La Peinture en Belgique/Adrien Ysenbrant

G. van Oest (volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai.p. 157-159).

XIX

Adrien Ysenbrant.

Isenbrant, Ysenbrant ou Hysebrant vint de Harlem. Il s'installa avant l'année tSio à Bruges où il fut, suivant Sanderus, le disciple de Gérard David « Adrianus Isebrandus brugensis, Gerardi Davidis pictoris Veteraquensis discipulus fuit, in nudis corporibus, et vultibus humanis delineandis egregius » (i). Mais on a fait très justement remarquer que le mot discipulus ne devait pas être pris au sens professionnel du mot; il y 3 *o"l 1'^" de croire qu'Adrien Ysenbrant était un artiste formé en arrivant à Bruges ; il fut admis comme franc-maître dans la gilde de Saint- Luc le 29 novembre i5io et Gérard David, dont il adopta la manière, l'employa sans doute comme collaborateur (très probablement pour les JSoces de Cana du Louvre). Adrien Ysenbrant occupa une situation importante parmi les peintres brugeois. Il fit partie huit fois du serment comme vînder, depuis i5i6-i5i7 jusqu'en 1547-1548; il fut deux fois gouverneur en t526 et en 1537. Sa première femme s'appelait Marie Grandeel ; la seconde était la fille unique de Jean de Haerne. L'artiste mourut en i55i, ayant exercé son art pendant plus de quarante ans à Bruges. Les poètes le célé- brèrent et l'un d'eux, J.-P. van Maie, dit que la voix seule manquait à ses figures : zoo zagt, zoo levendig, zoo keurig afgmemaeld, peintes avec tant de douceur, de vie, de soin...

(1) C(. HuuN. Catalogue, p. 45. l58 LES PRIMITIFS FLAMANDS

Il n'existe aucune peinture qui puisse être attribuée avec une exactitude absolue à Adrien Ysenbranl, ni aucun document se rapportant à l'une de ses œuvres suppo- sées. On lui attribue aujourd'hui une certaine partie des œuvres que Waagen grou- pait jadis sous le nom de Mostaert. L'œuvre type de cet ensemble est le diptyque consacré à Notre-Dame des Sept-Douleurs par Barbara de la Meere, veuve de Joris van de Velde, bourgmestre de Bruges. L'un des panneaux de ce diptyque est à l'église Notre-Dame de Bruges (Fig. CXXI); l'autre est au Musée de Bruxelles (Fig. CXXII).

L'identification du maître de Notre-Dame des Sept-Douleurs avec Ysenbrant a été proposée par M. Hulin. L'auteur du diptyque de Barbara de la Meere est en effet un très proche disciple de Gérard David, peut-être même en est-il le plus proche. L'abondance de ses productions fait supposer une carrière très longue, et sa peinture a les caractères que le poète van Maie distingue dans celle d'Ysenbranl : elle est douce et fort soignée. Ajoutons que l'invention et le dessin sont assez pauvres; mais le coloris très transparent et le modelé gracieux et recherché rachètent ces imper- fections- « Nous ne connaissons aucun peintre brugeois, dit M. Hulin, auquel les textes de l'historien Sanderus et du poète van Maie puissent s'appliquer d'une manière aussi justifiée qu'au maître des Sept Douleurs de la Vierge. »

Le volet conservé à l'église Notre-Dame de Bruges (Fig. CXXI) est d'un coloris plein de suavité et de morbidesse ; la Vierge rappelle les figures féminines de Gérard David mais le type s'est encore affiné. Sept médaillons entourent cette émouvante Madone et représentent les Douleurs de la Reine des Martyrs. Le volet du Musée de Bruxelles (Fig. CXXII) montre Joris van de Velde, bourgmestre de Bruges, membre de la Confrérie du Saint-Sang, sa femme Barbe Le Maire (ou de la Meere), leurs neuf fils, leurs cinq filles, saint Georges et sainte Barbe. Dans les archives de Notre-Dame de Bruges il est dit que la veuve van de Velde é\a\\ feslo Dolorum Virginis Mariœ multum affectata. " Le portrait de Joris est fait après décès, ainsi que ceux de la plupart des enfants. Celui de sa veuve est exécuté d'après nature. Comme Joris mourut en 1528 et Barbara en i535, le tableau doit avoir été exécuté entre les deux dates extrêmes » (i). Ne travaillant pas exclusivement d'après modèle, l'artiste adopte, pour un certain nombre de figures, un type uniforme où se retrouvent sans doute les signes physionomiques marquants de la famille van de Velde. 11 est difficile de retrouver dans l'auteur de ce panneau le portraitiste que célèbre Sanderus. Le Musée de Bruxelles possède aussi le revers de ce volet ; c'est une grisaille qui reproduit avec variante le sujet du panneau principal.

(1) Hulin. Catalogue, p. 47. LES PRIMITIFS FLAMANDS tSç

On trouve des œuvres du Maître des Sept-Douleurs aux musées d'Anvers, Munich, Londres, Madrid, Francfort, Berlin, Aix-la-Chapelle, New-York, dans diverses collections étrangères, dans quelques collections belges (Visart de Bocarmé à Bruges, Scribe à Gand, Mayer van den Berghc à Anvers) et enfin à l'église de Saint- Sauveur de Bruges. On est tenté de lui attribuer aussi l'importante Adoration des Mages du dôme de Lubeck, un grand triptyque daté de tSi8, où l'on voit deux belles figures d'Adam et Eve qui, mieux que les portraits de la famille Van de Velde, font penser aux lignes de Sandcrus : « Adrianus Jsebrandus brugensis,... in nudis corpo- ribus et vultibus humanis delineandis egregius... »