La Normandie romanesque et merveilleuse/17

J. Techener & A. Le Brument (p. 341-368).

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.

Légendes religieuses.


Des Légendes religieuses de la Normandie ; Légendes relatives
à l’abbaye de Saint-Wandrille ou Fontenelle,
à l’abbaye de Jumiéges, à l’abbaye
du Mont-Saint-Michel.

Séparateur



Reproduire ici tous les traits merveilleux qui enrichissent la vie des saints personnages de la Normandie, ce serait offrir au lecteur une fastidieuse contre-épreuve de l’histoire religieuse de cette province, et ajouter, au développement de notre sujet, un appendice plus étendu que le corps entier de l’ouvrage. Cependant, nous ne pouvions non plus écarter absolument de ce recueil les légendes pieuses, sans y laisser une lacune considérable ; nous avons dû, en conséquence, procéder à un choix, que certaines conditions nous ont paru légitimement déterminer.

Nous nous sommes attachée d’abord à reproduire les légendes religieuses qui présentaient un intérêt de localité. Dans ce nombre, il faut tenir compte surtout de celles qui appartiennent à l’histoire des principaux monastères de la Normandie. Or, c’était, comme on sait, une œuvre de prédilection pour les moines que de transcrire, en les surchargeant de brillants détails, les récits qui se rapportaient à l’établissement de leur communauté, et à quelques-uns de ses saints fondateurs. Aussi, les légendes de cette sorte présentent-elles, pour la plupart, une complication et une singularité d’incidents que l’on chercherait en vain dans les compositions analogues. Ajoutez, à ces causes d’intérêt, l’attrait de la nouveauté qui s’y rencontre encore maintenant. En effet, parmi ces pieuses histoires, déposées dans les anciens martyrologes, il en est plusieurs qui n’ont été mises au jour que depuis une époque récente ; les légendaires des siècles derniers ne les avaient point enregistrées, si bien qu’elles ne font pas partie du fond commun de tous les ouvrages qui, de près ou de loin, se rapportent à la matière que nous traitons.

La seconde série de nos légendes religieuses embrassera la vie des saints qui ont acquis, à des titres divers, une renommée populaire, tels que saint Taurin, saint Gerbold, saint Marcouf, etc. L’histoire de quelques-uns de ces saints, quoique ayant été recueillie dans plusieurs ouvrages religieux, ne s’appuie cependant pas sur d’autres fondements que des traditions orales. Aussi, peut-on encore distinguer ces légendes parmi les plus étranges que renferment les recueils pieux ; car le peuple en a usé, vis-à-vis des saints de son adoption, comme les moines à l’égard de leurs bienheureux patrons, c’est-à-dire qu’il s’est complu à broder, selon sa fantaisie, le récit de leurs faits mémorables. Il est arrivé même, tant le peuple est un poète original et capricieux, qu’il a défiguré et refait, à sa guise, des histoires authentiques et bien connues, ainsi que nous en aurons un exemple dans la légende de saint Germer.

Enfin, nous avons rapproché, l’une de l’autre, toutes les légendes qui s’appuient sur un même fond de tradition dont l’origine emblématique a été suffisamment démontrée, et peut s’expliquer à l’aide de conjectures toujours plausibles, sinon certaines : telle est la tradition qui attribue, à différents saints, des victoires miraculeuses remportées sur des monstres et des dragons, et celle qui affirme, de plusieurs martyrs, qu’ils ont porté leur tête à la main, après le supplice de la décolation.

Il résulte de ces définitions que notre choix s’est étendu de préférence sur les légendes les moins orthodoxes, c’est-à-dire sur celles dont l’authenticité historique n’a pas été généralement admise par les écrivains religieux. Il nous a paru que nous nous conformions ainsi au but de ce recueil, qui est spécialement consacré à reproduire les croyances traditionnelles et populaires. Au reste, les récits miraculeux, que nous allons transcrire, quoique souvent extravagants quant aux faits, ne sauraient porter atteinte à la dignité de la Religion qui les avait adoptés, parce qu’ils ont toujours un caractère d’enseignement moral, parfaitement approprié à l’état et aux mœurs des peuplades à demi barbares auxquelles ils s’adressaient. Les leçons, qui se dégagent de ces inventions singulières, nous démontrent constamment la vanité de la force brutale, et de toutes ces passions égoïstes et matérielles qui sont tenues de céder, tôt ou tard, soit par entraînement, soit par contrainte, à l’ascendant divin de la sagesse et de la vertu. Qu’elle soit donc un fait avéré ou une tradition chimérique, la légende religieuse a conservé le caractère d’une parabole bienfaisante, fille bénie de la parabole évangélique, que le Seigneur allait racontant à ses disciples, pour leur apprendre à semer le grain de la parole dans les esprits, et à le faire fructifier dans les cœurs. Lors même qu’elle fut déchue de la sublime simplicité de sa forme primitive, la parabole sainte n’en continua pas moins d’exercer une action efficace sur les masses. Ses combinaisons merveilleuses défrayèrent l’imagination des pauvres de ce monde d’un trésor de rêveries pleines d’enchantements et de consolations, tandis que l’équité de ses préceptes et la vigueur de ses anathèmes devinrent l’unique sauvegarde des faibles et l’épouvantail des puissants. Cette influence civilisatrice des légendes religieuses a été constatée par un des penseurs les plus profonds entre ceux dont notre siècle s’honore. Faisant allusion à l’époque où ces récits commencèrent à se multiplier et à circuler avec le plus d’activité, époque que l’on peut fixer au sixième siècle, M. Guizot s’exprime ainsi : « Le spectacle des événements quotidiens révoltait ou comprimait tous les instincts moraux de l’homme ; toutes choses étaient livrées au hasard, à la force ; on ne rencontrait presque nulle part, dans le monde extérieur, cet empire de la règle, cette idée du devoir, ce respect du droit, qui font la sécurité de la vie et le repos de l’ame. On les trouvait dans les légendes[1]. »


légendes de l’abbaye de saint-wandrille.


Saint-Wandrille, ou Fontenelle, dont le gracieux nom s’allie si parfaitement avec toutes les idées sereines que doit éveiller le souvenir d’un des plus beaux et des plus illustres monuments de la vie religieuse, fut le second monastère érigé en Normandie ; celui de Saint-Ouen de Rouen étant le premier. C’est sous le règne de Clovis II, en l’année 685, que l’abbaye de Fontenelle prit naissance ; elle eut pour fondateur le saint dont elle a depuis emprunté le nom.

