La Muse qui trotte/2
APRÈS LE DÎNER
Qui voyage Jusqu’au plafond du fumoir.
Et bruyante Où l’on a trop bien dîné, À l’anglaise… Quel plaisir de raffiné ! Tous entre hommes, Et l’on n’est pas obligé Et, modeste, De parler en abrégé. Le bourgogne Nous a réjoui l’esprit : Chacun ose Risquer son petit récit.
Qui vous pique Ou vous met en désaccord ; Embrouillée, Qui bien vite vous endort ; Dont on rie À ventre déboutonné ; Qui circule Et qui meure aussitôt né ; Qui se glisse Dans le monde, en tapinois ; Qu’on « replace » Pour la deux centième fois ;
Racontée Avec un air important ; Dans la tête Vous a passé pour l’instant.
⁂
Et cependant, délaissées, Espacées Dans le salon vide et froid, Et se posent De trois quarts, le buste droit. Insipides, Sur le vilain temps qu’il fait ; Sur le bébé que l’on sèvre ; Sur la fièvre Que donnent les dents de lait ; Couturière « Que l’on veut quitter toujours », S’accommode, Peau de cygne ou fin velours ; Ou bien dues Depuis « des temps et des temps » ; Sur les fêtes Que prépare le printemps ; Blonde ou brune, A lu, lit ou bien lira ; Sur la dernière soirée Consacrée À bâiller… à l’Opéra ; Sur la drogue Qui guérit… pour le moment ; Gens pratiques, Qui « manquent de dévouement » ; Les voyages, Les médecins, les abbés, Les nourrices, Les couches et les bébés ! Coule, coule, En soupirs apitoyés ; Pauvres, pauvres femmelettes, Si seulettes, Comme vous vous ennuyez ! Dans l’attente Du retour du sexe laid Parfumée, S’obscurcit le cervelet.
⁂
Enfin, voici qu’ils reviennent !… Ils se tiennent Debout, dans le salon clair, De Havane Dont bientôt s’imprègne l’air.
Leur pardonne, Et l’on entend dans les coins Cette phrase : « Était-ce bien bon, au moins ? »
|