Plon (4p. 215-217).


XLI


Après la mort et la fuite des fils de Mordret et de leurs gens, le roi Hector entra dans la ville de Winchester et y fit enterrer Lionel, aussi richement qu’il convenait à un roi couronné. Puis vainement il fit chercher Lancelot : il n’en put avoir de nouvelles. Alors il recommanda ses hommes à Dieu, en leur disant de faire roi qui ils voudraient à sa place, car ils ne le verraient plus ; et il se mit en quête de son frère.

Un jour, son aventure le conduisit justement à l’ermitage où vivait Lancelot. Tous deux s’accolèrent à grande joie et Hector ne voulut plus partir : il s’offrit à son tour au service de Notre Seigneur.

Ainsi les deux frères vécurent ensemble durant quatre ans, menant si bonne vie et priant, jeûnant, veillant tant et tant, qu’il n’était pas d’autre homme qui eût pu souffrir une si grande peine. Au bout de ce temps, Hector mourut et fut enterré dans l’ermitage même. Et peu après, quinze jours avant mai, Lancelot sentit venir sa fin. Il pria l’évêque et l’ermite, ses compagnons, de transporter son corps à la Joyeuse Garde et de le mettre dans la même tombe où était Galehaut, sire des Iles lointaines. Puis il expira.

Alors les deux prud’hommes firent une bière où ils couchèrent le mort, et, la portant à grand’peine sur leurs épaules, ils s’efforcèrent si bien qu’ils arrivèrent au château. Là, ils firent lever la tombe de Galehaut, et Lancelot y fut étendu auprès de son compagnon ancien ; puis des lettres furent gravées sur la lame, qui disaient :


Ci-gît le corps de Galehaut, seigneur des Iles lointaines, et auprès de lui repose Lancelot du Lac, qui fut le meilleur chevalier qu’on ait jamais connu au royaume de Logres, hormis seulement son fils Galaad.


Après l’enterrement, vous auriez pu voir les gens du château baiser la tombe comme si c’eût été celle d’un saint. Quant à l’évêque, il s’en retourna à l’ermitage avec son compagnon, où tous deux employèrent leurs derniers jours à glorifier leur Créateur.