Saint Wandrille était né à Verdun, de parents illustres ; il descendait même des rois de France, par son aïeule Blithilde, fille de Clotaire I. Ce fut par des expériences réitérées et diverses de la vie monastique, c’est-à-dire en résidant tour-à-tour dans les maisons religieuses les plus célèbres à cette époque, qu’il se prépara à l’importante mission de fondateur, qui devait compléter sa carrière religieuse. La grande renommée de saint Ouen attira saint Wandrille vers la Neustrie. Lorsqu’il se fut présenté au glorieux évêque de Rouen, celui-ci jugea à propos de lui conférer l’ordre de la prêtrise. Les grâces du nouveau ministère auquel saint Wandrille avait été élevé lui inspirèrent un redoublement de zèle pour la vie monastique. Bientôt il avisa une retraite propice dans un bois faisant partie du désert de Jumiéges, et appelé Rothmar, ou Rothmari[2]. Ce bois s’étendait non loin de la rive droite de la Seine, à sept lieues de Rouen. Sous ses ombrages profonds, saint Wandrille rencontra un beau vallon, arrosé par une fontaine abondante. Reconnaissant de cette heureuse découverte, il en rendit grâce à Dieu. Puis, avec l’aide de son neveu Godon, il acheta cette vallée à Archambaud, qui la possédait alors, et l’avait obtenue en échange de quelques terres, situées dans le Vexin, qu’il avait données à Airamne, fils de Rothmare, premier possesseur de Fontenelle ; saint Wandrille et Godon, son neveu, se hâtèrent de défricher le terrain de la vallée, et, en peu de temps, ils y bâtirent quatre églises, placées sous le patronage de saint Pierre, de saint Paul, de saint Laurent et de saint Pancrace[3].

Après avoir groupé, dans ce lieu naguère désert et sauvage, ces monuments de salut, saint Wandrille entreprit le voyage de Rome, à l’effet d’obtenir du pape Martin quelques saintes reliques, dont il pût composer le pieux trésor de son monastère. Cette demande eut un plein succès. De plus, le pape, voulant favoriser l’abbaye de Fontenelle d’une protection spéciale, renouvela, particulièrement contre ceux qui se rendraient coupables de quelque attentat à l’égard des personnes, ou seulement des biens de ce monastère, les terribles anathèmes que saint Sylvestre et d’autres papes encore avaient fulminés contre les persécuteurs et les spoliateurs de l’Église.

Ces anathèmes eurent des conséquences non moins terribles que merveilleuses, si nous en croyons l’historique de Fontenelle ; car toutes les relations, qui se rapportent à cette abbaye, semblent avoir pour conclusion morale de prouver son inviolabilité. En sorte que ce trait caractéristique qui les distingue donnerait à penser que, entre toutes les autres communautés, celle de Saint-Wandrille était animée le plus fervemment par l’esprit de défense et de conservation.

Nous allons citer, d’après un cartulaire de l’abbaye de Saint-Wandrille de Marcoussis, quelques-unes des punitions miraculeuses encourues par les malfaiteurs, molesteurs et perturbateurs de l’abbaye, de ses membres et dépendances[4].

Dans la quatrième année de l’abbatiat de saint Wandrille, le zélé fondateur alla, avec plusieurs de ses religieux, travailler au défrichement du terrain qui entourait la fontaine de Caillouville. Là, se trouva, par rencontre, un nommé Becto, verdier des forêts du roi. Cet homme était rempli d’envie et de colère, parce que le bois de Jumiéges avait été soustrait à sa surveillance, lors de la donation que le roi en avait faite à l’abbaye de Fontenelle. La vue de saint Wandrille irritant la fureur de Becto, il s’avança, la lance levée, sur le vénérable prêtre. Mais le criminel fut arrêté dans son odieux dessein. car le bras droit, dont il se préparait à frapper, perdit subitement toute sa force ; sa main impuissante laissa échapper l’arme meurtrière, et lui-même tomba à la renverse aux pieds de saint Wandrille, ou il demeura paralysé par l’influence du démon qui s’était emparé de lui. Le charitable abbé ne voulut point abandonner ce malheureux dans une situation aussi douloureuse ; il le veilla tout le jour et la nuit suivante. Cependant, son état ne parut pas s’améliorer. Alors saint Wandrille résolut de fléchir la miséricorde divine, et telle fut l’efficacité de cette intercession, que, à peine eut-il achevé une courte prière, Becto recouvra une santé parfaite. L’église de Caillouville fut la pieuse offrande adressée au Seigneur par saint Wandrille, en mémoire de la protection spéciale dont il avait été favorisé en cette circonstance.

Voici maintenant un exemple des punitions imposées par la malédiction du pape aux dilapidateurs des biens de l’abbaye.

En l’an 734, l’abbé Teutsinde, septième abbé, voyant que la piété augmentait chaque jour sur le territoire béni de Saint-Wandrille, fit construire, dans les limites des terres dépendantes de ce monastère, une église placée sous le vocable de l’archange saint Michel, et qui devint, dans la suite, l’église paroissiale. Ce monument achevé, on s’occupa de le compléter en le dotant d’une cloche, et on confia, à cet effet, plusieurs lingots de métal à certain fondeur du pays. Quand la cloche fut placée dans la tour, il se trouva qu’elle n’avait pas aussi bon son qu’on l’avait espéré. Sa voix grêle et cassée n’offrait aucune analogie avec le retentissement des trompettes harmonieuses et sonores, où se module le souffle puissant des anges du Seigneur. Certes, la pauvre cloche risquait fort d’être dédaignée par le glorieux patron de la nouvelle église, mais le courroux du ciel sut distinguer, en cette occasion, le seul et vrai coupable. Chaque fois que la cloche faisait retentir son branle léger, le fondeur, qui, par une sordide avarice, avait retenu, à son profit, une partie du métal qu’on lui avait confié, tombait alors dans une folie d’un caractère étrange autant qu’effroyable, hurlant à la manière d’un chien, en quelque lieu qu’il se trouvât.

Le nouvel exemple de vengeance divine qui mérite, par sa singularité, de tenir place ici, est postérieur aux relations renfermées dans le manuscrit que nous avons reproduit jusqu’alors : Au nombre de ses richesses, l’abbaye de Fontenelle comptait une croix et un calice en or, accompagné de sa patène, qui lui avaient été donnés par saint Wulfran, évêque de Sens. Ces objets, doublement précieux, avaient été sauvés des déprédations des hérétiques en 1556 ; cependant, ils n’en devaient pas moins être perdus pour Fontenelle, et par le fait d’une infâme escroquerie. À cette époque, c’est-à-dire en 1571, le moine sacristain de l’abbaye, était un nommé De Gruchy, homme audacieux et dépravé, dont les passions effrénées s’étaient développées, sans entraves, au milieu du relâchement introduit par les discordes civiles. De Gruchy découvrit le complice que réclamait son criminel dessein, dans un certain Frenage ou Fournage, chef d’une bande de malfaiteurs, à l’aide desquels il exploitait la contrée. De Gruchy et Frenage prirent ensemble leurs mesures pour forcer, la nuit, les serrures du monastère ; ils firent main basse sur les plus anciens et les plus précieux manuscrits de la Bibliothèque, ainsi que sur la croix, l’évangélistaire et le calice dont saint Wulfran avait fait présent à l’abbaye. Frenage fut livré à la justice des hommes, pendu et déchiré en lambeaux, en expiation de son crime. De Gruchy, plus coupable encore, ne fut point poursuivi pendant sa vie, mais les châtiments terribles, infligés à son ame, se manifestèrent sur son tombeau, par un repoussant prodige. L’indigne sacriste avait été enterré dans le cloître de Fontenelle, en face de la porte de l’église située dans le bas de la nef, et qui était celle par laquelle il avait introduit ses complices. Or, tous les jours, il sortait de la pierre de son sépulcre une si grande quantité de crapauds, que ce lieu en était empoisonné, et que les soins des moines furent long-temps inutiles pour les faire disparaître.

