La Mort de l’Aigle (Ivoi)/p01/Ch19

sous le pseudonyme de Paul Éric
Combet & Cie, Éditeurs (Ancienne Librairie Furne) (p. 166-175).


CHAPITRE XIX

… Et celui d’Henry de Mirel


Espérat approchait de Saint-Dizier, cette petite ville, que le terrible incendie de 1775 avait privé de tous ses édifices anciens, de tout ce qui séduit les amateurs de pittoresque.

Soudain, des buissons alignés en bordure de la route, une voix cria en français :

— Halte là… qui vive ?

Le gamin s’arrêta net, se demandant avec surprise si les troupes de l’Empereur se trouvaient déjà en cet endroit.

— Qui vive, reprit la voix. Réponds si tu tiens à la vie.

Non, un soldat n’eût pas parlé ainsi, et Milhuitcent dit :

— Habitant du pays.

— Avance à l’ordre.

Dans la direction du son, l’adolescent fit quelques pas. Des formes sombres surgirent des broussailles. Espérat reconnut des soldats russes.

Ceux-ci lui appuyèrent leurs baïonnettes sur la poitrine, mais le cœur du vaillant enfant n’était pas accessible à la peur, il railla :

— Les Cosaques apprennent donc le français maintenant ?

L’organe impérieux, qui s’était fait entendre tout à l’heure, prononça des paroles incompréhensibles, sans doute en dialecte moscovite, puis employant de nouveau la langue de France :

— Suis ces soldats. Toute résistance serait dangereuse.

— Je le vois bien, fit insoucieusement le jeune garçon ; mais ce que je voudrais voir, c’est le Russe qui converse si bien dans mon idiome.

— Tout à l’heure tu seras satisfait, lui répondit-on.

Ses gardiens le poussèrent en avant. Avec eux, il s’engouffra dans les buissons et se trouva bientôt sous les arbres de la forêt qui enserre Saint-Dizier au nord et à l’est.

On suivit une sente à peine tracée. Milhuitcent commençait à s’inquiéter. Allait-on le conduire loin ainsi, alors que ses instants étaient comptés ; alors qu’un retard pouvait lui faire perdre la piste de ceux qu’il voulait, rejoindre à tout prix.

Il fut vite rassuré. À trois ou quatre cents pas de la lisière, la troupe déboucha dans un petit carrefour gazonné, au centre duquel s’élevait une de ces cabanes rustiques, faites de troncs d’arbres et de branchages, que les « charbonniers » construisent lorsqu’ils exploitent un lot de forêt.

Par la porte à claire-voie filtrait un rayon de lumière. Un soldat le désigna au prisonnier. Ce dernier comprit et poussa le battant.

Dans la misérable masure, trois hommes se tenaient, éclairés par une chandelle fumeuse, fichée dans le goulot d’une bouteille posée sur le sol de terre battue. L’un, dormait étendu sur une couchette de feuilles sèches, les deux autres assis, ayant pour sièges des billes de bois, regardèrent le jeune garçon. Lui aussi, les considérait, frappé de l’élégance de leur uniforme. Certes, ils étaient à « l’ordonnance » de l’armée russe, mais leurs traits, leur coiffure, leur attitude, décelaient des gens plus accoutumés aux salons qu’aux grandes routes.

Ce mutuel examen dura vingt secondes. Après quoi, celui qui avait fait procéder à l’arrestation du voyageur. — Espérat, reconnut sa voix — questionna d’un ton à la fois impertinent et aimable :

— Qui es-tu ?

L’enfant répliqua sans hésiter :

— Et toi ?

Son interlocuteur fronça le sourcil :

— Eh ! eh ! Voilà un jeune coq qui chante clair.

— Dam ! un coq gaulois… cela ne doit pas le surprendre, toi, qui me parais avoir appris notre langue dans ce pays, où tu te fais détrousseur de grands chemins.

— Tais-toi, ordonna l’inconnu. Tu es devant des officiers appartenant au corps d’armée de M. de Langeron…

— Langeron, un ancien Français, je crois, dit le jeune garçon avec ironie.

— Il l’est toujours.

