La Mystification fatale/Première Partie/III


Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 7-9).


§ III. — Preuves à l’appui de la thèse précédente.


Faut-il donc admettre que les actes de tous ces conciles aient été falsifiés en cet endroit, comme on le suppose pour ceux du troisième de Tolède, puisque le cas en est le même ? C’est inadmissible. Ils sont tous intacts et génuines, mais ils contiennent une erreur matérielle, une erreur de fait, comme celle du troisième, par lequel nous avons commencé. Il faut inférer de tout cela, que les anciens copistes ou éditeurs des actes de ces conciles, ceux de Cologne ou de Paris, s’apercevant de cette erreur, ont retranché le filioque pour mettre ces actes des conciles hispaniques en accord avec les actes des conciles œcuméniques et avec l’histoire ecclésiastique, mais que les éditeurs postérieurs l’y ont inséré de nouveau pour mettre ces actes en accord avec le dogme accrédité. Croyant y devoir commettre, comme d’usage, une fraude pieuse, ils n’ont fait que restaurer, à leur insu, l’état génuine de la rédaction primitive.

Si l’on n’admet pas cette élucidation, et que l’on veuille entacher tous ces actes de falsification, il leur devient alors impossible de nous expliquer comment cette addition, de l’aveu de tous, a eu son origine dans les Espagnes, sans savoir nous dire par qui, et comment, et quand ; car dans aucun de ces actes ne paraît une proposition, discussion ou explication sur la convenance de cette addition, ce qui produit le grand embarras de ceux qui soutiennent la nécessité de son insertion.

St-Antonin, archevêque de Florence, qui avait assisté au concile réuni en cette ville, écrivait dans sa chronique (pars III, titul. 22, capit. XIII), sur le filioque, ce qui suit : « Assurément on doit croire qu’il a été ajouté par le Pape ou par quelque concile, car quel autre aurait osé le faire ? Cependant, par quel Pape, par quel concile ? Nous n’en savons rien. - Certum est nec credendum ab alio appositum, nisi a Papâ vel aliquo concilio. Quis enim alius hoc praesumpserit ? Verum a quo Papâ, vel concilio non usquequaque certum. » (Chron. pay. III, tit. III, c. 13, § 13, cité par Ffulkes, pag. 417.) Mêmes embarras d’André, évêque de Coloseen, pendant les sessions tenues dans la ville de Ferrare. Mêmes embarras encore de Thomas d’Aquin (Quaestionum pars I, quaest. 36, cap. 2) et dernièrement de Thomas, de la Compagnie de Jésus, et de Pierre Pithée (dont on peut voir les passages cités par Zernicavius, pag. 438 à 440. Voir encore Ffulkes, pages 417 et 420. — Ελεγχ. παπιστ. τ. Β. σελ. 83).

Cependant deux ou trois grecs déserteurs, passés au papisme : Manuel Calecas et Joseph, évêque de Méthone, ainsi qu’un certain Georges Aristinus, ont mis en avant que ce fut le pape Damase qui le premier a inséré dans le symbole le filioque, chose rapportée par Godebardus ; mais le Père Pétau dans son indignation s’écrie que c’est une énorme fausseté, falsissimum est, et Pagi aussi dans ses notes ou pour mieux dire dans ses rectifications de Baronius prouve encore la fausseté d’une telle assertion. D’autres ont mis en avant une lettre de Léon Ier et une autre d’Innocent Ier, comme adressées au premier concile de Tolède en l’an 396 ou même 400, où ils recommanderaient l’insertion du filioque ; mais Pagi a démontré que tout cela est faux. (Voir Zernicavius, pag. 442. — Ελεγχ. παπιστ. σελ. 86. Fflukes, pag. 431. Le même, An Account, pag. 13, n. 8.)