Comme tous les autres établissements religieux de la Neustrie, le monastère de Fontenelle avait été détruit par l’invasion des Normands ; sa réédification fut précédée d’un fait miraculeux que nous ne devons pas passer sous silence : Un seigneur, du nom de Torstinge, ayant été chasser dans la forêt de Jumiéges, le cerf, poursuivi par les chiens, les amena jusqu’à la vallée de Fontenelle, puis se fraya une route, à travers les décombres de l’ancienne abbaye, jusqu’au lieu où se trouvait autrefois l’autel. Parvenu en cet endroit, la vaillante bête se retourna pour faire face aux chiens, et demeura paisible comme dans un sanctuaire inviolable. Le seigneur Torstinge arriva à la suite de ses lévriers ; il les trouva dressés à l’arrêt, l’œil en feu, altérés de leur proie, mais sans pouvoir faire un pas pour s’en emparer. Voulant éprouver ce pouvoir mystérieux, Torstinge poussa son cheval en avant ; le fougueux animal recula d’abord sous l’éperon, puis, comme les chiens, demeura immobile. Alors, le seigneur Torstinge ne douta plus ; il mit pied à terre, fit une humble adoration au Seigneur, et, quand il sentit que la main divine, qui pesait sur lui, cessait de l’accabler, il retourna sur ses pas avec son accompagnement de chasse, et se fit un devoir de publier la merveille dont il avait été l’objet[5].

Cette circonstance miraculeuse fut un puissant stimulant qui détermina Richard I à céder aux sollicitations, qui lui étaient adressées de toutes parts, d’aider et de protéger le rétablissement de la pieuse retraite que glorifiait la mémoire de saint Wandrille et de ses fervents successeurs.


Légendes de l’abbaye de Jumiéges.


La célèbre abbaye de Jumiéges, assise sur les bords de la Seine, dans une contrée romantique et pittoresque, et dont les ruines majestueuses attirent encore de nos jours un si grand nombre de pèlerins, fut fondée en 654, par saint Philibert. La légende particulière de ce saint présente peu d’événements merveilleux ; aussi nous contenterons-nous d’en donner une rapide analyse, pour nous étendre ensuite davantage sur les fables pieusement singulières qui poétisent les souvenirs que les austères reclus de la terre gémétique ont laissés parmi nous[6].

Saint Philibert, né en Guienne, dans la ville d’Eauxe, passa sa première jeunesse à la cour de Dagobert. Son penchant pour la vie claustrale le détermina à se retirer dans le monastère de Rebais. Chassé de cette sainte demeure par une révolte des moines, le fervent abbé, car saint Philibert avait été élevé promptement à cette éminente dignité, parcourut plusieurs maisons religieuses de France et d’Italie. Il se dirigea ensuite vers la Neustrie, et chercha, dans notre province, un lieu de solitude pour s’y fixer. Il existait alors, sur le territoire de Jumiéges, au bord de la Seine, un château fort, en partie détruit, qui remontait à une haute antiquité. Saint Philibert obtint de Clovis II et de la reine Bathilde la donation de ces ruines, sur lesquelles il jeta les fondements de l’abbaye de Jumiéges. En peu de temps, trois églises furent bâties sous la direction du pieux cénobite ; il fit venir ensuite à Jumiéges soixante-dix religieux des divers monastères qu’il avait visités.

Quelques années après son établissement à Jumiéges, saint Philibert eut de fâcheux démêlés avec Ebroïn, au sujet de saint Léger, évêque d’Autun. Le perfide ministre calomnia son ennemi auprès de saint Ouen, archevêque de Rouen, qui prêta son entremise pour emprisonner notre saint abbé dans la tour d’Alvarède[7].

Saint Philibert parvint cependant à sortir de prison ; soit que saint Ouen eût reconnu l’innocence de son ancien ami, soit qu’il se fût laissé attendrir en sa faveur. Cependant, l’abbé de Jumiéges n’obtint pas de retourner parmi ses frères ; il se retira dans l’île de Hair, ou Herio, connue depuis sous le nom de Noirmoutiers, où il présida à l’érection d’un nouveau monastère. De là, il songeait encore à son troupeau abandonné, à qui il envoya saint Aicadre, à titre de pasteur spirituel. Après la mort d’Ebroïn, saint Philibert, réconcilié avec saint Ouen, revint à Jumiéges, mais il y demeura peu de temps. Il érigea un nouveau monastère à Montivilliers, village du pays de Caux ; puis il retourna mourir à Noirmoutiers, dans la solitude qui lui avait été hospitalière au temps de ses disgrâces. Sa mort arriva le 20 août 684 ; il était âgé de soixante-huit ans[8].

C’est sous le gouvernement de saint Philibert, et pendant l’époque où il habitait encore Jumiéges, que la plupart des auteurs ont placé l’existence d’un fait semi-historique, qui a acquis une grande popularité en Normandie, sous la dénomination de Légende des Énervés.

Voici, d’après les textes originaux, l’analyse de cette légende[9]. On se convaincra, par une lecture attentive, qu’elle offrait assez de points controversables pour mériter d’être mise, comme elle l’a été, au rang des fables, par nos plus sérieux historiens.

Clovis II avait succédé fort jeune à la couronne de France. Quelque temps après son avènement, sur les représentations de ses sujets, et, particulièrement, des seigneurs de sa cour, il se décida à contracter la sainte union du mariage. Il choisit pour épouse une très belle et très vertueuse fille, d’origine saxonne, nommée Bathilde, ou Bauteuch, et en eut cinq enfants, dont les deux aînés étaient réservés à des aventures mémorables.

Au milieu du bonheur dont il jouissait auprès de la vertueuse Bathilde, une pieuse inspiration suggéra au roi le désir d’entreprendre un pèlerinage en Terre sainte. Après avoir mûri sa résolution, il fit assembler les princes et les barons de son domaine, et les consulta sur la formation du gouvernement qui devait régir le royaume pendant son absence. Les barons, songeant avec inquiétude aux dangers qui menaçaient le roi, dans l’entreprise d’un voyage aussi périlleux, lui insinuèrent qu’il serait à propos de couronner roi son fils aîné, affin qu’il gardast la terre et le royaulme par le bon consceil de la saincte royne sa mère. Le roi consentit à satisfaire le vœu général, puis se mit en route pour le pèlerinage que sa ferveur le pressait d’accomplir. La reine, délaissée de son soutien naturel, ne cessait d’implorer l’assistance du Seigneur, par jeûnes, aumônes et prières. D’abord, son cœur eut lieu de se réjouir, tant de la prospérité du royaume que de la pieuse soumission de ses enfants ; mais cette tranquillité ne fut pas de longue durée : « Ainssy advinst que, par l’admonestement de nostre ancien ennemy, que son aisné fils qui tenoit le royaulme, chèust en cy grant orgueil que le consceil de sa saincte mère la royne, qu’il avoit par avent creiur et garder, il desprisa en telle manière que toutes les choses qu’elle disposoit estre faictes, il faisoit le contraire, et tant admonesta son frère mineur qui, encores, se tenoit au consceil de sa mère, qu’il le fist accorder à sa voullanté. »