— Tu te trompes, officier ; quand on commande des régiments russes qui marchent contre la France, on n’est pas Français, mais Cosaque.

L’officier frappa du pied avec impatience.

— Cesse de plaisanter, louveteau ; je pourrais t’en faire repentir. Et d’abord, souviens-toi que le marquis d’Armaillé ne souffre pas qu’un rustre le tutoie.

Milhuitcent s’inclina :

— J’allais vous dire la même chose… en termes plus polis par exemple… il est vrai que je n’ai pas appris une langue étrangère.

L’homme qui avait gardé le silence jusque là, se prit à rire en disant :

— Allons, allons, d’Armaillé, ne te fâche pas. Cela me réjouit de retrouver l’esprit de repartie ; ce n’est pas un moujick qui répliquerait ainsi.

L’interpellé eut un signe de tête, et d’un ton froid ; mais où plus rien ne restait de l’insolent persiflage passé :

— Où alliez-vous quand on vous a pris ?

— À Saint-Dizier.

— Vous y résidez ?

Espérât hésita, puis prenant son parti :

— Non.

— Alors quelle raison vous y amène ?

— Une commission pour M. le vicomte d’Artin.

Les interlocuteurs du gamin tressaillirent à ce nom :

— Pour le vicomte d’Artin, avez-vous dit ?

— Oui, et chaque minute retarde une communication importante.

— Quelle communication ?

— Destinée au vicomte, à lui seul, je n’ai pas à vous en faire part.

— Ah ! prends garde. Il est dangereux de se moquer de nous en pleine forêt…

— Pourquoi ?

— Parce que les arbres ne manquent pas.

Espérat sourit dédaigneusement :

— Je comprends… Une grosse branche, un bout de corde…

— Autour du cou, mon garçon… ; rien ne vaut cela pour délier les langues trop discrètes.

— Ah bien ! s’écria l’enfant, voilà bien la première fois que j’entends proclamer la pendaison mère de l’éloquence.

Et avec une gracieuse révérence :

— Il me tarde de savoir si vous ferez un discours le jour où vous serez pendu.

La main du marquis se crispa sur la poignée de son sabre :

— Manant, … sache que la corde ne convient pas à un gentilhomme.

— Bah ! un gentilhomme a le cou d’un homme, et au bout d’une branche, il ne pèse pas plus qu’un croquant.

Peut-être M. d’Armaillé eût-il fait repentir Espérat de sa plaisanterie, mais son compagnon intervint :

— Voyons, marquis, tu ne vas point prendre au sérieux ce jeune drôle. Moi, il m’amuse.

— Parbleu ! ton cou n’est pas en cause.

— Le tien non plus. Tu le menaces de la corde ; il riposte, voilà tout. Sachons nous accoutumer à pareille aventure. Il y a eu une révolution en France… et si la noblesse veut la diriger, elle doit la comprendre…

— La comprendre…, baron…, comprendre un peuple rebelle qui a frappé son roi.

— Que veux-tu… Les gens bien informes prétendent que le peuple avait commencé par supporter longtemps les coups.

Mais se tournant vers le prisonnier :

— Laissons cela. L’heure n’est point aux discussions philosophiques. Vous vous rendez auprès du vicomte d’Artin, mon ami. Vous êtes libre de continuer votre chemin.

Et se levant, il appuya sa main gantée sur l’épaule de l’enfant :

— Seulement, mon jeune brave, ne vous laissez pas emporter par votre désir d’avoir le dernier mot… Il se rencontre des esprits quinteux qui vous priveraient de la parole — il eut le geste expressif de passer une corde au cou, avant d’achever avec un clignement d’yeux d’intelligence… et j’en serais fâché, pour vous d’abord, et pour d’Artin ensuite, lequel ne connaîtrait jamais ce que vous avez à lui apprendre.

Tout en parlant, il entraînait l’adolescent vers la porte. Sur le seuil, il regarda les soldats groupés à peu de distance, en appela un et lui enjoignit de reconduire le prisonnier sur la route.

