Calmann Lévy, éditeurs (p. 31-34).


À UNE JEUNE FILLE


LA VEILLE DE SON MARIAGE





Or çà, vous allez donc — ô ma petite amie ! —
Vous que je fis, enfant, sauter sur mes genoux,
Prononcer, d’une voix plus ou moins raffermie,
Le « Oui », le « Oui » fatal qui vous donne un époux.

Sur ce petit mot-là, si rapide et si grave,
Vous allez, dès demain, vous unir à celui
Qui vous semble, entre tous, beau, tendre, noble et brave…
Et pour vous le grand jour du mariage a lui !


Regardez : pour fêter votre frais hyménée
La nature sourit harmonieusement,
Et le divin printemps, jeunesse de l’année,
À votre jeune amour offre un cadre charmant.

Paris, sortant enfin d’un long hiver morose,
Revêt un gai manteau fait de mille couleurs ;
Des nuages légers flottent dans le ciel rose…
C’est le temps des rayons, des chansons et des fleurs.

À l’hymne universel de la nature en fête,
Aux chants harmonieux des plaines et des bois,
Moi — que pour mes péchés le ciel a fait poète —
Moi, votre vieil ami, je viens mêler ma voix.

J’appelle de tout cœur sur votre tête blonde,
Sur l’auréole d’or de vos cheveux tressés,
La somme de bonheur la plus grande en ce monde,
Et l’accomplissement des rêves caressés.


Ah ! ces rêves exquis, rêves de jeune fille,
Ils se ressemblent tous un peu, j’en suis bien sûr,
Et doucement éclos au sein de la famille
Vont au même horizon, montent au même azur.

Oui, toutes, vous rêvez, en vos âmes sereines,
L’idéal absolu du mariage humain :
Partage de bonheurs et partage de peines ;
Beaux songes sans réveil, beaux jours sans lendemain !

Oui, pressentant trop bien vos faiblesses de femme,
Toutes vous l’appelez, ce bienfaisant appui
D’un compagnon dont l’âme est la sœur de votre âme,
Et qui se donne à vous en vous prenant à lui !

Et plus encor, malgré ses tristesses amères,
Son mystère à vos yeux étrange et redouté,
Ô vous que le ciel fit pour devenir des mères,
Vous rêvez au bonheur de la maternité.


Vous en voulez à vous, de ces chérubins roses…
C’est là votre désir entre tous triomphant.
Dieu met un complément suave à toutes choses :
À la fleur, le parfum ; à la femme, l’enfant !

À vous le vrai bonheur, le seul que rien n’entame,
Fait d’estime profonde et de nobles amours :
Adieu, petite fille !… Et salut à Madame,
Madame dès demain, Madame pour toujours !