Persuadée que la révolte de ses fils entraînait la ruine du royaume, Bathilde envoya un messager à son époux, afin de lui donner connaissance des tourments dont elle était assaillie. Le roi avait alors accompli son pèlerinage près du saint Sépulcre ; il prit l’avis des seigneurs qui l’accompagnaient, et résolut de retourner au plutôt en France. Cependant, la nouvelle de sa prochaine arrivée parvint assez promptement à ses enfants, pour qu’ils eussent le temps de se mettre en défense contre lui. « Les Françoys furent tous avecques eulx, les ungs à force, les aultres pour les grandz dons qu’ilz leur donnoient. » Des hommes d’armes furent distribués dans les villes et les châteaux. Tous les passages furent gardés, toutes les portes défendues. Avant d’employer la force pour réduire tant d’orgueil, le roi, par un message plein de tendresse, tenta de ressusciter le sentiment filial dans ces cœurs endurcis ; mais les fils de Clovis ne daignèrent même pas répondre aux messagers de leur père. Le roi s’avança alors avec sa troupe, et, quoique celle-ci ne fût composée que d’un petit nombre d’hommes, elle mit les révoltés en fuite, comme si tout ce grand appareil de guerre n’eût été que l’obstacle fragile d’une mutinerie d’enfants. Les fils de Clovis ayant été faits prisonniers, on les amena les mains liées en présence du roi. La reine Bathilde était venue rejoindre son époux, et tous deux délibérèrent ensemble sur le châtiment qu’il serait convenable d’infliger à leurs enfants ; les seigneurs dont ils réclamaient l’avis se récusaient, à cet égard, parce qu’ils ne se reconnaissaient pas le droit de prononcer sur le sort de leurs souverains. Quand la sainte reine vit que les seigneurs ne consentiraient point à condamner les princes ses fils, mue par une inspiration divine, elle se leva et dit, en s’adressant à tous ceux qui étaient présents : « Il convient que chascun porte la paine de son péché, soit en ce monde ou en l’austre. Et pour ce que les paines de ce monde sont plus petites que celles de l’austre, et aussy affin que les aultres filz de roy ilz prenent exemple, et ce chastient de voulloir entreprandre si grand cryme contre père et mère. Et pour ce mesmes qu’ilz renyoient leur père, oyans tous, moy juge, ilz perderont à tousiours l’héritaige, telle qu’ilz debveroient avoir au royaulme. Et pour ce qu’ilz portèrent armes contre leur père, je juge qu’ilz perderont la force et la vertu du corps. » Le roi confirma le jugement de Bathilde ; on amena, sur l’heure, les deux enfants, auxquels on fit brûler les jarrets, en présence de toute l’assemblée ; mais, tandis que leurs membres étaient torturés, le repentir pénétrait dans leurs cœurs ; ils abandonnaient sans murmure leurs corps aux supplices, dans l’espoir de racheter leurs âmes des châtiments éternels. Depuis ce jour, ils se consacrèrent entièrement à la prière et aux bonnes œuvres.

Cependant, chaque fois que le roi levait les yeux sur ses enfants, il était ému de pitié de voir que nulle foys se levoient, mais tousiours se séoient. Le roi consulta encore une fois Bathilde, pour savoir comment il éloignerait de sa présence ce pénible spectacle. Après avoir invoqué les lumières du ciel, en continuelle oraison, la reine conseilla à son époux de faire construire un bateau assez grand pour contenir une certaine quantité de provisions de bouche, du linge et des habits ; de faire monter leurs enfants sur cette embarcation, et de les confier aux flots, sans rames ni gouvernail, assistés seulement d’un serviteur qu’on leur donnerait pour compagnon. La proposition de la reine fut ponctuellement exécutée.

La barque fut mise à la Seine, mais, bercée par un courant doux et facile, elle arriva, sans accident, jusqu’en Neustrie, et toucha terre en un lieu marécageux, environné de coteaux élevés et verdoyants, qu’on appelait Jumiéges, où un sainct homme demouroit, qui avoit non Philebert, et tenait illecques la reigle, luy et ung aultre moyne. Lorsqu’il aperçut cette frêle embarcation et le dépôt précieux dont elle était chargée, Philibert courut sur le rivage, interrogea les princes, apprit d’eux qui ils étaient, et, reconnaissant qu’ils avaient été guidés vers lui par une volonté providentielle, il leur offrit un refuge dans son monastère, où il prit à tâche de les instruire dans la discipline religieuse. Le serviteur, qui avait accompagné les princes, retourna près du roi et de la reine pour leur apprendre quelle avait été l’heureuse issue de son voyage. Ils ressentirent une grande allégresse de savoir que leurs enfants étaient en sûreté et rentrés en grâce auprès du Seigneur. Sans plus tarder, ils se rendirent tous deux au monastère de Jumiéges, et, pour manifester leur joie et donner en même temps un témoignage de leur parfaite réconciliation avec leurs enfants, ils accordèrent de grands privilèges à l’abbaye, et lui firent de magnifiques donations. Après un court séjour, le roi et la reine retournèrent dans le royaume de France ; mais les princes demeurèrent à Jumiéges ; ils persévérèrent dans la pratique fidèle de tous les devoirs de la vie religieuse, jusqu’au moment où une sainte mort couronna leur pénitence, et que Nostre Seigneur reçeust leurs âmes en paradis.

Nous avons dit que des raisons très concluantes devaient faire considérer cette légende comme apocryphe, et que, sur les points principaux, elle était en désaccord frappant avec l’histoire. On sait, en effet, que Clovis II, l’un des plus faibles et des plus ineptes de nos rois fainéants, ne tenta jamais la moindre excursion hors de son royaume. Il mourut âgé de 21 à 22 ans, selon quelques historiens, ou tout au plus de 26 à 27 ans, selon d’autres auteurs. Quoi qu’il en soit, sa mort précoce donne un cachet d’invraisemblance aux faits supposés par la légende. D’ailleurs, il n’eut véritablement, de la reine Bathilde, que trois fils : Clotaire, Childéric et Thierry.