— Allez, conclut-il en manière d’adieu. N’oubliez pas mes recommandations. Pour qui n’est pas soldat, le courage n’est que la seconde des vertus, la première est la prudence.

Milhuitcent salua son interlocuteur :

— La première est la mémoire, M. le baron ; votre courtoisie restera dans mon souvenir…

— J’en suis assuré, répondit le gentilhomme, aussi je complète ce souvenir par le nom d’un homme qui apprécie la vaillance dans tous les partis, et qui s’efforcera toujours d’éviter les inutiles exécutions. Rappelez-vous que je ne serai jamais l’ennemi de mes adversaires.

Et lentement :

— Je suis Alphonse-Marie-Louis de Lamartine, garde du corps du Roi, si notre cause triomphe. En ce cas, usez de moi si vous vous trouvez dans l’embarras.

C’était le poète qui, plus tard, devait écrire Jocelyn, que le hasard venait de jeter sur le chemin de l’enfant.

— Partez, mon jeune ami, ordonna-t-il. Le mot de passe que je confie à votre loyauté est : Roschkia (Russie).

Avec le soldat, Milhuitcent regagna la route ; son guide s’arrêta à la lisière du bois, et le jeune garçon marcha vers Saint-Dizier.

Les premières maisons étaient proches. Des factionnaires hélèrent bien le voyageur ; mais grâce au mot de passe, elles ne le retinrent pas.

Maintenant il était dans les rues étroites, sinueuses. De loin en loin des alignements de faisceaux, devant lesquels des sentinelles, engoncées dans un manteau de faction, se promenaient frappant le sol de la semelle pour se réchauffer.

Sauf ces soldats de service, tout semblait dormir dans la cité envahie.

Voici la Grande Rue.

Espérat s’y engage… Bientôt il parvient devant le logis Fraisous. Le portail, à la voûte arrondie, se dresse devant lui, encadré par les murs qui vont rejoindre les pavillons avancés.

Les ouvertures, fenêtres ou portes, sont closes. Aucune lumière. Est-ce que là aussi on dort ?

Et le gamin se souvient : derrière l’hôtel s’étend un jardin de quelques centaines de mètres carrés, bordé par une muraille peu élevée, donnant sur la Ruelle aux Bœufs, voie étroite parallèle à la Grande Rue.

L’escalade en serait facile… ; oui, mais si l’on était surpris, on serait traité comme un voleur.

Bah ! quand on ne l’est pas… En route.

Le brave enfant se jette dans une rue transversale ; il gagne la Ruelle aux Bœufs… Il reconnaît l’enceinte du logis Fraisous.

Une borne est au pied du mur. Il y grimpe, réussit à atteindre la crête de ses mains étendues.

Un rétablissement…, une…, deux…, le voilà à cheval sur la clôture. Il écoule, retenant son haleine.

Le silence règne en maître dans le jardin sombre, au bout duquel l’hôtel se profile ainsi qu’une barrière noire. Cependant, là-bas, une des dernières fenêtres du rez-de-chaussée laisse passer une bande lumineuse, qui jette, en face d’elle, sur le sol feutré de ténèbres, comme un tapis de clarté.

Quelqu’un veille…, attention !

Et lentement, avec des précautions infinies, Espérat se laisse glisser à bas du mur. Doucement, sans faire crier le gravier sous ses pas, courbé, replié sur lui-même, il se dirige vers la croisée éclairée.

En approchant, il eut un geste de surprise. La fenêtre était ouverte.

— Sapristi, murmura-t-il, il n’est pas frileux, l’habitant de la chambre… ouvrir par ce temps froid.

S’avançant encore, il dépassa un massif de rosiers, qui lui cachait en partie la baie lumineuse, et il s’arrêta net avec un grondement sourd. Accoudée à la barre d’appui, une silhouette humaine se découpait sur la croisée.

Espérat s’aplatit contre terre, faisant corps avec l’ombre, puis relevant doucement la tête, il considéra l’être qui veillait seul dans cette maison silencieuse.

— Ah çà ! grommela-t-il au bout d’un instant…, c’est Mirel.

Mais doucement :

— Non, non… Henry Pandin… Mirel n’a plus de mère…, et Pandin en a une qui l’aime.

