La Muse qui trotte/5
ROSES DE NICE
Bien peigné, De l’horticulteur en vogue, Odorants, En ordre de catalogue. Un bouton, Qui, près de s’ouvrir, se penche, Et brutal Vient, brille au soleil… et tranche. Déprimant Pêle-mêle, au fond des boîtes ; Trépidant, Le heurt aux planches étroites ; Où les deuils Viennent en tas se confondre, De Paris, Ou vers les brouillards de Londre ; Incertain, Dans le brouhaha des gares, Du grand trot En des camions barbares ; Aux plis lourds, Les satins et les peluches Encombré De coûteuses fanfreluches, D’un instant… La dernière cavatine… Au col droit, Sec comme une guillotine.
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Entr’ouverts Par des guimpes satinées, Qu’à l’exil L’homme vous ait condamnées ? N’est-ce pas, Sous vos perles de rosée, Le soleil Dorait la mer irisée ? Engourdi, De langoureuses caresses En amant Prodigue de ses tendresses ?
Chaque nuit Vous entourait de son voile Fixe et doux Tomber un regard d’étoile ? Dans l’azur Que toute journée amène, Vivre au moins Vos cent ans… une semaine ! Surchauffés, Où flotte une âcre poussière, Onduleux, Vous marchandent la lumière ;
Compliqués Des villes aux ciels moroses, Désespoir Doit vous prendre, ô pauvres roses ! Et mourir, Courbant vos tiges fluettes, Assoupis Comme des larmes muettes…
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