Cependant, la présence du tombeau des Énervés dans la principale église de l’abbaye, pourrait être invoquée comme un garant irrécusable de la véracité de la tradition propagée par les moines de Jumiéges, si l’autorité de ce témoignage ne se trouvait annulée par l’âge même du monument. Il semble de toute impossibilité que ce tombeau, dont les restes précieux sont offerts encore de nos jours aux perspicaces observations des artistes et des savants, remonte à une époque antérieure aux irruptions des Normands, et qu’il ait échappé aux dévastations qui ruinèrent alors le monastère de Jumiéges. E.-H. Langlois, bien digne de faire autorité en semblable matière, a établi que ce tombeau, par le style des figures qui le décorent, et par le choix des ornements et des accessoires, dénote un monument du temps de saint Louis[10]. Si l’on s’en tient à ces savantes observations, il faudra donc ranger, dans la classe des fausses hypothèses, la supposition émise par le savant Mabillon, que le tombeau, auquel les moines de Jumiéges avaient attaché la légende des Énervés, devait renfermer les cendres de Tassillon, duc de Bavière, et de Théodon son fils, qui, suivant quelques auteurs, avaient été confinés dans le monastère de Jumiéges, après leur trahison envers Charlemagne. Cette remarque est applicable aussi à la conjecture de T. Duplessis, différente de celle de Mabillon, en ce qu’elle suppose que les figures, qui ont donné matière à tant de controverses scientifiques, sont les effigies des deux fils de Cartoman, fils ainé de Charles Martel et frère de Pépin-le-Bref.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces hypothèses plus ou moins plausibles. La question peut demeurer pendante long-temps encore, car le tombeau des Énervés n’est point un simple cénotaphe, comme le croyait E.-H. Langlois, dont l’opinion, à cet égard, tranchait toute difficulté. On a découvert, sous ce monument sépulcral, deux squelettes couchés côte à côte, dont l’un, d’après l’examen des anatomistes, appartenait à un individu d’un âge avancé[11]. Par quelle étrange anomalie se fait-il alors que les figures sculptées sur le tombeau représentent deux adolescents du même âge ? Faudrait-il en revenir à l’opinion du savant Mabillon, et supposer que les figures que nous possédons maintenant sont une restauration du monument primitif qui ornait la tombe de Tassillon de Bavière, et de son fils ? Cette tombe, dont l’origine aurait été oubliée, serait cependant demeurée en honneur parmi les moines de Jumiéges, aurait donné lieu à l’invention de la fable des Énervés, et, par suite, à la composition des deux figures. Au reste, toutes ces suppositions ne peuvent avoir un degré de probabilité qu’en admettant, ainsi qu’il paraît résulter de quelques passages de certains chroniqueurs, entr’autres de Dudon de Saint-Quentin, que l’abbaye de Jumiéges n’avait pas été complètement ruinée par les Normands, et qu’elle était demeurée habitable[12].

C’est encore de l’époque où vivait saint Philibert, que date une autre légende à laquelle on rattache l’origine de certaine fête qui se célèbre à Jumiéges, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, avec un cérémonial fort bizarre, et à laquelle on a donné le surnom pittoresque de fête du Loup-Vert.

Saint Philibert, avant le temps de son exil, avait fondé un monastère de filles à Pavilly, auquel il avait donné, pour abbesse, sainte Austreberthe, prieure de l’abbaye du Port-en-Somme. Sainte Austreberthe et ses religieuses étaient de vigilantes épouses du Seigneur, pleines de zèle pour le service divin, et qui, voulant contribuer, pour leur part, à la prospérité du monastère de Jumiéges, s’étaient chargées de blanchir le linge de la sacristie. Pavilly n’est éloigné de Jumiéges que de quatre lieues ; un âne, dressé à ce charitable office, parcourait cette distance, allait et venait, transportant le linge, d’un monastère à l’autre, sans qu’il fût besoin que personne lui servit de guide, et plus fidèle qu’aucun commissionnaire de meilleur entendement. Or, un jour à jamais néfaste, il arriva que le pauvre âne fit la rencontre d’un loup ; loup, d’ailleurs, aussi sauvage que la forêt de Jumiéges, théâtre du crime barbare dont il allait se rendre coupable. En effet, sans égard pour la modestie de l’âne, pour son obligeance, sans respect pour son droit inoffensif, et pour la charge bénite qui aurait dû servir à l’infortuné messager de sauvegarde inviolable, le loup vorace se jeta sur ce serviable animal, et le dévora. La bête cruelle comptait fort s’en aller ensuite, au plus profond du bois, digérer en paix son forfait ; il n’en fut pas ainsi : sainte Austreberthe s’était établie la garde officieuse de ses plus humbles subordonnés, seulement son système de police avait un fond de ressemblance peut-être assez peu flatteuse, avec celui qu’on a reproché aux politiques de nos jours ; c’est-à-dire qu’il consistait à laisser le crime s’exécuter sans entraves, pour se ménager l’occasion d’en tirer ensuite une vengeance exemplaire. Donc, après que l’âne eut été rongé jusqu’au dernier os, sainte Austreberthe apparut tout-à-coup sur le lieu du forfait ; elle réprimanda messire loup de la manière la plus navrante, et conclut en le condamnant à remplir, à l’avenir, les fonctions dont sa victime s’acquittait naguère avec le zèle toujours égal de l’habitude. Le loup, confus, ne se le fit pas dire à deux reprises, et nous devons même ajouter, à la louange du pénitent, qu’il emprunta les douces vertus de l’âne, et sut accomplir sa tâche, jusqu’à la fin de ses jours, avec une exactitude, une soumission irréprochables. À tout prendre, l’intervention de sainte Austreberthe, et le miracle qui en fut la suite, ne sont point à dénigrer. En religion, comme en morale, une conversion équivaut à une résurrection.

Pour perpétuer l’impression de ce fait exemplaire, on construisit, dès le septième siècle, une chapelle commémorative dans la forêt de Jumiéges, au lieu même où l’âne avait succombé sous la dent féroce du loup. Lorsque les années eurent ruiné ce monument, une simple croix de pierre le remplaça. Environ soixante ans avant la révolution, la croix de pierre fut détruite ; un chêne, voisin du lieu où elle avait été érigée, et dans lequel on plaça plusieurs statuettes de la Vierge, fut choisi, à son tour, pour abriter le naïf souvenir du miracle de sainte Austreberthe. Cet arbre est encore désigné aujourd’hui, par nos villageois, sous le nom de Chêne-à-l’Âne.

La seconde période de l’histoire de Jumiéges, c’est-à-dire celle qui date du rétablissement de l’abbaye, après sa ruine complète par les dévastations des Normands, nous offre, dès ses commencements, un trait important à citer, c’est l’aventure sinon merveilleuse, au moins singulière, rapportée par Guillaume de Jumiéges, et qui amena Guillaume Longue-Épée à prêter son aide à la réédification du monastère[13].

La tranquillité dont jouissait la Normandie, depuis le baptême de Rollon, avait engagé deux religieux, autrefois habitants du monastère de Jumiéges, et qui, lors de sa destruction, s’étaient réfugiés dans l’abbaye de Haspres, en Cambrésis, à revenir, à une époque déjà avancée de leur vieillesse, visiter le lieu de leur ancienne retraite. Ces deux religieux se nommaient Baudoin et Gondouin. Ils trouvèrent les ruines de leur monastère cachées sous les ronces ; mais, sans perdre courage, ils essayèrent de déblayer ce lieu dévasté, et parvinrent à découvrir un autel qu’ils dégagèrent du reste des décombres, et qu’ils protégèrent en l’ombrageant de rameaux. Grâce à l’assistance de quelques bons villageois, ils se construisirent ensuite une petite cabane pour s’y loger.