Un instant se passa sans rien changer à la position respective des deux jeunes gens.

— Que diable fait-il là, murmura Milhuitcent avec un commencement d’impatience ? Il me retarde… Je me montrerais bien, mais s’il a peur, s’il crie.

Comme s’il avait compris la pensée du fils adoptif de M. Tercelin, Henry quitta la fenêtre.

Espérat s’empressa de mettre ce mouvement à profit. En dix enjambées, il fut auprès de l’ouverture et glissa un regard curieux dans la chambre.

Mirel se tenait debout, au centre, le front penché, dans une attitude lasse et désolée.

Il ne fut pas difficile à Milhuitcent de deviner à quoi songeait le malheureux enfant. La scène de la Croix des Cosaques, la conversation rapide avec Marion, avaient décelé au brave garçon la souffrance morale qui pâlissait les joues du chevalier et mouillait ses yeux.

— Le souvenir de sa mère le tient éveillé, se dit Espérat.

Et tout à coup, obéissant à une impulsion primesautière, il chuchota de façon très intelligible :

— Marion Pandin !

L’effet fut magique. Henri frissonna de la tête aux pieds. Il promena autour de lui un regard égaré :

— Je rêve, balbutia-t-il…, c’est mon cœur qui prononce le nom de ma mère…, et mes oreilles croient l’entendre.

— Non tu ne rêves pas, répondit le gamin sans se montrer.

Mirel chancela, mais se raidissant contre l’émotion, il marcha vers la fenêtre en bégayant :

— Qui a parlé ?

— Moi !

Sur ce mot, Espérat se dressa devant la baie ouverte et hâtivement :

— Silence  ! Un cri me perdrait… J’arrive de Rochegaule, où ta mère pleure ton départ.

— Ma mère ?

— Marion…

Henry fit un pas en arrière, son visage se couvrit d’une pâleur livide :

— Ma mère…, vous savez… ?

— Je t’ai vu prier à la Croix des Cosaques, j’ai entendu ta conversation avec celui que tous croient ton frère.

— Ah ! je suis perdu, gémit le blond enfant en se cachant la figure dans ses mains.

— Non… Marion a eu confiance en moi…

— Elle ?

Le chevalier découvrit son visage, enveloppant son interlocuteur d’un regard aigu.

— Il faut que tu aies confiance aussi. Je me tairai, je serai ton ami… et tu ne me trahiras pas.

Le regard limpide d’Espérat disait la loyauté, la franchise. Mirel le sentit avec cet instinct de la jeunesse que le raisonnement de l’âge mûr ne remplace pas.

— Je vous crois… Entrez.

D’un bond, Milhuitcent fut dans la pièce et saisissant les mains d’Henry :

— Écoute… J’oublierai ce que je sais, tu conserveras ton titre.

— Ah ! ne dites pas cela ; je voudrais le quitter.

— Toi ?

— Oui, mais en le rejetant je condamnerais ma pauvre mère…

— Qui t’a substitué au véritable Henry de Mirel.

L’enfant eut un geste d’horreur :

— Elle…, non, non…, ce n’est pas elle… ; mais on l’accuserait.

— Qui donc a commis le crime ?

— Qui… ? Vous ne le savez pas… ; vous me trompiez donc tout à l’heure… ? pour qu’il nous brise, lui qui est sans pitié.

— Ah ! c’est encore d’Artin.

Mais Henry appliqua sa main sur la bouche du jeune garçon :

— Taisez-vous. Taisez-vous… Il nous écoute peut-être, fit-il avec terreur.

Milhuitcent se dégagea et tranquillement :

— Il faut pourtant bien que j’en parle, car je veux lui arracher les prisonniers qu’il a faits au château de Rochegaule.

— Les prisonniers ?

— Et tu m’aideras… Où est-il, lui ; où sont-ils, eux ?

Une épouvante indicible se peignit sur la physionomie de Mirel, et aussi une stupéfaction profonde. Terrorisé pas le vicomte, il considérait comme un fou, ce jeune garçon de son âge, qui osait se dire l’ennemi de d’Artin.

