La Mort en face/Psaume VII

PSAUME VII

J’ai passé cette nuit au mont des Oliviers.
Étais-je auprès de vous, bien indigne, Seigneur ?
Je ne sais, mais la chaîne était lourde à mes pieds,
Et je suais aussi, comme vous, ma sueur.

Ce n’est pas sans grand mal, voyez-vous qu’on arrache
Notre cœur aux seuls biens auxquels il fut voué
Et l’ange vient trancher plutôt qu’il ne détache
Le fil de ce bateau que vous aviez noué.

Vous avez trop connu cette terre où nous sommes,
Vous avez trop aimé l’air que nous respirions,
Pour n’avoir pas souffert ce que souffrent les hommes
Et n’avoir pas gémi dans votre passion.

Ah ! si demain, Seigneur, du jardin des Olives,
Je pouvais repartir vers le monde qu’on voit,
Laissez-moi boire encor aux fontaines d’eau vive,
Et laissez s’éloigner cette coupe de moi.

Mais s’il vous faut encor mon attente, Seigneur,
S’il vous faut l’aube noire et la plus dure peine,
Prenez l’arrachement et prenez la douleur,
Que votre volonté soit faite et non la mienne.

Fresnes, le 5 février 1945.