Cependant le duc Guillaume, étant venu chasser dans la forêt de Jumiéges, fut curieux de voir les ruines de la célèbre abbaye. Il rencontra les deux saints vieillards, qui lui offrirent l’hospitalité dans leur cabane, et lui présentèrent les seuls aliments qu’ils eussent à leur disposition : un pain d’orge noir et de l’eau ; leur nourriture habituelle était réduite à ce strict nécessaire. Le duc refusa avec dédain ce chétif repas, et, quittant les religieux, il alla continuer la chasse dans la forêt. Il n’avait fait encore que très peu de chemin, lorsqu’un sanglier, débouchant tout-à-coup, vint se jeter sur lui. Le duc essaya de se défendre à l’aide de l’épieu qu’il portait ; mais le bois de cette arme se rompit. Alors, Guillaume se trouva renversé de son cheval, et perdit subitement connaissance. En revenant à lui, il ne sut point comment le sanglier l’avait épargné, mais il ne se sentit cependant aucune blessure dangereuse. Le duc, en réfléchissant à cette aventure, reconnut que la périlleuse rencontre qu’il venait de faire était une punition de Dieu, à cause de l’offense dont il s’était rendu coupable envers les religieux, en méprisant leur offre hospitalière. Préoccupé de cette idée, le duc retourna près des bons pères, collationna avec eux, puis il leur promit son assistance pour le rétablissement de leur ancien monastère. Les ducs de Normandie ne savaient pas faillir à leur parole, lorsqu’il s’agissait d’une pieuse munificence ; aussi, Guillaume Longue-Épée n’oublia pas sa promesse : l’église de l’abbaye fut réédifiée, ainsi que les bâtiments principaux qui composaient le logement des moines.

L’historique de l’abbaye de Jumiéges nous fournit encore le récit d’un de ces miracles dont la puérile invention sert à mettre en relief la crédulité ingénue de nos pères. L’église paroissiale de Jumiéges, fondée, dans la première moitié du xiie siècle, par les habitants du pays, aidés de la générosité des moines, fut dédiée à saint Valentin. Comment ce saint avait-il mérité d’être choisi pour un si honorable patronage ? Voilà ce qu’il est curieux de savoir : Une irruption de rats avait eu lieu à Jumiéges ; on n’indique point en quelle année fatale. Ces rats désolaient toute la péninsule ; on avait, pour les détruire, mis en usage les moyens les plus extrêmes : les pièges, l’empoisonnement, les combats à outrance, tout avait manqué son effet. Les rats se multipliaient au point que la famine devenait imminente. Les religieux alarmés voulurent tenter un pieux effort pour le salut général ; ils sortirent processionnellement, portant avec eux les reliques de saint Valentin. Chose étrange, à mesure qu’ils parcouraient ainsi le pays, les rats se réunissaient sur leur passage, se ralliaient en une immense armée, et, lorsqu’ils furent au grand complet, ils se dirigèrent, par un chemin que l’on appelle maintenant le Trou des Îles, vers les bords de la Seine. Arrivés devant le fleuve, ils s’y précipitèrent les uns à la suite des autres, avec une vaillante résolution. Il n’est pas besoin d’ajouter que tout l’honneur de cette noyade merveilleuse revint de droit à saint Valentin[14].


légendes du mont-s.-michel et du mont-tombelaine


Du temps du roi Childebert II, c’est-à-dire vers l’an 706, saint Aubert, étant évêque d’Avranches, fut favorisé d’une vision merveilleuse. Le plus beau et le plus majestueux des anges lui apparut pendant son sommeil, et lui commanda de bâtir une église en son honneur. Cet ange n’était autre que le chef suprême des légions célestes, saint Michel, qui voulait être vénéré sur le mont Tumba en Normandie, comme il l’était déjà, en Italie, sur le mont Gargan. Aubert, quoiqu’il eût été attentif aux pressantes recommandations de l’ange, ne se mit point en peine, cependant, de s’y conformer. Ce retard ne provenait pas de la tiédeur, mais de la prudence du saint évêque, qui craignait d’être dupe d’une supercherie de Satan. L’ange renouvela deux fois ses apparitions ; puis, à la troisième, il ne se contenta pas d’accompagner ses injonctions de réprimandes ; pour manifester sa volonté par un signe visible, il appliqua son doigt sur le crâne de l’évêque obstiné. Cet attouchement forma une petite concavité qui demeura ineffaçable. L’évêque ne balança plus ; dès le lendemain, il se rendit sur le mont Tumba, suivi d’un grand concours de peuple.

Le mont Tumba n’était pas autrefois, comme maintenant, entouré de ces grèves solitaires que les brouillards voilent souvent d’une nuit impénétrable, et dont le sol perfide se dérobe sous les pas du voyageur inexpérimenté. Ce rocher se rattachait alors au continent par un terrain couvert de bois et entrecoupé de ravins rocailleux. Une petite communauté d’ermites vivait éparpillée dans ces forêts. Suivant la tradition, le miracle, par lequel sainte Austreberthe avait signalé sa puissance sur un animal farouche, se renouvela en faveur des solitaires du mont Tumba : Un âne, dressé à ce charitable office par le curé de la petite paroisse de Beauvoir, portait chaque jour, aux bons ermites, leurs provisions alimentaires. Un loup affamé s’étant rencontré, certain jour, sur la route de l’âne, dévora, d’un seul repas, la charge et le porteur. Les solitaires jeûnèrent pendant une journée, mais, dès le lendemain, le loup fut amené, de lui-même, à remplir les fonctions de l’âne défunt. Ainsi l’avait ordonné le ciel.

Lorsque saint Aubert fut arrivé sur le mont Tumba, il fit part, aux religieux et au peuple, de l’ordre céleste qu’il avait reçu ; il montra, sur son front, la marque du doigt de l’ange. Tout le monde fut d’avis qu’il fallait obéir à ce miraculeux avertissement. Comme sa vision le lui avait annoncé aussi, saint Aubert trouva, sur le mont, un taureau attaché à un arbre ; l’espace, foulé par ce taureau, indiquait l’emplacement que l’on devait choisir, pour y bâtir l’église.

Les ouvriers se mirent, au plutôt, à préparer le terrain ; mais un rocher énorme obstruait une partie de l’espace que devait occuper l’édifice, et tous les efforts des travailleurs n’avaient pu réussir à ébranler sa solidité. Cependant, les obstacles, en apparence les plus invincibles, sont aussi fragiles et aussi légers qu’un grain de sable, lorsque la main de Dieu vient en aide. Sur la foi de ses célestes révélations, saint Aubert alla chercher, dans le voisinage, un enfant d’un an, fils d’un homme nommé Bain. Amené sur les lieux, l’enfant toucha de son petit pied la pointe du roc, qui s’écroula aussitôt avec fracas. Tout étant disposé pour la construction de l’édifice, il ne restait plus qu’à fixer la forme qu’il conviendrait de lui donner. Le prince des archanges avertit saint Aubert de limiter exactement l’église sur l’espace où les herbes abattues par les pluies auraient laissé le terrain aride et dépouillé. L’entreprise ne fut pas retardée davantage ; elle s’accomplissait avec apparence de succès, quand l’eau vint à manquer aux ouvriers. Aussi ferme de volonté et de foi que le législateur des hébreux, saint Aubert frappa, de sa crosse, les flancs du rocher, et en fit jaillir, à son commandement, une eau bienfaisante qui, depuis, fut renommée par ses effets salutaires sur les malades. L’église achevée, saint Aubert envoya chercher, en Italie, au monastère de Saint-Gargan, une portion des reliques du bien-heureux archange, que l’on y conservait. Ces reliques consistaient en une tunique de couleur écarlate, que saint Michel avait revêtue dans ses voyages terrestres, et en un bloc de marbre sur lequel ce prince des anges s’était assis et avait laissé l’empreinte de son corps. Les députés de saint Aubert obtinrent un pan du manteau et un fragment du marbre, et, munis de ce rare dépôt, retournèrent vers la Neustrie ; mais, lorsqu’ils approchèrent du mont Tumba, désormais le Mont-Saint-Michel, à peine purent-ils se reconnaître, au milieu du changement qui s’était opéré : la mer avait dévoré la forêt qui s’étendait naguère au pied du rocher ; on ne découvrait plus maintenant, de toutes parts, qu’une grève sablonneuse. Saint Aubert déposa les reliques dans l’église. Il se préparait alors à faire la dédicace de ce monument, mais il reconnut, le lendemain, à certains indices, que Jésus-Christ, en personne, l’avait consacré pendant la nuit.