— Allons, réponds donc. Tu as vraiment, trop peur de ton pseudo-frère.

— Ah ! si vous le connaissiez, murmura le fils de Marion, s’abandonnant peu à peu à la confiance.

— Je le connais… À notre première rencontre je lui ai dit son fait.

— Vous ?

— Parfaitement. Que veux-tu ? Tu as l’habitude de trembler ; moi, on ne m’a pas enseigné cela.

— Ah ! vous êtes bien heureux, fit Henry avec conviction.

— Mais, trêve de paroles inutiles… Tu n’aimes pas d’Artin ?

— Oh non !

— Tu le crains ?

— Vous le comprendrez quand je vous aurai raconté…

— Plus tard ! Plus tard ! Allons au plus pressé… Veux-tu m’obéir.

En faisant cette question, Espérat sembla grandir. Dans ses regards ardents, sur ses traits juvéniles, éclatait une telle résolution, que Mirel oublia ses craintes et se donnant à ce jeune chef qui se dévoilait à lui :

— Oui, commandez.

— Parfait ! Alors réponds à mes questions. Où est d’Artin ?

— Aux ruines de l’Abbaye, avec les prisonniers.

— Pourquoi les a-t-il conduits là ?

— Pour les remettre à des gens…, j’ignore lesquels.

— Il faut le savoir, partons.

Et déjà Milhuitcent allait à la fenêtre. Il s’arrêta en voyant que son compagnon ne le suivait pas.

— N’aie pas peur, j’ai le mot de passe : Roschkia… C’est un émigré, officier dans l’armée russe, M. de Lamartine, qui me l’a donné.

Mirel hocha la tête :

— Lamartine… je l’ai vu… ; un vrai gentilhomme celui-là… Accouru d’Italie, où tout le monde le croit encore, il s’est engagé parmi les Russes. Avec M. de Rochechouart, aide de camp de l’Empereur Alexandre, il tâche d’obtenir que la France soit épargnée, que les colères de l’Europe ne frappent que Napoléon, Napoléon qu’il hait, qu’il considère comme un fléau…

Sévèrement Espérat l’interrompit :

— Et moi j’aime Napoléon de toute mon âme… C’est pour le servir que je suis ici…, et je veux que tu l’aimes… Complètement dominé, Henry consentit :

— Je l’aimerai.

— À la bonne heure. En route.

Mirel retint le jeune homme qui se dirigeait de nouveau vers la croisée :

— Non, pas par là.

— Pourquoi ?

— Parce qu’une voie souterraine relie cette maison aux ruines.

— Un chemin… ; on a eu le temps de le creuser depuis deux jours ?

— Pas du tout. Il existait déjà quand l’abbaye était debout. D’Artin connaissait cette particularité…

— Aussi a-t-il choisi le logis Fraisous.

— Justement.

— Guide-moi donc. Espérat et Henri quittèrent aussitôt la chambre, traversèrent sans bruit plusieurs autres pièces et atteignirent l’escalier conduisant aux caves.

En passant, le chevalier s’était emparé dans la cuisine d’une petite lanterne sourde, comme en portaient alors les citoyens que leurs affaires ou leurs plaisirs obligeaient à sortir la nuit.

Le lumignon allumé, les jeunes garçons continuèrent leur hasardeuse exploration.

Le sous-sol se composait d’une dizaine de caveaux, séparés par des murs de refend et des cloisons.

Le chevalier pénétra dans un compartiment situé à peu près au milieu des caves.

Des barriques, des cuveaux y étaient empilés les uns sur les autres ; l’enfant se glissa parmi ces obstacles, les contourna, se faufila entre eux et la muraille.

Espérat eut une exclamation. Une baie noire trouait la paroi, et la voûte basse d’un couloir s’enfonçait dans la terre.

— Voilà le chemin, murmura Mirel. Tâchons de n’être pas surpris par le vicomte… ; il nous tuerait.

— Peuh ! j’ai mon pistolet. Nous serions à deux de jeu.

Et les deux braves petits s’engouffrèrent dans les ténèbres qui se refermèrent sur eux.