La Pseudo Jacqueline de Bavière du Musée d'Anvers est une variante de la Sibylle figurant, mains jointes, dans l'angle gauche du tableau de la Deipara. Il existe des copies de ce portrait à l'église des Béguines d'Anvers et dans la collection de Hercdia à Madrid.

(1) HuLiN. Caialogue.

(2' Gtrard David und stinc Scbutt. Cf. p. loi.