L’archange saint Michel, voulant témoigner, par de nouveaux signes, sa prédilection pour l’église que saint Aubert avait érigée en son honneur, lui destina d’autres reliques non moins étranges et curieuses que celles qui avaient été rapportées du Mont-Gargan. Les circonstances extraordinaires qui marquèrent la destination de ces reliques, méritent d’être rapportées.

Il existait, en ce temps-là, un dragon monstrueux qui désolait l’Irlande. Le souffle de cette bête maudite empoisonnait les eaux, flétrissait les plantes, asphyxiait les animaux. Dans leur impuissance à se débarrasser de cet épouvantable fléau, les malheureux habitants eurent recours à l’intercession du ciel, et se dirigèrent processionnellement vers le repaire du monstre. Ils approchent, inquiets de l’issue du combat qu’ils vont tenter ; déjà ils aperçoivent le dragon étendu à l’entrée de sa caverne ; mais, par un hasard qui leur paraît inexplicable, le bruit de leurs pas n’a point réveillé la fureur du monstre. Alors, ils se hasardent à commencer l’attaque ; l’arc, dont chacun d’eux est armé, est détendu au même instant, toutes les flèches volent à la fois sur le terrible ennemi. Nul doute qu’il est atteint. Cependant, sa douleur et sa rage ne se trahissent ni par un mugissement formidable, ni par un sifflement menaçant : le monstre demeure muet et impassible. On s’approche, alors, avec plus de confiance, et l’on reconnaît que l’effroyable reptile est depuis quelque temps privé de vie. Quel a été le libérateur du pays ? Auprès de la dépouille du monstre se trouvent une épée et un bouclier d’une forme particulière, qui n’est point en usage dans la contrée. Alors, on invoque le ciel ; tout le peuple se soumet au jeûne et à la prière, pour obtenir de connaître le puissant vainqueur auquel il doit sa délivrance. Enfin, saint Michel apparaît à l’évêque, et lui déclare que cette victoire est son propre ouvrage, et que, pour lui donner un témoignage de reconnaissance, il faut aller déposer les armes qu’il a laissées sur le champ de bataille, à la montagne consacrée en son honneur.

Les Irlandais n’avaient point encore entendu parler du mont Saint-Michel de la Neustrie ; ils s’imaginent que, par cette montagne qui lui est consacrée, l’archange a voulu leur désigner le mont Gargan. Ils envoient aussitôt des ambassadeurs en Italie, chargés du glaive et du bouclier. Ces messagers débarquent d’abord en France, s’avancent dans l’intérieur du pays, et, le soir d’une journée de voyage, se trouvent avoir dépassé la latitude du mont Saint-Michel. Ils vont prendre leur repos accoutumé, mais, le lendemain, à leur réveil, sans pouvoir se rendre compte de ce fait extraordinaire, ils se retrouvent précisément au même point d’où ils étaient partis la veille. Cependant, ils persistent courageusement à reprendre leur route. Une journée de trajet est de nouveau accomplie, et la nuit suivante, le même événement miraculeux se reproduit. Que faire alors ? Faut-il reculer ou demeurer en chemin ? Qu’on juge de l’embarras et de la détresse des pauvres messagers ; heureux seulement, dans cette malencontreuse alternative, de savoir au moins à quel saint se vouer. Le bienheureux archange ne se laisse point solliciter en vain, il apparaît aux voyageurs, et leur apprend que le mont Tumba est le lieu choisi où doit se terminer leur mission. Les députés Irlandais, enchantés de voir leur déconvenue se terminer d’une manière si satisfaisante, se hâtent d’aller suspendre, à l’autel de l’église favorisée, les armes du chef de l’armée céleste. Ces armes merveilleuses furent conservées religieusement, et, pendant un grand nombre de siècles, elles firent partie du reliquaire de l’abbaye, avec le crâne de saint Aubert, où l’on peut voir encore, de nos jours, l’ouverture faite par le doigt de l’archange.

Avant d’être consacré au prince des puissances célestes, de la manière que nous venons de raconter, le Mont-Saint-Michel, que les chrétiens nommèrent d’abord Mons in procella maris (mont en tempête de mer), ou Mons inpericulo maris (mont en péril de mer), ou même Mons in tumba, parce que les ermites s’y retiraient comme dans une tombe, avait été appelé par les Romains Mons Tumba Beleni. On suppose, en effet, qu’il s’élevait sur ce mont un temple consacré par les Druides à Belenus, c’est-à-dire au Soleil, considéré comme Dieu. Voici la tradition qui nous est restée sur ce temple antique : Les Druidesses du mont Belenus possédaient des flèches qui, lancées dans les flots, avaient la vertu d’apaiser les tempêtes. Mais, pour obtenir ce talisman si favorable, il fallait députer, vers ces voluptueuses prêtresses, un jeune homme dont le cœur n’eût point encore éprouvé l’amour. Lorsqu’il avait déposé dans ce temple les présents qu’il devait avoir eu soin d’apporter avec lui, le jeune homme, sollicité par une de ces belles Druidesses, la suivait au fond de la grotte sauvage et parfumée dont elle faisait sa demeure. Il accomplissait en ce lieu une retraite qui durait quelquefois plusieurs jours. Mais, au moment où il se séparait de la prêtresse, pour retourner parmi les hommes, celle-ci lui attachait autant de coquilles, sur ses vêtements, qu’elle comptait avoir reçu de lui de tendres témoignages d’une amoureuse reconnaissance.

Sans remonter à la tradition druidique, le peuple, qui n’est pas plus avare de contes que les savants ne le sont d’étymologies, explique, par différentes versions fabuleuses, l’origine du nom de Tombelène ou Tombelaine, attribué au Mont-Saint-Michel[15]. Une de ces légendes est rapportée par Wace, dans son roman de Brut :

Du temps du roi Arthur, la nièce de Hoël, duc de Bretagne, fut enlevée, avec sa nourrice, par un terrible géant venu d’Espagne, et transportée sur un mont désert au bord de l’Océan. Cette jeune fille, se trouvant abandonnée à jamais, car nul homme n’osait venir attaquer son ravisseur, mourut de chagrin, et fut enterrée par les soins de sa nourrice, qui ne cessa point de pleurer chaque jour sur la tombe de l’infortunée. Cependant, un chevalier de la suite d’Arthur s’étant introduit, à dessein, dans le lieu inaccessible où le monstrueux géant avait établi sa demeure, fut témoin de la désolation et des regrets de la nourrice d’Hélène. Il retourna vers Arthur, et lui fit part de ce qu’il avait vu. Arthur voulut aller en personne attaquer le géant. Le prince des héros de la Table ronde se mesura, en effet, avec le ravisseur d’Hélène, et la bonne lame d’Escalibour ayant fait merveilles comme à l’ordinaire, le monstrueux géant fut occis. Hoël fit élever une chapelle et un monument funéraire au lieu où le corps de sa nièce avait été déposé ; de là vient le nom de Tombe-Hélène qui fut donné à ce mont.

