La Mort en face/Lettre de Robert Brasillach

Je remercie les intellectuels français, écrivains, savants, artistes, musiciens, universitaires, qui ont bien voulu formuler un recours en grâce en ma faveur. Je ne veux ici en nommer aucun. Leur liste comporte les plus hauts génies de notre race, à l’égard desquels ma dette est immense. Il en est dont les travaux et l’activité sont fort éloignés des miens, et qui auraient pu se montrer indifférents. Nous ne nous connaissons pas personnellement, et je leur en ai d’autant plus de gratitude. Pour certains autres, il m’est arrivé dans le passé de me montrer particulièrement sévère, et je n’avais rien fait pour mériter leur appui. Dieu m’est témoin que ce que j’ai pu dire d’eux était toujours motivé par des réactions personnelles, antérieures à la guerre, et que, si je les ai combattus, cela a été en toute sincérité. C’est chez ceux-là que j’ai trouvé les défenseurs les plus ardents, et ils ont ainsi montré une générosité qui est dans la plus grande et la plus belle tradition des Lettres françaises.

D’autres hommes, jeunes encore, dont je suis fier d’avoir toujours salué le talent, se sont joints à eux avec une amitié et un cœur qui me touchent profondément. S’il en est qui ont cru pouvoir oublier leur attitude amicale des temps où j’étais libre, et qui ont peut-être sacrifié à ce qu’André Chénier nommait « les autels de la peur », je ne veux pas m’en souvenir. Il en est assez, et parmi les plus grands noms d’aujourd’hui et de tous les temps, pour avoir passé outre aux idées politiques et morales qui sont les leurs, et pour avoir laissé parler d’abord leur cœur et leur esprit.

Ils me permettront de joindre dans ma reconnaissance à leur liste éclatante celle des innombrables jeunes gens de toutes opinions, étudiants ou particuliers, qui m’ont fait signe, qui ont écrit pour moi, parce qu’ils savent que je ne les ai jamais engagés aux aventures où notre patrie aurait risqué son jeune sang, et qu’à l’heure du danger, j’ai voulu rester parmi eux.

Même si ce que j’ai pu penser, en des circonstances dramatiques pour notre pays, les a choqués, je leur affirme à tous que les erreurs que j’ai pu commettre ne proviennent à aucun degré de l’intention de nuire à ma patrie, et que je n’ai jamais cessé, bien ou mal, de l’aimer. En tous cas, au delà de toutes les divergences et de toutes les barricades, les intellectuels français ont fait à mon égard le geste qui pouvait le plus m’honorer.

Fresnes, le 3 février 1945.

(signé) : Robert Brasillach.