Une autre tradition, moins ancienne, mais non moins poétique, et plus touchante encore que celle de Wace, a créé une nouvelle héroïne pour prétendante à ce patronage si disputé :

Une jeune fille du nom d’Hélène fut obligée de se séparer de Montgommeri, son fiancé, qui suivait Guillaume-le-Conquérant dans son expédition contre l’Angleterre. La pauvre délaissée gravit le haut promontoire, et demeura en contemplation devant le vaisseau qui lui enlevait son bonheur, jusqu’à ce que la brume de l’Océan eut étendu un voile devant ses regards. Alors le chagrin la frappa subitement au cœur ; elle mourut ! On se fit un devoir d’ensevelir cette infortunée à la place même où son dernier soupir d’amour s’était exhalé. Les pêcheurs de la côte ont observé que, chaque année, le jour anniversaire de cette triste catastrophe, une blanche colombe vient errer le soir sur les genets de Tombelène, et ne s’envole que le lendemain à l’aurore.

À la suite des anciennes légendes que nous venons de raconter, nous trouvons relatés, dans l’historique du mont Saint-Michel, un grand nombre de miracles obtenus, pendant les derniers siècles, grâce à l’intercession du puissant archange. Comme ces miracles n’ont point de singularités qui leur soient propres, et qui les distinguent de tous les faits extraordinaires que l’on raconte, à propos des pèlerinages les plus renommés, nous ne les consignons point ici, afin de ne pas fatiguer l’attention du lecteur, et de ne pas surcharger sa mémoire de détails oiseux. Cependant, il est curieux de remarquer que saint Michel, sans doute à cause du poste important qu’il s’était choisi, non-seulement s’institua le gardien titulaire de la montagne qui lui était consacrée, mais encore la sentinelle protectrice de la France. Il défendait à outrance l’indépendance nationale de ce royaume contre ceux qui en ont été, de tous temps, les plus persévérants ennemis. Le mont Saint-Michel était devenu véritablement, pour les Anglais, Mons in procella maris ; car, chaque fois que, avec des intentions hostiles, leurs vaisseaux tentaient de s’approcher de la côte, le formidable archange soulevait une tempête qui les dispersait aussitôt. Lorsqu’une guerre redoutable était près de commencer entre les deux peuples rivaux, saint Michel, pour éclairer l’avenir d’un phare prophétique, illuminait, durant la nuit, le campanile de son temple d’une clarté plus resplendissante que la lumière du jour, et qui s’épanchait sur tous les lieux environnants. C’est surtout pendant le quatorzième siècle, à l’occasion de la guerre opiniâtre qui mit si long-temps en cause la nationalité française, que l’on vit apparaître avec le plus d’éclat, et se renouveler le plus souvent cette illumination miraculeuse, nommée par le peuple : le Feu Saint-Michel[16].

Dans des temps plus paisibles, on a remarqué souvent aussi, pendant la nuit, des lumières moins frappantes que celles du Feu Saint-Michel, mais d’un éclat tout céleste, qui remplissaient l’intérieur du temple angélique. Parfois on entendait des mélodies ravissantes, comme si les anges s’étaient plu à se réunir en ce lieu de prédilection, pour célébrer leur invincible chef, l’archange saint Michel, prince du ciel, dominateur de l’enfer, immortel vainqueur de Satan.



  1. Guizot, Cours d’histoire moderne, t. II, p. 159.
  2. Le nom de la forêt de Roumare paraît se rattacher à cette étymologie.
  3. Le Trisergon de l’abbaye de Fontenelle en Normandie, par dom Alexis Bréard, manusc. du xviie siècle ; Biblioth. de Rouen, mss. Y, 110.
  4. Brieſve chronique de l’abbaye de Saint-Wandrille, publiée, pour la première fois, d’après le cartulaire de Saint-Wandrille de Marcoussis, ms. du xvie siècle, de la Bibliothèque de Rouen, par M. A. Pottier, Revue rétrospective normande, Rouen, 1842.
  5. Appendix ad Chronicon Fontanellense, in Spicileg. Acherii, t. II, p. 285.
  6. Jumiéges se nommait autrefois la Terre gémétique : quelques auteurs prétendent que ce mot vient du latin gemere ou gemitus, à cause des pieux gémissements des moines qui l’habitaient ; les autres pensent qu’il dérive de gemma, pierre précieuse, parce que c’était la perle des monastères. (Deshayes, Hist. de Jumiéges, p. 1 et 2.)
  7. La tour d’Alvarède fortifiait les remparts de Rouen ; elle était située à l’endroit où est maintenant la rue de la Poterne. (Farin, Histoire de la ville de Rouen, t. I, p. 101.)
  8. Deshayes, Histoire de Jumiéges, p. 4 et suivantes. — Trigan, Histoire ecclésiastique de la Normandie, t. I.
  9. La Vie et Légende de nostre bonne et glorieuse mère, Madame sainte Baultheur Royne de France ; extrait d’un manuscrit de la Bibliothèque royale, provenant du fonds de Cangé, imprimé d’après une copie de M. Floquet. — Miracle de Nostre Dame et de sainte Bautheuch, copié sur un manuscrit du xive siècle, de la Bibliothèque du Roi, par M. Jubinal, revu par M. Leroux de Lincy. — Ces deux intéressants manuscrits ont été publiés, pour la première fois, par M. Frère, libraire-éditeur, à la suite de l’Essai sur les Énervés de Jumiéges, par E.-H. Langlois, Rouen, 1838.
  10. E.-H. Langlois, Essai sur les énervés de Jumiéges, p. 64 et suiv.
  11. Voir une note de M. A. Deville : Essai sur les Énervés de Jumiéges, p. 53.
  12. Navibus Gimeias venit, vidensque S. Petri monasterium monachilis habitationis domibus adornatum, sanctumque reputans esse locum, morari illic distulit. Sed ultrà flunien ad Capellam S. Vedasti naves applicuit, corpusque cujusdam virginis, nomine Hameltrudis, quod secum asportaverat, super altare S. Vedasti posuit. (Dudo S. Quintini, l. II, apud Duchesne, p. 75.)
  13. Guillaume de Jumiéges, en racontant cette histoire, se met en contradiction avec lui-même, puisqu’il avait dit précédemment, lib. II, ch. xviii, que l’église de St.-Pierre et St.-Aicadre de Jumiéges avait été désignée à Rollon, lors de son baptême, comme une de celles qui méritaient d’avoir part à sa munificence.
  14. Deshayes, Histoire de Jumiéges, p. 56.
  15. Le nom de Tombelène a été aussi donné, par extension, et conservé jusqu’à nos jours à un îlot inhabité, situé à une demi-lieue, au nord-est, du Mont-Saint-Michel.
  16. Jean Huynes, manuscrit cité par l’abbé Desroches : Histoire du Mont-Saint-Michel.